` DRD213 .- . . ..-.A- '.- `-- ii* *RU «;9§f n Feit3 I,~~~~~~~~~~~~~~~~~~~îC | I ~MANAGING I ~~~AGRICULTURAL_ | I ~~DEVELOPMENT_ I IN~ __________________ I AGRICULURAL _AFRICA___= , ~ ~ ~ ~ ~ ~ I ___ _ - 1-SD~~~ I - s WB _ A RD Fre L'ETUDE SUR LA GESTION DU DEVELOPPEMENT AGRICOLE EN AFRIQUE (MADIA) La crise de l'agriculture africaine a fait l'objet d'un grand nombre de généralisations, mais les études détaillées sur un ou plusieurs pays, fondées sur une analyse systématique des données, sont relativement peu nombreuses. De même, bien que depuis 15 ans l'aide étrangère finance une grande part du total des dépenses publiques en Afrique, on n'a guère analysé le rôle de l'assistance extérieure dans les pays africains, en dehors des critiques d'ordre politique que suscite l'aide publique ou le fait, vrai ou faux, que les bailleurs de fonds n'ont que leur propre intérêt en vue. L'étude sur la "Gestion du développement agricole en Afrique" (Managing Agricultural Development in Africa, MADIA) répond en partie à ce désir de combler cette lacune et d'expliquer la nature et les sources de la crise agricole, en particulier les causes naturelles, les événements historiques passés et contemporains, les politiques nationales et celles des autres pays, et l'environnement économique et politique. L'étude MADIA repose sur l'examen détaillé de six pays africains: le Kenya, le Malawi, la Tanzanie, le Cameroun, le Nigéria et le Sénégal. Outre la Banque mondiale, sept bailleurs de fonds: l'USAID, l'UKODA, DANIDA, SIDA, les Gouvernements francais et ouest-allemand, et la CEE, ont participé aux travaux. L'analyse des politiques suivies et des résultats enregistrés par chacun des pays considérés au cours des 20 à 25 dernières années a bénéficié d'apports substantiels de la part de l'administration et des représentants de chacun des pays intéressés. Cette étude s'est articulée autour de trois grands points: 1) les liens entre les politiques macroéconomique et agricole nationales et la performance de l'agriculture, 2) le rôle des bailleurs de fonds dans le développement de l'agriculture et 3) les aspects politiques de la politique agricole. L'étude MADIA n'aurait pas été possible sans les encouragements et le soutien d'un grand nombre de personnes. Mme Anne Krueger, ancienne Vice-Présidente des Services Economie et Recherche de la Banque Mondiale, a appuyé la mise en chantier de ces études sur l'aide et le développement en 1984. M. Gregory Ingram, ancien Directeur du Département de la recherche sur le développement, a constamment soutenu cette étude. Pendant la réorganisation de la Banque Mondiale en 1986, l'appui énergique de M. Benjamin King, alors Vice-Président des Services Economie et Recherche, nous a été extrêmement précieux. M. Barber Conable, Président de la Banque Mondiale, et M. Edward V.K. Jaycox, Vice-Président pour la région Afrique, ont joué un rôle essentiel en veillant à ce que l'étude soit menée à son terme, de même que M. Stanley Fischer, Vice-Président, Economie du Développement. Le concours de M. Yves Rovani, Directeur Général du Département de l'Evaluation des Opérations, a été particulièrement utile, car l'étude MADIA s'est beaucoup inspirée des recherches de son département. Nous sommes particulièrement redevables au Comité de la Recherche de la Banque Mondiale, qui a procuré le financement initial de l'étude, et au comité directeur de MADIA. L'appui énergique accordé par le Président du comité directeur, M. Stephen O'Brien, a été d'une importance critique. Enfin, sans les encouragements actifs et constants de nombreux responsables africains et représentants des donateurs, y compris de collègues de la Banque mondiale, cette étude n'aurait pas ouvert de nouvelles perspectives. Leur soutien s'est manifesté à travers leurs commentaires relatifs à des communications écrites et orales, et l'approfondissement des analyses visant à déterminer les points d'accord et ceux encore sujets à controverse. E___IE~TII -~J~- I I I I' LE DEVELOPPEMENT DES SERVICES I NATIONAUX DE RECHERCHE AGRICOLE: L'EXPERIENCE DE L'INDE AVEC LA FONDATION ROCKEFELLER * ET LES LECONS QUE L'AFRIQUE * POURRAIT EN TIRER UMA LELE . ARTHUR GOLDSMITH I I I I I' I I I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ La présente étude est la traduction d'une communication publiée dans le document de synthèse MADIA no. 2 intitulé "Managing Agricultural Development in Africa: Three Articles on Lessons from Experience.n l LE DEVELOPPEMENT DES SERVICES NATIONAUX DE RECHERCHE AGRICOLE L'EXPERIENCE DE L'INDE AVEC LA FONDATION ROCKEFELLER ET LES LECONS QUE L'AFRIQUE POURRAIT EN TIRER* Uma Lele et