ÉTUD OE S E T M ONOGR APHE PUL \ DÉE FLOP P E ME NT ECOLO IQUEM-T E S OCI?A LE M ENT D URA L SÉRI 1¯4 f Version preliminaire pour examen Les finances rurales 1 )on)1W lN' hln wnl S,rie D,bats - D6veloppement &cologiquement et socialement durable . 1 Culture et developpement en Afrique: Actes de la conference internationale 2 Valuing the Environment: Proceedings of the FirstAnnual International Conference on Environmentally Sus- tainable Development 3 Vaincre lafaim dans le monde : Conference sur f'action c) entreprendre 4 Traditional Knowledge and Sustainable Development: Proceedings of a Conference 5 The Human Face of the Urban Environment: A Report to the Development Community 6 The Human Face of the Urban Environment: Proceedings of the Second Annual World Bank Conference on Environmentally Sustainable Development 7 The Business of Sustainable Cities: Public-Private Partnerships for Creative Technical and Institutional Solu- tions 8 Enabling Sustainable Community Development 9 Sustainable Financing Mechanisms for Coral Reef Conservation: Proceedings of a Workshop 10 Effective Financing of Environmentally Sustainable Development: Proceedings of the Third Annual World Bank Conference on Environmentally Sustainable Development 11 Servicing Innovative Financing of Environmentally Sustainable Development 12 Ethics and Spiritual Values: Promoting Environmentally Sustainable Development 13 The Self and the Other: Sustainability and Self-Empowerment 14 Meeting the Challenges of Population, Environment, and Resources: The Costs of Inaction 15 Rural Well-being: From Vision to Action S,rie Rtudes et monographies (ex-Ftudes sp&iales) - D6veloppement &cologiquement et socialement durable ... .. 1 The Contribution of People's Participation: Evidence from 121 Rural Water Supply Projects 2 Making Development Sustainable: From Concepts to Action 3 Sociology, Anthropology and Development: An Annotated Bibliography of World Bank Publications 1975- 1993 4 La strategie de la Banque mondiale pour rduire la pauvrete et la faim 5 Sustainability and the Wealth of Nations: First Steps in an Ongoing Journey (suite 3page de couverture) ÉTUDES ET MONOGRAPHIES SUR LE DÉVELOPPEMENT ÉCOLOGIQUEMENT ET SOCIALEMENT DURABLE SÉRIE 14 Développement rural Les finances rurales Problèmes, structures et pratiques optimales JacobYaron McDonald P. Benjamin, Jr. Gerda L. Piprek Banque mondiale Washington Copyright © 1997 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/BANQUE MONDIALE 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, États-Unis d'Amérique Tous droits réservés Fait aux États-Unis d'Amérique Premier tirage en anglais : septembre 1997 Premier tirage en français: août 1998 Le présent rapport a été établi par le personnel de la Banque mondiale. Les jugements qui y sont exprimés ne reflètent pas nécessairement l'opinion du Conseil des Administrateurs ou des gouvernements qui y sont représentés. Photo couverture : paysan thaïlandais. Tirée du Rapport annuel 1989 de la Banque de l'agriculture et des coopératives agricoles, Bangkok. Jacob Yaron est conseiller, financement rural, Département du développement rural de la Banque mondiale. McDonald P. Benjamin, Jr., est économiste financier, Unité des finances et du développement du secteur privé, région Asie de l'Est et Pacifique de la Banque mondiale. Gerda L. Piprek est consultante à la Banque mondiale. La Bibliothèque du Congrès a catalogué comme suit l'édition anglaise de cette publication: Yaron, Jacob. Rural Finance : issues, design, and best practices / Jacob Yaron, McDonald P. Benjamin, Jr., Gerda L. Piprek. p. cm. - (Environmentally and socially sustainable development studies and monographs series ; no. 14) Includes bibliographical references. ISBN 0-8213-3737-8 1. Rural credit. 2. Agricultural credit. I. Benjamin, McDonald P., Jr. Il. Piprek, Gerda L., 1962 - . III. Title. IV. Series. HG2041.Y37 1996 332.7'1-dc2O 96-34492 CIP Le texte et la couverture sont imprimés sur papier recyclé. Table des matières Avant-propos ix Remerciements x Condensé xi Abréviations xii Résumé analytique 1 Introduction 11 PREMIÈRE PARTIE APERÇU GÉNÉRAL DE L'APPROCHE TRADITIONNELLE 15 Chapitre 1 Le défi de P'intermédiation financière rurale 17 Les obstacles à l'intermédiation financière 17 Les politiques qui privilégient les zones urbaines 17 Les faiblesses systémiques des marchés des capitaux ruraux 18 Des interventions défectueuses 18 Conclusion 19 Chapitre 2 ILapproche traditionnelle des finances rurales 20 La conception traditionnelle du financement rural 21 Évaluation de l'approche traditionnelle 22 Conclusion 28 DEUXIÈME PARTIE AMÉLIORER L'INTERMÉDIATION FINANCIÈRE RURALE 29 Chapitre 3 Repenser les finances rurales 31 Objectif général I : Augmenter les revenus ruraux 31 Objectif général II : Réduire la pauvreté rurale 41 Conclusion 46 iii iv Les finances rurales Chapitre 4 Créer un environnement favorable 48 Établir un environnement macroéconomique favorable 48 Élimination des dispositions qui pénalisent les secteurs agricole et rural 50 Établir des marchés des capitaux intégrés et efficaces 51 Conclusion 53 Chapitre 5 Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 56 Problèmes relatifs à l'utilisation de garanties 56 Facteurs qui freinent l'essor des prêts non garantis 60 Problèmes qui affectent tous les prêts 62 Solutions possibles 64 Avantages et coûts des réformes 65 Conclusion 65 Chapitre 6 Interventions directes 68 Interventions ciblées 68 Principes directeurs des interventions publiques 71 Mécanismes de garantie des crédits 82 Assurance des récoltes 84 Conclusion 86 TROISIÈME PARTIE TOUR D'HORIZON DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES RURALES 89 Chapitre 7 Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 91 Les problèmes méthodologiques soulevés par l'évaluation de l'impact des projets de crédit rural 92 Évaluation de la performance des institutions financières rurales 94 Taux de rentabilité financière et rendement des capitaux propres des investisseurs 102 Conclusion 103 Chapitre 8 Renforcer les capacités institutionnelles 104 Qu'entend-on par capacités institutionnelles ? 105 Problèmes rencontrés par les IFR 105 Éléments clés du renforcement des capacités 106 Information et incitations 122 Conclusion 122 Chapitre 9 Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 123 Résumé des principales caractéristiques 123 Aperçu général des institutions 124 Performance 126 Méthodes de fonctionnement 129 Améliorations possibles 135 Le cadre de politique économique 136 Conclusion 137 Annexe. Performance et méthodes opérationnelles de la BRI-UD, de la BAAC et de la BG 138 Table des matières v Appendice L'indice de dépendance envers les subventions des institutions financières rurales 145 Notes 149 Références 155 Encadré 2.1 Mérites des financements longs 21 2.2 Comment évaluer les résultats des projets de crédit agricole 23 2.3 Redistribution des crédits et du revenu au Costa Rica 23 2.4 Conséquences des financements institutionnalisés sur l'économie rurale en Inde 24 2.5 Conséquences des subventions en faveur du blé en Arabie Saoudite 25 2.6 Le poids budgétaire des IFR au Mexique 27 2.7 Sur quoi porte l'intervention: Le développement rural et le développement agricole 28 3.1 Groupe consultatif d'aide aux populations les plus pauvres 36 3.2 Offrir des services bancaires viables aux pauvres 37 3.3 Comment des effets externes en matière d'information peuvent être sources de défaillances du marché 38 3.4 Deux obstacles aux transactions financières : Le risque moral et l'antisélection 38 3.5 Le problème des barrières sociales au commerce 39 3.6 Deux points de vue sur les défaillances du marché: Pour ou contre l'intervention 41 3.7 Impact des programmes de crédit sur les bénéficiaires vivant en deçà du seuil de pauvreté 44 3.8 Le crédit peut-il résoudre le problème de la pauvreté ? 45 3.9 Cibler les pauvres : Le cas des infrastructures 46 4.1 Les huit piliers des politiques pro-urbaines 51 4.2 Atténuer le risque de crises bancaires 53 4.3 Deux bonnes raisons de laisser les forces du marché déterminer les taux d'intérêt: L'équité et l'efficacité 54 5.1 La différence entre la délivrance de titres fonciers et le cadastrage 58 5.2 La haute technologie au service du cadastrage 58 5.3 Les lacunes du droit des sûretés 59 5.4 Exécution: Canaris, prison et peine de mort 60 5.5 Les récépissés d'entrepôt: Un instrument qui facilite le financement du commerce et des stocks 61 5.6 Prêteurs non bancaires 62 5.7 Des réformes fragmentaires 63 5.8 L'établissement et l'enregistrement des titres de propriété foncière: Une initiative privée au Pérou 66 6.1 Comment les données empiriques contribuent à justifier et à élaborer les interventions 69 6.2 Les finances rurales en Europe centrale et orientale 72 6.3 Caisses de crédit villageoises en Albanie 74 6.4 Des systèmes financiers qui donnent satisfaction à la majorité 76 6.5 La Banque mondiale et les organisations non gouvernementales 77 6.6 Redressement des coopératives de crédit au Guatemala 78 6.7 Opération pilote de promotion des associations d'épargne et de crédit à Madagascar 79 6.8 Projet pilote de finances rurales pour la Croatie 80 vi Les finances rurales 6.9 La garantie des risques non commerciaux, une idée neuve en Russie 81 6.10 Moldova: mécanisme de garantie avant l'exportation 82 6.11 Principes élémentaires de garantie du crédit 83 6.12 Liquidité et diversification des risques sur les marchés financiers ruraux 85 6.13 Un mécanisme efficace d'assurance des récoltes par l'État: Le cas du sucre à Maurice 87 6.14 Un projet d'assurance contre la sécheresse 88 7.1 Intérêt présenté par l'indice de dépendance envers les subventions d'une institution financière rurale à la Jamaïque 96 7.2 Calcul de l'indice de dépendance envers les subventions 97 7.3 Comparaisons de coûts dans les dépenses publiques 99 7.4 Lignes de crédit: Bilan du recouvrement des prêts par les institutions de rétrocession 100 7.5 Définitions 101 7.6 Illustration du taux de rentabilité financière et du rendement des capitaux propres 102 8.1 La nécessaire réforme institutionnelle 104 8.2 L'impact potentiel des bonifications d'intérêts 105 8.3 Les bonifications d'intérêts : De bonnes intentions, des résultats décevants 106 8.4 Les institutions de crédit rural, instrument politique: L'annulation de la dette en Inde 107 8.5 Informelle ou formelle ? Une institution sud-africaine 108 8.6 Mutuelles rurales d'épargne et de crédit au Bénin 109 8.7 Agence de réinstallation et de développement de Mysore 110 8.8 Le formel rencontre l'informel en Afrique du Sud 111 8.9 Banques villageoises 112 8.10 Le bon usage des groupes dans l'intermédiation financière rurale 114 8.11 La technologie au service des pauvres : La carte à puce fait son arrivée au Swaziland 115 8.12 Qu'est-ce qu'un bon système d'information de gestion ? 116 8.13 Que se passe-t-il si les créances irrécouvrables ne sont pas passées par pertes et profits ? 117 8.14 Qualité des actifs : Un portefeuille de prêts solide 118 8.15 La Cooperative Development Foundation : Renforcement des groupes d'épargne féminins en Inde 120 8.16 Le risque et ses conséquences 121 Figure 3.1 Arbre de décision sur la valorisation des revenus ruraux 32 3.2 Degré de diversification des marchés des capitaux en 1960 et taux de croissance du PIB par habitant de 1960 à 1989 33 3.3 Arbre de décision pour la réduction de la pauvreté 42 4.1 Primes de change et taux de rentabilité économique des projets agricoles 49 5.1 Comment des réformes bien conçues du droit et de la réglementation influent sur les marchés du crédit 65 7.1 Critères d'évaluation de la performance des institutions financières rurales 94 7.2 Optimisation de la performance 95 7.3 Profil de recouvrement des prêts à court terme de la Banque pour l'agriculture et les coopératives agricoles, 1981-86 101 9.1 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts de la BAAC, 1987-93 125 9.2 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts de la BRI-UD, 1987-94 125 9.3 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts de la BG, 1987-94 126 Table des matières vii 9.4 Ratios de rentabilité financière de la BAAC, la BRI-UD et la BG, 1987-94 127 9.5 Rentabilité de l'actif de la BAAC, de la BRI-UD et de la BG, 1987-94 127 9.6 Répartition sectorielle des prêts de la BRI-UD, 1993 128 9.7 Répartition des prêts de la BG depuis sa création 129 9.8 Dépenses de personnel en pourcentage du volume annuel moyen des prêts et des dépôts de la BAAC, la BRI-UD et la BG, 1987-94 129 9.9 Valeur moyenne annuelle du total des dépôts, en pourcentage des prêts, à la BAAC, la BRI-UD et la BG, 1987-94 133 9.10 Frais financiers en pourcentage du volume annuel moyen des prêts totaux de la BAAC, la BRI-UD et la BG, 1987-94 134 Tableau 3.1 L'ancienne et la nouvelle approches comparées 34 5.1 Pourquoi les taux d'intérêt sur les prêts sont-ils élevés en Argentine ? 67 6.1 Variables et options de politique économique dans le cas des interventions directes 70 7.1 Analyse chronologique des arriérés au titre des fonds de roulement à court terme de la Banque pour l'agriculture et les coopératives agricoles, 1981-86 100 9.1 Frais d'exploitation 124 9.2 Répartition des prêts de la BAAC 131 9.3 Conditions de prêt et performance des prêts 132 9.4 Pourcentage de remboursement des prêts par types de clients à la BAAC 133 9.5 Taux d'intérêt annuels moyens, nominaux et réels, appliqués aux prêts de la BG, 1989-94 136 9.6 Indicateurs économiques et démographiques dans les régions où opèrent la BAAC, la BRI-UD et la BG 136  Avant-propos et ouvrage de référence est conçu pour créer un climat général propice, au niveau de la aider les décideurs à créer un environ- situation macroéconomique, des secteurs agricole nement propice au développement des et financier, du développement rural et du régime marchés des capitaux ruraux. Dans ce but, il exa- législatif et réglementaire. mine successivement les conceptions traditionnel- Passant des aspects macroéconomiques et sec- les et les approches nouvelles suivies par les pou- toriels aux questions institutionnelles, l'étude pro- voirs publics dans le domaine des finances rurales. pose deux critères fondamentaux d'évaluation du L'étude décrit d'abord la conception tradition- fonctionnement des institutions financières ru- nelle des finances rurales, qui faisait massivement rales - la présence locale et l'autonomie finan- appel à des institutions de crédit agricole apparte- cière. Elle examine et analyse les méthodes et les nant à l'État et guidées par l'offre. Elle montre résultats de trois institutions financières rurales qui ensuite comment, dans de nombreux pays, des ont particulièrement bien réussi: la Grameen Bank politiques systématiquement favorables aux zones au Bangladesh, la Banque de l'agriculture et des urbaines ont empêché le développement rural et coopératives agricoles (BAAC) en Thaïlande et la l'expansion des marchés des capitaux ruraux. Bank Rakyat, Unit Desa (BRI-UD) en Indonésie. Ces politiques sont, entre autres, la surévalua- L'analyse met en relief la croissance et l'expansion tion des taux de change, le contrôle strict du prix spectaculaires enregistrées par ces institutions dans des produits alimentaires, le sous-investisse- les dix dernières années. Il pourrait être utile de ment dans l'infrastructure rurale et la protec- bien comprendre leurs modalités de fonctionne- tion des industries nationales contre la concur- ment avant d'élaborer des interventions sur les rence des importations. marchés des capitaux ruraux dans d'autres pays. L'ouvrage expose ensuite la conception qui Ismail Serageldin commence à s'imposer, axée sur la création d'un Vice-président environnement favorable à l'existence de marchés Développement environnementalement des capitaux ruraux viables, expliquant comment et socialement durable ix Remerciements ette étude n'aurait pas été possible sans un Richard Roberts, Michel Siméon, Khalid Siraj, travail collectif. Les auteurs remercient David Steeds, Laura Tuck, Panos Varangis et J. D. Heywood Fleisig et Nuria de la Pena qui Von Pischke. ont rédigé le chapitre 5. Nous remercions égale- Nous remercions les personnes suivantes de ment les nombreuses personnes qui ont revu le l'attention et de l'aide particulières qu'elles nous projet et formulé des commentaires à son sujet, ont accordées : Muhammad Yunus, directeur en particulier les auteurs des résumés des mono- général de la Grameen Bank ; M. Masud Isa, graphies qui font l'objet d'encadrés dans le texte : directeur général adjoint de la Grameen Bank ; Lynn Bennett, Hans Binswanger, Colin Bruce, Sil- M. Shahjahan, directeur général adjoint de la via Castro, Rodrigo Chaves, Arie Chupak, Grameen Bank; Don Johnston, Harvard Institute Stephanie Charitonenko Church, William for International Development, Rural Banking Cuddihy, Carlos Cuevas, Sunil Datt, Ramesh Project in Indonesia ; et Pittayapol Nattaradol, Deshpande, Lynn Engstrand, Gershon Feder, vice-président exécutif de la Banque de l'agricul- Delbert Fitchett, Elena Folkerts-Landau, Vinod ture et des coopératives agricoles. Goel, Michael Goldberg, Syed M. Hashemi, Peter Les auteurs remercient également Leo Hazell, Shahidur Khandker, Daniela Klingebiel, Demesmaker qui a revu le texte et Lisa Barczak, Richard Lacroix, Fred Levy, Mohini Malhotra, Gunnar Larson, Tetsutaro Muraki, Wendi Alexander McCalla, Luciano Mosele, Dan Mozes, Maloney, Alison Strong, Donna Allen, Alicia Jupiter Ndjeunga, Maria Nowak, Nwanze Hetzner et Virginia Hitchcock pour leurs contri- Okidegbe, Jo Ann Paulson, Glenn Pederson, Sita butions à la rédaction. La microédition de Ramaswami, Martin Ravaillon, Anandarup Ray, l'ouvrage a été réalisée par Gaudencio Dizon. x Condensé epuis plusieurs décennies, la fourniture cherchent à créer cet environnement. Après avoir aux populations rurales de services finan- décrit la conception traditionnelle des finances ciers à un coût abordable est l'une des rurales, qui reposait massivement sur des institu- idées-forces de la stratégie de développement. Les tions de crédit agricole appartenant à l'État et gui- gouvernements, les organismes de développement dées par l'offre, il expose l'approche qui commence et les autres bailleurs de fonds soutiennent divers à s'imposer, et propose un cadre pratique pour types d'institutions financières rurales pour accé- déterminer le rôle optimal des pouvoirs publics, lérer la croissance et réduire la pauvreté. pour définir l'échelonnement le plus efficace des On se rend compte depuis quelques années que réformes et pour choisir les formes d'intervention la promotion des marchés des capitaux ruraux doit les mieux adaptées. L'étude propose également une s'inscrire dans le contexte général du développe- méthode pour évaluer le fonctionnement des ins- ment rural et de l'intégration des marchés des ca- titutions financières rurales et suggère des direc- pitaux. Dans cette optique, il appartient aux pou- tives à suivre pour établir et gérer concrètement voirs publics de tendre résolument la main au ces institutions. Enfin, le rapport décrit et analyse marché en créant un environnement propice au le fonctionnement de trois institutions finan- développement des marchés des capitaux ruraux. cières rurales florissantes. Les trois études de cas L'ouvrage ici présenté est conçu comme un re- contiennent des renseignements qui peuvent aider cueil d'informations à l'intention des décideurs qui à concevoir des interventions futures. xi Abréviations ACB Agricultural Credit Bank of Jamaica GCAPP Groupe consultatif d'aide aux plus BAAC Banque de l'agriculture et des coopé- pauvres ratives agricoles (Thaïlande) BG Banque Grameen (Bangladesh) BERD Banque européenne pour la recons- IDS Indice de dépendance envers les sub- truction et le développement ventions BID Banque interaméricaine de dévelop- IFR Institutions financières rurales pement OCDE Organisation de coopération BKK Badan Kredit Kecamatan et de développement économiques BRI Banque des règlements internationaux OED Département de l'évaluation BRI-nd Bank Rakyat Indonesia rétrospective des opérations BRI-UD Bank Rakyat Indonesia-Unit Desa (Banque mondiale) FIDA Fonds international de développement ONG Organisation non gouvernementale agricole PAS Prêt à l'ajustement structurel FMI Fonds monétaire international PIB Produit intérieur brut GATT Accord général sur les tarifs douaniers SIG Système informatique de gestion et le commerce WWB Women's World Banking xii Résumé analytique epuis 50 ans, les marchés des capitaux dans les dix dernières années, en les adaptant judi- ruraux, particulièrement ceux où opèrent cieusement aux conditions socio-économiques et des institutions de crédit agricole d'État, culturelles, et en réduisant ou en éliminant totale- sont au centre des interventions publiques dans la ment les coûts budgétaires élevés de programmes plupart des pays en développement. Avec l'aide de de crédit agricole aussi inefficaces qu'inéquitables, divers organismes bailleurs de fonds, les pouvoirs on peut encourager le développement de marchés publics consacrent des ressources considérables à des capitaux ruraux efficaces dans un plus grand ces programmes pour assurer un flux ininter- nombre de pays. rompu de crédit à bon marché, distribué aux ex- Le présent rapport a principalement pour ob- ploitants à travers toutes sortes de mécanismes jet de décrire les problèmes que rencontre d'intermédiation financière. Le plus souvent, ces l'intermédiation financière rurale, d'évaluer la interventions donnent des résultats décevants. Des conception traditionnelle des finances rurales, méthodes nouvelles de fourniture de services fi- d'étudier comment le financement rural peut con- nanciers ruraux (épargne et crédit), apparues ces tribuer, à la fois, à augmenter les revenus (c'est-à- dix dernières années, prouvent en revanche que dire à stimuler la croissance) et à réduire la pau- des institutions bien conçues et des politiques ap- vreté ; il tente également de définir en quoi propriées sont extrêmement payantes et peuvent consistent un environnement de politique écono- produire des effets remarquables en élargissant le mique favorable et un cadre législatif et réglemen- champ d'action des institutions et en renforçant taire propice à une meilleure intermédiation fi- leur autonomie financière. nancière rurale, et examine le rôle des pouvoirs L'intermédiation financière rurale reste confron- publics. L'étude évalue aussi le fonctionnement des tée à plusieurs défis, tels que le choix du dispositif institutions financières rurales (IFR) et propose des institutionnel et des outils d'intervention les plus directives pour renforcer les capacités institution- efficaces dans un environnement socio-économi- nelles dans ce secteur. Trois IFR qui fonctionnent que donné. Il faut notamment adopter des métho- bien servent d'illustrations et le rapport met en des qui tournent le dos aux habitudes anciennes évidence les méthodes et les caractéristiques com- consistant : a) à pratiquer des taux d'intérêt con- munes qui expliquent leur succès. cessionnels (souvent négatifs en valeur réelle) ; b) à Dans le monde, aujourd'hui, plus de 1,3 mil- favoriser les activités agricoles plutôt que les activi- liards d'êtres humains vivent dans la pauvreté, tés rurales ; c) à négliger ou à décourager la créa- en grande majorité dans les campagnes. Quand tion de dépôts d'épargne ; d) à fournir les services bien même la plupart des ruraux pauvres tirent par le biais de mécanismes coûteux et inefficaces. leurs maigres revenus de l'agriculture et des ac- En adoptant des pratiques optimales de finance- tivités qui s'y rattachent, la sous-alimentation ment rural, semblables à celles qui sont apparues sévit dans de nombreuses régions rurales. La 1 2 Les finances rurales croissance économique générale est souvent in- rurales est évaluée, et propose des directives pour suffisante pour éliminer la pauvreté et la sous- renforcer les capacités institutionnelles des IFR. alimentation. Il faut que les collectivités rurales Enfin, le rapport décrit les modalités de fonction- pauvres, en particulier les petits agriculteurs et les nement de trois IFR qui fonctionnent bien et met femmes, bénéficient des fruits de la croissance. Des en évidence les caractéristiques communes qui services financiers ruraux efficaces contribuent expliquent leur succès. justement à réduire la pauvreté, surtout s'ils s'ap- puient sur des politiques de développement rural Les défis de l'intermédiation financière rurale complémentaires. Tout comme celles des villes, les collectivités L'intermédiation financière rurale est confrontée à rurales ont une demande de services de crédit, plusieurs défis: d'épargne et d'assurance bancable. L'assurance et l'accès à des services qui régularisent les rentrées • Les obstacles à l'intermédiation financière. financières peuvent contribuer sensiblement au Souvent, les marchés des capitaux sont étroi- bien-être des populations rurales, en atténuant tement liés à d'autres marchés (dont ils su- l'impact des cycles saisonniers et des catastrophes bissent les effets). Les principales difficultés naturelles sur leurs revenus. Les mécanismes qui nuisent au fonctionnement des marchés d'épargne et de crédit peuvent aider à réaliser des des capitaux sont les mauvaises politiques investissements importants et à affecter des res- macroéconomiques, les politiques financiè- sources aux investissements les plus prometteurs. res génératrices de distorsions et la rigidité Le rôle central que les systèmes financiers jouent des marchés, ainsi que les contraintes d'or- dans la plupart des activités économiques fait dre législatif et réglementaire. d'eux un rouage essentiel du développement, et • Les politiques qui privilégient les zones urbai- l'approfondissement du secteur financier est donc nes. Les dernières décennies ont été caracté- un puissant gage de croissance économique à long risées par la recherche d'un développement terme. industriel accéléré. Les choix qui en résul- Et pourtant, les intermédiaires financiers du tent ont souvent pénalisé les campagnes et secteur formel ne s'intéressent guère aux ruraux freiné le développement rural. Les « huit pi- pauvres, en raison des distorsions présentées par liers » ci-après des politiques pro-urbaines les politiques macroéconomiques et sectorielles, nuisent au développement des collectivités du manque de pouvoir économique et politique rurales et à l'expansion des marchés des ca- des ruraux pauvres et à l'idée, répandue parmi pitaux ruraux: les intermédiaires financiers commerciaux, que 1. Surévaluation des taux de change les marchés ruraux ne seront jamais rentables. 2. Contrôle des prix agricoles, fixés à des ni- Pour bien fonctionner, l'intermédiation finan- veaux bas et sans variations saisonnières cière rurale a besoin d'un environnement de po- 3. Taux élevés de protection effective des litique économique favorable, d'un cadre légis- industries intérieures, dont les produits latif et réglementaire propice et d'IFR solides et servent d'intrants agricoles autonomes. 4. Part disproportionnée des ressources La présente étude met en évidence les problè- budgétaires consacrées à l'infrastruc- mes rencontrés par l'intermédiation financière ture urbaine, au détriment des équipe- rurale, évalue l'approche traditionnelle, examine ments ruraux (routes, électricité et ap- comment le financement rural peut contribuer à provisionnement en eau) augmenter les revenus et à réduire la pauvreté, 5. Part disproportionnée des investisse- cherche à définir de quoi sont faits un environne- ments dans les ressources humaines con- ment de politique économique favorable et un sacrés aux zones urbaines, au détriment cadre législatif et réglementaire propice à une des zones rurales (santé et éducation) meilleure intermédiation financière rurale, et ana- 6. Lois sur l'usure qui interdisent les prêts lyse le rôle des pouvoirs publics dans le finance- répondant aux besoins typiques des ment rural. Elle examine et analyse aussi la ma- zones rurales: faibles montants, risques nière dont la performance des projets de finances et coûts élevés Résumé analytique 3 7. Régimes législatifs et réglementaires rurales ; elles s'attaquent aux symptômes mais pas insuffisants en ce qui concerne les ti- aux causes des carences de l'intermédiation finan- tres de propriété foncière et le nan- cière rurale. Ainsi, on croyait à tort que les pauvres tissement des avoirs ruraux habituels participaient peu aux activités financières du sec- (terres, récoltes et matériel agricole), teur formel parce qu'ils étaient incapables d'épar- par rapport aux avoirs urbains (auto- gner ou de payer les taux d'intérêt du marché. mobiles, biens de consommation du- Ces interventions avaient parfois des effets po- rables et logements) sitifs mais ne permettaient pas d'accroître les re- 8. Fiscalité excessive frappant les exporta- venus et de lutter contre la pauvreté. En fait, cer- tions agricoles. taines interventions ont même aggravé les • Les caractéristiques propres aux marchés des distorsions et, du même coup, la situation des po- capitaux ruraux. La pauvreté, la faible den- pulations rurales. Les stratégies traditionnelles site démographique, l'isolement des mar- poursuivaient généralement un objectif à court chés, la forte covariance des risques et le ca- terme, l'augmentation de la production agricole, ractère saisonnier des activités entraînent plutôt que des objectifs de long terme favorisant souvent des coûts de transaction élevés, un accroissement durable des revenus ruraux. empêchent de fournir des garanties de type L'importance exclusive et disproportionnée accor- classique, provoquent d'amples fluctuations dée au décaissement des crédits agricoles, condui- des revenus et limitent les possibilités de di- sait généralement à négliger la qualité du porte- versification des risques. Ces caractéristiques feuille, le développement rural non agricole, la distinguentlesmarchés des capitauxruraux mobilisation de l'épargne et les méthodes des marchés urbains et en éloignent souvent d'intermédiation financière rurale efficaces. les intermédiaires financiers commerciaux • On pensait que les collectivités rurales traditionnels. Pourtant, les difficultés à af- étaient trop pauvres pour épargner, si bien fronter sont aussi révélatrices des avantages qu'on a fait porter la quasi-totalité des ef- que les ruraux pauvres tireraient de l'accès à forts sur la fourniture de crédit, sans songer des mécanismes et à des services financiers à l'intérêt, peut-être plus fondamental, des qui régulariseraient la consommation et qui mécanismes d'épargne monétaire rurale. les aideraient à sortir de la pauvreté. Des pro- À cause de la bonification des taux d'inté- duits et des méthodes adaptés sont donc rêt, les gens voyaient dans les IFR des gui- nécessaires. chets de distribution de fonds publics, plu- • Les interventions mal conçues. Des interven- tôt que des institutions financières solides. tions dans les finances rurales, pourtant bien Cette image a répandu, chez les emprun- intentionnées (comme les crédits bonifiés teurs, l'idée que le remboursement des prêts destinés exclusivement au développement était facultatif. Nombreux sont les agricul- agricole), nuisent généralement au dévelop- teurs aisés et influents qui profitaient des pement des marchés des capitaux ruraux. De subventions incorporées dans les taux de ce fait, les pauvres n'ont toujours pas accès crédit concessionnels et de la grande indul- comme il conviendrait aux services de cré- gence pour les débiteurs défaillants, évinçant dit, d'épargne et d'assurance. les agriculteurs pauvres et réduisant encore l'accès des pauvres au crédit. L'approche traditionnelle des finances rurales L'approche traditionnelle visait essentielle- ment à financer des activités agricoles, lais- L'approche traditionnelle implique généralement sant à elldi-mêmes les entreprises rurales une intervention publique intense: des program- non agricoles et négligeant de réelles possi- mes de crédits ciblés sont administrés par des IFR bilités de diversification des risques et de d'État, qui reçoivent des prêts concessionnels afin croissance. de les rétrocéder à des taux d'intérêt inférieurs à • Le crédit agricole bonifié nuisait parfois à ceux du marché. Les interventions de ce type se l'efficacité de la production en ciblant les sont souvent fondées sur une profonde mécon- mauvais produits. Ainsi, en encourageant naissance des besoins véritables des populations l'adoption de techniques d'exploitation 4 Les finances rurales capitalistiques, les prêts à faible taux d'inté- étroitement imbriqués, les distorsions de l'un se rêt ont réduit le nombre d'emplois pour les répercutent souvent sur les autres. travailleurs agricoles et aggravé le chômage Une fois cernées les causes de l'inefficacite des rural. marchés, les autorités peuvent examiner les op- Les structures déficientes et les piètres ré- tions envisageables pour rendre les marchés des sultats des IFR d'État, et leur accès à des fonds capitaux ruraux plus efficaces, et s'appuyer sur une concessionnels, ont fait fuir les intermédiai- analyse coûts-avantages pour choisir les modes res financiers commerciaux privés. d'action les plus indiqués. Les réformes de politi- Vu les résultats décevants de l'approche tradi- que économique doivent avoir la priorité absolue tionnelle, on a été conduit à se demander s'il n'exis- pour assurer le fonctionnement efficace des mar- tait pas de moyens plus efficaces d'utiliser les res- chés. Les réformes législatives et réglementaires peu- sources publiques rares censées faire augmenter vent aussi être entreprises immédiatement, même le revenu rural et combattre la pauvreté. si les réformes de politique économique n'ont pas encore été appliquées. La nouvelle approche L'élimination des causes du mauvais fonc- tionnement des marchés nécessite parfois l'in- Quelques voix isolées préconisaient depuis long- tervention directe des pouvoirs publics. Les temps un changement radical. Cependant,la nou- causes les plus courantes de l'inefficacité des velle approche s'est peu à peu imposée dans les marchés des capitaux ruraux sont l'imperfec- esprits, à mesure que les exemples de réussite se tion et la mauvaise communication de l'infor- multipliaient au cours des années 80. Cette appro- mation. Il faut trouver des méthodes d'un bon che est centrée sur les objectifs fondamentaux du rapport coût-efficacité pour remédier aux lacu- développement rural: augmenter le revenu et ré- nes, faute de quoi les interventions directes vi- duire la pauvreté. Elle reconnaît que mettre des sant à améliorer les revenus ne se justifient 'pas. moyens de financement à la disposition des ru- La question de l'intervention directe reste déli- raux n'est pas nécessairement la formule la plus cate dans la mesure où le niveau socialement efficace pour atteindre ces buts et que optimal des services financiers pour une collec- l'intermédiation financière rurale bien conçue doit tivité donnée est difficile à déterminer. souvent être assortie d'autres interventions publi- ques, telles que le renforcement des investissements Réduire la pauvreté dans les infrastructures rurales et dans le dévelop- pement humain. La croissance rapide des économies rurales est sou- La nouvelle approche suppose que les pouvoirs vent la meilleure manière de réduire la pauvreté publics jouent un rôle actif dans la création d'un rurale. Comme dans le cas précédent, la création environnement de politique économique favora- d'un environnement de politique économique fa- ble qui facilite le bon fonctionnement des mar- vorable et l'application de réformes du cadre lé- chés des capitaux ruraux, mais qu'ils limitent leurs gislatif et réglementaire s'imposent donc l'une et interventions directes sur ces marchés. l'autre comme des actions prioritaires. Toutefois, il ne suffit pas toujours d'augmen- Augmenter les revenus ter les revenus ruraux moyens pour faire reculer la pauvreté. Il faut également que la croissance Avant de chercher comment augmenter les reve- économique soit bien répartie. Un programme nus, il faut connaître les facteurs sous-jacents qui d'interventions ciblées de lutte contre la pauvreté entravent la croissance. Il faut donc évaluer l'effi- peut se justifier, que le marché fonctionne bien ou cacité des marchés, marchés des capitaux ruraux mal (ou qu'on ait identifié ou non des interven- compris, et déterminer les causes de leur ineffica- tions d'un coût raisonnable pour remédier à l'inef- cité. Le manque d'efficacité peut être dû à une ficacité du marché). La gravité de la pauvreté ius- combinaison de politiques macroéconomiques et tifie parfois des mesures immédiates (à court terme sectorielles déficientes, aux carences du cadre lé- peut-être) telles que la distribution de secours ali- gislatif et réglementaire et au mauvais fonction- mentaires ou d'une aide financière à la suite de nement du marché. Comme les marchés sont catastrophes naturelles. Résumé analytique 5 Créer un environnement de politique rentabilité de l'agriculture et des entreprises rura- économique favorable les non agricoles et ruinent les marchés des capi- taux ruraux. Les pays où l'agriculture est le plus Les principales mesures qui peuvent assurer un pénalisée sont ceux qui ont les taux de croissance environnement de politique économique favora- économique les plus bas. ble à l'intermédiation financière rurale consistent Qui plus est, les gouvernements appliquent à maintenir la stabilité macroéconomique, à éli- souvent des politiques économiques qui favorisent miner les politiques pro-urbaines et à promou- les grands propriétaires riches par rapport aux voir des marchés des capitaux intégrés et solides. petits exploitants et aux paysans pauvres qui pra- tiquent l'agriculture de subsistance, creusant ainsi Créer un environnement les disparités de revenu dans le monde rural. macroéconomique favorable Les règles pratiques à suivre pour établir un environnement plus propice au développement L'instabilité macroéconomique nuit aux marchés agricole et rural consistent à mettre en place un des capitaux ruraux de façon directe, par le jeu de régime commercial aussi neutre que possible en- variables monétaires comme les taux d'intérêt tre les produits agricoles exportables et importa- réels, ou de façon indirecte, par les effets qui bles, à éliminer les obstacles non tarifaires, à fixer s'exercent sur les clients des IFR. De mauvaises des taux de change réalistes, à réduire la protec- politiques macroéconomiques peuvent mettre tion industrielle excessive, à réorienter les priori- en échec les efforts tentés pour renforcer le sec- tés de l'investissement public vers les campagnes teur financier. La persistance de distorsions dans et à renforcer la participation au développement les grandes variables macroéconomiques (no- communautaire. Ainsi pourra-t-on accroître l'ef- tamment la surévaluation des taux de change) ficacité du secteur rural et permettre aux collecti- fausse les signaux transmis par les prix et con- vités rurales d'obtenir un meilleur rendement de duit les marchés des capitaux à orienter des res- leurs investissements. sources excessives vers des secteurs inefficaces, au détriment de ceux qui possèdent un avan- Promouvoir des marchés des capitaux efficaces tage comparatif. L'instabilité macroéconomique peut être pro- Comme tous les intermédiaires financiers, les ins- voquée par des facteurs externes ou internes. Les titutions de crédit rural supportent des risques qui risques externes, comme les bouleversements des peuvent déclencher des crises. Parmi ces risques, termes de l'échange, peuvent être répartis entre il faut citer les lacunes de la réglementation et de plusieurs pays par l'ouverture des marchés in- la supervision prudentielles, les interventions di- térieurs aux investisseurs étrangers ; ils peuvent rectes inappropriées sur les marchés des capitaux aussi être couverts sur les marchés des options et la répression financière. Les pouvoirs publics et sur les marchés à terme internationaux. Les peuvent promouvoir le développement des mar- facteurs internes comprennent l'instabilité des chés des capitaux en resserrant la surveillance et politiques budgétaires et monétaires et le ris- la réglementation prudentielle des intermédiaires que politique. Des politiques budgétaires et mo- financiers et en adoptant des mesures de libérali- nétaires prudentes doivent viser la stabilité des sation financière, notamment la déréglementation prix et le maintien de taux de change raisonna- des taux d'intérêt, l'abaissement du niveau des ré- bles, correctement alignés. serves obligatoires et l'assouplissement de l'enca- drement du crédit. Éliminer les politiques économiques défavorables Sur les marchés ruraux, ils peuvent instaurer à l'agriculture et au développement rural des régimes spéciaux pour les institutions semi- formelles. Il faut aussi qu'ils renoncent aux politi- Dans la plupart des pays en développement, le ques inefficaces, comme celles qui contraignent les développement rural a été freiné par des politi- banques à prêter une forte proportion de leurs ques qui favorisent l'industrie au détriment de ressources aux secteurs non rémunérateurs de l'agriculture et le secteur urbain au détriment du l'économie (les entreprises agricoles parapubli- secteur rural. Ces politiques amoindrissent la ques, par exemple). 6 Les finances rurales Le cadre législatif et réglementaire des marchés du produit intérieur brut (PIB) ; ces réformes ju- des capitaux ruraux ridiques sont généralement fort peu onéreuses. Dans de nombreux pays, les insuffisances de la lé- Interventions directes gislation, de la réglementation et des institutions empêchent le secteur formel de procurer du cré- Il n'y a pas de niveau idéal ni de forme optimale d'in- dit aux agriculteurs et aux entreprises rurales. À tervention. L'intervention la plus appropriée dépend cause de ces insuffisances, il est difficile pour le de l'objectif poursuivi et de variables telles que les secteur formel d'accorder des prêts au secteur in- caractéristiques démographiques de la clientèle ci- formel, et pour les banques et autres institutions ble et l'environnement socio-économique. Pour con- financières de prêter des fonds à des créanciers cevoir des mesures d'intervention, les pouvoirs pu- autres que les banques (généralement les commer- blics ont à leur disposition une panoplie çants), qui pourtant sont souvent les mieux pla- d'instruments (comme le financement de program- cés pour servir efficacement les emprunteurs ru- mes pilotes ou la fourniture de capitaux d'amorçage), raux pauvres. d'institutions (comme les institutions spécialisées de Les prêteurs ont besoin d'un régime qui permette crédit agricole, les organisations non gouvernemen- de constituer des créances sur les biens, d'en enre- tales (ONG) ou les IFR publiques), et de produits gistrer publiquement l'existence et la validité, et de (comme le crédit, l'épargne, les garanties ou l'assu- les exécuter. Plus la procédure est aléatoire et coû- rance au profit de la clientèle ciblée). teuse, moins les prêteurs sont enclins à prêter. La Les interventions publiques doivent avoir pour constitution d'une hypothèque ou l'institution d'un objectif d'éliminer les causes de la défaillance du gage sur un bien meuble peuvent soulever des diffi- marché ou de la pauvreté. Dans certains cas, par cultés lorsqu'il n'existe pas de titres de propriété fon- exemple lorsque l'inefficacité du marché est due à cière, que les coûts d'enregistrement sont élevés ou l'imperfection de l'information, il est possible d'y que la loi ne contient pas de dispositions pertinentes remédier en procurant les capitaux d'amorçage qui sur les droits d'expectative. Lorsqu'il s'agit de publier permettront de créer des IFR dans les régions éloi- une créance, il arrive qu'il n'y ait pas de registres spé- gnées. Pour abaisser les coûts de transaction éle- cialisés et facilement accessibles, et que les coûts de vés provoqués par la relative modicité des mon- vérification soient élevés. L'exécution des créances sur tants en jeu lorsqu'on traite avec les pauvres, les les biens hypothéqués peut être extrêmement oné- autorités peuvent verser des subventions qui allè- reuse, longue et incertaine. On peut citer également gent ces coûts suivant un barème dégressif, ou les lois ou règlements qui empêchent les petits ex- encore financer la formation du personnel pour ploitants d'utiliser leurs terres comme garanties et le familiariser avec des techniques dont on sait les lois sur l'usure qui interdisent aux intermédiaires qu'elles abaissent les coûts de transaction. financiers formels de prêter de petits montants à des Les mesures d'intervention doivent tou- taux d'intérêt élevés. jours chercher à compléter, faciliter ou amé- Les réformes législatives, réglementaires et insti- liorer le fonctionnement du marché sur le long tutionnelles nécessaires pour élargir l'accès au crédit terme. Les responsables des IFR d'État doivent danslescampagnes comprennent:ladélivrance de jouir d'une autonomie totale, tout en étant titres fonciersetl'enregistrement delapropriétéfon- tenus de rendre compte : ces institutions ne cière ; la réforme des lois sur les opérations assorties doivent bénéficier d'aucun privilège et il faut de garanties ; la réforme des registres publics et encourager la concurrence des institutions l'ouverture aux opérateurs privés ; l'abaissement des privées de financement rural. Les subventions coûts d'enregistrement et de saisie en cas d'inexécu- ou dons se limiteront, par exemple, à l'apport tion ; la rédaction de dispositions expresses, claires de capitaux d'amorçage ou auront une durée et limitées sur les biens exempts de saisie ; l'élimina- limitée. Le coût d'une intervention doit être tion du plafonnement des taux d'intérêt. suivi continuellement afin de mesurer la ren- Les réformes bien conçues du régime des garan- tabilité des mesures tout en préservant l'égalité ties font augmenter l'offre de crédit et diminuer les des conditions entre les intermédiaires financiers taux d'intérêt sur les prêts. On estime qu'elles ont participants, quel que soit le mode de propriété permis de gagner plusieurs points de pourcentage des entreprises. Résumé analytique 7 L'analyse du marché informel des capitaux aide facile à obtenir pour apprécier l'impact de l'inter- à connaître la demande de services financiers for- médiation financière rurale. mels et à comprendre quelles techniques peuvent La présence locale est mesurée par plusieurs in- convenir à la clientèle visée. La pratique des tonti- dicateurs, dont le nombre de clients, le montant nes indique, par exemple, que la population re- moyen des prêts (comme substitut au niveau de cherche des instruments d'épargne et accepte les revenu) et le pourcentage de femmes parmi la clien- mécanismes collectifs. Les interventions peuvent tèle. L'autonomie financière est évaluée au moyen compléter ces mécanismes, par exemple, en pro- de l'indice de dépendance de l'institution envers les posant des comptes d'épargne à rentabilité posi- subventions (IDS), qui indique le pourcentage dont tive pour les dépôts des tontines. il faudrait relever le taux d'intérêt moyen appliqué Deux instruments fréquemment utilisés don- par une institution aux crédits qu'elle rétrocède nent généralement des résultats décevants: les pro- pour qu'elle soit financièrement autonome (c'est- grammes de garantie du crédit et l'assurance des à-dire pour qu'elle puisse se passer des subventions). récoltes. Les garanties échouent parce qu'elles ne L'IDS indique également ce qu'il coûte à la société couvrent pas correctement le risque de crédit et les de subventionner une IFR, en comparaison des in- coûts administratifs ; elles nuisent parfois aussi à la térêts que l'institution perçoit sur le marché. Pour discipline financière et découragent les efforts de être financièrement autonome, une institution doit recouvrement. Quant aux programmes d'assurance avant tout pratiquer des taux d'intérêt assez élevés, des récoltes, le problème est qu'ils offrent une cou- avoir une marge suffisante entre les taux débiteurs verture multirisques pour des risques qui ne sont et les taux prêteurs, des taux élevés de recouvrement pas assurables ; certains régimes sont vidés de leur des prêts, des niveaux importants de mobilisation substance par les interventions politiques. Étant de l'épargne et des frais administratifs modiques. donné les usages détournés auxquels se prêtent les financements destinés aux régimes de garantie et à Renforcer les capacités institutionnelles l'assurance des récoltes, il est souvent difficile de recommander l'une ou l'autre de ces méthodes avec Les priorités ont changé du tout au tout: il ne s'agit ne serait-ce qu'un minimum de certitude. plus de fournir du crédit à bon compte pour en- tretenir des institutions d'État subventionnées, Les critères de performance mais de renforcer les capacités institutionnelles et de l'intermédiation financière rurale d'améliorer le fonctionnement institutionnel d'une plus large gamme d'IFR. Le niveau de capa- L'évaluation de l'impact des projets de crédit agri- cité institutionnelle indique la mesure dans la- cole à l'échelon de l'exploitation soulève une mul- quelle les procédures et règles d'exploitation sont titude de problèmes méthodologiques qui tiennent appliquées dans les activités quotidiennes d'un à la fongibilité de l'argent et à la difficulté d'ap- organisme. Le renforcement des capacités est une précier l'élément d'additionnalité. Les études activité continue qui vise à améliorer le fonction- économétriques rigoureuses coûtent cher et por- nement des IFR et exige le respect de principes tent souvent sur des cas très particuliers, de sorte commerciaux corrects. que leurs résultats se prêtent mal à une applica- Il n'y a pas de modèle universel de bonne IFR. tion généralisée. Les modalités optimales de fonctionnement dépen- Une méthode d'évaluation de la performance dent des besoins et des caractéristiques socio-éco- des IFR a été lancée en 1992. Elle est aujourd'hui nomiques de la clientèle cible et de l'environnement largement acceptée par les praticiens et les cher- physique, économique et réglementaire. cheurs. Elle repose sur deux critères de base, la Les IFR qui réussissent, de plus en plus nom- présence locale et l'autonomiefinancière, et part du breuses, offrent l'exemple de méthodes qui peu- principe que les IFR qui fournissent efficacement vent être transposées ou adaptées. Leur succès une large gamme de services à la clientèle cible ont montre comment acquérir des capacités institu- toutes les chances d'atteindre l'objectif recherché, tionnelles qui procureront à la clientèle rurale des à savoir augmenter les revenus et réduire la pau- services adaptés, durables et efficaces. La connais- vreté. L'évaluation de la performance des IFR selon sance des marchés des capitaux informels dans une ces critères pourrait fournir une mesure indirecte collectivité donnée peut fournir des indications sur 8 Les finances rurales l'éventail des pratiques applicables dans cette col- • La diversification des risques par le fina nce- lectivité et montrer quels créneaux commerciaux ment d'activités agricoles et non agricoles, répondent mieux à la demande de services finan- la diversification géographique et l'intégra- ciers de la population considérée. tion au système financier plus large. La bonne gouvernance est peut-être le fac- • Des systèmes d'information de gestion (SIG) teur le plus déterminant dans la réussite des IFR. perfectionnés, permettant de suivre les prêts, Les prérogatives et responsabilités de tous les les dossiers des clients et la performance du organes de décision, collectifs et individuels, personnel. doivent être définies clairement et la délimita- tion des rôles et des responsabilités doit être Pratiques optimales: Trois exemples de réussite bien comprise et systématiquement respectée. La direction doit jouir de l'autonomie et être Trois IFR sont considérées par beaucoup comme tenue responsable des décisions de gestion. En- gagnantes selon les critères de la présence lo- fin, les intérêts des clients doivent être pleine- cale et de l'autonomie financière: la Banque de ment représentés. La supervision et la réglemen- l'agriculture et des coopératives agricoles tation prudentielle souhaitables dépendent de (BAAC) en Thaïlande, les banques villageoises la taille et de la nature de l'organisme, et de la (unit desas) de Bank Rakyat Indonesia (BRI-UD) structure du capital. Le contrôle externe est par- en Indonésie, et la Grameen Bank (GB) au Ban- ticulièrement important lorsque l'institution gladesh. Ces trois établissements ont atteint de recueille des dépôts volontaires du public. hauts niveaux de pénétration du marché dans La réussite des IFR dépend aussi, au plus haut leurs zones cibles et ont aujourd'hui des mil- point, du choix du personnel, de l'application de lions de clients. La BRI-UD est devenue finan- politiques de prêt formulées spécialement pour la cièrement autonome en 1988 et la BAAC et la clientèle locale, de la mobilisation de l'épargne et GB ont l'une et l'autre progressé largement vers des systèmes de suivi et d'information. Elle sup- l'autonomie, comme l'atteste la baisse marquée pose notamment: de leur IDS ces dernières années. • Des stratégies et des objectifs clairement Au-delà des différences de méthodes entre ces définis. institutions - qui s'expliquent par les besoins de • Un personnel motivé et qualifié. La forma- leur clientèle et par l'environnement socio-écono- tion du personnel et les mécanismes d'inci- mique et juridique des pays où elles opèrent - tation sont des moyens essentiels de valori- certaines caractéristiques communes se dégagent. sation des performances. Ce sont notamment : une large autonomie de la • Des techniques et des procédures origina- direction dans la formulation des politiques opé- les et bon marché, répondant aux besoins rationnelles ; une formation intensive du person- particuliers de la clientèle ciblée, telles que nel et des mécanismes perfectionnés d'incitation les guichets mobiles, et les prêts en respon- des salariés ; des réseaux originaux de distribu- sabilité conjointe et solidaire, par exem- tion à bon marché ; des taux d'intérêt réels posi- ple. Ces techniques abaissent les coûts de tifs ; un suivi attentif du portefeuille et des taux transaction et procurent des garanties élevés de recouvrement des prêts; une augmenta- pour les prêts en l'absence de sûretés de tion de la mobilisation de l'épargne et une réduc- type traditionnel. tion de la part du financement assurée par les • Des taux d'intérêt positifs sur les prêts et des bailleurs de fonds ; des coûts administratifs relati- taux élevés de remboursement des prêts. Des vement bas et en baisse ; un SIG efficace ; la stabi- conditions de prêt souples, le suivi attentif lité et la croissance macroéconomiques. du remboursement des prêts et des encou- ragements au remboursement anticipé sont Conclusion de nature à inciter les emprunteurs à rem- bourser scrupuleusement. Les méthodes traditionnelles de financement de • L'existence de facilités d'épargne souples et l'économie rurale ont fait la preuve de leur in- accessibles, et des taux d'intérêt positifs pour capacité à augmenter les revenus et réduire la mobiliser l'épargne. pauvreté. Les pouvoirs publics jouaient un rôle Résumé analytique 9 direct actif, en fournissant des crédits agricoles Développement institutionnel. Étudier des bon marché par l'intermédiaire d'IFR d'État, moyens de sélectionner la structure institu- elles-mêmes fortement subventionnées. L'ap- tionnelle et les modes de fonctionnement proche nouvelle ne laisse aux pouvoirs publics qui conviennent le mieux à une clientèle ci- qu'un rôle minimal, d'ouverture sur le marché, ble donnée, compte tenu du cadre politique visant essentiellement à créer un environnement et économique, du degré de maturité des de politique économique favorable et un cadre secteurs rural et financier et de l'environne- législatif et réglementaire propice à l'intermé- ment social et culturel. Les chercheurs de- diation financière rurale. vront se pencher sur les aspects suivants : Un consensus apparaît en faveur de cette • Existe-t-il déjà une institution appro- nouvelle orientation, mais le niveau et les mo- priée qui pourrait être invitée à élargir dalités de l'intervention directe des pouvoirs ses opérations en direction de la clien- publics ne font pas l'unanimité, loin s'en faut. tèle cible ? Dans le domaine de l'accroissement des reve- • Quelles mesures de politique économi- nus, les interventions directes ne se justifient que pourrait-on prendre pour favori- que si elles ont pour objet de remédier à une ser l'amélioration de la performance ou défaillance bien précise du marché pour un bon pour diversifier les produits offerts par rapport coût-efficacité. En pratique, il est par- les institutions existantes ? fois difficile d'identifier les défaillances et d'en Quel devrait être le rôle des institutions mesurer toute l'étendue. Dans le domaine de la centrales de rétrocession, des banques lutte contre la pauvreté, les interventions direc- commerciales, des ONG et des mécanis- tes des pouvoirs publics sont parfois justifiées mes d'épargne rurale ? par des motifs sociaux. Si elles ne produisent Rôle des pouvoirs publics. Élaborer des prin- pas systématiquement des avantages économi- cipes directeurs pour les types d'interven- ques nets (non pondérés), elles doivent au tion qui peuvent être nécessaires, compte moins être la manière la plus économique de tenu de la situation socio-économique du réduire la pauvreté pour le groupe cible. pays, du type de clientèle ciblée et des pro- Les spécialistes sont généralement d'accord sur duits à fournir. Étudier les problèmes d'exé- l'aspect institutionnel de l'amélioration de l'inter- cution et d'échelonnement de la réforme des médiation financière : le renforcement des capa- secteurs financier et juridique ruraux et du cités institutionnelles est essentiel pour permettre développement institutionnel. aux IFR d'élargir leur présence locale et de renfor- • Marché informel. Chercher quels enseigne- cer leur autonomie financière. Pour développer les ments on peut retirer de la performance des capacités institutionnelles, il faut avant tout que marchés informels. Quelle est la meilleure fa- la direction jouisse d'une large autonomie tout en çon pour les financements formels de com- étant responsable du fonctionnement de l'insti- pléter les activités financières informelles ? tution. Les IFR d'État ne doivent bénéficier d'aucun Analyse coûts-avantages et indicateurs deper- privilège particulier ; au contraire, toutes les IFR formance. Élaborer des méthodes d'analyse doivent être soumises aux impératifs commerciaux des coûts et avantages de l'intermédiation et la concurrence doit être encouragée activement. financière et des intermédiations non finan- Si des subventions sont nécessaires, elles doivent cières, des interventions et des alternatives être accordées à toutes les IFR, quelles soient pu- d'intermédiation financière rurale qui visent bliques ou privées. à augmenter le revenu et à réduire la pauvreté. Définir les principaux indicateurs de perfor- Domaines de recherche possibles mance qui permettent de mesurer le coût, l'ef- ficacité et l'impact des projets dans le temps. Le résumé qui précède donne une image statique, Études d'impact de certains mécanismes. Faire un panorama, d'un important sous-secteur. Ce des études économétriques pour mieux com- tour d'horizon fait cependant ressortir les princi- prendre l'impact de certains mécanismes fi- paux problèmes et les grandes opportunités qu'il nanciers ruraux sur le revenu, la production reste à explorer: et la régularisation de la consommation. -4 - - z. roi ->~n A= - r 1 - ,: ar >· 1 s 4+r o r*f ' 'A r a r. 1 y r » - Introduction es marchés des capitaux ruraux des pays Les échecs rencontrés par de nombreux projets en développement forment une catégorie de financement rural ont trois grandes causes bien particulière. Leurs principales diffé- a) une méconnaissance et une perception erronée rences sont les suivantes: le sous-développement des véritables problèmes des marchés des capitaux des marchés complémentaires et des institutions ruraux, tels que l'asymétrie de l'information, la correspondantes ; la rareté ou l'absence totale de fragmentation des marchés et la forte covariance garanties sûres ; la covariance des risques et des des risques ; b) les effets produits de longue date fluctuations saisonnières de la demande et de sur le secteur rural par les politiques macroéco- l'offre de ressources financières courtes ; et le nomiques et financières pro-urbaines et généra- coût élevé des services à la clientèle rurale dans trices de distorsions ; et c) la mauvaise gestion des les régions peu peuplées. Ces problèmes sont institutions financières rurales. beaucoup plus graves sur les marchés des capi- Toutefois, quelques expériences récentes, axées taux ruraux des pays en développement que sur sur des méthodes efficaces de fourniture de servi- les marchés des capitaux sophistiqués des pays ces d'épargne et de crédit à la population rurale, industriels. démontrent que des politiques appropriées, des Conscients des carences des marchés des ca- institutions bien conçues, l'autonomie de gestion, pitaux ruraux, les autorités des pays en dévelop- des incitations originales et des modes de fonc- pement, désireuses de promouvoir à la fois la tionnement efficaces ont une rentabilité sociale croissance et une répartition plus équitable du substantielle. revenu, jugent souvent inévitable une interven- Les pouvoirs publics et les bailleurs de fonds se tion de l'État. Sous des formes diverses, ces in- rendent comptent que l'amélioration de terventions visent particulièrement à augmen- l'intermédiation financière rurale est un bon ter l'offre de crédit agricole et à réduire la charge moyen de venir en aide aux populations rurales. des paiements d'intérêts des agriculteurs. On commence à reconnaître que le développement Les interventions publiques prennent donc rural, l'accélération de la croissance et la réduc- surtout la forme de programmes de crédit agri- tion de la pauvreté ont tout à gagner de l'existence cole, donnant naissance à des institutions de cré- de marchés des capitaux ruraux sains. dit agricole spécialisées, qui reçoivent une aide permanente de l'État. Les bailleurs de fonds ap- But de cet ouvrage puient ces interventions, en participant à la mise en place des institutions et procurant des ressour- Le présent ouvrage élabore les grandes lignes d'une ces financières substantielles, qui sont rétrocédées, démarche visant à améliorer l'intermédiation fi- dans le but d'accélérer la croissance de la pro- nancière rurale et signale les domaines où la re- duction agricole et la réduction de la pauvreté. cherche doit se poursuivre. Les constatations qui 11 12 Les finances rurales y sont présentées découlent d'une analyse des pra- afin que le lecteur puisse consulter directement les tiques antérieures dans ce domaine et de l'évolu- parties qui l'intéressent plus spécialement. tion récente de la théorie économique. Le rapport se propose de répondre aux questions suivantes: Plan de l'ouvrage Du point de vue de la politique économique Première partie. Aperçu général de l'approche • Quels sont les problèmes particuliers de traditionnelle l'intermédiation financière rurale qui la dif- Le chapitre 1 décrit les problèmes des marchés des férencient de l'intermédiation financière capitaux en général et des marchés des capitaux urbaine ? ruraux en particulier. Le chapitre 2 expose, dans • Dans quelles circonstances l'aide à l'inter- ses grandes lignes, l'approche traditionnelle de médiation financière rurale doit-elle être l'intermédiation financière rurale qui a dominé considérée comme un instrument de politi- dans le monde jusqu'au milieu des années 80, et que économique envisageable pour aug- en propose une évaluation. menter les revenus et réduire la pauvreté ? • Quel est l'impact des politiques macroéco- Deuxième partie. Mesures à prendre nomiques, financières et agricoles sur l'in- pour améliorer l'intermédiation financière rurale termédiation financière rurale ? Compte tenu de ces politiques et du cadre législatif Le chapitre 3 présente la nouvelle approche de l'in- et réglementaire d'un pays, quelles sont les termédiation financière rurale et propose une dé- composantes d'un environnement de poli- marche systématique pour déterminer le rôle qui tique économique favorable à l'intermédia- revient aux pouvoirs publics dans l'amélioration tion financière rurale ? des revenus ruraux et la lutte contre la pauvreté. • Quels types de mesures, directes et indirec- La méthode est illustrée par deux arbres de déci- tes, les pouvoirs publics peuvent-ils prendre sion : « Amélioration des revenus » et « Lutte pour favoriser l'amélioration de l'intermé- contre la pauvreté ». Les chapitres 4 et 5 con- diation financière rurale ? tiennent des recommandations sur la création par les pouvoirs publics d'un environnement de Du point de vue institutionnel politique économique favorable. Le chapitre 4 • Comment évaluer l'impact économique de porte sur les secteurs macroéconomique, rural l'intermédiation financière rurale ? et financier, et le chapitre 5 sur la création d'un • Quels sont les bons principes commerciaux cadre législatif et réglementaire propice. Le cha- que devraient appliquer les institutions d'in- pitre 6 passe en revue les types d'interventions termédiation financière rurale ? financières rurales directes utilisables par les • Comment évaluer la performance des insti- pouvoirs publics pour améliorer l'intermédia- tutions financières rurales ? tion financière rurale afin d'augmenter les re- venus et de réduire la pauvreté. À qui s'adresse cet ouvrage ? Troisième partie. Survol des institutions Le rapport est destiné aux dirigeants nationaux, financières rurales aux chefs de projets de la Banque mondiale, aux organismes bailleurs de fonds et organisations non Les chapitres 7 à 9 analysent des cas d'intermédia- gouvernementales, et aux responsables des insti- tion financière rurale réussie à l'échelon institu- tutions financières rurales (IFR) désireux d'éten- tionnel. Le chapitre 7 porte sur les problèmes que dre et d'améliorer leurs activités dans le monde soulève l'évaluation de l'impact des projets de fi- rural. L'analyse des problèmes de politique géné- nances rurales et propose une méthode consistant rale intéressera particulièrement les dirigeants ; à évaluer la performance des IFR pour mesurer celle des problèmes institutionnels retiendra da- indirectement la réussite des projets de finances vantage l'attention des praticiens. Le rapport se rurales. Le chapitre 8 suggère des principes direc- présente donc comme un ouvrage de référence teurs concernant la gestion des IFR et le dévelop- divisé en chapitres plus ou moins indépendants, pement des capacités institutionnelles. Enfin, le Introduction 13 chapitre 9 analyse les résultats et les méthodes de Thaïlande et la Grameen Bank du Bangladesh. Les travail de trois IFR qui ont bien réussi : les Unit caractéristiques communes que présentent leurs Desas de Bank Rakyat Indonesia, la Banque de opérations pourront aider à formuler les interven- l'agriculture et des coopératives agricoles de la tions futures. - s s -5"fule104 - <£2 - e as 4 5 n'r e - - - - - - r o i e «W - i < - e ~r - r s - e e ' < - r - PREMIÈRE PARTIE Aperçu général de l'approche traditionnelle vant de s'essayer à améliorer l'intermé- les méthodes qui ont abouti soit à des réussites, diation financière rurale, on doit analyser soit à des échecs. à fond les problèmes propres aux marchés Le chapitre 1 recense les problèmes et peut ser- des capitaux ruraux et bien comprendre la dyna- vir d'aide-mémoire pour la formulation des pro- mique des marchés des capitaux en général et des jets futurs. Le chapitre 2 présente un aperçu des marchés des capitaux ruraux en particulier. Il faut politiques et des résultats associés à l'approche tra- également étudier les résultats obtenus jusqu'à ditionnelle qui dominait le débat sur les finances présent pour mettre en évidence les politiques et rurales jusqu'à la fin des années 80. 