Arthur A. Goldsmith Banque mondiale Introduction Le changement technique est l'un des éléments critiques qui déterminent le rythme de la croissance agricole dans les pays en développement. Les centres internationaux de recherche agricole entreprennent actuellement une bonne partie des travaux scientifiques nécessaires au changement technique, mais les pays doivent aussi pouvoir identifier les découvertes internationales qui les intéressent directement, mener des recherches d'adaptation et des tests au niveau des exploitations et adapter ainsi les techniques découvertes en laboratoire aux besoins spécifiques de différentes régions agricoles.1 Ces fonctions exigent des investissements dans des institutions scientifiques et techniques nationales. Le secteur public a un grand rôle à jouer en la matière parce que la recherche agricole exige de gros investissements concentrés, prend en compte des facteurs extérieurs, donne lieu à la création de biens publics et est soumise à de longues périodes de gestation. En 1985, le Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale (CGIAR) a dépensé 163 millions de dollars dans le monde entier, ce qui donne une idée de l'effort que font les donateurs publics d'aide multilatérale et bilatérale à l'appui du développement de technologies agricoles au niveau national et international.2 Malgré ces dépenses, on ne connaît pas bien le processus par lequel les pays développent leurs propres moyens de recherche agricole ni les maillons de la longue chaîne que constituent la recherche, l'expérimentation, l'adaptation et la diffusion des technologies. La théorie de l'innovation induite, par exemple, qui explique le changement technique et l'innovation institutionnelle comme résultant de pénuries relatives des facteurs, traite comme une "boîte noire" le processus de renforcement des moyens nationaux.3 D'autres ont postulé que la demande de changement technique reflète les pressions exercées par des groupes d'intérêts, mais cet argument n'a guère Cet article est paru pur la première fois dans Economic Development and Cultural Change (Janvier 1989) et est reproduit ici avec la permission des éditeurs. Copyright University of Chicago. Tous droits réservés. -2- de valeur pour expliquer le renforcement institutionnel et les transferts de technologies dans la plupart des pays en développement.4 En réalité, les groupes d'intérêts sont rarement bien organisés dans les pays qui n'en sont qu'aux premiers stades de développement et ne sont pas à même d'exprimer leurs préférences technologiques. Et pourtant, les techniques changent.5 D'autres pensent que les structures sociales peuvent altérer la direction de l'innovation, mais cet argument ne permet pas non plus de bien comprendre le démarrage et l'administration du processus.6 Le présent article présente une courte étude de cas d'un effort particulièrement réussi de promotion du changement technique en agriculture. De nombreuses personnes et de nombreuses institutions, en Inde et aux Etats- Unis, ont contribué de manière appréciable au changement technologique que nous décrirons, notamment les établissement d'enseignement supérieur créés par donation foncière aux Etats-Unis et soutenus par l'Etat fédéral et la Fondation Ford, nombre de leurs contributions ont été reconnues et décrites ailleurs.7 Les principaux protagonistes de l'histoire que nous racontons ici sont la Fondation Rockefeller et le Gouvernement indien, dont les rapports cruciaux n'ont pas encore été examinés de manière approfondie. Notre objet est aussi en partie de montrer que les élites d'intellectuels et de fonctionnaires indiens ont donné l'élan à l'effort d'accroissement des moyens technologiques nationaux et de découverte de nouvelles sources de productivité agricole. Leurs efforts n'ont toutefois porté leurs fruits que lorsqu'ils sont reçu l'appui du gouvernement aux plus hauts niveaux, après une crise de l'agriculture qui avait mis en lumière l'urgence de remédier aux carences technologiques de l'Inde. A cette époque, il y existait des variétés de blé à haut rendement venant du Mexique et de variétés de riz venant de Thaïlande (via les Philippines) qui rendaient possible, et politiquement attrayante pour les dirigeants du pays, l'amélioration des moyens scientifiques et techniques au niveau de 1 agriculture. Nous avons choisi de comparer et d'opposer la transformation de l'agriculture indienne dans les années 60 avec la situation de l'agriculture africaine de nos jours. En principe nous aurions pu choisir n'importe quel autre grand pays ou groupe de pays mais, en dehors de différences évidentes dans la taille