15 뉵 & … , · 려 잇 씌· I 1 CHAPITRE 1 Le d ëfi de l'intermédiation financière rurale es problèmes inhérents aux marchés des gênent le fonctionnement des marchés des capitaux ruraux tiennent en gros à quatre capitaux et les chocs externes négatifs peu- facteurs: a) les obstacles rencontrés par les vent aggraver la situation qui en résulte. marchés des capitaux en général et leurs lacunes ; a Le contexte depolitique sectorielle. Le contrôle b) les politiques qui privilégient les villes au détri- des prix par les pouvoirs publics, la politi- ment des campagnes; c) les faiblesses systémiques que du commerce extérieur et les priorités des marchés des capitaux ruraux ; et d) les inter- en matière d'investissements publics faus- ventions mal préparées. sent souvent l'affectation des ressources par les intermédiaires financiers. Les obstacles à l'intermédiation financière Les contraintes des marchés des capitaux. Les rigidités des marchés des capitaux, le carac- Divers obstacles empêchent les marchés des capi- tère imparfait de l'information et, parfois, taux en général et les marchés ruraux en particu- les obstacles sociaux aux opérations finan- lier de bien fonctionner'. Tous ont un impact di- cières, empêchent d'affecter les ressources de rect sur l'efficacité des marchés des capitaux ruraux façon optimale. et la plupart sont liés à la notion de promesse in- Contraintes législatives et réglementaires. Les hérente aux contrats financiers. Une banque, par problèmes associés à l'exécution des créan- exemple, prête à un client en échange d'une pro- ces augmentent l'incertitude et réduisent messe de remboursement avec intérêt dans un dé- les gains attendus des opérations financiè- lai déterminé'. À cause de la notion de promesse et res par les créanciers, élevant donc les coûts du facteur temps inclus dans les contrats financiers, d'opération et réduisant l'offre de crédit et les intermédiaires et leurs clients doivent être bien de dépôts. informés pour déterminer le degré de risque que En général, ces difficultés pèsent davantage sur comportent les opérations; ils ont besoin également les opérations financières dans le secteur rural à d'un environnement politique et économique sta- cause des effets des politiques sectorielles qui pro- ble pour reporter l'échéance du contrat dans le voquent souvent des distorsions, et à cause égale- temps ; enfin, ils doivent être libres d'attribuer un ment des caractéristiques propres aux marchés juste prix aux risques tels qu'ils les perçoivent et ruraux. disposer de recours en cas de non-respect des clau- ses du contrat. Les politiques qui privilégient Ces conditions sont rarement remplies. Les les zones urbaines principaux problèmes sont les suivants: L'environnement macroéconomique. Les Les politiques sectorielles et les orientations du politiques macroéconomiques défectueuses cadre législatif et réglementaire favorisent très 17 18 Les finances rurales souvent les zones urbaines. (Ce déséquilibre est À cause du manque de garanties appropriées mis en évidence au chapitre 4, encadré 4.1 : « Les (et de l'idée largement répandue que les marchés huit piliers des politiques qui privilégient les zo- des capitaux ruraux sont très aléatoires et peu ren- nes urbaines ».) On peut citer, par exemple, le con- tables), les banques commerciales se sont large- trôle restrictif des prix des produits agricoles, la ment abstenues de desservir les campagnes. Sou- fiscalité excessive frappant les exportations agri- vent, les seuls services financiers disponibles sont coles, la surprotection de l'industrie nationale, la ceux qu'offre le secteur informel, lequel ne pro- faiblesse des investissements dans les infrastruc- cure qu'une gamme limitée de services et dispose tures et les ressources humaines rurales, et les lois de ressources relativement peu abondantes. [1 est sur les garanties qui sont mieux définies pour les prouvé que des ménages payent même pour que actifs urbains (comme les biens de consommation leur épargne soit conservée en lieu sûr. durables) que pour le matériel agricole. Dans beaucoup de pays qui possèdent un avantage com- Des interventions défectueuses paratif dans l'agriculture, les politiques macro- économiques qui entraînent une surévaluation des Pour tenter de remédier au manque de services taux de change privilégient également les zones financiers dans le secteur rural, les pouvoirs pu- urbaines dans la mesure où elles stimulent les im- blics ont créé différents types d'institutions, et portations de produits alimentaires et tirent donc notamment des institutions de crédit agricole spé- à la baisse les prix à la production des produits cialisées, chargées de distribuer des fonds versés agricoles et les revenus ruraux. par l'État et les bailleurs de fonds à la clientèle ru- rale, spécialement aux agriculteurs. Bien qu'elles Les faiblesses systémiques des marchés répondent à de bonnes intentions, certaines de ces des capitaux ruraux initiatives étaient inadaptées et passaient à côté des vrais problèmes. Parfois, elles ont même aggravé En général, les ruraux sont plus pauvres que les les difficultés. Voici quelques exemples: habitants des villes. Ils sont généralement em- • La pratique de taux d'intérêt subvention- ployés dans l'agriculture ou dans des activités liées nés plafonnés en dessous du niveau du à l'agriculture, et vivent dans des zones à faible marché aboutissait souvent à évincer les densité démographique. Ces circonstances, ajou- agriculteurs pauvres, car les subventions tées au manque d'infrastructure et à l'absence d'in- étaient accaparées par les agriculteurs riches, tégration avec les marchés urbains, font que les mieux placés, aggravant ainsi les dispari- populations rurales de nombreux pays sont rela- tés de revenu entre agriculteurs commer- tivement isolées. Ces facteurs sont à l'origine des ciaux riches et agriculteurs de subsistance problèmes ci-après: pauvres, et restreignant l'accès des pau- • La faible densité démographique, la modi- vres au crédit. Très souvent, les taux d'in- cité des prêts moyens et le bas niveau de térêt bonifiés devenaient un important l'épargne des ménages gonflent les coûts de enjeu politique et étaient donc difficiles transaction. à éliminer3. • La clientèle rurale ne peut généralement pas • Les mauvaises pratiques commerciales provo- offrir les garanties de type traditionnel exi- quaient souvent des pertes importantes et ré- gées par les banques commerciales. duisaient encore davantage l'accès des pa uvres • À cause du manque de communication et faute aux services financiers. On considérait souvent d'intégration avec les autres marchés, les mar- les institutions financières rurales comme des chés des capitaux ruraux sont très fragmen- guichets de décaissement plutôt que comme tés, ce qui freine la circulation de l'informa- des institutions financières, et les destinataires tion et limite la diversification des risques. du crédit considéraient souvent les prêts bo- • Le caractère saisonnier du cycle commercial nifiés comme des subventions qu'ils n'étaient agricole et la forte probabilité d'une cova- pas tenus de rembourser. riance des prix à la production et de chocs • L'exclusivité accordée à l'agriculture aug- de revenu alourdissent les risques de l'inter- mentait le risque supporté par les IFR et ren- médiation financière rurale. forçait le sentiment que les prêts en milieu Le défi de l'intermédiation financière rurale 19 rural constituaient une activité à part, à urbains. Les causes fondamentales de ces difficul- ne pas intégrer au marché des capitaux au tés sont interdépendantes et appellent une solu- sens large. tion d'ensemble, prenant en considération les as- pects macroéconomiques, microéconomiques, Conclusion sectoriels et institutionnels. Le chapitre 2 examine plus en détails les réus- Ainsi, les populations rurales, et surtout les pau- sites et les échecs de l'approche traditionnelle des vres, sont mal servies par le secteur financier for- finances rurales. Les chapitres 3 à 6 de la deuxième me]. De ce fait, les ménages ruraux ont souvent un partie proposent une méthode pour élaborer une accès plus limité à des services convenables de cré- stratégie intégrée en vue d'améliorer l'intermédia- dit, d'épargne et d'assurance que leurs homologues tion financière rurale. CHAPITRE 2 L'approche traditionnelle des finances rurales ans tous les pays, l'État intervient sur les Parmi les moyens d'intervention auxquels les marchés des capitaux. Les prêts et les ga- pouvoirs publics ont recours, on relève: les nor- ranties publics représentaient, aux États- mes de comptabilité financière, les règles Unis, environ un quart de la totalité des prêts ac- prudentielles, l'assurance des dépôts, les garan- cordés pendant les années 80 (Schwarz, 1992). En ties de prêts, les taux d'intérêt planchers et pla- Inde, les plus grandes banques commerciales sont fonds sur prêts et dépôts, les bonifications d'in- publiques et jusqu'à 60 % des ressources des ban- térêts, la mise hors circuit, à des fins budgétaires, ques privées de taille plus modeste sont mises hors de certains fonds (sous forme, par exemple, de circuit par les pouvoirs publics ou bloquées dans réserves obligatoires non rémunératrices ou de des opérations de prêt contrôlées. Jusqu'en 1988, coefficients de liquidité) et les mécanismes de le système bancaire soviétique se composait, en surveillance (mis en oeuvre directement par tout et pour tout, de deux banques publiques: une l'autorité publique ou par des intermédiaires). caisse d'épargne (Sberbank) et une banque exclu- Les pouvoirs publics agissent en qualité de prê- sivement de prêts (Gosbank). Si le degré d'inter- teurs en dernier ressort pour maintenir la liqui- vention varie selon les pays, aucun gouvernement dité du système, en interdisant l'octroi de prêts ne s'est jamais totalement abstenu d'intervenir à des groupes particuliers (actionnaires ou ini- dans le secteur des finances rurales. tiés, par exemple), en restreignant la possibilité L'État intervient sur les marchés des capitaux pour les banques d'accéder à certains secteurs pour protéger les déposants, garantir la solva- et de s'en retirer librement, en orientant les prêts bilité des intermédiaires financiers, favoriser la concessionnels vers des secteurs donnés, en ac- concurrence, assurer la stabilité macroéconomi- cordant des prêts à des clients particuliers, en que et la croissance, et atteindre des objectifs créant de nouvelles banques publiques et en sociaux et politiques. À cet effet, il a recours à nationalisant, expropriant ou interdisant les éta- divers instruments lui permettant de contrôler, blissements bancaires privés. d'orienter, d'augmenter, de compléter et de rem- Il est généralement admis qu'en l'absence d'in- placer les services financiers fournis par les in- terventions indirectes, les défaillances seraient fré- termédiaires financiers privés4. Ces interven- quentes sur les marchés des capitaux. Les argu- tions sont tantôt indirectes, et elles visent alors ments en faveur des interventions directes sont à améliorer le cadre de politique économique plus controversables et c'est autour d'eux que s'axe (en favorisant, par exemple, la stabilité macro- la différence entre l'approche traditionnelle, qui a économique et celle du secteur financier), tan- dominé la pensée économique dans le domaine tôt directes, sous forme d'initiatives telles que du financement rural jusqu'à la fin des années 70, la création d'intermédiaires financiers publics et les nouvelles conceptions dont celui-ci fait l'ob- et les bonifications des taux d'intérêt. jet depuis 1980 (voir le chapitre 3). 20 L'approche traditionnelle des finances rurales 21 La conception traditionnelle pauvreté dans le monde rural. Les problèmes en du financement rural question étaient, entre autres : Selon cette conception, les pouvoirs publics sont Le manque de crédit dans les zones rurales actifs sur les marchés financiers ruraux, et pen- chent surtout pour les interventions directes. Elle Les banques privées évitaient d'accorder des prêts remonte aux années 50, époque où les interven- dans les zones rurales parce qu'elles considéraient tions inspirées des théories keynésiennes don- ces opérations comme risquées et non rentables. naient de bons résultats au niveau macroécono- Elles se gardaient tout particulièrement de con- mique. Au cours des 30 années suivantes, les sentir des prêts à long terme assortis de différés dirigeants politiques ont découvert que les mar- d'amortissement, qui sont importants pour cer- chés des capitaux ruraux présentaient une multi- tains investissements agricoles (voir l'encadré 2.1). tude de problèmes et ont tenté de les résoudre par C'est pourquoi les gouvernements ont créé des le ciblage, l'octroi de subventions et les contrôles institutions financières rurales (IFR) et notamment gouvernementaux. Ils espéraient que ces mesu- des établissements de crédit spécialisés dans le cré- res stimuleraient la croissance et réduiraient la dit agricole. Certains pays (l'Inde en 1969 et 1980, Encadré 2.1 Mérites des financements longs Le manque de ressources longues empêche-t-il les devra faire appel à des fonds extérieurs pour croître entreprises des pays en développement d'investir au même rythme. dans des opérations susceptibles de favoriser leur Pour neutraliser ces facteurs endogènes, les croissance, et potentiellement rentables ? Il sem- auteurs de l'étude ont estimé le taux de croissance que ble que ce soit le cas. Une étude empirique a été chaque entreprise de leur échantillon pourrait attein- effectuée sur la question au moyen de données sur dre en ne comptant que sur ses ressources propres et les entreprises de 30 pays industrialisés et en déve- sur le crédit à court terme. Ils ont montré que le pour- loppement durant la période 1980-91. Il en res- centage d'entreprises ayant enregistré des taux de sort que le recours au crédit à long terme par les croissance supérieurs est lié au développement des entreprises facilite notablement leur expansion. marchés des capitaux - tant pour l'endettement à Curieusement, d'après cette étude, les aides publi- long terme que pour le capital-actions - et des insti- ques aux entreprises ne contribuent pas à accélé- tutions juridiques du pays. Ainsi, le sous-développe- rer leur croissance. Il semble au contraire que si ment des marchés des capitaux et des institutions les entreprises sont plus nombreuses à enregistrer empêche les entreprises des pays en développement des taux de croissance plus élevés que prévu lors- d'investir dans des opérations susceptibles de favori- qu'elles ont la possibilité de contracter des dettes à ser leur croissance et potentiellement rentables. Tou- long terine, le résultat est inversé lorsque les pou- tefois, les aides publiques à l'industrie n'augmentent voirs publics subventionnent le crédit. pas le pourcentage des entreprises enregistrant des Les besoins de financement extérieur d'une en- taux de croissance plus élevés que les taux prévus, et treprise varient en fonction de l'importance de sa l'effet positif de l'endettement à long terme est inversé marge brute d'autofinancement par rapport aux pos- lorsque la dette est subventionnée. Donc, bien que sibilités d'investissement. Ces deux variables sont en- l'étude ait réuni un certain nombre d'éléments étayant dogènes. Le rapport entre elles peut différer radicale- l'hypothèse selon laquelle « la disponibilité de moyens ment suivant les pays, même dans le cas d'entreprises de financement à terme influe sur la croissance des comparables employant la même technologie. C'est entreprises » (un argument invoqué pour justifier de ainsi, par exemple, qu'une entreprise utilisant une nombreux programmes de crédit dirigés), elle a aussi technologie à forte intensité de capital devra peut-être constaté que les interventions des pouvoirs publics consentir d'importantes dépenses d'équipement pour ne sont généralement pas couronnées de succès, en se développer. Si elle a une position assez forte sur le raison peut-être de faiblesses au niveau de la concep- marché ou si elle bénéficie d'une demande élevée, sa tion de ces interventions et des infrastructures insti- marge brute d'autofinancement pourra suffire à fi- tutionnelles sous-jacentes. nancer ces investissements, alors qu'une entreprise équivalente dans une économie plus concurrentielle Source: Demirgüç-Kunt et Maksimovic, 1996. 22 Les finances rurales et le Mexique en 1982) ont nationalisé les ban- La faible capacité d'épargne des zones rurales ques commerciales pour accroître les prêts à l'agri- culture. D'autres pays (le Maroc et la Thaïlande) Les communautés rurales avaient toujours été con- ont obligé les banques commerciales à affecter un sidérées comme trop pauvres et exposées à trop pourcentage donné de leur portefeuille au secteur de chocs naturels pour pouvoir épargner. Les di- agricole ou à des établissements publics de crédit rigeants s'en remettaient aux ressources budgétai- agricole spécialisés pour qu'ils puissent les rétro- res et à l'aide extérieure pour disposer de fonds céder aux agriculteurs. utilisables pour les programmes gouvernementaux de crédit rural. Le retard technologique de l'agriculture Les pressions politiques Il était indispensable que la productivité agricole augmente rapidement face à l'explosion démogra- Les pressions politiques immédiates s'exerçant sur phique. Les dirigeants pensaient que le meilleur les pouvoirs publics provenaient surtout des po- moyen d'améliorer la productivité agricole con- pulations urbaines, mais il fallait néanmoins faire sistait à encourager l'emploi de pesticides, d'en- quelque chose, ou au avoir l'air de faire quelque grais et de machines agricoles6. Jugeant que les chose, pour s'attaquer aux problèmes des popula- agriculteurs étaient hostiles aux risques et gênés tions rurales. Les bonifications d'intérêt et les an- par le manque de liquidités, les pouvoirs publics nulations de créances étaient un moyen visible ont voulu accélérer l'adoption de ces technologies d'atteindre cet objectif et d'apaiser l'électorat ru- en bonifiant les taux d'intérêt. ral. Ces deux mesures profitaient principalement aux emprunteurs riches et influents du monde La poursuite de la croissance industrielle rural, mais c'est un résultat que de nombreux gou- aux dépens de l'agriculture vernements jugeaient acceptable (Ladman et Tinnermeier, 1984). Influencés par les théories dualistes du dévelop- pement économique et par l'exemple des écono- Évaluation de l'approche traditionnelle mies industrielles prospères, les dirigeants des pays en développement plaçaient leurs espoirs dans l'in- Les résultats de l'approche traditionnelle varient dustrie, plutôt que dans l'agriculture. Pour sub- suivant les pays, mais dans l'ensemble, ils sont plu- ventionner l'expansion industrielle, nombre d'en- tôt médiocres ou, au mieux, modestes. C'est ce tre eux ont lourdement taxé l'agriculture par le qu'indique une évaluation fondée sur trois critè- mécanisme des prix et par des mesures budgétai- res : a) les effets des stratégies traditionnelles, tel- res. Toutefois, pour des raisons d'équité (et pour les que le ciblage et l'octroi de subventions, sur les assurer un approvisionnement suffisant en den- problèmes qu'elles étaient censées résoudre ; b) rées alimentaires aux citadins), ils ont tenté de leur rapport coût-efficacité ; et c) leur contribu- compenser la lourdeur des impôts frappant l'agri- tion à la réalisation des objectifs plus larges que culture par des crédits bonifiés. sont l'accroissement des revenus et la réduction de la pauvreté. La prédominance des usuriers Les effets des stratégies traditionnelles Les taux d'intérêt pratiqués dans le secteur infor- sur les problèmes qu'elles étaient censées résoudre mel étaient considérés comme usuraires (souvent plus de 100 % par an). D'aucuns ont soutenu que Il est difficile d'évaluer les effets des crédits ciblés des agriculteurs pauvres ne pouvaient pas emprun- pour plusieurs raisons d'ordre méthodologique ter à des taux aussi élevés, qui étaient, en tout état (voir l'encadré 2.2). Tout d'abord, on ne sait pas de cause, inadmissibles. Des lignes de crédit boni- de quel niveau de liquidités un emprunteur aurait fiées, contrôlées par les pouvoirs publics, ont été pu disposer en l'absence d'un prêt « dirigé ». En ouvertes pour chasser les usuriers du marché et effet, s'il n'avait pas bénéficié de ce prêt, l'emprun- permettre aux agriculteurs d'emprunter à des taux teur aurait peut-être pu obtenir des fonds ailleurs. d'intérêt « raisonnables ». Comment évaluer alors l'« additionnalité » avec L'approche traditionnelle des finances rurales 23 Encadré 2.2 Comment évaluer les résultats des projets de crédit agricole Les États, les bailleurs de fonds et les directeurs d'ins- de production » à l'accès au crédit institutionnalisé, titutions financières rurales emploient diverses mé- ce qui est malheureusement fréquent, tant que l'on thodes. Le Département de l'évaluation des opérations n'a pas surmonté un certain nombre de difficultés (OED) de la Banque mondiale a énoncé plusieurs di- inhérentes à l'évaluation. Pourtant, les résultats fi- rectives en la matière : nanciers des intermédiaires participants ne laisse En cas de doutes sérieux et fondés sur la souvent planer aucun doute: détermination ou l'aptitude de l'intermé- Les programmes traditionnels de crédit diaire financier ou des pouvoirs publics à visaient à fournir des crédits aux agriculteurs mettre en oeuvre un projet, la Banque mon- dans le besoin. On reproche à juste titre à ces diale doit surseoir à son prêt jusqu'à ce que projets de ne pas résoudre les problèmes sys- ces doutes soient dissipés. La mise en oeuvre témiques et il est tout aussi juste de dire que la prématurée d'un projet peut engendrer des performance et la viabilité financière de nom- problèmes beaucoup plus importants que breuses institutions de crédit représentées dans son ajournement. (Banque mondiale/OED, le portefeuille sont insuffisantes. L'incapacité 1989). de ces institutions à améliorer les taux de re- L'OED a insisté sur la nécessité de procéder, à la fin des couvrement est quasi générale. Certains éta- projets, à une évaluation approfondie du renforce- blissements tributaires de transferts de porte- ment des institutions et, plus particulièrement, de feuille et de transferts publics sur lesquels ils l'impact financier des opérations de la Banque sur les ne peuvent plus compter sont vulnérables. Les intermédiaires et sur l'agriculture. Dans un rapport critiques portant sur l'aspect bancaire des opé- de 1990, l'OED a affirmé que: « l'approche de 'OED rations traditionnelles de crédit agricole sont, part du principe qu'un projet de crédit ne peut être dans l'ensemble, justifiées. (Banque mondiale/ jugé satisfaisant qu'à condition d'avoir obtenu des OED, 1996). résultats positifs sur ces deux fronts » (Banque mon- diale/OED, 1990). On aurait tort d'attribuer les « gains Source: Recherches des auteurs. précision ? D'autres problèmes méthodologiques accroissement immédiat des investissements et des sont examinés au chapitre 7. crédits de campagne qui stimulent l'agriculture. Les subventions sont toutefois souvent accaparées L'impact sur l'accès au crédit. Les program- par les riches (voir l'encadré 2.3). Les contraintes mes de crédit dirigé se traduisent souvent par un budgétaires font en outre que le nombre potentiel Encadré 2.3 Redistribution des crédits et du revenu au Costa Rica Quatre banques commerciales, toutes publiques et donc des bonifications), versés par Banco Nacional bien positionnées pour atteindre les petits exploi- était en fait plus asymétrique que celle des revenus tants, accordaient des crédits agricoles bonifiés. Au et des terres. Les faibles taux d'intérêt pratiqués milieu des années 70, les trois plus petites avaient plus comportaient un élément de subvention équiva- de 30 bureaux régionaux, la plus grande (Banco lant à 4 % du produit intérieur brut et à près de Nacional) plus de 100. Les deux tiers de ces agences 20 % de la valeur ajoutée dans l'agriculture. Ainsi, étaient situés dans des zones rurales et spécialisés dans chacun des gros prêts, qui ont absorbé 80 % des le crédit aux petits exploitants. crédits accordés par Banco Nacional, a bénéficié Il ressort des données concernant Banco d'une aide financière moyenne de 10 000 dollars. Nacional, qui a fourni 60 % des crédits agricoles En 1974, un revenu de 10 500 dollars plaçait une accordés dans le pays en 1974, que, cette année- famille dans les 10 % supérieurs de l'échelle de ré- là, 10 % des prêts à l'agriculture accordés par cette partition des revenus. banque représentaient 80 % du montant total de ses crédits agricoles. La répartition des crédits (et Source: Tiré de Banque mondiale, 1989. 24 Les finances rurales d'emprunteurs diminue à mesure qu'augmente le les forages dans le nord-ouest du Bangladesh, et niveau de la subvention par emprunteur, ce qui que ces innovations sont liées à des accroissements limite l'impact potentiel sur l'accès au crédit. de la production. En Inde, l'activité des IFR publiques s'est tra- Impact sur la production agricole. L'effet des duite par un net approfondissement des marchés stratégies traditionnelles sur la production agri- financiers ruraux et par un accroissement cole fait l'objet de vives discussions. Selon l'« École mesurable de la production, qui a toutefois été de l'Ohio » (Adams, Graham et Von Pischke, 1984), obtenu à un prix exorbitant en termes d'efficience les problèmes méthodologiques de l'évaluation (voir l'encadré 2.4). Le coût de la perte d'intermé- rendent cette évaluation vaine du fait de la fongi- diation qui résulte, pour les intermédiaires finan- bilité de l'argent (voir le chapitre 7). Le Départe- ciers privés des zones rurales, des distorsions du ment de l'évaluation des opérations de la Banque système financier rural public, n'est pas facile à mondiale soutient, toutefois, dans une étude sur estimer, même par les analyses empiriques les plus les finances rurales, que la fongibilité des finance- dignes de foi. ments agricoles n'exclut pas qu'on tente d'établir une corrélation entre le crédit et l'accroissement Conséquences des erreurs d'orientation du cré- de la production physique et que ce n'est pas parce dit. Certains éléments d'information indiquent qu'il est difficile de mesurer l'impact du crédit que que les gouvernements orientent souvent mal le celui-ci est nul (Banque mondiale/OED, 1993). crédit. Dans certaines économies planifiées, les Cette étude relève que les programmes d'orienta- crédits étaient systématiquement orientés vers les tion du crédit sont associés à l'adoption de tech- éléments les plus faibles pour les maintenir en acti- niques modernes, telles que les serres au Maroc et vité. Dans d'autres cas, les distorsions inhérentes aux Encadré 2.4 Conséquences des financements institutionnalisés sur l'économie rurale en Inde Une étude récente des finances rurales en Inde ana- baissé. On peut en déduire que la politique de prêts lyse les données concernant les campagnes agricoles forcés à l'agriculture a eu plus d'impact sur la substi- de 1972-73 à 1980-81 de 85 districts ruraux tution de capital au travail que sur la production agri- (Binswanger et Khandker, 1995). Il en ressort que les cole, résultat qui va manifestement à l'encontre du autorités indiennes ont mis en oeuvre une politique but recherché, si l'on songe à l'abondance de la main- d'expansion rapide et forcée des banques commer- d'oeuvre en Inde. ciales en milieu rural. Cette expansion s'est traduite L'étude rapproche l'augmentation modeste de la par la création de nombreux emplois ruraux non agri- production agricole des coûts qu'ont entraîné pour coles et par une augmentation modeste des salaires le budget de la nation les crédits légèrement bonifiés ruraux. Les auteurs en déduisent que l'action des pou- orientés vers l'agriculture. Ces coûts sont notamment voirs publics a dû donner une impulsion notable à la une estimation approximative des coûts de transac- croissance du secteur rural non agricole. Ces conclu- tion, la bonification des taux d'intérêt et les pertes sur sions laissent entendre que l'expansion des banques prêts. Dans l'hypothèse d'un taux d'impayés de 10 %, commerciales dans les zones rurales a permis d'éli- l'étude indique que la valeur de l'accroissement de la miner de sérieux goulets d'étranglement et d'appro- production agricole rendu possible par les crédits ci- fondir sensiblement le système financier rural. blés a presque entièrement couvert leur coût pour les Les autorités indiennes ont aussi ordonné aux pouvoirs publics. Bien entendu, les frais additionnels banques commerciales et aux coopératives de crédit supportés par les agriculteurs ne sont pas pris en d'accorder des prêts spécifiquement destinés à l'agri- compte dans ce calcul. culture. Il apparaît que l'expansion du volume des Par conséquent, si l'approfondissement du sys- crédits ruraux et agricoles a eu un léger effet positif tème d'intermédiation financière en milieu rural a eu sur la production agricole totale. Ce léger accroisse- de nets effets positifs sur la croissance, l'emploi et le ment est du à une forte augmentation de l'utilisation bien-être, le ciblage délibéré des crédits sur l'agricul- des engrais et au renforcement des investissements con- ture a eu des résultats plus contestables. sacrés aux animaux et aux pompes d'irrigation. Simul- tanément, le nombre des emplois dans l'agriculture a Source: Binswanger et Khandker, 1995. L'approche traditionnelle des finances rurales 25 ou qui sont à leur portée, même en l'absence de Encadré 2.5 Conséquences des subventions systèmes d'orientation du crédit assortis de con- en faveur du blé en Arabie Saoudite ditions favorables. Ces interventions auraient pu être beaucoup Jusqu'au début des années 80, l'Arabie Saoudite plus fructueuses si elles avaient été plus sélectives. importait la plus grande partie du blé qu'elle con- Les taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché et sommait. En 1981, elle en a produit 187 000 ton- le peu d'empressement mis à recouvrer les créan- nes. Le gouvernement saoudien s'est mis alors à ces, qui continuent de caractériser la plupart des encourager la production de blé en garantissant aux programmes de crédit traditionnels, renforcent les agriculteurs des prix artificiellement élevés, des ter- incitations à substituer le crédit institutionnalisé res gratuites et des prêts assortis de faibles taux d'in- à d'autres ressources ou même à le détourner car- térêt pour l'achat de machines, d'engrais et de se- mences. En moins de dix ans, le niveau de la rément vers des utilisations non productives et non production avait été multiplié par 15, pour attein- souhaitées. Certains détracteurs de l'approche tra- dre 3 millions de tonnes par an, dont les deux tiers ditionnelle font observer que l'octroi de crédits étaient exportés. Le prix de revient du blé produit agricoles bonifiés encourage l'adoption de tech- sur place était d'environ 1000 dollars la tonne, alors nologies à très forte intensité de capital. L'exem- que le coût du blé importé s'élevait à quelque ple généralement cité est celui des prêts 80 dollars la tonne. L'agriculture a consommé plus concessionnels consentis en faveur du machinisme de 80 % de l'eau du royaume, provenant essentiel- agricole au Pakistan, où les tracteurs ont privé les lement de nappes phréatiques qui ne se reconsti- ouvriers agricoles de leur emploi et aggravé la pau- tuent pas naturellement et qui risquent d'être épui- vreté dans les zones rurales (Khan, 1977). Il est sées d'ici peu (au plus tard dans une vingtaine aujourd'hui généralement admis que si l'objectif d'années, selon certains experts). est de réduire la pauvreté et si le travail est le prin- Source: Extrait de l'étude deYarbrough etYarbrough, 1991. cipal atout du pauvre, subventionner le capital va à l'encontre du but recherché. politiques suivies rendaient certaines cultures ren- Impact des politiques pro-urbaines d'expansion tables pour les exploitants, même lorsque le pays industrielle. Les crédits bonifiés ont certes dédom- n'avait pas d'avantage comparatif. En pareil cas, magé en partie les producteurs agricoles qui étaient l'accroissement de l'offre de crédit est préjudicia- suffisamment puissants ou ont eu assez de chance ble à l'économie, et les gains de production peu- pour en bénéficier, mais le dédommagement total vent donner une idée fausse de l'impact sur le dé- constitué par les subventions en faveur des moyens veloppement. L'encadré 2.5 présente un exemple de production ne représente qu'une faible partie extrême de la façon dont l'augmentation de la pro- des pertes subies par le secteur agricole en raison duction peut se traduire par une perte économi- des politiques suivies (Schiff et Valdés, 1992). Le que nette. dédommagement fourni par le biais de crédits bo- nifiés n'a profité qu'à un faible pourcentage (gé- Impact sur les technologies de production. Se- néralement très inférieur à 30 %) de l'ensemble Ion l'approche traditionnelle, le crédit faisait sou- des producteurs agricoles affectés par les mesures vent partie intégrante d'un ensemble de services, discriminatoires pro-urbaines. Au Mexique, où il tels que des services de vulgarisation agricole et la existe pourtant un réseau de plus de 500 agences fourniture de moyens de production (engrais, pes- bancaires agricoles et où des programmes d'orien- ticides et variétés à haut rendement) et de maté- tation du crédit équivalant à plusieurs milliards riel agricole (pompes pour l'irrigation, tracteurs de dollars ont été mis en oeuvre par l'intermédiaire et moissonneuses-batteuses). Le crédit institution- d'une banque d'État pour le développement agri- nalisé accélérait souvent l'adoption de technolo- cole et de banques commerciales nationalisées, une gies modernes lorsque celles-ci exigeaient de gros étude récente de la Banque a fait ressortir que les investissements. Cependant, l'adoption de techno- crédits institutionnalisés n'auraient atteint que 8 logies telles que les semences sélectionnées, les % des entreprises rurales et que moins de 1 % d'en- engrais et les pesticides nécessite des moyens fi- tre elles auraient bénéficié de prêts d'État directs nanciers dont les agriculteurs disposent souvent, (Chaves et Sanchez, 1995). 26 Les finances rurales Conséquences sur les activités des usuriers. Dans réelle des fonds propres des IFR d'État dans toute de nombreux pays, les programmes d'orientation l'Amérique latine pendant les années 80 en raison du crédit n'ont, dans l'ensemble, pas évincé les de la faiblesse du recouvrement et du fait que les usuriers. La part du financement informel de- taux d'intérêt étaient inférieurs à l'inflation. meure importante, voire prépondérante, et les taux Le coût économique de ces piteuses perfornan- d'intérêt demeurent élevés quand bien même les ces est considérable, menaçant souvent la stabilité taux pratiqués sur les prêts officiels sont inférieurs macroéconomique. Par exemple, les crédits agri- aux taux du marché (Ramola et Majahan, 1996)8. coles bonifiés représentaient 2,2 % du PIB du Bré- En Inde, toutefois, des enquêtes sur le crédit font sil en 1980 et 1,7 % de celui du Mexique en 1986 apparaître que la part du financement institution- (voir l'encadré 2.6). Dans plusieurs cas, les mé- nalisé est passée d'environ 33 % pendant les an- thodes comptables sont si défectueuses qu'il n'est nées 50 à 55 % pendant les années 80, par suite même pas possible d'évaluer le volume des aides des efforts menés par les pouvoirs publics pour financières. De nombreux gouvernements igno- réduire les activités des prêteurs. Cependant, si la rent le coût budgétaire et quasi-budgétaire total part des prêts ruraux informels a diminué, leur de la mise en oeuvre de programmes d'orienta- valeur absolue a augmenté pendant la même pé- tion des crédits agricoles bon marché et, à plus riode. Les taux d'intérêt élevés pratiqués par les forte raison, les coûts d'opportunité qui y sont liés9. prêteurs, en dépit de l'expansion du crédit insti- La raison de ces piètres résultats est évidente : tutionnalisé (souvent concessionnel) peuvent s'ex- les interventions se caractérisaient, et se caracté- pliquer, en partie du moins, par un processus de risent encore souvent, par l'absence d'autonomie sélection négatif : les clients les plus solvables de gestion des IFR et par de mauvaises méthodes s'adressent au secteur formel. d'exploitation. Résultat des objectifs politiques. La forte résis- Manque d'autonomie de gestion. Il permet aux tance politique à laquelle se heurte, dans de nom- politiciens de faire de la démagogie au lieu d'ap- breuxpays (Bangladesh, Tunisie, États-Unis), toute pliquer de bons principes de gestion. C'est ainsi velléité de suppression des crédits bonifiés donne que les clients privilégiés bénéficient d'un régime à penser que ceux-ci ont atteint leurs objectifs spécial et que les élections donnent lieu à des pro- politiques explicites et implicites. Les bonifications messes de remises de dettes. Ce type de pratiques s'inscrivent toutefois dans le cadre d'une stratégie a provoqué l'effondrement d'IFR pendant les an- globale pro-urbaine qui a, même si tel n'était pas nées d'élection à la Jamaïque (1980) et au Malawi son objectif, réduit les revenus agricoles et accé- (1994), entre autres. léré l'exode rural. Mauvaises méthodes d'exploitation. Ce sont, Rentabilité des méthodes traditionnelles par exemple, le manque d'incitation pour les clients et les agents des institutions financières Dans l'ensemble, les performances financières de rurales, les taux d'intérêt inférieurs aux taux du pratiquement toutes les IFR d'État sont très mé- marché et des systèmes d'information inadaptés. diocres. La plupart d'entre elles ne sauraient se Elles ont plusieurs conséquences, notamment: passer de subventions. En Inde, le pourcentage des • des marges d'intérêt qui ne permettent pas arriérés de paiement tourne autour de 50 % dans de couvrir l'ensemble des coûts des IFR, y la plupart des États. Le taux de recouvrement de compris les provisions pour les créances la BANRURAL du Mexique était d'environ 25 % à douteuses ; la fin des années 80 (compte non tenu des recou- • des taux prêteurs réels négatifs (ou inférieurs vrements effectués par la compagnie nationale aux taux du marché) obligeant les IFR à ré- d'assurances agricoles qui fonctionne à perte). Le munérer l'épargne à des taux inférieurs à taux de recouvrement de l'Agence de crédit agri- ceux du marché, ce qui se traduit pour elles cole des petits exploitants du Malawi est brutale- par une diminution de la valeur de leur ca- ment tombé de près de 90 % à moins de 20 % au pital. Les subventions inhérentes encouragent cours des dernières élections. Cet organisme a dû en outre les emprunteurs et les agents des IFR déposer son bilan. L'inflation a érodé la valeur à adopter un comportement de rente; L'approche traditionnelle des finances rurales 27 Résultats de l'approche traditionnelle sur le front Encadré 2.6 Le poids budgétaire des IFR de l'accroissement des revenus et de la réduction au Mexique de la pauvreté Le Gouvernement mexicain a transféré près de Les détracteurs de l'approche traditionnelle ont 23 milliards de dollars (en dollars constants de 1992) souvent fait valoir que les responsables de l'action à ses institutions financières rurales entre 1983 et publique privilégiaient à tort des objectifs de pro- 1992 (Banque mondiale, 1994c). La plupart de ces duction plutôt que des objectifs propres au sec- transferts ont revêtu la forme d'un soutien budgé- teur financier (Adams, Graham et Von Pischke, taire du ministère des Finances et de réescomptes à 1984 ; González-Vega, 1984 ; Banque mondiale, des taux inférieurs à ceux du marché consentis par 1993). Cette dichotomie entre les objectifs du sec- la Banque centrale aux deux banques nationales de teur financier et ceux du secteur réel de l'écono- développement agricole (FIRA et BANRURAL). Quel- que 3,8 milliards de dollars (17 %) sont allés aux mie est plus apparente que réelle, puisque l'amé- compagnies d'assurance agricoles déficitaires, sous lioration du secteur financier permet une contrôle public (ANAGSA et AGROASEMEX). répartition optimale des ressources garantissant À la fin des années 80, le poids des transferts les meilleurs résultats possibles sur le plan de était devenu insoutenable. Le budget fédéral a di- l'amélioration des revenus réels et de la réduction minué de près de 30 %, en valeur réelle, entre 1986 de la pauvreté. et 1992, sous l'effet des politiques de stabilisation et La vraie dichotomie se situe entre une appro- d'ajustement macroéconomiques. Les IFR ont donc che à court terme, plus étroite, axée sur une aug- été privées de fonds fédéraux et les transferts bud- mentation immédiate de la production agricole et gétaires et quasi budgétaires en faveur du finance- une approche à long terme, plus générale, visant ment rural sont tombés de l'équivalent de 4 % du une apre àlon terme pls rle , viant budget à moins de 1 %. La part de ces transferts dans une nette expansion durable des revenus ruraux'". le PIB agricole et le PIB global est passée, respective- Le contrôle du crédit peut permettre d'atteindre ment, d'un maximum de 18 % et 1,7 %, en 1986, à le premier objectif, mais si l'on veut atteindre le 2,7 % et 0,2 %, en 1992. second, on doit disposer de marchés des capitaux ruraux efficaces. Le reproche fondamental qui peut Source: Banque mondiale, 1994c. être fait à l'approche traditionnelle est qu'en né- gligeant les impératifs du secteur financier, elle n'accorde pas suffisamment d'importance aux objectifs du développement rural à plus long terme. • des taux de prêts obligatoirement plus fai- La priorité accordée au décaissement de crédits bles pour les clients plus pauvres - qui, en agricoles a eu pour effet de mettre à tort l'accent fait, exigent d'avoir accès au crédit et non sur trois aspects : pas à des prêts bonifiés - qui réduisent le 1. Le décaissement. En mettant l'accent sur le volume des prêts accordés aux pauvres et le décaissement, l'approche traditionnelle a rendement des prêts pour les prêteurs; fait passer la quantité avant la qualité. Or, • le soutien apporté aux coopératives d'État à c'est parce que les établissements ban- participation obligatoire, qui fait fi des mé- caires ont été traités comme des guichets, rites de l'association volontaire reposant sur et non pas comme des institutions répon- des principes d'autosélection, et qui n'inci- dant à un ensemble de besoins et offrant te pas à la discipline financière ; une gamme complète de services, qu'ils • la tolérance de l'indiscipline financière dans ont eu tant de défauts de paiement et d'ar- la gestion des IFR et d'un niveau élevé de riérés. Cette approche a freiné l'approfon- créances irrécouvrables pendant de nom- dissement des circuits financiers et a pesé breuses années. sur la croissance économique à long terme En résumé, mal conçues au départ, les inter- (Levine, 1994)". Ce n'est qu'en insistant sur ventions traditionnelles sont peu efficaces et s'op- la qualité des prêts que l'on parviendra à en posent au développement des marchés financiers augmenter le nombre rapidement, efficace- ruraux. ment et durablement. 28 Les finances rurales Encadré 2.7 Sur quoi porte l'intervention: Le développement rural et le développement agricole Selon les pratiques optimales en vigueur sur les mar- étude réalisée par la Banque mondiale au Mexique ché des capitaux ruraux, il apparaît que l'on doit ten- que, dans la zone rurale considérée, seuls 37 % des dre de façon générale à élargir l'accès aux services fi- travailleurs indépendants se consacraient exclusive- nanciers en milieu rural. Tel n'est pas l'objectif des ment à l'agriculture et à des activités qui lui sont di- politiques très répandues qui visent à fournir du cré- rectement liées (Chaves et Sanchez, 1995). La ma- dit à la seule agriculture, et qui ont peut-être eu pour jorité des entrepreneurs ruraux (55,6 %) se livraient résultat de promouvoir un développement général à d'autres activités non agricoles, et les 7,5 % restants peu équilibré. Le développement rural, par opposi- menaient de front des activités agricoles et non agri- tion au développement agricole, part du principe que coles. On a aussi constaté à cette occasion que l'agri- le développement doit avoir une vocation régionale culture n'était pas la principale source de revenus ru- ou géographique, et ne pas porter sur un secteur ou raux en espèces, et qu'elle ne générait que 32 % de la une activité quelconque. L'agriculture en soi n'a rien totalité des revenus non salariaux des chefs d'entre- de miraculeux. On a apparemment supposé que la prises rurales. majorité des ruraux sont employés dans l'agriculture Est-il réellement possible d'accorder des crédits et que, par conséquent, cette activité est la principale à des fins exclusivement agricoles ? La fongibilité du source de revenu en milieu rural. Même si cela était le crédit permet d'en douter. Si l'on voulait empêcher cas, les stratégies qu'impliquent cette hypothèse peu- les emprunteurs d'utiliser une partie des crédits pour vent aller à l'encontre du but recherché car elles pour- financer d'autres activités, cela serait probablement raient provoquer un déséquilibre dans le développe- vain et imposerait aux emprunteurs et aux prêteurs ment du secteur rural et dissuader les ménages ruraux des frais inutiles (tels que les frais de non-respect po ur de diversifier leurs sources de revenu. les premiers, et les frais de supervision pour les se- Quoi qu'il en soit, les recherches effectuées de- conds). En d'autres termes, le ciblage n'est pas une puis peu dans le but de comprendre l'économie ru- option valable et ne peut être appliqué qu'à un coût rale dans sa totalité donnent à penser que l'impor- déraisonnable. tance de l'agriculture dans le monde rural n'est pas aussi grande qu'on le croyait. Il ressort d'une nouvelle Source: Chaves et Sanchez, 1995. 2. L'agriculture. Parce qu'elle mettait l'accent dence et d'efficacité dans l'octroi des prêts sur l'agriculture, l'approche traditionnelle (Cuevas et Graham, 1984). a négligé les possibilités importantes de croissance et de diversification des risques Conclusion (tant pour les IFR que pour les clients des zones rurales) offertes par les entreprises Si l'approche traditionnelle n'est pas totalement rurales non agricoles (voir l'encadré 2.7 et dépourvue de mérites, surtout au niveau des ex- le chapitre 4). ploitations agricoles, elle présente de sérieuses la- 3. Le crédit. En mettant l'accent sur le crédit, cunes dans la mesure où elle n'a pas permis d'at- l'approche traditionnelle a négligé la mobi- teindre les objectifs d'accroissement des revenus lisation de l'épargne, la « moitié oubliée du ruraux et de réduction de la pauvreté et où, dans financement rural » (Vogel, 1984). Les trois certains cas, les interventions ont peut-être exa- IFR florissantes qui sont examinées au cerbé les problèmes des zones rurales et aggravé chapitre 9 ont mobilisé des montants les difficultés des communautés rurales. d'épargne élevés et il ne fait guère de doute L'évolution récente de la théorie économique aujourd'hui que les pauvres des zones ru- et l'analyse des meilleures pratiques d'intermédia- rales peuvent épargner. Les IFR dont les tion financière rurale en vigueur ont ouvert de engagements se composent d'un fort pour- nouvelles perspectives sur la question des finan- centage d'épargne par rapport aux em- ces rurales. Ces nouvelles perspectives sont exa- prunts publics font preuve de plus de pru- minées dans la deuxième partie. DEUXIÈME PARTIE Améliorer l'intermédiation financière rurale cours des années 80, on a commencé à marché, consistant à maximiser l'efficacité des mar- regarder les finances rurales d'un oeil neuf chés. Les différences et les points communs entre et on a été amené à formuler des directi- les deux approches sont résumés au tableau 3.1. ves générales sur les interventions dans ce do- Le chapitre 3 présente une démarche métho- maine. Ces directives n'ont rien de définitif, et de dique qui permet d'évaluer le rôle que peut jouer nombreux aspects restent à analyser de façon plus l'État pour atteindre les objectifs de valorisation approfondie. des revenus et de lutte contre la pauvreté. Cette Les objectifs suprêmes de la nouvelle appro- démarche est illustrée par deux arbres de décision che, la valorisation des revenus et la lutte contre la (un pour chaque objectif). Les chapitres 4 et 5 pauvreté, ne sont pas différents de ceux de l'ap- décrivent comment l'État peut créer un climat proche traditionnelle. C'est au niveau des buts, des propice par le biais d'interventions indirectes et le stratégies et des méthodes que se situent les diver- chapitre 6 propose des formes d'intervention di- gences. Dans la nouvelle approche, l'État se voit recte visant à promouvoir l'amélioration de l'in- attribuer un rôle plus restreint, favorable au termédiation financière rurale. 29  1 CHAPITRE 3 Repenser les finances rurales chapitre présente certaines des analyses les marchés soient efficaces et diversifiés, quelles empiriques de base à effectuer et des déci- sont les causes habituelles d'inefficacité et quelles sions à prendre par les pouvoirs publics mesures peuvent être adoptées pour améliorer le pour développer les marchés des capitaux ruraux, fonctionnement des marchés. les objectifs essentiels étant: a) de promouvoir la croissance en relevant les revenus ruraux et b) de Pourquoi les marchés doivent-ils être efficaces réduire la pauvreté rurale. Les politiques recom- et diversifiés ? mandées pour atteindre chacun de ces deux objec- tifs sont analogues, à l'exception de la façon dont se Besley (1994) considère qu'un marché est efficace conçoit l'intervention directe de l'État. On analyse « lorsqu'il n'est pas possible d'améliorer la situa- d'abord comment améliorer les revenus avant de tion de quelqu'un sans aggraver celle de quelqu'un formuler des recommandations concernant les po- d'autre ». Ainsi, sur des marchés efficaces, les par- litiques a suivre en vue de réduire la pauvreté. ticipants effectuent toutes les transactions possi- bles qui se traduisent par un avantage économi- Objectif général I: Augmenter les revenus que net marginal positif, jusqu'à ce qu'aucune ruraux amélioration ne soit plus possible12. Pour que des marchés soient parfaitement efficaces, il faut que Pour valoriser les revenus ruraux, il est essentiel les participants soient pleinement informés et tien- que les marchés soient à la fois efficaces et diversi- nent pleinement compte de tous les coûts et de fiés (figure 3.1). Ce rapport est axé surtout sur les tous les avantages de leurs décisions pour maxi- moyens de favoriser le développement de marchés miser leur profit. des capitaux ruraux à la fois diversifiés et effica- Le taux de croissance d'une économie dépend ces. L'État peut évidemment jouer un rôle impor- en grande partie de la compétitivité et de l'effica- tant dans le développement des autres marchés cité de ses marchés. Par exemple, les économies (d'intrants, de biens et de services), mais il n'est où le marché des changes est relativement exempt pas dans le propos de cet ouvrage d'analyser les de distorsions ont habituellement des taux moyens politiques qui peuvent être suivies à cet égard. de croissance supérieurs de un à deux points de Si les marchés s'avèrent inefficaces, peut-être pourcentage à ceux des économies où les taux de faut-il que le gouvernement agisse pour créer un change sont fortement surévalués (Banque mon- cadre de politique économique plus favorable, diale, 1991). Les économies où les marchés des pour améliorer le cadre juridique et réglementaire capitaux sont diversifiés jouissent généralement de sous-jacent ou pour remédier efficacement et éco- taux de croissance à long terme nettement plus nomiquement aux défaillances reconnues du mar- élevés que celles où l'intermédiation financière ché. On examine ici pourquoi il est important que est limitée (figure 3.2)". Cette relation donne à 31 32 Les finances rurales Figure 3.1 Arbre de décision sur la valorisation des revenus ruraux Objectif 1 : Valoriser les revenus ruraux Renforcer l'efficacité et la diversification des marchés Évaluer les options /de politique économique Promouvoir des marchés Promouvoir les marchés des capitaux ruraux non financiers (hors du propos diversifiés et efficaces de la présente étude) Le marché est-il efficace? Oui Non Conserver les Déterminer les politiques existantes causes probables Peut-on mettre le doigt Le cadre de politique Le cadre juridique et sur une défaillance du marché ? économique est-il mal adapté ? réglementaire est-il déficient ? (chapitre 3) Oui Non Oui ýNon Non Oui Conserver les La défaillance identifiée peut-elle être politiques existantes éliminée rentablement par une intervention de l'État ? Non Oui Créer un environnement de Améliorer le cadre À la suite d'une analyse de politique économique juridique et réglementaire rentabilité, choisir des favorable interventions directes pour •Améliorer le régime de la éliminer la défaillance • Assurer la stabilité propriété foncière du marché macroéconomique • Réformer le droit applicable • Abolir les politiques pro-urbaines aux transactions garanties • Soutenir l'intermédiation sociale • Favoriser une vaste réforme du • Déréglementer les prêts • Encourager l'innovation secteur financier accordés par des institutions • Diffuser l'information (chapitre 4) qui n'acceptent pas de dépôts (chapitre 6) (chapitre 5) Source: Recherches effectuées par les auteurs. Repenser les finances rurales 33 penser que les programmes visant à accroître les complète de marchés (par exemple, aucun effet revenus ruraux doivent en premier lieu rendre les externe). Lorsque ces conditions ne sont pas marchés plus diversifiés et plus efficaces. À cette remplies, comme c'est généralement le cas, les fin, il importe d'améliorer la diversification des marchés des capitaux ruraux ont de fortes chan- risques et l'allocation des ressources pour facili- ces d'être inefficaces. Comme les marchés sont ter l'intégration de l'économie rurale au reste de fortement intégrés, des inefficacités sur les mar- l'économie. chés ruraux peuvent également provenir d'inef- ficacités sur d'autres marchés ou être aggravées Efficacité des marchés des capitaux ruraux par elles. Les marchés des capitaux ruraux sont efficaces s'ils Évaluer l'efficacité des marchés ruraux. On peut permettent aux participants d'exploiter toutes les évaluer l'efficacité et le niveau de développement possibilités de transaction qui donnent des résultats des marchés des capitaux ruraux selon certains économiques nets positifs. Ainsi, les marchés du cré- critères, notamment: dit sont efficaces lorsque les prêts ne peuvent pas • Les clients ruraux peuvent-ils s'assurer con- être réaffectés de manière à améliorer la situation tre des variations de leurs revenus indivi- de quelqu'un sans aggraver celle de quelqu'un duels ? Peuvent-ils facilement ajourner leur d'autre et lorsqu'un emprunteur n'aurait par con- consommation (épargner) ou l'avancer (em- séquent aucune raison de revendre un prêt à un prunter) et ainsi la lisser en dépit des varia- autre emprunteur pour devenir prêteur lui-même tions de leurs revenus individuels4 ? (Besley, 1994). Un marché ne peut être efficace que • Les marchés des capitaux sont-ils fortement s'il est concurrentiel, que si les participants sont compartimentés ? Les IFR peuvent-elles fa- pleinement informés et que s'il existe une gamme cilement résoudre des problèmes d'excédent ou de pénurie de liquidités par le biais de transactions financières avec d'autres IFR ? Figure 3.2 Degré de diversification des marchés Quelles sont les différences de marge et de des capitaux en 1960 et taux de croissance du PIB taux applicables aux prêts accordés à des par habitant de 1960 à 1989 clients semblables par des IFR semblables dans une région donnée ? PIB par habitant (%) Les marges reflètent-elles les coûts écono- miques réels (y compris le risque de crédit) 3.5 - de l'intermédiation financière ou tendent-elles simplement à maximiser les 3.0- rentes ou le pouvoir sur le marché ? Les IFR peuvent-elles rentablement fournir 2.5 - des produits financiers qu'elles n'offrent pas encore mais qu'exigent les clients ruraux ? 2.0 - Comme l'argent est fongible et que, si les mar- chés des capitaux ruraux sont efficaces, ils affec- 1.5 - tent les fonds prêtables aux emplois potentiels les plus productifs, ces questions concernent en fait 1.0 - l'efficacité avec laquelle les flux de ressources cir- culent sur les marchés des capitaux ruraux et non 0.5 pas la manière dont ils sont utilisés. Des études économiques, comme celle d'Udry (1990) et de 0.0 ' ' ' Rashid et Townsend (1994) peuvent servir à dé- Très faible Faible Élevé Très élevé pister les symptômes d'inefficacité indiqués par ces questions. Diversification des marchés des capitaux (1960) On peut aussi identifier les facteurs qui contri- buent à l'efficacité ou au manque d'efficacité de Source: Levine, 1994. ces marchés par des études de marché et par une 34 Les finances rurales Tableau 3.1 L'ancienne et la nouvelle appoches comparées Ancienne Nouvelle Objectifs essentiels • Croissance et valorisation des revenus (souvent par le biais des • Croissance et valorisation des revenus. technologies modernes dont l'adoption est encouragée par des crédits concessionnels). • Réduction de la pauvreté. • Réduction de la pauvreté. Hypothèses de base • Pour accélérer le développement économique, les marchés des • Un développement économique accéléré exige une plus grande produits et les marchés des capitaux doivent être réglementés concurrence sur les marchés des biens et des capitaux (par (par exemple, par le contrôle des prix des denrées alimentaires et exemple, par la liberté des prix). des taux d'intérêt). • Les taux d'intérêt commerciaux ne sont pas trop élevés pour les • Les taux d'intérêt commerciaux sont trop élevés pour les petits petits exploitants et les entrepreneurs ruraux. exploitants et les entrepreneurs ruraux. • Les petits exploitants et les entrepreneurs ruraux sont capables • Les petits exploitants et entrepreneurs ruraux sont incapables et désireux d'épargner. d'épargner. • L'accès à des services financiers non subventionnés est essentiel • L'accès aux crédits concessionnels est essentiel à la croissance à la croissance et à la réduction de la pauvreté. et à la réduction de la pauvreté. Rôle de l'État • Intervenir directement dans le secteur agricole et le crédit • Créer un cadre de politique économique favorable, tout en agricole et les contrôler. minimisant l'intervention directe dans le secteur agricole et le crédit agricole et leur contrôle. Mécanismes d'intervention de l'État Cadre de politique économique Cadre de politique économique Les huit piliers des politiques pro-urbaines: Cadre de politique économique propice à la promotion des marchés des • Conserver un taux de change surévalué, qui garantit un capitaux ruraux: approvisionnement bon marché en produits agricoles. • Favoriser la stabilité macroéconomique en laissant au marché le • Fixer des prix peu élevés, réglementés et sans variations soin de fixer les taux de change. saisonnières pour les produits agricoles. • Donner des chances égales à tous les sous-secteurs • Appliquer des taux de protection effective élevés de l'industrie économiques (y compris les secteurs agricole et rural) et nationale, dont la production est utilisée comme intrants agricoles. encourager la concurrence. • Accorder aux infrastructures urbaines des crédits budgétaires • Déréglementer le secteur financier et favoriser la concurrence. disproportionnés en comparaison de ceux accordés aux • Mettre en place des mécanismes juridiques, réglementaires et infrastructures rurales (routes, électrification et approvisionnement d'application tenant compte des besoins spécifiques de la en eau). population rurale. • Accorder aux zones urbaines des investissements • Éliminer les politiques pro-urbaines qui découragent le disproportionnés dans les ressources humaines (santé et développement rural et entravent le développement des marchés éducation). des capitaux ruraux. • Appliquer des lois sur l'usure, qui interdisent les prêts modiques, risqués et coûteux, caractéristiques en milieu rural. • Négliger les dispositions juridiques et réglementaires concernant les titres de propriété foncière et le nantissement des avoirs ruraux habituels (terre, récoltes et matériel agricole) par rapport aux avoirs urbains (automobiles, logements, autres biens de consommation durables). • Prélever des taxes excessives sur les exportations agricoles. Interventions directes dans les finances rurales * Plafonner les taux débiteurs et les taux prêteurs. Interventions directes dans les finances rurales • Établir des institutions financières rurales étatiques, surtout des • Éliminer le plafonnement des taux débiteurs et des taux prêteurs; caisses de crédit agricole (CCA) : les services financiers formels encourager le marché à déterminer les taux. sont fournis principalement par ces institutions aux collectivités • Fournir des services financiers par l'entremise de diverses IFR rurales. (et pas exclusivement par les CCA). • Foumir des services financiers essentiellement au secteur • Fournir des services financiers à tous les entrepreneurs ruraux agricole, pénalisant ainsi les entrepreneurs ruraux non agricoles. (pour toutes sortes d'activités). • Spécialiser les IFR dans l'octroi de crédits (agricoles), décourager • Encourager la mobilisation de l'épargne intérieure grâce à la l'épargne sous forme d'instruments monétaires dans les régions création d'instruments d'épargne assortis de taux d'intérêt rurales. positifs. Repenser les finances rurales 35 Ancienne Nouvelle Offrir des avantages spéciaux et des fonds concessionnels aux • Redynamiser et restructurer les CCA et les autres IFR pour IFR étatiques ; bonifier les taux d'intérêt sur les prêts rétrocédés encourager l'application de bons principes de gestion ; aux clients des IFR afin de compenser l'impact des politiques transformer les CCA en IFR tournées vers une clientèle rurale pro-urbaines. plus large. • Couvrir les pertes sur prêt des IFR et renflouer fréquemment les • Privatiser les IFR (ou certaines parties de leurs opérations) institutions fonctionnant à perte. lorsqu'il y a lieu et fermer celles qui ne sont pas rentables et • Soutenir des systèmes mal administrés d'assurance des récoltes qu'on ne peut sauver. et de garantie des crédits. • Soutenir l'innovation ; fournir des capitaux de démarrage et des subventions aux enchères aux nouvelles coopératives de crédit (pilotes) ou coopératives existantes, ONG et autres IFR répondant à des critères d'éligibilité rigoureux et pouvant fournir des services financiers ruraux efficaces ; couvrir une partie des frais de démarrage (approche de l'« industrie naissante »). Appuyer le développement institutionnel, la formation du personnel, la mise au point de systèmes intégrés de gestion, la recherche et la diffusion d'informations sur les institutions ou pratiques ayant donné de bons résultats dans des contextes socio-économiques et culturels spécifiques. • Octroyer des subventions limitées aux IFR pour compenser les distorsions causées par les politiques antérieures (en cours d'élimination) ; plafonner et cesser progressivement les subventions. • Introduire un système d'assurance des récoltes bien administré et assorti de primes appropriées et examiner l'efficacité des systèmes de garantie des crédits. Variables politiques et résultats • Le sous-investissement dans l'infrastructure publique rurale (par • Reconnaissance de la nécessité d'améliorer l'infrastructure rurale exemple, routes et approvisionnement en eau) et dans la et les services d'éducation et de santé. valorisation des ressources humaines rurales (par exemple, éducation et santé) est acceptable. • Des taux d'intérêt réels positifs jouent le rôle de mécanismes • La bonification des taux d'intérêt est utilisée principalement d'allocation. comme un mécanisme de compensation plutôt que comme un • Les taux d'intérêt sont suffisamment élevés pour assurer des moyen d'allocation. marges normales entre les taux prêteurs et les taux débiteurs. • Les subventions profitent principalement au secteur agricole et • Tous les entrepreneurs ruraux ont accès aux services financiers. surtout aux agriculteurs aisés et influents. * Les entrepreneurs ruraux non agricoles n'ont guère accès aux • Les IFR sont moins tributaires des prêts des bailleurs de fonds et services financiers, ce qui bride le développement rural. de l'État à mesure que la mobilisation de l'épargne intérieure • Les mécanismes d'épargne sont insuffisants et les taux payés sur devient la principale source de financement et assainit les les dépôts sont artificiellement faibles (en raison du plafonnement structures financières. des taux d'intérêt), ce qui limite la mobilisation de l'épargne. • Les IFR, désormais autonomes, adoptent des méthodes • Les IFR sont tributaires des mécanismes de réescompte et des d'exploitation efficaces. fonds des donateurs et des crédits budgétaires pour soutenir leurs portefeuilles de prêts (bonifiés). Aucun privilège spécial n'est accordé aux IFR étatiques ; les • Les CCA et les autres IFR ne sont pas autonomes ; la plupart des règles sont les mêmes pour toutes les IFR et la concurrence est décisions opérationnelles (concernant, par exemple, les taux encouragée ; les subventions (lorsqu'elles se justifient) ne sont d'intérêt sur les prêts, le coût de l'argent et les politiques pas subordonnées au statut des institutions. d'administration du personnel) leur sont imposées. • Le développement institutionnel et la discipline financière sont • Parce qu'elles bénéficient souvent de privilèges particuliers, les encouragés car la direction est responsable des résultats des CCA sont tributaires de fonds concessionnels, ne se frottent pas à IFR ; les défaillances en matière de recouvrement des prêts ne la concurrence et n'ont guère de raison d'améliorer leurs sont pas tolérées. performances ; elles sont souvent considérées comme des guichets de décaissement. • Les IFR (étatiques) ne sont soumises à aucun impératif • Le personnel des IFR est encouragé à améliorer ses commercial ; la direction n'est pas responsable de leurs performances et sa productivité ; il est motivé grâce à des performances ; la discipline financière fait défaut et les taux de systèmes d'incitations avancés recouvrement des prêts sont médiocres. • Faute d'incitations, le personnel n'est pas motivé et n'est pas performant. • Les performances des IFR sont évaluées au regard des services • Les résultats des IFR sont évalués selon les ratios traditionnels de qu'elfes fournissent à leur clientèle cible et de leur autonomie rentabilité financière (rendement sur les fonds propres et l'actif) et financière (telle que mesurée par l'indice de dépendance à il n'est pas tenu compte du coût des subventions ; on ne sait pas l'égard des subventions) ; ces critères permettent d'évaluer quel est le coût réel pour la société du fonctionnement d'une IFR. l'impact et le coût réel des IFR. Source: Recherches des auteurs 36 Les finances rurales évaluation des interventions antérieures ou actuel- vaste étude sur la fourniture aux pauvres de servi- les. L'évaluation des circonstances dans lesquelles ces bancaires viables et la création, en coopéra- des interventions ont eu pour effet d'améliorer le tion avec d'autres bailleurs de fonds, du Groupe bien-être pourrait mettre en évidence le point fai- consultatif d'aide aux populations les plus pau- ble auquel l'intervention avait pour but de remé- vres (voir les encadrés 3.1 et 3.2). dier. La Banque est à l'avant-garde des travaux dans ce domaine, dans le cadre de ses initiatives de Évaluation des inefficacités des marchés ruraux. microcrédit et de services bancaires pour les po- Des marchés des capitaux ruraux efficaces sont pulations pauvres. On signalera en particulier une chose rare. Rashid et Townsend (1994) ont cons- taté que, dans des villages de l'Inde, la consom- mation individuelle variait en fonction des fluc- Encadré 3.1 Groupe consultatif d'aide tuations des revenus. Ces variations de la aux populations les plus pauvres consommation sont exacerbées par l'absence de mécanismes de crédit et d'assurance. En outre, les Le Groupe consultatif d'aide aux populations les zones rurales sont également affectées par la forte plus pauvres(CGAP), un programme de microcrédit, covariance des risques liés aux rendements, aux est le fruit d'un accord intervenu entre les organis- prix et aux revenus. Du fait de cette covariance, il mes bailleurs de fonds lors de la Conférence sur la est difficile de s'assurer localement contre une faim en 1993. Le CGAP, qui compte aujourd'hui mauvaise récolte, et les ménages agricoles se heur- 19 membres, a été lancé en juin 1995 par neuf orga- tent à un sérieux problème lorsqu'il s'agit de repar- nismes bailleurs de fonds. Ses objectifs sont de res- tir les risques dans le temps. En Gambie, l'absence serrer la coordination entre les bailleurs de fonds de marchés permettant de répartir les risques sur en matière de microcrédit, de diffuser les « prati- l'ensemble du territoire national fait que les pay- ques optimales » parmi les décideurs et les prati- ciens, d'améliorer et de renforcer les activités de la sans gambiens maigrissent sensiblement pendant Banque mondiale dans ce domaine et d'appuyer les la « saison de la faim » (Banque mondiale, 1990). institutions de microcrédit novatrices au moyen de Hettige et Steel (1996) ont relevé la forte fragmen- subventions, l'objectif ultime étant de rendre les tation des marchés des capitaux en Afrique. services financiers plus accessibles aux pauvres. Binswanger et Rosenzweig (1993) ont constaté Le secrétariat du CGAP administre un fonds cen- que les chutes de revenus dues à des fluctuations tral, alimenté par une contribution de 30 millions d'autres variables se traduisent par une réduction de dollars de la Banque mondiale, qui sert à accor- de la consommation alimentaire des ménages pau- der des subventions aux institutions de microcrédit vres. Les mécanismes existants de diffusion des répondant à un certain nombre de critères. Un risques (réseaux constitués par la famille élargie, groupe consultatif composé de spécialistes d'impor- . . tantes institutions de microcrédit de plusieurs ré- envois de fonds de travailleurs émigrés, diversifi- gions du monde conseille le groupe de bailleurs de cation de la production et investissements au fonds et le secrétariat sur les stratégies à suivre pour moyen de fonds propres plutôt que d'emprunts) aider les pauvres. Ce groupe consultatif est actuel- ne permettent pas de lisser la consommation ali- lement présidé par Muhammad Yunus, directeur mentaire. Les ménages pauvres modifient leur général de la Banque Grameen. comportement d'investissement de manière à pro- Le CGAP publie une série de notes (Focus) ainsi téger leurs revenus en optant pour des investisse- qu'un bulletin d'information semestriel sur les ques- ments relativement peu risqués mais également tions de politique économique et les aspects tech- peu rentables. Les grands exploitants sont suffi- niques clés liés au microcrédit. Le CGAP envisage samment assurés grâce à leurs actifs, à leurs ré- d'organiser à l'intention des décideurs, aux éche- seaux de connaissances et à leur facilité d'accès aux lons régional et national, des ateliers sur les prati- marchés des capitaux pour s'éviter de tels sacrifi- ques optimales en matière de microcrédit. Les no- ce.Lusprfuilsdnvtsem tsa'Io tes, bulletins d'information et autres avis publiés par ces. Leurs portefeuilles d'mvestissements agr [co- le CGAP peuvent être consultés sur sa page d'accueil les sont constitués de manière à maximiser les bé- du World Wide Web à l'adresse: néfices escomptés plutôt qu'à atténuer les risques. www.worldbank.org/html/cgap/cgap.htm/ Les prêteurs sont omniprésents sur les marchés des capitaux ruraux, mais ils pratiquent souvent Source: Mohini Malhotra, CGAP. des taux d'intérêt usuraires. D'aucuns affirment Repenser les finances rurales 37 Encadré 3.2 Offrir des services bancaires viables aux pauvres L'étude que la Banque mondiale a entreprise dans projet de rapport ont inventorié environ ce domaine a pour but de mettre les bailleurs de 750 programmes ou institutions qui fonction- fonds, les gouvernements et les praticiens mieux à nent depuis au moins trois ans et ont au moins même de formuler et de mettre en oeuvre des po- 1 000 clients. À ce jour, seuls 10 % ont répondu litiques et des programmes visant à renforcer le aux questionnaires qui leur ont été adressés. secteur financier et d'établir des institutions finan- L'étude sera mise à jour lorsqu'un plus grand cières viables, qui puissent offrir des services aux nombre de réponses auront été reçues. pauvres. On doit rassembler systématiquement La publication, qui couronnera l'étude, d'un tous les éléments d'information disponibles si l'on volume de référence sur la fourniture de servi- veut isoler et comprendre les facteurs de réussite. ces bancaires viables aux pauvres. Ce livre, qui Bien qu'elle s'adresse principalement aux services sera achevé en 1997, exposera les conclusions cpérat onnels de la Banque, cette étude sera égale- des études de cas et analysera les enseignements ment utile aux décideurs, aux directeurs d'institu- à en retirer pour élaborer et mettre en oeuvre tions financières et aux organisations gouverne- des programmes et formuler des politiques. mentales et non gouvernementales qui fournissent Une section pratique de l'ouvrage contiendra des services financiers aux pauvres, aux femmes et un arbre de décision indiquant étape par étape à d'autres groupes désavantagés. la marche à suivre pour mettre au point des Le programme de l'étude prévoit projets de services financiers. Plus de deux douzaines d'études de cas, sur pla- Une série de séminaires mensuels. ce, d'IFR dynamiques d'Asie, d'Afrique et L'élaboration de documents de travail et de rap- d'Amérique latine, qui ont réduit les coûts et ports techniques fondés sur les études de cas, les risques des services financiers destinés à de qui précéderont la parution du volume de ré- nombreux clients à faible revenu. férence. La préparation d'un inventaire mondial des institutions de microcrédit. Les auteurs d'un Source: Bennett, Cuevas et Yaron, 1996. que les prêteurs se bornent à rentrer dans leurs cause possible d'inefficacité: un cadre de politique frais (Bottomley, 1963), mais les avantages qu'ils économique défavorable. Les grands problèmes détiennent sur le plan de l'information leur per- liés au manque d'efficacité des marchés des capi- mettent sans doute d'obtenir des rentes de mono- taux ruraux, les réformes recommandées et leur pole (Virmani, 1982). En raison de l'imperfection échelonnement sont analysés au chapitre 4. Les du marché, les taux pratiqués sont supérieurs au principales mesures à prendre pour instaurer un coût marginal des prêts pour le prêteur et le vo- cadre de politique économique positif sont : lume du crédit fourni est insuffisant du point de • La stabilité macroéconomique et la réduc- vue de l'ensemble de l'économie (même s'il est tion des distorsions macroéconomiques optimal du point de vue des acteurs privés). • L'élimination du biais pro-urbain dans la politique des prix et du commerce et dans Causes des inefficacités des marchés ruraux les affectations budgétaires • La promotion de marchés des capitaux con- Pour remédier au manque d'efficacité des marchés currentiels, intégrés, transparents et solides. des capitaux ruraux, il faut d'abord en identifier les causes. Les principales sont à rechercher dans les Évaluer le cadre juridique et réglementaire des déficiences du cadre de politique économique, les finances rurales. Deuxième cause possible d'inef- restrictions imposées par le cadre juridique et régle- ficacité: un cadre juridique et réglementaire défa- nientaire ou les défaillances du marché. vorable, qui peut susciter des problèmes lorsqu'il faut obtenir l'exécution d'un contrat et qui peut Évaluer le cadre de politique économique dans ses limiter la portée des services financiers fournis par effets sur l'intermédiationfinancière rurale. Première divers types d'intermédiaires financiers (voir le 38 Les finances rurales sement de services bancaires ruraux". Vu l'xis- Encadré 3.3 Comment des effets externes tence d'effets externes et de biens publics, il est en matière d'information peuvent être sources possible que les transactions privées ne capturent de défaillances du marché pas les avantages potentiels du commerce. Même si les pouvoirs publics se heurtent aux mêmes con- On pense souvent, à tort, que si une activité donnée traintes que le secteur privé en matière d'infor- était rentable, quelqu'un du secteur privé l'aurait déjà mation, ils peuvent intervenir d'une manière qui entreprise. Comme le relève Besley (1994) : « On accroisse le bien-être général, car ils peuvent risque de voir apparaître une inefficacité si chacun attend que le voisin prenne l'initiative. Pour expli- quer la lenteur avec laquelle certaines techniques agricoles se généralisent, on affirme souvent que c'est Encadré 3.4 Deux obstacles aux transactions parce que personne ne veut être le premier à les uti- financières: Le risque moral et l'antisélection liser. Il est donc évident que le soutien de l'innova- tion est l'un des domaines dans lesquels l'interven- Il y a risque moral lorsqu'une partie à un contrat tion de l'État est souhaitable. Ainsi, des expériences (habituellement appelée le mandant) ne peut pas institutionnelles, comme la Banque Grameen au observer le comportement de l'autre partie (habi- Bangladesh, devraient être parmi les premiers can- tuellement appelée le mandataire) et que les actes didats aux subventions. Néanmoins, il semble que (ou l'absence d'actes) du mandataire influent sur ce raisonnement ne justifie que le subventionnement les résultats attendus par les deux parties. Par exem- d'activités nouvelles, et cela seulement pendant la ple, le prêteur ne peut guère observer les efforts dé- période de lancement ». ployés par l'emprunteur: il lui est difficile de déter- miner dans quelle mesure l'échec d'un projet peut Source: Besley, 1994. être imputé à la négligence de l'emprunteur ou au contraire à la malchance. Si le prêteur pouvait ob- server, pour un coût raisonnable, le comportement de l'emprunteur, il pourrait établir un lien entre les chapitre 5). Les principales mesures à adopter pour conditions du contrat de prêt et les efforts effectix e- améliorer le cadre juridique et réglementaire sont: ment déployés par l'emprunteur. Comme ce n'est . L'amélioration de la délivrance des titres fon- pas le cas, le mieux que le prêteur puisse faire est le ciers et du cadastrage rédiger les clauses du contrat de sorte qu'elles soient • La réforme du droit des transactions garanties acceptables pour l'emprunteur, tout en encoura- • La déréglementation des opérations de prêt des geant celui-ci à se comporter selon les voeux du prê- institutions qui ne reçoivent pas de dépôts. teur. Pour ce faire, le prêteur doit habituellement Pour ce qui est de l'échelonnement, les réfor- faire supporter davantage de risques à l'emprunteur mes du système juridique et réglementaire peu- (en se montrant moins disposé à passer le prêt par mes u sstèe juidiue t rglemntare eu- pertes et profits si les choses vont mal) qu'il ne le vent être appliquées immédiatement, même si les ferait s'il était mieux informé. politiques requises n'ont pas encore été introdui- Il y a antisélection lorsque les caractéristiques tes pour éliminer les principales distorsions du des clients (plutôt que leur comportement) ne peu- secteur macroéconomique en général, du secteur vent pas être observées. Il est possible, par exemple, des biens réels et du secteur financier. qu'une compagnie d'assurances ne puisse pas, sants engager des dépenses énormes, distinguer les clients Évaluer les symptômes de défaillance des mar- à risque des autres. Les clients à risque ont toute ra i- chés. Même si le cadre de politique économique et son de se faire passer pour prudents, ainsi leurs pr i- le cadre juridique et réglementaire sont favorables, mes seront moins élevées. Comme les primes que la compagnie perçoit affectent la composition de sa les marchés des capitaux ruraux peuvent ne pas clientèle d'une manière qu'il lui est difficile de du- fonctionner correctement. À ce propos, Besley terminer (des primes plus élevées font fuir les clieni s (1994) note qu'il y a « défaillance du marché lors- sûrs plus rapidement que ceux qui ne le sont pas>, qu'un marché concurrentiel ne distribue pas le elle ne peut pas fixer le prix de sa couverture de crédit efficacement ». manière optimale en adaptant les polices (primes et Les marchés des capitaux ruraux sont dé- franchises) aux caractéristiques de ses clients. faillants lorsque les 1FR ne peuvent pas internaliser l'intégralité des coûts et des avantages de l'établis- Source: Rees, 1985a, 1985b. Repenser les finances rurales 39 internaliser les coûts et les avantages sociaux assume les frais d'acquisition d'une information, (Greenwald et Stiglitz, 1986). Comme les marchés elle ne profite pas seule des avantages de l'informa- des capitaux ne peuvent pas opérer efficacement tion en question. Comme il est peu probable qu'une s'ils ne sont pas bien informés et comme l'infor- seule institution puisse internaliser tous ces avan- mation s'accompagne d'importants problèmes tages, on n'investit généralement pas assez dans l'ac- d'effets externes et d'incitations (parasitisme, ris- quisition d'informations. Celle-ci suppose habituel- que moral et antisélection), les marchés des capi- lement des frais fixes (pour une IFR, par exemple, le taux sont souvent exposés, par nature, à des dé- coût de l'établissement d'une agence dans une ré- faillances (voir l'encadré 3.3). gion rurale relativement peu peuplée), ce qui peut Étant donné qu'il est difficile de mesurer di- engendrer des marchés où la concurrence est im- rectement l'existence et l'étendue de ces défaillan- parfaite (Stiglitz, 1993). ces, cela se fait rarement6. Certaines études ont montré (lue la consommation de certains indivi- dus ou groupes est instable. Mais l'instabilité est Encadré 3.5 Le problème des barrières peut-être inévitable, vu la nécessité de prévoir des sociales au commerce incitations efficaces pour éviter le risque moral (voir l'encadré 3.4). Par exemple, des mesures visant à lisser la consommation et la production risquent Il existe d'innombrables exemples des effets des bar- rières sociales sur le commerce. Akerlof (1984) a éla- de dissuader les agriculteurs de maximiser leur boré un modèle pour expliquer comment les bar- production. Pour découvrir l'étendue des dé- rières entre castes peuvent subsister lorsque le faillances du marché et savoir par là-même dans commerce entre castes fait l'objet de sanctions, quelle mesure on peut améliorer le bien-être gé- même s'il devait s'avérer bénéfique. Les barrières néral, on est souvent appelé à effectuer des recher- entre castes seraient renversées si suffisamment ches d'une ampleur considérable et à procéder à d'agents généraient des échanges additionnels, de des expériences pilotes dans des circonstances ex- sorte que la perte nette résultant d'une violation des trêmement diverses. sanctions serait moindre que les avantages appor- Il est moins difficile, à cet égard, de dépister les tés par les échanges entre castes. Toutefois, enfrein- facteurs qui, selon la théorie économique, entraînent dre les sanctions n'est pas rentable pour ceux qui s'y des défaillances du marché. Il s'agit notamment des risquent parmi les premiers. Les barrières sociales peuvent revêtir des for- obstacles aux échanges surles marchés existants, qui mes multiples et sont souvent renforcées par des sont, par exemple, une information imparfaite, une sanctions comme l'ostracisme social ou le boycot- exécution imparfaite et les barrières sociales ; les ef- tage économique. Les barrières les plus importan- fets externes ; et une position dominante sur le mar- tes sont fondées sur des différences de classe socio- ché (voir l'encadré 3.5). Lorsque l'existence de ces économique, de castes, d'origine ethnique et de sexe. éléments est établie, on peut envisager, sur la base Les barrières fondées sur le sexe sont particulière- des recherches et des études de faisabilité réalisées, ment difficiles à surmonter car elles opèrent à la fois les politiques et les interventions qui peuvent être au niveau de la société et au sein des ménages. mises en oeuvre pour y remédier. D'autres obstacles majeurs aux échanges sont les différences linguistiques ou le manque d'instruction, Évaluer le problème de l'imperfection de la com- qui aggravent les difficultés d'information. munication. Ce problème engendre des marchés où L'absence d'interaction entre groupes sociaux la concurrence n'est pas totale, car l'information vient s'ajouter aux problèmes d'information qui rmion entravent l'intermédiation, particulièrement pour présente les caractéristiques d'un bien public : prin- les pauvres et pour les femmes, dont l'accès aux ser- cipe de non-exclusion (le fait même qu'une ban- vices financiers est déjà sérieusement amoindri par que prête à un client donné est pour les autres ban- la difficulté qu'ils ont à offrir des garanties. Ces pro- ques une indication de la qualité du client) et de blèmes d'accès résultent parfois de barrières sociales non-rivalité dans la consommation (si un déposant ou bien de carences d'ordre juridique ou réglemen- apprend qu'une banque donnée est peu fiable, un taire. Ces problèmes sont analysés au chapitre 5, où autre déposant peut acquérir la même information). on trouvera également des recommandations sur les L'acquisition d'informations entraîne donc des ef- mesures à prendre pour modifier les lois et régle- fets externes. Lorsqu'une institution particulière mentations restrictives. 