de la population, les systèmes culturaux, les ressources humaines et naturelles disponibles et les structures politiques et administratives, ce choix s'explique par les raisons suivantes. Premièrement, l'Afrique est aujourd'hui considérée comme la région la plus directement menacée par des crises alimentaires insolubles, et le parallèle le plus naturel à cette perception est la situation de l'Inde dans les années 60, qui était considérée comme la principale région où devait se livrer et se gagner le combat contre d'éventuelles famines catastrophiques. Deuxièmement, l'Afrique reçoit depuis quelque temps des flux sans précédent d'aide extérieure au développement à l'appui des programmes de recherche et développement agricoles, y compris des investissements visant explicitement à mettre en place des systèmes nationaux de recherche agricole dans divers pays. Cette aide peut être très substantielle (par exemple, la Banque mondiale, l'USAID, la France et le Sénégal ont récemment engagé plus de 100 millions de dollars pour promouvoir, sur une période de six ans, la recherche agricole au Sênégal, pays qui ne compte que 8 millions d'habitants, et cet investissement pourrait n'être que la première tranche d'un programme beaucoup plus ambitieux. -3- Il nous paraît donc raisonnable de chercher à tirer des leçons utiles sur les conditions préalables à la réussite de tels efforts d'une comparaison entre l'Afrique d'aujourd'hui et le pays où le dernier vaste programme de ce type a été couronné de succès, à savoir l'Inde des années 60. Nous avancerons l'idée que la recherche n'est généralement pas soutenue par le pouvoir politique en Afrique, ce qui a freiné le développement institutionnel dans cette région. 8 Dans les pays qui font exception à cette règle, comme I le Kenya et le Zimbabwe, des producteurs de cultures d'exportation bien organisés ont incité leur gouvernement à élaborer de nouvelles technologies et à maintenir un système de recherche en bon état de fonctionnement. En outre, la planification de systèmes de recherche répondant aux besoins de l'agriculture africaine dans les années 90 comporte des variables beaucoup plus nombreuses et beaucoup plus complexes que ce à quoi l'Inde I faisait face dans les premières décennies qui ont suivi l'indépendance. Pour ne prendre qu'un exemple, l'agriculture indienne était dominée par deux cultures, le blé et le riz, en ce qui concerne la superficie cultivée, la I production et la consommation. Dans le cas de l'Afrique, non seulement les cultures sont plus nombreuses mais encore des critères différents - croissance de la demande, contribution à l'emploi, apport de calories et potentiel de découvertes technologiques - déterminent les priorités de la recherche selon les cultures (dans ce cas, respectivement le riz, le sorgho/mil/manioc et le maïs) sans parler des cultures d'exportation, qui * restent actuellement négligées. Une autre difficulté à laquelle se heurte la recherche africaine et que ne connaissait pas l'Inde d'après l'indépendance tient à l'éventail de | disciplines qui sont maintenant nécessaires à l'appui de programmes appropriés de recherche. Non seulement les disciplines des sciences physiques se sont subdivisées et spécialisées mais l'adoption de variétés nouvelles peut maintenant exiger l'intervention de spécialistes des sciences * sociales (économistes, anthropologues, sociologues, démographes, spécialistes de la santé et de l'assistance sociale, spécialistes de l'environnement, * etc.) En outre, la planification de la recherche pour l'agriculture africaine doit tenir compte de diverses anomalies et déséquilibres que comporte le cadre de développement agricole, notamment : a) l'anomalie selon laquelle les instituts de recherche concentrent leur efforts sur l'agriculture pluviale (qui prédomine actuellement) alors que les gouvernements africains privilégient l'investissement dans l'agriculture irriguée comme principale I source de croissance future; b) le déséquilibre entre les travaux de recherche menés au niveau des exploitations (souvent par l'intermédiaire de recherches sur les systèmes d'exploitation) et en laboratoire, ce qui a I souvent conduit à un manque de coopération entre les spécialistes de la recherche d'adaptation aux exploitations et les chercheurs des instituts de recherche; et c) la priorité accordée au financement de la vulgarisation plutôt que de la recherche, surtout pour ce qui est des dépenses de fonctionnement. Enfin, à l'exception partielle du maïs, il n'y a pas eu de découverte I spectaculaire débouchant sur la mise au point de variétés miracles de cultures vivrières qui