40 Les finances rurales L'hétérogénéité des conditions de production L'information sur les zones rurales mal reliées au et la dispersion des producteurs posent de sérieux reste de l'économie est souvent particulièrement problèmes d'information. Il est souvent coûteux limitée. En pareilles circonstances, les créanciers et difficile de déterminer si la récolte est mauvaise locaux, mieux informés que des prêteurs exté- pour des raisons échappant à la volonté des agri- rieurs, peuvent extorquer à leurs clients des rentes culteurs ou parce qu'ils ont fait preuve de négli- de monopole (Virmani, 1982). gence, d'incompétence ou d'autres défauts. L'asy- métrie de l'information entre les IFR et leurs clients Évaluer la rentabilité de l'intervention. Il n'est donne lieu à de graves problèmes de risque moral pas toujours possible de corriger une défaillance et d'antisélection dans les domaines de l'assurance du marché et l'inefficacité qui en résulte. Aussi des récoltes et du crédit (voir l'encadré 3.4). faut-il avoir à l'esprit le concept d'efficacité sous contrainte. Il arrive en effet que la cause de la dé- Comment remédier à une défaillance des marchés faillance du marché ne puisse pas être modifiée d'une manière rentable et que, par conséquent, une Si on peut identifier une défaillance spécifique du intervention ne se justifie pas du point de vue éco- marché, l'État doit envisager de s'y attaquer direc- nomique. C'est pourquoi il faut toujours entre- tement et procéder à une analyse de rentabilité pour prendre une analyse de rentabilité avant d'inter- déterminer: a) s'il est possible de remédier à cette venir pour remédier à une défaillance du marché. défaillance de manière efficace et économique et, Les analyses de rentabilité des interventions con- dans l'affirmative, b) quelle serait l'intervention la cernant les finances rurales doivent tenir compte plus rentable. Ces interventions peuvent revêtir des de leur coût d'opportunité. Elles doivent également formes diverses : subventionner les coûts de dé- tenir compte des effets d'incitation probables sur marrage des IFR, fournir des services financiers de les participants privés qui opèrent sur le marché, afin type nouveau dans les régions rurales, réescomp- d'éviter de les évincer ou de causer des effets secon- ter les prêts accordés par les IFR privées à des grou- daires (par exemple, un affaiblissement de la disci- pes de clients déterminés ou créer et exploiter des pline du crédit). Enfin, les interventions envisagées IFR d'État lorsque les mécanismes du marché font doivent être évaluées en fonction des avantages et totalement défaut. du coût des interventions de caractère général dans Ces interventions doivent cibler directement les les domaines financiers et non financiers, telles que causes de la défaillance du marché. Par exemple, les investissements publics dans l'infrastructure, on peut s'attaquer au problème de l'imperfection l'éducation et les travaux publics. de l'information en organisant des services ban- Les interventions de l'État se soldent souvent par caires itinérants ou des prêts groupés ou bien en des échecs majeurs et coûteux dus à des problèmes accordant des incitations financières ou une as- d'incitations, une mauvaise gouvernance et d'autres sistance technique aux IFR qui ouvrent des agen- facteurs (voir le chapitre 2). Une intervention mal ces dans des régions isolées. Toutefois, ces inter- conçue fait généralement plus de mal que de bien et ventions ne pourront réussir que si les pouvoirs il faut y remédier d'urgence. Cependant, la défaillance publics sont véritablement résolus à développer du marché qui l'a motivée n'en disparaît pas pour les marchés des capitaux ruraux. Les possibilités autant et le problème reste entier. d'intervention directe de l'État sont analysées en S'il existe un large consensus sur les probabili- détail au chapitre 6, et les initiatives que peuvent tés de défaillance des marchés des capitaux, l'una- prendre les IFR pour remédier aux défaillances du nimité est loin d'être faite sur la façon dont l'État marché sont exposées aux chapitres 8 et 9. peut y remédier (voir l'encadré 3.6) Quand l'objectif principal de l'intermédiation Évaluer les effets de la communication impar- financière rurale est l'augmentation des revenus faite de l'information. Même lorsque de solides in- et s'il n'y a pas de défaillance identifiable du mar- formations locales sont disponibles sur le compor- ché (ou pas de remède efficace et économique à tement ou les caractéristiques de certains celle qui a pu être identifiée),l'État doit continuer individus, cette information ne filtre pas toujours à de poursuivre les mêmes politiques. Toutefois, la l'extérieur, ce qui peut engendrer une fragmentation situation peut être différente lorsque l'objectif es- des marchés des capitaux en « îlots d'information ». sentiel est la réduction de la pauvreté. Repenser les finances rurales 41 Objectif général Il: Réduire la pauvreté rurale Pour évaluer les avantages et les coûts possi- bles d'interventions ciblées visant à réduire la pau- Le deuxième objectif essentiel de la plupart des vreté rurale, on doit se référer à leurs effets sur le gouvernements consiste à réduire la pauvreté en groupe cible. Une intervention peut être bénéfique milieu rural (voir la figure 3.3). Pendant les an- pour le groupe cible sans apporter d'avantage éco- nées 50 et 60, en application de la théorie du dua- nomique net à l'ensemble du pays, si aucun moyen lisme économique, on pensait que le meilleur rentable d'améliorer l'efficacité du marché n'a pu moyen d'éliminer la pauvreté était d'assimiler la être identifié. Toutefois, les mesures de nature à main-d'oeuvre du secteur rural de subsistance, à remédier à l'inefficacité des marchés des capitaux la traîne, au secteur industriel urbain moderne. ruraux sont particulièrement utiles à ceux qui ont Cette approche n'a guère abouti à réduire la pau- le moins accès aux services financiers, comme les vreté en milieu rural. Plus récemment, on a en- ruraux pauvres. Il est fréquent que les mesures ten- visagé d'attaquer ses causes profondes sur place. dant à accroître les revenus et celles visant à ré- D'une manière générale, une expansion rapide duire la pauvreté coïncident. de l'économie rurale est sans doute le meilleur moyen de réduire la pauvreté. Dans cette opti- Options à envisager pour réduire la pauvreté que, l'augmentation des revenus ruraux grâce à la promotion de marchés efficaces et diversifiés Les gouvernements, les bailleurs de fonds et les est essentielle. organisations non gouvernementales disposent de L'augmentation des revenus moyens en milieu plusieurs instruments pour s'attaquer efficacement rural ne suffit pas toujours à réduire la pauvreté car à la pauvreté des groupes cibles, en particulier des la hausse peut être inégale, et il peut donc y avoir interventions dans le domaine des finances rura- lieu d'intervenir spécialement. Autrement dit, un les et des interventions non financières des pou- programme d'interventions ciblées peut se justifier, voirs publics, telles que des projets de travaux même si a) le cadre de politique économique est sain, d'utilité collective ; des suppléments alimentaires b) on n'a pas identifié de défaillances du marché ou sous condition de revenu; des subventions alimen- c) il n'est pas possible d'intervenir de façon rentable taires ; des programmes de planning familial ; des pour remédier aux défaillances des marchés. projets de développement de l'enseignement Encadré 3.6 Deux points de vue sur les défaillances du marché: Pour ou contre l'intervention Stiglitz (1993) et Besley (1994) offrent deux points de la théorie économique ni être justifié par vue sur les défaillances du marché et l'intervention l'analyse d'une vaste somme d'expérience de l'État: (Stiglitz, 1993). L'État a bien un rôle à jouer sur les mar- En résumé, il peut y avoir des argu- chés des capitaux ; ce rôle est justifié par les ments valables en faveur de l'intervention, défaillances généralisées des marchés. Dans et certains d'entre eux peuvent être fon- les pays en développement, les défaillances dés sur les défaillances du marché. Mais des marchés sont, presque sans aucun doute, dès qu'on examine chaque argument, on plus sérieuses que dans les pays plus déve- commence à se rendre compte que dans loppés. Si les contraintes qui pèsent sur les l'état actuel des informations empiriques marchés sont plus lourdes dans les pays disponibles sur un grand nombre de ques- moins avancés que dans les pays développés, tions pertinentes, on ne saurait affirmer tel est également le cas, entend-on dire sou- catégoriquement qu'une intervention sur vent, des contraintes qui pèsent sur l'action les marchés de crédit se justifie. Il faut éla- des pouvoirs publics. Nous avons montré que borer des études empiriques sur ces ques- l'État peut formuler des politiques qui tien- tions si on veut que les progrès de la théo- nent compte de ces contraintes. Ce qui est rie concernant le fonctionnement des clair, c'est qu'un engagement idéologique marchés du crédit rural aillent de pair avec simple en faveur de la libéralisation des mar- des progrès dans le domaine de l'action des chés des capitaux ne peut pas être tiré ... de pouvoirs publics (Besley, 1994). 42 Lesfinances rurales Figure 3.3 Arbre de décision pour la réduction de la pauvreté Objectif Il: Réduire la pauvreté rurale Réaliser une évaluation de la pauvreté pour identifier les caractéristiques des ruraux pauvres et les contraintes inéluctables auxquelles ils sont confrontés Évaluer les options du gouvernement Des mesures orientes vers le marché peuvent-elles suffire à réduire la pauvreté? Oui Non \ Sélectionner, sur la base d'une Améliorer l'efficacité analyse de rentabilité, un et la diversification des marchés programme d'interventions (voir la figure 3.2) directes pour réduire la pauvreté du groupe cible Mettre en oeuvre une stratégie Intervenir dans le domaine des Autres interventions: globale de développement finances rurales : des mrché : •Fournir une aide aimentaire • Accorder des subventions de ciblée • Promouvoir des marchés contrepartie aux fonds de la • Créer des emplois grâce à des des capitaux diversifiés et collectivité programmes de travaux efficaces • Appuyer l'intermédiation sociale d'utilité • Octroyer des subventions de Investir dans l'infrastructure (chapitres 3, 4, 5) démarrage pour les programmes rurale • Promouvoir les marchés novateurs d'épargne et de crédit • Développer les ressources non financiers (hors du • Ouvrir des lignes de crédit aux humaines en milieu rural propos de la présente conditions du marché étude) (chapitre 5)(chapitre 6) primaire et de soins de santé de base en milieu Les ruraux pauvres ne constituent pas une po- rural ; des projets de routes rurales, d'électrifica- pulation homogène et différents instruments se- tion et d'approvisionnement en eau; et un appui ront plus ou moins efficaces selon le contexte so- à la construction de logements sociaux. cial et économique. Par exemple, des mécanismes Repenser les finances rurales 43 d'épargne et de crédit peuvent aider les plus pau- non financières. Ils doivent être pris en considé- vres à avoir une production et une consomma- ration durant l'élaboration des programmes d'in- tion plus régulières, mais les possibilités d'utiliser terventions tendant à réduire la pauvreté. de manière productive les mécanismes d'épargne En analysant la rentabilité d'un programme, et de crédit sont limitées en l'absence d'un éven- on doit évaluer dans quelle mesure chaque dol- tail plus large de services financiers et d'infrastruc- lar dépensé pour le programme atténuera la pau- tures rurales. vreté, mesurée soit par l'écart de pauvreté, soit L'amélioration des routes rurales et l'électrifi- par des indices numériques, en comparaison cation, ou bien l'octroi de subventions de contre- d'autres interventions. Lorsque les avantages sont partie pour des investissements décidés au niveau comparables, il faut analyser comment les coûts des villages, par exemple dans la gestion des bas- peuvent être réduits au minimum. Si la nature sins versants, afin d'accroître la capacité de gain des avantages diffère selon les interventions, une des ménages pauvres, sont souvent plus rentables analyse complète des coûts et des avantages s'im- que la fourniture de services financiers, particu- pose. Elle risque d'être difficile car on manque lièrement lorsque l'infrastructure est sous-déve- souvent d'informations sur les avantages que peut loppée. De même, construire des écoles primaires apporter une intervention. Seules des études et des dispensaires en milieu rural ou améliorer empiriques solides (comme une évaluation de la ceux qui existent déjà peut avoir des avantages à pauvreté) permettent de déterminer la combinai- plus long terme pour les ruraux pauvres, et spé- son d'interventions la plus efficace pour diffé- cialement pour les plus démunis d'entre eux, en rents scénarios". S'il se révèle qu'un programme augmentant la productivité du travail, qui est leur de finances rurales n'est pas l'approche la plus principal capital. Les recherches empiriques me- rentable, il convient d'élaborer d'autres program- nées par Mosley (1995) indiquent que les pro- mes de réduction de la pauvreté puis d'observer grammes de promotion du crédit visant à réduire et d'évaluer leur efficacité. la pauvreté ne parviennent pas à élever les reve- Les indications disponibles portent à conclure nus des bénéficiaires les plus pauvres, c'est-à-dire que, d'une manière générale, les programmes de de ceux qui vivent en deçà du seuil de pauvreté. crédit ont plus de chances d'être efficaces dans les Toutefois, des interventions identiques donnent de régions où la densité de population est relative- bons résultats lorsqu'elles visent des groupes vivant ment élevée, où l'agriculture est rentable (grâce à au-dessus du seuil de pauvreté (voir l'encadré 3.7). l'irrigation ou à la double culture, par exemple) et Lorsque l'objectif initial est d'éviter qu'une sé- où l'on peut accéder à des marchés actifs. Ils ont cheresse ou autre calamité n'entraîne un brusque aussi de plus grandes chances de réussir lorsque fléchissement des revenus ruraux, les programmes les IFR peuvent recruter du personnel connaissant de travaux publics donnent souvent de bons ré- bien la localité et rompu à la finance et à la comp- sultats. Lorsque ces programmes sont bien con- tabilité. Enfin, les programmes de crédit ont le plus çus (c'est-à-dire lorsqu'ils sont assortis d'incita- de chances de succès lorsqu'ils s'adressent à des tions qui n'attirent que la clientèle cible), ils offrent clients qui ont l'esprit d'entreprise, encore que des aussi aux plus démunis d'entre les pauvres un fi- programmes de crédit bien conçus fondés sur let de protection à long terme plus efficace que l'épargne et les principes mutualistes puissent être des interventions sur les marchés des capitaux, tel- efficaces pour une clientèle plus pauvre (comme les que des programmes ciblés de microcrédit ou l'illustre la Banque Grameen). de crédit rural (voir l'encadré 3.8) ". L'intervention choisie doit être observée de près De même que les programmes de travaux pu- pendant son exécution, de sorte que les décideurs blics offrant des salaires excessifs attirent des bé- puissent déterminer s'il est économiquement jus- néficiaires moins nécessiteux au détriment des plus tifié de maintenir un certain niveau d'interven- pauvres, les taux d'intérêt bonifiés proposés sur tion. Dans le cas des bons d'alimentation, par les prêts visant à réduire la pauvreté risquent fort exemple, il faut se demander combien coûte un d'attirer des clients moins désavantagés au détri- dollar de prestations fourni à un bénéficiaire ment de la clientèle cible. Les problèmes d'incita- cible. Pour les services financiers, l'indice de dé- tions et les fuites liées aux avantages ciblés s'appli- pendance envers les subventions est un moyen quent aussi bien aux interventions financières que d'évaluer les coûts sociaux du soutien fourni à un 44 Les finances rurales Encadré 3.7 Impact des programmes de crédit sur les bénéficiaires vivant en deçà du seuil de pauvreté Depuis les années 80, on vante les mérites des pro- • La courbe maximale d'impact pour chaque ins- grammes de crédit comme moyens de réduire la pau- titution de microcrédit étudiée aurait changé si vreté. Or, les observations récentes de Mosley (1996) la performance financière de l'institution avait mettent en question l'efficacité de ces programmes. été meilleure. Cette courbe établit un rapport en- Se fondant sur des données provenant d'institutions tre l'impact potentiel sur les revenus des clients de microcrédit de sept pays, Mosley a comparé l'aug- et leurs revenus avant le prêt. Dans cette étude, mentation des revenus des emprunteurs et celle des elle était en hausse et concave. revenus d'un groupe témoin. Pour minimiser les pro- Il apparaît que les clients les plus pauvres utilisent blèmes de comparaison de clients semblables, le leurs prêts pour réduire les risques (protection de la groupe témoin se composait de personnes dont les consommation et utilisation de techniques de produc- demandes de crédit avaient été acceptées mais qui tion à faible risque). L'étude ne permet pas de dire si les n'avaient pas encore reçu leur argent. Mosley a cons- avantages tirés des prêts sur le plan de la réduction des taté que : risques compensent le coût, pour les clients les plus pau- • Tous les prêts avaient pour effet d'accroître les vres, de revenus relativement moins élevés (l'accès au revenus moyens des emprunteurs. crédit a pu avoir un prix sur le plan du revenu mais • Les IFR les plus rentables avaient généralement peut avoir donné une plus grande stabilité de revenu un impact plus marqué sur les revenus de leurs que dans le groupe témoin). La plupart des clients les clients. moins pauvres (ceux qui vivaient au-dessus du seuil de • Les clients les plus aisés voyaient généralement pauvreté) utilisent leurs prêts pour des investissements leurs revenus augmenter davantage que les clients plus risqués et plus productifs, notamment à des fins de plus pauvres. transformation technique. • La situation des clients vivant en deçà du seuil de Le crédit, s'il peut être un moyen efficace d'élever les pauvreté était plus mauvaise que celle des mem- revenus des pauvres, risque de l'être moins, ou même d'al- bres du groupe témoin. ler à l'encontre du but recherché, lorsque le but est d'aider • La situation des clients vivant au-dessus du seuil les plus démunis parmi les pauvres à améliorer leur ni- de pauvreté était meilleure que celle des mem- veau de vie. D'autres mécanismes de réduction de la bres du groupe témoin. pauvreté sont probablement à conseiller pour ce groupe. Figure de l'encadré 3.7 Impact des prêts sur le revenu de l'emprunteur à l'intérieur de programmes donnés Seuil de pauvreté Banco Sol 30 - Indonésie 10 20 - _ i ~ ) ) 10 - 3.--- ýf~ Ç e c3] 6 K --~~ K-E E E ..1 S 2 0 -Maawi Fund 7Co Emprunteurs Banco Sol D Emprunteurs KREP Emprunteurs Malawi a MMudzi Fund -10 - Emprunteurs BKK/URK O Emprunteurs Malawi SACA C- 2 -20 100 200 300 400 Revenu de l'emprunteur en pourcentage du revenu correspondant au seuil de pauvreté Note :Seuls quelques spécimens de points de référence, ainsi que la ligne de régression pour chaque établissement, sont indiqués. Des données complètes peuvent être obtenues auprès des auteurs sur demande. Source: Hulme et Mosley, 1996. Repenser les finances rurales 45 Encadré 3.8 Le crédit peut-il résoudre le problème de la pauvreté ? Les programmes de crédit visant à réduire la pauvreté Les meilleurs programmes de microcrédit eux- jouissent d'une grande popularité auprès de ceux qui mêmes n'ont qu'un impact limité sur les groupes les s'efforcent de remédier au manque apparent d'accès plus démunis, lesquels sont souvent peu enclins à des pauvres au crédit et aux insuffisances apparen- prendre des risques et sont incapables (pour des rai- tes des mécanismes autochtones de crédit et d'as- sons d'éducation ou de santé) de profiter du crédit surance au niveau des villages. On a essayé toutes pour se lancer dans des activités indépendantes. Les sortes de programmes de crédit, y compris les cais- plus démunis, en effet, risquent de ne pas avoir accès ses de crédit agricole (première génération) et les à des moyens de production complémentaires, y com- mécanismes de financement des microentreprises pris à l'infrastructure. Les bénéfices tendent à être plus (deuxième génération). élevés (en proportion du revenu aussi bien qu'en va- On dispose de peu d'informations factuelles sur leur absolue) pour les moins pauvres. Il n'est pas cer- l'efficacité de ces programmes dans la lutte contre la tain non plus que le ciblage soit le meilleur moyen de pauvreté. Les évaluations rétrospectives sont souvent promouvoir l'investissement parmi les pauvres ; peu objectives. Par exemple, lorsque l'éligibilité est même les pauvres peuvent économiser sur la rému- assujettie à un plafond de ressources, certains emprun- nération de leur travail pour financer des activités teurs confirment a posteriori que leur revenu était indépendantes et peuvent utiliser le crédit pour con- effectivement inférieur à ce plafond à l'époque du prêt sommer. D'autres interventions directes sans élément mais qu'il est maintenant bien plus élevé. Aussi est-il de crédit peuvent être élaborées pour atténuer la pau- difficile de déterminer ce que ce revenu aurait été en vreté en encourageant les pauvres à sortir par l'absence de prêt. On aurait tort de supposer que l'in- eux-mêmes de l'ornière à plus long terme. De toute vestissement n'aurait pas été possible sans le prêt : évidence, les programmes de crédit ne sont pas le seul des marchés rudimentaires du crédit et des assuran- moyen d'aider les pauvres à investir. ces existent souvent sans aucune intervention. Il suf- Compte tenu de ce que nous savons aujourd'hui fit d'aller dans presque n'importe quel village pour des causes de la pauvreté, il est difficile de prétendre s'en assurer. Les évaluations du ciblage méconnais- que le problème peut être réglé exclusivement au sent souvent l'hétérogénéité des pauvres et suppo- moyen de programmes de crédit ciblés. La pauvreté sent, par exemple, que tous les ruraux pauvres sont chronique ne semble pas être due principalement à privés de terres. Les taux de rentabilité estimatifs peu- des défaillances du marché du crédit ou d'autres mar- vent être sérieusement faussés si l'évaluation est mal chés, mais plutôt au manque de productivité des fac- conçue. teurs et à la faible dotation par personne en facteurs Les informations disponibles incitent à penser autres que le travail. Si de telles conditions subsistent, que les efforts de ciblage sur les ruraux pauvres ont même des marchés parfaits laisseront subsister une des résultats mitigés. Même lorsqu'on applique des pauvreté chronique substantielle. Dans la mesure où conditions de ressources, le résultat peut être très dé- des interventions de crédit bien conçues peuvent cevant. Par exemple, si l'on compare la participation, améliorer efficacement l'accès au crédit des pauvres par groupe de consommation, au Programme de dé- qui manquent de liquidités, elles constituent un élé- veloppement rural à base de crédit, assorti d'un pla- ment positif. Si les programmes sont bien conçus, ils fond de revenus, réalisée dans l'État indien de renforcent souvent l'impact d'une intervention sur la Maharashtra, on constate que ce programme est beau- pauvreté. Mais on peut douter sérieusement que ce coup moins bien ciblé que le Mécanisme de garantie type d'intervention constitue la principale solution de l'emploi de l'État, qui ne comporte pas d'éléments pour éliminer la pauvreté. de crédit et qui n'est pas soumis à des conditions de ressources. Source: Ravaillon, 1996. intermédiaire financier rural qui n'est pas auto- Interventions financières axées sur la réduction nome (Yaron, 1992a). L'encadré 7.3, au chapitre de la pauvreté 7, illustre comment les avantages de programmes de crédit et d'autres interventions peuvent être Parmi les interventions financières ciblées, on comparés au moyen de cet indice. peut mentionner les programmes de crédit rural 46 Les finances rurales à l'intention des petits agriculteurs et des pêcheurs Lorsque l'objectif est d'accroître les revenus, et les programmes de microcrédit qui s'adressent on doit s'attacher surtout à améliorer l'efficacité aux ménages ruraux non agricoles, et en particu- et la diversification des marchés. Le plus souvent, lier aux femmes rurales. Lorsque les programmes les programmes de développement des marchés de finances rurales apparaissent comme un moyen des capitaux ruraux doivent tendre à créer l'en- efficace et économique de réduire la pauvreté, les vironnement le plus propice qui soit à l'intermé- interventions doivent être conçues de manière à diation financière rurale. Les analyses des mar- minimiser les problèmes qui peuvent se poser sur chés des capitaux ruraux (et particulièrement des le plan de l'information et des incitations. Les mé- barrières aux échanges ou du degré d'instabilité thodes à suivre pour la conception de ces inter- de la consommation en période de fléchissement ventions sont analysées au chapitre 6. des revenus) peuvent faire apparaître l'existence de défaillances des marchés et indiquer aux dé- Conclusion cideurs la meilleure méthode pour y remédier. Les interventions directes, sous forme de prêts La nouvelle approche des finances rurales met l'ac- ou de subventions ciblées, ou de création d'IFR cent sur la nécessité d'établir des marchés des ca- d'État ne devraient être envisagées que lorsque pitaux ruraux efficaces afin d'accroître rapidement les défaillances du marché sont clairement iden- et durablement les revenus ruraux et de réduire tifiées et que l'impact économique net attendu de nettement, et de manière irréversible, la pauvreté l'intervention des pouvoirs publics semble indu- rurale. On a, dans le présent chapitre, préconisé une bitablement positif approche orientée vers le marché, qui souligne com- Lorsque l'objectif est de réduire la pauvreté, bien il importe de créer un environnement propice il faut commencer par évaluer la pauvreté des à la promotion des marchés des capitaux ruraux. groupes vulnérables en milieu rural et identifier On a insisté aussi sur la nécessité de choisir judi- certaines des principales contraintes qui empê- cieusement des interventions bien ciblées. chent d'améliorer le bien-être de ces groupes. Encadré 3.9 Cibler les pauvres: Le cas des infrastructures « S'il est vrai que le rapport entre infrastructure et En subventionnant les tarifs des services d'infras- pauvreté est fondamental, il n'en demeure pas moins tructure, on avantage presque toujours de façon dis- que l'infrastructure est un instrument assez grossier proportionnée ceux qui ont les moyens de payer. Au d'intervention directe en faveur des pauvres. Si l'on Bangladesh, les subventions d'infrastructure sont en veut exploiter l'un des avantages potentiels de l'infras- gros six fois plus élevées pour les non pauvres que tructure, qui est d'alimenter une croissance fondée sur pour les pauvres. Une étude sur cinq pays d'Arnéri- l'utilisation intensive de la main-d'oeuvre et d'aider que latine montre que les subventions octroyées pour les pauvres à participer au processus de croissance, le l'eau et l'assainissement vont davantage aux ménages meilleur moyen est d'allouer des crédits budgétaires aisés qu'aux pauvres. Même dans les pays autrefois suffisants à certains secteurs ou à des régions déshéri- régis par un système de planification centrale comme tées, de supprimer les distorsions des prix qui pénali- l'Algérie et la Hongrie, les subventions d'infrastruc- sent les pauvres et de choisir des normes et des plans ture profitent davantage aux riches qu'aux pauvres. d'exécution appropriés. On avance souvent l'idée de Lorsque les pauvres n'ont pas accès à l'infrastructure, subventionner les services d'infrastructure comme ce qui est souvent le cas, ils ne peuvent bénéficier du moyen de redistribuer la richesse entre les ménages tarif de survie et ils finissent, en général, par payer au aisés et les pauvres. Mais pour que ce type de mesure prix fort les services d'infrastructure ou ce qui en tient soit efficace, il faut que ce soient vraiment les pauvres lieu. Dans bien des cas, on aide davantage les pauvres qui profitent des subventions, que les coûts adminis- en subventionnant plutôt l'accès aux services publics tratifs qu'implique ce ciblage restent dans des limites d'infrastructure qu'en subventionnant le prix du ces acceptables et qu'il soit possible d'allouer les ressour- services. » ces budgétaires à cette fin sans sacrifier d'autres dé- penses publiques utiles pour le secteur social. Source: Banque mondiale, 1994a. Repenser les finances rurales 47 Outre qu'ils peuvent améliorer l'efficacité des d'atténuer la pauvreté doit être fondée sur une marchés et ainsi favoriser l'amélioration des re- analyse des coûts et des avantages. venus dans les régions rurales, différents pro- Le programme retenu doit être réexaminé pé- grammes peuvent être utilisés pour cibler direc- riodiquement. Des interventions d'État indirectes tement les pauvres. Nombre d'entre eux (bons et directes bien conçues donnent de bons résul- d'alimentation, travaux d'utilité collective, etc.) tats dans des circonstances extrêmement diverses. ne font pas appel à l'intermédiation financière Les principales caractéristiques des interventions rurale. La décision d'opter pour une intervention indirectes et directes qui ont atteint leurs objectifs financière ou pour d'autres programmes afin sont décrites aux chapitres 4, 5 et 6. CHAPITRE 4 Créer un environnement favorable es marchés des capitaux ruraux ne peuvent reconductions escomptées des crédits agricoles ne se développer que dans un environnement se concrétisent pas. Du côté du passif, les incertitu- favorable. Pour cela, il faut notamment créer des qui entourent la conjoncture économique peu- les conditions macroéconomiques appropriées, vent entraîner une fuite des capitaux, des crises de éliminer les mesures qui pénalisent l'agriculture liquidité et une augmentation du coût de l'argent et le secteur rural et établir un marché des capi- pour les IFR. Ces chocs peuvent se répercuter du taux intégré et efficace. côté de l'actif, car on ne peut pas toujours limiter les crédits ou exiger le remboursement de prêts déjà Établir un environnement macroéconomique accordés pour couvrir les retraits des déposants sans favorable compromettre la trésorerie des emprunteurs et af- fecter la qualité du portefeuille dans son ensemble. La situation macroéconomique exerce une in- Même des changements macroéconomiques fluence importante sur les marchés des capitaux qui paraissent positifs peuvent avoir des effets né- ruraux et vice versa. fastes à court terme sur les IFR. Un net ralentisse- ment de l'inflation peut entraîner des défaillances L'instabilité macroéconomique affecte les marchés si les emprunteurs ont contracté des emprunts à des capitaux ruraux long terme à des taux d'intérêt nominaux fixes calculés sur la base du taux d'inflation prévu an- L'instabilité macroéconomique affecte directement térieurement (Corden, 1989). En fait, comme la les intermédiaires financiers ruraux par le biais des stabilisation macroéconomique se traduit presque variables monétaires, comme les taux d'intérêt invariablement par des taux d'intérêt réels élevés, réels, et indirectement par le biais de ses effets sur une mauvaise gestion macroéconomique risque leurs clients'9. L'instabilité affecte à la fois l'actif et d'entamer sérieusement les bénéfices agricoles et le passif du bilan. Du côté de l'actif, le finance- les taux de recouvrement des prêts par les IFR. Ce ment de chocs budgétaires au moyen de ressour- lien de cause à effet a été illustré aux États-Unis au ces internes peut entraîner une pénurie de crédit début des années 80, lorsque de mauvaises politi- si les marchés des capitaux sont peu développés, ques macroéconomiques ont engendré des taux spécialement pour les clients ruraux, car les mar- d'intérêt réels inhabituellement élevés qui ont ges sur les prêts ruraux sont souvent très étroi- causé la faillite d'innombrables exploitations agri- tes. Cette pénurie de crédit, à son tour, a pour coles (spécialement parmi celles qui étaient très effet de réduire le taux de recouvrement des prêts endettées) et une crise du système de crédit agri- accordés par les intermédiaires financiers si les cole (Drabenstott et Barkema, 1993). 48 Créer un environnement favorable 49 La persistance de distorsions macroéconomiques sont habituellement pervers et tendent à faire obs- affecte les marchés des capitaux ruraux tacle plutôt qu'à faciliter la réalisation des objec- tifs recherchés. Les distorsions du taux de change sont particuliè- rement préjudiciables aux marchés des capitaux Des politiques budgétaires et monétaires prudentes ruraux. Des taux de change fixes qui ne reflètent réduisent l'instabilité pas les données macroéconomiques fondamenta- les faussent les signaux donnés par les prix étran- Les pouvoirs publics peuvent adopter des mesu- gers et conduisent les marchés des capitaux à res pour réduire l'instabilité économique et atté- orienter des ressources excessives vers des secteurs nuer les distorsions persistantes des variables inefficaces et des ressources insuffisantes vers les macroéconomiques (Khan et Knight, 1982 ; secteurs qui jouissent d'un avantage comparatif. Corden, 1989 ; et Mills et Nallari, 1992). L'impor- Si les IFR fondent leurs décisions de crédit sur des tant est de suivre des politiques budgétaires et prix relatifs qui font ensuite l'objet d'un monétaires prudentes pour stabiliser les prix et de réalignement majeur, elles risquent de voir leur mener une bonne politique de change. De telles liquidité et leur solvabilité amoindries. Il en va politiques se justifient même indépendamment de de même si une proportion significative des en- l'effet positif qu'elles ont sur les intermédiaires fi- gagements des IFR est libellée en devises (ce qui nanciers ruraux. Tant qu'un degré de stabilité rai- est souvent le cas pour de nombreuses institu- sonnable n'aura pas été instauré (par exemple, tant tions d'État qui ont reçu des prêts de bailleurs de fonds extérieurs)20. La figure 4.1 illustre le risque que représente le Figure 4.1 Primes de change et taux de rentabilité soutien de projets dans le secteur agricole en pré- économique des projets agricoles sence de distorsions persistantes des taux de change. Toutes autres choses égales par ailleurs, plus la prime Taux de rentabilité économique (%) de change du marché noir est forte, moins les in- 18 vestissements agricoles sont rentables21. 16- Le dysfonctionnement des marchés des capitaux ruraux affecte la situation macroéconomique 14 Le lien qui existe entre la situation macroécono- mique et le fonctionnement du secteur financier 12- rural n'est pas à sens unique. Les crises qui frap- pent les marchés des capitaux ruraux peuvent 10 mettre en difficulté le budget de l'État et, par là, la stabilité macroéconomique. Les bonifications d'in- 8 - térêts, les arriérés de paiements et les impayés au titre des prêts, et des régimes d'assurance des ré- 6 _ coltes et de garantie des prêts mal conçus sont les principaux facteurs à l'origine des charges budgé- 4 _ taires et de la dégradation de la situation macroé- conomique. Ces problèmes ont été mis en évidence 2 au Mexique à la fin des années 80, lorsque la stabi- lisation macroéconomique a rendu le fardeau des 0 transferts aux banques agricoles d'État intolérable Faible Moyen Élevé (voir l'encadré 2.6). Il faut par conséquent, pour <20 % 20-200% >200 % des raisons macroéconomiques, maîtriser les dé- penses publiques relatives aux bonifications d'in- Surévaluation du taux de change (prime) térêts et à d'autres mesures du même ordre, et ce d'autant plus que ces instruments d'intervention Source: Isham et Kaufmann 1995. 50 Les finances rurales que le taux d'inflation et les primes de change ne Comme ce sont surtout les interventions indi- tomberont pas en dessous de 30 % et que les taux rectes qui sont à l'origine de la majeure partie d'intérêt réels ne seront pas inférieurs à 10 % tout (74 %) de l'impact défavorable sur les termes de en demeurant positifs), les interventions sur les l'échange, les pouvoirs publics ne sont peut-être marchés des capitaux ruraux devront générale- pas conscients de l'ampleur du préjudice causé à ment tendre à promouvoir le développement ins- l'agriculture par leurs politiques". De fait, nom- titutionnel plutôt qu'à introduire de vastes pro- breux sont les dirigeants qui, loin d'y voir la cause grammes de crédit. Comme le lien entre les du problème, pensent que le contrôle de l'État peut marchés des capitaux ruraux et la stabilité macro- remédier à la faiblesse de la production agricole économique est à double sens, l'impact budgétaire (Knudsen et Nash, 1990). Et pourtant, le contrôle des politiques financières rurales, spécialement pour de l'État a, sans aucun doute, dissuadé les inter- ce qui est des subventions, devrait être minimisé. médiaires financiers formels d'accorder des cré- dits ruraux et a sérieusement réduit le flux de res- Élimination des dispositions qui pénalisent sources (dans les deux sens) entre les les secteurs agricole et rural intermédiaires financiers formels et leurs clients ruraux. Dans presque tous les pays en développement, le développement rural a été freiné par des politi- Le subventionnement et l'orientation du crédit ques qui favorisaient l'industrie au détriment de ne corrigent pas les effets néfastes des politiques l'agriculture et les zones urbaines au détriment du pro-urbaines monde rural. Ces politiques ont eu un effet drama- tique sur les marchés des capitaux ruraux formels. Pour atténuer les effets néfastes de politiques pro- urbaines, les gouvernements ont mis sur pied des Les politiques pro-urbaines sont préjudiciables programmes de crédits subventionnés pour le sec- aux marchés des capitaux ruraux teur agricole. Ces programmes étaient souvent administrés par des institutions d'État spécialisées La performance des marchés des capitaux et celle dans le crédit agricole. L'État subventionnait aussi des marchés des biens réels sont étroitement liées. des intrants agricoles comme les engrais, les pes- En régime de concurrence, les marchés des capi- ticides, les semences, l'eau et l'électricité. Or, ces taux sont guidés par les signaux donnés par les « compensations » n'ont pas annulé les effets d'un prix, si bien que toute distorsion du prix des biens cadre de politique économique défavorable. réels entraîne une mauvaise allocation des ressour- • Schiff et Valdés (1992) ont constaté que, de ces par les marchés des capitaux. Pendant des an- 1960 à 1984, les transferts de revenus effec- nées, la plupart des pays en développement ont tués par le biais de la totalité des subventions lourdement taxé leur secteur rural par une com- en faveur des intrants, ne représentaient en binaison de mesures directes et indirectes. Les huit moyenne que 2 % du PIB agricole pour les piliers des politiques pro-urbaines ont eu un effet 18 pays considérés, tandis que les interven- dévastateur sur la rentabilité des entreprises agri- tions indirectes avaient causé des transferts coles et des entreprises rurales non agricoles (voir négatifs équivalant à 15 % du PIB agricole. l'encadré 4.1). Schiff et Valdés (1992), par exem- • Les distorsions dues aux orientations de po- ple, estiment que dans un échantillon de 18 pays, litique économique affectent des pans en- les interventions directes et indirectes ont fait bais- tiers de l'agriculture, mais, habituellement, ser les termes de l'échange de l'agriculture natio- seul un petit nombre d'exploitants benéfi- nale de 30 % et entraîné un transfert de revenus cient des mesures de compensation. Ainsi, hors de l'agriculture représentant l'équivalent de il est rare que les programmes formcls de 46 % du produit intérieur brut agricole pendant crédit agricole concessionnel touchent plus la période 1960-84. Ils ont qualifié ce « pillage de de 30 % d'entre eux. l'agriculture » de politique à courte vue, car les • La majeure partie des subventions profitent pays qui pénalisent le plus l'agriculture sont ceux aux agriculteurs aisés ayant des relations qui enregistrent les taux d'expansion économique (voir l'encadré 2.2) et très peu aux exploi- les plus faibles et inversement22. tants les plus nécessiteux. Créer un environnement favorable 51 Encadré 4.1 Les huit piliers des politiques pro-urbaines Les politiques gouvernementales pro-urbaines et les 5. Accorder aux zones urbaines des investisse- priorités en matière d'investissements publics affec- ments disproportionnés dans les ressources tent l'ensemble des efforts de développement. Cette humaines (santé et éducation) ; approche du développement vise généralement à pro- 6. Appliquer des lois sur l'usure, qui interdisent mouvoir une industrialisation rapide et à réduire le les prêts modiques, risqués et coûteux, carac- prix des denrées alimentaires face aux exigences d'une téristiques en milieu rural; population urbaine influente. Les huit piliers de ces 7. Négliger les dispositions juridiques et régle- politiques sont les suivants : mentaires concernant les titres de propriété 1. Conserver un taux de change surévalué, qui foncière et le nantissement des avoirs ruraux garantit un approvisionnement bon marché en habituels (terre, récoltes et matériel agrico- pioduits agricoles ; le) par rapport aux avoirs urbains (automo- 2. Fi yer des prix peu élevés, réglementés et sans va- biles, logements, autres biens de consomma- riations saisonnières pour les produits agricoles; tion durables) ; 3. Appliquer des taux de protection effective éle- 8. Prélever des taxes excessives sur les exportations vés de l'industrie nationale, dont la production agricoles. est utilisée comme intrants agricoles ; Cette approche étouffe le développement agricole 4. Accorder aux infrastructures urbaines des cré- et rural depuis plusieurs décennies dans la plupart des dits budgétaires disproportionnés en compa- pays en développement. Aussi est-il essentiel, si l'on raison de ceux accordés aux infrastructures veut améliorer le bien-être de la majorité de la popu- rurales (routes, électrification et approvision- lation mondiale, d'éliminer ces politiques et ces prio- nement en eau) ; rités d'investissement pro-urbaines. Les entreprises d'État dépourvues d'effica- du seul capital, de la plupart des pauvres, leur cité interviennent dans des activités qui sont travail4. du ressort du secteur privé (la fourniture et Les réformes ont des effets bénéfiques sur les la vente d'intrants), tandis que l'investisse- IFR parce qu'elles améliorent le bien-être de leurs ment dans des biens publics essentiels (rou- clients. Toutefois, comme les distorsions causées tes rurales, recherche agronomique et cadas- par les politiques suivies ne sont pas uniformes, il tre) reste négligé. se peut que certains sous-secteurs protégés devien- nent beaucoup moins rentables lorsque les distor- Des principes bien établis contribuent à créer sions sont éliminées (comme cela a été le cas du un cadre de politique économique favorable maïs au Mexique). Dans leurs décisions de prêts, au développement les IFR doivent tenir compte des effets des réfor- mes sur la qualité des prêts ; et il conviendra d'at- Il existe des principes bien établis à observer tendre, pour accroître considérablement les flux lorsqu'on cherche à mettre en place un cadre de crédit aux régions rurales, que les principa- de politique économique propice au dévelop- les réformes de la politique des prix aient été pement agricole et rural. Il convient notamment mises en place. Le renforcement institutionnel d'instituer un régime commercial plus neutre des IFR, processus de plus longue haleine, peut entre les produits agricoles exportables et im- être entrepris en même temps que ces réformes portables, de réaligner des taux de change suré- sectorielles plus larges". valués, de réduire la production industrielle ex- cessive, de réorienter les investissements publics Établir des marchés des capitaux intégrés prioritaires vers les biens publics et les régions et efficaces rurales et d'élargir la participation au dévelop- pement communautaire. Ces mesures ont pour Dans une économie, les mouvements entre les effet d'améliorer l'efficacité et de rehausser con- marchés des capitaux ruraux, souvent fragmen- sidérablement la valeur du principal capital, ou tés, et les marchés des capitaux en général sont loin 52 Les finances rurales d'être parfaitement fluides. Néanmoins, le fonc- les emprunteurs et de décourager la mobilisation tionnement des marchés des capitaux ruraux ne des dépôts. peut pas être dissocié de celui des marchés des ca- Certains gouvernements obligent les banques pitaux en général. Les pouvoirs publics peuvent à prêter une large part de leur portefeuille à des adopter plusieurs mesures pour renforcer la per- secteurs non rémunérateurs de l'économie. En formance des intermédiaires financiers aux éche- Tunisie et au Maroc, les IFR avaient pour instruc- lons rural et national. tions d'accorder des prêts qui servaient à subven- tionner les entreprises agricoles d'État ineffica- Les problèmes qui se posent sur les marchés ces. Cette pratique constitue en elle-même une des capitaux en général sont préjudiciables subvention pour les bénéficiaires ciblés, car, re- aux intermédiaires financiers ruraux cevant, par décret administratif, plus de fonds que le marché ne leur en aurait alloués, ces fonds leur Les banques et les autres intermédiaires, aussi bien coûtent moins cher que le coût d'opportunité du en ville qu'en milieu rural, sont confrontés à des capital. problèmes d'incitations liés à l'utilisation d'un L'État a recours au crédit dirigé pour faire re- argent qui ne leur appartient pas. Pour les inter- poser sur le système financier la charge budgétaire médiaires financiers, des ratios d'endettement éle- représentée par le soutien aux entreprises et aux vés, des risques de perte limités pour les action- secteurs privilégiés mais, ce faisant, il taxe le secteur naires et les possibilités de prêts à des initiés et de financier plus lourdement que les autres, com pro- pratiques frauduleuses constituent de sérieux ris- mettant ainsi dangereusement l'expansion fiuture ques moraux. Il se pose également des problèmes (Giovannini et de Melo, 1993, et Levine, 1994). d'effets externes : les déposants peuvent profiter L'État fixe les taux d'intérêt par décision ad- sans risque de la surveillance des intermédiaires ministrative et plafonne les taux pour un vol ume financiers, des ruées de déposants sur des banques considérable de prêts bancaires en général et de en difficulté peuvent se répercuter sur des établis- crédits ruraux en particulier. C'est peut-être cette sements sains, des intermédiaires financiers non forme d'intervention qui est la plus dangereuse, solvables peuvent participer au système de paie- car les taux d'intérêt jouent un rôle critique dans ments et des intermédiaires financiers à haut ris- la mobilisation et l'allocation des ressourcus. Si que peuvent détourner les déposants d'établisse- l'on veut que le secteur financier soit concurren- ments prudents. Les problèmes de risque moral et tiel, il est impératif de laisser les forces du mar- d'effets externes existent pour toutes sortes d'in- ché déterminer les taux d'intérêt. Les restrictions termédiaires financiers, ruraux ou non. Les gou- imposées par l'État aux taux d'intérêt limitent vernements et les autorités monétaires doivent l'étendue et les types de participation des inter- s'employer à résoudre ces problèmes d'incitations. médiaires financiers aux marchés des capitaux Les politiques qui ont pour effet d'accroître les ruraux, car les taux d'intérêt perçus sur les cré- risques ou la répression financière nuisent aux IFR. dits agricoles dirigés sont habituellement infé- Les pouvoirs publics peuvent réduire le risque de rieurs aux taux du marché. Imposer des restric- crise financière, mais, par leurs politiques macro- tions aux taux d'intérêt décourage l'épargne économiques peu judicieuses ou leurs interven- monétaire et empêche les petites entreprises tions directes dans le secteur financier, ils sont sou- d'avoir accès au crédit formel. vent à l'origine de ces crises26. Les trois interventions les plus dangereuses sont des réser- Le renforcement de la surveillance et ves obligatoires excessives, un volume important de la réglementation des intermédiaires financiers de programmes de crédits dirigés et le subvention- favorise le développement du marché nement ou le plafonnement des taux d'intérêt. Nombreux sont les gouvernements qui impo- Pour promouvoir le développement de marchés sent des réserves obligatoires excessivement éle- des capitaux diversifiés et efficaces, il convient que vées pour des raisons budgétaires. Au début des l'État renforce la surveillance et la réglementa- années 90, le coefficient des réserves dépassait tion prudentielle des intermédiaires financiers 40 % en Argentine. Une telle politique a pour ef- ainsi que le cadre juridique et réglementaire ap- fet d'accroître les taux d'intérêt que doivent payer plicable aux contrats (voir le chapitre 5). Il doit Créer un environnement favorable 53 également appuyer des programmes de libérali- programme, y compris les IFR sous la tutelle de sation financière et améliorer la diversification des l'autorité monétaire, faute de quoi il subsisterait risques. Il s'agit notamment de déréglementer les un risque sensible de perte sur les prêts accordés taux d'intérêt, de ramener les réserves obligatoi- dans le cadre des programmes formels de crédit res à des niveaux raisonnables et d'assouplir l'en- en milieu rural. Entre-temps, il faut mettre l'ac- cadrement du crédit. L'encadré 4.2 présente cent sur le renforcement institutionnel et sur la d'autres mesures qui peuvent être adoptées pour mise en oeuvre de mesures tendant à élargir la améliorer la performance du secteur bancaire et clientèle et à renforcer la viabilité de ces institu- réduire la probabilité d'une crise bancaire. tions plutôt que sur l'expansion des prêts. On ne doit pas entreprendre de programmes de restructuration ou de recapitalisation des ins- Conclusion titutions fragiles tant que des mécanismes prudentiels et des mécanismes de surveillance ap- En l'absence de systèmes financiers ruraux effi- propriés ne sont pas en place. Ces réformes fi- caces, l'amélioration des conditions de vie de la nancières doivent s'appliquer simultanément à plus grande partie des populations rurales res- toutes les institutions financières visées par le tera illusoire. La réalisation de cet objectif a été Encadré 4.2 Atténuer le risque de crises bancaires L'État peut s'attaquer aux problèmes de risque moral opérer dans le pays, en n'interdisant pas aux et d'effets externes qui caractérisent le secteur finan- investisseurs étrangers de détenir des parts du cier en améliorant la transparence, la responsabilité capital des banques locales et en permettant aux et la capacité de prendre des risques des intermédiai- banques locales d'ouvrir des succursales à res financiers. Voici un certain nombre de mesures l'étranger. qui peuvent être prises à cet effet: • Mettre en place des systèmes centraux de com- • Confier la supervision des intermédiaires fi- pensation avancés, permettant un diagnostic nanciers à un organisme de surveillance des précoce des problèmes de paiements. Cette opérations bancaires autonome, efficace et mesure est importante, car les emprunts in- motive. trajournaliers (prêts interbancaires par le biais • Imposer que les comptes vérifiés soient présen- du système de compensation) constituent le tés conformément à des principes comptables secteur le plus important des marchés du cré- généralement acceptés et, en particulier, à des dit sophistiqués. normes internationales en matière de classe- Promulguer des lois claires sur les faillites et ment des actifs et de provisions. des dispositions applicables rapidement aux • Éablir des critères d'entrée clairs, simples et co- établissements défaillants. D'une manière gé- d fiés afin de réduire les risques d'ingérence po- nérale, ces dispositions doivent prévoir le rem- li-ique et de promouvoir la concurrence dans placement de l'équipe de direction, l'élimina- le secteur. tion des intérêts des actionnaires et la mise à " Imposer des règles de diversification des ac- part des créances irrécouvrables. Les établisse- tifs reflétant les risques de crédit et les risques ments en question peuvent être restructurés fi- da marché, des limites de crédit par emprun- nancièrement, recapitalisés ou dissous. tur ou par groupe d'emprunteurs apparen- • Mettre en oeuvre des règles prudentielles com- tes (exprimées en proportion du capital de la portant des sanctions sous forme d'amendes banque) et des restrictions concernant les et l'ouverture de poursuites contre les banques prêts aux initiés. et les administrateurs qui ne respectent pas des • F ixer des ratios de fonds propres nettement su- normes prudentielles appropriées. périeurs au seuil de 8 % fixé par la Banque des Prises ensemble, ces mesures peuvent améliorer règlements internationaux dans les économies considérablement l'information et les incitations aux- relativement instables. quelles peuvent avoir accès les participants des mar- • Définir les activités autorisées ou interdites. chés des capitaux. • Promouvoir la diversification internationale des risques en autorisant les banques étrangères à Source: Baer et Caprio, 1995 ; Dale, 1982 ; et Polizatto, 1991. 54 Les finances rurales freinée pendant des décennies par des politiques d'incitations et d'effets externes qui peuvent nuire qui pénalisaient l'agriculture et le développement à la performance des intermédiaires financiers. rural. Il n'y a guère d'espoir de voir apparaître des Les responsables politiques sont de plus en plus marchés des capitaux ruraux forts si le contexte nombreux à se rendre compte qu'ils doivent créer des politiques pro-urbaines ne change pas. De un cadre approprié et des progrès considérables même, des politiques budgétaires et monétaires dans cette direction ont été accomplis. Le Chili prudentes sont les seuls moyens de réduire l'ins- et le Mexique ont pris des mesures qui ont radi- tabilité macroéconomique et d'accroître la renta- calement modifié les termes de l'échange pour bilité des investissements ruraux. Enfin, la diver- l'agriculture et créé dans ce secteur des condi- sification et la viabilité des marchés des capitaux tions telles que des exploitations bien gérées peu- ruraux dépendent de la situation qui prévaut sur vent prospérer (l'emploi agricole au Chili a aug- le marché des capitaux en général. L'État doit s'abs- menté en proportion de l'emploi total). Plusieurs tenir de pratiquer une politique de répression fi- pays ont entrepris de vastes réformes du secteur nancière et s'employer à résoudre les problèmes financier et la stabilité macroéconomique a été Encadré 4.3 Deux bonnes raisons de laisser les forces du marché déterminer les taux d'intérêt: L'équité et l'efficacité L'équité. Les programmes d'orientation du crédit se croissance économique plus élevés (King et Levine, heurtent tous au même dilemme: faut-il prêter à plus 1993 ; Jaramillo, Schiantarelli, et Weiss, 1994 ; et de clients sans subventions ou prêter à moins de clients McKinnon et Shaw, 1975). D'autres études font res- avec une forte subvention ? Si le but est de remédier sortir l'existence d'un lien positif entre l'épargne et au manque d'accès des masses rurales au crédit for- les taux d'intérêt réels dans les pays en développement mel, le programme doit viser, pour des raisons (Fry, 1988 et McDonald, 1983). La figure ci-dessous d'équité, à toucher un nombre maximum de clients, ce illustre clairement l'importance du rôle que jouent qui suppose qu'on élimine ou qu'on réduise l'élément les intermédiaires financiers en offrant et en perce- de subvention. vant des taux d'intérêt réels positifs: elle compare les L'efficacité. Plusieurs études montrent que la li- taux d'intérêt servis sur les dépôts et le taux de crois- béralisation des marchés des capitaux permet de sance du PIB pour un échantillon de quatre groupes mieux affecter les ressources et d'obtenir des taux de de pays pendant la période 1974-89. Figure de l'encadré 4.3 Taux d'intérêt réels servis sur les dépôts et croissance du PIB par habitant, 1974-89 Taux de croissance réelle par habitant (%) 2- 1,5- 1 - 0,5- 0- -o; -0,5 - ______________________________ -5,00 -2,49 0,16 2,88 Taux d'intérêt réels sur les dépôts (%) Créer un environnement favorable 55 renforcée grâce à l'appui du Fonds monétaire in- Si nécessaires que soient les mesures visant à ternational et des banques multilatérales de dé- instaurer un cadre de politique économique favo- veloppement (Caprio, Atiyas, et Hansen, 1994). rable aux finances rurales, elles risquent de n'être Cependant, nombre de pays doivent encore en- pas suffisantes. Les marchés des capitaux ruraux treprendre de vastes réformes s'ils souhaitent at- formels ont besoin d'un cadre juridique et régle- teindre ces objectifs primordiaux que sont l'ac- mentaire qui facilite leur fonctionnement et des croissement des revenus et la réduction de la interventions directes peuvent accélérer la mise en pauvreté. place de marchés des capitaux ruraux solides. CHAPITRE 5 Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux ans de nombreux pays, les carences de la les prêts non garantis et les prêts garantis. Les prêts législation, de la réglementation et des ins- non garantis reposent sur la connaissance appro- titutions empêchent les établissements du fondie que le prêteur a de la situation de l'emprun- secteur formel de fournir des crédits aux agricul- teur ou sur la possibilité qu'a le prêteur d'imposer teurs et aux entreprises rurales". Pour la même des sanctions à l'emprunteur. Les prêts garantis raison, il est difficile aux banques d'accorder di- reposent sur un gage constitué sur les biens de rectement des prêts aux agriculteurs, au secteur l'emprunteur. Cette garantie donne créance à la formel de prêter au secteur informel, et aux ban- promesse de l'emprunteur et rassure le prêteur en ques et autres établissements financiers de prêter cas de défaut de paiement. Comme il est souvent à d'autres que des banques (par exemple, fournis- meilleur marché d'évaluer des garanties que de seurs et organisations non gouvernementales qui s'informer en détail sur la situation de l'emprun- octroient des prêts groupés), qui sont peut-être teur, un prêteur peut, en exigeant une garantie de mieux placés pour atteindre les emprunteurs ru- l'emprunteur, lui offrir des prêts plus importants raux, et surtout les pauvres. Nombre de ces caren- à des taux d'intérêt plus bas. ces juridiques et réglementaires sont à l'origine des Certaines lacunes de la législation et de la ré- problèmes endémiques qui caractérisent le crédit glementation peuvent néanmoins faire obstacle à rural ou les aggravent : manque d'information, ces deux types de prêts, de sorte que les prêteurs barrières sociales, antisélection, dispersion des privés refusent des prêts ou n'accordent que des clients et covariance de la rentabilité. crédits très modestes à des taux d'intérêt très éle- En dépit de leurs implications majeures sur les vés. Imposer des restrictions aux garanties peut finances rurales, ces problèmes n'ont guère été avoir de sérieux effets sur les investissements. Dans analysés. On s'efforce, dans le présent chapitre, de les pays industrialisés, comme les États-Unis, en- définir les principales carences juridiques et régle- viron 45 % du stock de capital privé est constitué mentaires et les moyens d'y remédier. Les solutions par des biens immeubles à usage résidentiel, 25 % proposées peuvent avoir un impact énorme, pour par des biens immeubles à usage non résidentiel un coût modique, sur les marchés des capitaux et les 30 % restants par des biens meubles, y com- ruraux. pris le bétail, le matériel agricole, les engrais, les cultures sur pied et les stocks. Même la catégorie Problèmes relatifs à l'utilisation de garanties des biens meubles, importante du point de vue éco- nomique, n'est qu'une subdivision de ce que le droit Un prêteur privé se préoccupe de la promesse faite américain considère, plus généralement, comme par l'emprunteur de rembourser le prêt. Au cours biens personnels. Les biens personnels incorporels du temps, les marchés privés ont mis au point deux - effets à recevoir ou hypothèques mobilières, par types de moyens de rassurer les prêteurs privés: exemple - ne sont pas comptabilisés dans le stock 56 Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 57 de capital. Pourtant, ils revêtent une importance importance économique clé. Dans certains pays, critique dans les ventes à crédit et le financement certains biens peuvent servir de gage, mais pas non bancaire. Lorsque des biens immeubles ou d'autres. Rares sont les pays qui prévoient la pos- meubles ne peuvent pas être donnés en gage pour sibilité de donner en gage un bien futur, de sorte garantir des prêts, leurs propriétaires ne peuvent que peu d'agriculteurs peuvent emprunter sur la pas utiliser leurs biens pour obtenir des fonds à prochaine récolte, leurs produits n'existant pas d'autres fins. Ceux qui n'ont aucun bien ont du encore. Peu de pays reconnaissent la novation, qui mal à acheter à crédit. permet à la sûreté de survivre lorsque le bien est Pour offrir des prêts garantis par des biens im- transformé. Le prêteur qui a constitué une sûreté meubles ou personnels, les prêteurs ont besoin de sur la laine se trouvant dans un entrepôt la perd lois et d'institutions qui leur permettent de créer lorsque la laine est vendue. Parfois, leur coût prohi- ou de parfaire publiquement des sûretés sur ces bitif interdit certaines transactions. En Uruguay, biens ou les faire réaliser. Plus ce processus est in- l'enregistrement d'un gage est soumis à un droit certain et coûteux, et moins les prêteurs sont dis- de 6 % de sa valeur ; en Russie, ce droit est de 3 %. posés à prêter. Les prêteurs peuvent couvrir une Ce droit d'enregistrement à lui seul, calculé sur partie de ces coûts en majorant les taux d'intérêt, une base annuelle, dépasse le taux d'intérêt sur les mais, à mesure que les risques et les coûts aug- prêts à court terme pour l'entreposage de stocks mentent, les prêteurs réduisent les montants prê- agricoles. tés par rapport à la valeur de la garantie. Au pire, ils ne prêtent pas plus avec garantie que sans ga- Constitution définitive d'une sûreté sur un bien rantie. Le résultat ? De petits prêts à des taux d'in- térêt élevés. La constitution définitive, ou la publicité, est le processus par lequel un prêteur établit la priorité Constitution de sûretés sur un bien de sa sûreté sur le bien. Parfois, l'emprunteur re- met le bien en gage au prêteur jusqu'à ce que le La constitution d'une sûreté exige un cadre qui prêt soit remboursé, par exemple une montre au permette aux deux parties de conclure un accord mont-de-piété, des céréales dans un silo ou des à force exécutoire qui s'applique aux parties, aux titres déposés auprès d'un agent de change. Il n'y biens donnés en gage et aux circonstances con- a guère de risque que l'emprunteur donne le même nexes présentant une importance économique. bien en gage à un autre prêteur, le fait que le pre- Dans le cas de biens immeubles, la constitution mier en a possession étant une notification suffi- d'une hypothèque, qui est une sûreté sur un bien sante que l'emprunteur a gagé ses biens. Les autres immeuble, peut soulever de nombreux problèmes. prêteurs présument que les circonstances de la Par exemple, le propriétaire n'a pas de titre incon- garde du bien impliquent que le premier prêteur testé, il n'a pas de titre reconnu dans le principal a une sûreté sur le bien. corpus juridique du pays, ou encore il a établi son La situation n'est pas aussi claire lorsque le bien titre par possession de fait, c'est-à-dire en occu- demeure en la possession de l'emprunteur. Com- pant les lieux pendant la période prévue par la loi ment un prêteur peut-il savoir s'il existe déjà un pour établir la propriété, mais il n'a pas effective- gage ? Un gage antérieur affecte directement la ment établi son titre et ne l'a pas fait enregistrer valeur de garantie d'un bien. Une maison de au cadastre. Comme la loi stipule habituellement 100 000 dollars qui paraît une garantie suffisante que seul le propriétaire d'un bien immeuble peut pour un prêt de 50 000 dollars est bien moins in- l'hypothéquer et comme un titre de propriété en- téressante pour un prêteur si elle fait déjà l'objet registré est la seule preuve acceptable de propriété, d'une première hypothèque de 60 000 dollars. Ce en ce cas, le prêteur ne peut pas constituer d'hy- problème peut être résolu par l'enregistrement pu- pothèque exécutoire. Dans le cas des biens person- blic des sûretés. Néanmoins, nombre de problèmes nels, la constitution d'une sûreté est habituellement pratiques limitent, dans la plupart des pays en dé- encore plus difficile et risquée, et aussi coûteuse et veloppement, le processus d'enregistrement et de complexe. constitution définitive (voir les encadrés 5.1 et 5.2). Parfois, la législation ne prévoit pas d'instru- Dans le cas de biens immeubles, l'absence de ments couvrant des transactions revêtant une titre de propriété enregistré signifie que le prêteur 58 Les finances rurales Encadré 5.1 La différence entre la délivrance de titres fonciers et le cadastrage En Bolivie et au Pérou, l'État a mis en oeuvre un donc être établie. Les titres de propriété inscrits dans programme de réforme agraire dont les bénéficiai- les registres de la réforme agraire suffisaient pour res ont reçu des titres spéciaux sur la terre. Ces titres donner aux propriétaires une certaine sécurité de ont été inscrits dans les registres de la réforme jouissance, car il aurait probablement été impossi- agraire, mais pas dans les registres du cadastre spé- ble de les expulser par une action en justice, mais ce cifiés à cette fin par le Code civil, de sorte que si un système ne permettait pas aux prêteurs d'utiliser la prêteur voulait enregistrer une hypothèque sur un terre comme garantie car il n'existait aucune possi- bien foncier, il ne trouvait aucune trace de la pro- bilité d'enregistrer l'hypothèque. priété, ni aucun bien au titre duquel l'hypothèque puisse être enregistrée. L'hypothèque ne pouvait Source: Fleisig et de la Pefña, 1996. ne pourra pas faire enregistrer d'une manière juri- comme garantie. Ce problème peut surgir même diquement certaine l'hypothèque sur le bien offert lorsque la propriété du bien n'est pas contestée, par en garantie, et ne pourra pas être sûr que la terre ne exemple lorsqu'elle est clairement établie par pres- fait pas déjà l'objet d'une autre hypothèque. Faute cription ou par un titre accordé par l'État, comme de cette certitude, le bien n'aura aucune valeur dans le cadre d'un programme de réforme agraire. Encadré 5.2 La haute technologie au service du cadastrage Lorsque les pays en développement appliquent des Munis d'un émetteur qui envoie des signaux aux règles rigoureuses en matière de garantie quand bien satellites, les arpenteurs se déplacent sur le périmètre de même les ruraux pauvres n'ont guère de garanties à la propriété et créent ainsi une carte d'une extrême pré- offrir, le conflit est inévitable entre le besoin de sé- cision. Les informations transmises par satellite sont curité du prêteur et la politique suivie par l'État pour saisies sur ordinateur, après quoi les spécialistes de CARE améliorer l'accès au crédit des ménages ruraux. In- travaillent avec la collectivité pour décider comment les capables d'offrir des garanties suffisantes, les em- terres seront subdivisées en lots individuels. Les terrains prunteurs ruraux ne peuvent guère obtenir de cré- qui ne se prêtent pas à la culture ou au pâturage sont dits, voire aucun. Le manque de garanties résulte alors mesurés et divisés. Comme le système GPS est in- lui-même de l'impossibilité dans laquelle ces em- formatisé, les techniciens peuvent subdiviser les terres prunteurs se trouvent d'obtenir des crédits pour rapidement en utilisant un rayon laser pour mesurer améliorer leurs revenus et leur niveau de vie. On est les distances. Le logiciel peut alors imprimer une des- donc en présence d'un cercle vicieux. Un moyen de cription écrite détaillée de chaque lot, opération très fas- sortir de cette ornière de la pauvreté, due à l'absence tidieuse lorsqu'elle doit être faite manuellement. de garantie, est l'utilisation du nouveau Système « Notre travail débouchera sur une véritable trans- mondial de positionnement (GPS) pour un cadas- formation du régime foncier du pays », explique Javier trage ultramoderne. Molina, directeur du projet de CARE, qui est financé Le GPS est un réseau de 24 satellites mis sur or- par l'Agency for International Development des bite par le ministère de la Défense des États-Unis qui États-Unis. « Nous aidons à établir des titres de pro- permet aux usagers de déterminer leur position exacte priété foncière selon une méthode entièrement nou- partout dans le monde. On est en train d'établir de velle », ajoute-t-il. « Maintenant que chacun sait où se nouvelles cartes détaillées au moyen des relevés effec- trouve son terrain, tout le monde a déjà commencé à tués par le GPS. Depuis six mois, l'organisation cari- travailler », assure Severino Chico, dirigeant d'une de tative privée CARE utilise le système GPS pour mener ces collectivités d'El Salvador. Grâce au nouveau sys- à bien un projet pilote visant à subdiviser plus de tème de cadastrage au moyen du GPS, on a déjà investi 4 500 ha en lots individuels en El Salvador. Dans sa dans la terre et il sera plus facile d'obtenir des crédits phase initiale, le projet a permis de raccourcir de plu- pour financer des activités de développement. sieurs années les délais de délivrance des titres de pro- priété foncière. Source: Farah, 1996. Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 59 Une fois qu'un titre est enregistré, on ne peut l'instrument a été inscrit dans un registre public procéder à la constitution définitive d'une hypo- mais il peut en exister des centaines, de sorte qu'il thèque que s'il existe un cadastre qui fonctionne est impossible d'y faire des recherches pour déter- et qui soit ouvert au public. Cependant, l'utilisa- miner si le bien a déjà été grevé par suite d'un gage, tion de certains cadastres publics coûte cher. Des privilège judiciaire ou autre forme de sûreté. droits d'enregistrement élevés, la longueur de la procédure d'enregistrement, les honoraires Réalisation d'une sûreté sur un bien d'hommes de loi et les difficultés d'obtenir l'in- formation voulue sont autant de problèmes qui La valeur du bien offert pour garantir un prêt dé- viennent encore alourdir le coût de l'opération. pend en grande partie de la certitude et de la rapi- Les administrations publiques limitent parfois l'ac- dité avec laquelle la sûreté pourra être réalisée et cès du public aux cadastres et empêchent ainsi les le bien saisi et vendu. Si les modalités de recou- cabinets privés de remédier à ces problèmes. vrement sont importantes, ce n'est pas parce que Comme nombre de ces coûts sont fixes, ils peu- la saisie est une issue fréquente ou souhaitée par vent représenter un pourcentage élevé de la va- les prêteurs, mais parce que les parties contrac- leur d'une petite parcelle de terre. La constitution tantes doivent être convaincues que la saisie et la définitive d'une hypothèque augmente par con- vente du bien seront certaines et rapides si l'on séquent le coût total de l'emprunt pour les petits veut rassurer le prêteur et démontrer la bonne foi opérateurs. de l'emprunteur. Dans la plupart des pays emprun- Dans le cas des biens personnels, les procédures teurs membres de la Banque mondiale, la saisie et de constitution définitive sont parfois mal définies. la vente d'un bien gagé sont très problématiques. En ce cas, le prêteur qui accepte une sûreté ne peut Dans beaucoup de pays, la procédure de réali- pas être assuré de sa priorité, a du mal à détermi- sation d'une hypothèque exige une procédure ju- ner si la garantie offerte a déjà été gagée et n'est diciaire qui peut prendre de six mois à deux ans. Il pas certain du statut juridique de sa sûreté (voir est souvent illégal, au regard de la législation vi- l'encadré 5.3). Dans de nombreux pays, on ne sait sant à protéger les exploitations agricoles, de sai- pas exactement où un gage doit être enregistré. sir et de vendre de petites parcelles de terre, de sorte Certains pays limitent les sûretés sur les biens meu- que celles-ci ne peuvent pas servir de garantie. bles aux biens qui sont déjà inscrits dans d'autres La lenteur des procédures d'exécution peut registres, par exemple les automobiles, les navires également réduire la valeur de garantie d'un bien et les avions, mais pas les rizeries, les meuble. Les biens meubles ont souvent une va- moissonneuses-batteuses ou les ramasseuses-pres- leur unitaire moindre que les biens immeubles ses. Ailleurs, la priorité dépend de la date à laquelle et, à la différence de ces derniers, ils se déprécient Encadré 5.3 Les lacunes du droit des sûretés Il est fréquent qu'un bien ne puisse pas constituer une fixes le peut. Pour des raisons analogues, le blé con- garantie ou être vendu à crédit parce que la législa- servé dans un silo argentin ne peut pas servir de ga- tion ne prévoit pas la possibilité de constituer une rantie, tandis que du sucre conservé dans un entre- sûreté. En Uruguay, par exemple, un gage sur des bo- pôt le peut. vins constitue un contrat valide, mais pas un gage sur Ces problèmes portent un coup fatal aux activi- de la volaille ou sur une institution financière. En Ar- tés de prêt, car le prêteur sait qu'en cas de défaillance, gentine et en Bolivie, une chose qui n'existe pas en- l'emprunteur pourra prétendre que le contrat core ne peut pas faire l'objet d'un prêt. Par conséquent, sous-jacent est juridiquement nul. Ces problèmes ju- les agriculteurs ne peuvent pas obtenir de crédit en ridiques n'ont aucune justification valable au regard gageant les oeufs de leurs volailles, le lait de leurs va- de l'ordre public. Certains sont dus à des accidents de ches ou le vin de leur raisin. Au Pérou, des stocks tour- rédaction, d'autres reflètent la vieille théorie selon la- nants exigent une novation du prêt, de sorte que des quelle le créancier doit pouvoir avoir la possession extraits de fruits conservés en entrepôts ne peuvent matérielle du gage. pas servir de garantie, tandis que de la farine de pois- son conditionnée dans des conteneurs de dimensions Source: Fleisig et de la Peña, 1996. 60 Les finances rurales Encadré 5.4 Exécution: Canaris, prison et peine de mort Depuis que les prêts existent, on se préoccupe de sa- payer, le chèque est présenté à l'encaissement et, lIrs- voir comment obtenir l'exécution du contrat d'em- qu'il est refusé, le prêteur fait mettre l'emprunteur en prunt. À Rome, les débiteurs défaillants étaient en- prison pour fraude. En 1993, un quart des détenus de voyés en exil - sur l'autre rive du Tibre - et parfois La Paz avaient été incarcérés pour cette raison. écartelés, après quoi leur dépouille était partagée entre Aux États-Unis et au Canada, le créancier est au to- les créanciers en proportion du montant dû. Au Costa risé à saisir le bien donné en garantie par l'emprun- Rica, les Canarios (Canaris), en costume d'oiseau de teur défaillant sans ordonnance judiciaire, à con di- couleur jaune, suivaient les débiteurs défaillants pour tion que, ce faisant, le créancier n'aille pas jusqu'à les humilier publiquement. En Bolivie, au Chili et en « troubler l'ordre public ». Thaïlande, les créanciers reçoivent des chèques postda- tés en garantie des prêts : si l'emprunteur ne peut pas Source: Fleisig et de la Peña, 1996. généralement avec le temps. Une procédure d'exé- Facteurs qui freinent l'essor des prêts cution qui prend entre six mois et deux ans peut non garantis dépasser la durée de vie économique d'un grand nombre de stocks (fruits, légumes, bétail, viande, Les prêts non garantis peuvent être un bon moyen volaille, cultures sur pied) ou se prolonger sur la pour les emprunteurs ruraux d'obtenir des cré- presque totalité de la durée utile du matériel in- dits. Dans de nombreuses régions, l'octroi de cré- dustriel et agricole. Dans ces conditions, la garan- dit par les distributeurs d'intrants agricoles, ainsi tie fournie n'est guère de nature à rassurer un prê- que les prêts personnels et les prêts à des groupes teur potentiel. solidaires (ayant plus d'un garant) sont fréquents. Il existe dans tous les pays des lois qui limitent Toutefois, différents facteurs entravent le dévelop- le montant qu'un créancier peut réclamer à un pement de ces systèmes de prêts non garantis. débiteur défaillant. Réduire l'emprunteur à la mi- sère est rarement dans l'intérêt général. Toutefois, Dispositions régissant les transactions garanties si elles ne sont pas élaborées avec prudence, les règles relatives à la protection des exploitations agri- Les problèmes liés aux dispositions régissant les coles et des biens insaisissables peuvent empêcher transactions garanties peuvent limiter l'accès au les petits propriétaires ruraux, qui sont souvent crédit des prêteurs ou des vendeurs à crédit cux- démunis, d'utiliser leurs parcelles comme garan- mêmes. Par exemple, lorsqu'un magasin d'intrants tie ou d'acheter à crédit un peu de terre ou de agricoles accorde du crédit sur son propre capital, matériel. Des problèmes semblables se posent pour le gérant se trouve à la tête d'un portefeuille de les entreprises rurales lorsque des règles d'insai- « comptes clients » représentant le crédit accordé. sissabilité, qui ont ostensiblement pour but de pro- Ce portefeuille peut représenter des sommes subs- téger les pauvres, ont l'effet inverse et lorsque, par tantielles, même si chaque crédit, considéré indi- exemple, une petite entreprise ne peut pas acheter viduellement, est modeste. Dans un pays indus- d'outillage ou de matériel à crédit parce que les trialisé doté d'une législation appropriée, le gérant petites propriétés sont légalement insaisissables. peut se servir de ce portefeuille en garantie d'un Les problèmes que soulèvent les dispositions emprunt bancaire qui lui permet de continuer à applicables aux transactions garanties font qu'il est accorder de nouveaux crédits non garantis à ses difficile aux prêteurs du secteur formel d'accorder clients. L'information est un aspect important de des prêts garantis par des biens de peu de valeur. ces transactions, car le gérant du magasin con naît De même, il leur est difficile de fournir des finance- mieux ses clients que le banquier et il est mieux à ments par les circuits naturels du crédit rural tels même d'éviter les clients à risque. Dans la plupart que les distributeurs, les fournisseurs d'intrants des pays en développement, toutefois, les lacunes agricoles et les prêteurs spécialisés dans les prêts de la législation empêchent les banques de consti- non garantis, comme les groupes de solidarité. tuer, de parfaire et de réaliser des sûretés sur les Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 61 comptes clients. Cela limite l'accès des magasins Comme les emprunteurs sont plus dispersés dans au crédit et bouche une source de crédit rural qui les campagnes que dans les villes, seuls les prêteurs pourrait être abondante. Il en va de même, à peu et vendeurs à crédit locaux savent dans quelle de choses près, pour tous les vendeurs à crédit en mesure ils peuvent faire confiance à leurs clients. milieu rural et pour les prêteurs autres que des C'est pourquoi les prêts ruraux sont dominés par banques (voir les encadrés 5.6 et 5.7). une multiplicité de petits monopoles, qui accor- dent des prêts modiques à des taux d'intérêt éle- Information vés. Cette situation de monopole peut disparaî- tre sous l'effet de la concurrence, mais les Dans le cas des prêts non garantis, il est indispen- concurrents doivent disposer de renseignements sable d'être bien informé sur les emprunteurs. sur les emprunteurs. Encadré 5.5 Les récépissés d'entrepôt: Un instrument qui facilite le financement du commerce et des stocks Les récépissés d'entrepôt sont couramment utilisés produits. L'État peut utiliser les récépissés d'en- comme garanties dans les pays industrialisés. Il n'en trepôt pour gérer les réserves stratégiques et sou- est pas de même dans les pays en développement et tenir les prix sans détenir les stocks eux-mêmes. dans les économies en transition, principalement Les récépissés d'entrepôt peuvent se combiner parce que l'environnement juridique et institution- à un système de gestion du risque de prix, de nel n'est pas assez développé, parce que la question manière à réduire les incertitudes qui entou- est mal connue et parce que l'État applique des politi- rent la garantie des prêts agricoles et la valeur ques qui n'encouragent pas le secteur privé à consti- de la garantie. Cela permet aux banques d'ap- tuer des stocks (par exemple, si le prix des produits pliquer aux récépissés d'entrepôt une décote agricoles est fixe, les exploitants n'ont pas de raison moins élevée et peut réduire le coût des prêts, de les stocker pour les vendre ultérieurement). L'effi- dans la mesure où les garanties seraient plus cacité globale des marchés y gagne beaucoup si les sûres. producteurs et les entités commerciales peuvent con- Tout cela nécessite un environnement juridique vertir la production agricole en un effet négociable et institutionnel approprié: les récépissés doivent, du qui peut être échangé, vendu, utilisé comme garantie point de vue fonctionnel, être équivalents aux pro- pour le financement des exportations oit des stocks, duits entreposés ; les droits, responsabilités et obliga- ou servir de base à un instrument dérivé, par exemple tions de chacune des parties (producteurs, banques, un contrat à terme. gérants d'entrepôt) doivent être clairement définis ; L'introduction d'un système de récépissés d'en- les récépissés doivent spécifier les conditions essen- trepôt pourrait avoir des avantages pour les pays en tielles du contrat ; ils doivent être librement développement et les pays en transition de différen- transférables par transmission et endos ; enfin, le dé- tes façons : tenteur d'un récépissé d'entrepôt doit avoir un droit • En offrant des garanties sûres aux institutions prioritaire sur les produits entreposés ou leur équiva- de prêts, les récépissés d'entrepôt augmentent lent fongible en cas de liquidation ou de défaillance le volume de fonds locaux et étrangers dispo- de l'entrepôt. Les autres conditions à réunir sont, no- nibles pour le crédit agricole et réduisent le coût tamment, des moyens de vérification et des contrôles des opérations de prêt. matériels, la certification des entrepôts, des normes • Pour les pays qui sont en train de libéraliser leur de qualité systématiques ; une assurance immobilière économie, les récépissés d'entrepôt peuvent je- et contre les risques divers et des garanties d'exécu- ter les bases d'un marché au comptant natio- tion de la part du gérant d'entrepôt. Lorsque ces con- nal et peut-être, ultérieurement, de marchés à ditions sont réunies, le système de récépissés d'entre- terme. pôt peut favoriser le développement et l'efficacité de • Pendant le processus de libéralisation, les récé- l'intermédiation financière rurale. pissés d'entrepôt peuvent se substituer à l'in- tervention directe de l'État sur les marchés des Source: Varangis, IECCP, Banque mondiale, 1996. 62 Les finances rurales Encadré 5.6 Prêteurs non bancaires Les prêteurs non bancaires, comme les distributeurs machines agricoles de l'Uruguay et de l'Argentine d'aliments pour le bétail, d'engrais, d'insecticides ou et les marchands d'insecticides et d'engrais du Ban- de machines agricoles, peuvent accorder des crédits gladesh affirment que cela leur est impossible. L'ab- au secteur rural, souvent sans garantie. Toutefois, con- sence de législation appropriée peut rendre impos- trairement aux banques, il n'ont pas de dépôts, et doi- sible tout lien entre les crédits fournisseurs ruraux vent donc pouvoir emprunter eux-mêmes pour of- et les prêts du secteur urbain formel. frir du crédit. Dans un système de transactions Ainsi, les lacunes du système de transactions ga- garanties qui fonctionne bien, ces vendeurs à crédit ranties réduisent le volume du crédit disponible pour peuvent utiliser leurs stocks et leur portefeuille de comp- ceux qui empruntent de petits montants ou qui n'ont tes clients pour emprunter dans le secteur formel et con- pas de terre à offrir en garantie. tinuer à accorder des crédits. Pourtant,les distributeurs d'herbicides de Bulgarie, les concessionnaires de Source: Fleisig et de la Pefña, 1996. Services de notification du crédit prêteurs informels sont poussés dans la clandesti- nité, ce qui empêche des emprunteurs ruraux dé- Dans de nombreux pays en développement, les favorisés de bénéficier de la concurrence et d'une services de notification du crédit en sont encore à réglementation appropriée des pratiques en ma- leurs balbutiements. Les banques n'ont aucun tière de prêt. moyen de fonder leurs décisions sur les antécé- dents de leurs clients. Les prêteurs autres que les Cartes nationales d'identité banques et les vendeurs à crédit n'ont pas moyen d'obtenir des renseignements sur les emprunteurs, Ces documents, qui sont parfois exigés par les prê- de sorte que si ces derniers, et surtout les pauvres, teurs du secteur formel, peuvent être difficiles et sont inconnus en dehors de leur localité, il leur est coûteux à obtenir dans de nombreux pays, sur- impossible de prouver qu'ils ont toujours honoré tout pour les individus qui n'ont pas fait leur ser- leurs engagements et d'obtenir ainsi du crédit. vice militaire ou qui n'ont pas d'acte de naissance. L'expansion des services de notification du crédit L'impossibilité d'obtenir une carte d'identité peut est entravée par le fait que le public ne peut pas limiter considérablement les possibilités d'action. consulter les dossiers officiels et par le manque de Les femmes célibataires chefs de famille et les in- demandes d'information sur les demandeurs dividus nés en milieu rural sont particulièrement d'emprunts non garantis, dû lui-même au fait que touchés par ce problème. Les pouvoirs publics les vendeurs à crédit ne peuvent pas refinancer doivent faciliter l'obtention de ces cartes, ou mo- leurs portefeuilles et exploiter les possibilités lu- difier la réglementation bancaire pour que les ban- cratives de vente à crédit. ques puissent admettre d'autres preuves d'iden- tité raisonnables. Problèmes qui affectent tous les prêts Âge de la majorité Différentes restrictions d'ordre juridique et régle- mentaire influent sur le coût et le volume des prêts Dans les pays où l'accroissement démographique aussi bien garantis que non garantis. Quelques- est rapide, il n'est pas rare de trouver des ménages unes d'entre elles sont décrites ci-après. dont tous les membres aient moins de 21 ans. Si l'un d'eux signait un contrat, y compris un con- Lois sur l'usure trat d'emprunt, celui-ci n'aurait aucune valeur devant les tribunaux. Ces ménages s'adressent sou- Le plafonnement des taux d'intérêt est une des for- vent aux prêteurs du secteur informel. Néanmo ns, mes les plus anciennes de réglementation de l'éco- le problème posé par l'âge de la majorité entrave nomie. Habituellement, de telles mesures n'attei- le développement de liens entre les prêteurs in- gnent pas leur objectif officiel. Au contraire, les formels et le secteur formel par le biais du Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 63 Encadré 5.7 Des réformes fragmentaires Ce n'est qu'assez récemment qu'on a commencé à ré- des automobiles fonctionne bien et permet d'enre- former les systèmes de transactions garanties, et il gistrer un gage sur les véhicules. En revanche, la même n'existe pas d'exemple de transformation réussie dans personne ne peut pas obtenir de prêt pour acheter un les pays en développement. Cependant, différentes tracteur, car le système d'immatriculation ne permet initiatives ont été couronnées de succès ici et là, mon- pas de mettre un tracteur en gage. En Bulgarie, où un trant par là que, si elles formaient un tout cohérent, gage ne peut pas être inscrit sur le registre des auto- ces réfoi mes auraient dans les pays en développement mobiles, les prêts automobiles sont inconnus, sauf s'ils un impact comparable à celui qu'elles ont eu dans les sont garantis par l'État ou si le véhicule est entreposé pays industriels. sous la garde du prêteur. Là encore, l'élimination des Constitution de sûretés. En Argentine, les stocks contraintes juridiques peut accroître les possibilités de céréales ne peuvent pas être utilisés comme sûreté, de transactions lucratives. mais les stocks de sucre sont acceptés ; au Pérou, les Recouvrement. Banco Agricola Boliviano, qui a stocks de viande d'exportation peuvent constituer une aujourd'hui fermé ses portes à la suite de difficultés garantit, contrairement aux stocks de fruits pour l'ex- de recouvrement de ses prêts, réussissait à récupérer portation. Pourquoi ? Parce que, dans ces pays, la lé- de l'ordre de 95 % des prêts minuscules qu'il accor- gislation rend difficile l'établissement de contrats ga- dait aux agriculteurs démunis de l'altiplano. Pour- rantis par des stocks tournants. Si les stocks ne quoi ? Parce que, conformément à ses statuts, la ban- tournent pas, les produits peuvent servir de garantie. que pouvait saisir et vendre sans intervention Dans ces pays, les prêteurs sont insensibles à l'attrait judiciaire les biens donnés en garantie par les em- économique fondamental de la garantie : s'ils limi- prunteurs défaillants. La banque pouvait facilement tent leurs prêts, c'est parce que la loi ne permet pas de revendre à crédit dans d'autres villages de l'altiplano conclure un contrat utile sur des stocks tournants. le matériel saisi. Le sachant, les agriculteurs rembour- Lorsque ces contraintes disparaîtront, les activités de saient leurs prêts. Des mécanismes de recouvrement prêt prospéreront. crédibles sont donc essentiels si l'on veut faciliter le Perfection. En Argentine, en Uruguay et au Ban- recouvrement des prêts, et ils peuvent aider à amé- gladesh, les salariés qui ne possèdent pas de terre peu- liorer la performance d'institutions par ailleurs dé- vent acheter une automobile à crédit : ils versent un ficientes. acompte et c'est le véhicule qui sert de garantie. Cela est possible parce que le système d'immatriculation Source: Fleisig et de la Pefia, 1996. refinancement des montants à recevoir et des hy- en vigueur. L'organe de tutelle des banques ne peut pothèques mobilières. pas remédier aux carences fondamentales du sys- tème juridique par voie de règlements. Si la pro- Contrats écrits cédure à suivre pour saisir et vendre une garantie dure de six mois à deux ans, les prêts garantis par La législation de la plupart des pays stipule que les des biens périssables ne doivent pas être traités parties à un contrat doivent y consentir en pleine différemment des prêts non garantis. connaissance de cause, c'est-à-dire signifier par Les mécanismes de supervision et de réglemen- leur signature qu'elles l'ont lu et approuvé. Cette tation entravent parfois le crédit rural de façons exigence implicite de l'écrit fait qu'il est impossi- subtiles. Les institutions financières qui ne pren- ble pour les illettrés de conclure valablement un nent pas de dépôts et les institutions non finan- contrat. cières qui accordent des crédits sont souvent ré- glementées, ou affectées par la réglementation Supervision et réglementation applicable aux banques, d'une façon qui décou- des institutions financières rage le crédit rural. Parfois, les opérations de crédit-bail et de prêts d'institutions non finan- La supervision et la réglementation doivent être cières comme les concessionnaires de matériel rigoureusement conformes au système juridique sont également affectées. À l'occasion, seules les 64 Les finances rurales banques peuvent avoir recours aux procédures Solutions possibles spéciales prévues pour le recouvrement rapide des montants dus. On sait quelles réformes il y a lieu d'apporter au Il est bien évident que ces règles limitent le dé- système juridique, à la réglementation et aux insti- veloppement des prêteurs non bancaires du sec- tutions pour élargir l'accès au crédit en milieu ru- teur formel. Ceux-ci pourraient accorder des cré- ral. Nombreux sont les pays en développement où dits à de nombreux emprunteurs ruraux qui ne le volume des crédit accordés aussi bien aux clients seraient pas pris en considération par les banques. urbains qu'aux clients ruraux après des réformes, Ces effets ne sont pas négligeables. En Bolivie, même partielles ou fragmentaires, a augmenté. 95 % environ du crédit provient des banques. Aux Les réformes exigent habituellement un assou- États-Unis, où les institutions n'acceptant pas de plissement des procédures à suivre par les parties dépôts ne sont pas réglementées par les autorités privées pour obtenir l'exécution des contrats. Les monétaires et où la législation prévoit la possibi- tribunaux font souvent fonction d'arbitres en der- lité de fournir des garanties plus diverses, cette nier ressort mais il n'est pas nécessaire qu'ils soient proportion n'est que de 50 %. impliqués à toutes les étapes de la procédure. C'est Certes, il convient de réglementer les banques notamment le cas au Canada, aux États-Unis et et les autres institutions qui acceptent des dépôts, au Royaume-Uni. Dans d'autres pays, particuliè- cela à plus forte raison si l'État, explicitement ou rement en Allemagne et aux Pays-Bas, les réfor- implicitement, garantit les dépôts, mais la régle- mes concernaient principalement les pouvoirs et mentation et la supervision semblent beaucoup la rapidité avec laquelle les tribunaux et les autres moins justifiées dans le cas des prêteurs et de ceux organes d'exécution peuvent agir. Une large qui vendent à tempérament, qui n'acceptent pas gamme de solutions pratiques s'offre aux pays en de dépôts et qui ne sont pas assurés. Cette régle- développement, qui peuvent les appliquer au mo- mentation ne fait souvent qu'accroître la puis- ment opportun. sance sur le marché et la domination des ban- ques en liant les mains à leurs concurrents. Réformes de la législation et de la réglementation Comme ces concurrents ont souvent des avanta- ges particuliers dans le domaine des prêts à l'agri- Voici quelques exemples de réformes à apporter à culture, ces mesures de supervision peuvent être la législation et à la réglementation : un fardeau considérable. • Délivrer des titres de propriété foncière et ins- À l'intérieur du système bancaire, les prêts per- crire les propriétés au cadastre ; réduire le coût sonnels (non garantis) sont parfois peu dévelop- des formalités d'enregistrement et de saisie. pés. En l'absence de normes à cet égard, les orga- • Réformer le droit des transactions garanties; nismes de tutelle n'ont pas toujours le moyen de autoriser la saisie et la vente sans l'interven- distinguer les prêts personnels à risque des autres. tion constante des tribunaux. Si ce moyen leur était donné, cela pourrait avoir • Modifier l'âge de la majorité compte tenu un impact marqué sur des programmes promet- des pratiques familiales usuelles. teurs de prêts groupés, mais aussi ouvrir la porte à • Rédiger des dispositions spécifiques, claires des prêts risqués à des groupes privilégiés. et limitées touchant la protection des exploi- tations agricoles. Lenteur et incertitude des procédures judiciaires • Adopter des dispositions selon lesquelles des témoins peuvent donner valeur juridique à La lenteur et l'incertitude des procédures judiciai- des contrats signés par des illettrés. res auxquelles les créanciers doivent avoir recours • Déréglementer les opérations de prêt des pour obtenir l'exécution des obligations des débi- institutions qui n'acceptent pas de dépôts. teurs augmentent le coût et le risque des prêts. Les petits prêts et les prêts garantis par des biens meu- Réforme des institutions bles sont particulièrement affectés. À l'extrême, les prêteurs peuvent refuser des garanties immobiliè- Les réformes institutionnelles qui contribueraient res locales et n'accepter que celles qui sont situées à développer le crédit en milieu rural sont notam- à l'étranger. ment les suivantes: Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 65 Figure 5.1 Comment des réformes bien conçues du Les réformes recommandées dans ce chapitre droit et de la réglementation influent sur les marchés permettent aux prêteurs d'opérer rentablement à du crédit des taux d'intérêt plus faibles. La figure 5.1 illus- tre comment les réformes font baisser la droite de Taux d'intérêt l'offre de crédit, ce qui se traduit par une baisse des taux d'intérêt et une augmentation du volume S1 total des crédits. La société profite de la réduction du coût de la satisfaction de la demande courante de crédit (c,) ainsi que de l'augmentation de la r1 -Réduction des coûts production totale rendue possible par l'accroisse- due aux réformes ment du volume du crédit (c - c2). Les réductions des taux d'intérêt peuvent être substantielles (voir R 2 le t a b le a u 5 .1 ) . La baisse des taux d'intérêt et l'augmentation du volume de crédit qui résultent de programmes bien conçus de réforme de la législation relative aux transactions garanties engendrent une crois- sance du produit intérieur brut de plusieurs points de pourcentage. Ces programmes de réforme du droit coûteraient moins d'un million de dollars. Même si les registres sont administrés par des or- ganismes publics plutôt que privés, le coût des ré- formes est habituellement inférieur à 10 millions Crédit 1de dollars. La Banque mondiale appuie des réfor- mes de ce type par des études économiques et sec- torielles et des prêts en Argentine, en Bolivie, au Source: Heywood Fleisig. Bangladesh, en Bulgarie, en El Salvador, au Hon- duras, au Pérou (voir l'encadré 5.8) et en Uruguay. Des projets de la Banque interaméricaine de dé- veloppement sont en cours au Guyana et en Haïti • Réforme des registres légaux et facilitation et la Banque européenne pour la reconstruction des opérations privées. et le développement en réalise dans plusieurs pays • Élimination des obstacles au fonctionne- en transition. ment des services de notification du crédit et utilisation de leurs cotes dans le cadre des Conclusion mécanismes de supervision et de réglemen- tation bancaires. L'État a pour obligation fondamentale d'offrir • Application universelle des systèmes de car- un cadre juridique sûr, qui permette aux ci- tes nationales d'identité lorsqu'ils existent; toyens de se livrer à des échanges de nature à lorsqu'ils n'existent pas, création de normes accroître leur bien-être. Il faut pour cela que des régissant les pièces d'identité privées. institutions efficaces et impartiales puissent ré- gler les différends entre parties en litige. Étant Avantages et coûts des réformes donné le caractère fiduciaire des transactions financières, il est d'autant plus important que La réforme des systèmes juridiques, réglementai- le cadre juridique et réglementaire soit suffisam- res et institutionnels qui régissent le crédit peut ment bien conçu pour réduire les risques et raf- conduire à une baisse des taux d'intérêt et à une fermir la confiance. augmentation du volume du crédit. En outre, on Dans ce chapitre, on a appelé l'attention sur peut parvenir à ce résultat en réduisant les risques l'importance des sûretés en tant que moyen de et les coûts associés aux opérations de prêt, sans garantir les transactions financières et sur tout avoir recours à des subventions. ce que les pouvoirs publics peuvent faire pour 66 Les finances rurales Encadré 5.8 L'établissement et l'enregistrement des titres de propriété foncière : Une initiative privée au Pérou Où cette propriété prend-elle fin et celle-là com- des biens fonciers. Au Pérou, avant les dernières ré- mence-t-elle ? Et qui possède quoi ? Le cadastrage n'est formes, il fallait effectuer 207 démarches auprès de pas le sujet le plus passionnant du monde, mais la 48 services de l'État pour obtenir un titre de pro- reconnaissance des droits fonciers des pauvres est priété ; en moyenne, ce processus durait 43 mois et une question cruciale dans de nombreux pays en coûtait l'équivalent de dix semaines du salaire mini- développement. mum officiel. Cependant, avec l'appui du président Traditionnellement, ce sont les bureaucrates qui Alberto Fujimori, l'Institut de M. de Soto a com- donnent les réponses à ces questions. Ou plutôt, qui mencé à simplifier et décentraliser le processus en ne les donnent pas. Dans les pays en développement, créant son propre registre informatisé des biens im- plus des quatre cinquièmes des terrains en milieu ru- meubles et commerciaux. ral n'ont pas de propriétaires légalement reconnus. Il ne s'agissait pas seulement de délivrer des ti- Aujourd'hui, un Péruvien, Hernando de Soto, et son tres de propriété : on a constaté en Afrique que des Institut pour la liberté et la démocratie s'efforcent de titres, à eux seuls, ne permettaient pas de développer mobiliser les forces du marché au service du cadas- le crédit en l'absence de liens avec le secteur financier. trage. Aussi la base de données de l'Institut est-elle conçue Pourquoi des titres de propriété sont-ils impor- pour être utilisée par les établissements de prêt et des tants ? Ils sont importants pour l'État, car ils lui per- compagnies de services publics. S'il est plus facile mettent de percevoir des taxes immobilières. Ils per- d'évaluer les demandes de crédit et s'il est possible de mettent aux compagnies de services publics saisir et de vendre les biens donnés en garantie ou de d'identifier et de facturer les usagers demeurant à une couper les services fournis le cas échéant, les risques adresse donnée. Quant au citoyen ordinaire, le statut s'en trouvent réduits. Les services de l'Institut sont de propriétaire lui apporte fierté, sécurité et crédit : réputés beaucoup moins chers que ceux de l'admi- aux États-Unis, plus de la moitié des prêts aux nou- nistration et plus rapides. Le Gouvernement péruvien velles entreprises sont garantis au moyen de titres of- a facilité le mouvement en régularisant 270 000 en- ficiels de propriété. Résultat : plus d'investissements treprises spontanées. et un meilleur entretien des logements, des ateliers et Selon l'Institut, la valeur des biens immeubles qui des exploitations agricoles. Amélioration de la valeur ont reçu des titres de propriété dans le cadre de son aussi: une étude effectuée récemment aux Philippi- programme a doublé au cours des trois premières nes a indiqué que l'attribution d'un titre de propriété années. Pour M. de Soto, les établissements financiers accroissait la valeur d'un bien d'un tiers. sont des partenaires en puissance. Plus les titres de Depuis 30 ans, les bailleurs de fonds ont donné propriété se multiplieront et plus il pourra y avoir (ou prêté) aux pays en développement plusieurs cen- d'hypothèques et, à terme, l'apparition d'un mar- taines de millions de dollars à cette fin. Ce finance- ché secondaire pour les titres garantis par des sûre- ment a permis d'établir des cartes au moyen de don- tés hypothécaires. nées recueillies par satellite et des bases de données Cette initiative n'a pas convaincu tout le monde. Le très complètes, mais peu de registres utiles. La Ban- temps et l'attitude des pouvoirs publics seront détermi- que mondiale reconnaît que presque tous ses pro- nants. Au moins le Pérou apporte-t-il des idées nouvel- grammes de cadastrage rural ont donné des résultats les pour résoudre le problème que pose depuis longtemps médiocres. l'intégration des pauvres à l'économie formelle. En Indonésie, les frais d'établissement des titres de propriété majorent de 10 à 30 % le coût d'achat Source: « A Matter of Title », TheEconomist, 9 décembre 1995. faciliter la constitution, la perfection et la réalisa- processus, et on a décrit les autres réformes de la tion des sûretés en améliorant les lois, les règle- réglementation et des institutions qui pouvaient ments et les institutions. On a souligné aussi que élargir les possibilités de prêts aussi bien garantis le secteur privé pouvait participer davantage à ce que non garantis, notamment par l'élimination des Le cadre juridique et réglementaire des marchés des capitaux ruraux 67 Tableau 5.1 Pourquoi les taux d'intérêt sur les prêts sont-ils élevés en Argentine ? (en pourcentage) Facteur États-Unis Argentine Différence Effet d'un risque macroéconomique supérieur en Argentinea Taux sur les emprunts d'État à trois mois libellés en dollars 5,5 11,4 5,9 Effet des marges dintermédiation bancaire supérieures et des difficultés à réaliser les sûretés immobilières Taux d'intérêt hypothécaire 7,5 18,0 10,5 Impact estimatif des marges bancaires et des coûts de recouvrement locaux 4,6 (10,5-5,9) Effet de la différence de la législation applicable aux transactions garantiesb Prêt automobile (véhicule neuf) 9,7 21,0 11,3 Prêt automobile (véhicule d'occasion) 14,1 26,0 11,9 Prêt pour l'achat de matériel 14,1 60,0 45,9 Prêt personnel non garanti 16,2 60,0 43,8 Impact estimatif de la législation applicable aux transactions garanties Automobiles neuves 0,8 (11,3-10,5) Prêts pour l'achat de matériel et prêts personnels 33,3 à 35,4 (43,8 ou 45,9-10,5) a. Le risque que le Gouvernement des États-Unis ne puisse pas rembourser les bons d'État en dollars est nul étant donné qu'il a le monopole légal de l'émission de dollars. Le Gouvernement argentin doit obtenir ses dollars en majorant les impôts ou en réduisant les dépenses, mesures qui sont mal accueillies par la population. La différence entre le taux d'intérêt aux États-Unis et en Argentine sur les bons d'État en dollars reflète la perception de ce risque macroéconomique par les marchés. b. Les différences concernant le risque macroéconomique et le coût d'intermédiation valent aussi bien pour les prêts assortis de garanties immobilière; que pour ceux qui sont garantis par des biens meubles. Aux États-Unis, les prêts garantis par des biens meubles sont assortis de taux proches des taux hypothécaires. En Argentine, les banques n'accordent pas de prêts garantis uniquement par des biens meubles, et les prêteurs non bancaires perçoivent des taux de l'ordre de 60 %. Source : Floisig et de la Peia, 1996. contraintes découlant des lois sur l'usure et des d'énormes avantages à long terme. Il conviendrait règles qui régissent les établissements financiers d'accorder une place beaucoup plus large aux ré- non bancaires. formes dans le développement des marchés des Les réformes du droit et de la réglementation capitaux ruraux et dans l'amélioration du fonc- ne coûtent pas cher mais peuvent apporter tionnement des IFR. CHAPITRE 6 Interventions directes nouvelle approche de l'intermédiation fi- rôle que l'État doit jouer dans les interventions nancière rurale confère à l'État un rôle plus directes reste ouvert. restreint, davantage orienté vers le marché. Elle définit de façon stricte les conditions dans les- Interventions ciblées quelles une intervention directe des pouvoirs pu- blics se justifie. Le ciblage de segments particuliers du marché n'est • Si l'objectif essentiel est d'accroître les reve- pas inhabituel dans le secteur privé. Mais dans le nus ruraux, une intervention publique di- domaine de la fourniture de biens par le secteur recte ne se justifie que si elle vise à remédier public, la situation est différente pour deux gran- à un dysfonctionnement identifiable du des raisons. Les ressources budgétaires nécessai- marché et si les avantages escomptés l'em- res pour financer des activités ciblées proviennent portent sur le coût de l'intervention. (au bout du compte) des impôts perçus sur • Si l'objectif essentiel est de réduire la pau- d'autres activités économiques. En général, l'af- vreté, une intervention fondée sur les nor- fectation des fonds publics, y compris les subven- mes sociales en vigueur peut se justifier, tions, obéit non pas aux lois du marché, mais à même en l'absence de dysfonctionnement des impératifs sociaux. Comme les fonds publics du marché (ou d'une intervention écono- peuvent servir à des fins très diverses, on doit ana- miquement justifiable visant à corriger ce lyser rigoureusement le coût d'opportunité de dysfonctionnement), parce que la popula- chaque intervention. tion rurale pauvre ne recueille pas les fruits Il convient d'évaluer les subventions accordées de la croissance. aux IFR, et de comparer le coût social de chaque Il est souvent difficile de faire la distinction intervention au coût des autres interventions pos- entre les interventions indirectes et les interven- sibles (voir le chapitre 3, et Squire, 1995). Il faut tions directes. Dans ce rapport, le terme indirect évaluer régulièrement les effets et les résultats des désigne le contexte de l'action des pouvoirs pu- programmes ciblés ou subventionnés par rapport blics (macroéconomique, sectoriel, juridique et à leurs objectifs déclarés. Les problèmes qui peu- réglementaire), et le terme direct désigne les inter- vent être associés à l'intermédiation financière ventions qui nécessitent habituellement l'emploi rurale sont exposés au chapitre 7, qui propose une de fonds publics, par exemple, sous la forme de méthode pour évaluer son efficacité. crédits ciblés ou d'une assistance technique aux Les interventions en matière de finances rura- IFR. Les responsables de la politique économique les doivent toujours avoir pour objectif fondamen- sont généralement d'accord au sujet des interven- tal de compléter les mécanismes du marché ou de tions indirectes qui donnent les meilleurs résul- faciliter leur fonctionnement. Elles doivent toutes tats (voir les chapitres 4 et 5), mais le débat sur le viser à réduire progressivement l'intervention de 68 Interventions directes 69 Encadré 6.1 Comment les données empiriques contribuent à justifier et à élaborer les interventions D'après une étude récente de la Banque mondiale, les soudre. Par exemple, son nouvel objectif est de déve- marchés des capitaux ruraux sont très peu diversifiés lopper les services de dépôt et de crédit viables, com- dans trois grandes régions du Mexique, où les entre- pétitifs et non ciblés, fournis aux régions rurales par preneurs ruraux n'ont qu'un accès limité aux services les intermédiaires financiers du secteur formel. Cet financiers. Ces marchés sont aussi très segmentés car effort, s'il est couronné de succès, contribuera à l'ex- les types d'emprunteurs et prêteurs se correspondent tension et à la viabilité des services fournis par ces de si près que les fonds ne peuvent pas circuler entre intermédiaires financiers dans les régions rurales. Il régions ou catégories d'emprunteurs. Soit ces mar- permettra aussi d'élargir l'accès aux marchés des ca- chés ne sont pas concurrentiels, soit ils sont très inef- pitaux ruraux et de modifier la composition de ce ficaces. Le niveau élevé des taux d'intérêt implique que créneau en fournissant des services aux entreprises les rendements sont anormalement élevés ou que les qui n'étaient pas desservies jusque-là par le secteur primes de risque ex ante perçues dans certains cas sont structuré. socialement inefficaces, parce que les prêteurs sont in- L'État s'efforce de créer un environnement pro- capables d'opérer dans plus d'une zone géographique. pice au développement des droits de propriété, des Ces problèmes font que l'économie rurale mexi- contrats et des services financiers. Il faudra pour cela caine continuera d'éprouver des difficultés à s'adap- améliorer le cadre juridique régissant l'exécution des ter aux vastes réformes de ces dernières années et aux contrats et l'utilisation des garanties, et la mise en place conséquences de la crise du change du début de 1995. de réseaux d'information entre les prêteurs (par exem- Les entrepreneurs ruraux devront rectifier la propor- ple, pour vérifier la solvabilité des clients). Il faudra en tion des facteurs, changer leur gamme de produits et particulier : a) instaurer un cadre juridique plus effi- investir dans les nouvelles technologies. Ils ne peu- cace pour les prêts garantis sur des biens fonciers, du vent réassir que si tous les marchés de facteurs, en matériel, des créances sur stocks ou des biens de con- particulier les marchés des capitaux, fonctionnent sommation ; b) améliorer le fonctionnement du sys- bien. Toutefois,] a segmentation de ces marchés oblige tème de registres officiels ; et c) établir des mécanis- les investisseurs ruraux à se tourner avant tout vers mes permettant le recouvrement rapide des garanties. les modestes ressources locales. Par conséquent, un En outre, le gouvernement financera, avec le con- choc local négatif sur les revenus ou la faiblesse de la cours de la Banque mondiale, l'élaboration, à titre base de ressources initiale peuvent avoir des inciden- expérimental, d'ensembles technologiques viables ces à long terme défavorables sur l'accumulation de pour fournir des services financiers aux petites entre- richesse et, partant, sur la pauvreté. Des taux d'inté- prises rurales. L'objectif consiste à établir des directi- rèt extrêmes (atteignant en moyenne 36 % par mois ves générales pour la fourniture de services financiers en ternies réels pour les crédits en nature) et des exi- aux petites et moyennes entreprises rurales, en s'ins- gences étranges en matière de nantissement ont des pirant de l'exemple des prêteurs du secteur informel effets défavorables sur la répartition du revenu. Il y a qui réussissent dans les régions considérées ou dans lieu de penser aussi que les catégories rurales tradi- d'autres pays. Ces directives recommanderont de bon- tionnellement défavorisées peuvent se trouver enfer- nes pratiques commerciales qui pourront être appli- mées dans des stratégies d'investissement peu risquées quées à la fourniture de services financiers en milieu et peu rentables, qui, à terme, creuseront probable- rural. Autrement dit, les services offerts et les techno- ment les écarts de revenus. La difficulté d'accéder aux logies employées doivent être appropriés et les inté- marchés des capitaux ruraux contribue à cet état de ressés doivent agir sur la base d'un ensemble d'incita- choses. tions adaptées, dans un cadre de politique générale Les derniers éléments d'information obtenus favorable. semblent avoir aidé le gouvernement à mieux cerner les pro olèmes et à élaborer des stratégies pour les ré- Source: Participation de Rodrigo Chaves et Susana Sanchez. l'État, tout en encourageant le secteur privé à four- d'amorçage. La BRI-UD est devenue très rentable nir des services financiers dans des conditions de et financièrement autonome parce qu'elle a réa- concurrence. L'État a prêté son concours à la créa- lisé des économies d'échelle et a adopté des mé- tion des banques villageoises (unit desas) de Bank thodes d'exploitation efficaces. Son succès a in- Rakyat indonesia (BRI-UD) en fournissant le capital cité d'autres intermédiaires financiers à étudier les Tableau 6.1 Variables et options de politique économique dans le cas des interventions directes Variables Formes d'intermédiation financière publique Clientèle cible Nature des produits, Modes opératoires (démographie, Environnement des mécanismes Instruments utilisés (au niveau des facteurs culturels et physique et et des institutions Modes de prestation dans les Produits institutions Objectifs socio-économiques) socio-économique (du secteur informel) et prestataires interventions ciblées et services ou des produits) Remédier au Niveau de revenu Densité Prêteurs Organisations non Capital d'amorçage Crédit (fonds Prêts collectifs: dysfonctionnement de la population gouvernementales, de roulement et - Action collective du marché institutions financières crédit personnel) - Pression exercée rurales privées par les pairs Réduire la pauvreté Agriculteurs ou Investissements Tontines Banques Subventions Épargne Services bancaires microentreprises dans l'infrastructure commerciales de contrepartie mobiles ou villageois Entreprises rurales Tendances Organisations non Institutions Subventionnement Garantie Incitations offertes non agricoles de la croissance gouvernementales de crédit agricole des coûts de crédits au personnel agricole spécialisées de transaction et aux clients Situation dans Banques Institutions Incitations à Assurance l'agriculture, par commerciales financières rurales l'innovation des récoltes exemple, double récolte, ou menaces de sécheresse ou d'inondation Accès aux services Services postaux Compagnies Expériences Autres assurances financiers formels d'assurances pilotes Accès aux services Coopératives Diffusion de financiers informels l'information Intermédiation sociale Interventions directes 71 possibilités d'activités rentables en milieu rural, sous forme de capital d'amorçage pour la créa- suivant la même méthode. tion d'IFR dans des régions reculées ou pour la mise en place de services bancaires mobiles, la fourni- Principes directeurs des interventions ture d'une assistance pour le lancement de projets publiques novateurs ou l'octroi d'incitations aux institutions existantes pour les encourager à élargir la gamme Aucune forme d'intervention n'est optimale dans de leurs services ou à fournir des services à une toutes les circonstances. Le choix de l'intervention certaine clientèle ou à une zone géographique par- appropriée dépend de son objectif initial et doit ticulière. Ces interventions permettent aux insti- tenir compte de plusieurs facteurs, comme les ca- tutions financières de tester des moyens de réduire ractéristiques du créneau, l'environnement phy- systématiquement le coût de l'obtention d'infor- sique et socio-économique, la culture nationale ou mations sur une clientèle donnée, rendant ainsi locale, et la nature et l'efficacité du marché finan- possible la fourniture de services à cette clientèle. cier informel existant (voir l'encadré 6.1). En Indonésie, l'État a fourni le capital d'amorçage L'intervention peut faire appel à différents ty- pour la création des unités villageoises de la BRI, pes d'institutions, à différentes formes d'aide (ca- étant clairement entendu que toute unité qui ne pital d'amorçage ou formation, par exemple), à parviendrait pas à opérer sans subvention serait différents produits ou services (épargne, assurance, fermée. etc.), et à différents modes opératoires (prêts grou- Les obstacles sociaux à l'intermédiation finan- pés, services bancaires mobiles). Le tableau 6.1, qui cière peuvent être surmontés au moyen d'inter- sert de base à l'analyse présentée dans ce chapitre, ventions similaires. Par exemple, l'État peut accor- résume les principales variables et les principales der des incitations financières aux institutions qui options de politique économique. desservent les segments du marché les plus défa- vorisés (comme les femmes ou les pauvres) ; ou Objectifs de l'intervention bien l'État peut participer aux frais initiaux de re- cherche et de mise en oeuvre de méthodes effica- Les interventions directes doivent viser, soit à re- ces pour servir la clientèle cible. L'intermédiation médier à un dysfonctionnement du marché, soit à sociale peut aider à surmonter ces obstacles, mais réduire la pauvreté (voir le chapitre 3). Leur effi- les intérêts perçus par les institutions financières cacité doit toujours être évaluée par rapport à leur leur permettent rarement d'en supporter intégra- objectif. lement le coût. L'intermédiation sociale peut re- vêtir diverses formes, telles que la sensibilisation Dysfonctionnement du marché. Les fournis- du public, la formation ou les activités de type seurs de services financiers du secteur informel ré- collectif. Les mécanismes de prêt ou d'épargne pondent à différents aspects de la demande en collectifs peuvent aussi aider à réduire les coûts de milieu rural. Mais ils ont tous besoin d'informa- transaction des institutions financières (Bennett tions sur la collectivité pour évaluer les risques, et Goldberg, 1993). informations dont le coût augmente rapidement avec la distance. C'est en partie pour cela que les Réduction de la pauvreté. Si l'objectif de l'in- marchés financiers ruraux sont presque toujours tervention est de réduire la pauvreté en milieu segmentés. La répartition géographique des ris- rural, il faut analyser attentivement les causes de ques y est difficile, les paiements se font mal, les cette pauvreté et les obstacles à l'accroissement des services ne peuvent pas être transférés à grande revenus, et faire en sorte que l'intervention per- échelle et les services d'épargne offrant des taux mette de surmonter ces problèmes. Par exemple, d'intérêt positifs sont insuffisants (les prêteurs les institutions financières s'abstiennent souvent devant maintenir un ratio de fonds propres élevé de prêter aux pauvres parce que les prêts et les pour gérer le risque de covariance). dépôts d'un montant modeste font augmenter les Les interventions destinées à remédier à une coûts de transaction relatifs. Ces coûts peuvent être défaillance du marché due à l'imperfection de l'in- amoindris par des subventions qui en financent formation comprennent, par exemple, l'octroi une partie ou par la diffusion d'informations sur d'une aide par l'État ou par des bailleurs de fonds les pratiques institutionnelles qui permettent de 72 Les finances rurales Encadré 6.2 Les finances rurales en Europe centrale et orientale Dans les pays d'Europe centrale et orientale (PECO), créances irrécouvrables. Les finances rurales dans les les interventions financières en milieu rural sont ca- PECO se heurtent aux obstacles suivants : ractérisées, d'une part, par un potentiel élevé de ren- • Faible rentabilité de l'agriculture. Les finances tabilité sociale et, d'autre part, par des risques impor- rurales ne peuvent pas stimuler les revenus ru- tants. Par potentiel élevé de rentabilité sociale on entend raux si les emprunteurs n'ont pas de possibi- l'effet sensible que la réforme des politiques macroé- lités d'investissement rentables. La priorité doit conomiques, commerciales, agricoles et financières être donnée à l'élimination des distorsions qui aurait pu avoir sur l'offre provenant des entreprises pénalisent l'agriculture, notamment par la sup- privées, mais qui a été amoindri par l'insuffisance du pression du contrôle des prix alimentaires et crédit agricole et par l'absence de réforme du système l'alignement du prix des intrants et des pro- financier rural. Les risques élevés résultent de politi- duits sur les prix internationaux. ques inadaptées qui faussent les prix des intrants et Manque d'information. La rapidité et la profon- des produits, et du recours massif au crédit deur de la transformation économique inter- concessionnel (pour compenser la faible rentabilité venue dans les PECO font que les informations des activités agricoles), qui se solde par une mauvaise de crédit dont on disposait antérieurement affectation des ressources. n'ont plus aucune utilité. Cependant, il est dif- ficile de recueillir des informations à jour. Les Défis nouvelles institutions financières sont généra- lement trop inexpérimentées pour évaluer les En régime de planification centrale, les exploitations risques liés aux finances rurales et il n'existe pas d'Êtat et les fermes collectives étaient tributaires des de système de notation permettant d'obtenir crédits accordés par les banques d'État, qui étaient et de diffuser des renseignements sur la solva- plus des organismes distributeurs de fonds que des bilité des clients. Pour améliorer l'information, institutions financières en quête de rentabilité. L'an- il faudrait apprendre aux agriculteurs à tenir nulation des créances était chose courante et les ban- des comptes et à établir des plans d'exploita- ques agricoles avaient pour mission non pas de vé- tion, fournir aux banques une assistance tech- rifier la solvabilité des clients, mais de leur fournir nique pour les aider à estimer les risques et à des fonds pour faciliter la réalisation du plan. Comme évaluer les projets agricoles, et promouvoir la l'État subvenait autrefois à tous les « besoins » de cré- création de services de notation financière. dit, il n'existait pratiquement aucune source de cré- • Réduction des risques. L'évolution rapide de dit informelle capable de remplacer le système ban- l'environnement macroéconomique et du caire officiel lorsque celui-ci a cédé sous le poids des cadre de politique générale suscite une grande les réduire, telles que l'octroi de prêts collectifs qui l'agronomie. Ces services doivent-ils être fournis permettent de remédier au problème des garan- par des institutions spécialisées dans les services ties. Les fonds de garantie des crédits encouragent, financiers ? On peut se le demander. Les pouvoirs eux aussi, les institutions à prêter à des clients à publics ou les bailleurs de fonds pourraient cepen- risque, qui n'ont pas de références en matière de dant collaborer avec les institutions financières ou crédit ni de garanties suffisantes. Il est essentiel de les organisations non gouvernementales pour communiquer des informations financières pré- fournir ces services. cises et de divulguer les coûts des interventions pour choisir la formule la plus appropriée, qu'il Clientèle cible s'agisse d'intermédiation financière ou d'interven- tions non financières axées sur la réduction de la Il peut y avoir plusieurs façons d'atteindre une pauvreté. clientèle cible. Les facteurs à prendre en compte Comme les pauvres disposent souvent de com- pour élaborer des projets d'intermédiation finan- pétences et de marchés limités, la rentabilité de cière rurale sont notamment les activités généra- leurs investissements pourrait être améliorée grâce trices de revenus des clients, leur niveau de revenu à la formation, notamment dans le domaine de et leur culture. Interventions directes 73 incertitude, qui nuit à l'intermédiation sans subventions de l'État. Pour promouvoir financière en décourageant les prêteurs po- l'intermédiation financière rurale par le biais tentiels et les producteurs. La réduction des des banques concurrentielles, il faut renfor- risques passe par la stabilisation macroéco- cer le système bancaire dans son ensemble nomique et par la mise en place de mécanis- et surmonter les multiples obstacles d'ordre mes de couverture, notamment de mécanis- politique, juridique et réglementaire aux- mes d'assurance des récoltes et de garantie quels se heurte cette forme d'intermédia- d'un coût raisonnable. tion financière dans les anciennes écono- Un cadre peu propice aux prêts garantis. Pour mies planifiées. faciliter l'octroi de prêts garantis, il faut que les • Prêts aux mutuelles de crédit. Dans ce cas, les emprunteurs aient le droit de posséder des prêts sont consentis à des institutions locales biens et détiennent des titres de propriété. À appartenant à leurs membres. Diversifiées au cette fin, il faut procéder dès que possible à niveau local ou fédérées au niveau national, l'établissement du cadastre et à l'enregistre- elles peuvent surmonter les problèmes de sai- ment des biens fonciers ; il faut aussi mettre à sonnalité et de covariance en groupant et en jour la législation sur le nantissement des biens répartissant les risques. réels et personnels et établir des registres et • Interventions ponctuelles. Des mesures ponc- des procédures de conciliation. En l'absence tuelles peuvent être prises pour empêcher la de nantissement approprié, on peut créer un baisse injustifiée de la production agricole ; on capital social en encourageant la formation peut notamment confier à des institutions non volontaire de petits groupes d'emprunteurs bancaires soutenues par l'État le soin de four- homogènes, assumant une responsabilité con- nir à titre intérimaire des crédits au secteur agri- jointe et solidaire. cole, aux taux du marché, suivant des princi- pes commerciaux, en attendant que le système Stratégies financier soit réorganisé. Garantie du risque souverain. La garantie du ris- Les prêts de la Banque mondiale aux intermédiaires que souverain est un moyen de se prémunir financiers dans les PECO sont de quatre types: contre les risques politiques qui font obstacle à • Prêts aux banques concurrentielles. Cette ap- l'octroi de crédits pour l'achat d'intrants agri- proche suppose l'existence d'un réseau de coles sur le marché international. banques commerciales bien gérées, qui prê- tent au secteur agricole aux taux du marché Source: Tuck et Yaron, 1996. Activités génératrices de revenus. Les clients qui formules d'épargne liquide peuvent constituer une se livrent à des activités agricoles peuvent avoir solution, en particulier pour les clients qui vivent besoin de prêts à plus long terme que ceux qui di- au-dessus du seuil de pauvreté. rigent une microentreprise. Il faut aussi tenir compte de l'effet que le caractère saisonnier des Niveaux de revenu. Le crédit n'est sans doute activités et les catastrophes naturelles peuvent avoir pas en soi un moyen de sortir de l'extrême pau- sur les revenus, par exemple au moyen d'un sys- vreté, car les marchés, les réseaux et les compéten- tème d'assurance des récoltes ou du bétail ou d'un ces ne sont pas à la portée des plus démunis. Des mécanisme permettant de rééchelonner le rem- services non financiers, de formation pratique boursement des prêts en cas de défaillance invo- notamment, peuvent permettre aux pauvres de lontaire (pour la totalité des charges financières). rentabiliser davantage leurs investissements, de Souvent, les prêts servent à constituer un fonds même que la possibilité de placer leur épargne à de roulement. Ils peuvent aussi servir à couvrir des taux d'intérêt positifs peut lisser leur consom- les dépenses personnelles des ménages démunis mation. À la Banque Grameen, au Bangladesh, ou des ménages dont le revenu est très variable. seuls ceux qui ont un compte d'épargne peuvent Des crédits à court terme renouvelables ou des obtenir des crédits épargne. 74 Les finances rurales Encadré 6.3 Caisses de crédit villageoises en Albanie Historique. Le démantèlement, en 1992, des coopéra- de remboursement approchait 100 %. Les prêts étaient tives agricoles a engendré la création de 380 000 ex- destinés à l'élevage (65 %), à l'agriculture (25 %), au ploitations d'une superficie moyenne de 1,4 hectare. commerce et aux services (6 %) et à l'artisanat (4 /o). L'économie albanaise a régressé au point de devenir Le taux d'intérêt, initialement rattaché au dollars en une économie de subsistance. Le secteur bancaire, raison de l'inflation (200 % en 1992), est passé de 6 % désorganisé, n'était pas en mesure de fournir des cré- à 10 % en monnaie nationale. En 1995, le taux d'in- dits aux nouveaux petits exploitants, eux-mêmes peu flation était estimé à 8 %. enclins à prendre des risques. Un système de crédit a Projet relais. Le projet relais de développement été mis en place avec la participation des agriculteurs. rural, lancé en 1995, a pour objectifs de créer 720 cyC Il a été développé et testé de façon empirique. Les agri- en cinq ans, de combiner les services d'épargne et de culteurs ont refusé de recourir à la formule des grou- crédit après l'adoption d'une loi sur les coopératives pes de solidarité qui leur rappelait les anciennes coo- définissant la structure juridique des cVc, de trans- pératives où tout était décidé au sommet, mais ils former le département du crédit du FDA en institu- voulaient rétablir l'identité villageoise que le régime tion faîtière régie par la législation bancaire, et de faire communiste avait détruite. évoluer cette nouvelle institution financière rurale vers Lancement. Des caisses villageoises de crédit l'autonomie financière. (cvc), administrées par des comités élus, ont été Enseignements. Quatre grandes leçons peuvent créées dans le cadre d'un projet pilote de lutte con- être tirées de l'expérience albanaise, qui intéresse tout tre la pauvreté rurale financé par l'Association in- particulièrement les anciens pays socialistes. Premiè- ternationale de développement. Ce projet avait rement, il faut tenir compte de la force et de la persis- pour objectif de fournir des services d'intermédia- tance des traditions locales. En Albanie, elles ont sur- tion financière au niveau des villages. Le Fonds de vécu à un demi-siècle d'économie dirigée. développement albanais (FDA), fondation d'État Deuxièmement, la participation active des villageois autonome, est responsable de l'exécution du pro- et le dialogue régulier avec les comités de crédit villa- jet qui comporte, entre autres, des travaux ruraux. geois sont des ingrédients essentiels. Troisièmement, Le FDA a recruté et formé des spécialistes du crédit en décentralisant la prise des décisions et en encoura- qui participent aux décisions des comités et élar- geant l'esprit d'entreprise, le crédit devient un puis- gissent le réseau des cVc. sant moyen de promouvoir l'économie de marché et Conformément aux règles de base, la défaillance la démocratie. Quatrièmement, il est plus difficile d'as- d'un emprunteur peut entraîner la suspension de la surer la viabilité financière lorsque l'exécution du pro- ligne de crédit accordée au village tout entier. Une jet est confiée à un organisme polyvalent qui n'est pas partie seulement des villageois peut emprunter à un soumis à une stricte discipline budgétaire. Au début moment donné : ceux qui espèrent obtenir des cré- du projet pilote, on ne savait pas si les cVc pourraient dits par la suite exercent donc une forte pression so- devenir des institutions financières saines. Maintenant ciale sur ceux qui ont emprunté pour qu'ils rembour- qu'on sait que cela est possible, il est urgent d'assurer sent dans les délais. l'autonomie du programme de crédit et d'imposer une Résultats. En décembre 1995, 93 cVc avaient été étroite discipline budgétaire. créées et plus de 4 300 prêts avaient été décaissés ; le montant moyen des prêts était de 350 dollars et le taux Source: Nowak, 1996. Culture. Les facteurs culturels jouent un rôle modes de prestation susceptibles de donner de important dans le succès ou l'échec de telle ou telle bons résultats dans une collectivité particulière. méthode. Par exemple, les groupements à respon- sabilité conjointe peuvent mieux fonctionner Environnement physique et socio-économique dans certaines cultures que dans d'autres (voir l'encadré 8.9). Les pratiques courantes dans le La forme d'intervention directe la plus appropriée secteur informel, comme l'usage des tontines, peut dépendre de l'environnement physique et peuvent donner une idée des produits et des socio-économiquedela clientèle cible.Les facteurs Interventions directes 75 à prendre en considération sont notamment le de l'épargne en offrant aux clients des instru- niveau d'instruction (de la population et du per- ments d'épargne liquides et rémunérateurs, qui sonnel éventuel), la densité de la population, la les aident à lisser leur consommation. La créa- qualité des infrastructures rurales, les tendances tion de mécanismes tels que l'Agence de de la croissance dans le secteur agricole et les con- réinstallation et de développement de Mysore ditions climatiques. (MYRADA), qui gère des mécanismes d'épargne et de crédit collectifs dans les zones semi-arides Personnel instruit et peu coûteux. Si elles peu- du Karnataka, en Inde, est un bon exemple d'in- vent recruter du personnel instruit et peu coûteux, tervention financière fondée sur l'épargne (voir connaissant bien la collectivité, les IFR sont à même l'encadré 8.6). Dans les régions qui connaissent de fonctionner plus efficacement et, éventuelle- des variations climatiques importantes, le ris- ment, de réduire leurs coûts de transaction. La plu- que supporté par les clients peut également être part des institutions performantes, comme la BRI, réduit par la mise en place de mécanismes d'as- la Banque Grameen ou la Banque de l'agriculture surance récoltes ou d'assurance sécheresse bien et des coopératives agricoles (BAAC) en Thaïlande, conçus. investissent massivement dans la formation per- Le système économique et la nature des in- manente. La Banque Grameen embauche et forme termédiaires financiers existants sont extrême- des individus qui ont une connaissance exception- ment importants. La forme et la séquence des nelle des conditions locales. En soutenant la for- interventions sont, bien entendu, très différen- mation initiale des employés ou les premiers in- tes dans les collectivités rurales africaines peu novateurs dans le domaine du financement rural, peuplées et mal desservies et dans les anciennes l'État peut faciliter le développement des capaci- économies planifiées, où l'État assumait la ma- tés institutionnelles. jeure partie des risques liés aux activités agri- coles et où il existait un solide réseau d'institu- Densité de la population. Les interventions tions financières d'État où l'offre était le facteur dans le domaine du crédit ont davantage de chan- principal. ces de réussir dans les régions assez densément peuplées. car les frais administratifs moyens y sont Marché des capitaux informel moins élevés (voir le chapitre 9 qui examine les succès du Bangladesh, de l'Indonésie et de la Bien souvent, la population rurale s'adresse sur- Thaïlande). tout aux services d'épargne et de crédit du sec- teur informel (commerçants, propriétaires de Tendances et infrastructures agricoles. Le cré- logements, prêteurs, gardiens de fonds, coopé- dit est aussi plus efficace dans les régions où l'agri- ratives de crédit ou tontines). L'assurance mu- culture est rentable (cultures irriguées ou double tuelle informelle est aussi très développée dans récolte), où les infrastructures sont développées certaines communautés rurales (Plateau et et où les marchés sont actifs, car ces facteurs con- Abraham, 1987). tribuent à accroître et souvent à stabiliser la ren- Ces mécanismes informels fournissent de tabilité des investissements. nombreux services financiers nécessaires, mais ils sont souvent sous-développés. Par exemple, Conditions climatiques. Dans les régions semi- l'épargne ne rapporte généralement pas d'inté- arides pauvres, où les conditions climatiques rêts : il arrive même que les déposants payent sont très instables et où les infrastructures sont pour mettre leurs économies en lieu sûr. De peu développées, un programme de crédit n'est même, les marchés sont souvent segmentés et probablement pas recommandé, car il risque de isolés, ce qui peut procurer des rentes de mo- faire supporter des risques financiers substan- nopole aux usuriers. Sur le marché informel, il tiels aux emprunteurs si ceux-ci se trouvent dans est difficile de diversifier le risque de covariance l'impossibilité de générer des flux de trésorerie et de faire face aux problèmes de la saisonnalité assez réguliers pour assurer le service de leur et des catastrophes naturelles. dette. On peut toutefois envisager des interven- Les gouvernements peuvent faciliter le fonc- tions financières qui favorisent la mobilisation tionnement de ces marchés (voir l'encadré 6.4). 