soit susceptible d"'amorcer la pompe' de la demande I I -4- politique de recherche d'adaptation en Afrique subsaharienne comme ce fut le cas en Inde dans les années 60. L'expression de la demande, la volonté politique et les travaux prometteurs de recherche internationale ne sont toutefois que certaines des conditions préalables au développement de services nationaux de recherche viables. Tout aussi importantes sont les politiques de gestion et les techniques organisationnelles qui facilitent la mise en place de tels services.9 Dans les sections qui suivent, nous montrerons comment l'Inde a obtenu des conseils de qualité sur les moyens d'améliorer son système national de recherche et nous suggérerons certaines des raisons pour lesquelles la plupart des pays africains n'ont pas pu reproduire la réussite de l'Inde dans ce domaine, malgré la croissance des dépenses nationales et internationales consacrées à la recherche agricole. Dans son cheminement vers l'autosuffisance alimentaire, l'Inde a reçu l'aide de nombreuses sources d'assistance essentiellement américaines, y compris le gouvernement fédéral et la Fondation Ford, et a elle-même déployé de sérieux efforts. Dans cet article, nous nous concentrerons sur le rôle joué par la Fondation Rockefeller dans le transfert d'information technologique et l'organisation de la recherche dans l'Inde des années 50 et 60, tout en reconnaissant que d'autres institutions américaines ont aussi fait un apport important à cet égard, par exemple l'Agence des Etats-Unis pour le développement international (USAID), qui l'a aidée à établir des universités d'agriculture et la Fondation Ford ainsi que l'Agricultural Development Council, qui ont assuré des services de formation. L'aide fournie par la Fondation Ford et l'USAID est assez bien connue et a souvent été décrite, de même que le rôle qu'ont joué les établissements d'enseignement supérieur créés par donation foncière en soutenant l'enseignement et la vulgarisation agricoles en Inde. De nombreux détails du rôle financièrement plus modeste mais néanmoins catalytique de la Fondation Rockefeller sont par contre restés enterrés dans les archives de la Fondation. En outre, bien que tous ces projets de donateurs aient opéré une synergie, le rôle central rempli par la Fondation Rockefeller dans le changement technologique de l'agriculture indienne est expressément reconnu dans des rapports prestigieux du gouvernement indien.10 Enfin, l'histoire de la collaboration entre l'Inde et la Fondation Rockefeller est un exemple de ce qui peut être réalisé lorsqu'un donateur combine parsimonie financière et engagement à long terme de ressources humaines. Cette approche est totalement opposée à la recette trop souvent adoptée de nos jours, qui consiste à consacrer d'énormes dépenses à la construction d'infrastructures et à envoyer des experts techniques en détachement de relativement courte durée. Nous pensons donc que l'histoire des relations de l'Inde avec la Fondation Rockefeller peut être utile aux décideurs d'institutions de pays développés ou de pays en développement qui s'intéressent à la recherche agricole et aux avantages que l'on peut en attendre. De 1953 à 1974, les agents de la Fondation et leurs homologues indiens ont mené un programme très efficace de renforcement institutionnel. Ce programme n'a coûté que la somme très modeste de 7,9 millions de dollars (environ 23 millions de dollars aux prix courants) sur l'ensemble de la période il et n'a jamais exigé la participation de plus d'une douzaine d'expatriés à la fois. Néanmoins grâce 5 au renforcement des moyens institutionnels et au transfert d'information technologique, il a fort bien réussi à améliorer l'approvisionnement alimentaire. Il s'agit d'un exemple remarquable d'aide catalytique, où un bailleur de fonds encourage les institutions bénéficiaires à s'améliorer de manière à mettre en place des services nationaux capables d'adapter des technologies plus productives. Il est devenu courant de comparer la crise alimentaire qu'a connue l'Inde dans les années 60 et les difficultés que connait actuellement l'Afrique. On cite souvent l'agriculture indienne, où une situation apparemment désespérée a été transformée en réussite, comme exemple que l'Afrique pourrait suivre et on entend souvent dire que l'expérience de l'Inde pourrait servir directement de leçon pour la gestion du développement de systèmes nationaux de recherche agricole dans d'autres pays en développement. Nous sommes bien de cet avis mais nous pensons également que nos conclusions sont tout aussi applicables à l'Asie et à l'Amérique latine. Manifestement, il