76 Les finances rurales L'étude du marché informel peut fournir des ren- seignements importants sur les besoins des clients Encadré 6.4 Des systèmes financiers qui et les normes de fonctionnement admises, et peut donnent satisfaction à la majorité aider à identifier les modes opératoires novateurs appliqués pour surmonter les problèmes inhérents En avril 1995, la Banque mondiale des femmes a aux marchés financiers ruraux (voir le chapitre 8). organisé un forum mondial sur les systèmes finan- Encourager les institutions financières privées ou ciers qui donnent satisfaction à la majorité. Cin- publiques à offrir des services d'épargne collec- quante cadres supérieurs provenant de ministères tive, à des taux d'intérêt positifs, aux membres des fi nances et doganiues centrales, d'institutns tontines ou des fonds d'épargne et d'assurance ternationaux ont défini ensemble une série de prin- funéraires est une autre façon de compléter le cipes fondamentaux et de méthodes pour promou- marché informel. voir les institutions qui fournissent des services financiers aux pauvres. Ces méthodes consistent Types d'institutions notamment à: • Encourager diverses institutions ayant des Les politiques financières s'appliquent généra- structures juridiques différentes, à fournir lement aux banques urbaines, aux maisons de aux pauvres des services financiers appro- courtage et aux autres institutions financières priés; dont les clients sont principalement les gran- . Maintenir des seuils d'entrée peu élevés et des entreprises et les déposants urbains8. En établir des règles de surveillance et d'infor- desietreri e'État s'intéresse principalement mation simples pour les intermédiaires Fi- milieu rural, tnanciers qui fournissent des services aux aux institutions de crédit agricole et aux coo- pauvres ; pératives d'État. Aucun de ces types d'institu- • Permettre aux institutions de microcrédit de tions ne répond aux besoins financiers de la fonctionner comme des institutions finan- grande majorité des ruraux. cières à part entière, éventuellement selon des mécanismes de surveillance et de régle- ONG et institutions privées des secteurs for- mentation distincts; mel et informel. Le soutien de l'État aux inter- • Encourager les institutions de crédit qui res- médiaires financiers ruraux n'implique pas né- pectent les règles prudentielles, à mobiliser cessairement qu'il doit assurer la distribution du l'épargne et d'autres ressources intérieures; • Permettre aux intermédiaires financiers qui crédit. Les ONG et les coopératives de crédit sous prêtent aux pauvres de miser sur la concur- patronage local sont souvent mieux à même de rence, plutôt que sur les décrets officiels, soutenir le développement de la collectivité que pour maintenir leurs taux prêteurs à un ni- les administrations centrales ou locales. Les re- veau peu élevé. lations que les ONG établissent avec la collecti- vité réduisent les problèmes d'information et Source: Banque mondiale des femmes, 1995. découragent les irrégularités. L'administration 1 peut favoriser la fourniture de crédit par l'in- termédiaire de ces institutions en leur accordant institutions spécialisées de crédit agricole. Il faut des subventions de démarrage ou en contri- étudier plus avant les meilleures méthodes pour buant à la formation et à la diffusion de l'infor- encourager les banques commerciales à fournir mation (voir l'encadré 6.5). efficacement des services financiers en milieu L'État peut encourager les banques commer- rural. ciales à étendre leurs services aux collectivités ru- rales car elles ont souvent des compétences finan- Intermédiaires financiers ruraux d'État. UÉtat cières plus solides et elles peuvent toucher peut choisir de revitaliser les institutions spéciali- beaucoup plus de clients que la plupart des ONG. sées de crédit agricole, de les transformer en 1FR La participation des banques commerciales urbai- ou de les privatiser. Il peut aussi être amené à créer nes aiderait à démarginaliser les finances rurales. de nouvelles 1FR. Toutefois, il ne doit pas accorder On a méconnu leur rôle potentiel dans ce domaine, aux 1FR d'État des avantages dont ne bénéficie- souvent parce qu'on a donné la préférence aux raient pas les autres institutions (nouvelles venues) Interventions directes 77 Encadré 6.5 La Banque mondiale et les organisations non gouvernementales L'accent qu'elle place sur l'investissement dans le dé- techniques insuffisantes, qui gagneraient à être déve- veloppement humain a conduit la Banque mondiale loppées. On peut craindre par ailleurs qu'en élargis- à mieux comprendre le rôle important que jouent les sant la portée de leurs opérations, les ONG perdent organisations non gouvernementales (ONG) locales leur caractère innovant et leurs liens étroits avec les et internationales dans la lutte contre la pauvreté, la populations locales. La difficulté pour les organisa- croissance écologiquement viable et la fourniture de tions comme la Banque mondiale et ses partenaires services selon des méthodes efficaces et équitables. de la société civile consiste donc à élaborer une stra- L'action des ONG a donné une vigoureuse impulsion tégie leur permettant de choisir, parmi les nombreu- à la participation des bénéficiaires, ce qui a permis ses ONG qui opèrent dans des secteurs et des pays don- d'adapter véritablement les objectifs des projets à leurs nés, celles qui sont le plus aptes à collaborer. besoins. Les ONG opèrent dans les collectivités pau- La Banque mondiale est résolue à nouer des rela- vres et les régions isolées, où les ressources essentiel- tions de travail étroites et constructives avec les ONG. les et l'infrastructure de base sont insuffisantes. Leurs Il existe des possibilités de collaboration sur le plan frais de fonctionnement sont peu élevés car elles ti- opérationnel (identification, conception, exécution rent parti des ressources existantes et transfèrent des et évaluation des projets), sur le plan analytique (par- technologies développées ailleurs. ticipation aux travaux de recherche et aux études Toutefois, il est difficile pour certaines ONG de économiques et sectorielles de la Banque) et sur le colaborer aux opérations financées par la Banque, car plan des orientations générales (examen et formula- beaucou? des activités qu'elles appuient sont trop li- tion des politiques de la Banque dans le domaine du mitées et trop localisées pour avoir un impact régio- développement). nal ou national important. En outre, bon nombre d'en- tre elles ont des capacités de gestion et des capacités Source: Banque mondiale, 1996a. qui souhaitent occuper le même créneau ; non seu- à des interventions axées sur le marché, qui visent lement la concurrence avec les IFR d'État est sou- à compléter les services fournis par le marché in- haitable, mais elle doit être encouragée. formel et non à s'y substituer. Les IFR d'État doi- Le traitement particulier souvent réservé aux vent être gérées suivant les mêmes principes com- IFR d'État, gérées comme des organismes distri- merciaux que les institutions financières privées buteurs de fonds et non comme des institutions ou commerciales (voir le chapitre 8). Leur direc- financières autonomes, se solde généralement par tion doit être à la fois autonome dans ses déci- des résultats financiers très médiocres. La ferme- sions opérationnelles et responsable des résultats. ture de ces institutions peut avoir un coût politi- Les subventions accordées aux institutions privées que et budgétaire considérable (nombreux licen- devraient servir exclusivement à fournir un capi- ciements et accumulation des engagements non tal d'amorçage, à réduire les coûts de transaction provisionnés au titre des pensions). En outre, ces initiaux et à faciliter la formation du personnel institutions représentent souvent un coût irréver- pour promouvoir le développement des capacités sible élevé car elles ont un vaste réseau de succur- institutionnelles et aider à réaliser des économies sales dans des régions mal desservies qui pourrait d'échelle. Une fois rentables, les IFR peuvent être être utilisé plus efficacement. Il vaut peut-être partiellement ou intégralement privatisées. mieux réorganiser les IFR en difficulté, plutôt que Assainir une institution de crédit agricole spé- de les liquider, en modifiant les incitations et les cialisée et la transformer en une IFR diversifiée sources de financement pour qu'elles obéissent peuvent nécessiter un investissement important davantage à des impératifs commerciaux, et en dans le développement institutionnel (voir l'en- imposant des règles strictes pour qu'elles attei- cadré 6.6), y compris le recyclage du personnel et gnent leurs objectifs financiers et éliminent pro- la modernisation des systèmes d'information de gressivement les crédits ciblés. gestion. Les autres réformes généralement néces- Si l'on crée une IFR ou si l'on réorganise une saires comprennent le développement de l'épar- institution en difficulté, il est essentiel de recourir gne volontaire, la suppression des subventions de 78 Les finances rurales Encadré 6.6 Redressement des coopératives de crédit au Guatemala Jusqu'en 1988, les coopératives de crédit du Guate- des actifs, de la rentabilité et des services, et une forte mala avaient une forte vocation sociale ; leur princi- augmentation du nombre de clients utilisant les ser- pal objectif était de fournir des crédits ruraux à bas vices d'épargne (rémunérée) et de crédit. prix. Elles étaient financées par des prêts extérieurs Plusieurs facteurs ont contribué à ce revirement: bonifiés et par les dépôts obligatoires non rémunérés • Le mode d'exploitation a été modifié par de leurs membres. Comme les taux d'intérêt sur les l'adoption d'un plan d'activité incorporant le prêts étaient inférieurs à ceux du marché, les mem- développement institutionnel, la stabilisation bres étaient en fait pénalisés lorsqu'ils épargnaient et financière, la mobilisation de l'épargne et l'ad- récompensés lorsqu'ils empruntaient. Les coopérati- ministration du crédit. Des objectifs financiers ves de crédit étaient confrontées à d'énormes diffi- stricts ont été fixés et un système d'informa- cultés opérationnelles (leurs systèmes d'information tion de gestion efficace a été mis en place. Les de gestion étaient sous-développés, le volume des ac- taux d'intérêt sur les dépôts et sur les prêts ont tifs improductifs était important, le taux d'impayés été relevés. était de l'ordre de 20 % et les provisions pour créan- • On a transformé les mentalités pour modifier ces douteuses étaient sous-évaluées de plus de 50 %). les opérations et la gestion. Pour assurer la via- Les réserves de liquidités étaient si faibles (environ bilité à long terme, les changements devaient 3 %) qu'elles ne permettaient pas toujours d'honorer être ancrés dans les pratiques et la culture or- les retraits d'espèces des membres. ganisationnelles. À cette fin, le Conseil mon- Le Conseil mondial des coopératives d'épar- dial a mis l'accent sur le développement insti- gne et de crédit, financé par l'Agence des États-Unis tutionnel. Pour prouver leur détermination, pour le développement international, a mis en toutes les parties ont signé un accord de parti- oeuvre entre 1987 et 1994 un programme de déve- cipation et, pendant le processus de stabilisa- loppement institutionnel des coopératives de cré- tion, les coopératives de crédit ont dû fournir dit. Dans le cadre de son projet de renforcement des ressources humaines et financières. des coopératives, le Conseil a collaboré avec la Fé- Le concours des coopératives de crédit a été ob- dération nationale des coopératives de crédit du tenu grâce à des incitations positives. Dans le Guatemala et 20 de ses 39 membres affiliés, dont cadre du projet, une aide financière leur a été 19 opéraient en milieu rural. accordée à l'appui de la stabilisation sous for- En 1994, la situation avait radicalement changé: me de prêts à un an sans intérêts. Le principal les dépôts représentaient 55 % des actifs, contre 24 % a servi à effectuer des placements à rentabilité en 1988 ; le taux d'impayés ne représentait plus que élevée au Guatemala et les intérêts ont été uti- 8 % du portefeuille de prêts; les provisions pour créan- lisés pour compenser les actifs non performants ces irrécouvrables et les réserves de liquidités étaient des coopératives. suffisantes et les actifs improductifs avaient diminué de moitié. Il s'en est suivi une expansion remarquable Source: Branch et Richardson, 1995. fonctionnement, le lancement de campagnes qui aident à réduire le coût des transactions par agressives de recouvrement des prêts et le déve- une approche expérimentale. Par exemple, la Ban- loppement des incitations offertes au personnel. que mondiale participe actuellement à deux pro- jets pilotes de financement rural intéressants, l'un Instruments à utiliser dans les interventions à Madagascar, l'autre en Croatie (voir les enca- financières ciblées en milieu rural drés 6.7 et 6.8). Il convient de recourir au ciblage et aux sub- Les gouvernements et les bailleurs de fonds peu- ventions explicites pour éliminer les obstacles à vent aider à diffuser les pratiques optimales en l'intermédiation financière et pour accélérer le soutenant la formation et en finançant la visite développement institutionnel. Il faut cependant d'institutions financières rurales performantes veiller à éviter les distorsions inhérentes à ces mé- dans d'autres régions du monde. Ils peuvent fi- thodes. Des recommandations pour la conception nancer les coûts de formation initiaux ou soutenir et l'application de programmes de crédits ciblés les projets pilotes qui encouragent l'innovation et sont formulées ci-après. Interventions directes 79 Veiller à ce que les crédits ciblés restent l'excep- Évaluer les résultats. Les résultats des program- tion. Lorsque des objectifs en matière de crédit mes de crédit ciblé doivent être comparés réguliè- dirigé sont assignés aux intermédiaires financiers rement aux objectifs déclarés et à d'autres inter- (c'est-à-dire lorsque ceux-ci octroient à certaines ventions possibles. Pour faciliter l'évaluation, il activités ou à certains clients plus de crédits qu'ils faut que les subventions soient transparentes et ne le feraient s'ils n'y étaient pas obligés), le groupe qu'elles figurent dans les états financiers des insti- cible bénéficie inévitablement d'une subvention tutions. économique puisqu'il paie moins que le coût d'op- portunité des fonds. Donner la priorité à l'accès. Si l'objectif est d'élargir la fourniture de services financiers aux Réduire progressivement le rôle de l'État. Les in- clients qui en sont privés, il faut s'attaquer au pro- terventio ns doivent tendre à réduire progressive- blème de l'accès aux services. Comme des con- ment le rÔle de l'État, tout en encourageant la four- traintes budgétaires entrent presque toujours en niture de services financiers par le secteur privé et jeu, il faut éviter de fixer des taux d'intérêt trop la concurrence. Lorsqu'une aide financière est ac- bas, car cela compromet invariablement l'accès aux cordée à des institutions financières rurales pri- services. vées ou publiques, il faut fixer des objectifs clairs en matière de diffusion et d'autonomie, et établir Veiller aux effets incitatifs indésirables du une clause limitative prévoyant la suppression to- ciblage. Le risque de distorsion des incitations en- tale de l'aide lorsque cela est clairement justifié. tre la clientèle ciblée et non ciblée augmente avec Encadré 6.7 Opération pilote de promotion des associations d'épargne et de crédit à Madagascar En 1993, la Banque mondiale a approuvé l'octroi par plus en plus largement acceptée, même dans les ré- l'Association internationale de développement d'un gions rurales les plus pauvres. Le projet pilote suscite crédit de 2,7 millions de DTS à Madagascar pour fi- un vif intérêt parmi les agriculteurs et les éleveurs qui nancer une opération pilote visant à aider les collec- ont demandé qu'on les aide à créer des associations tivités rurales à créer des associations d'épargne et de d'épargne et de crédit dans leurs villages. De nouveaux crédit qui puissent, à terme, se regrouper en coopéra- mécanismes seront mis en place dans les régions de tives et se rattacher au secteur bancaire structuré. De production laitière dans le cadre du programme pour nouveau 5 mécanismes ont été établis sous la conduite le secteur de l'élevage financé par l'IDA, et d'autres de deux organisations internationales expérimentées, devraient suivre. le Conseil mondial des coopératives d'épargne et de Le processus est coordonné par l'Association crédit et Développement international Desjardins, et pour le développement du mouvement des mu- les mécanismes existants ont été développés avec le tuelles d'épargne et de crédit (ADMMEC), petite soutien de deux organisations non gouvernementa- organisation faîtière privée qui gère aussi le cré- les étrangères, International Development and dit de 'IDA. Actuellement, l'ADMMEC évalue les Research Company et Foundation for Land résultats, elle organise des ateliers chargés de recom- Developnent. mander des mesures pour améliorer la réglementa- Une quarantaine d'associations d'épargne et de tion des associations d'épargne et de crédit, et elle crédit ont ainsi été créées en moins de deux ans, ce dirige un processus de concertation qui devrait abou- qui était plus qu'on ne l'avait prévu à l'évaluation. tir à l'élaboration d'une stratégie nationale de finan- Chacune compte entre 30 et 50 membres, dont les éco- ces rurales et d'un plan d'action quinquennal. Les nomies représentent en moyenne 20 à 30 dollars par résultats de ces travaux seront examinés avec le personne. Les comités des associations gèrent les prêts gouvernement et les bailleurs de fonds lors de et fixent les taux d'intérêt, qui sont toujours positifs l'examen du projet à mi-parcours, ce qui ouvrira en valeur réelle. Les taux de recouvrement sont élevés la voie à l'élaboration d'un projet relais à grande et le projet se déroule de manière très satisfaisante. échelle. Bien que l'idée de subordonner l'octroi de cré- dits à l'épargne soit nouvelle dans le pays, elle est de Source: Contribution de Michel Siméon, 1996. 80 Les finances rurales Encadré 6.8 Projet pilote de finances rurales pour la Croatie Objectifs. Le projet envisagé a pour but de déterminer 3. Aide aux emprunteurs. Des services de conseil les causes de la pénurie de crédit rural en Croatie, de aux entreprises rurales seront mis en place à l'in- renforcer ceux des intermédiaires financiers ruraux tention des agriculteurs et des petits entrepreneurs, qui sont viables et de fournir des crédits à long terme pour les aider à évaluer les projets d'investissement, à adaptés aux investissements ruraux. S'il est approuvé, établir des plans d'activité et à présenter des deman- le projet a) apportera un soutien aux banques com- des de prêts aux banques et aux associations d'épar- merciales participantes qui s'engagent à servir les gne et de crédit. Un service spécialisé dans les asso- emprunteurs ruraux, b) aidera à faire des associations ciations d'agriculteurs donnera des conseils aux d'épargne et de crédit des institutions financières ru- exploitants et aux autres entrepreneurs ruraux sur la rales, c) facilitera l'accès des entrepreneurs ruraux aux façon d'adhérer aux associations et de demander des crédits bancaires et d) élaborera des solutions aux prêts collectifs aux banques commerciales. problèmes liés au nantissement et à l'épargne auxquels 4. Études et évaluations. Des études sur le nantis- se heurte l'intermédiation financière rurale. sement rural seront effectuées. Elles porteront sur Composantes du projet. Le projet se composera des les biens immeubles ruraux, les biens meubles et quatre éléments suivants : la garantie du crédit mutuel. Il est également prévu 1. Banques commerciales. Trois banques com- de réaliser une étude sur un mécanisme de garan- merciales croates recevront des crédits à long terme tie des dépôts des associations d'épargne et de cré- (12 millions de dollars) qu'elles rétrocéderont aux dit et d'effectuer une évaluation en bonne et due taux du marché sous la forme de petits prêts au forme du projet pilote. secteur privé rural. Par ailleurs, elles trouveront, Exécution du projet. Un bureau de coordination en suivant une démarche empirique, des moyens du projet relevant du ministère de l'Agriculture et des de surmonter les problèmes d'information initiaux Forêts sera responsable de l'ensemble des composan- et de réduire les coûts unitaires sur ce segment du tes (à l'exception de celles qui seront administrées par marché. De plus, un programme de formation por- les trois banques). Un bureau établi à la Banque cen- tant sur les petits prêts ruraux sera organisé à l'inten- trale sera chargé de la supervision des associations tion des spécialistes du crédit des banques participan- d'épargne et de crédit. Pour être admises à participer, tes. L'objectif sera de remplacer les mécanismes de les banques commerciales et les associations devront sélection et d'exécution utilisés par les prêteurs infor- satisfaire à certains critères, comme la bonne gestion, mels et de tirer profit de l'expérience des banques la solidité financière et la qualité du portefeuille. Seuls d'autres pays. Les fonds destinés aux banques com- les clients privés solvables pourront bénéficier de prêts merciales participantes seront attribués par voie secondaires, dont l'évaluation prendra en compte la d'adjudication et iront en priorité à celle qui pro- viabilité commerciale des sous-projets, le nantisse- pose de les rétrocéder au taux le plus bas (lié à un ment disponible et l'impact sur l'environnement. indice des taux longs en Croatie). Résultats escomptés. Le projet montrera que les 2. Associations d'épargne etde crédit. Plusieurs as- banques commerciales et les associations d'épargne sociations d'épargne et de crédit (cinq à sept) rece- et de crédit sont capables de mobiliser l'épargne ru- vront des crédits à long terme (2 millions de dollars) rale et de fournir des crédits ruraux recouvrables. pour les rétrocéder aux petits emprunteurs ruraux aux Après l'achèvement du projet, les banques commer- taux du marché. Ces associations et leur nouvelle auto- ciales et les associations sont censées pratiquer J'in- rité de tutelle, qui relève de la Banque nationale de termédiation financière rurale suivant des principes Croatie, bénéficieront d'une assistance technique et commerciaux, à leurs propres risques. d'une formation. Les fonds seront accordés au taux interbancaire. Source: Contribution de Vinod Goel, 1996. le montant de la subvention unitaire accordée par subventions (Besley et Kanbur, 1990). Pour ré- le biais du programme ciblé. Les institutions fi- soudre ce problème, il faut parfois engager des nancières ainsi que leurs clients ont intérêt à pré- dépenses administratives substantielles et appli- senter la situation de ces derniers de manière fal- quer des procédures invasives. C'est pourquoi il lacieuse si cela leur permet d'obtenir des faut absolument éviter les bonifications d'intérêts Interventions directes 81 et trouver plutôt des moyens d'encourager les Évaluer le degré de ciblage approprié au cas par clients ciblés à participer spontanément aux pro- cas. Il est difficile de déterminer l'étendue du grammes, par exemple en accordant de petits prêts. ciblage des fonds publics qui convient le mieux. Les approches traditionnelles sont souvent ciblées trop Uniformiser les règles du jeu. On peut unifor- étroitement sur des sous-secteurs agricoles parti- miser les règles du jeu au niveau sectoriel en assu- culiers, exposant ainsi les institutions de crédit spé- rant aux institutions qualifiées qui offrent des ser- cialisées à des risques de covariance excessifs. De vices ciblés, un accès concurrentiel aux lignes de même, les bailleurs de fonds qui concentrent leur crédit (Guasch et Glaessner, 1992), en imposant aide sur une seule institution privent les autres in- une stricte discipline budgétaire aux institutions termédiaires financiers de possibilités de dévelop- financières rurales d'État et en n'accordant aucun pement institutionnel. Pour déterminer le degré de privilège particulier (comme la couverture des ciblage approprié, il faut mettre en balance, au cas pertes sur prêts). par cas, les facteurs de coût et d'incitation21. Veiller à ce que les services profitent à la clien- Produits et services tèle cible, et non aux propriétaires des IFR. Si l'ob- jectif est de fournir des services d'épargne et de Dans le passé, l'octroi de crédits était pour ainsi crédit à une clientèle cible, toute IFR réputée, ju- dire l'unique service financier offert aux collecti- gée capable de le faire, peut bénéficier d'une aide vités rurales, en particulier aux collectivités défa- sous la forme d'interventions directes axées sur vorisées. L'épargne, l'assurance et les autres pro- le développement institutionnel. Aucune institu- duits et services financiers étaient largement tion particulière ne doit être favorisée. Une ap- ignorés. Si l'accent était mis sur le crédit, c'était proche impartiale est nécessaire pour stimuler la en partie parce que l'on considérait que les pau- concurrence. vres étaient incapables d'épargner. Cette idée a Encadré 6.9 La garantie des risques non commerciaux, une idée neuve en Russie Les mécanismes de garantie qui couvrent les risques pour les produits agricoles dans l'ancienne Union non commerciaux sont généralement conçus pour soviétique. Le mécanisme de garantie des facteurs de réduire le risque politique et attirer les investisse- production a été proposé car la pénurie aiguë de cré- ments étrangers privés. Ils peuvent encourager les dits à court terme pour la constitution de fonds de entreprises étrangères à développer leurs relations roulement et de crédits d'équipement à moyen terme commerciales avec les entreprises rurales agrico- fait obstacle à la réalisation de ces objectifs. Les pro- les et non agricoles. grammes de crédit d'État ont été considérablement Tel est précisément l'objectif du mécanisme de amputés, mais les banques privées et les fournisseurs garantie des facteurs de production envisagé par la de facteurs de production n'ont pas encore comblé ce Banque mondiale pour la Fédération de Russie. Ce vide par des opérations à crédit ou à paiement différé. mécanisme est destiné à placer les facteurs de pro- Le mécanisme encouragera les clients à utiliser duction entre les mains des agriculteurs, des produc- davantage d'intrants et à rembourser dans les délais teurs, des transformateurs et des fabricants russes lors- les crédits fournisseurs pour pouvoir continuer à s'en qu'ils ne disposent pas de liquidités, de crédits ou de procurer. Il encouragera aussi les multinationales à garanties pour les acheter. Il servira à encourager les établir des relations commerciales avec les entrepri- fournisseurs internationaux et nationaux à accorder ses rurales et il incitera les pouvoirs publics à ne pas des facilités de paiement pour l'achat de facteurs, déclencher le paiement des garanties en évitant les moyennant une garantie de l'État contre certains obs- actes proscrits aux termes des contrats. Il fera l'objet tacles rencontrés dans les opérations à paiement dif- d'une promotion active auprès des fournisseurs féré et contre les actes militaires, la guerre et les trou- d'intrants multinationaux et une campagne d'infor- bles civils. mation précédera son lancement en Russie. Il est urgent de relancer la production, d'amélio- rer la qualité et de trouver de nouveaux débouchés Source: Contribution de Lynn Engstrand, 1996. 82 Les finances rurales été démentie par la suite par de nombreuses ins- réduisant ainsi les taux de défaillance. Les avanta- titutions, comme la Banque Grameen , la BRI , ges des prêts groupés et d'autres modes opératoi- la BAAC et le projet MYRADA en Inde (voir les res sont examinés au chapitre 8. chapitres 8 et 9). Bien souvent, le besoin de facilités d'épargne Mécanismes de garantie des crédits sûres, liquides et rémunérées l'emporte sur le be- soin de crédits, car l'épargne permet de régulari- La garantie des crédits est la forme la plus impor- ser la consommation et évite de supporter le far- tante de garantie des opérations effectuées sur les deau du remboursement de dettes en période de marchés financiers ruraux. Elle couvre les risques baisse des revenus. De même, l'existence de méca- commerciaux liés aux prêts consentis à des clients nismes d'assurance informels montre que les ru- qui n'offrent pas de garanties exigibles suffisantes. raux pauvres désirent bénéficier d'un large éven- Les autres formes de garantie couvrent les risques tail de services financiers. non commerciaux, comme ceux qui sont liés à la Le chapitre 8 présente quelques directives con- guerre, aux troubles civils ou à la rupture des con- cernant la fourniture institutionnelle de produits trats par le gouvernement du pays hôte (voir les financiers classiques, tels que les produits d'épar- encadrés 6.9 et 6.10). gne. Deux produits particuliers font l'objet de vas- Les garanties sont très utilisées dans le secteur tes débats : les mécanismes de garantie du crédit privé. Il est courant, par exemple, que les banques et l'assurance des récoltes. Ils seront examinés plus exigent que les contrats de prêt soient cosignés, et loin dans ce chapitre. les prêts à des coopératives ou les autres formes de prêts groupés nécessitent souvent des garan- Modes defbnctionnement ties mutuelles (voir le chapitre 8). Il arrive aussi que les gouvernements soutiennent des mécanis- Le mode de fonctionnement le mieux adapté à la mes de garantie publics pour encourager les ban- clientèle cible doit être examiné au moment du ques commerciales et les autres intermédiaires fi- choix des produits et services fournis, des instru- nanciers à prêter aux agriculteurs qui ont des ments utilisés et des modalités de prestation. Par projets viables, mais qui n'offrent pas les garan- exemple, il peut être économique pour les ONG ties voulues ou dont le crédit n'est pas assez bien ou les institutions financières rurales d'État qui fournissent des services de crédit ou d'épargne dans des régions reculées, d'avoir des antennes mobiles, plutôt que des succursales complètes. Au Encadré 6.10 Moldova: mécanisme de Maroc, la Banque agricole nationale a doublé son garantie avant l'exportation réseau en ouvrant des guichets saisonniers dans les bureaux locaux du ministère de l'Agriculture. Jusqu'à présent, la Banque mondiale n'a accordé des Plusieurs intermédiaires financiers ruraux em- prêts pour le financement de garanties et d'autres ploient des agents qui se rendent régulièrement formes d'assurance que dans le cas de quelques pro- dans les villages à motocyclette ou à pied pour jets. Le projet de mécanisme de garantie avant l'ex- fournir des services financiers, portation, approuvé en 1995 pour le Moldova, pré- fourmrvde service t inanc er sivoit à la fois une garantie de l'État et une garantie Il convient également de déterminer si les mé- d'un tiers. Ce mécanisme sert à garantir les crédits- canismes de prêts groupés engageant la responsa- fournisseurs étrangers accordés aux exportateurs bilité collective sont préférables aux mécanismes contre des risques politiques spécifiques. Une ban- de prêt individuel. Si les clients sont mieux rensei- que extra territoriale (l'agent), qui agit en tant que gnés sur les placements des autres clients que les tierce partie au nom du Moldova, émet des lettres prêteurs eux-mêmes, et s'ils sont en mesure d'éta- de crédit stand-by à l'intention des créanciers étran- blir des relations de coopération, des contrats in- gers pour compléter les garanties de l'État. Elle peut terdépendants fondés sur des garanties mutuelles retirer des fonds du prêt de la Banque mondiale pour peuvent assurer aux emprunteurs de meilleures financer les paiements à effectuer au titre des leitres conditions de prêt, sans que les prêteurs n'y per- de crédit qu'elle émet. dent. En effet, une garantie conjointe peut inciter Source: Banque mondiale, 1996b. les emprunteurs à faire un effort supplémentaire, Interventions directes 83 établi (voir l'encadré 6.11). Les garanties ont un ne sont pas probants. Les théoriciens comme les effet de levier plus important que le réescompte praticiens sont nombreux à douter de leur effica- des prêts secondaires, offrant ainsi un plus grand cité. La plupart des programmes d'assurance des rayon d'action. Bien souvent, on espère que les récoltes, qui couvrent des risques assurables spé- prêteurs s'apercevront après coup que ce créneau cifiques, sont subventionnés, et les programmes ne présente pas, en fin de compte, un risque inac- de garantie tous risques, avec les graves problè- ceptable et qu'ils peuvent continuer à lui prêter mes d'antisélection et de risque moral qu'ils im- sans exiger de garanties. On suppose qu'en l'ab- pliquent, devraient probablement être subven- sence de garanties, l'offre de crédit ne serait pas tionnés eux aussi. Les sceptiques en concluent que optimale d'un point de vue social. les garanties ne sont qu'une forme déguisée de Le Mexique et l'Inde consacrent des ressour- crédit bonifié. Toutefois, nombreux sont les gou- ces considérables à des mécanismes de garantie vernements, les bailleurs de fonds et les banquiers du crédit financés par l'État. Au Mexique, le qui y voient un moyen d'encourager les prêts à fonds de garantie et d'assistance technique cou- une clientèle ciblée. Leurs partisans au sein de vre certains prêts accordés par les banques com- l'ONG ACCION International affirment que les mé- merciales au secteur agricole et subventionne le canismes de garantie sont l'une des principales coût des transactions afférentes à ceux qu'elles causes de l'essor des prêts aux microentreprises octroient aux producteurs à faible revenu. En en Amérique latine. Inde, la Société d'assurance des dépôts et de Les fonds de garantie mexicain et indien ont garantie des crédits garantit les prêts consentis subi des pertes substantielles et il est difficile d'en par les banques commerciales et coopératives à discerner les avantages en termes d'additionalité'. des emprunteurs ciblés, y compris les agricul- Le mauvais fonctionnement de la plupart des mé- teurs et les petites entreprises industrielles. canismes de garantie est dû à un certain nombre de facteurs, dont: le fait qu'il n'avait pas été prévu Résultats des mécanismes de garantie d'incitations aux prêteurs participants et aux clients ; l'incapacité à faire effectivement face aux Les résultats des mécanismes de garantie des cré- problèmes de risque moral et d'antisélection ; l'im- dits n'ont pas été étudiés en détail, mais, d'après possibilité de fixer le prix des garanties de manière les informations empiriques dont on dispose, ils à encourager la participation, tout en couvrant les Encadré 6.11 Principes élémentaires de garantie du crédit En général, un mécanisme de garantie du crédit met à des opérations de prêt rentables au bénéfice d'une en relation trois agents: le garant, le prêteur et l'em- clientèle jusque-là mal desservie (Stearns, 1993). La réa- prunteur. Tous trois cherchent à maximiser leurs fonc- lisation de ces objectifs soulève cinq grands problèmes tions objectives par le biais du contrat de garantie pour chacun des trois participants, à savoir : (Meyer et Nagarajan, 1996). Dans l'idéal, le mécanisme l'additionalité, le nantissement exigé, la viabilité, les frais répartit les risques entre les trois agents d'une manière et les commissions, et l'apprentissage. Si le mécanisme qui incite à prêter davantage à la clientèle cible (ration- de garantie est géré de façon prudente, le prêteur se née), pour un coût peu élevé et de façon durable. Un rend compte en définitive que ce créneau présente un contrat présente un caractère incitatif lorsqu'aucun risque moins important qu'il ne le pensait. Des mé- autre contrat n'assure aux parties une plus grande uti- thodes de sélection et de suivi bien conçues réduisent lité escomptée. Il répond aux objectifs de chacune et les coûts afférents au soutien du mécanisme. Dans le son application est automatique (Phlips, 1988). meilleur des cas, les coûts de transaction unitaires En général, les mécanismes de garantie du crédit deviennent si faibles qu'il est possible de supprimer ont deux grands objectifs: a) améliorer l'accès d'un sec- progressivement le mécanisme de garantie. teur particulier aux services financiers en réduisant les risques et les coûts de transaction, et b) encourager les Source : Meyer et Nagarajan, 1996 ; Phlips, 1988 ; et prêteurs, qui sont généralement des banques, à se livrer Stearns, 1993. 84 Les finances rurales indemnités et les frais administratifs ; l'ineffica- Assurance des récoltes cité de l'administration, qui sape la confiance ; et l'octroi de garanties à des prêteurs publics qui Les mécanismes d'assurance de la production dans n'obéissent pas à des principes commerciaux, obli- les régions rurales sont presque entièrement axés geant l'État à essuyer les pertes. sur l'agriculture et, dans ce secteur, sur les cultu- res plutôt que sur le bétail3. Ils donnent souvent Enseignements à tirer en vue d'une réforme des résultats décevants. Les leçons tirées de cette expérience sont examinées dans cette section, qui Pour déterminer s'il convient de recourir à un identifie des principes applicables à l'assurance des mécanisme de garantie d'État, il faut examiner les récoltes et, plus généralement, aux services d'as- autres emplois possibles des fonds publics. Lors- surance en milieu rural. que les garanties se justifient, il faut se conformer aux principes suivants: Risques assurables et non assurables Sélection des clients. Il faut déterminer jusqu'où Les producteurs ruraux sont exposés à de nom- il convient de repousser la frontière du risque et breux risques liés à la fourniture d'intrants, à la donc fixer le taux de perte butoir - c'est-à-dire, production, à la commercialisation, à la santé et à le rapport entre les indemnités versées en cas de la gestion des actifs. Les uns sont assurables, les non-remboursement et le montant des prêts ga- autres non. Les risques les plus assurables sont liés rantis (Levitsky et Prasad, 1989). La priorité doit à des événements qui présentent trois caractéris- être donnée aux clients qui ont des projets renta- tiques : leur probabilité peut être quantifiée, le bles, mais qui ne satisfont pas aux conditions de dommage qu'ils causent peut être aisément attri- nantissement imposées par les prêteurs, et non aux bué et évalué ; et l'assuré ne peut agir ni sur la clients ou aux projets à risque. La commission de probabilité de leur réalisation, ni sur le dommage garantie et le ratio de structure du passif du fonds subi (il n'y a pas de risque moral). Les dégâts cau- de garantie doivent être déterminés en grande par- sés par les typhons sont généralement considérés tie sur la base de l'évaluation des risques. comme des risques assurables ; mais d'autres dé- gâts causés aux récoltes peuvent ne pas l'être. Cer- Questions de méthode. Le personnel chargé tains des risques liés à la production et à la gestion d'examiner les demandes de garantie doit être des actifs et la plupart des risques de santé sont compétent et qualifié, ce qui établira la crédibilité assurables, mais la plupart des risques liés au mar- du fonds auprès des intermédiaires financiers. Ces ché et aux ressources ainsi que de nombreux ris- efforts ne doivent pas méconnaître la nécessité de ques liés à la production ne le sont pas. contenir les frais administratifs afin de maintenir les commissions de garantie à un niveau peu élevé Limites des stratégies privées de gestion (3 % ou moins). et de réduction des risques Questions d'incitations. Les demandes d'in- Les agriculteurs se prémunissent contre les ris- demnisation doivent être traitées rapidement, si ques en diversifiant leurs cultures, en pratiquant bien que les prêteurs seront davantage encoura- des cultures intercalaires, en plantant sur des par- gés à participer. On doit néanmoins se réserver le celles dispersées, en participant à des mécanis- droit de réexaminer et de sanctionner sévèrement mes de partage des récoltes et en cherchant les demandes frauduleuses. La responsabilité du d'autres sources de revenu. Lorsqu'ils subissent recouvrement doit être clairement délimitée et les des pertes, ils réagissent en vendant une partie modalités de répartition des fonds recouvrés en- de leurs actifs, en consommant une plus gi ande tre le mécanisme de garantie et l'intermédiaire fi- part de leur production, en empruntant ou en nancier doivent être bien définies. Les banques cherchant un emploi non agricole temporaire. doivent assumer une partie du risque sur le prin- Dans de nombreuses sociétés rurales, l'entraide cipal et la totalité du risque sur les intérêts exigi- et le soutien des proches constituent un impor- bles, afin qu'elles aient des motifs de poursuivre tant filet de sécurité pour les ménages (Posner, activement le recouvrement des prêts. 1981 ; Udry, 1990). Ces pratiques peuvent avoir Interventions directes 85 pour effet de réduire sensiblement les revenus volontairement, les assureurs privés, comme le moyens en obligeant à renoncer aux bénéfices de Consorcio Nacional de Seguros au Chili, donnent la spécialisation, et ne permettent pas de faire face la priorité aux grandes exploitations". aux chocs covariants qui touchent la plupart des membres de la communauté. Mécanismes d'assurance agricole publics Les institutions financières rurales du secteur structuré (prêteurs et assureurs) s'exposent à des La raison d'être des mécanismes d'assurance agri- pertes en raison des risques supportés par des cole publics est qu'ils stabilisent les revenus des clients particuliers et de la composition de leur agriculteurs en regroupant les risques au niveau clientèle (voir l'encadré 6.12). En général, elles li- régional ou national. Ils ont aussi pour but d'amé- mitent ces risques en les répartissant entre diffé- liorer les taux de recouvrement des institutions rents types de récoltes et d'exploitations, et entre financières rurales et de réduire les frais adminis- différentes régions et différents secteurs. Elles rec- tratifs des prêteurs pour encourager l'octroi de tifient les taux d'intérêt et les primes en fonction crédits à des clients qui, sans cela, seraient jugés du risque. Ces méthodes peuvent être efficaces trop risqués pour en obtenir". mais, comme elles gonflent les frais administra- Pour que les compagnies d'assurance aient une tifs, la plupart des banques se concentrent sur les situation financière viable à long terme (Z), il faut grandes exploitations commerciales, plutôt que sur que le produit des primes (P) couvre les indemni- les petites exploitations ou les clients à risque. tés (I) et les frais administratifs (A), ainsi que les Lorsqu'une assurance des récoltes est proposée provisions au titre des pertes catastrophiques (C) Encadré 6.12 Liquidité et diversification des risques sur les marchés financiers ruraux Les gouv ernements et les intermédiaires financiers du de liquidités. Pour leur permettre de se procurer des secteur formel emploient des méthodes très diverses fonds en période de crise, on peut encourager les ban- pour faire l'appoint aux marchés en milieu rural et ques non agricoles à leur offrir une « option » leur pour diversifier le risque de covariance agricole en- assurant des liquidités saisonnières sur le marché couru par les institutions financières rurales. En gé- financier. Le coût de cette option serait du même néral, les résultats obtenus sont médiocres ou peu ordre que celui d'une assurance et serait fonction probant; du point de vue du rapport coûts-avantages. de la probabilité du risque. Ses avantages, qui doi- Certains systèmes d'assurance des récoltes et de ga- vent encore être démontrés, seraient triples. Pre- rantie du crédit, en particulier, se sont soldés par des mièrement, l'option permettrait aux IFR indivi- échecs spectaculaires. duelles d'obtenir des fonds durant les mauvaises Quelles sont les autres options financières offer- années et à la morte saison ; deuxièmement, elle tes aux IFR pour assurer leur viabilité à long terme et augmenterait les flux de fonds prêtables ; et troi- minimiser l'effet du risque de covariance sur leur li- sièmement, elle améliorerait les économies quidité ? Une IFR est mieux à même de faire face à un d'échelle et de champ du secteur financier en di- manque de liquidité pendant une mauvaise campa- versifiant le risque de covariance dans l'ensemble de gie et d'amortir l'impact sur sa liquidité à long terme l'économie et en réduisant la prime de risque. si elle remplit les conditions suivantes : Pour pouvoir bénéficier de cette option, les IFR • E le maintient un ratio de fonds propres élevé; devraient remplir les trois critères susmentionnés, ce • Elle applique des taux prêteurs suffisants pour qui est exceptionnel en milieu rural. S'il apparaissait refléter la prime de risque de crédit associée à qu'une IFR était insolvable et qu'elle cherchait en fait la probabilité de mauvaises années (chocs de à se faire renflouer, le coût de l'option (à supposer liquidité) ; qu'elle lui soit proposée) serait prohibitif. Malheureu- • E lle recouvre efficacement les paiements au sement, peu d'institutions financières rurales remplis- titre du principal et des intérêts. sent actuellement les trois conditions requises ; elles Une crise agricole peut cependant empêcher les devront améliorer leur performance pour bénéficier IFR d'obtenir des fonds lorsqu'elles ont le plus besoin d'une option de ce genre. 86 Les finances rurales subies occasionnellement par les producteurs agri- Par exemple, les associations de producteurs de coles (Hazell, 1992 ; Robert et Dick, 1991). L'assu- bananes assurent leurs membres contre les ,om- reur doit donc satisfaire l'équation suivante: mages causés par le vent. L'État peut aider le sec- A+I+C teur privé à fournir des services d'assurance en Z= <1. éliminant les obstacles à l'entrée des sociétés na- tionales et étrangères, en veillant à la transparence Les systèmes publics d'assurance des récoltes de leurs opérations et en les obligeant à rendre des remplissent rarement cette condition, et le ratio Z comptes, et en facilitant la réassurance au niveau est généralement bien supérieur à 100 %, même local ou international. sans provisions pour pertes catastrophiques. Lorsqu'un programme d'assurance public se D'ailleurs, le seul quota de sinistres (c'est-à-dire justifie, il faut tenir compte des principes de fonc- le rapport des indemnités aux primes encaissées) tionnement et des problèmes d'incitation indiqués est souvent supérieur à 100 %. Au Bangladesh et en ci-dessous: Inde, par exemple, il atteignait souvent 519 % et 687 %, respectivement, sur une base cumulée, à la Principes de fonctionnement. Seuls les risques fin des années 80 (FAO, 1992). Dans le cadre des assurables (risques spécifiés échappant au contrôle mécanismes d'assurance publics, les frais adminis- des assurés et liés aux cultures de rente) doivent tratifs représentent rarement moins de 30 % des être couverts. On doit calculer les primes sur une primes encaissées. Aux Philippines, ils en représen- base actuarielle et diversifier le plus possible les taient 180 % dans les années 80 (Hazell, 1992). risques couverts entre les régions et les activités, en utilisant les données météorologiques et les in- Des résultats décevants formations disponibles sur les clients. Les résultats décevants de la plupart des mécanis- Problèmes d'incitation. Pour régler les problè- mes d'assurance publics tiennent principalement mes d'incitation, il faut modifier les indemnités aux facteurs suivants: a) ils tentent de prendre en lorsqu'il est évident que l'exploitant a fait preuve charge des risques essentiellement inassurables ; de négligence ; il faut adapter les primes, les in- b) ils engendrent des problèmes de risque moral demnités et les franchises en fonction du niveau parmi les assureurs, qui comptent sur les plans de de risque représenté par chaque client (ou par des sauvetage de l'État et qui n'appliquent pas les rè- catégories de clients assez restreintes) ; et il faut gles normales pour établir le montant des primes assurer l'autonomie financière et politique de l'as- et pour régler les indemnités ; c) ils créent des pro- sureur (en lui imposant une stricte discipline bud- blèmes de risque moral chez les clients, qui négli- gétaire et en évitant d'utiliser les fonds d'assurance gent d'appliquer de bonnes méthodes d'exploita- à des fins clientélistes). tion parce qu'ils pensent être à l'abri des risques ; et Lorsque les organismes d'assurance publics d) ils pâtissent des effets de l'ingérence politique. appliquent de bonnes méthodes de gestion, les résultats peuvent être très positifs (voir l'encadré Enseignements à tirer en vue d'une réforme 6.13). L'encadré 6.14 présente une approche originale Étant donné qu'il y aurait bien d'autres façons de l'assurance des récoltes, qui semble éviter les d'utiliser les fonds consacrés à l'assurance agricole principaux défauts de nombreux mécanismes. - emplois qui permettraient d'accroître la pro- ductivité et de réduire les risques (irrigation, amé- Conclusion nagement des bassins versants, etc.) - , les régi- mes d'assurance agricole financés par l'État ne se Les nouveaux éléments d'information dont on justifient pas toujours, en particulier dans le cas dispose sur l'intermédiation financière rurale don- des grandes exploitations commerciales, qui pour- nent à penser que l'État doit jouer un rôle restreint raient souscrire des assurances privées. S'agissant et favoriser le jeu des forces du marché. Une inter- des petits agriculteurs pratiquant des cultures de vention publique directe sur les marchés financiers rente, les programmes d'assurance privés spécia- ruraux ne se justifie que s'il n'existe pas de moyen lisés peuvent répondre à l'essentiel de leurs besoins. plus économique de corriger un dysfonctionnement Interventions directes 87 du marché ou de réduire la pauvreté. Les avanta- gions où la population est relativement dense, où ges escomptés de l'intervention doivent l'empor- l'on accède aisément aux marchés, où le secteur ter sur son coût. agricole est productif et où les groupes cibles vi- Aucune forme d'intervention n'est universel- vent un peu au-dessus du seuil de pauvreté. Dans lement valable. Le choix de l'intervention appro- des conditions moins favorables, d'autres solutions priée, soit dans le cadre d'un programme de fi- sont préférables : par exemple, des programmes nancement rural ciblé, soit dans le cadre d'un autre de travaux d'utilité collective ou des services fi- type de programme, dépend de l'objectif initial nanciers groupés fondés sur l'épargne. de l'intervention (corriger un dysfonctionnement Les interventions peuvent être réalisées par l'in- du marché ou réduire la pauvreté). Il dépend aussi termédiaire de toutes sortes d'institutions (ONG, des caractéristiques de la clientèle cible, de l'envi- institutions financières rurales d'État, par exem- ronnement physique et socio-économique, des ple) et au moyen de nombreux instruments (par facteurs culturels et de la situation des marchés exemple, couplage de dons et de lignes de crédit), financiers ruraux. produits et services (épargne, crédit, assurance), Les interventions dans le domaine du crédit et suivant différents modes opératoires (mécanis- ont davantage de chances de réussir dans les ré- mes de groupes, services bancaires villageois). Encadré 6.13 Un mécanisme efficace d'assurance des récoltes par l'État: Le cas du sucre à Maurice Le sucre est le pilier de l'agriculture mauricienne et les incendies et l'excès de pluie sont couverts. Le FMAS la principale source de devises du pays. Le Fonds a toujours refusé d'assurer les dégâts causés par les mauricien d'assurance du sucre (FMAS), créé en 1945, ennemis et les maladies des cultures, qui sont consi- assure tous les planteurs (quelque 34 000, allant des dérés comme des problèmes de gestion. petites plantations artisanales aux grandes plantations Vu son statut d'organisme public, le FMAS n'a pas commerciales) et les 19 sucreries du pays. Le sucre pu se doter des réserves qu'un organisme commer- domine à tel point l'économie qu'il n'y a pratique- cial privé aurait accumulées. Il s'est néanmoins donné ment pas d'autres sources de financement pour sub- de constituer des réserves suffisantes pour faire face à ventionner le secteur. Le FMAS a toujours été admi- une succession de sinistres déclarés (soit 40 % de la nistré selon des principes commerciaux. valeur annuelle moyenne des récoltes), et le revenu Au fil des ans, il a accumulé une somme de ren- de ses placements est plus que suffisant pour couvrir seignements qui lui servent à calculer les primes et ses frais administratifs (qui n'atteignent que 6,5 % des les indemnités. Il est administré par un conseil forte- primes encaissées). En tant qu'organisme public, il a ment représentatif et son siège est de taille modeste. le droit de limiter sa responsabilité financière, en cas Les deux tiers du personnel sont des agents de ter- de demandes d'indemnisation massives, au montant rain, qui communiquent des renseignements aux car- des réserves disponibles et des indemnités de réassu- tographes et à l'ordinateur central. Depuis 1964, les rance, et il négocie des prélèvements sur les quantités primes, les franchises et les indemnités dépendent des de sucre produites lorsqu'un déficit important est antécédents de chaque client, ce qui autorise une plus prévu. En conséquence, bien que le quota de sinistres grande équité et réduit le risque moral. Dans le cas historique soit légèrement négatif (120 %), le FMAS a des sucreries, les indemnités sont calculées sur la base pu bénéficier, en cas d'urgence, d'un financement du des résultats des planteurs qui les approvisionnent, secteur sucrier lui-même sans recourir à des aides corrigées pour tenir compte du rendement de la su- publiques. crerie. Dans le cas des planteurs, elles sont fonction La clef de son succès réside dans une approche de la quantité de sucre assurable par hectare, qui est commerciale de l'assurance, dans une tarification calculée sur la base des rendements individuels anté- équitable selon des critères actuariels, basée sur des rieurs et de la superficie cultivée. Chaque parcelle est renseignements recueillis avec soin, et dans le fait que inspectée au moins quatre fois par an, et des rectifi- les éventuels problèmes d'incitation ont été pris en cations sont apportées en cas de négligence des plan- compte dans la conception de tous les éléments du teurs (par exemple, une réduction de 10 % des quan- système. tités assurées si la lutte contre les ennemis des cultures est négligée). Seuls les dégâts causés par les cyclones, Source: Extrait de Roberts et Dick, 199 1. 88 Les finances rurales L'État peut apporter son soutien à des program- au niveau de la conception et de la mise en oeuvre. mes d'assurance publics dans certaines conditions, Il faut étudier le bien-fondé d'un soutien direct par exemple pour garantir des prêts ou pour cou- sur la base d'une analyse rigoureuse des coûts et vrir le risque principal (assurance des récoltes). des avantages, de la même façon qu'il faut Dans le passé, les mécanismes de garantie et évaluer soigneusement les avantages des interven- d'assurance soutenus par l'État étaient souvent peu tions axées sur le crédit et l'épargne avant leur mise efficaces, en raison des défauts qu'ils présentaient en oeuvre. Encadré 6.14 Un projet d'assurance contre la sécheresse La sécheresse est une menace pour le bien-être de permettrait de toucher une indemnité de 9 dollars en- nombreux pauvres dans les pays en développement. viron (montant des primes perçues en 10 ans, moins Elle devrait être un risque assurable. Mais pour être 10 % de frais d'administration). Ce calcul est approxi- efficace, un mécanisme d'assurance contre la séche- matif, car il ne tient pas compte des intérêts sur les pri- resse doit remplir plusieurs conditions. mes cumulées détenues par l'assureur, des frais de réas- Premièrement, l'assurance doit être à la portée surance et de la nécessité de constituer des provisions. de toutes sortes de ménages : petits et grands exploi- Les bons d'assurance sécheresse pourraient se tants, ouvriers agricoles, commerçants, négociants, vendre comme des billets de loterie ; les personnes à transformateurs et artisans. Les contrats d'assurance faible revenu pourraient les céder moyennant une ne peuvent donc pas être liés exclusivement aux ré- commission. Toutefois, à la différence d'une assurance coltes ou au bétail. classique, cette assurance contre la sécheresse n'indem- Deuxièmement, l'assurance doit être abordable, niserait les assurés relevant d'une station météorolo- en particulier pour les pauvres, ce qui signifie que les gique donnée que les années de sécheresse. Si le sys- frais administratifs doivent être comprimés au maxi- tème était géré par une banque commerciale, les mum et que seules les sécheresses exceptionnelles (sur- indemnités pourraient être réglées par les succursales venant une ou deux fois en dix ans) peuvent raison- locales après avoir été annoncées dans les journaux, à nablement être assurées. la radio et à la télévision. Troisièmement, en raison de la forte covariance Comme tous les participants paieraient la même des dommages causés par la sécheresse dans une ré- prime et toucheraient la même indemnité, il n'y aurait gion, une assurance contre la sécheresse ne peut être pas de risque moral, ni de problème d'antisélection. financièrement viable que s'il est possible d'élargir les Et puisqu'il ne serait pas nécessaire de rédiger des con- risques en dehors d'une région donnée. Cela est pos- trats individuels, d'effectuer des inspections sur le ter- sible dans un grand pays, où le risque peut être ré- rain ou d'évaluer les pertes, les frais administratifs parti entre de nombreuses régions, en particulier si la seraient faibles (représentant peut-être 2 à 3 % du prix corrélation entre leurs régimes pluviométriques est du bon). Ces caractéristiques pourraient rendre la faible, voire négative. Il faut cependant établir des dis- réassurance attractive sur le marché international, ce positifs de réassurance ou de prêts conditionnels avec qui résoudrait le problème du risque de covariance les pouvoirs publics ou avec des banques ou des assu- lié aux sécheresses régionales. rances privées. Pour que les ménages ruraux en retirent le maxi- L'assurance proposée ici porte sur des stations mum de bénéfices, l'assurance contre la sécheresse météorologiques données, la pluviométrie étant sur- serait vendue librement à tous les intéressés, qui de- veillée par satellite. Toutes les personnes s'assurant vraient pouvoir la souscrire auprès de n'importe quelle auprès d'une station donnée paieraient la même prime station météorologique assurée. Ils pourraient ainsi et toucheraient la même indemnité. Les indemnités exploiter les risques de sécheresse qui ne sont pas par- seraient versées dès que les précipitations totales en- faitement corrélés et mieux adapter leur portefeuille registrées par la station pendant une période donnée d'assurance en fonction de leurs propres risques. Cette (par exemple, une campagne agricole) tomberaient assurance pourrait même être offerte par des socié- en deçà d'un niveau convenu (70 % de la moyenne, tés privées. Il faudrait laisser apparaître un marché par exemple). Les primes seraient calculées en fonc- secondaire pour permettre aux personnes manquant tion de la probabilité de sécheresse, du montant de de liquidités de toucher plus rapidement des indem- l'indemnité à verser et des frais d'administration. Par nités en cas de sécheresse, éventuellement avec une exemple, si la probabilité est d'une sécheresse en décote. 10 ans et si le coût d'administration de l'assurance re- présente 10 %, un bon d'un dollar d'assurance Source: Hazell, 1996. TROISIÈME PARTIE Tour d'horizon des institutions financières rurales troisième partie présente un tour bailleurs de fonds et les gouvernements dans le d'horizon de l'intermédiation financière monde entier. rurale au niveau des institutions. Le chapi- Le chapitre 9 analyse en détail la performance et tre 7 examine les problèmes auxquels on est con- les méthodes d'exploitation de trois institutions fronté lorsqu'on essaie de mesurer le succès des financières rurales qui sont généralement considérées projets de crédit rural. On y propose d'utiliser la comme très florissantes: la Banque de l'agriculture performance financière des institutions financières et des coopératives agricoles (Thaïlande), la Bank rurales comme indication du degré de réussite de Rayat Indonesia-Unit Desa System (Indonésie), et la l'intermédiation, et on présente un cadre Banque Grameen (Bangladesh). La clientèle de ces permettant de mesurer la performance financière trois banques et le cadre de politique macroécono- des institutions financières rurales du point de vue mique dans lequel elles opèrent présentent des de la présence locale et de l'autonomie financière. différences marquées. Pourtant, des caractéristiques Le chapitre 8 contient des principes communes se retrouvent dans leurs principes de directeurs pour les institutions financières ru- gestion et leurs méthodes d'exploitation. Ces rales désireuses de renforcer leur présence locale caractéristiques peuvent servir de point de départ à et leur autonomie financière. Des encadrés l'élaboration de principes directeurs qui seront utiles présentent les résultats de projets d'inter- pour concevoir les futurs projets d'intermédiation médiation financière rurale financés par les financière rurale. 89 I ,叔--一“一~’州+一! 1 CHAPITRE7 Critères de performance applicables a \ l'interm ediation financière rurale es décisions des intermédiaires financiers formance des institutions financières rurales (Banque privés au sujet des services qu'ils fournissent mondiale, 1992). Les institutions financières qui et des marchés visés sont généralement fournissent avec efficacité une large gamme de dictées par la recherche du profit. Mais, pour les services à une clientèle très diverse contribuent institutions financières rurales (IFR) soutenues par probablement à valoriser les revenus et à réduire la l'État, l'impact sur le développement prime géné- pauvreté. Les IFR efficaces devraient donc avoir ralement sur le profit. Le succès des programmes l'impact voulu sur le développement. révaluation ou des institutions de financement rural se juge à de leur performance peut donner une mesure l'accroissement des revenus ruraux et à la indirecte de l'impact sur le développement. Mesurer réduction de la pauvreté qui en résultent. la performance des IFR a, en outre, l'avantage de poser Pour évaluer le succès des initiatives de finance- moins deproblèmes méthodologiques que l'évaluation ment en milieu rural, il est essentiel de déterminer de l'impact des mécanismes de crédit rural. en premier lieu si elles ont atteint leurs objectifs de rétendue de la présence locale des IFR et leur valorisation des revenus et de réduction de la degré d'a utonom iefinancière sont les deux critères pauvrete et, en second lieu, d'évaluer leur coût qui permettent d'évaluer leur performance. Ils d'opportunité. Un effort concerté de l'État ou d'autres présentent deux avantages importants : ils organismes pour promouvoir le financement rural fournissent aux dirigeants le moyen d'évaluer ce suppose en général l'orientation du crédit, ce qui que le soutien des institutions financières rurales implique des subventions et un coût d'opportunité coûte à la société et ils fixent des repères pour la économique, dans la mesure où cela modifie performance de l'intermédiation financière rurale. l'affectation des ressources (Ray, 1995). Dans ces Ces repères peuvent aider à définir des politiques conditions, il est légitime de demander une et des méthodes opératoires pour des initiatives estimation du coût total pour la société si l'on veut ultérieures (Banque mondiale, 1994e). Les que les modestes ressources publiques soient déficiences des institutions financières rurales sont réparties de façon optimale, tant à l'intérieur des souvent citées comme un obstacle majeur à marchés des capitaux ruraux qu7entre eux et les autres l'intermédiation financière en milieu rural secteurs de l'économie. (Banque mondiale des femmes, 1995). Mesurer l'impact des projets, des programmes ou La première partie de ce chapitre traite des des institutions de crédit rural sur les revenus ruraux problèmes méthodologiques liés à l'évaluation de et sur les niveaux de pauvreté soulève une multitude l'impact des projets de crédit rural et la seconde de problèmes méthodologiques. On a cependant propose un cadre pour l'évaluation des institutions élaboré un cadre logique qui permet d'évaluer la per- financières rurales. 91 92 Les finances rurales Les problèmes méthodologiques soulevés par et d'un groupe témoin de non-participants est l'évaluation de l'impact des projets de crédit biaisée en faveur du projet. rural Fongibilité de l'argent. Le problème de la Cette section analyse diverses évaluations de fongibilité complique l'identification des avantages l'impact de projets de crédit agricole, selon la des projets de crédit. Les fonds rétrocédés peuvent méthode classique consistant à identifier et évaluer être joints à d'autres ressources et le tout peut être les avantages des projets agricoles". Les problèmes utilisé à des fins multiples. Il est difficile de complexes liés à cette méthode sont, d'une part, discerner si les ressources additionnelles sont d'ordre microéconomique et, d'autre part, d'ordre utilisées aux fins prévues ; il est tout aussi difficile macroéconomique. de déterminer à quelles fins les prêts sont utilisés. On emploie souvent les termes substitution et Problèmes microéconomiques détournement pour expliciter les problèmes que pose la fongibilité dans l'évaluation de l'impact des Les problèmes microéconomiques intégrent projets de crédit (Von Pischke et Adams, 1980). a) l'hypothèse suivant laquelle il existe un modèle Étant donné que les agriculteurs qui obtiennent d'exploitation représentatif, b) le manque de des crédits dans le cadre d'un projet, auraient peut- comparabilité entre les participants et les non- être pu mobiliser d'autres ressources sans le projet, participants au projet, et c) la fongibilité des ces crédits ont pu se substituer à ces autres sources ressources (les prêts accordés dans le cadre du de financement possibles. L'évaluation rétrospec- programme de crédit peuvent se substituer à tive de nombreux projets de crédit agricole montre d'autres sources de financement ou peuvent ser- qu'il existe d'autres sources de financement pour vir à des investissements « imprévus »). les investissements liés aux projets (Banque mondiale/OED, 1981). Le détournement des fonds Modèle d'exploitation représentatif. Pour est une forme de substitution dans laquelle les déterminer le taux de rentabilité financière et crédits sont utilisés à des fins qui ne sont pas économique escompté d'un projet, on prend autorisées par l'accord de prêt. Il est coûteux de comme modèle une exploitation représentative soumettre un grand nombre d'emprunteurs fictive. En général, on estime le taux de rentabilité ruraux à une surveillance étroite, si bien que les économique (TRE) des investissements dans fonds peuvent être détournés, même dans le cadre l'exploitation modèle (qui sert à chiffrer les des projets les mieux gérés. avantages du projet) pour les investissements du Ce problème de substitution présente toutes les modèle et on suppose que ce TRE s'applique à la nuances possibles. À un extrême, la substitution totalité des emprunteurs secondaires. Mais cette est totalement exclue (cas d'un agriculteur vivant hypothèse est sujette à caution, car les dans une région isolée, où il n'existe aucune autre caractéristiques des agriculteurs varient source de financement). À l'autre extrême, considérablement. l'investissement aurait pu être réalisé sans le projet de crédit ou avec un montant inférieur à celui du Manque de comparabilité entre les participants prêt. Sauf dans quelques cas où la substitution est et les non-participants au projet. Peut - on exclue, le calcul des taux de rentabilité économique valablement comparer le groupe qui a bénéficié et financière doit être corrigé pour tenir compte des fonds du projet avec un groupe témoin ? En de la possibilité d'une additionnalité limitée dans général, les agriculteurs qui participent à des pro- le cadre du projet. Il est difficile de faire cette grammes de crédit agricole s'auto-sélectionnent. correction avec précision (car la substitution n'est Ils ont plus d'esprit d'initiative et moins d'aversion pas directement mesurable), et la difficulté pour le risque, et ils sont plus réceptifs aux d'attribuer les avantages au projet de credit nouvelles technologies ; ils ont aussi des liens plus s'accroît à mesure que l'on avance d'un extrême à étroits avec les organismes financiers. Dans ces l'autre. conditions, l'évaluation d'une situation « sans le Un rapport de 1983 du Département de projet », établie a posteriori sur la base d'un l'évaluation des opérations de la Banque mondiale sondage aléatoire auprès des participants au projet signale que « les enquêtes agricoles ne permettent Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 93 pas d'obtenir les données voulues pour évaluer engagements et les flux de trésorerie des emprun- l'impact effectif sur la production des teurs, ainsi que sur leur capacité de service de la investissements financés dans le cadre d'un projet; dette, ce qui permettrait d'effectuer des les problèmes de fongibilité peuvent même rendre comparaisons a posteriori, de préférence à des cet effort superflu car ce qui serait évalué ne comparaisons a priori. Les IFR devraient généra- représenterait pas nécessairement l'impact du lement éviter de procéder à de coûteuses projet. Pour obtenir l'information désirée, il évaluations d'impact, qu'il est plus judicieux de faudrait procéder à des enquêtes agricoles ou à des confier à des instituts de recherche disposant des évaluations approfondies, mais qui se limitent à compétences et des ressources requises. quelques projets seulement ; dans les autres cas, il faudrait procéder à l'analyse économique de la Problèmes macroéconomiques valeur des programmes de développement, principalement pendant l'exécution plutôt L'identification des avantages des projets de crédit qu'après » (Banque mondiale, 1993, paragraphes est encore plus hasardeuse si l'on considère les 5.150, 5.155). problèmes de fongibilité au niveau macroécono- Dans une autre étude, l'OED signale que, en mique. Si, par exemple, un bailleur de fonds raison des problèmes de fongibilité, « les rapports accorde un prêt en devises pour un projet de crédit d'achèvement et d'évaluation rétrospective ont agricole à un pays dont la monnaie est librement surestimé la rentabilité économique réelle » de dix convertible, mais qui croule déjà sous les réserves projets agricoles en Inde (Banque mondiale/OED, en devises, on peut penser que l'augmentation du 1981) et, dans une étude portant sur 20 opérations volume total des crédits agricoles de ce pays ne de crédit réalisées dans cinq pays, il constate que représentera qu'une faible proportion du montant les taux de substitution vont de 25 à 75 % (Banque du prêt. Le volume dépendra non pas du prêt d'un mondiale/OED, 1976). En fait, la plupart des projets donateur extérieur, mais de facteurs monétaires, de crédit agricole présentent des degrés divers de financiers, institutionnels et sectoriels. substitution. L'inverse peut se produire dans les économies La mesure et l'attribution des avantages des en transition. Un prêt extérieur en faveur du crédit projets de crédit nécessitent une évaluation agricole peut amoindrir les obstacles qui économique et une étude économétrique empêchent les agriculteurs et les fournisseurs beaucoup plus complexes que ne le permettent les (licences) d'obtenir des devises pour importer des méthodes unidimensionnelles souvent employées intrants et du matériel agricole. Dans ces pour évaluer l'impact des projets (Banque économies, la pénurie de devises peut brider mondiale/OED, 1983). Des chercheurs associés à l'investissement au niveau des exploitations. À l'Université d'État de l'Ohio sont allés jusqu'à se mesure que les gros emprunteurs traditionnels demander si l'application des méthodes (comme l'Inde et le Mexique) s'orientent vers la économétriques même rigoureuses pouvait libre convertibilité de leurs monnaies, le lien direct donner des résultats concluants, compte tenu de entre le volume des crédits agricoles extérieurs et la fongibilité de l'argent et de la difficulté de celui des prêts intérieurs devient beaucoup plus constituer un groupe témoin approprié (Von difficile à percevoir. En fait, les prêts extérieurs PischkeetAdams, 1980 ; David et Meyer, 1984). Des destinés à accroître le volume du crédit agricole études économétriques plus récentes se sont intérieur peuvent constituer en fin de compte un cependant attaquées à certains de ces problèmes soutien à la balance des paiements. Dans ces méthodologiques (Binswanger et Khandker, 1995). conditions, il convient de réformer en priorité les Comme ces études économétriques coûtent cher politiques qui freinent la croissance de l'agriculture et comme leurs résultats ne sont pas valides hors du et du secteur rural et d'investir dans le développe- contexte dans lequel elles ont été réalisées, il serait ment institutionnel des intermédiaires financiers vain que les praticiens effectuent régulièrement une ruraux. évaluation économétrique rigoureuse de l'impact des En résumé, pour évaluer les avantages de projets. Pour respecter les règles de prudence, les projets de crédit agricole financés par des bailleurs institutions financières rurales doivent donc de fonds, il faut tenir compte de la convertibilité recueillir des renseignements sur les actifs, les des monnaies et des devises disponibles. 94 Les finances rurales Évaluation de la performance des institutions subventions dont bénéficient les IFR, ni des financières rurales objectifs particuliers qui leur sont souvent assignés. Les principes d'évaluation énoncés par Yaron Pendant de longues années, il n'existait pas de en 1992 ont ensuite été largement acceptés par les critères généralement reconnus pour évaluer la universitaires et les praticiens (Christen et autres, performance des institutions financières rurales, 1995 ; Chaves et González-Vega, 1994 ; Ramola et et on se servait la plupart du temps des ratios Mahajan, 1996). Ils reposent sur deux critères financiers classiques. Mais ces outils d'évaluation fondamentaux: la présence locale sur le créneau et standards ne tiennent pas compte de diverses l'autonomie financière (voir la figure 7.1). Ces Figure 7.1 Critères d'évaluation de la performance des institutions financières rurales Critères d'évaluation de base Autonomie financière Présence parmi la clientèle cible Indice composite: Indice de dépendance à l'égard Indice hybride des subventions Évalue la présence parmi Mesure les subventions reçues par P'IFR Ia cientèle rapportées aux intérêts qu'elle a perçus et la qualité des services Exemples de subventions: Exemples d'indicateurs: * Bonification d'intérêts sur les fonds empruntés à des * Pénétration du marché taux concessionnels # Nombre et taux de croissance annuel des comptes * Coût d'opportunité du capital d'épargne et de crédit * Autres, dont: # Valeur et taux de croissance annuel du portefeuille de prêts et des dépôts # Dérogation aux réserves obligatoires •Nombre de succursales et d'employés # Fourniture gratuite de matériel par 'État ou les # Nombe eenure st'py bailleurs de fonds Niveau de revenu relatif # Prise en charge par lÉtat des pertes sur prêts # Montant moyen et fourchette des prêts 4 Formation du personnel assurée gratuitement par # Pourcentage de clients ruraux l'État ou les bailleurs de fonds # Pourcentage de femmes dans la clientèle # Prise en charge par 'État des prêts en devises. • Qualité des services # Coûts de transaction pour les clients # Flexibilité et adaptation des services # Réseau de distribution Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 95 critères ne permettent pas d'évaluer entièrement Bangladesh. Ils peuvent être pondérés et quantifiés l'impact économique des opérations d'une IFR, en fonction de leur validité pour une société mais ils constituent des mesures indirectes donnée. Par exemple, s'il n'y a pas de différence quantifiables qui indiquent dans quelle mesure dans l'accès des individus des deux sexes au crédit, une IFR atteint ses objectifs et ils mettent en le coefficient affecté au nombre de femmes clien- évidence les coûts sociaux qu'entraîne le soutien tes peut être faible, voire nul. La qualité de accordé à l'institution. l'évaluation d'une IFR dépend de la qualité des ren- seignements dont on dispose à son sujet et dont Présence locale elle dispose elle-même. Pour qu'on puisse évaluer sa performance, il faut qu'elle respecte les principes La présence locale est un indice hybride qui indi- comptables généralement admis et qu'elle fasse que dans quelle mesure une IFR parvient à toucher l'objet d'audits externes réguliers. sa clientèle cible et répond à sa demande de services Les critères d'évaluation de base peuvent être financiers. Les indicateurs de présence locale, qui représentés sur deux axes, comme ci-dessous dans sont à la fois qualitatifs et quantitatifs, peuvent la figure 7.2. D'après certains théoriciens, il peut y servir à mesurer aussi bien la profondeur des avoir un arbitrage entre présence locale et services (type de client touché et niveau de autonomiefinancière,maisilexisteungrandnom- pauvreté) que leur ampleur (nombre de clients bre de politiques institutionnelles qui renforcent desservis avec différents types d'instruments). la présence locale tout en accroissant l'autonomie La figure 7.1 donne des exemples d'indicateurs financière (voir le chapitre 8 pour plus de détails qui peuvent servir à mesurer la présence locale. sur le développement des capacités institution- Ces indicateurs et d'autres sont présentés dans nelles). Pour que la performance d'une 1FR l'annexe au chapitre 9 pour la Banque de s'améliore, il faut au moins que l'un des deux l'agriculture et des coopératives agricoles de critères enregistre une progression et que les Thaïlande, pour la Banque Rakyat Indonesia-Unit résultats obtenus sur le deuxième front soient Desa System, et pour la Banque Grameen au suivis de près. Figure 7.2 Optimisation de la performance Large autonomie financière Services financiers viables, Services financiers faible présence parmi viables touchant la clientèle cible la clientèle cible Faible Forte présence présence Services financiers Services financiers fortement subventionnés, fortement subventionnés faible présence parmi touchant la clientèle la clientèle cible cible Faible autonomie financière Source: Mahajan, 1994. 96 Les finances rurales Autonomie financière utilise des indicateurs comptables standards pour évaluer leur situation particulière. Par le passé, les interventions sur les marchés des On peut évaluer les résultats financiers des capitaux ruraux ne faisaient pas une place institutions qui cherchent à maximiser leurs suffisante à la viabilité financière des IFR d'État. bénéfices à l'aide des ratios de rentabilité financière Le suivi de leurs résultats s'améliore depuis qu'on classiques, comme le rendement des capitaux Encadré 7.1 Intérêt présenté par l'indice de dépendance envers les subventions d'une institution financière rurale à la Jamaïque La Banque de crédit agricole de la Jamaïque, fondée banque a reçu au total 84 millions de dollars sous for- en 1981, est une institution faîtière qui finance des me de transferts implicites et directs et que, pendant opérations de crédit agricole par l'intermédiaire des cette période, les transferts annuels l'ont largement banques commerciales et des coopératives rurales. emporté sur les bénéfices. Entre 1984 et 1987, la Officiellement, elle devait atteindre l'autonomie banque a fait des progrès encourageants vers financière en trois ou quatre ans. L'examen de ses états l'autonomie financière (voir la figure ci-dessous). financiers à l'aide des indicateurs financiers usuels Cependant, l'IDS a doublé entre 1987 et 1991, passant donne à penser que cet objectif a été réalisé. Le de 166 à 328 %, rythme plus rapide que le pourcentage rendement des capitaux propres est devenu positif en d'augmentation du rendement des capitaux propres. 1985 et, en 1987, les bénéfices non distribués cumulés Toutes choses étant égales par ailleurs, le rendement sont également devenus positifs. De fait, entre 1987 net des capitaux propres, abstraction faite des et 1991, le rendement des capitaux propres a augmenté transferts, aurait été de plus en plus négatif. de 75 %, passant de 13,8 à 24,4 %, et le rendement Il est clair que : a) bien que les ratios financiers des actifs oscillait entre 3,6 et 5,3 %. usuels soient satisfaisants, la banque n'est pas Toutefois, il ressort d'une analyse plus détaillée que parvenue à l'autonomie financière en trois ou quatre la banque est tributaire des subventions pour financer ans, et b) l'IDS peut donner une image plus fidèle de ses opérations et que cette dépendance s'est accrue avec la véritable situation financière d'une institution de le temps. Le calcul de l'indice de dépendance envers les financement du développement que l'analyse subventions (IDS) révèle que, entre 1983 et 1991, la financière classique. Figure de l'encadré 7.1 Banque agricole de la Jamaïque, comparaison de l'IDS et du rendement des capitaux propres, 1984-91 50 9% 9 14% 13% 21% 23% 24% 9 %i 9 % 1-% 3 RCP 50 100 _ SDI 150 m 200 - 166% M0197% 187 % 250 223%- 230% 251 % 300 _____ 291 % 350 1 i I 312% 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 Source: Banque mondiale, 1993. Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 97 propres et le rendement de l'actif. Mais ces ou d'autres formes de subventions, même si les indicateurs ne sont pas conçus pour mesurer les résultats réels se détériorent (voir l'encadré 7.1). résultats financiers des institutions publiques, qui L'inverse est également vrai : la baisse de la ne cherchent pas à maximiser leurs bénéfices et rentabilité financière d'une IFR peut être due non qui reçoivent presque toujours des subventions pas à la baisse de son efficacité opérationnelle, mais comportant un coût d'opportunité pour la société. à la réduction des subventions dont elle bénéficie. Les ratios financiers usuels ne tiennent pas compte Les principales formes d'aide reçues par les IFR non plus de l'effet des subventions sur la rentabilité d'État sont le coût d'opportunité de leurs fonds des institutions financières rurales. Les ratios de propres (que l'institution considère comme rentabilité financière d'une IFR peuvent augmenter gratuits) et les prêts concessionnels. Dans la par suite de l'apport de ressources subventionnées plupart des cas, les fonds propres d'une IFR ne Encadré 7.2 Calcul de l'indice de dépendance envers les subventions Pour calculer l'indice de dépendance envers les subventions (IDS) d'une institution financière rurale (IFR), on fait la somme de toutes les subventions reçues, puis on compare ce total avec le taux de rétrocession moyen appliqué, multiplié par le montant annuel moyen du portefeuille de prêts (intérêts perçus indiqués dans le compte de résultat de l'institution). Le rapport entre les subventions annuelles et les intérêts annuels indique dans quelle proportion ces derniers devraient augmenter pour que l'institution puisse se passer entièrement de subventions. L'IDS peut être exprimé ainsi: Montant total des subventions annuelles obtenues (S) IDS = Montant moyen du produit des intérêts annuels (PP*i) A(m-c)+ [(E *m)-P] +K (PP * i) où: A = Encours annuel moyen des emprunts concessionnels m = Taux d'intérêt que 'IFR paierait probablement sur ses emprunts si elle ne pouvait plus bénéficier de prêts concessionnels. Il s'agit en général du taux de référence du marché servi sur les dépôts, corrigé compte tenu des réserves obligatoires et des frais administra- tifs liés à la mobilisation et au service de dépôts supplémentaires c = Moyenne pondérée du taux d'intérêt annuel concessionnel effectivement payé par l'IFR sur l'encours annuel moyen des emprunts concessionnels qu'elle a effectués E = Montant annuel moyen de l'actif P = Bénéfice annuel avant impôt déclaré (corrigé pour tenir compte des provisions pour créances irrécouvrables, de l'inflation, etc.) K = Somme de toutes les autres subventions annuelles reçues par l'IFR (telles que la couverture partielle ou totale par l'État de ses frais de fonctionnement) PP = Montant annuel moyen du portefeuille de prêts en cours i = Taux de rétrocession moyen pondéré appliqué par l'IFR Montant annuel des intérêts perçus Montant annuel moyen du portefeuille de prêts Source: Yaron 1992b. 98 Les finances rurales déterminent ni sa capacité d'emprunt ni le coût vigueur pour supprimer les subventions. S'il est de ses emprunts. Le taux d'intérêt concessionnel négatif, cela signifie que l'institution est parvenue dont bénéficie l'IFR d'État type est généralement à une totale autonomie financière et quc ses déterminé non pas par les lois du marché, mais bénéfices annuels sont supérieurs à la valeur totale par des considérations d'économie politique, selon des subventions annuelles qu'elle reçoit. Elle peut un processus faisant intervenir la Banque centrale alors abaisser son taux de rétrocession moyen, et les ministères et organismes compétents. Il n'y renoncer à toutes les subventions et rester a donc pas lieu, dans bien des cas, de faire une financièrement viable. Dans certains cas, l'IDs doit distinction entre les fonds propres de l'institution être considéré comme la limite inférieure de et ses engagements financiers extérieurs, comme l'augmentation requise du taux de rétrocession, on peut le faire dans le cas des intermédiaires car l'institution risque d'avoir du mal à financer financiers tendant à maximiser leurs bénéfices. intégralement ses opérations si elle emprunte au Bien que les tarifs concessionnels dont elle taux de référence du marché servi sur les dépôts bénéficie pour ses emprunts ait une grande et si ses résultats financiers sont médiocres. influence sur le rendement de ses capitaux propres et de son actif, la façon dont elle est gérée n'a pas Application. En appliquant le coût implicite des ou guère d'effet sur ce déterminant exogène de sa subventions accordées à une IFR, l'IDS permet rentabilité financière. d'évaluer le coût financier réel des interventions sur les marchés des capitaux et il met en évidence Indice de dépendance envers les subventions la viabilité et la longévité réelles de l'institution. Il permet aux gouvernements, aux bailleurs de fonds Pour déterminer le coût réel pour la société du et aux directeurs des IFR de mieux répartir et maintien d'une IFR, il faut tenir compte, lorsqu'on utiliser les ressources, et cela de trois façons36: évalue sa performance, des subventions dont elle 1. En rendant explicites les subventions reçues bénéficie. Pour cela, on utilise l'indice de par une IFR, l'IDS donne une estimation du coût dépendance envers les subventions (IDS). total du soutien qui lui est accordé. Cette estimation n'indique pas si l'institution a atteint Définitio n et justification. L'IDS est un ses objectifs socio-économiques et elle ne suffit pas indicateur composite des résultats financiers d'une pour effectuer une évaluation économique IFR (voir l'encadré 7.2). Comme il prend en complète des coûts et des avantages. Elle constitue compte les subventions et met moins l'accent sur cependant un point de départ pour comparer les les ratios de rentabilité usuels, c'est un indicateur coûts des différentes interventions publiques plus approprié que les indicateurs financiers possibles (voir l'encadré 7.3 et Squire, 1995). classiques. 2. L'IDS permet de comparer les résultats L'IDS est un ratio qui indique de combien le financiers et le degré de dépendance envers les taux de rétrocession doit augmenter pour éliminer subventions des IFR qui fournissent des services complètement les subventions accordées pendant comparables à une clientèle similaire. une année donnée"3. Il permet de calculer : 3. L'IDS est un outil de planification et de • le volume des subventions nécessaires pour surveillance à long terme que les gouvernements, maintenir à flot une IFR (montant total des les bailleurs de fonds et les directeurs d'IFR peuvent subventions reçues pendant une période utiliser pour suivre les progrès de ces institutions donnée) ; vers l'autonomie financière. Une analyse des sources • le rapport entre les subventions reçues et les et des emplois des subventions peut aider à intérêts perçus sur le portefeuille de prêts, déterminer si celles-ci sont justifiées (Yaron, 1992a). sur le marché. Facteurs qui contribuent à réduire la dépendance Interprétation. L'IDS a une limite inférieure de envers les subventions -100 %, mais pas de limite supérieure (Benjamin, 1994). S'il est nul, cela signifie que l'IFR est devenue Quatre conditions essentielles doivent être autonome. S'il est de 100 %, cela indique qu'il réunies pour mettre fin à la dépendance envers faudrait doubler le taux de rétrocession moyen en les subventions : un taux de rétrocession Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 99 Encadré 7.3 Comparaisons de coûts dans les dépenses publiques Lafigure ci-dessous montre qu'une IFR d'État s'estvu de santé préventifs, dans un pays où le taux de allouer 340 millions de dollars de subventions publi- mortalité infantile est élevé. ques, sur une période de quatre ans, dans un pays Les informations fournies par le calcul de l'IDS africain. Pour calculer ce montant, on a utilisé la alimentent le débat public sur la répartition des méthode de l'indice de dépendance envers les ressources à un moment où les fonds publics subventions (IDS). Le montant moyen de subventions s'amenuisent et où on repense le rôle de l'État. Cette annuelles a atteint 85 millions de dollars pendant la comparaison des coûts permet de poser la question période considérée, soit 20 % des dépenses publiques suivante : « L'aide accordée à cette IFR, est-elle la consacrées à l'éducation de base pendant la même meilleure utilisation possible de ressources publiques période et 165 % des dépenses consacrées aux soins rares? » Figure de l'encadré 7.3 Comparaison des subventions en faveur des finances rurales et des dépenses consacrées à l'éducation de base et aux soins de santé préventifs (millions de dollars) 450 4 400 350 300 -+ 250 - 200 150 107 590 100 - 1989 1990 1991 1992 Montant moyen Soins Éducation Crédits Crédits Crédits Crédits des crédits préventifs de base bonifiés bonifiés bonifiés bonifiés bonifiés Source: Adapté de Squire, 1995. suffisant, un taux élevé de recouvrement des intégralement leurs charges de fonctionnement prêts, la mobilisation de l'épargne et la maîtrise et leurs charges financières. C'est là un des des frais administratifs37. Ces quatre conditions principaux facteurs d'autonomie financière. sont examinées brièvement ci-après. Le chapitre 8 donne des précisions sur la façon d'améliorer Un taux élevé de recouvrement des prêts. Les plus généralement l'efficacité opérationnelle pertes sur prêt sont souvent la plus lourde des IFR. charge supportée par les IFR et le principal signe de détresse financière (voir l'encadré 7.4). Une Un taux de rétrocession et des marges saine gestion financière exige un bon suivi de la suffisants. Pour ne plus être dépendantes des performance des prêts. Les principaux subventions, les IFR doivent appliquer des taux indicateurs de la performance des prêts sont les de rétrocession positifs en termes réels, couvrant suivants: 100 Les finances rurales Pour que ces rapports aient un sens, les IFR Encadré 7.4 Lignes de crédit: Bilan doivent définir clairement la notion d'arriérés et du recouvrement des prêts par les institutions se conformer aux principes comptables générale- de rétrocession., ment admis lorsqu'elles passent les créances « Le bilan du recouvrement des prêts par les irrécouvrables par pertes et profits (les institutions qui rétrocèdent les fonds est un conséquences auxquelles s'expose une institution indicateur important à prendre en considération qui néglige de passer les créances irrécouvrables pour la conception et le suivi des opérations de lignes par pertes et profits sont mentionnées dans de crédit. Il n'y a pas de corrélation univoque stricte l'encadré 8.13). Le taux de recouvrement des prêts entre la rentabilité et le remboursement, car les doit être interprété avec prudence. Dans un entreprisespeuventrembourserounonlesprêtsqui contexte très inflationniste, le volume du leur ont été accordés indépendamment des bénéfices portefeuille de prêts en cours peut s'accroître ou des pertes qu'elles réalisent sur ces prêts. On ob- rapidement du fait que le montant moyen des prêts serve cependant de manière empirique que la augmente avec l'inflation. Le rapport entre les rentabilité et le remboursement des prêts sont liés. arriérés et l'encours des prêts peut paraître moins Les emprunteurs semblent plus prudents dans le arrié. nt l'enc ou ,es préts pet te mons choix des projets lorsqu'ils s'attendent à devoir inquietant qu'il ne l est en réalité. Cette illusion est rembourser leurs emprunts. Sans cette obligation, accentuée si l'institution accorde des prêts à long ils risquent d'utiliser les fonds à mauvais escient, terme (plus d'un an) avec différé d'amortissement sachant qu'ils tireront un bénéfice même de projets et dont le remboursement est échelonné sur socialement non rentables. Cette corrélation plusieurs années, ou si les arriérés sont évalués par empirique générale entre le recouvrement des prêts rapport au portefeuille de prêt global, dont une et la bonne affectation des capitaux justifie les efforts petite partie seulement est devenue exigible. Dans faits par la Banque pour améliorer la surveillance et ces conditions, il serait préférable de se baser sur le la réglementation du secteur bancaire dans les pays rapport entre le portefeuille de prêts contaminés et membres emprunteurs. » le portefeuille de prêts total. (Les prêts contaminés Source: Banque mondiale, 1995. sont les prêts non amortis ayant au moins une échéance de retard.) Pour calculer les taux de recouvrement des • Le rapport entre les arriérés et les montants prêts et constituer des provisions suffisantes pour exigibles, calculé pour les prêts à rembour- les créances irrécouvrables, une IFR doit constam- ser, en fonction de leur date d'échéance ini- ment suivre la performance des prêts, comme le tiale (voir le tableau 7.1). montre l'analyse chronologique des arriérés de la • Le recouvrement des prêts calculé par Banque de l'agriculture et des coopératives rapport au total des montants à recouvrer agricoles de Thaïlande (voir le tableau 7.1). Cette (somme des arriérés antérieurs et du mon- analyse s'appuie sur les renseignements présentés tant dû pendant la période considérée). habituellement dans les états financiers vérifiés de Tableau 7.1 Analyse chronologique des arriérés au titre des fonds de roulement à court terme de la Banque pour l'agriculture et les coopératives agricoles, 1981-86 (%) Exercice Montant Arriérés Arriérés Arriérés Arriérés Arriérés Arriérés dûpendant enfin enfin enfin enfin enfin enfin l'exercice d'exercice d'exercice + 1 d'exercice + 2 d'exercice + 3 d'exercice + 4 d'exercice + i 1982 100 24 15 7 5 3 3 1983 100 22 9 4 3 2 1984 100 22 11 6 4 1985 100 24 11 5 1986 100 29 7 Source: Recherches des auteurs. Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 101 Figure 7.3 Profil de recouvrement des prêts à court indique dans quelle mesure l'institution a réussi à terme de la Banque pour l'agriculture et les coopératives remplacer les crédits concessionnels accordés par agricoles, 1981-86 l'État (ou par des bailleurs de fonds) par l'épargne (en pourcentage du montant initial des prêts) des clients. 100 1984 1983 La maîtrise des frais administratifs. Pour 1985 ----------------' 1s'affranchir des subventions, les IFR doivent faire en 1986 sorte que les frais administratifs soient pris en compte 90- ,et couverts par le taux de rétrocession qu'elles appliquent. Des coûts de transaction élevés peuvent 85 - réduire la présence locale d'une IFR et nuire à sa compétitivité, ou accroître sa dépendance envers les subventions si le taux de rétrocession n'est pas ajusté 75- en conséquence. Lorsqu'on analyse les frais admi- nistratifs, on doit tenir compte de la nature des 70. services fournis par l'IFR : services bancaires Échéance 1 2 3 4 5 (mobiles), mobilisation de l'épargne, services Années de retard d'intermédiation sociale, assistance technique et autres services non financiers. Source: Recherches des auteurs. Il faut suivre l'évolution des frais administra- tifs par rapport aux frais de fonctionnement totaux, à la valeur annuelle moyenne des actifs et la banque pour montrer que les arriérés, calculés au montant annuel moyen du portefeuille de prêts par rapport aux dates d'échéance initiales, (voir, à l'annexe 9.1, les figures concernant la deviennent des créances irrécouvrables après Banque de l'agriculture et des coopératives plusieuis années de retard dans le paiement des agricoles, la Bank Rakyat Indonesia-Unit Desa montants exigibles. Elle peut servir à établir des courbes de recouvrement distinctes pour chaque période, ce qui facilite une plus juste estimation du montant futur des provisions annuelles pour Encadré 7.5 Définitions créances irrécouvrables (voir la figure 7.3). Comme cette analyse tient compte des tendances TRI Le taux de rentabilité interne est un historiques du recouvrement des montants exigi- indicateur actualisé de la valeur d'un projet. bles pendant l'exercice en cours et des arriérés, elle C'est le taux d'actualisation qui rend la permet : valeur actuelle nette des flux d'avantages • d'évaluer correctement l'adéquation des additionnels, ou des flux de trésorerie provisions ; additionnels, égale à zéro. • de prendre en compte le coût effectif des TRE Le taux de rentabilité économique est le TRI créances irrécouvrables au moment de fixer calculé à l'aide de valeurs économiques. les taux prêteurs ; TRF Le taux de rentabilité financière est le TRI • d'identifier convenablement les revenus; calculé à l'aide de valeurs financières. • d'améliorer la gestion des flux de trésorerie. TRICP Le taux de rentabilité interne des capitaux En dépit de ces avantages, rares sont les propres est obtenu en calculant le taux de institutions financières rurales qui effectuent des rentabilité financière avec deux modifica- analyses chronologiques du recouvrement des prêts. tions : a) seuls les capitaux propres de l'investisseur sont pris en compte (les fonds La mobilisation de l'épargne. La mobilisation empruntés sont soustraits du total des active de l'épargne assure aux IFR une source de fonds investis), et b) les paiements financement permanente. L'augmentation dans le d'intérêts et les remboursements au titre du finacemnt ermnene. Uugmntaiondan leprincipal sont soustraits des flux de temps du rapport entre la valeur totale de l'épargne trésorerie annuels. volontaire et le montant du portefeuille de prêts 102 Les finances rurales Encadré 7.6 Illustration du taux de rentabilité financière et du rendement des capitaux propres Dans l'exemple cité ici, il est question d'un prêt avantages retirés par l'emprunteur du fait de la baisse accordé par une grande banque agricole d'État de la valeur des remboursements et des paiemeits asiatique pour l'achat d'un tracteur. Les chiffres d'intérêts, due à l'inflation, et b) la rentabilité de prouvent l'intérêt de calculer le taux de rentabilité l'investissement, mesurée par le TRICP était b en interne des capitaux propres de l'investisseur chaque supérieure au taux de rétrocession qui était d'envii on fois qu'on calcule le taux de rentabilité financière. 5 % compte tenu de l'inflation (15 % en valeur Un agriculteur emprunte 7 500 dollars pour nominale).Qu'est-ce qui pouvait justifier l'octroi dun acheter un tracteur de 10 000 dollars (cet prêt à un taux aussi faible alors que le taux de investissement équivaut à environ 30 fois le produit rentabilité interne de l'investissement était environ 20 intérieur brut par habitant). Le reste est financé fois supérieur ? par des capitaux propres. La banque estime le taux Cet exemple montre qu'on doit calculer le 'R CP de rentabilité financière (TRF) à au moins 28 %. chaque fois qu'on calcule le TRF et que [es taux de Le prêt est accordé pour dix ans à un taux d'intérêt rétrocession doivent être fixés à un niveau approprié de 15 % par an. Au cours des cinq dernières années, pour éviter le gaspillage de ressources limitées et puur le taux d'inflation a légèrement dépassé 10 % par ne pas encourager la corruption en raison de an. L'examen des flux de trésorerie révèle que, l'important élément de subvention inhérent aux prêts lorsque le TRF estimé en prix constant était de 28 % concessionnels. On doit s'interroger sérieusement sur et l'inflation de 10 % par an, le TRICP était de l'utilité d'accorder des prêts aux conditions décri:es l'ordre de 97 %. ici, en particulier dans un pays dont l'objectif offic iel Il y a deux leçons à tirer de cet exemple: a) le TRF est de créer des emplois alors que dans les faits il calculé par la banque ne tenait pas compte des subventionne massivement le capital. System et la Banque Grameen). L'analyse des l'investissement. différentes composantes des frais administratifs Le taux de rentabilité financière (TRF) en soi peut aider à identifier les principaux facteurs de ne permet pas à celui qui analyse le projetd'évaluer coût et les modifications à apporter à la structure l'attrait de l'investissement envisagé pour les des coûts d'une IFR. entrepreneurs potentiels (voir les définitions c ans l'encadré 7.5). La décision d'investir de Taux de rentabilité financière et rendement l'entrepreneur est fondée sur le taux de rentabilité des capitaux propres des investisseurs interne (corrigé des risques) des capitaux propres (TRICP), qui devrait donc être calculé chaque Fois Les taux de rétrocession sont souvent trop bas, ce qu'on calcule le TRF. C'est un bon TRICP, et not un qui se traduit par une forte subvention par dollar bon TRF, qui incite l'entrepreneur à investir dans prêté et non remboursé. Au bout du compte, des des « projets prioritaires », même si les deux t iux taux bas profitent à un plus petit nombre sont étroitement liés. Le calcul du TRICP est tiré d'emprunteurs que ne le ferait un accès raisonna- de celui du TRF avec deux modifications. ble au crédit formel. Il y a souvent un large écart entre ces deux tî ux. Par définition, le crédit administré est toujours L'écart s'élargit lorsque la différence entre le TRF soumis à des contraintes budgétaires. On essaie et le taux de rétrocession est importante, lorsque d'inciter les investisseurs à emprunter en accordant le prêt est accordé pour une longue périod (y des conditions de faveur. Les bailleurs de fonds ou compris le différé d'amortissement) et lorsqut les l'État font office de prêteurs de dernier ressort fonds empruntés financent une grande partit de lorsque l'emprunteur-investisseur ne peut pas l'investissement et les capitaux propres une petite obtenir de crédits ailleurs à des conditions partie. Le TRICP peut donc fournir des indications analogues ou meilleures. L'octroi d'un prêt sur le taux de rétrocession approprié. Il peut etre concessionnel à l'emprunteur final est considéré particulièrement utile quand l'institution comme une condition nécessaire pour réaliser financière participant à un programme de credit Critères de performance applicables à l'intermédiation financière rurale 103 concessionnel administré doit résister aux fonds publics, il est important de veiller à ce que multiples pressions qui s'exercent pour qu'elle ces objectifs soient atteints et à ce que leur coût prête à des taux relativement bas. d'opportunité ait été évalué. Le calcul de la différence entre le TRF et le TRICP En raison des problèmes méthodologiques de l'investisseur peut permettre à un plus grand soulevés par l'évaluation de l'impact sur le déve- nombre de clients de recevoir une part des maigres loppement, il convient de juger les performances ressources publiques et d'accéder au crédit formel, des institutions financières rurales et des program- alors que les fortes subventions profitent à un plus mes de crédit rural à l'aide de mesures indirectes. petit nombre d'emprunteurs. Les principaux critères proposés sont la présence locale et l'autonomie financière. L'indice de Conclusion dépendance envers les subventions (IDS), qui sert à évaluer l'autonomie financière d'un programme Les interventions soutenues par l'État sur les (ou d'une institution), mesure aussi le coût social marchés des capitaux ruraux visent générale- du soutien qu'il reçoit. Il permet donc aux ment à promouvoir le développement en décideurs de mettre l'appui fourni au programme stimulant les revenus et en réduisant la pauvreté. en balance avec les autres emplois possibles des Comme elles impliquent souvent l'emploi de ressources publiques. CHAPITRE 8 Renforcer les capacités institutionnelles P eu d'institutions financières rurales (IFR) parviennent à la fois à avoir une forte Encadré8.1 Lanécessaireréforme présence locale et à assurer leur autonomie institutionnelle financière. La plupart des IFR d'État sont le produit d'approches volontaristes traditionnelles, qui « Même si une réforme en profondeur du secteur mettent l'accent sur les décaissements plutôt que financier était réalisée avec succès, il n'en serait pas sur la qualité des prêts, sur de faibles taux d'intérêt moins nécessaire de faire un effort particulier pour plutôt que sur l'élargissement de l'accès au crédit, constituer et appuyer des institutions financières et sur la production agricole plutôt que sur la occupant certains créneaux bien précis. Il ne semble promotion d'une économie rurale diversifiée, axée pas exister de « mécanisme du marché » qui puisse inciter les institutions financières établies à sur le marché. Leur mauvaise performance commencer d'offrir des services financiers à des financière les rend tributaires de subventions qui groupes défavorisés aussitôt après la réforme du épuisent les coffres de l'État et privent d'autres secteur financier... À moyen et à long termes, (les secteurs de ressources. Le laxisme budgétaire ma- banques) ont d'autres options stratégiques, comme nifesté à leur égard, n'encourage pas les IFR d'État le financement du commerce extérieur. Or, on sait (et leurs clients) à faire preuve de discipline par expérience, qu'elles préfèrent ces autres options financière, et ne les incite pas à adopter de bonnes et qu'elles répugnent à fournir des services aux pratiques de gestion ni à renforcer leurs capacités catégories démunies si elles ne reçoivent pas institutionnelles. d'incitations et d'assistance technique particulières Dans la nouvelle approche du financement ru- pour les motiver et leur permettre de desservir le ral, caractérisée par des interventions publiques «marché de masse » des pauvres.» limitées, laissant agir les forces du marché, les Source: Krahnen et Schmidt, 1995, 8. interventions de l'État ont pour objectif d'éliminer les causes des défaillances du marché plutôt que leurs effets. Lever les obstacles macroéconomiques, la performance des IFR en ce qui concerne la sectoriels, juridiques et réglementaires à présence locale et l'autonomie financière (voir le l'intermédiation financière rurale ne suffit pas, chapitre 7). Pour faire des progrès dans ces deux cependant, pour qu'apparaissent des IFR efficaces domaines, les IFR ont besoin d'une bonne et performantes. Les réformes sont de nature à gouvernance, ce qui veut dire une définition claire faciliter le processus, mais un effort concerté est et une délimitation nette du rôle et des pouvoirs nécessaire pour mettre en place des institutions de l'État, des bailleurs de fonds, de la banque solides (voir l'encadré 8.1)9. centrale et des autres organismes concernés. Des Le renforcement des capacités institutionnelles équipes de direction compétentes, jouissant d'une est un processus permanent qui vise à améliorer large autonomie, sont également indispensables, de 104 Renforcer les capacités institutionnelles 105 même que des méthodes opérationnelles novatrices • Une structure organisationnelle qui favorise et efficaces, complétées par un solide système la réalisation des objectifs de l'organisation, d'information. qui soit réceptive aux besoins des clients, et Nous présentons ci-après les grandes lignes des qui engendre une concertation appropriée. politiques et des pratiques institutionnelles • Des systèmes et des méthodes qui ne dé- nécessaires pour renforcer les institutions routent pas les clients, qui facilitent la bon- financières rurales. Le chapitre commence par une ne circulation de l'information et qui assu- définition des capacités institutionnelles, suivie rent la transparence des opérations et des d'une description des principaux problèmes politiques institutionnelles. rencontrés par les IFR. Il se termine par une analyse • Un personnel motivé et qualifié qui applique détaillée des éléments clés d'une stratégie globale efficacement les méthodes opérationnelles de renforcement des capacités institutionnelles. et qui puisse les adapter et les perfectionner en permanence. Qu'entend-on par capacités institutionnelles ? L'aptitude à obtenir les ressources humaines, financières et techniques appropriées. Par capacités institutionnelles, on entend la mesure dans laquelle les objectifs et les procédures d'une Problèmes rencontrés par les IFR organisation déterminent ses activités courantes. Edgecomb et Cawley (1994) définissent les Peu d'IFR rurales appuyées par l'État et par les capacités institutionnelles comme étant l'aptitude bailleurs de fonds sont capables de fournir des de l'organisation à passer de la réflexion à l'action services financiers à la clientèle ciblée de manière et à se structurer. Elles comportent les éléments autonome. L'accès à un flux continu de fonds à suivants : bon marché, l'absence d'impératifs commerciaux Une solide équipe de direction, capable de et le peu d'attention accordée aux questions communiquer la mission de l'organisation d'information et d'incitations dans la mise au et de traduire ses objectifs en actions. point des mécanismes institutionnels et des Encadré 8.2 L'impact potentiel des bonifications d'intérêts Outre leurs effets sur l'économie dans son ensemble, • Les taux de rétrocession inférieurs à ceux du les subventions peuvent avoir, accidentellement, les marché attirent les profiteurs. Ils aboutissent effets institutionnels suivants sur l'intermédiation en outre à rationner le crédit, ce qui favorise financière rurale : généralement les riches et ceux qui ont des re- • Les taux de rétrocession bonifiés peuvent ame- lations dans les milieux politiques. ner un relâchement de la discipline financière • Les taux de rétrocession inférieurs à ceux du dans les institutions financières rurales (IFR) ou marché peuvent encourager la corruption et la parmi la clientèle, car on considère souvent les fraude institutionnelles, car le personnel des prêts à bon marché comme des dons qu'il n'est institutions peut être tenté de profiter de la dif- pas nécessaire de rembourser. férence entre les taux d'intérêt pour obtenir des • Les prêts à bon marché accordés aux clients dé- pots-de-vin des clients. couragent la mobilisation de l'épargne, car ils em- • Les subventions empêchent les IFR de parvenir pêchent les institutions de servir des taux d'intérêt à l'autonomie financière, car il faudrait que la rémunérateurs sur les dépôts, et les opérations marge d'intérêt couvre tous les frais adminis- peu coûteuses de réescompte associées à ces prêts tratifs et financiers à long terme. Il faut géné- sont généralement plus faciles à administrer que ralement des taux d'intérêt supérieurs à ceux la mobilisation et la gestion des dépôts. du marché pour couvrir les coûts de transac- * Étant donné les contraintes qui pèsent sur le tion et les risques inhérents au créneau des IFR. budget del'État,on peut prêter àun moins grand Le retrait ou la suppression des subventions nombre de clients si les prêts sont bonifiés (le de l'État ou des bailleurs de fonds peut nombre d'emprunteurs diminue à mesure que plonger les IFR et leurs clients dans de graves la subvention par dollar prêté augmente). difficultés financières. 106 Les finances rurales procédures opérationnelles se traduisent par un incapables de dépister et de prévenir les manque de rigueur dans l'évaluation des crédits comportements dictés par la recherche de et l'application des contrats par des insuffisances l'avantage personnel. dans le recouvrement des prêts, et par des Les équipes de direction des IFR sont entravées procédures administratives coûteuses. Vidée que par le manque d'autonomie dans l'élaboration des les prêts financés par les bailleurs de fonds sont politiques opérationnelles. Comme elles n'ont des dons qu'il n'y a pas lieu de rembourser n'incite qu'une responsabilité limitée, elles ne sont pas pas à la discipline financière, aussi bien du côté motivées pour suivre de bonnes politiques. Les IFR des clients que des institutions (voir l'encadré 8.2). sont souvent les instruments du clientélisme, et Ces facteurs ont causé la faillite de nombreuses les politiciens s'en servent pour gagner des appuis institutions financières rurales. électoraux au lieu de les aider à fournir des services En raison de l'inefficacité des politiques suivies, financiers aux populations rurales défavorisées. seule une petite partie du marché recherché a été L'encadré 8.4 présente un exemple type atteinte. Dans la plupart des cas, ce sont les riches d'ingérence politique. et les gens influents qui sont les principaux bénéficiaires des programmes. Les bonifications Éléments clés du renforcement des capacités d'intérêts attirent les profiteurs et ne profitent guère aux clients défavorisés (voir l'encadré 8.3). Il n'y a pas de formule universelle pouvant assurer Les carences de gouvernance expliquent que la la prospérité des IFR: pour déterminer l'approche plupart des institutions financières rurales soient opérationnelle la plus adaptée, on doit tenir Encadré 8.3 Les bonifications d'intérêts: De bonnes intentions, des résultats décevants Onatentébiendesfoisd'atteindredesclientèlesdonnées les demandes, sans pour autant faire baisser en subventionnant fortement les taux de rétrocession. sensiblement les taux effectifs payés par les emprun- Mais, en milieu rural, les pauvres et les petits agriculteurs teurs (taux officiel plus dessous-de-table). sont beaucoup plus sensibles à la possibilité de bénéficier, Le fait de tolérer les dessous-de-table appauvrit au moment voulu, de mécanismes formels de crédit et l'intermédiaire financier, nuit à la discipline financière d'épargne fiables qu'à des bonifications d'intérêts. Voici et va à l'encontre du principe du remboursement des comment un projet de crédit envisagé pour un pays en prêts. En effet, un emprunteur contraint de verser un transition est décrit dans un rapport d'évaluation récent dessous-de-table n'est guère motivé pour rembourser de la Banque mondiale: le prêt, puisqu'il n'a pas reçu l'intégralité du montant Les individus désireux de créer une micro- du prêt. Le non-remboursement des prêts provoque entreprise n'ont pas accès au crédit bancaire classique, une dégradation supplémentaire de la situation dont les taux d'intérêt sont actuellement de 24 % à financière de l'intermédiaire financier. Dès lors, il 32 % (à quoi il faut apparemment ajouter un semble souhaitable à tous égards de relever le taux de dessous-de-table de 10 % pour obtenir l'approbation rétrocession. du prêt). Le crédit informel, à des taux mensuels de Un an Six mois 5 % à 10 %, est essentiellement destiné aux activités Taux débiteur annuel 24 % 24 % commerciales portant sur des montants de plus de Dessous-de-table 10 000 dollars. (payé d'avance) 10% 10% Le taux de rétrocession envisagé dans le cadre du payé d'aane)% projet est de 24 % (environ 3 % en valeur réelle). Le annuel effectif 38% 55% tableau ci-dessous indique les taux d'intérêt effectifs à verser par les emprunteurs, compte tenu du Il ne sert manifestement à rien de recourir aix dessous-de-table. En l'occurrence, et si l'on suppose subventions pour faire baisser les taux de rétrocession que les taux d'intérêt effectifs (dessous-de-table si, en faisant tomber les taux en dessous du taux du compris) payés par les emprunteurs reflètent le marché, on encourage la recherche de l'avantage manque de capitaux dans le pays, toute intervention personnel (sous forme de dessous-de-table). ayant pour effet d'abaisser les taux d'intérêt ne fera qu'enrichir les profiteurs tels que l'agent de la Source : Calculs des auteurs sur la base de données de la banque qui statue sur l'octroi des prêts et approuve Banque mondiale. Renforcer les capacités institutionnelles 107 Encadré 8.4 Les institutions de crédit rural, instrument politique: L'annulation de la dette en Inde Les institutions financières rurales (IFR) associées aux « Les emprunteurs qui sont en défaut de paiement pouvoirs publics deviennent souvent le bouc émissaire de « propos délibéré » sont en général des gens des politiciens. Leur clientèle influente en fait une cible influents dans la société et dans la vie politique, dont politique de choix. En 1989, le Comité d'étude du l'exemple risque d'être suivi par d'autres ; dans le crédit agricole désigné par le Gouvernement indien a contexte démocratique actuel, l'organisme de crédit/ rapporté les faits suivants : l'administration répugne à s'en prendre à l'élite rurale « En période électorale, et même à d'autres qui, officiellement et officieusement, jouit d'une gran- moments, les candidats font une forte propagande de influence et détient un pouvoir considérable. Dans pour que les institutions de crédit diffèrent le re- de nombreuses régions du pays, l'agitation paysanne couvrenent des prêts, ou ils exercent des pressions prend des formes militantes, et dans beaucoup de pour qu'elles accordent des délais supplémentaires de villages, on voit des banderoles interdisant l'accès au façon à éviter ou à reporter le déclenchement des village à tout représentant de banque venu obtenir le procédures de recouvrement. À l'occasion des visites recouvrement d'un prêt. Il y a de quoi doucher sur le terrain, on nous a souvent signalé que les facteurs l'enthousiasme des agents les plus consciencieux. Il politiques étaient la cause de défauts de paiement règne ainsi un climat général d'hostilité grandissante généralisés sous prétexte de mauvaises récoltes dans à l'égard du recouvrement des créances. » (Troisième diverses régions » (Troisième partie, par. 36). partie, par. 39). Source: Banque mondiale, 1994b. compte de facteurs tels que le créneau du marché doivent être soumises à des lois prudentielles et à et le contexte socio-économique. On analyse ci- un contrôle prudentiel relativement étroit de la après les principales composantes des capacités part des autorités monétaires, en vue de préserver institutionnelles et on propose quelques principes les intérêts des créanciers et d'assurer la stabilité de renforcement institutionnel pour les IFR du secteur financier. Il n'appartient pas, toutefois, formelles et semi-formelles. à l'organisme de réglementation de s'occuper de la gestion des opérations courantes de l'institution. Assurer une bonne gouvernance À l'autre extrême, on trouve les petites mutuelles de crédit ou les banques villageoises. Il convient de définir clairement les attributions Comme les clients et les déposants en sont souvent et les responsabilités des entités chargées de les propriétaires, elles peuvent assurer leur propre l'administration et de la supervision des IFR. En réglementation. Là encore, il peut y avoir un risque général, il s'agit de l'organisme d'audit ou de de recherche d'avantages ou de conflit d'intérêts réglementation externe, des propriétaires (qui entre les emprunteurs et les déposants (Chaves et peuvent être des particuliers, des organisations non González-Vega, 1994). Étant donné que cela gouvernementales,desadministrationslocalesou dépend de la taille de l'institution et des nationales, ou des bailleurs de fonds), et de l'équipe informations dont disposent les déposants, un de direction de l'IFR. certain degré de contrôle externe se justifie si l'institution mobilise des dépôts et si ses activités Supervision et règles prudentielles. Le degré et prennent de l'expansion. Il n'est pas nécessaire que les modalités de réglementation appropriés ce contrôle soit exercé par les autorités monétaires. dépendent de la taille, de la structure du capital et L'audit externe ou le contrôle exercé par les services de la nature de l'institution. À un extrême, on centraux d'une fédération de mutuelles de crédit trouve les grandes institutions bancaires formelles, peuvent suffire. La réglementation prudentielle dont les propriétaires et les clients sont des entités peut se borner à séparer les attributions et les distinctes et dont les nombreux déposants sont pouvoirs de la direction et du conseil relativement peu informés. Ces institutions d'administration ou du comité de surveillance, 108 Les finances rurales encore que dans beaucoup de pays, les IFR sont assujetties aux lois prudentielles si elles prennent Encadré 8.5 Informelle ou formelle ? Une des dépôts (voir l'encadré 8.5). institution sud-africaine Pour déterminer le niveau de supervision approprié, on doit évaluer les coûts potentiels « Quand les autorités de contrôle bancaire sud- d'une supervision formelle. Les prescriptions africaines ont pris connaissance des opérations de réglementaires (comme le minimum obligatoire Sun Multi Serve, l'organisation avait déjà levé fonds propres) peuvent, dans certains cas, environ 50 millions de rand (13 millions de dollars) defnds propre peve dase rains cs auprès de 53 000 investisseurs noirs - c'est-à-dire freiner l'activité d'une petite IFR semi-formelle, et bien plus que le seuil statutaire de 9,9 millions de l'obliger à limiter la gamme de ses produits ou à rand (2,7 millions de dollars) à partir duquel les se retirer complètement du marché. établissements sont soumis aux lois bancaires. Les autorités sont intervenues et ont gelé les avoirs de Gestion. Pour prospérer, une IFR doit posséder Sun Multi Serve en attendant les résultats d'une une solide équipe de direction, capable de formuler enquête. Le chef de la supervision bancaire à la et de transmettre la philosophie et les objectifs de banque centrale soutient que Sun Multi Serve est l'institution. La direction doit être comptable des une structure en chaîne et qu'il incombe aux services résultats de l'institution. Pour cela, il faut qu'elle de tutelle de protéger les déposants. Sun Multi Serve, jouisse d'une grande autonomie dans le choix des quant à elle, affirme être un stokvel (plan d'épargne q oinformel ou mutuelle de crédit) dans la tradition politiques opérationnelles. L'autonomie est africaine et fait valoir qu'elle est victime d'une particulièrement importante pour les IFR, car elles « intolérance culturelle ». Certains des déposants ont détiennent souvent des fonds fournis par l'État ou organisé une manifestation de protestation devant des bailleurs de fonds qui souhaiteraient influer la banque centrale. » sur les politiques opérationnelles pour avantager un groupe particulier ou atteindre certains Source: « South African Finance: Not a Formality, » The objectifs, politiques ou autres (décaissements), Economist, 13 janvier 1996. (voir l'encadré 8.6). La direction doit s'attacher à occuper le créneau choisi par l'institution. Ceci peut être encouragé détaillés comportant des objectifs intermédiaires en axant les incitations sur la prestation de services et des indicateurs qualitatifs et quantitatifs de per- à la clientèle en question ou en assurant une formance. Si elle a pour but d'améliorer la participation limitée de la clientèle aux structures mobilisation de l'épargne, les interventions et les de gestion, ce qui a été fait avec succès par la objectifs afférents doivent être spécifiés, ainsi que Banque Grameen au Bangladesh. des indicateurs tels que le nombre de clients désiré, le volume moyen des dépôts annuels, le ratio de Définir les stratégies et les objectifs institutionnels l'épargne aux prêts et les dates butoirs. Le cas échéant, des objectifs provisoires doivent être Les IFR doivent définir expressément leur créneau convenus avec des organismes extérieurs. Si l'IFR et leurs objectifs. Si cela n'est pas fait dès le départ, n'atteint pas ses objectifs, la direction sait qu'il faut les objectifs contradictoires de différentes parties améliorer l'efficacité opérationnelle. prenantes risquent d'empêcher l'institution Dans la définition des buts et des objectifs des d'arrêter les politiques et les procédures qui IFR, il convient de préciser clairement le rôle des contribueront le mieux à l'accomplissement de sa diverses parties prenantes. On trouvera dans mission. Par exemple, si l'intermédiation sociale l'encadré 8.7 un exemple qui illustre l'importance ou la prestation de services sociaux figurent parmi d'avoir des rôles et des objectifs nettement définis. les objectifs institutionnels, il faut le dire clairement, car les objectifs conditionnent au Tirer les enseignements de l'expérience moins les types de services fournis, le mode de du secteur informel fonctionnement et la structure des coûts. Pour mesurer les progrès accomplis, une IFR a On peut apprendre beaucoup des marchés besoin de buts et objectifs clairement définis. Elle financiers informels, sur les pratiques qui doit ensuite établir un plan et un calendrier conviennent dans une collectivité donnée et sur Renforcer les capacités institutionnelles 109 Encadré 8.6 Mutuelles rurales d'épargne et de crédit au Bénin Les mutuelles rurales d'épargne et de crédit ont été • Renforcer les capacités et former le personnel établies en 1975 et dotées du statut de banques loca- et les agents élus, en particulier en ce qui con- les gérées par leurs membres. Peu après, elles ont été cerne les mécanismes et les procédures institu- placées sous la tutelle d'une banque agricole d'État tionnels, la comptabilité, l'audit, la gestion et qui faisait office d'institution faîtière. Cette décision le contrôle financier. a sapé les principes mutualistes et fait passer le pouvoir de décision des membres élus des mutuelles à des Résultats. Le réseau a retrouvé toute sa vitalité gestionnaires nommés par les pouvoirs publics. entre 1990 et 1995. Le nombre des membres a presque L'institution faîtière a utilisé le réseau pour transférer quintuplé, pour passer à 127 000, et le capital social a l'épargne du secteur rural vers le secteur urbain augmenté de 160 %, pour s'établir à 390 millions de (public essentiellement). Du fait de la politique laxiste FCFA. Les dépôts ont progressé de 240 %, passant à de crédit suivie par les administrateurs publics, la 9,4 milliards de FCFA, et les crédits sont passés de situation financière s'est dégradée à tel point que le 200 millions à 6 milliards de FCFA. Le taux de re- réseau s'est retrouvé au bord de la faillite dans les couvrement des créances est toujours supérieur à années 80. 98 %, et plus de 90 % des banques locales ont affiché des bénéfices d'exploitation avec le soutien des Stratégie de réforme. Plusieurs bailleurs de fonds, bailleurs de fonds extérieurs. Des mesures ont été dont la Banque mondiale, ont reconnu l'importance prises pour assurer la viabilité à moyen terme des des associations d'épargne et de crédit dans associations régionales et de la fédération nationale. l'intermédiation financière rurale et ont participé à la formulation d'un plan de redressement qui consistait Nouveaux défis. Y a-t-il une ombre au tableau ? notamment à: Le succès et la popularité ont fait renaître ces risques • Rétablir un cadre de politique macroéconomi- mêmes qui avaient été à l'origine des déboires des que et de politique sectorielle favorable; années 80. L'intérêt des pouvoirs publics, qui avait • Gagner la confiance des populations rurales en décru pendant la période de crise, ne cesse revenant aux principes mutualistes et en don- d'augmenter ; l'État et les bailleurs de fonds rivalisent nant aux membres le pouvoir d'agir (le gouver- pour proposer de nouvelles lignes de crédit et de nernent a accepté de ne pas intervenir dans les nouvelles activités (telles que les prêts à moyen terme) affaires du réseau) ; dans lesquelles le réseau n'a ni expérience ni avantage • Considérer les ressources financières exté- comparatif. On invoque de nouveau les « défaillances rieures comme un complément de l'épargne du marché » pour justifier ces interventions. plutôt que comme la principale source de fonds L'expansion considérable du crédit (2 900 %) s'est faite locaux; aux dépens des considérations de sûreté. Le ratio des • Instituer des politiques de crédit plus rigoureu- prêts à l'épargne est passé de 50 % à plus de 60 %, le ses en mettant l'accent sur les garanties et la montant moyen des prêts et le recours aux lignes de viabilité financière; crédit extérieures ont augmenté, et les prêts groupés • Établir le principe du «recouvrement intégral » sont en baisse par rapport aux prêts individuels. des créances, de façon à assurer la ponctualité L'histoire ne serait-elle pas en train de se répéter ? des remboursements; • Utiliser les prêts groupés, profiter du fait que Enseignements. Les mesures de redressement ont les emprunteurs et les responsables élus des indéniablement porté leurs fruits, mais le succès n'est associations se connaissent et jouer sur la pas nécessairement permanent. On risque de pression sociale pour obtenir le rembourse- commettre à nouveau les erreurs trop vite oubliées. Il ment des dettes ; est donc impératif, en période de succès, de faire • Appliquer des taux d'intérêt réels positifs et preuve de circonspection et de modération. dei marges suffisantes pour assurer la viabi- lité financière ; Source: Contribution de Luciano Mosele. les opportunités offertes par le marché pour mieux utilise des méthodes avec lesquels le marché ciblé est répondre aux besoins financiers de la collectivité familiarisé a plus de chances de faire accepter ses considérée. Une IFR qui offre des produits ou qui produits et d'élargir sa clientèle (voir l'encadré 6.3). 110 Les finances rurales Encadré 8.7 Agence de réinstallation et de développement de Mysore L'Agence de réinstallation et de développement de Ce mauvais bilan est imputable à plusieurs Mysore (MYRADA) a été créée en 1968 pour faciliter facteurs. Tout d'abord, la confusion au niveau des res- l'insertion des réfugiés tibétains. En 1984, l'agence a ponsabilités et des objectifs de développement a lancé un projet de développement et de services plongé les dirigeants et les membres des groupements financiers communautaires avec des groupements de dans l'incertitude. Deuxièmement, les services gestion du crédit. Aujourd'hui, le programme, qui financiers offerts et la façon dont les groupements sont emploie 67 personnes, dessert 388 villages et plus de organisés varient considérablement. Chaque groupe- 10 000 membres de groupements de gestion du crédit. ment doit résoudre de son côté des problèmes tels que les conditions d'adhésion, les taux d'intérêt, le District de Kamasamudran. Le modèle établi par montant des prêts et leur utilisation. En troisième lieu, la MYRADA dans ce district met l'accent sur le dévelop- Indian Bank offre, à travers son Programme de déve- pement institutionnel des groupements de gestion du loppement rural intégré, des prêts bonifiés à des crédit. Les résultats sont encourageants : le taux global membres sélectionnés par les groupements de gestion de remboursement s'établissait à 85 % au début de du crédit, dont le montant moyen est 12 fois plus élevé 1993, les groupements féminins faisant mieux que que celui des prêts accordés sur les fonds du groupe- leurs homologues masculins. Les comptes étaient à ment lui-même. Cet accès aux fonds du Programme jour et exacts, les réunions bien organisées, et les de développement rural intégré modifie radicalement membres individuels bien informés de leurs droits et la structure des incitations données aux membres, de leurs responsabilités. notamment en ce qui concerne le remboursement des prêts. Il va également à l'encontre d'un renfor- District de Dharmapuri. Dans cette région du cement de la mobilisation de l'épargne auprès des Tamil Nadu, la MYRADA a collaboré avec de membres. Enfin, l'emploi d'animateurs villageois nombreuses institutions gouvernementales et rémunérés, enclins à vouloir diriger les groupements, organisations non gouvernementales (notamment sape le principe d'autonomie qui est l'une des Plan International, le Fonds international pour le dé- caractéristiques essentielles des projets de la MYRADA veloppement agricole, Indian Bank, et le Programme qui fonctionnent mieux. de développement des femmes du Tamil Nadu) en vue de fournir des services financiers et autres à des Conclusion. L'efficacité de l'approche fortement groupements villageois défavorisés. Les activités participative adoptée par la MYRADA dans le district consistent à aider à la formation et au développement de Kamasamudran s'explique par la définition claire d'associations locales d'épargne et de crédit ; à des rôles, des responsabilités, des incitations et des distribuer des crédits bonifiés provenant du critères de performance, aussi bien pour le personnel Programme de développement rural intégré de l'État ; de l'Agence que pour les dirigeants et les membres à donner une formation professionnelle aux jeunes; des groupements de gestion du crédit. Elle tient aussi à fournir une assistance technique dans les domaines au bon échelonnement des activités organisationnelles de l'agriculture, de la foresterie et de l'élevage ; et à et financières. Dans le district de Dharmapuri, aider à la réinstallation, à l'aménagement des bassins l'approche suivie est devenue difficile à gérer à cause versants et à la récupération des terres. de la participation anarchique de multiples Dans ce district, les résultats ont été décevants. institutions. Les résultats financiers et la cohésion des Les groupements de gestion du crédit ont générale- groupements ont pâti de la confusion au niveau des ment fait preuve d'un manque de discipline objectifs et des incitations et du fait qu'on pouvait financière: on estime le taux de remboursement à obtenir des prêts subventionnés dans le cadre d'un 54 % seulement ; l'épargne s'est stabilisée à moins de programme gouvernemental. En résumé, la 50 % du portefeuille de prêts ; les frais afférents à la complexité et la multiplicité des objectifs dans le prestation des services financiers ont atteint au moins district de Dharmapuri ont nui à la performance 31 % par suite de la participation de nouvelles financière et à la solidité des groupements. institutions, et les membres ont une idée confuse des calendriers et obligations de remboursement. Source: Contribution de Lynn Bennett et Mike Goldberg. Renforcer les capacités institutionnelles 111 Cela étant, les IFR formelles ne devraient pas ont des exigences comparables à celles des citadins avoir pour objectif de supplanter le marché des (accès au crédit, épargne, assurance et facilités de capitaux informel, mais plutôt de le concurrencer paiement). dans certains domaines et de le compléter dans Cela étant, les besoins des clients ruraux d'autres, en offrant une gamme plus large de peuvent être différents du point de vue de la produits à une clientèle plus nombreuse. Par structure ou de la nature des produits demandés exemple, l'existence dans une collectivité de et des mécanismes de prestation des services. Par tontines ou d'associations d'épargne volontaire exemple, les IFR se bornent souvent à accorder des montre que cette collectivité est réceptive à des prêts à moyen terme, orientés vers la production, programmes financiers à base associative. Bien à échéance fixe. Des instruments d'épargne li- souvent cependant, les membres des tontines n'ont quide, des facilités de découvert, ou d'autres for- pas accès aux établissements de dépôt qui versent mes de fonds rapidement accessibles sont peut- des intérêts et, par conséquent, lorsqu'ils reçoivent être plus adaptés aux besoins d'un client ayant un les économies collectives, ils ont tendance à les thésauriser ou à tout dépenser immédiatement. En offrant des comptes collectifs d'épargne rémunérée aux tontines et des comptes individuels à leurs Encadré 8.8 Le formel rencontre l'informel en membres, on encourage l'épargne et on améliore Afrique du Sud la rémunération de l'épargne des membres. L'encadré 8.8 montre comment des innovations Le stokvel est un système informel d'épargne ou une lancees par des banques commerciales sud- mutuelle de crédit où les membres versent généra- lement une cotisation mensuelle. Les stokvels font africaines complètent les systèmes d'épargne partie du paysage financier de l'Afrique du Sud informels, depuis des décennies. L'Association nationale des stokvels d'Afrique du Sud compte environ Déterminer les services dont les clients ont besoin 11 000 membres. Il existe plusieurs types de stokvels. Certains sont des « systèmes d'assurance obsèques », Bien se positionner sur un créneau, c'est répondre dont les fonds servent à payer les obsèques des à la demande de services financiers de la manière membres (cérémonies coûteuses chez les Sud- qui profite le plus possible à la clientèle. D'après Africains noirs). D'autres distribuent la totalité de Krahnen et Schmidt (1995), « le positionnement leurs fonds aux membres tous les mois, à tour de sur un créneau relève plus des grandes orientations rôle, pour qu'ils puissent faire des achats autrement de l'institution ou de sa culture d'entreprise que inabordables. D'autres conservent tout simplement e o . . le produit des cotisations (sans intérêts) en lieu sûr. de l application judicieuse des techniques ou des Ils ont généralement un nombre de membres ficelles du métier ». En termes commerciaux, cela restreint, encore que certains stokvels en aient veut dire que les institutions de développement maintenant quelques centaines. doivent être à l'écoute des clients. Certaines grandes banques commerciales Les planificateurs du développement ne doivent d'Afrique du Sud ont récemment mis au point des pas partir de l'idée qu'ils connaissent les besoins instruments d'épargne adaptés aux stokvels. Ces des clients mieux que les clients eux-mêmes. derniers peuvent ouvrir un compte bancaire unique L'étude des besoins financiers de la clientèle cible, au nom du groupement, avec pouvoir de signature qui évoluent avec le temps, doit faire partie pour certains membres. Des prêts peuvent intégrante d'un processus constant d'affinement également être accordés sur la base de l'épargne des produits, des politiques et des méthodes constituée. Ces instruments d'épargne et de crédit opératoires. On peut s'inspirer, à cet effet, des permettent aux membres de mettre leur argent à leoérators . On peuté s ser, asu r ce e ders l'abri, d'obtenir une rémunération sur leur épargne leçons du marché informel, consulter les leaders et d'avoir accès à des fonds supplémentaires. Les locaux, rencontrer les clients actuels, passés et banques, quant à elles, peuvent se procurer des fonds futurs, et analyser les défauts de paiement et la à rétrocéder sous forme de prêts dans un cadre performance des produits. réglementé. Il est démontré que, contrairement à l'idée reçue, le crédit n'est pas l'unique besoin financier Source: D'après « South African Finance: Not a Formali- des ruraux. Ces populations, y compris les pauvres, ty », The Economist, 13 janvier 1996. 112 Les finances rurales bon crédit en période de difficultés financières des banques mobiles, ou une combinaison des personnelles. deux. Les banques villageoises reposent sur les associations locales d'épargne et de crédit qui Établir des modes de prestation appropriés peuvent être reliées à des institutions financières formelles (voir l'encadré 8.9). Les banques Il est particulièrement difficile de fournir mobiles sont, par exemple, de petites agences efficacement des services financiers en milieu ru- villageoises, peu coûteuses à exploiter, ouvertes ral. Les IFR doivent surmonter de nombreux certains jours seulement. Elles ont un petit nom- obstacles, notamment la dispersion géographique bre d'employés, qui passent beaucoup de temps des clients, le manque d'infrastructures et moyens à aller voir les clients, que ce soit au marché, de transport, le peu de temps libre des pauvres en dans le cadre de réunions organisées en plein zone rurale, les taux élevés d'analphabétisme et air ou à domicile. d'autres barrières sociales, le manque d'information, et les insuffisances des mécanismes Manque de temps et de mobilité. Il faut accorder formels d'exécution des contrats. une attention particulière à ces contraintes, notamment au manque de mobilité des pauvres, Contraintes géographiques. Certaines et surtout des femmes pauvres. Les IFR doivent institutions financières rurales utilisent avec déterminer quel est le moment de la journée ou succès la formule des banques villageoises ou de la semaine pour rencontrer des clients Encadré 8.9 Banques villageoises Les banques villageoises sont des « associations vulgarisateurs qui initient les dirigeants élus à la collectives de crédit et d'épargne conçues pour gestion bancaire : styles de gestion et responsabilités permettre à leurs membres d'obtenir de meilleurs des dirigeants, critères d'adhésion, procédures services financiers, constituer des groupements administratives, et tenue de dossiers élémentaires sur d'entraide locale et aider leurs membres à accumuler l'épargne et les prêts. Certaines ONG offrent d'autres des économies » (Holt, 1991). Le montant des prêts services de formation et d'appui, par exemple, des personnels, appuyés par la garantie solidaire de la techniques d'amélioration de la productivité, des banque villageoise, augmente si l'emprunteur services nutritionnels et des soins de santé infantile. rembourse à temps et fait des économies. CARE/Guatemala. CARE/Guatemala a lancé un L'augmentation est fonction de l'épargne constituée projet pilote de banque villageoise en avril 1988, suivi par le membre pendant le cycle des prêts (de quatre à d'un programme à grande échelle au début de 1991. six mois). Le participant type est une femme rurale à Le programme vise à remédier au fait que les femmes faible revenu, qui n'a pas accès à des services financiers rurales ont du mal à obtenir des capitaux de roulement abordables et qui est tributaire des prêteurs du secteur à un coût abordable, ainsi qu'un soutien technique informel et des intermédiaires. qui leur permettrait d'avoir des activités de production Diverses organisations non gouvernementales et de commerce rémunératrices. Dans le cadre du (ONG) internationales ont adopté des approches ins- programme, chaque banque villageoise participante titutionnelles différentes. Katalysis crée des banques reçoit un prêt à court terme. L'épargne est obligatoire. villageoises en coopération avec des ONG locales ; On leur enseigne des rudiments d'organisation et on Freedom from Hunger collabore avec des mutuelles leur fournit une assistance technique limitée, orientée de crédit établies. Le Catholic Relief Services a des vers la production. Cette méthode est aujourd'hui très institutions faîtières au Pérou, en Thaïlande et au répandue en raison de l'élément de pression des pairs, Honduras, qui travaillent avec des ONG et des du partage du risque économique et du mode de mutuelles de crédit locales. Le Secours mondial, Save prestation, qui tient compte des contraintes et des the Children et HOPE ont des agences locales, tandis opportunités économiques des femmes en milieu ru- que la Foundation for International Community ral. À la fin de 1994, plus de 10 000 femmes participaient Assistance a des affiliés locaux qui ont un réseau au programme, et CARE faisait état d'un taux de rem- bancaire. boursement des prêts dans les délais fixés de 99 /l. Dans les projets de services bancaires de village, la formation est généralement assurée par des Source: Contribution de Lynn Bennett et Mike Goldberg Renforcer les capacités institutionnelles 113 potentiels, et organiser l'accès et programmer les arrangements contractuels appropriés et des réunions en conséquence. procédures opératoires claires, notamment des mécanismes basés sur la réputation individuelle, Manque d'instruction. Pour surmonter des opérations combinant le crédit et l'épargne, l'obstacle constitué par le manque d'instruction des mécanismes de groupe pour la sélection des de base, on devrait autoriser le recours à des clients, l'emploi de personnel local, et un suivi témoins pour légaliser les contrats signés par des direct intensif (Stiglitz et Weiss, 1983 ; Bell, 1988 ; clients qui ne savent pas lire ou compter. Pour Varian, 1990). Les méthodes utilisées pour obtenir les petites opérations, les contrats écrits des renseignements sont souvent extrêmement devraient être remplacés par des contrats efficaces dans le domaine de l'exécution des verbaux, des régimes de responsabilité conjointe contrats. et des rencontres périodiques avec les clients. Il faut indiquer à tous les clients quel est le taux Maîtriser le coût des transactions d'intérêt effectif, pas seulement le taux nomi- nal, et le montant et le calendrier des échéances Il faut réduire au minimum le coût des doivent toujours être clairement expliqués. Une transactions, aussi bien pour les clients que pour formation portant sur la gestion financière, les IFR, de façon qu'elles puissent développer leur l'établissement des budgets, les taux d'intérêt, présence locale et améliorer leurs résultats les garanties et les procédures de saisie financiers. permettrait sans doute d'éviter les malentendus, Le système de prestation est un facteur d'améliorer la ponctualité des remboursements déterminant des coûts de transaction. Si un groupe et d'établir durablement de bonnes relations de solidarité prend en charge la majeure partie des entre le client et l'institution. coûts de tri, de sélection et d'exécution des contrats, les frais de l'institution s'en trouveront Autres barrières sociales. Certaines entraves au réduits d'autant. Les techniques novatrices comme commerce tiennent à des facteurs sociaux tels que les services mobiles peuvent alléger encore les le sexe et l'origine ethnique (voir l'encadré 3.5). coûts pour les IFR et leurs clients. Diverses formes d'intermédiation sociale peuvent En faisant appel à une technologie appropriée, être nécessaires pour mettre des services financiers l'institution peut éviter d'avoir à être physique- formels à la disposition des marginaux. Pour ment présente sur place, tout en économisant surmonter les barrières sociales, l'une des plus du temps et de l'argent sur l'instruction des importantes formes d'intermédiation consiste à dossiers de prêt. La Swazi Business Growth Trust fournir des services d'épargne et de crédit groupés. (Swaziland), qui n'a pas de réseau physique Tout d'abord, il faut mettre les clients en mesure d'agences, utilise les cartes à puce qui permettent de former et de gérer des groupes, au moyen aux clients d'effectuer des opérations dans des éventuellement d'une assistance technique en banques commerciales ordinaires (voir grande partie gratuite. Dans un deuxième temps, l'encadré 8.11). ces groupes seront mis en contact avec des IFR Un système simple et décentralisé d'instruction formelles avec lesquelles ils auront des liens de des dossiers peut accélérer l'approbation des prêts réciprocité. Le rôle des groupes dans l'inter- et réduire les frais administratifs en abrégeant les médiation financière rurale est décrit dans formalités tout en donnant davantage satisfaction l'encadré 8.10. aux clients. Des agents efficaces, bien préparés et motivés Obstacles au niveau de l'information et de améliorent l'efficacité opérationnelle et limitent les l'exécution des contrats. Le problème d'asymétrie coûts. (On examine plus en détail les questions de dans l'information affecte surtout les relations à politique du personnel en fin de chapitre.) l'extérieur d'une collectivité donnée. Les habitants Un système efficace d'information de gestion des villages disposent souvent de renseignements est indispensable pour maîtriser les coûts de qui ne sortent pas de la collectivité. Les IFR doivent transaction: il accélère et améliore le processus de s'efforcer de recueillir les informations indispen- décision, il permet au personnel de déceler et de sables en utilisant systématiquement des régler immédiatement les problèmes qui risquent 114 Les finances rurales Encadré 8.10 Le bon usage des groupes dans l'intermédiation financière rurale Quand utiliser les groupes ? • La responsabilité solidaire compense l'absence • Quand il existe une forte cohésion au sein de la de garanties individuelles ; collectivité ; • Amélioration du recouvrement des prêts (tri • Quand les coûts de démarrage et de transac- et sélection plus efficaces des emprunteurs en tion sont élevés ; raison de la pression des pairs et de la respon- " Quand les individus (membres potentiels du sabilité solidaire, surtout si les conditions du groupe) peuvent obtenir des informations les prêt comportent des sanctions et des incita- uns sur les autres pour moins qu'il n'en coûte- tions collectives) ; rait à la banque ; • Amélioration de la mobilisation de • Quand les particuliers ne peuvent pas offrir de l'épargne, surtout si le mécanisme comporte sûreté. des incitations ; Comment mieux tirer parti des groupes ? a Réduction des frais administratifs (sélection, tri • Choisir de petits groupes homogènes qui assu- et recouvrement des prêts). meront une part de responsabilité dans la su- Les inconvénients des groupes pervision de leurs fonds; a Risque de mauvaise tenue des fichiers et laxis- • Imposer des sanctions (comme l'impossibilité me dans l'exécution des contrats ; d'obtenir de nouveaux prêts en cas de défaut • Risque de corruption et de domination du de paiement) et donner des incitations (par groupe par un noyau ou un meneur puissant; exemple, en promettant d'accorder des prêts • Risque de covariance en raison de la similarité plus élevés dans le futur à ceux qui rembour- des activités de production; sent dans les délais) ; • Risque de problèmes de remboursement géné- • Instituer le prêt séquentiel (afin de permettre ralisés (effet de contagion) ; aux groupes d'éliminer les mauvais débiteurs). • Risque de participation limitée des femmes en Les avantages des groupes raison de la domination masculine ; • Économies d'échelle (pour un même capital • Risque de consacrer trop de temps et d'argent d'exploitation, on peut toucher une clientèle à la formation de groupes viables ; plus nombreuse) ; • Risque que le départ d'un dirigeant compro- • Économies de gamme (capacité plus grande à mette la viabilité du groupe; fournir des services multiples avec la même • Risque de parasitisme (peut être réduit si le structure) ; groupe peut sanctionner les membres indivi- " Moins d'asymétrie dans l'information, grâce à duels). la connaissance qu'ont les groupes des emprun- teurs ou épargnants potentiels ; Source : Adapté de Pederson, 1995 Bennett, Goldberg et " Réduction du risque moral grâce à la surveil- Hunte, 1996 ; Besley et Coate, 1995 Huppi et Feder, 1990; lance exercée parle groupe et àla pression des pairs; Rashid et Townsend, 1994. d'avoir de coûteuses conséquences, et il donne à On peut améliorer aussi bien la mobilisation la direction les moyens de mieux superviser les de l'épargne que la qualité et le volume des prêts activités décentralisées. en appliquant des taux de rétrocession réels positifs, qui couvrent le risque réel et l'intégralité Appliquer des taux de rétrocession suffisants des coûts administratifs et financiers découlant de pour couvrir les coûts l'octroi de prêts au groupe cible. Cela permet aux IFR de servir des taux d'intérêt positifs compétitifs Les taux d'intérêt pratiqués dans le secteur sur les dépôts et donc de stimuler l'épargne. informel sont généralement beaucoup plus élevés Disposant de dépôts additionnels, elles peuvent que dans les banques commerciales, ce qui montre ainsi accroître le volume de leurs prêts. Des taux que les pauvres sont disposés et aptes à payer des de rétrocession réels positifs appropriés taux élevés. Ce qu'il leur faut, c'est un meilleur découragent par ailleurs les profiteurs qui risquent accès aux fonds, et non des prêts bonifiés dont seuls d'évincer la clientèle cible lorsque les taux d'intérêt quelques privilégiés peuvent bénéficier. sont subventionnés. Renforcer les capacités institutionnelles 115 Encadré 8.11 La technologie au service des pauvres: La carte à puce fait son arrivée au Swaziland Le Swaziland est un petit pays doté d'un secteur qui dispose de lignes de crédit auprès des banques bancaire relativement développé. Pourtant, les participantes, est informée des transactions et règle banques commerciales ne semblent guère enclines à chaque jour les transferts effectués sur sa ligne de fournir des services financiers aux petites entreprises crédit. Les banques commerciales assurent ce service et aux catégories défavorisées. Cette désaffection tient gratuitement parce que la SBGT est une organisation aux problèmes habituels : manque de sûreté et coût à but non lucratif qui ne leur fait pas concurrence élevé des transactions associées à ces services. auprès de leur propre clientèle. La carte à puce peut La Swa7i Business Growth Trust (SBGT), être utilisée comme une carte bancaire chez les organisasion non gouvernementale privée à but non commerçants et les fournisseurs agréés qui ont lucratif, a direction swazie, a été créée en 1992 avec le l'équipement nécessaire pour lire les cartes. concoui s d Development Alternatives pour Une opération sur carte à puce ne prend qu'une promouvoir le développement des petites entreprises fraction du temps normalement nécessaire pour une en les aidant à obtenir des facteurs de production opération de guichet. Elle permet aux clients de la essentiels. Pour reduire les coûts de transaction liés à SBGT d'avoir aisément accès à des fonds grâce à un l'octroi et au i ecouvrement des prêts, la SBGT a lancé réseau national de distribution, à un coût minimum la carte à pucc. Chaque client reçoit une carte à puce, pour l'organisation. Pour réduire davantage les coûts, qui porte en mémoire toutes les informations perti- la SBGT envisage de mettre le réseau carte à puce en ne rtes sur son emprunt. Les clients de la SBGT peuvent ligne dans les agences de banques commerciales, dès retirer des fonds et effectuer des remboursements dans que le réseau téléphonique du Swaziland le permettra. les agences de, banques commerciales, où a été installé l'équipei nent nécessaire pour lire les cartes. La SBGT, Source: Adapté de McLean et Gamser, 1995. Adapter les coidit ions de prêt à la clientèle cible de l'argent et de l'absence fréquente de distinction entre les finances personnelles et les finances Les cond itions de prêt devraient être simples, professionnelles des clients, surtout quand il s'agit souples et faciles à comprendre pour les clients. de petites entreprises et d'agriculteurs dont la Elles doivent tenir compte de la situation production excédentaire est faible. particulière dc ces derniers. Montant et échelonnement des versements. La Montant des prêts. Le montant des prêts doit capacité de remboursement des clients peut être être fixé en fonc tion des liquidités et de la ca- affectée par des aléas saisonniers ou être fortement paci té de remboursement prévisionnelles du sensible à des phénomènes naturels. On peut tenir client. Dans le calcul de la capacité compte de ces fluctuations sans pour autant d'endettement, il faut tenir compte des risques sacrifier la discipline financière, en proposant des de chute du revenu du client, qui constituent conditions de remboursement plus variées, avec un problème de taille pour beaucoup les taux de rémunération correspondants. En d'institutions de crédit agricole dont les activités proposant des tranches plus rapprochées de faible sont dictees par l'offre (Von Pischke, 1991). montant, les IFR devraient améliorer le recouvre- ment des prêts, suivre plus facilement les Types de prêts. De nombreuses institutions remboursements et déceler rapidement les n'accordent de prêts que pour les investissements problèmes. Krahnen et Schmidt (1995) ont cons- ou les fonds de roulement. Pourtant, les clients taté que le raccourcissement des échéances peuvent avoir un besoin immédiat de crédit de améliorait le recouvrement des prêts aux consommation pour faire face à une crise entreprises non agricoles. financière personnelle ou pour faire des dépenses de consommation ponctuelles élevées. Les Sûretés. Les IFR devraient être disposées à conditions et la nature des instruments de prêt innover lorsque les clients ne peuvent pas fournir doivent être assouplies en raison de la fongibilité de sûretés traditionnelles. Les groupes à respon- 116 Les finances rurales sabilité conjointe et l'épargne obligatoire sont deux empêche les IFR de fixer des conditions de prêt moyens parmi d'autres de remédier à l'incapacité appropriées. Pour suivre de façon systématique la des clients à remplir les exigences de sûreté des performance des prêts, les IFR doivent: banques classiques. Un autre moyen consiste à • Établir un système d'information de gestion établir des contrats multipériodes implicites ou efficace(voir l'encadré 8.12) en vue de sui- explicites, en vertu desquels le montant des vre quotidiennement les règlements, les nouveaux prêts dépend de la ponctualité des échéances, et les arriérés. remboursements antérieurs. • Adopter une méthode transparente et effi- cace pour suivre la performance des prêts. Il Suivre et entretenir la qualité des actifs est fortement recommandé d'utiliser l'analyse chronologique des arriérés, comme Les problèmes de recouvrement des prêts sont une le fait la Banque de l'agriculture et des co- cause majeure de difficulté financière pour les IFR. opératives agricoles en Thaïlande (voir la fi- Il faut accorder une attention particulière d'abord gure 7.3, tableau 7.1). au suivi, puis à l'entretien de la qualité des actifs. Appliquer des procédures comptables trans- parentes, conformément aux principes Surveillance de la performance des prêts. Faute comptables généralement acceptés, en vue de méthode qui permette de définir et d'enregistrer de tenir compte, dans la détermination du systématiquement les arriérés et les pertes sur revenu, des prêts improductifs, des pro- prêts, il est fréquent que les actifs, les bénéfices et visions pour créances douteuses et de la valeur nette soient présentés de façon erronée. l'annulation des prêts irrécouvrables. Beaucoup d'IFR sous-estiment les pertes sur prêts L'analyse chronologique des arriérés permet et surestiment, par conséquent, leur rentabilité. La de faire des prévisions réalistes sur les dé- rentabilité apparente pousse dans certains cas la fauts de paiement. Il faut cependant pren- classe politique à utiliser les institutions à des fins dre en compte les tendances actuelles et les de clientélisme et elle incite les autorités à les taxer tendances futures prévisibles. L'encadré 8.13 plus lourdement. Sur le plan opérationnel, il arrive donne un exemple des distorsions qui que l'apparence de rentabilité favorise le manque peuvent survenir dans les rapports sur les de rigueur dans le tri et la sélection des clients, et recouvrements de prêt lorsque les créances Encadré 8.12 Qu'est-ce qu'un bon système d'information de gestion ? Le système d'information de gestion présente une Cette information permet au personnel des importance cruciale. Il fournit à la direction les agences de donner des incitations aux clients éléments d'information dont elle a besoin pour ou d'enquêter sur les problèmes, soit pour réé- prendre des décisions ; il envoie des signaux chelonner les prêts, soit pour imposer des d'avertissement au personnel des IFR et aux éva- sanctions. Des « profils » des clients pourraient luateurs externes ; et il contribue à la transparence également être établis pour améliorer la sé- des opérations. Un bon système d'information de lection et le tri dans les prêts futurs. gestion fournit au minimum des informations Les IFR doivent s'efforcer en permanence de sur: perfectionner les technologies et les méthodes • La performance financière de l'institution qu'elles utilisent, mais, pour être efficaces, les dans son ensemble; systèmes d'information de gestion n'ont pas besoin • La performance des produits, en particulier d'utiliser les technologies les plus avancées. L'accent en ce qui concerne le recouvrement des prêts doit être mis sur la simplicité et l'intégration du et les arriérés ; système aux activités quotidiennes de l'IFR. Comme • La performance des agences et du personnel le fait observer McNaughton (1992, 120) : « [La (un système de récompense peut être néces- technologie de l'information] doit appuyer le saire à titre d'incitation au personnel) ; processus de gestion, et non pas le précéder. » • La performance des clients ou des groupes en ce qui concerne le remboursement des prêts. Source: Recherches des auteurs. Renforcer les capacités institutionnelles 117 irrécouvrables ne sont jamais passées par Risque covariant. Les IFR sont exposées à une pertes et profits. forte covariance des risques sur leur créneau, étant donné que l'économie rurale est fortement Entretenir la qualité des actifs. Plusieurs influencée par l'agriculture, qui a un caractère facteurs contribuent à l'accumulation d'arriérés saisonnier et qui est sujette à des chocs covariants. importants : mauvaise sélection des clients, suivi La solution consiste à jouer la carte de la insuffisant des prêts, et manque d'incitations au diversification et à nouer des liens avec les remboursement. L'encadré 8.14 présente des intermédiaires financiers d'autres régions conseils sur la manière de réduire les arriérés et (notamment les régions urbaines). d'améliorer le recouvrement des prêts dans les IFR. Risque de défaillance. En milieu rural, les Gérer et diversifier les risques risques covariants, difficiles à maîtriser, et les obstacles à l'information et à l'exécution des La longévité d'une IFR est en grande partie contrats accentuent les risques de défaillance. On fonction de la qualité de la gestion des risques. Sans peut réduire ces risques en triant et en analyser cette question en détail, ce qui serait hors sélectionnant soigneusement les clients, en faisant du propos de cette étude, on signalera les trois appel à des mécanismes de responsabilité catégories de risques qui guettent particulièrement conjointe, en récompensant ceux qui règlent les [FR. ponctuellement leurs échéances (sous forme de bonifications d'intérêt, par exemple), et en suivant Risque lié aux subventions. La dépendance de près la performance des prêts. En constituant envers les subventions menace la viabilité à long des provisions suffisantes pour créances douteuses terme des IFR. Le risque qu'elles, et leurs clients, et en incorporant des primes de risque appropriées courent est le risque de variation, et surtout de aux taux de rétrocession, les IFR peuvent faire face réduction des subventions futures (Krahnen et à ce risque et se prémunir contre les crises Schmidt, 1995). On peut l'atténuer en réduisant financières. Certains pays ont mis en place des la dépendance envers les subventions. systèmes de garantie du crédit afin de diminuer Encadré 8.13 Que se passe-t-il si les créances irrécouvrables ne sont pas passées par pertes et profits ? Beaucoup d'institutions financières rurales ne passent irrécouvrables. En réalité, on se borne souvent à diviser pas les créances irrécouvrables par pertes et profits, le montant des prêts recouvrés par la demande soit en raison des restrictions juridiques, soit par désir (montant échu plus total cumulé des créances de gonfler les bénéfices. Ce faisant, elles risquent de irrécouvrables des exercices précédents). C'est la fausser considérablement les chiffres relatifs au re- méthode appliquée dans plusieurs pays, dont l'Inde. couvrement des prêts. Supposons que l'IFR prête 100 unités de monnaie Le calcul ci-dessous donne un exemple des chaque année, dont 10 ne sont jamais recouvrées et distorsions qui peuvent se produire lorsqu'une créance jamais passées par pertes et profits. Le dénominateur irrécouvrable est reportée et comptée dans le (la demande) augmente, par conséquent, de 10 unités portefeuille de prêts en cours. Les résultats en matière par an, ce qui donne une impression trompeuse de de recouvrement des prêts se mesurent comme suit: dégradation du ratio de recouvrement, alors que la montant des prêts recouvrés, divisé par le montant performance reste constante (à un taux de recouvre- échu pendant l'exercice, déduction faite des créances ment annuel de 90 %). Aninée 1 2 3 ... 10 Recouvrement 90 90 90 ... 90 De 1n~ X 1000/ - = 90 % F: = 82%7% ý - =4 Deiande 100 10 + 100 (10x2) + 100 (10x9) + 100 Source :Yaron, 1994b. 118 Les finances rurales les risques des IFR et de les encourager à prêter à les) et aux déficiences opérationnelles (accès limité, des emprunteurs qui ont des sûretés insuffisantes. peu coûteux, à des instruments d'épargne liquides Les garanties de crédit sont examinées au chapitre 6. et sûrs). Ces dernières années, on a vu se multiplier de Mobiliser les fonds d'épargne sur le marché par le monde différents types d'institutions financières rurales, et les systèmes d'épargne L'épargne a été appelée « la grande oubliée des informelle (notamment les tontines) rencontrent finances rurales » (Vogel, 1984). En effet, tout un succès considérable. La preuve est ainsi donnée récemment encore, elle était en grande partie négligée que les populations rurales peuvent et veulent par les institutions rurales. D'après Robinson (1994), épargner. La Bank Rakyat Indonesia et la Banque ce manque d'intérêt peut être attribué aux idées de l'agriculture et des coopératives agricoles en fausses qui ont cours sur les clients ruraux (les Thaïlande sont des exemples d'institutions pauvres sont incapables d'économiser), au manque financières rurales établies dont l'activité de d'efficacité des politiques suivies (lignes de crédit bon mobilisation de l'épargne est en expansion rapide marché accordées aux institutions financières rura- (voir le chapitre 9). La Cooperative Development Encadré 8.14 Qualité des actifs: Un portefeuille de prêts solide Voici quelques moyens de réduire les défauts: • L'IFR mobilise l'épargne lorsqu'elle est autorisée • Les opérations de prêt répondent à la demande à le faire ; ceci peut donner au client un senti- de crédit bancable (au lieu d'être déterminées ment de propriété des fonds prêtables et de par l'offre). l'institution (Bennett, Goldberg et Hunte, 1996). • Les clients sont soigneusement sélectionnés et • Les clients sont récompensés (par des bonifica- triés : en demandant des références person- tions d'intérêts ou par la possibilité d'emprunter nelles et en formant des groupes, on peut plus) quand ils remboursent ponctuellement et compenser le manque de renseignements sur pénalisés (par saisie et refus de prêts futurs) en les demandeurs de crédit. cas de défaut. • Des formes non conventionnelles de sûreté, tel- • Des incitations sont prévues en faveur du per- les que la responsabilité solidaire, sont acceptées. sonnel (intéressement aux bénéfices et promo- • On exerce le droit de saisie (lorsque la loi le tion) pour qu'il assure avec zèle le recouvre- permet) en cas de défaut de paiement. Bien ment des prêts. que la saisie ne soit pas toujours une bonne • La performance des prêts est suivie en perma- opération financière, en particulier dans le nence grâce à un bon système d'information cas des petits prêts, elle peut décourager les de gestion ; en cas de retard, les responsables défauts de paiement délibérés de la part de la gestion du compte engagent immédiate- d'autres clients. ment une enquête. • Le montant du prêt est soigneusement évalué • La recherche de l'avantage personnel (fraude et et il augmente progressivement en fonction de corruption) est dépistée et découragée, car le la performance du client, de ses revenus, et de personnel est supervisé par les cadres et les au- sa capacité d'endettement. diteurs internes, il bénéficie d'incitations et • Les conditions du prêt répondent aux be- d'une rémunération compétitive, et les oppor- soins du client, sont souples et pratiques du tunités d'arbitrage, qui existent lorsque les taux point de vue du calendrier de rembourse- de rétrocession sont inférieurs aux taux du ment, du montant des versements, et du lieu marché, sont absentes. de versement. • Le risque de covariance lié au portefeuille de • Le contrat de prêt est clair, simple et explicite. prêt est atténué par la diversification de la clien- • Le taux d'intérêt effectifest indiqué au client. tèle (particuliers et groupes), des branches • Le taux de rétrocession réel est positif, ainsi le d'activité (prêts à l'agriculture coexistants avec prêt n'a pas l'apparence d'un don. les prêts pour les activités non agricoles), des • Les accords avec les pouvoirs publics (en ce qui échéances, et de la localisation des clients. Il faut concerne en particulier les paiements d'intérêt) être prudent dans la fixation des ratios maxima sont transparents (Krahnen et Schmidt, 1995). par rapport aux fonds propres. Renforcer les capacités institutionnelles 119 Foundation en Inde (voir l'encadré 8.15) et le • Taux d'intérêt réels positifs sur les dépôts (et, programme pilote d'épargne et de crédit à partant, des taux d'intérêt réels positifs sur Madagascar (voir l'encadré 6.7) sont des program- les fonds prêtés). mes récents dans lesquels l'épargne est la principale • Souplesse et diversité des instruments source de fonds. d'épargne. • Facilité d'accès aux dépôts pour les clients. Avantages de la mobilisation de l'épargne. • Facilité d'accès à l'institution financière (par L'offre de facilités d'épargne par les institutions son réseau d'agences ou ses bureaux mobiles). financières rurales peut contribuer à améliorer • Incitations liées à la mobilisation de l'intermédiation financière de plusieurs façons: l'épargne pour le personnel. • Elle aide les clients à régulariser leurs schémas • Niveau de confiance élevé de la clientèle dans de consommation, cependant qu'ils obtien- l'institution. nent une rémunération de leur épargne plus élevée que s'ils thésaurisaient ou s'ils Capacités institutionnelles et prescriptions l'économisaient sous forme de biens matériels. réglementaires dans le domaine des dépôts • Elle permet aux clients de se faire une répu- d'épargne. La mobilisation de l'épargne par les tation et de se constituer des sûretés auprès institutions financières rurales n'est pas des institutions financières rurales. toujours possible ni souhaitable. D'après • Elle donne aux clients le sentiment que l'IFR Schmidt et Zeitinger (1996), ce n'est pas leur appartient, ce qui peut les inciter à rem- nécessairement la meilleure source de fonds: la bourser leurs prêts ponctuellement®. charge administrative et les coûts induits, • Elleencouragelesinstitutionsfinancièresru- surtout quand l'épargne porte sur de petits rales à intensifier leurs efforts de recouvre- montants, peuvent être trop lourds pour certaines ment des prêts, car les déposants font pres- institutions. Elles peuvent avoir des difficultés à sion en ce sens, surtout lorsqu'ils n'ont plus se conformer aux règles prudentielles régissant les confiance dans l'institution. intermédiaires financiers qui recueillent des • Elle fournit aux institutions financières ru- dépôts. Lorsque cette option est exclue, les IFR rales une source de fonds qui leur permet peuvent devoir s'en remettre à des lignes de crédit éventuellement d'étendre leurs activités de ouvertes par les institutions financières nationales prêt, d'être plus autonomes vis-à-vis des au- ou à des sources de fonds extérieures. torités et des bailleurs de fonds, et d'être Certaines IFR ne peuvent pas accepter de moins tributaires des subventions. dépôts par suite des limites applicables à la délivrance de licences officielles. S'il existe déjà Comment améliorer la mobilisation de assez de mécanismes d'épargne sur le marché, l'épargne. On peut utiliser différentes méthodes, il peut être inutile de créer de nouvelles mais les IFR doivent choisir celle qui convient le institutions de dépôt. Cependant, lorsqu'il mieux dans un contexte culturel et socio- n'existe pas de facilités d'épargne à proximité économique donné. La Banque Grameen au de la clientèle cible ou pas d'institution Bangladesh, le programme Promotion des désireuse de desservir ce créneau, les autorités initiatives rurales et des entreprises de développe- peuvent envisager d'adapter la réglementation ment au Kenya, et beaucoup d'associations exigent en vue d'accroître la mobilisation de l'épargne que les clients qui veulent obtenir des prêts aient en milieu rural. Les bailleurs de fonds peuvent un compte d'épargne. L'accès à cet épargne est attirer l'attention des autorités sur les obstacles souvent contrôlé. En revanche, la Bank Rakyat d'ordre réglementaire. Indonesia et la Banque de l'agriculture et des Toute IFR acceptant des dépôts doit avoir l'assise coopératives agricoles en Thaïlande recueillent des financière et les capacités institutionnelles requi- dépôts volontaires, qui sont indépendants des ses. Lorsque les autorités et les bailleurs de fonds opérations de crédit. ne veulent pas ou ne peuvent pas être les prêteurs Pour que la mobilisation de l'épargne en dernier ressort, une IFR mal gérée peut se volontaire soit efficace, elle doit remplir les retrouver aux prises avec des difficultés financières conditions généralement reconnues ci-après: qui peuvent engendrer des pertes substantielles 120 Les finances rurales pour les déposants et anéantir la confiance dans Motiver les employés et investir dans les ressources les intermédiaires financiers en général. Il humaines appartient à ceux qui financent des IFR de s'assurer qu'elles remplissent le minimum de conditions Étant donné que les institutions financières rura- voulues avant de les laisser s'engager dans la les appartiennent au secteur des services, le mobilisation de l'épargne. personnel est leur principal atout : la qualité des Encadré 8.15 La Cooperative Development Foundation : Renforcement des groupes d'épargne féminins en Inde La Cooperative Development Foundation (CDF) En septembre 1995,le réseau desservait 13 297 fem- contribue activement, depuis plus de dix ans, à former mes appartenant à 238 groupes. Le portefeuille de et à renforcer les associations féminines d'épargne et de prêts de la CDF s'est rapidement développé, au rythme crédit dans l'Andhra Pradesh. En 1991, elle a lancé un de 425 % en 1992 et de 235 % en 1993. La part du projet visant à organiser des groupements féminins et à portefeuille adossée à l'épargne était de 98 % en 1993. établir un modèle économique, viable et transposable, Le solde des fonds prêtables s'élevait à 16,4 millions d'associations féminines d'épargne. La CDF est de roupies (530 000 dollars) en décembre 1993. En convaincue que,lorsque les femmes ont accès au crédit, 1995, le portefeuille s'établissait à 7,4 millions de elles peuvent participer à la croissance économique de roupies (239 000 dollars), l'épargne mobilisée tous les la collectivité en créant leur propre entreprise. Elle ne mois atteignait 100 000 roupies (environ 3 400 dollars). cherche pas délibérément à cibler les femmes à faible Les indicateurs de performance financière permettent revenu: toute femme qui a l'opportunité de créer une de conclure au grand succès du programme, qui avait entreprise mais qui n'a pas accès à une source de finan- des taux de remboursement supérieurs à 95 % et un cement abordable est considérée comme une bonne taux d'intérêt réel de 12 % sur les prêts. Le taux candidate. La CDF a cependant pour stratégie de ne d'intérêt servi sur les dépôts était légèrement promouvoir les groupes d'épargne féminins que là où positif, contrairement à d'autres programmes com- existent des coopératives de paddy actives. parables en Inde. Les frais administratifs, qui sont La CDF a procédé par « saturation » dans les bas pour un programme récent, se chiffrent d'après districts de Warangal et Karimnagar pour atteindre les estimations à 0,24 roupie par roupie de prêt en son objectif. Ces districts ont été choisis pour quatre cours. raisons : a) succès des coopératives de paddy Quatre facteurs ont contribué au succès du masculines ; b) croissance des marchés régionaux ; programme de la CDF. Tout d'abord, alors que les c) existence de voies d'accès aux marchés et d'autres autres programmes étaient orientés vers l'accès à des infrastructures de base ; et d) réceptivité des femmes crédits bonifiés provenant de sources extérieures, la des villages. Bien que la CDF n'ait que cinq employés CDF a eu exclusivement recours à la mobilisation de et qu'elle ne reçoive qu'un soutien modeste de la part l'épargne en tant que source de fonds. Deuxièmement, des bailleurs de fonds, elle a joué un rôle de catalyseur la sûreté des dépôts a été démontrée au moyen d'une en démontrant que la constitution de groupements comptabilité transparente, de systèmes efficaces de coopératifs était un premier pas dans la voie de la gestion financière et de l'établissement de rapports création d'un système viable de services financiers. périodiques. En troisième lieu, les décisions de crédit Les réserves de fonds prêtables des coopératives sont prises sous le contrôle des groupes, ce qui proviennent en grande partie de l'épargne générée par contribue à l'engagement des membres, la CDF prêtant leurs membres car la CDF n'offre pas de facilités de crédit. son concours à l'élaboration de plans de rembourse- L'aide directe de la CDF aux groupes d'épargne est ment. Enfin, la CDF encourage la mise en place de descendue de son niveau record de 21 500 roupies en systèmes de gestion financière informatisée et d'une 1991 à 12 900 roupies en 1992. L'accent mis sur institution faîtière représentative. Elle a aussi une l'autosuffisance a été un facteur d'efficacité. La « stratégie de sortie » claire, qui lui permet de Kasiviswanadha Savings Society, qui regroupe les conserver son rôle de conseil auprès des dirigeants tout associationsdeMulkanoor,illustrel'efficacité des groupes en évitant de prendre elle-même des décisions de d'épargne et de crédit. Sur les fonds alloués, 92 % ont gestion qui pourraient engendrer une dépendance. été distribués sous forme de crédits, 4 % ont servi à rémunérer l'épargne, et le reste a financé les dépenses. Source: Bennett et Goldberg, 1993. Renforcer les capacités institutionnelles 121 services dépend de celle du personnel qui les nature à favoriser la productivité. Si des incita- fournit. Beaucoup d'IFR recrutent du personnel tions financières et non financières appropriées, qui ont un bon niveau d'éducation et ne lésinent adaptées aux objectifs institutionnels, sont en pla- pas sur la formation". ce, le personnel est motivé et moins tenté de Les institutions financières rurales doivent rechercher son propre avantage. Avec des s'assurer que leur politique du personnel soit de procédures transparentes et un système de Encadré 8.16 Le risque et ses conséquences Pour expliquer l'échec des projets, il suffit d'invoquer capacité peut être amoindrie par des événements la notion de risque. Dans les projets de crédit, la imprévus. Sachant cela, l'institution peut adopter des manifestation la plus évidente du risque est la mesures pour gérer le risque réel auxquels sont mauvaise qualité du portefeuille, responsable des confrontés les agriculteurs, les entreprises pertes sur créances douteuses qui érodent le capital industrielles, les sociétés de commerce, et les de l'institution de crédit. microentreprises. Dans l'agriculture, par exemple, les D'un certain point de vue, l'échec est dû à des exploitants peuvent renforcer leur sécurité en événements imprévus au moment de l'élaboration du modifiant leurs modes de culture ou l'utilisation des projet. Dans les projets de crédit, ces impondérables intrants. sont, le plus souvent, une mauvaise année pour Il faut également essayer de gérer les risques l'agriculture, la hausse soudaine du coût de la supportés par les prêteurs. Ceux-ci peuvent production industrielle, ou le manque de débouchés rééchelonner les prêts, fournir des crédits supplémen- pour les compétences, les produits et les services taires, mettre au point des mécanismes d'épargne appuyés par le crédit. L'échec peut aussi être provo- pour offrir une gamme plus large de choix aux em- qué par le comportement opportuniste d'emprun- prunteurs qui sont aussi déposants, modifier le teurs qui refusent de rembourser et par le refus ou montant des prêts en vue de réduire le risque de crédit l'incapacité des prêteurs d'imposer des sanctions futur, relever les taux d'intérêt pour compenser ce effectives à leur encontre. risque, et utiliser tous les moyens possibles pour saisir À tn niveau plus profond, les manifestations du les biens servant de sûreté. risque trahissent des déficiences dans la conception Le prêteur ne doit pas perdre de vue la liquidité. du projet de crédit. Il est souvent utile de déterminer En période d'adversité, la probabilité que les emprun- les raiscns pour lesquelles ces déficiences n'avaient pas teurs remboursent diminue, cependant que les été prévues et les raisons pour lesquelles le projet ne déposants souhaiteront prélever une partie de leur comportait pas de dispositions pour faire face à épargne. Le financement de nouveaux prêts devient l'imprévu. particulièrement important en période de crise, dans Au début du projet, il n'est pas nécessaire de la mesure où le crédit est un recours lorsque les recenser les situations catastrophiques qui pourraient ressources de l'emprunteur sont épuisées. se produire, comme les secousses politiques ou Le risque existe parce que les choses ne se l'effondrement de l'ordre civil. Les concepteurs du déroulent pas toujours comme prévu. Les parties projet devraient plutôt réfléchir aux aspects plus concernées ont tout à gagner d'une planification qui prosaïques qui risquent de mal tourner. Ils doivent se permet de gérer le risque dans les projets de crédit. La demander: « Quels sont les problèmes les plus pro- planification aide le prêteur et les autres intéressés à bables » ? Cet effort est extrêmement utile, en partie connaître les problèmes des emprunteurs et les parce qu'il incite à voir grand. Une fois qu'on a solutions pour y faire face. Elle encourage le prêteur identifié le principal facteur de risque et qu'on a pris à établir des mécanismes solides pour gérer ses des dispositions pour y faire face, il convient de se relations avec les emprunteurs et le portefeuille demander quoi d'autre pourrait mal tourner, quelles découlant de ces relations. La gestion des risques sous seraient les conséquences, et quelle est la meilleure la forme d'une meilleure conception des projets de parade ? crédit permet aux bailleurs de fonds de contribuer Il faut évaluer les effets des événements plus efficacement au développement en ayant des défavorables éventuels, et le résultat de l'évaluation doit projets mieux adaptés. servir à tester les flux de liquidités des emprunteurs, qui déterminent leur capacité de remboursement. Cette Source: Von Pischke, 1991. 122 Les finances rurales contrôle rigoureux (contrôleurs internes et citations appropriées à toutes les parties dans les système d'information de gestion), on peut contrats financiers. Les institutions financi-ères s'assurer que le comportement du personnel va rurales qui fonctionnent le mieux ont mis en pla- dans le sens des objectifs de l'institution. ce des systèmes efficaces d'information de gestion Les indicateurs de performance du personnel et elles ont incorporé des incitations a de doivent être choisis avec soin. Par exemple, si le nombreux aspects de leurs structures institution- seul paramètre est le volume ou le nombre de prêts, nelles et de leurs procédures opérationnelles (voir cela peut conduire le personnel à approuver des l'encadré 8.16). demandes de prêt sans discernement, voire à forcer la main aux clients. En revanche, si les incitations Conclusion sont liées au recouvrement des prêts, au volume de prêts supervisés et au volume de dépôts Le ciblage du crédit sans développement institu- mobilisés, ainsi qu'au nombre de clients emprun- tionnel voue presque irrémédiablement les teurs et épargnants, le comportement du personnel institutions financières rurales à rester longtemps sera davantage orienté vers les objectifs à long tributaires des bailleurs de fonds ou de l'État, que terme de l'IFR. Les trois institutions financières ce soit pour obtenir des ressources ou pour des rurales décrites au chapitre 9 offrent des exemples opérations de renflouage (Yaron, 1992c). Ce n'est d'incitations et d'activités de formation qui ont pas l'accès au crédit bon marché qui fait le succès été adoptées par des institutions performantes. des institutions financières, mais la compétence du personnel et la qualité des politiques et des Information et incitations méthodes de gestion. Le développement institu- tionnel doit être un processus intégré et évolutif, Deux thèmes apparaissent systématiquement dans fondé sur une définition claire de la mission de presque toutes les recommandations relatives au l'institution, définition qui doit être connue de tout renforcement des capacités institutionnelles. Le le personnel. Les méthodes et les procédures premier a trait à la nécessité de disposer de plus doivent faire partie intégrante des activités d'informations pertinentes pour aider la direction, quotidiennes de l'institution, et le personnel doit le personnel et les clients des IFR à faire des choix avoir les qualifications et les incitations voulues éclairés dans leurs opérations financières. Le pour assurer la stabilité et l'amélioration constante deuxième concerne la nécessité de donner des in- des modes de fonctionnement de l'institution. 1 CHAPITRE 9 Pratiques optimales : Trois institutions qui réussissent ans ce chapitre, on analyse les méthodes institution, ses indicateurs de performance et son de gestion et les modes de fonction- mode de fonctionnement. nement qui sont à l'origine du succès de trois institutions financières rurales (IFR)42 : Résumé des principales caractéristiques • La Banque de l'agriculture et des coopéra- tives agricoles (BAAC) en Thaïlande43 La BAAC, la BRI-UD et la BG ont des millions de clients • Les banques villageoises (Unit Desas, BRI- et jouent un rôle important dans le secteur financier Ul) de la Bank Rakyat Indonesia (BRI)44 aussi bien à l'échelon rural qu'à l'échelon national. • La Banque Grameen (BG) au Bangladesh". Voici quelques-unes de leurs caractéristiques On s accorde généralement à reconnaître que communes, qui ont contribué à leur succès: ces trois institutions ont atteint leurs objectifs • Politiques macroéconomique, agricole et fondamentaux, à savoir la présence locale et la rurale favorables ; viabilité financière. Par ailleurs, on dispose • Investissements appropriés dans l'infra- d'excellentes informations sur leurs opérations. Ce structure physique et sociale en milieu rural ne sont certes pas les seules IFR qui réussissent. (Thaïlande et Indonésie); Plusieurs autres programmes de finances rurales • Grande autonomie donnée à la direction pour intéressants ont fait leur apparition ces dernières la formulation des politiques opérationnelles ; années, dont certains ont été brièvement décrits • Politiques du personnel mettant l'accent sur dans les chapitres précédents. On ne sait pas encore la formation, la responsabilité et les récom- si leurs succès initiaux sur le plan de la présence penses sous forme d'incitations monétaires locale et de la viabilité financière se confirmeront. et de promotions; Pour analyser la performance relative des IFR, • Réseaux de distribution modernes, bon mar- il faut tenir compte de leurs objectifs particuliers ché, et services bancaires mobiles ; et de leur créneau sur le marché. Les trois • Conditions de prêt originales et souples institutions décrites dans ce chapitre diffèrent à • Suivi étroit de la performance des prêts, taux bien des égards, mais elles ont toutes trois appliqué élevé de recouvrement et peu d'arriérés ; systématiquement certains principes de base. Dans • Forte mobilisation de l'épargne locale, dont ce chapitre, nous décrivons chacune de ces l'importance en tant que source de fonds va institutions avant d'évaluer ses performances en croissant ce qui permet de réduire, voire matière de présence sur le créneau et de viabilité d'éliminer, la part fournie par les bailleurs financière. Nous analysons également les facteurs de fonds ; internes et externes qui ont contribué à leur succès. • Taux de rétrocession positifs, souvent rela- L'annexe 9.1 fournit des renseignements supplé- tivement élevés; mentaires sur les politiques suivies par chaque • Maîtrise des dépenses administratives; 123 124 Les finances rurales • Systèmes modernes d'information de ges- période 1984-94 s'établissait à 5 %. Près de 80 % tion facilitant la planification, le contrôle et des habitants (60,3 millions au total) vivent en le suivi étroit du remboursement des prêts; milieu rural. Le taux de croissance moyen de • Implantation dans des régions à forte den- l'agriculture était de 5,2 % par an entre 1965 et sité de population. 1973, et 3,7 % entre 1973 et 1988. Le PIB agricole réel a progressé de façon spectaculaire dans les Aperçu général des institutions années 60 et 70, grâce à l'abondance des terres, à un vaste effort de construction routière, et à un La section ci-après décrit brièvement l'évolution secteur privé actif qui s'est orienté progressivement et les principales caractéristiques institutionnelles vers les exportations de produits de base. La des trois établissements. Le tableau 9.1 récapitule croissance agricole a ralenti dans les années 80, les les frais d'exploitation de 1987 à 1994. nouvelles terres cultivables se faisant plus rares. Alors que l'agriculture devenait de plus en plus Banque de l'agriculture et des coopératives intensive et commerciale, les activités non agricoles agricoles (Thaïlande) ont simultanément enregistré une expansion rapide dans les régions rurales, si bien que les La Thaïlande a joui, au cours de la dernière revenus provenant de ces activités augmentent plus décennie, d'une relative stabilité politique et d'une rapidement que ceux de l'agriculture. croissance économique sans précédent. Entre 1984 En 1989, le Gouvernement thaïlandais a mis et 1994, le taux réel de croissance annuelle du en chantierles réformes financières. En 1992, tous produit intérieur brut (PIB) atteignait 8 % en les taux d'intérêt avaient été libéralisés, et les taux moyenne, et le taux d'inflation moyen pour la de réescompte de la Banque de Thaïlande avaient Tableau 9.1 Frais d'exploitation (en pourcentage) Institution 1987 1990 1993 1994 Pourcentage de la valeur annuelle moyenne des actifs totaux BAAC 3,6 3,7 4,0 3,3 BG 12,3 8,0 5,9 5,4 BRI-UD 8,6 8,8 9,7 8,4 Pourcentage de la valeur annuelle moyenne du portefeuille de prêts en cours BAAC 5,3 5,6 5,2 4,3 BG 16,1 12,9 15,1 13,8 BRI-UD 19,2 16,5 14,1 12,2 Pourcentage de la valeur annuelle moyenne du portefeuille de prêts en cours et des dépôts BAAC 4,0 3,7 3,3 2,6 BG 9,9 5,8 4,7 4,3 BRI-UD 13,9 11,9 10,0 8,9 Note : Les frais d'exploitation de la BAAC comprennent les provisions annuelles pour créances douteuses. Source: Recherches des auteurs. Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 125 été révisés compte tenu des taux de marché. Figure 9.2 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts Cependant, certains secteurs prioritaires comme de la BRI-UD, 1987-94 l'agriculture bénéficient toujours de taux (millions de rupiahs) préférentiels. La BAAC a été créée en 1966 pour stimuler l'agriculture en fournissant des services 5000 financiers à ce secteur. Elle remplaçait la Banque des coopératives qui avait un financement limité et ne prêtait qu'aux coopératives agricoles. La 3000 BAAC est une banque d'État, qui opère sous la tutelle du ministère des Finances ; ses prêts ne 2000 peuvent financer que des activités liées à ps l'agriculture46. 1.000 Le fait qu'elle prête au secteur agricole vaut à la Prêts BAAC certains privilèges. Ainsi, elle est exonérée O de certaines taxes (y compris l'impôt sur le revenu) 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 et n'est pas tenue de constituer des réserves obligatoires sur les dépôts qu'elle reçoit47. La Banque de Thaïlande impose aux banques Source: Recherches des auteurs. commerciales d'investir au moins 20 % de leurs dépôts dans l'agriculture, soit directement, soit à travers la BAAC. C'est l'option qu'ont choisie la La BAAC jouit d'une grande autonomie dans la plupart des banques, ce qui permet à la BAAC de formulation de ses politiques financières et disposer d'un volume de fonds important et opérationnelles. Elle met surtout l'accent sur les régulier. Les frais administratifs liés à la prêts aux emprunteurs à revenu faible ou mobilisation et à la gestion de ces dépôts sont à la intermédiaire. Cette stratégie s'appuie sur une charge des banques commerciales. politique de subvention croisée des taux d'intérêt : les gros prêts sont assortis de taux d'intérêt plus élevés ; le montant des prêts est plafonné, et la BAAC prête aux petits exploitants qui n'ont pas de sûretés Figure 9.1 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts classiques en passant par les groupes à responsa- de la BAAC, 1987-93 bilité conjointe. Initialement, les prêts de la BAAC (millions de baht) étaient fournis surtout par le biais des grandes coopératives agricoles, mais les problèmes de rem- boursement ont conduit la banque à mettre 80000 davantage l'accent sur les prêts directs aux agriculteurs individuels. 60000 Les Unit Desas de la Bank Rakyat Indonesia 40 000 Prêts Pendant la période 1990-94, le PIB de l'Indonésie a enregistré une croissance réelle de 6,8 % en 20000 moyenne. L'augmentation de la demande de crédit qui s'en est suivie a contribué à l'expansion et au Depois succès rapides du programme de unit desas 0 (banques villageoises) de la BRI. La BRI est une banque d'État qui, jusqu'en 1983, 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 administrait un programme de crédits bonifiés pour les producteurs de riz. Le réseau des unit desas (BRI-UD), qui opère au sein de la BRI en tant que Source: Recherches des auteurs. centre de profit distinct, a été créé en 1984. Il est 126 Les finances rurales supervisé par un directeur général, qui relève à 1994, le PIB réel moyen a progressé de 4,2 /, par directement du conseil d'administration. an et l'inflation est restée inférieure à 10 % par an. La BRI-UD est un réseau national de petites La plupart des habitants sont des ruraux : banques villageoises. À l'origine, sa mission l'agriculture représente plus de 30 % du PIB et plus consistait: à remplacer le crédit agricole dirigé par de 60 % des emplois. Cependant, la population, des opérations de crédit diversifiées intéressant actuellement de 130 millions d'habitants, s'accroît tous les types d'activités économiques rurales ; à au rythme de plus de 2 % par an, exerçant des remplacer les taux d'intérêt bonifiés par des taux pressions croissantes sur les terres et contribuant de rétrocession positifs, avec des marges suffisantes à réduire la taille des exploitations. pour couvrir tous les frais d'intermédiation Muhammad Yunus a lancé la BG en 1976, dans financière et opérationnelle ; et à fournir une le village de Jobra, dans le cadre d'un projet gamme complète de services financiers (épargne expérimental. Le projet était financé par une aussi bien que crédit) à la population rurale. Ces banque commerciale, avec la garantie personnelle objectifs ont tous été atteints en quelques années. M. Yunus. En 1983, la Grameen a été dotée du Le succès remarquable enregistré par la BRI-UD sur statut d'institution financière spécialisée en vertu le plan de la mobilisation de l'épargne est sa plus du décret sur la Banque Grameen. Elle n'est pas grande réalisation. D'autres institutions assujettie au décret sur les sociétés bancaires ni à financières, comme la Badan Kredit Kecamatan aucune autre loi relative aux institutions qui a pour clientèle les catégories les plus démunies financières au Bangladesh. Elle est également de la population rurale d'Indonésie, suivent des exemptée du plafonnement des taux d'intérêt. Par orientations comparables à celles de la BRI-UD. ailleurs, certaines autres mesures législatives ne s'appliquent pas à elle. Aujourd'hui, la Banque Banque Grameen (Bangladesh) Grameen appartient pour 92 % à ses membres, les 8 % restants étant détenus par l'État. Le Bangladesh est l'un des pays les plus pauvres D'emblée, la banque a eu pour principal du monde. En 1994, le revenu annuel par habitant objectif d'améliorer les conditions d'existence des était de 223 dollars, et plus de 70 % de la pauvres en milieu rural en leur donnant accès au population vivaient dans la pauvreté. Depuis crédit, à des mécanismes d'épargne et à des pro- quelques années, cependant, le pays connaît un grammes sociaux non financiers. Ses clients rythme de croissance économique régulier. De 1990 appartiennent aux couches sociales les plus défavorisées, et leur niveau de revenu est plus bas que celui des clients de la BAAC et de la BRI-UD. Du Figure 9.3 Moyenne annuelle des prêts et des dépôts fait que ses clients ont de faibles revenus et ne peuvent de la BG, 1987-94 pas fournir les garanties traditionnelles, l'institution (millions de taka) accorde des prêts exclusivement par l'intermédiaire des groupes à responsabilité conjointe, moyennant l'obligation d'épargner. Cette approche a rencontré 10000 un succès extraordinaire et elle a fait des émules dans beaucoup d'autres pays. 8 000 Performance 6 000 Prits La section ci-après évalue la performance des trois 4UUU institutions dans le domaine des deux objectifs 2 000 essentiels : présence locale et viabilité financière. Depois Présence locale 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 Les institutions ont toutes trois réussi à élargir et diversifier leurs services. Plusieurs indicateurs Source : Recherches des auteurs. permettent de mesurer leur succès. Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 127 Figure 9.4 Ratios de rentabilité financière de la BAAC, dispose pas des chiffres correspondants pour la la BRI-UD et la BG, 1987-94 BAAC). (pourcentage) Pénétration du marché. Les trois institutions sont toutes parvenues à un taux élevé de pénétration sur leur créneau. À la fin de 1995, la BAAC avait accordé des prêts à environ 76 % des 150 ménages agricoles thaïlandais (3,1 millions d'emprunteurs),la BRI-UD avait fourni des crédits 100 à quelque 5 % des ménages indonésiens (2,3 millions d'emprunteurs) et des facilités 50 d'épargne à 14,5 millions de ménages49. Selon les estimations, la BG qui avait 2,06 millions de clients, BRI-UD représentait, à cette période, 36 % des crédits -50 BAAC accordés aux ruraux pauvres sans terres. 1987 - 989 BG Croissance. Les actifs et les dépôts des trois .1D. institutions ont considérablement augmenté au 1993 1cours de la dernière décennie. Le volume des dépôts de la BRI-UD a dépassé l'encours des prêts Source: Rcherches des auteurs. à la fin des années 80. En 1993, il en représentait plus du double. Depuis, le ratio a quelque peu baissé pour s'établir à environ 1/1,8. Montant moyen des prêts et des dépôts. Le montant moyen des prêts (en cours) de la BG était Réseau de distribution. Les trois institutions de 141 dollars en 1995. À la BRI-UD et à la BAAC, offrent des services bancaires mobiles qui leur les montants correspondants étaient respective- permettent de joindre plus de clients et de réduire ment de 541 dollars et de 1 285 dollars48. La les frais généraux et les coûts de transaction. Elles tendance était la même dans les trois banques en ont considérablement étendu leur réseau d'agences ce qui concerne la valeur des dépôts moyens. Le et augmenté leurs effectifs, ainsi que le nombre et faible montant des prêts et des dépôts de la BG démontre que la banque répond aux besoins d'une clientèle plus pauvre. La BRI-UD et la BAAC visent, Figure 9.5 Rentabilité de l'actif de la BAAC, de la BRI-UD quant à elles, une clientèle différente (catégories à et de la BG, 1987-94 revenu faible à intermédiaire). Le montant moyen (pourcentage) des prêts et des dépôts augmente peu à peu dans les trois institutions. D'après une étude d'impact effectuée par la BRI, le montant des prêts et les niveaux de revenus des emprunteurs de la BRI-UD 5 augmentent tous deux, ce qui montre que les bénéficiaires de prêts successifs (la majorité des 4 clients) améliorent leur situation économique 3 (Yaron, 1992b). 2 Participation desfemmes. Étant donné qu'il est B généralement plus difficile pour les femmes 0 BAAC d'obtenir des ressources que pour les hommes, +1 plus le pourcentage de femmes dans la clientèle 1987 1988 1989 199 BG augmente, plus le montant moyen des prêts est 0 1991 1992 1993 bas. Environ 94 % des clients de la Grameen sont des femmes, contre 25 % à la BRI-UD (on ne Source: Recherches des auteurs. 128 Les finances rurales le montant des prêts et des dépôts traités par Figure 9.6 Répartition sectorielle des prêts agence et par agent. Ces améliorations ont facilité de la BRI-UD, 1993 l'accès des clients aux services et généré des économies d'échelle en réduisant les coûts de transaction unitaires. L'instruction des demandes Agriculture - Commerce de prêt est efficace ; dans les trois institutions, les 2o 48 % fonds sont décaissés dans les deux semaines qui suivent le dépôt de la demande. Conditions de prêt et de dépôt. Les trois Divers institutions utilisent des méthodes novatrices pour 4% pallier le manque d'information et de sûretés. La BRI-UD exige des sûretés en bonne et due forme, mais elle se base souvent sur les références per- sonnelles de l'emprunteur dans sa localité. Ses Revenu fixe conditions de prêt sont très souples et ses 28% instruments d'épargne sont variés. La BAAC et la BG se fondent sur la responsabilité conjointe pour remédier aux problèmes de sélection des clients, de sûreté et d'exécution des contrats, mais les conditions de prêt sont plus strictes. La BAAC Source: Recherches des auteurs. propose divers instruments d'épargne ; à la BG, l'épargne est obligatoire et liée aux prêts et au statut de membre. (IDS), la BRI-UD a atteint son objectif d'autonomie financière : depuis 1988, elle n'a pas eu besoin de Coûts de transaction. Les coûts de transaction subventions. Son succès s'explique principalement des trois banques soutiennent favorablement la par les facteurs suivants : a) taux de rétrocession comparaison avec ceux des institutions du même positifs élevés, b) portefeuille de prêt de bonne type. Les coûts administratifs des banques qualité, avec des pertes sur prêts minimales, correspondent au type de clientèle, au montant c) marges financières importantes, d) frais admi- moyen des prêts et des dépôts, à la nature des nistratifs relativement bas, et e) mobilisation de services, et à l'âge de l'institution. Par exemple, l'épargne extrêmement forte. dans le cas de la BG, étant donné que la taille La BAAC est encore marginalement tributaire moyenne des prêts et des dépôts est petite et que des subventions, et la BG, qui a encore besoin de l'institution fournit en outre des services non subventions, a sensiblement réduit cette financiers, les frais administratifs par prêt et dépôt dépendance au cours des dernières années". La sont plus élevés que ceux de la BAAC ou de la BRI- dépendance de la BG laisse à penser que les taux UD. Comme le montant moyen des prêts et des de rétrocession ne couvrent pas entièrement les dépôts est plus élevé à la BAAC, celle-ci peut afficher coûts d'intermédiation financière. Pour réduire la des frais d'exploitation moyens plus faibles que dépendance envers les subventions, les 1FR peuvent ceux de la BRI-UD et de la BG. accroître leur revenu en relevant le taux de rétrocession, ou réduire leurs dépenses en Viabilité financière améliorant le recouvrement des prêts et en abaissant les frais d'exploitation. Les frais admi- La performance financière des trois institutions, nistratifs de la BAAC sont très bas ; sa dépendance qui s'est améliorée ces dernières années, n'a pas envers les subventions tient essentiellement au fait évolué de la même façon au cours des ans (voir les que son taux de rétrocession est fixé délibérément figures 9.1-9.3). Après avoir essuyé des pertes en dessous de ceux des banques commerciales. La initiales lors du démarrage, la BRI-UD a vu ses BG a des frais administratifs beaucoup plus élevés bénéfices croître régulièrement. Comme le montre que la BRI-UD ou la BAAC, car elle fournit des l'indice de dépendance envers les subventions services non financiers qui ne sont pas entièrement Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 129 Figure 9.7 Répartition des prêts de la BG Gestion depuis sa création Divers Les trois institutions jouissent toutes d'une 8 % autonomie substantielle (quoique à des degrés va- Agriculture et riables) dans la formulation des politiques et des foresterie systèmes d'exploitation. Le degré élevé de Commerce - 21 transparence et de responsabilité contribue à 16% . l'efficacité de la gestion. I. Bien que la BRI-UD fasse partie intégrante d'une institution d'État (la BRI), elle constitue un centre de profit distinct, et sa direction a toute latitude pour fixer les taux d'intérêt et les autres règles opérationnelles. Le Gouvernement indonésien a mis en oeuvre, pendant les années 80, des réformes Transformation du secteur financier qui ont conduit à la et industrie Élevage déréglementation de certains taux d'intérêt et à manufacturière et pêche l'abolition des plafonds d'intérêt. Alors que la BRI- 20% 35% UD luttait pour parvenir à l'autonomie financière, les forces du marché ont infléchi ses orientations et l'ont rendue plus sensible à la concurrence des Source: Recherches des auteurs. autres institutions financières. La direction, qui jouit d'une grande autonomie, est entièrement comptable des résultats de couverts par le revenu des prêts. l'institution. Les responsabilités sont réparties dans La viabilité financière des IFR peut être affectée tous les échelons de la hiérarchie ; chaque service par un autre facteur, à savoir le degré de risque est responsable de ses propres décisions de prêt et associé au portefeuille de prêts. La BRI-UD et la de ses bénéfices. Les incitations monétaires et les BG, qui prêtent toutes deux à une clientèle très diverse (et pas seulement aux agriculteurs), ont réussi à diversifier en partie le risque de covariance, Figure 9.8 Dépenses de personnel en pourcentage qui est élevé lorsque les prêts financent des activités du volume annuel moyen des prêts et des dépôts strictement agricoles (voir les figures 9.6 et 9.7). de la BAAC, la BRI-UD et la BG, 1987-94 La BAAC prête exclusivement à des fins agricoles, mais elle a quelque peu diversifié ses risques en opérant sur l'ensemble du territoire. Méthodes de fonctionnement 10 Cette section présente une analyse des principes 8 d'organisation et des méthodes de fonctionnement qui ont contribué au succès des trois institutions. 6 Elle fournit des éléments d'information sur : la 4 gestion ; les politiques du personnel et les - incitations ; les mécanismes de prestation des 2 B services ; les politiques et les conditions de prêt ; 0 BRI-UD la qualité des actifs (performance des prêts) ; les 1987 - politiques de mobilisation de l'épargne ; les 1989 . BAAC politiques de taux d'intérêt; les coûts administra- 1991 1992 tifs et de transaction; et les systèmes d'information 1994 de gestion. Source: Recherches des auteurs. 130 Les finances rurales perspectives de promotion renforcent la respon- l'annexe 9.1)-". Pour améliorer la motivation et la sabilité individuelle. productivité générale, les trois institutions on t des La BAAC appartient elle aussi à l'État. Le programmes d'incitations qui lient l'octroi de ministère des Finances thaïlandais détient 99 % primes et les promotions à des indicateurs de per- du capital souscrit. La banque peut vendre jusqu'à formance mesurables. 10 % de ce capital à des investisseurs privés, mais Les agents de la BRI-UD sont parmi les employés elle n'a guère suscité d'intérêt jusqu'ici et ne verse les mieux payés des zones rurales en Indonésie des dividendes que depuis 1992. Elle bénéficie de (Banque mondiale, 1994e). Le régime d'incitations certains privilèges (exonération de l'impôt et du comprend des critères de performance régime des réserves obligatoires), qui sont censés transparents et bien définis, tels que les bénéfices l'aider à accomplir sa mission principale, la de l'unité, la qualité du portefeuille de prêts, et la promotion des activités agricoles. Elle est aussi mobilisation de l'épargne. Les récompenses sont assujettie à des directives (comme la définition des déterminées en fonction des résultats individuels activités de prêt). Elle jouit d'une relative aussi bien que des résultats du groupe. Le autonomie à l'intérieur de ce cadre. personnel peut recevoir jusqu'à 10 % des bénéfices Les rôles et les pouvoirs des différentes entités réalisés par l'unité, et la prime annuelle peut sont clairement définis. Le conseil d'adminis- atteindre 1,5 mois de salaire. Le groupe reçoit une tration fixe les grandes orientations, tandis que le voiture lorsque les dépôts d'épargne atteignent comité exécutif établit les directives opération- 2 milliards de rupiahs. Des concours ont lieu nelles. Bien qu'elle appartienne à l'État, la BAAC entre les unités des différents villages. est en grande partie administrée suivant des Environ deux tiers des chargés de crédit de la principes commerciaux. L'existence de contrôles BAAC ont des diplômes universitaires. Ils ont des stricts et d'un système d'information de gestion fonctions multiples, mais chacun gère jusqu'à étendu, la décentralisation des responsabilités au 500 clients (Sacay, Rhandawa et Agabin, 1996). niveau des agences, et les incitations données au Cela est possible parce que la banque traite avec personnel en fonction des objectifs de l'institution des groupes à responsabilité conjointe et qu'elle sont autant de facteurs qui expliquent l'excellente donne aux agents une formation et des moyens performance de la banque. de transport excellents (motos). Le régime Contrairement à la BAAC et à la BRI-UD, la BG d'incitations évalue les résultats en fonction du appartient en majorité à ses emprunteurs. L'État nombre de clients suivis par chaque chargé de ne détient que 8 % de la banque, alors que les crédit et du nombre de prêts accordés. Le montant emprunteurs en détiennent 92 %. Cependant, des primes est essentiellement fonction des quatre des neuf membres du conseil résultats en matière de recouvrement des prêts et d'administration sont nommés par l'État. Cela de mobilisation de l'épargne, et de plusieurs n'empêche pas la BG de jouir d'une grande indicateurs qualitatifs. En 1994-95, chaque agent autonomie dans la formulation de ses politiques de la BAAC a reçu presque cinq mois de salaire sous opérationnelles, qui s'inspirent avant tout de ses forme de prime de rendement. principes financiers et sociaux d'origine. La Le développement rapide de ses activités a décentralisation des procédures d'approbation des amené la BG à recruter. En 1985, elle avait prêts et les incitations données aux agents en 2 777 employés ; en décembre 1994, elle en avait fonction de leur performance facilitent la 12 268 (Khandker, Khalily et Khan, 1995). La BG responsabilisation du personnel. récompense tous les ans les meilleurs directeurs d'agence et les meilleurs employés en fonction de Politique du personnel et régime d'incitations leurs prestations d'ensemble. Les promotions sont accordées selon des critères d'efficacité et Les trois institutions emploient du personnel d'ancienneté. Étant donné que la banque a une instruit et investissent massivement dans la vocation sociale et qu'elle veut garder des contacts formation permanente. La BRI-UD consacre 1,9 % étroits avec ses clients, le personnel des agences (chiffre de 1995) de ses frais administratifs à la villageoises est tenu de vivre au village. La BG formation. Les chiffres correspondants sont de donne une formation à ses emprunteurs et aux 1,1 % pour la BAAC et de 1,5 % pour la BG (voir chefs de centre. Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 131 Mécanismes de prestation des services possibilité restreinte d'exercer le droit de saisie. Elles ont en grande partie réussi à surmonter ces Les trois institutions ont un vaste réseau d'agences obstacles en adoptant des méthodes de fonction- qui va en s'élargissant, et elles utilisent les services nement novatrices. mobiles pour joindre les clients et réduire les coûts La BRI-UD n'a pas de restriction sur les types de transaction. La BAAC et la BG s'appuient sur les d'opérations financées, mais elle exige une sûreté groupes d'entraide locale pour assurer la disci- en bonne et due forme pour la plupart des prêts. pline financière et obtenir un pourcentage élevé Il n'est généralement pas rentable pour elle, de recouvrement des prêts. comme pour la BG, de procéder à des saisies. L'instruction des demandes de prêt est efficace Elle a des conditions de prêt très souples : les dans les trois institutions, qui utilisent cependant seules restrictions qu'elle impose pratiquement des procédures différentes. À la BRI-UD, les sont les montants planchers et les montants directeurs des unités villageoises sont habilités à plafonds des emprunts. Pour remédier au approuver les prêts à hauteur de 2 800 dollars, manque d'information sur les emprunteurs selon leur niveau d'expérience. Les prêts d'un potentiels, elle demande dans certains cas des montant supérieur doivent être approuvés par un recommandations aux dirigeants locaux ou à directeur d'agence. La simplicité des conditions de d'autres emprunteurs. prêt permet d'instruire rapidement (et systémati- La BAAC a trois catégories de prêt : les prêts quement) les demandes de prêt. À la BAAC, toutes normaux, les prêts pour des projets spéciaux et les les demandes sont examinées par les directeurs prêts à l'appui de la politique officielle. Les prêts d'agence, mais les groupes à responsabilité normaux et les prêts aux projets spéciaux sont conjointe participent à la première phase de initiés par la BAAC, qui les administre selon ses l'approbation. La BG instruit les demandes de prêt propres règles; en revanche, les prêts à l'appui de suivant un processus participatif qui fait interve- la politique officielle sont accordés en réponse à nir les membres des groupes, le personnel des des directives gouvernementales. La BAAC accorde agences villageoises et les chefs de district. Aucune des prêts aux grandes coopératives et par voie des trois institutions ne pratique encore directe, auxparticuliers. Les prêts aux coopératives l'automatisation des services (comme les sont moins performants que les prêts directs et, distributeurs automatiques de billets), mais elles comme le montre le tableau 9.2, la BAAC les élimine envisagent de proposer des services bancaires progressivement. Elle exige une sûreté en bonne électroniques. et due forme des emprunteurs individuels, mais elle accepte d'accorder des prêts garantis par des Politiques et conditions de prêt groupes à responsabilité conjointe aux particuliers qui ne disposent pas de sûretés traditionnelles. Ses Les trois institutions doivent faire face aux mêmes conditions de prêt sont strictes, car elle tient à contraintes : manque d'informations sur les em- inculquer la discipline financière. Il n'existe pas prunteurs potentiels, problèmes de garantie et de montant de prêt minimum, mais un montant Tableau 9.2 Répartition des prêts de la BAAC (en pourcentage) Client 1975 1983 1992 1994 Agriculteurs et particuliers 55,1 77,7 90,8 92,0 Coopératives agricoles 35,8 22,2 9,0 7,8 Asssociations d'exploitants agricoles 9,1 0,2 0,2 0,2 Total 100,0 100,0 100,0 100,0 Source : S icay, 1996 132 Les finances rurales Tableau 9.3 Conditions de prêt et performance des prêts BRI-UD BAAC BG Définition des arriérés Dernière échéance non Dernière échéance non Un an de délai de grâce réglée à la date d'exigibilité eréglée à la date d'exigibilité Taux estimatif de recouvrement 98,9 % 90 % 98,6 % recouvrés à la des prêts en 1995 date d'exigibilité Système d'information Avancé Avancé Avancé de gestion Types de références Personnes vivant dans la même Prêts groupés Prêts groupés personnelles exigées localité, autres emprunteurs, et agents des administrations locales Sûreté exigée 100 % (mais sans option 100 % sur les prêts Aucune, mais le prêt est rentable de saisie) personnels; aucune pour lié à une épargne obligatoire les groupes Prêts groupés à Non Oui Oui responsabilité conjointe Prêts personnels (sans Oui Oui Non responsabilité conjointe) Admissibilité à des prêts futurs Aucune en cas de défaut Aucune (pour le groupe Aucune (pour le groupe tout entier) en cas de tout entier) en cas de défaut d'un membre défaut d'un membre Incitations/sanctions pour Réduction du montant initial Pénalité de 3 % par an Aucune les clients du prêt de 0,5 % par mois en sur les arriérés cas de versement ponctuel Incitations au personnel Oui Oui Oui Source: Recherches des auteurs. maximum qui varie selon le type de client et propre définition des arriérés, il est difficile de d'investissement. comparer leur performance. Le tableau 9.3 résume La BG n'exige pas de sûreté. Il n'est pas renta- les politiques et les méthodes appliquées dans ble pour elle d'exercer le droit de saisie. Elle compte chaque institution. (La figure 7.3 et le tableau 7.1 sur la responsabilité conjointe et la pression du du chapitre 7 illustrent le système perfectionné groupe en n'accordant des prêts aux particuliers d'analyse chronologique des arriérés qui est utilisé que dans le contexte d'un groupe soumis à un par la BAAC pour suivre le recouvrement des prêts.) certain nombre de règles. Aucun membre d'un En 1995, le taux de recouvrement des prêts (en groupe ne peut recevoir de nouveau prêt si un pourcentage des échéances exigibles et des arriérés autre membre est en retard dans le rembourse- antérieurs) était estimé à 99 % pour la BRI-UD, à ment de ses échéances. Les prêts sont également 90 % pour la BAAC (une grande partie des arriérés liés à l'épargne obligatoire (individuelle et de la BAAC sont réglés en retard) et à 99 % pour la collective), qui constitue une forme de sûreté. Les BG. La BRI-UD et la BAAC considèrent qu'il y a biens achetés au moyen des fonds empruntés à la arriéré si la dernière échéance n'a pas été réglée à BG restent essentiellement la propriété de la temps, tandis que la BG accorde un délai de grâce banque jusqu'à ce que le prêt soit entièrement d'un an. Les politiques opérationnelles different remboursé. d'une institution à l'autre sur les points de détail, mais elles présentent des caractéristiques Qualité des actifs et performance des prêts communes importantes en matière de recouvre- ment des prêts : les clients sont responsables du Le taux de recouvrement des prêts dans les trois remboursement des prêts par le biais des sûretés institutions est exceptionnel. Chacune ayant sa ou dans le cadre de la responsabilité conjointe Pratiques optimales : Trois institutions qui réussissent 133 Figure 9.9 Valeur moyenne annuelle du total des dépôts, elle est médiocre, quoique en progrès (tableau 9.4). en pourcentage des prêts, à la BAAC, la BRI-UD et la BG, Certains des bénéficiaires des prêts aux 1987-94 coopératives semblent avoir une mentalité de parasites, peu disposés à rendre des comptes et à rembourser leur emprunt. Politiques de mobilisation de l'épargne 250 Les bons résultats enregistrés par la BRI-UD et la 200 BAAC sur le plan de la mobilisation de l'épargne sont dus en partie aux divers instruments offerts 150 à cet effet par ces deux institutions. Outre l'épargne personnelle, la BRI-UD attire l'épargne des groupes 100 locaux (comme les écoles et les municipalités). La 50 BRI-UD BAAC a lancé avec succès en 1985, un plan spécial d'épargne ciblé sur les catégories à revenu moyen 0 BAAC et à revenu élevé. Les incitations au personnel de 1987 1988 1la banque sont liés aux résultats obtenus dans le 199 199 BG domaine de la mobilisation de l'épargne. 1992 1993 1994 La BG a une politique différente pour les dépôts (qui ont essentiellement un caractère obligatoire). Les membres sont tenus de placer tous les mois un Source : Recherches des auteurs. taka sur leur compte d'épargne, et 5 % du montant des prêts est placé sur un compte d'épargne rémunéré appartenant au groupe de l'emprunteur. Cette les trois institutions ont mis en place des incita- épargne sert de caisse d'assurance, sur laquelle les tions, notamment monétaires, et des sanctions membres du groupe peuvent se faire mutuellement aussi bien pour le personnel que pour les clients, des prêts ; elle sert aussi de solde de compensation en vue d'encourager le remboursement ponctuel pour la BG. Des taux d'intérêt positifs sont servis des prêts ; et toutes trois disposent d'excellents sur l'épargne, mais ils sont nettement plus bas que systèmes d'information de gestion, qui leur les taux perçus sur les prêts. Cette politique doit permettent de suivre la performance des prêts, et être envisagée dans le contexte du créneau occupé d'appliquer et de gérer efficacement leur système par la BG, qui comprend la couche la plus d'incitations. défavorisée de la population. La différence de performance entre les divers types de prêts accordés par la BAAC mérite d'être Politique de taux d'intérêt signalée. Dans le cas des prêts directs aux clients, elle est très bonne, mais dans celui des prêts aux La BRI-UD applique un taux d'intérêt forfaitaire coopératives et aux associations de producteurs, de 1,5 % par mois, ce qui équivaut à un taux effectif Tableau 9.4 Pourcentage de remboursement des prêts par types de clients à la BAAC (en pourcentage du montant exigible chaque année) Client 1986 1989 1992 1994 Agriculteurs et particuliers 77,1 86,8 89,0 86,0 Coopératives agricoles 45,3 68,9 68,8 68,4 Asssociations d'exploitants agricoles 41,2 72,8 71,3 60,0 Source: Sacay, Rhandawa et Agabin, 1996. 134 Les finances rurales de 32,7 % par an. Elle prélève en outre 0,5 % par La BG n'est pas soumise au Décret sur les mois, reversé aux clients (par le biais du compte sociétés bancaires qui s'applique aux banques d'épargne) qui règlent ponctuellement leurs commerciales et autres institutions financièrcs du échéances. Le taux de rétrocession des fonds Bangladesh, de sorte qu'elle échappe aux couvre entièrement les frais de mobilisation des règlements sur les taux d'intérêt imposés par la fonds, et il permet à la BRT-UD de collecter une Banque centrale. La BG a une clientèle beaucoup épargne substantielle grâce à des taux d'intérêt plus pauvre que la BRI-UD ou la BAAC et elle fournit attrayants. La BRI-UD est donc devenue totalement divers services non financiers. La structure de ses autonome sur le plan financier et elle n'a plus coûts est beaucoup plus élevée, et sa politique de besoin de subventions. taux d'intérêt n'est pas conçue pour couvrir La BAAC est exonérée, à titre exceptionnel, du intégralement les frais financiers et opérationnels. plafonnement des taux d'intérêt qui était en Elle reste tributaire des subventions, bien qu'elle vigueur en Thaïlande jusqu'en 1992 (Sacay, prélève un taux d'intérêt relativement élevé sur la Rhandawa et Agabin, 1996). Néanmoins, elle s'est plus grande partie de son portefeuille de prêt toujours efforcée de maintenir ses taux d'intérêt à (20 %, contre 16 % en 1991).Au cours des dernières un ou deux points de pourcentage au-dessous des années, cette dépendance a cependant fortement taux des banques commerciales. Les exonérations diminué. Il est difficile de déterminer exactement fiscales et l'exemption de réserves obligatoires, le taux d'intérêt effectif de la BG, car les soldes ainsi que les taux de réescompte spéciaux que lui compensatoires exigés des clients réduisent de fait accorde la Banque de Thaïlande, lui ont permis de le montant des prêts et augmentent le taux d'intérêt pratiquer un taux de rétrocession relativement bas. effectif (abstraction faite du rôle d'assurance joué Elle reste, toutefois, partiellement tributaire des par l'épargne), (voir la figure 9.10). subventions, encore que celles-ci aient baissé au cours des dernières années grâce aux réductions Frais administratifs et coût des transactions remarquables des frais administratifs, à l'amélioration du recouvrement des prêts et à Les frais administratifs et les coûts de transaction l'augmentation de l'épargne volontaire. des IFR sont souvent élevés en raison du faible montant des prêts et des dépôts, de la dispersion géographique des clients, des efforts requis pour obtenir des renseignements sur les clients, et de Figure 9.10 Frais financiers en pourcentage du volume l'utilisation de formes non traditionnelles de annuel moyen des prêts totaux de la BAAC, la BRI-UD sûreté. Néanmoins, il est impératif qu'elles et la BG, 1987-94 maîtrisent leurs coûts car leurs capacités de revenu sont souvent restreintes par le plafonnement des taux d'intérêt ou par d'autres contraintes. La BAAC a réussi à maintenir ses coûts à un niveau exceptionnellement bas en offrant des prêts 30 de montant relativement important et en faisant des opérations de prêts groupés, de sorte qu'elle a 20 pu réduire les coûts de transaction. (Elle reçoit en outre des fonds d'autres banques sous forme de dépôts obligatoires, presque entièrement exempts 10 de frais administratifs). En raison de son BRI-UD exceptionnelle pénétration sur le marché, la BAAc 0 est très connue. Elle n'a pas besoin de financer de 1987 1BAAC coûteuses activités de promotion et sa nombreuse 9881989 19clientèle lui permet de faire des économies 1992 BG9 d'échelle. La BRI-UD, au contraire, est en expansion 1993 1994 rapide et fait une large place à l'épargne volontaire, qui coûte cher à mobiliser. Quant à la BG, le Source: Recherches des auteurs. montant moyen de ses prêts et de ses dépôts est Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 135 beaucoup moins élevé qu'à la BAAC et la BRI-UD, le risque de crédit et les frais administratifs, sont et elle fournit par ailleurs des services non autant de mesures qui seraient bénéfiques à financiers et d'importants services de formation à l'économie rurale et qui renforceraient l'efficacité son personnel et à ses clients. Pour toutes ces de l'intermédiation financière rurale en Thaïlande. raisons, ses coûts administratifs sont plus élevés. La BG est un cas à part (plus complexe aussi) car elle fournit des services non financiers à une Systèmes d'information de gestion clientèle plus pauvre. Cependant, on peut se demander si les taux de rétrocession qu'elle Les trois institutions possèdent des systèmes applique sont suffisants, dans la mesure où elle ne d'information de gestion avancés, quoique saurait se passer de subventions. De façon générale, sensiblement différents. Chacune d'entre elles a pour les mécanismes de crédit qui prennent mis au point un système adapté à ses méthodes de modèle sur la BG, avec pour objectif de réduire la travail, qui assure la transparence et facilite la prise pauvreté, il est impératif de veiller à ce que les taux des décisions. L'efficacité des politiques financières d'intérêt aient un niveau approprié". et des procédures opérationnelles peut ainsi être Le relèvement des taux de rétrocession est gé- évaluée et des corrections peuvent être apportées néralement le moyen le plus efficace de réduire la si besoin est. Le suivi du remboursement des prêts dépendance envers les subventions. Ce relèvement permet aux institutions d'améliorer le recouvre- (à condition de ne pas donner un coup de frein à ment des créances, de pénaliser les mauvais la demande de prêts ou de ne pas avoir d'effet payeurs et d'accélérer l'approbation des prêts. Les négatif sur le recouvrement des prêts) permet le systèmes mis en place facilitent l'application du plus souvent de toucher une clientèle plus vaste, régime d'incitations au personnel, car les cadres dans la mesure où un plus grand nombre de clients peuvent suivre les résultats des agences et du peuvent recevoir des fonds. La BG appliquait un personnel, et les évaluer dans le contexte des taux d'intérêt annuel de 16 % jusqu'à la mi-91, résultats obtenus par l'ensemble de l'institution. avant de le porter à 20 %. Il n'y pas d'indication que le relèvement du taux d'intérêt ait fait baisser Améliorations possibles la demande de prêts ou augmenter les arriérés. Le tableau devient plus complexe si l'on cor- Les trois IFR examinées dans ce chapitre ont rige les taux débiteurs de l'inflation. On s'aperçoit accompli des progrès exceptionnels dans le alors que les taux d'intérêt débiteurs réels sont domaine des services à la clientèle et dans la voie beaucoup plus volatiles (voir le tableau 9.5). de l'autonomie financière. Leur serait-il possible Les chiffres montrent que les taux d'intérêt de faire encore mieux en modifiant certaines de débiteurs réels varient entre 5,5 % et 20 %, ce qui leurs opérations ? est une large fourchette. Si le taux réel élevé de 1993 Les pressions populistes qui existent depuis n'a pas eu d'effet négatif observable sur les longtemps en Thaïlande mettent constamment en remboursements ou sur la demande de crédit, on cause l'autonomie de gestion de la BAAC. Dans ce peut valablement supposer que, les autres années, contexte, il est permis de poser les questions les taux auraient pu être plus élevés. La BG aurait suivantes : a) la BAAC doit-elle devenir une insti- donc pu augmenter ses taux d'intérêt nominaux tution financière rurale ou rester une banque et devenir ainsi plus autonome financièrement, agricole spécialisée ? et b) les politiques de taux sans pour autant perdre de clients5". d'intérêt doivent-elles viser à optimiser la Les résultats et les méthodes d'opération de la répartit,on des ressources ou au contraire, la BAAC BRI-UD semblent correspondre au scénario devrait-elle continuer de pratiquer des optimal d'intermédiation financière rurale en ce subventions croisées au profit des petits prêts, en qui concerne l'indépendance vis-à-vis des infléchissant les taux d'intérêt dans le cadre d'un subventions. Qui plus est, la BRI a eu un IDS négatif système de compensation ? Éliminer les ces dernières années (ce qui veut dire que la BRI- subventions croisées, faire de la BAAC une IFR et UD aurait pu sensiblement abaisser les taux de non plus une institution spécialisée dans le crédit rétrocession sans avoir besoin de subventions). On agricole, et appliquer des taux d'intérêt qui est conduit à se demander quel aurait été l'impact reflètent le coût des capitaux (hors subvention), sur l'économie rurale, et en particulier sur les 136 Lesfinances rurales Tableau 9.5 Taux d'intérêt annuels moyens, nominaux et réels, appliqués aux prêts de la BG, 1989-94 (pourcentage) Taux d'intérêt 1989 1990 1991 1992 1993 1994 Inflation au Bangladesha 9,9 8,1 7,2 4,3 0,0 3,6 Taux d'intérêt annuel moyen appliqué aux prêts ordinaires Taux de prêt nominal 16,0 16,0 18,0 20,0 20,0 20,0 Taux de prêt réel 5,5 7,3 10,1 15,1 20,0 15,9 a. Mesurée d'après l'indice des prix à la consommation. Source: Recherches des auteurs. clients de la BRI-UD, si l'on s'était servi de la valeur Le cadre de politique économique des subventions négatives pour réduire la marge entre les taux débiteurs et les taux créditeurs de la La façon dont les trois institutions surmontent BRI-UD, au lieu de subventionner des activités de les contraintes découlant de leur environnement la BRI indépendantes des unit desas. C'est une social, politique et économique, peut donner des question extrêmement importante car le croise- indications sur l'élaboration des institutions ment des subventions à la BRI (attesté par l'IDS financières rurales du futur. négatif) conduit à une répartition défavorable des Les trois IFR opèrent dans un contexte revenus, la clientèle aisée étant subventionnée par politique et économique relativement stable, où les petits entrepreneurs ruraux. l'inflation est constamment inférieure à 10 %. Tableau 9.6 Indicateurs économiques et démographiques dans les régions où opèrent la BAAC, la BRI-UD et la BG (en pourcentage, sauf indication contraire) Indicateurs BRI-UD BAAC BG (Indonésie) (Thaïlande) (Bangladesh) Indicateurs économiques Inflation annuelle moyenne, 1984-94 8,90 5,00 6,60 Inflation, 1994 8,53 4,37 3,58 PIB annuel moyen par habitant, 1994 (en dollars) 892 2 417 223 Croissance réelle du PIB annuel moyen, 1990-94 6,81 8,27 4,18 Part de l'agriculture dans le PIB, 1994 17 10 30 Croissance annuelle moyenne de l'agriculture, 1980-93 3,20 3,80 2,60 Agriculture en pourcentage de la population active, 1990 55 64 65 Indicateurs démographiques Nombre d'habitants (millions), juillet 1995 203,6 60,3 128,1 Accroissement de la population, 1995 1,56 1,24 2,32 Population rurale, 1994 66 80 82 Nombre d'habitants au km2, juillet 1995 33 398 957 Taux d'alphabétisation de la population, 1995 84 94 38 Taux d'alphabétisation masculine, 1995 90 96 49 Taux d'alphabétisation féminine, 1995 78 92 26 Source: Recherches des auteurs. Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 137 Les paramètres économiques du Bangladesh, de à ne pas rembourser les prêts, alors que les autres l'Indonésie et de la Thaïlande sont très différents. intermédiaires financiers du Bangladesh avaient Le PIB par habitant était, en 1994, de 223 dollars pour la plupart de mauvais résultats dans ce au Bangladesh, de 892 dollars en Indonésie, et de domaine. Comme la BAAC, la BG a aussi réussi à 2 417 dollars en Thaïlande. Le PIB annuel moyen a échapper au plafonnement des taux d'intérêt et à progressé à des taux différents dans les trois pays d'autres restrictions imposées au secteur financier durant les cinq dernières années, le Bangladesh (voir le tableau 9.6). enregistrant le taux le plus bas (4,2 %), suivi de l'Indonésie (6,8 %) et de la Thaïlande (8,3 %). Conclusion L'agriculture est importante pour l'économie des trois pays. Elle emploie 65 % de la population ac- Le succès des trois institutions s'explique en partie tive et représente 30 % du PIB au Bangladesh. Les par le contexte macroéconomique relativement fa- chiffres correspondants sont respectivement 55 % vorable dans lequel elles opèrent. Cependant, leur et 17 % en Indonésie et 64 % et 10 % en Thaïlande. aptitude à surmonter les contraintes imposées par Comme on peut s'y attendre, plus de 80 % des le cadre de politique économique grâce à des habitants vivent en milieu rural au Bangladesh et politiques et à des méthodes d'exploitation en Thaïlande, et près de 70 % de la population novatrices constitue un précieux enseignement indonésienne est rurale. Pour améliorer l'accès des pour les projets de finances rurales futurs. populations rurales aux marchés des capitaux, les L'élimination ou la réduction remarquable de leur tros IFR ont institué diverses formes de services dépendance envers les subventions tient davantage bancaires mobiles. Elles continuent de se rapprocher aux gains d'efficacité qu'elles ont toutes trois de leurs clients en élaborant et en planifiant des réalisés, plutôt qu'à l'évolution du climat des services bancaires électroniques. affaires du pays. Bien que le cadre juridique et réglementaire On peut tirer des principes directeurs de dans lequel évoluent les trois institutions soit très l'expérience de ces trois institutions, mais la différent, chacune d'entre elles a réussi à surmonter prudence s'impose dans la transposition de ces les contraintes ou a trouvé des moyens de se modèles: ce qui fonctionne dans un contexte so- protéger de certains aspects de son environnement. cio-économique donné ne fonctionnera pas Elles ont organisé des groupes à responsabilité nécessairement ailleurs. Il ne faut pas oublier que conjointe, institué l'épargne obligatoire ou d'autres l'efficacité de méthodes d'exploitation données est méthodes encore, pour pallier les problèmes de en grande partie fonction des niveaux de revenu sûreté et d'exécution des contrats. En 1994 et 1995, de la clientèle cible et de ses activités génératrices la BG a battu en brèche la tendance traditionnelle de revenu. 138 Les finances rurales Annexe. Performance et méthodes operationnelles de la BRI-UD, de la BAAC et de la BG - Récapitulation A &-Lfd BAAC, Thaeande GB, BanglaWdesh Institution Année d'établissement 1984a 1966 1976 L'exercice budgétaire s'achève Lexercice budgétaire s'achève [exercice budgétaire s'achève le 31 décembre le 31 mars le 31 décembre Objectifs Fournir des crédits à de petites Fournir une aide financière aux Améliorer la situation activités génératrices de revenu agriculteurs pour des activités économique des pauvres en (surtout rurales) et offrir des agricoles et connexes milieu rural facilités d'épargne aux ménages Type d'institution Programme autonome Institution financière Institution financière d'épargne et de crédit ruraux dans le cadre d'une institution financière Appartenance Bank Rakyat Indonesia (banque Institution d'État Institution indépendante : part d'État) détenue par les emprunteurs : 92 % ; détenue par l'Etat : 8 % Services financiers Prêts et dépôts d'épargne Prêts et dépôts d'épargne Prêts et dépôts (obligatoires) d'épargne Autres services Paiement des frais de scolarité Services de commercialisation Intermédiation sociale et et des notes d'électricité assistance technique et conseil formation dans divers domaines (sur les engrais, par exemple) tels que les dots, l'assainissement, l'éducation et la nutrition Clientèle cible Ruraux à revenu faible et Agriculteurs et associations de Ruraux pauvres intermédiaire ; diversifiée producteurs à revenu faible et intermédiaire Pays Indonésie Thaïlande Bangladesh PIB par habitant, 1994 Rp 1 963 136 (USD 892) B 60 258 (USD 2 436) Tk 8 988 (USD 223) Taux annuel moyen de croissance 6,8 8,5 4,2 réelle du PIB 1989-94 (%) Taux annuel d'inflation, 1994 (%) 8,5 5,0 3,6 Taux moyen d'inflation, 1991-94 8,9 4,2 4,6 Clients et personnel Nombre de clients ou de membres 14,5 millions, 4,3 millions de clientsd Mars 1996: 2,1 millions de membres (chiffre cumulé depuis 1983) Prêts à l'agriculture ou aux activités 18 100 1994 : 61® connexes (y compris l'élevage et la pêche) (%) Clientèle cible desservie <%) % des ménages: Membres inscrits : 76 % Environ la moitié des villages du Prêts : 5 des agriculteurs ; part du crédit Bangladesh Dépôts : 20 total aux agriculteurs : 36 %' Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 139 fflzXuý;eeeogBRI-i> idbnésie BAAC, Thailande BG. Bangladesh Emprunteurs femmes (%) 25 Non disponible Mars 1996 : 94 Nombre d'agents 16916 11 379 Mars 1996: 12 268 Unités urbaines 3 5209 365 112 (bureaux régionaux) Unités ou postes villageois 437 840 1 056 Ratio postes villageois/unités urbaines 0,12/1 2,3/1 9,43/1 Services de banque mobileh? Oui Oui Oui Couverture des prêts Nombre de prêts en cours 2,3 millions 3,1 millions 2,1 millionsi (millions) Volume des prêts en cours Rp 2 825 milliards B 94 453 millions Tk 11 798 millions (moyenne annuelle) (USD 1 224 millions) (USD 3 817,8 millions)k (USD 289 millions) Taux moyen annuel de croissance 41,6 % (1993-95) 22 % (1993-95) 35 % (1992-94) réelle des actifs pendant les trois dernières années Montant minimum des prêts Rp 25 000 Sans objet Sans objet Montant maximum des prêts Rp 25 millions B 60 000 à B 5 millions' Tk 15 000 (USD 11 364) (USD 2 425 à USD 202 000) (USD 372) Montant moyen des prêts en cours Rp 1 247 673 (USD 567) Agriculteurs individuels: Tk 5 708 (USD 142) B 31 800 (USD 1 285) Montant moyen des prêts en cours, 54 52 64 en % du PIB par habitant Valeur des prêts par agent Rp 167 millions (USD 75 909) B 9,3 millions (USD 377 527) Tk 958 428 (USD 23 812) Nombre de prêts (toutes catégories 134 270 245" confondues) par agent Couverture de l'épargne Volume annuel moyen d'épargne Rp 5 624 milliards B 68.8 milliards Tk 5.366 millions (USD 2 556 millions) (USD 2 780,9 millions) (USD 133,3 millions) Épargne annuelle moyenne en % du 1995 :199 1994: 66,5 1995: 45,6 portefeuille annuel moyen de prêts en 1989:131 1988 : 42 1989 : 55 cours Nombre d'épargnants 14,5 millions 3,1 millions 2,1 millions" Valeur du compte d'épargne moyen Rp 388 383 (USD 177) B 22 389 (USD 905) Tk 2 605 (USD 65) Valeur des dépôts d'épargne par agent Rp 332,5 millions B 6 millions Tk 437 374 (USD 151 136) (USD 244 391) (USD 10 866) Nombre d'épargnants par membre du 856 270 167 personnel Taux d'intérêt annuel nominal servi sur Non déterminé 5 à 10,75 8,50 les dépôts (%) 140 Les finances rurales Annexe (suite) C. PLrformance f#nard*e Rentabilité Rendement de l'actif = 3,6 4,8 0,52 0,55 0,1 0,14 (Revenu net avant impôt) (Actif annuel moyen) (%) Rendement des capitaux propres = 45 127 7,6 7,1 3,4 1994:10,4 (Revenu net avant impôt) (Capitaux propres annuels moyens) (%) Écart de taux d'intérêt a) Revenu provenant des prêts, 28,0 30,9 14,0 10,4 12,0 16,0 en % du portefeuille moyen de prêts en cours b) Charges financières, en % 11,2 9,3 9,1 6,3 4,7 8,1 du portefeuille moyen de prêts en cours Écart a) - b) 16,7 21,7 4,9 4,1 7,3 8,0 Charges Dépenses de fonctionnement, en % de : Valeur annuelle moyenne 10,9 5,7 3,0 2,9 9,3 7,0 éléments d'actif Épargne annuelle moyenne 12,4 6,1 - 5,8 - 23,1 Portefeuille annuel moyen de 15,2 13,5 4,7 3,5 16,7 10,6 prêts en cours Portefeuille annuel moyen de 6,8 4,2 2,9 2,2 - 7,6 prêts en cours plus épargne annuelle moyenne Dépenses de personnel, en % de Valeur annuelle moyenne 7,0 2,9 1,9 1,7 5,0 4,7 éléments d'actif Portefeuille annuel moyen de 9,7 6,9 3,0 2,0 9,0 7,2 prêts en cours Autres dépenses administratives, en % de : Valeur annuelle moyenne 2,6 2,2 1,1 1,2 4,3 2,2 éléments d'actif Portefeuille annuel moyen de 3,6 5,2 1,7 1,5 7,7 3,4 prêts en cours Coûts de formation du personnel, en % de: Dépenses administratives totales 7,3 1,9 0,58 1,08 28,1 1,5P Valeur annuelle moyenne 0,8 0,1 - 0,03 2,6 0,1 éléments d'actif Portefeuille annuel moyen de 1,1 0,3 - 0,04 0,6 0,2 prêts en cours Charges financières, en % de Valeur annuelle moyenne 9,9 8,8 9,1 5,5 3,0 5,3 éléments d'actif Épargne annuelle moyenne 11,2 9,5 - 10,9 - 17,7 Portefeuille annuel moyen de 13,7 20,9 9,6 6,5 5,3 8,1 prêts en cours Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 141 -0 BG, Bangladesh Conditions de prêt Critères d'admissibilité aux prêts Pas de restriction sur les Agriculteurs et associations de Ménages possédant moins de et types d'activités financées opérations financées producteurs, en vue d'activités 0,2 ha de terre, ou des avoirs agricoles et d'activités connexes d'une valeur équivalant à moins de 0,4 ha Sûreté exigée 100 %. Sous forme de terres Responsabilité conjointe et Indirectement, au moyen de généralement (difficiles à garantie personnelle pour les l'épargne obligatoire, de la saisir) autres types de prêts ne dépassant pas responsabilité conjointe et de sûreté 80 % de dépôts ou B 100 000 par personne; au- la pression des pairs contrats de bail dessus de ce montant, titre de propriété sur des actifs tangibles Prêts fournis à des coopératives ou Non OUiq Non des associations de producteurs ? Prêts aux particuliers ? Oui Oui Oui, aux membres des groupes, avec responsabilité conjointe Prêts aux groupes ? Non Oui Ouir Comment les groupes sont-ils Sans objet Par les membres Par les membres formés ? Taille des groupes Sans objet 5-30 5 Instruction des demandes de prêt (du dépôt de la demande au décaissement) Pour les nouveaux emprunteurs 2 semaines (maximum) 1 semaine 1-2 semaines Pour les emprunteurs ayant déjà 2 jours 1 semaine 1-2 semaines reçu un prêt Approbation des prêts par Directeur de l'unit desa, jusqu'à Chargé de crédit pour les prêts Directeur local, sur Rp 5 millions généralement; de moins de B 60 000 ; directeur recommandation des membres directeur d'agence pour les d'agence jusqu'à B 300 000 ; le du groupe et des agents de la prêts de plus de Rp 5 millions, président moins 8 5 millions; le banquet conseil à partir de B 5 millions Dirigeants ou responsables locaux Oui Oui Non intervenant dans l'approbation des demandes de prêt ? Comment'? Références personnelles de Références personnelles de Sans objet l'emprunteur l'emprunteur Fréquence des remboursements Souple, généralement Prêts à court terme : à Hebdomadaire mensuelle ou trimestrielle l'échéance (11 mois) Augmentation graduelle des montants Oui Oui Oui que le débiteur peut emprunter dans le futur ? Comment les prêts sont-ils suivis ? Département spécial du siège Visites des agents de crédit; Réunions publiques chargé du suivi, plus la réunions avec les clients hebdomadaires de suivi supervision normalement des prêts dans les centres assurée par l'agence régionale villageois 142 Les finances rurales Annexe (suite) D Prêts Sse RI-UD, Indonésie MACTIad Incitations ou sanctions applicables au remboursement des prêts Pression sociale ou pression Oui, en partieu Pour les prêts collectifs Oui, pour tous les prêts des pairs en faveur du remboursement des prêts ? Mesures disciplinaires en cas de Oui Oui Non non-remboursement des prêts ? Maius ? Oui, réduction du taux d'intérêt Oui, 3 % par an sur les arriérés Non de 0,5 % par mois (sur le montant initial) en cas de remboursement ponctuel Accès ultérieur aux prêts ? Non Nonv Non,* Saisie ou reprise de possession ? Ouix Non déterminé Sans objet Incitations au personnel en vue Oui, prime annuelle sur Oui, bonus annuel et Oui, en fonction des prestations du recouvrement des prêts ? bénéfices représentant jusqu'à promotionsy globales, intéressement aux 1,5 mois de salaire, et bénéfices (jusqu'à 10 % des récompenses spéciales au bénéfices de l'agence) personnel des unités les plus performantes Taux de rétrocession Taux d'intérêt nominal officiel sur 1,5 par moisz 8,0 à 14,5 par an 20,0 par an" les prêts (%) Taux d'intérêt annuel effectif 32,7 8,3 à 15,5 20bb (nominal) (%) Taux d'intérêt réel (annuel) (%) 23 2,6 à 6,9 16,0 Échéance normale des prêts 1-3 ans 11 mois (pour les prêts à court 1 an terme) Taux d'intérêt annuel nominal 1994 : 21 10 à 14,75 14 officiel en vigueur dans le pays pour les rétrocessions de fonds (%) Taux d'intérêt annuel informel en Non déterminé 25-60 106 vigueur dans le pays (%) Taux d'intérêt maximum statutaire Non Non Oui- sur les rétrocessions de fonds ? Performance des prêts Définition des arriérés utilisée par Dernier versement non réglé Dernier versement non réglé Un an de retard l'institution dans les temps dans les temps (Recouvrement annuel des prêts) 95 (estimation) Environ 90dd 98,2" (Anciens arriérés + montants dus dans l'année) (%) (Arriérés) 6,5 8,3 3,6 (Portefeuille de prêts en cours) (%) (Provisions annuelles 4,9 1,0 1,2 pour pertes sur prêts) (Portefeuille de prêts en cours) (%) (Intérêts versés) 77 61 46 (Intérêts perçus) (%) Pratiques optimales: Trois institutions qui réussissent 143 Note : Sauf indication contraire, les chiffres et les données financières de cette annexe proviennent des institutions elles-mêmes ou sont basés sur les calculs des auteurs. Sauf indication contraire, les taux de change correspondants (de fin de période) sont les suivants BRI-UD: décembre 1994: USD 1 = Rp 2 200 décembre 1995: USD 1 = Rp 2 308 BAAC: décembre 1994: USD 1 = B 25,09 mars 1995 : USD 1 = B 24,74 BG: décembre 1994: USD 1 = Tk 40,25 décembre 1995: USD 1 = Tk 40,75 a. La BRI- UD a établi le Programme de Crédit rural général, ou KUPEDES, en 1983, mais elle n'a commencé à fournir des services financiers qu'en 1984. b. La Banque Grameen a débuté comme projet dans le cadre du Programme d'économie rurale de l'Université de Chittagong en 1976, avec le financement d'une banque commerciale nationalisée et la garantie personnelle du professeur Muhammad Yunus. Elle a été transformée en 1983, par décret gouvernemental, en institution financière spécialisée dans les services aux pauvres en zone rurale. c. Sur la base du nombre des comptes d'épargne. d. États financiers de la BAAC pour l'exercice 94 : nombre d'agriculteurs clients : 3 071 545 ; coopératives et associations : 1 321, avec 1 238 -712 membres ; nombre total de membres : 3 072 866, soit 4 310 257 clients. e. Prêts décaissés pendant la période 1983-94. f. États i nanciers de la BAAC pour l'exercice 94, et Sacay, Rhandawa et Agabin, 1996. g. Nombre d'unités de « sous-district » ou « unit desas ». h. Cet indicateur reflète la capacité du personnel à être dans les villages et les localités pauvres tous les jours ou toutes les semaines pour aller voir les empru iteurs. pour expliquer les règles aux clients potentiels, décaisser les prêts, et recouvrer les remboursements. i. D'après le nombre d'emprunteurs. j. D'aprés le nombre de membres. k. Agricu teurs indiviouels, 1994 : B 97 680 millions; 1995: B 75 068 millions Associations B 8 474 millions; B 7 684 millions Total : B 106 154 millions ; B 82 752 millions 1. Le montant du prêt dépend du type de client : particulier, groupe ou association de producteurs. m. Nombre d'emprunteurs par agent. n. Bien que l'on ne dispose pas de données sur le nombre d'épargnants, c'est certainement le chiffre minimum étant donné que l'épargne est obligatoire. o. Alors que la BRI-UD ne forme que ses agents, la BG et, dans une moindre mesure, la BAAC forment aussi les emprunteurs. p. Le nombre des nouvelles recrues, et donc les dépenses de formation des nouvelles recrues, ont sensiblement baissé après 1992. q. Les coopératives ont eu de piètres résultats sur le plan du remboursement des prêts, et la BAAC a pris des mesures pour réduire leur part, ainsi que celle des associations de producteurs, dans son portefeuille de prêts. r. Prêts aux membres individuels du groupe. s. L'unit desa est l'unité villageoise. Chacune dessert en moyenne 17 à 18 villages. t. Chaque directeur de zone supervise de 10 à 15 agences de la Banque Grameen. Le processus d'approbation des prêts est complexe, de nature participative, et il fait intervenir les membres des groupes, un agent de la banque et un directeur régional. u. L'efficacité de la pression sociale varie beaucoup selon la région géographique. v. Le groupe entier est disqualifié en cas de défaut d'un membre. w. Le groupe entier est disqualifié en cas de défaut d'un membre. x. La saisie est légalement possible, mais c'est un processus long et coûteux, qui est rarement utilisé. y. En 1994-95, certains agents de la BAAC ont reçu jusqu'à cinq mois de salaire, compte tenu de la performance globale de l'établissement. z. Taux forfaitaire de 1,5 % par mois, indépendamment du malus de 0,5 % par mois, qui est remboursé si tous les versements sont effectués ponctuellement. aa. Benjamin, 1994. Les calculs ne tiennent pas compte de l'impact de l'épargne obligatoire, qui a pour effet de relever le taux. bb. Pour les emprunteurs irréguliers, la BG calcule l'intérêt à 20 % sur la base d'un solde décroissant. Pour les emprunteurs réguliers, elle perçoit toutes les deux semaines à titre d'intérêt Tk 2 par Tk 1 000 prêtés, avec un délai de grâce de deux semaines. cc. En vertu du décret de 1983 sur la Banque Grameen, la banque est exemptée du plafonnement des taux d'intérêt. dd. Les prêts directs de la BAAC aux agriculteurs affichent de meilleurs résultats sur le plan du remboursement (près de 90 %), par rapport aux prêts aux coopératives et aux associations de producteurs (60 à 70 %). ee. Khandrer, Khalily et Khan, 1995. Ce chiffre concerne les prêts généraux (prêts collectifs exclus) en 1992. I &-争-! 1 APPENDICE rindice de d -pendance envers les subventions des institutions financières rurales analyste qui ne dispose que des données an en s'adressant au guichet de réescompte de la comptables classiques pour mesurer la per- banque centrale, au lieu àu taux de 12 % en vi- f'ormance financière des IFR est confronté à gueur sur le marché pour les dépôts, le bénéfice deux difficultés principales. Tout d'abord, à côté comptable et les ratios financiers qui mesurent la des dépenses et des recettes (y compris les rembour- rentabilité de l'institution financière rurale n'in- sements de certaines dépenses par l'État ou les diqueront pas que les chiffres qu'ils représentent bailleurs de fonds) qui figurent au compte de résul- n'ont été obtenus que grâce à la forte subvention tat des IFR, d'autres dépenses et recettes ne sont pas incorporée aux facilités de réescompte à bon mar- comptabilisées. Ensuite, les méthodes comptables ché offertes par la banque centrale. La fourniture classiques doffrent pas les instruments nécessaires de fonds concessionnels à une IFR est la forme de pour suivre et comptabiliser correctement tous les subventionnement la plus courante et, pourtant, types de subventions reçues par ces institutions". le calcul de la valeur de la subvention correspon- La comptabilité classique assimile le coût des dant aux fonds empruntés par l'institution à des ressources à leur coût effectif Le coût d'opportu- conditions concessionnelles nécessite des rensei- nité des fonds empruntés par une IFR, c'est-à-dire gnements qui ne figurent pas dans les états finan- le coût que cette institution devrait payer pour ciers de l'institution. Il en va de même pour les obtenir ces fonds si l'accès aux ressources conces- fonds propres de l'établissement. sionnelles disparaissait, n'est pas pris en compte. En maximisant le profit, l'institution ne fait pas Le calcul de l'indice de dépendance envers les sub- la différence entre le bénéfice qui dépend en par- ventions (IDS) suppose que le volume du porte- tie des subventions et celui qui n'en dépend pas feuille de prêts en cours d'une IFR reste inchangé. du tout, dès lors que la poursuite du versement La variation du coût des fonds est donc causée par des subventions est assurée. Or, c'est un instru- le remplacement des fonds empruntés à des con- ment essentiel pour évaluer la performance d'une ditions concessionnelles par l'épargne volontaire, IFR. Il est indispensable de calculer le coût social obtenue à un taux d'intérêt sur les dépôts corres- des opérations d'une telle institution (coût dont pondant à celui du marché. Si, par exemple, la ban- les subventions représentent une part importante) que centrale prête à une IFR à 2 %, la comptabilité pour apprécier la justification sociale de l'existence classique indique que le coût du prêt est de 2 % par de l'institution, car les IFR sont souvent des orga- an. Si le coût des fonds non concessionnels de rem- nismes publics ou quasi publics. Pour bien com- placement est de 12 % par an, FIDS, lui, considère prendre l'inconséquence des méthodes appliquées et traite la différence de 10 % entre les taux d'inté- actuellement aux informations financières, il suf- rêt sur ces fonds comme une subvention perçue fit de se demander ce que peut signifier un rende- par l'institution. Le raisonnement est le suivant : ment des capitaux propres de 20 % si 50 % des si l'institution subventionnée da payé que 2 % par obligations financières de l'institution considérée 145 146 Les finances rurales correspondent à des fonds empruntés à des con- pas de renseignements détaillés sur les frais d'ex- ditions concessionnelles auprès de la banque cen- ploitation d'une institution. L'indice aide notam- trale (guichet de réescompte) ; il est clair que les ment à: fonds sont assortis d'un taux d'intérêt sensible- Faire le rapprochement entre le montant ment inférieur aux taux d'intérêt sur les dépôts of- total des subventions reçues par l'institution ferts par le marché. En outre, dans notre exemple, financière rurale et son niveau d'activité, re- un tiers des charges salariales de l'institution, 80 % présenté par les intérêts reçus sur son por- de ses pertes sur prêts et la totalité de ses dépenses tefeuille de prêts (semblable au calcul du de formation sont pris en charge par l'État. coût de la protection effective en ressources Pour évaluer l'opportunité sociale des investis- intérieures ou en création d'emplois) ; sements, il n'est pas rare aujourd'hui que les ana- • Suivre l'évolution dans le temps de la dépen- lystes renoncent à utiliser le prix financier des en- dance d'une IFR envers les subventions; trées et des sorties, pour les remplacer par des prix Comparer la dépendance envers les subven- virtuels, qui rendent compte du coût social de l'in- tions des IFR qui fournissent des services si- vestissement dans les secteurs des biens réels. L'em- milaires à des clientèles similaires. ploi de prix virtuels économiques permet de calcu- Le dialogue des prêteurs avec les pays emprun- ler le taux de rentabilité économique, souvent teurs peut se trouver enrichi par l'utilisation cou- différent du taux de rentabilité financière. Le cal- rante de l'IDS pour mesurer la performance d'une cul de l'indice de dépendance envers les subven- IFR aux stades de l'évaluation, de la supervision tions (IDS) a un objectif analogue. L'IDS mesure et de l'achèvement des projets. Cependant, plus précisément le coût social correspondant au comme pour tous les autres instruments de me- maintien en opération d'une IFR. Il y a toutefois sure financière, l'exactitude de l'IDS est entière- une différence entre le calcul du taux de rentabi- ment tributaire de celle des données qui servent à lité économique et l'utilisation de l'IDS : ce der- le calculer. nier n'évalue pas et ne mesure pas non plus plei- L'IDS nécessite l'application de certaines mé- nement les avantages sociaux de l'affectation des thodes et fait intervenir une part de jugement. La ressources aux secteurs des biens réels par l'inter- cohérence de période à période est plus impor- médiaire d'une IFR. En revanche, il donne une tante que l'exactitude absolue des chiffres utilisés meilleure estimation du coût social des subventions pour calculer l'indice. L'IDS est un ratio qui me- en appliquant aux ressources financières employées sure l'augmentation en pourcentage du taux de par l'institution des taux d'intérêt qui correspon- rétrocession moyen qui doit être appliqué pendant dent approximativement à ceux du marché. une année donnée pour permettre à une IFR d'éli- La méthode de l'IDS vise à procurer un moyen miner les subventions et de parvenir à un rende- global de mesurer l'ensemble des coûts financiers ment des fonds propres égal au coût approximatif du fonctionnement d'une IFR et de chiffrer sa dé- des emprunts à des conditions non concession- pendance envers les subventions. Elle évite de don- nelles. L'indice suppose, pour simplifier, qu'une ner trop de poids, dans l'analyse financière des IFR, hausse du taux de rétrocession est la seule modifi- aux ratios de rentabilité financière calculés par les cation à apporter pour compenser la disparition méthodes comptables classiques. L'IDS doit per- de la subvention, mais il est bien évident qu'une mettre d'analyser l'intérêt collectif que présentent économie sur les coûts de fonctionnement ou une la performance financière de l'institution finan- réduction des pertes sur prêts fait également bais- cière rurale et sa dépendance envers les subven- ser l'IDS. Même si l'élimination des subventions tions. Il met en évidence l'ensemble des coûts so- reçues par une IFR n'est pas toujours politique- ciaux correspondant au fonctionnement de mentréalisable ousouhaitable,ilesttoujours utile, l'institution, y compris la valeur totale de toutes économiquement et politiquement, de connaître les subventions qu'elle reçoit. Il révèle le mon- le poids des subventions. tant des subventions nécessaires pour maintenir Pour calculer l'IDS, on additionne toutes les sub- l'institution en opération, alors que les données ventions reçues par une IFR. Le montant de la sub- de la comptabilité classique ne procurent pas ce vention totale ainsi obtenu est ensuite mesuré par type de renseignement. L'IDS est un outil facile à rapport au taux de rétrocession de l'institution, utiliser et simple à calculer puisqu'il ne nécessite multiplié par son portefeuille de prêts annuel Appendice: L'indice de dépendance envers les subventions des institutions financières rurales 147 moyen, puisque les prêts sont la principale acti- S = La subvention annuelle reçue par vité d'une IFR guidée par l'offre. La mesure des l'institution subventions annuelles reçues par l'institution en PP = Le portefeuille annuel moyen de prêts en pourcentage de ses recettes d'intérêts donne le cours de l'institution pourcentage d'augmentation des recettes d'inté- I = La moyenne pondérée du taux de rétro- rêts qui serait nécessaire pour que l'institution cession obtenu sur le portefeuille de prêts puisse se passer des subventions ; elle indique éga- de l'institution lement le nombre de points de pourcentage dont PP*I = Le taux d'intérêt annuel moyen obtenu il faudrait augmenter le taux de rétrocession pour sur le portefeuille de prêts annuel éliminer les subventions, et renseigne aussi sur le moyen = l'intérêt obtenu sur le porte- montant total des subventions. feuille de prêts tel qu'il apparaît au Dans le calcul de l'iDS, le montant de la sub- compte de résultat (corrigé si nécessaire). vention annuelle reçue par une IFR est défini comme suit L'IDS ne peut pas expliciter comment une sub- vention a été utilisée ni indiquer si elle a profité à S = A (ni - c) + [(E * m) - p] + K la plupart des clients ou a été absorbée principa- lement par une bureaucratie inefficace. Pour cal- où culer quelle part d'une subvention est consommée par la bureaucratie, il faut disposer de données S = La stubvention annuelle reçue par beaucoup plus détaillées et, même dans ce cas, il y ] iencostu onds a souvent place à l'interprétation. L'avantage de A = L'encours des fonds empruntés à des con- l'1Ds tient à sa simplicité. Il se concentre exclusi- ditons concessionnelles par l'institution vement sur la subvention à l'entrée, c'est-à-dire ( moyenne annuelle) sur la valeur de la subvention reçue par l'institu- m = Le taux d'intérét que l'institution devr ai tion financière. Il faut considérer, dans certains cas, payer pour emprunter des sources si que lIDS exprime une limite inférieure, attendu l'accès aux fonds concessionnels em- que le plein financement des activités d'une IFR prun tes disparaissait dont la performance financière est mauvaise, est c = La moyenne annuelle pondérée du taux probablement difficile aux taux d'emprunt en vi- d'intépr concssionn payé l'effctiva- gueur sur le marché. Toutefois, le calcul d'une telle ment par l'institution sur l'encours an- limite inférieure est essentiel pour mesurer les pro- nuel moyen des fonds empruntés à des grès accomplis par l'institution vers l'autonomie conditions concessionneIles et la justification sociale du maintien de sa dépen- E = Les fonds propres annuels moyens dance envers les subventions. P = Le bénéfice (avant impôt) annuel décla- Un IDS égal à zéro signifie qu'une IFR est plei- ré (corrigé, si nécessaire, des provisions nement autonome. Un IDs de 100 % signifie qu'il pour pertes sur prêts, de l'inflation, etc.) faudrait doubler le taux de rétrocession moyen K = La somme de toutes les autres subven¯ pour éliminer les subventions. Un IDS de 200 % tions annuelles reçues par l'institution indique qu'il faudrait tripler le taux de rétroces- (comme la prise en charge partielle ou sion moyen pour éliminer les subventions. Un IDS totale par l'État des frais d'exploitation). négatif montre non seulement qu'une IFR est par- venue à l'autonomie mais aussi que ses bénéfices eiatio annuels, moins le coût de son capital (fonds pro- suivant: pres) au taux d'intérêt approximatif du marché, IDS = S ont dépassé le montant annuel total des subven- pp >II tions si l'institution en a effectivement reçu. Un IDS négatif signifie également que l'institution fi- où nancière rurale aurait pu réduire son taux de ré- trocession moyen tout en éliminant les subven- IDS = L'indice de dépendance de l'institution tions qu'elle a pu recevoir durant l'exercice envers les subventions considéré.  Notes 1. Le fonctionnement imparfait des marchés 5. Des interventions similaires ont eu lieu à des des capitaux se manifeste par des cas de diversifi- degrés divers sur les marchés financiers, les mar- cation incomplète des risques idiosyncratiques chés obligataires, les marchés de l'assurance et les (Rashid et Townsend, 1994). marchés des régimes de retraite. :2. L'épargne est déposée moyennant une pro- 6. Le problème était moins de promouvoir des messe de restituer les dépôts à une date détermi- technologies nouvelles, non éprouvées, que de di- née, généralement avec un intérêt, et l'assuré paie versifier le capital et de répandre l'usage du maté- des primes en échange d'une promesse d'indem- riel de traction, de la culture en terrasses, des ins- nisation dans des circonstances précisées par con- tallations de stockage et d'autres technologies dont trat. Dans un régime bancaire islamique, des com- ne disposait précédemment qu'un petit nombre missions ou une part des gains peuvent être d'agriculteurs.Decefait,lesrisquesaccompagnant promises au lieu d'un intérêt. Cependant, la na- ces technologies venaient davantage de l'incertitude ture fiduciaire de l'opération demeure. quant à la répartition des gains éventuels (compte 3. L'effet pernicieux du plafonnement autoritaire tenu des caprices de la nature et de l'instabilité des des taux d'intérêt est analysé par Gonzàlez-Vega dans marchés des produits de base) que du manque de « Credit Rationing Behavior ofAgricultural Lenders: connaissances au sujet des technologies. The Iron Law of Interest Rate Restrictions », dans 7. Les autres théories qui ont inspiré ces choix Adams, Graham et Von Pischke, 1984. sont celles de W. W. Rostow (1963), sur le « décol- 4. L'expression « services financiers formels » lage » des économies industrialisées parvenant à la désigne les services fournis par les banques et croissance auto-entretenue, et de Prebisch (1950), autres établissements reconnus officiellement annonçant une baisse des termes de l'échange sur comme des intermédiaires financiers. Ces inter- le long terme pour les producteurs de produits de médiaires se définissent comme des établissements base agricoles par rapport aux producteurs de pro- financiers juridiquement reconnus, soumis au duits de consommation industriels. contrôle des autorités monétaires. Les intermédiai- 8. Les analyses théoriques récentes de Hoff et res financiers semi-formels sont des établissements Stiglitz (1993) proposent une explication des taux juridiquement reconnus qui pratiquent des opé- d'intérêt élevés observés généralement. Si l'acti- rations financières plus restreintes (n'étant sou- vité de prêt d'argent comporte des coûts de dé- vent pas autorisés à recueillir des dépôts) et qui ne marrage fixes et que les prêts publics ne peuvent sont pas soumis au contrôle des autorités moné- pas atteindre directement les ruraux pauvres, les taires. Les intermédiaires financiers informels, bonifications de crédit en faveur des commerçants, comme les prêteurs, sont des intermédiaires finan- propriétaires terriens et autres prêteurs abaisse le ciers qui ne sont ni reconnus juridiquement ni coût de leur capital. Cependant, les profits obte- soumis au contrôle des autorités monétaires. nus incitent de nouveaux prêteurs à entrer sur le 149 150 Les finances rurales marché, ce qui réduit le nombre de clients par prê- Voir Bencivenga et Smith (1991), Giovannini et teur et augmente les frais fixes moyens des prê- de Melo (1993), et King et Levine (1993). teurs. Le résultat peut alors être que les ruraux 14. Les agents économiques tendent à égali- pauvres ont à payer des taux d'intérêt plus élevés ser l'utilité marginale de la consommation dans le qu'avant l'entrée en vigueur des subventions pu- temps. Si les revenus subissent des chocs idiosyn- bliques. De même, les subventions publiques en cratiques, des contrats à la discrétion de l'État avec faveur du crédit formel peuvent faire augmenter les autres agents (crédit, épargne ou assurance) les taux d'intérêt du marché informel si l'entrée peuvent être utilisés pour protéger la consomma- dans la profession de prêteur et le renforcement tion contre les variations idiosyncratiques des re- de la concurrence entre les prêteurs affaiblissent venus individuels. Dans les opérations de crédit, les liens entre les emprunteurs et leurs prêteurs même les emprunteurs qui évitent les risques doi- attitrés, amoindrissant l'efficacité des mécanismes vent supporter un certain niveau de risque en rap- de réputation qui servent à maintenir la discipline port avec les prêts si les prêteurs ne disposent que du crédit. d'une information limitée au sujet de ces em- 9. Les chiffres pour le Brésil et le Mexique cor- prunteurs. Le risque de rentabilité inférieure, au respondent aux transferts budgétaires et quasi cas où un projet réussit moins bien, va à l'encon- budgétaires. Toutefois, ils n'englobent pas les coûts tre de la pleine assurance de la consommation supplémentaires supportés par l'économie à cause contre les variations idiosyncratiques du revenu, de la renonciation à des activités d'investissement mais il incite les emprunteurs à redoubler d'ef- dans les secteurs non prioritaires, évincées par le forts pour réussir et pour rembourser les prêts. crédit ciblé, ou à cause de la baisse des taux d'épar- Il reste à savoir si les fluctuations des niveaux de gne dans l'économie. Ces coûts sont provoqués par consommation des emprunteurs peuvent s'expli- la nécessité d'imposer des taux d'intérêt plus éle- quer par ce mécanisme d'incitation. Si les fluc- vés aux autres secteurs (évinçant donc les emprun- tuations sont plus fortes qu'il est nécessaire pour teurs « non prioritaires ») et d'offrir aux épar- produire les effets d'incitation, les marchés finan- gnants des taux plus bas sur les dépôts afin de ciers sont inefficaces. fournir une subvention croisée aux programmes 15. Les défaillances du marché peuvent sur- de prêts ciblés. venir également en milieu urbain, mais elles sont 10. Les partisans de l'approche traditionnelle particulièrement graves dans les campagnes à considèrent souvent de simples hausses de la pro- cause des politiques pro-urbaines qui ont réduit duction physique comme des signes de réussite, la rentabilité des investissements ruraux, et à sans calculer la valeur de ces gains de production cause également des interventions mal conçues en termes économiques aux prix frontière. des pouvoirs publics sur les marchés des capi- 11. La diversification de l'activité financière est taux ruraux. généralement définie comme le ratio de M2 ou 16. Phelan et Townsend (1991) font excep- M3 par rapport au PIB, où M2 comprend la mon- tion : ils appliquent trois modèles de marchés où naie fiduciaire et la monnaie métallique en circu- l'information est incomplète aux données des lation plus les comptes courants et les comptes de États-Unis sur la consommation et constatent que dépôt (relativement liquides) ; M3 élargit la défi- ces modèles expliquent mieux les variations de la nition de M2 pour inclure les types de dépôts consommation qu'un modèle supposant que l'in- moins liquides. formation est totale. Néanmoins, selon Phelan et 12. Cette notion est connue comme « l'opti- Townsend, même ces modèles ne rendent pas en- mum de Pareto ». L'avantage économique net dési- tièrement compte des variations de la consomma- gne les coûts et avantages privés des participants et tion d'un moment à l'autre ou d'un compartiment les coûts et avantages de l'ensemble de la société. du marché à un autre. Il semblerait donc que les 13. Les systèmes financiers diversifiés s'adres- marchés des capitaux des États-Unis n'assurent sent à une forte proportion des participants po- pas, selon Pareto, des répartitions des ressources tentiels et leur proposent une large gamme de pos- optimales en présence de contraintes. Rashid et sibilités d'augmenter la rentabilité et de réduire Townsend (1994) soulignent que les résultats ob- les risques. Il existe de nombreuses publications tenus par Phelan ne sont pas concluants parce sur les rapports entre les finances et la croissance. qu'ils dépendent de la manière dont les modèles Notes 151 sont construits (des modèles plus complexes pour- agricole, par exemple) favorise systématiquement raient donner une meilleure explication des va- les hommes par rapport aux femmes, alors que, riations de la consommation). dans la plupart des régions rurales, les femmes sont 17. Voir une description générale des problè- à la base de la majeure partie de la production. mes d'incitation associés au ciblage dans Besley et 23. Les interventions directes, comme le con- Kanbur (1990) ou Sen (1992). trôle des prix agricoles, affectent immédiatement 18. Voir les recherches dans ce sens dans les termes de l'échange agricole. Les mesures indi- Subbarao, Ahmed et Teklu (1996). rectes, comme les droits de douane sur les impor- 19. Cette section traite spécialement des rap- tations industrielles ou la part disproportionnée ports entre la macroéconomie et les marchés des de l'investissement public consacrée aux villes, capitaux ruraux, mais des publications empiriques exercent un effet indirect sur les prix relatifs des de plus en plus nombreuses établissent un lien produits agricoles. entre, d'une part, l'instabilité macroéconomique 24. Par exemple, l'abaissement de la protec- et, d'autre part, le ralentissement de la croissance tion industrielle a de fortes chances de faire évo- du produit intérieur brut global et la baisse des luer les termes de l'échange vers les produits pour taux d'investissement (Ramey et Ramey, 1994 ; lesquels les pays jouissent d'un avantage compa- BERD, 1995 ; BID, 1995). Il semblerait donc que, ratif et d'augmenter la rentabilité des produits à même indépendamment de l'impact de l'instabi- forte intensité de main-d'oeuvre, c'est-à-dire de lité macroéconomique sur les marchés financiers stimuler l'emploi rural et les revenus salariaux. ruraux, la recherche de la stabilité macroécono- 25. Voir une analyse des pratiques optimales mique devrait être la priorité majeure pour les di- dans la réforme du commerce extérieur, y com- rigeants. pris l'échelonnement des réformes macroécono- 20. Le Chili a montré que le transfert du ris- miques et des réformes du commerce extérieur, que de change aux clients ne règle pas le problème dans Thomas et Nash (1991). et convertit simplement le risque de change en ris- 26. Les mauvaises politiques budgétaires et que de crédit. monétaires entraînent des chocs macroéconomi- 21. Bien que les travaux d'Isham et Kaufnann ques et amplifient les chocs exogènes. Ceux-ci (1995) miontrent que certains projets pourraient peuvent avoir de graves répercussions sur les être viables même en présence de modestes dis- marchés des capitaux, surtout s'ils sont impor- torsions du taux de change, il faudra, avant d'en- tants en proportion de la taille du marché. Par treprendre toute expansion importante du crédit, exemple, le ratio d'instabilité budgétaire par rap- chercher à remédier aux principaux risques pour port au PIB en Amérique latine est en moyenne l'intermédiation financière dans un environne- de 3,4 % alors qu'il est de 1,2 % dans les pays in- ment de politique économique comportant des dustrialisés. Aussi, l'effet sur le système monétaire distorsions. en Amérique latine est-il dix fois plus grand que 22. Ces distorsions sont largement documen- dans les pays industrialisés, étant donné que le ra- tées (Banque mondiale, 1986 ; Bautista et Valdes, tio de diversification financière par rapport au PIB 1993 ; et Goldin et Knudsen, 1990). D'autres dis- est sensiblement inférieur (20 % contre 70 %). torsions sous-sectorielles dans la répartition des (BID, 1995). ressources sont moins bien connues. Par exemple, 27. Ce chapitre, qui est dû à Heywood Fleisig, dans le secteur rural, on a négligé la possibilité de repose sur le document de référence rédigé en pré- générer des revenus et de diversifier les risques en paration de ce rapport par Heywood Fleisig et encourageant les entreprises rurales non agrico- Nuria de la Peia en 1996. Le document de réfé- les (Banque mondiale, 1990 ; et Chaves et Sanchez, rence a également servi de source pour tous les 1995). Dans l'agriculture, l'attention dispropor- encadrés qui figurent dans ce chapitre, sauf indi- tionnée accordée aux grands exploitants ne se jus- cation contraire. tifiait pas forcément si l'on considère la producti- 28. Le caractère pro-urbain des politiques du vité relativement élevée des petits producteurs secteur financier a des conséquences majeures pour (Berry et Cline, 1979 ; Binswanger, Deininger et la clientèle non traditionnelle. En République do- Feder, 1993 ; van Zyl, Binswanger et Thirtle, 1994). minicaine, les prêts des banques commerciales aux Enfin, la répartition des ressources (vulgarisation microentreprises sont exclus en pratique par 152 Les finances rurales l'obligation de constituer une réserve de 20 % et 33. Les emprunteurs sont généralement tenus par les obligations de provisionnement élevées d'acheter une couverture d'assurance pour ;ou- (10 à 60 %) pour les prêts aux clients porteurs de voir obtenir des prêts et la banque agit souvent documents officiels insuffisants. À la différence des comme intermédiaire, encaissant les primes et sociétés clientes des banques, la plupart des percevant les indemnités au nom des emprunteurs. microentreprises ne disposent pas de documents 34. Ce passage s'inspire fortement des conclu- officiels. Comme les mêmes règles s'appliquent à sions du Département de l'évaluation des opéra- tous les intermédiaires financiers qui collectent tions de la Banque mondiale (Banque mondiale/ l'épargne, tout établissement financier qui prête OED, 1981). aux pauvres doit choisir en fait entre offrir des ser- 35. Une institution financière rurale peut réa- vices d'épargne et offrir des services de crédit à sa gir de plusieurs manières à la baisse des subven- clientèle cible ; il ne peut pas pratiquer rentable- tions. Elle peut, par exemple, éliminer les activités ment les uns et les autres à des taux d'intérêt sup- qui sont sources de pertes et appliquer des mé- portés par le marché. thodes d'approbation des prêts plus strictes ou 29. Comme le relève Sen (1992) : « Aucune pratiquer un recouvrement plus agressif de ses formule générale ne s'applique ici et tout dépend prêts. Une augmentation sensible du taux de ré- des circonstances particulières. Je voudrais dire en trocession peut aussi agir sur la demande de prêt passant que je ne doute pas que tel ou tel spécia- et sur les pertes sur prêt (Yaron, 1992a). liste de l'économie moderne jugerait bon de sou- 36. Lorsqu'il existe des monopoles ou des tenir que le ciblage doit être poussé précisément marchés non concurrentiels pour d'autres raisons, jusqu'au point où l'avantage marginal qu'il pré- un IDS bas, nul ou négatif ne dénote pas nécessai- sente est égal à son coût marginal. Quiconque voit rement une intermédiation financière efficace. la lumière grâce à cette formule merveilleuse mé- Pour apprécier correctement la performance d'un rite pleinement le don de cette lumière ». intermédiaire financier rural dans des conditions 30. Au Mexique, le coût imputé des fonds pro- de concurrence imparfaite, il faut examiner aussi pres et des bénéfices nets déclarés du FEGA et les d'autres ratios (comme le nombre et le volume des transferts budgétaires au fonds de garantie et d'as- prêts et des dépôts par personne employée ou en- sistance technique s'élevaient à 63 millions de dol- core les marges de taux d'intérêt). lars en 1992. Une partie de cette somme a servi à 37. Ce passage s'inspire fortement de Yaron financer l'assistance technique accordée aux ban- (1994a). Pour de plus amples détails sur l'analyse ques commerciales. En Inde, la Deposit Insurance des ratios financiers des intermédiaires financiers and Credit Guarantee Corporation (DICGC) avait ruraux, voir Mould (1991), Barltrop et accumulé un déficit équivalant à 1 200 roupies McNaughton (1992). (340 millions de dollars) au titre du mécanisme 38. Le TRICP et le TRF sont étroitement liés de garantie du crédit en 1995, financé en grande lorsque les autres variables restent constantes, à partie par des subventions croisées provenant du savoir le flux financier des investissements avant fonds d'assurance des dépôts. En outre, le redres- le service de la dette, le pourcentage des investis- sement en cours des banques rurales régionales a sements financés par endettement, les échéa nces toutes les chances de causer lui aussi des pertes des prêts et le taux d'intérêt sur les prêts. substantielles à la DICGC dans l'avenir immédiat. 39. Des institutions solides peuvent aller loin 31. Ce passage s'inspire fortement de Hazell dans l'intermédiation financière rurale, même (1992 et 1995). dans un environnement défavorable. On trouve 32. Au Pakistan, un programme pilote d'as- des IFR qui fonctionnent bien dans des cadres très surance du coton, lancé en 1986 par une compa- divers. Cependant, nul ne peut dire comment ces gnie d'assurances privée, a été contraint d'accep- institutions auraient fonctionné dans un cadre ter tous les clients de la région pilote auxquels la plus (ou moins) favorable. Une politique écono- banque de développement agricole du Pakistan mique habilitante favorise généralement la perfor- avait accordé des prêts pour l'achat d'intrants. En mance des institutions, mais il est certain aussi que pratique, les exploitations des assurés comptaient le cadre général n'est pas à lui seul un gage de parmi les plus grandes du pays, dans les premiers bonne performance des institutions (voir 8 % pour la superficie (Roberts et Dick, 1991). Pederson, 1995 et Christen et autres, 1994). Notes 153 40. Comme les mécanismes d'épargne et de BG: décembre 1994 : USD 1 = Tk 40,25 crédit de groupe reposent sur la responsabilité décembre 1995: USD 1 = Tk 40,75 conjointe des participants, la perspective, pour 49. Le taux de pénétration très élevé de la un membre du groupe, de perdre ses économies BAAC pourrait s'expliquer en partie par l'obliga- parce qu'un autre membre ne rembourse pas sa tion légale imposée par le Gouvernement dette a toutes chances de déclencher une forte thaïlandais aux banques commerciales de prêter pression de la part des autres participants pour une proportion minimum de leur portefeuille au que le prêt soit remboursé (voir Bennett, secteur agricole (5 % en 1975, portés à 20 % en Goldberg et Hunte, 1996). 1987). Beaucoup de banques commerciales pré- 41. Les organismes extérieurs tentent parfois fèrent utiliser la BAAC comme intermédiaire de gérer les IFR locales mais les mécanismes et pour accorder ces prêts et leur recours à la BAAC les méthodes qu'ils établissent ne peuvent s'in- explique en partie la croissance spectaculaire de tégrer à l'organisation et devenir transférables la banque et son fort taux de pénétration du que si le personnel de l'institution financière marché. locale les fait siens. 50. Les calculs de l'IDS faits par la BG se fon- 42. Ce chapitre s'inspire largement de Yaron dent avant tout sur les travaux du professeur Syed (1992b et 1994a). M. Hashemi du Grameen Trust. Les auteurs ont 43. Lcs renseignements relatifs à la BAAC pro- corrigé le taux d'intérêt de référence sur les dé- viennent rincipalement de la BAAC (1994 et 1995) pôts offert par le marché pour mieux rendre et de Sacay, Rhandawar et Agabin (1996). compte du coût d'opportunité des fonds conces- 44. Les unit desas, ou banques villageoises, sionnels employés par BG. sont des établissements distincts de Bank Rakyat 51. Nous avons traité les primes versées par la Indonesia (BRI), appelés BRI-UD dans le présent BAAC à ses salariés comme des dépenses et non rapport. Sauf indication contraire, les chiffres don- pas comme des emplois des bénéfices ainsi qu'ils nés dans le présent chapitre proviennent de la Ban- apparaissent dans les états financiers de la BAAC. que mondiale (1994e). 52. Une étude faite par la Banque mondiale 45. Grameen signifie village en bangla (Gib- en 1995, intitulée Grameen Bank: Performance bons 1992). Les renseignements sur la Banque and Sustainability (Khandker, Khalily et Khan, Grameen qui figurent dans le présent rapport pro- 1995), propose une mesure de la dépendance de viennent largement de Gibbons (1992) ; la Ban- la BG envers les subventions, le « ratio de dé- que Granmeen (1993); et Khandker, Khalily et Khan pendance envers les subventions » (RDS), qui ne (1995). distingue pas entre les intérêts provenant du 46. Il a été proposé d'autoriser la BAAC à pré- portefeuille de prêts et les intérêts et dividendes ter jusqu'à 20 % de son portefeuille de prêt pour provenant des investissements sur les marchés les activités non agricoles. On attend l'approba- financiers. Ce choix conduit à sous-évaluer la tion des autorités (Sacay, Rhandawar et Agabin, dépendance de la Grameen envers les subven- 1996). tions, surtout dans ses premières années d'acti- 47. Actuellement, l'impôt sur le revenu est de vité, alors qu'une plus forte part de ses ressour- 30 %Vo en Thaïlande. Les réserves obligatoires des ces financières était investie sur les marchés banques commerciales sur les dépôts sont de 7 % financiers. Cette mesure sous-estime donc aussi dont au moins 2 % doivent être déposés auprès de les progrès ultérieurs faits par la BG pour réduire la Banque de Thaïlande (Sacay, Rhandawar et sa dépendance envers les subventions, puisque Agabin, 1996). la part des fonds investis sur les marchés finan- 48. Les chiffres et les données financières ci- ciers a baissé par rapport à la part des fonds prê- tés et les taux de change correspondants en fin de tés aux clients. Selon cette logique, il suffirait de période sont les suivants (sauf indication con- réduire l'encours des prêts d'une institution de traire) : microfinancement pour qu'elle semble être de BRI-UD: décembre 1994: USD 1 = Rp 2 200 plus en plus indépendante des subventions. Si un décembre 1995: USD 1 = Rp 2 308 moyen de mesure des subventions indique une BAAC : décembre 1994 : USD 1 = B 25,09 moindre dépendance pour la seule raison qu'un mars 1995 USD 1 = B 24,74 intermédiaire réoriente ses ressources des prêts 154 Les finances rurales à sa clientèle cible vers l'investissement sur le mar- nanciers) augmente du montant brut gagné sur ché, il est permis de penser que cet outil présente les marchés financiers grâce au placement des nou- un défaut fondamental. veaux fonds concessionnels. Le RDS diminue donc, Supposons qu'un microprêteur reçoive un sup- indiquant à tort que l'indépendance envers les plément de prêts concessionnels, investis en tota- subventions a augmenté, alors même qu'il ne s'est lité sur les marchés financiers aux taux du mar- produit aucun changement dans les activités du ché. Ses bénéfices augmentent mais les subventions microprêteur auprès de sa clientèle. qu'il reçoit augmentent elles aussi. De ce fait, le 53. La BG fixe l'intérêt sur les prêts au loge- numérateur du RDS, qui est identique à celui de ment à 10 % par an, soit environ la moitié du taux l'IDS (c'est-à-dire, les subventions nettes des bé- qui s'applique à ses prêts ordinaires, ce qui repré- néfices), reste essentiellement inchangé. Au con- sente une subvention croisée substantielle en fa- traire, le dénominateur (qui, à la différence de ce- veur des prêts au logement. lui de l'IDS, comprend les intérêts et les dividendes 54. Cet appendice s'inspire de Gurand, provenant des investissements sur les marchés fi- Pederson et Yaron (1994). Références Adams, Dale W., Douglas Graham et J. D. Von clé de l'impact sur le développement. » Rapport P ischke. 1984. Undermining Rural Development du Groupe d'étude sur la gestion du portefeuille. with Cheap Credit. Boulder, Colo. : Westview Washington. Press. . 1994a. Rapport sur le développement dans Akerlof, George. 1984. 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Seabird House, unit 1101-02 IRLANDE -svt-ebs Vasco Boulevard, Fax: (43 1) 512-47-31-29 Carrera 6 No. 51-21 Castello 37 22-28 Wyndham Street, Government Supplies Goodwood URL: http:// Apartado Aereo 34270 28001 Madrid Central Agency KENYA P.O. Box 12119, NI City www.gerold.co/at.online Santafé de Bogotá, D.C. Tél.: (34 1) 431-3399 Hong Kong Oifig an tSolàthair Africa Book Service (E.A.) 7463 Tél.: (57 1) 285-2798 Fax: (34 1) 575-3998 Tél.: (852) 2530-1409 4-5 Harcourt Road Ltd. Cape Town BANGLADESH Fax: (57 1) 285-2798 E-mail: Fax: (852) 2526-1107 Dublin 2 Quaran House, Mfangano Tél. : (27 21) 595 4400 Micro Industries libreria@mundiprensa.es E-mail: Tél. : (353 1) 661-3111 Street Fax : (27 21) 595 4430 Development Assistance CORÉE, RÉPUBLIQUE DE URL: sales@asia2000.com.hk Fax : (353 1) 475-2670 P.O. Box 45245 E-mail: oxford@oup.co.za Society (MIDAS) Daejon Trading Co. Ltd. http://www.mundiprensa.es/ URL: ISRAEL Nairobi Hos 5 oa 6PO. Box 34, Youida, 706 IRË House 5, Road 16 http://www.asia2000.com.hk Yozmot Literature Ltd. Tél. : (254 2) 223 641 Pour souscription Dhanmondi R/Area Seoun BIdg Mundi-Prensa Barcelona Fax (254 2) 330 272 International Subscription Dhaka 1209 44-6 Youido-Dong, Consell de Cent, 391 HONGRIE P-O. Box 56055 Service Tél. : (880 2) 326427 Yeongchengpo-Ku 08009 Barcelone Euro Info Service 3 Yohanan Hasandlar Street MALAISIE P.O. Box 41095 Fax: (880 2) 811188 Séoul Tél.: (34 3) 488-3492 Margitszgeti Europa Haz TeI Aviv 61560 University of Malaya Craighall Tél.: (82 2) 785-1631/4 Fax: (34 3) 487-7659 H-1 138 Budapest Tél.: (972 3) 5285-397 Cooperative Bookshop, Johannesburg 2024 BELGIQUE Fax: (82 2) 784-0315 E-mail: Tél.: (36 1) 111 6061 Fax: (972 3) 5285-397 Limited Tél.: (27 11) 880-1448 Jean De Lannoy CT barcelona@mundiprensa.es Fax: (36 1) 302 5035 R.O.Y. International P.O. Box 1127 Fax: (27 11) 880-6248 Av. du Roi 202 nOreDio E-mail: P.O. Box 13056 Jalan Pantai Baru E-mail: issis.co.za 1060 Bruxelles Diffun Afr n Isdatelstvo euroinfo@mail.matav.hu Tel Aviv 61130 59700 Kuala Lumpur Tél. : (32 2) 538-5169 Difsion Aficaines Idtlvo<èMi>Tél. : (972 3) 5461423 Tél. : (60 3) 756-5000 ALLEMAGNE Fax: (32 2) 538-0841 (CEDA) 9a, Lolpachniy Pereulok INDE Fax : (972 3) 5461442 Fax : (60 3) 755-4424 UNO-Verlag 04 B.P. 541 Moscou 101831 Allied Publishers Ltd.Fx(0)5-4 Poppelsdorfer Allee 55 BRÉSIL Abidjan 04 Tél.: (7 095) 917 87 49 751 Mount Road ELtd.EE-mail: 53115 Bonn Publicacôes Tecnicas Tél.: (225) 24 6510; 24 6511 Fax: (7 095) 917 92 59 Madras - 600 002 royil@netvision.net.il INFOTEC Tél. : (49 228) 949020 Internacionais Ltda. Fax: (225) 25 0567 FINLANDE Tél.: (91 44) 852-3938 Palestinian Authority/ Av. San Fernando No. 37 Fax: (49 228) 217492 Rua Peixoto Gomide, 209 . . Fax: (91 44) 852-0649 Middle East Col. Toriello Guerra URL: 01409 São Paulo, SP. DANEMARK Akateeminen Kirjakauppa Index Information Services 14050 Mexico, D.F. http://www.uno-verlag.de Tél.: (55 11) 259-6644 SamfundsLitteratur P.O. Box 128 INDONESIE P.O.B. 19502 JérusaIem Tél. : (52 5) 624-2800 E-mail: Fax: (55 11) 258-6990 Rosenoerns Allé l1 FIN-00101 Helsinki Pt. Indira Limited Tél. : (972 2) 6271219 Fax : (52 5) 624-2822 unoverlag@aol.com E-mail: DK-1970 Frederiksberg C Tél.: (358 0) 121-4418 Jalan Borobudur 20 Fax: (972 2) 6271634 E-mail: infotec@rtn.net.mx postmaster@pti.uol.br Tél. : (45 31) 351942 Fax: (358 0) 121-4435 P. O. Box 181 URL: http://rtn.net.mx ARGENTINE URL : http://www.uol.br Fax: (45 31) 357822 E-mail: Djakarta 10320 ITALIE Oficina del Libro URL : http://www.sl.cbs.dk akatilaus@stockmann.fi Tél.: (62 21) 390-4290 Licosa Commissionaria NÉPAL Internacional CANADA URL: Fax: (62 21) 390-4289 Sansoni SPA Everest Media International Av. Cordoba 1877 Renouf Publishing Co. Ltd. EGYPTE,REP.ARABE D' http://www.akateeminen.com/ Via Duca Di Calabria, 1/1 Services (P.) Ltd. 1120 Buenos Aires 5369 Canotek Road AI Ahram Distribution Casella Postale 552 GPO Box 5443 Tél. : (54 1) 815-8354 Ottawa, Ontario KIJ 9J3 Agency FRANCE 50125 Florence Katmandou Fax: (54 1) 815-8156 Tél. : (613) 745-2665 AI Galaa Street Publications de la Banque Tél. : (55) 645-415 Tél. : (977 1) 472 152 Fax: (613) 745-7660 Le Caire mondiale Fax: (55) 641-257 Fax : (977 1) 224 431 E-mail: Tél.: (20 2) 578-6083 66, avenue d'Iéna E-mail: licosa@ftbcc.it order.dept@renoufbooks.com Fax: (20 2) 578-6833 75116 Paris E-3il: htp:/wftbcc.it URL: él.: (33 1) 40-69-30-56/57 URL: http://www.ftbcc.it/ http:www.renoufbooks.com Fax: (33 1) 40-69-30-68 D6positaires des OUGANDA PAYS-BAS POLOGNE ROYAUME-UNI SRI LANKA, MALDIVES publications de la Banque Gustro Ltd. De Lindeboom/InOr- International Publishing Microinfo Ltd. Lake House Bookshop TRAE- mondiale (suite) P.O. Box 9997, Madhvani Publikaties Service P.O. Box 3 100, Sir Chittampalam ETteatiBS Building P.O. Box 202 Ul. Piekna 3 1/37 Alton, Hampshire GU34 Gardiner Mawatha Systeatcs Stdes ni NIGRIAPlot 16/4 Jinja Rd. 7480 AE Haaksbergen 00-677 Varsovie 2PG Colombo 2 University Press LimitedT.: (31 53) 574-0004 T.: (482) 628-6089 Angleterre T.: (94 1) 32105 Curepe UnvriyPesLmtd T6l.: (256 41) 251 467 Fax: (31 53) 572-9296 Fax : (48 2) 621-7255 TOl.: (44 1420) 86848 Fax: (94 1) 432104 Trinit6, Antilles Three Crowns Building Fa: (256 41) 251 468 E-mail: E-mail: Fax: (44 1420) 89889 E-mail: LHLCsri.lanka.net T61.: (809) 662-5654 Jericho E-mail: lindeboo@worldonlinenl book%ipsCikpatmcom.pl E-mail: Fax: (809) 662-5654 Private Mail Bag 5095 gus@swiftuganda.com URL: http:// URL: http:// wbank@ukminfo.demon.co.uk E-mail: tobeCtrinidad.net Ibadan WW.worldonline.nl/ wwwipscg.waw.pl/ips/ URL Wennergren VENEZUELA T1.: (234 22) 41-1356 PAKISTAN -lindeboo export/ http://www.microinfo.co.uk P.O. Box 1305 Fax: (234 22) 41-2056 Mirza BookAgency S-171 25 Solna NR GE65, Shahrah-e-Quaid-e- PtRROU PORTUGAL SINGAPOUR, TAIWAN, T61.: (46 8) 705-97-50 Camnro Cia oeca NORVGEAzam Editorial Desarrollo SA Livraria Portugal MYANMAR, BRUNI Fax: (46 8) 27-00-7 NIC Info A/S Lahore 54000 Apartado 3824, Lima 1 Apartado 2681, Rua Do Asahgate Publishing Asia E-mail: mailCwwi.se Nivel C2 Book Department, T61: (92 42) 735 3601 T6.: (51 14) 285380 Camo 70-74 Pacific Pte. Ltd. Caracas Postboks 6512 Etterstad Fax: (92 42) 576 3714 Fax: (51 14) 286628 1200 Lisbonne 41 Kallang Pudding SUISSE Tel. : (582)9595547; 5035 N-0606 Oslo Tel. (1) 347-4982 Road #04-03 Librairie Payot Service 0016 T6l.: (47 22) 97-4500 Oxford University Press PHILIPPINES Fax: (1) 347-0264 Golden Wheel Building Institutionnel Fax: (582) 959 5636 Fax: (47 22) 97-4545 5 Bangalore Town International Booksource Singapour 349316 C6tes-de-Montbenon 30 Sharae Faisal Center, Inc. RfaPUBLIQUE TCHtQUE TOl.: (65) 741-5166 1002 Lausanne ZMI NOUVELLE-ZRLANDE P.O Box 13033 1127-AAntipoloSt, National Information Fax: (65) 742-9356 TO.: (41 21) 341-3229 UniversityBookshop, EBSCO NZ Ltd. Karachi-75350 Barangay,Venezuela Center E-mail: Fax: (41 21) 341-3235 University of Zambia Private Mail Bag 99914 TO.: (92 21) 446307 Makati City Great East Road Campus New Market Fax: (9221)4547640 T6l.: (632)8966501 6505 CS -113 57 Prague 1 tiOn Box 32379 Auckland E-mail: ; 6507 TO.: (42 2) 2422-9433 SLOVRNIE TO. (6 9 52-819 upakC)TeOfic. nt ax:(6 2)89 171 ax (2 2 222-48 Gopoarsi estikCh. de Lacuez 41 T61.: (260 1) 252 576 T61.: (64 9) 524-8119p CH1807 Blonay Fax: (260 1)253952 Fa: 64) 24807 Pak Hook Corporation URL : http://www.nis.cz/ Publishing Group T61.: (41 21) 943 2673 Aziz Chambers 21 ROUMANIE Dunayska cesta 5 Fax: (41 21) 943 3605 ZIMBABWE Quen'sRod Cmpai e Lbraii 1000 Ljubljana Longman Zimbabwe (Pvt.) Luosro T6.:(386 61) 1338347; THAILANDE Ltd. Lahor(242e 66322 3 Bucuresti S.A. 132 1230 Central Books Distribution Tourle Road, Ardbennie PtO.i Fax: (386 61) 133 8030 306 Silom Road P.O. Box STL2 Bucarest E-mail: Bangkok 10500 Southerton Fax: (92 42) 636 2328 TO1.: (40 1) 613 9645rpnsk@ etnkiT.(6223-40aae E-mail: pbcCabrain.net.pk Fax: (40 1)3124000 FaxskCagetiks O: (66 2) 237-8321 THa:r264)2161 Tx(613x: (263 4) 62167 Fax:x (256 41) 2511468   6 Social Organization and Development Anthropology: The 1995 Malinowski Award Lecture 7 Le comportement des manages face e) la crise: Synthese des ractions contre la pauvretj et la vulnerabilite dans quatre communautes urbainespauvres (egalement disponible en espagnol) 8 Confronting Crisis: A Comparative Study of Household Responses to Poverty and Vulnerability in Four Poor Urbtn Communities 9 Guiaelines for Integrated Coastal Zone Management 10 Enabling the Safe Use of Biotechnology: Principles and Practice 11 Biod;versity and Agricultural Intensification: Partners for Development and Conservation 12 Dveloppement rural: De la thdorie e la pratique. Etude sur la stratigie sectorielle 13 Integrated Pest Management: Strategies and Policies for Effective Implementation 14 Rural Finance: Issues, Design, and Best Practices 15 The Economics of Involuntary Resettlement (e paraitre) 16 Social Assessments for Better Development: Case Studies in Russia and Central Asia 17 Expanding the Measure of Wealth: Indicators of Environmentally Sustainable Development 18 Five Years after Rio: Innovations in Environmental Policy 19 Advancing Sustainable Development: The World Bank and Agenda 21 Autres publications - D6veloppement 6cologiquement et socialement durable Monitoring Environmental Progress: A Report on Work in Progress Nurturing Development: Aid and Cooperation in Today's Changing World Toward Sustainable Management of Water Resources Water Supply, Sanitation, anti Environmental Sustainability: The Financing Challenge The World Bank Participation So urcebook B AN Q UE M ON D IAL E \\ashin to , (- 20H3 !t T~~2C lehn: .77,1--341 |eeo i:202, 477.1639 i : 111111 i ra2 1~1\)R1.)\ ISBN 0-8213-4452-8