existe de nombreuses différences entre le cas de l'Inde et celui de l'Afrique. L'Inde est un Etat très vaste alors que l'Afrique subsaharienne est constituée de plusieurs douzaines de petits Etats. En outre le système de recherche indien a bénéficié du fait que le gouvernement était plus stable, la base de main-d'oeuvre technique meilleure, l'irrigation plus développée et que la recherche pouvoit se concentrer sur un plus petit nombre de cultures. Il est toutefois utile de rappeler que l'Inde a 30 Z de plus de terres arables et de terres en cultures permanentes que l'Afrique, qu'elle comptait plus d'habitants dans les années 60 que l'Afrique aujourd'hui, et qu'elle a reçu une aide très inférieure par habitant, ce qui laisserait penser que l'organisation de la recherche agricole posait plus de difficultés en Inde. Sans oublier ces faits, nous nous concentrerons sur l'interaction des experts indiens et américains et sur les interactions du même genre entre donateur et bénéficiaire qui pourraient aider n'importe quel pays à améliorer son programme de recherche. Comme nous l'avons déjà signalé, nous avons choisi de faire porter cet article sur un aspect du cas de l'Inde qui n'a pas encore fait l'objet de beaucoup d'attention, à savoir le rôle catalytique joué par la Fondation Rockefeller dans la transformation de la production céréalière. Notre étude s'appuie sur des documents internes inédits de la Fondation Rockefeller (notamment les journaux tenus par les agents de la Fondation pendant qu'ils aidaient à renforcer le système indien de recherche, mais aussi des mémoranda, lettres et rapports contenus dans les dossiers du projet et les archives générales de correspondance).12 Les données comparatives sur l'Afrique subsaharienne viennent d'un grand projet de recherche actuellement mené par Uma Lele 'Gestion du développement agricole en Afrique" (MADIA). Ce projet comprend des études du milieu politique et institutionnel de six pays africains, des effets des politiques économiques internes sur leur agriculture et des programmes d'assistance extérieure de huit bailleurs de fonds réalisés dans ces pays depuis le milieu des années 60. Nous nous efforcerons de montrer que, si la Fondation Rockefeller a pu catalyser le changement technique et institutionnel en Inde, c'est grâce à au moins quatre facteurs critiques, qui étaient absents dans d'autres pays, le Nigéria et l'Ouganda par exemple, où les programmes de la Fondation n'ont I I -6- pas connu le méme succès. Premièrement, la demande d'aide à la Fondation Rockefeller ne résultait pas essentiellement de l'initiative d'un bailleur de fonds mais venait de l'Inde elle-même, qui s'était rendue compte qu'elle avait besoin d'aide. La recherche d'experts de haut niveau menée par le pays l'a conduit à la Fondation, qui avait déjà entrepris plusieurs petits projets agricoles en Inde, ainsi qu'à d'autres donateurs américains. Cet intérêt mutuel du bailleur et du bénéficiaire de l'aide est très différent de ce qui se passe en Afrique, où la recherche agricole est trop souvent mue par l'idée que se fait un donateur des besoins d'assistance technique du bénéficaire. Deuxièmement, la Fondation s'occupait simultanément d'améliorer plusieurs activités interdépendantes qui étaient cruciales au renforcement des moyens de recherche agricole de l'Inde : développement des hautes études agricoles, lancement de recherches coordonnées sur des produits de base, réorganisation du système de recherche agricole, et introduction de variétés de blé et de riz importées à haut rendement qui devaient étre diffusées au niveau des exploitations. Troisièmement, le programme entrepris par la Fondation en Inde était un programme de longue durée, auquel les mêmes personnes (en particulier le directeur du programme, Ralph Cummings mais aussi ses collaborateurs) ont travaillé pendant dix ans et plus. Quatrièmement, le Rmessage' délivré sur la meilleure façon de procéder a toujours été cohérent, même si la solution choisie n'était pas la seule possible. On estime qu'en 1983, 35 pays d'Afrique subsaharienne ont consacré 385 millions de dollars à la recherche agricole et que, la même année, les bailleurs de fonds ont fait un apport de 307 millions de dollars aux systèmes internationaux et nationaux de recherche.13 On peut toutefois douter de la qualité de ces dépenses. Dans le cas du projet sénégalais mentionné plus haut, plus du tiers du financement est allé à des services d'ssistance technique d'expatriés et 16 Z à des travaux de génie civil et à l'achat de véhicules et de matériel, dépenses d'autant plus criticables qu'elles ont été faites avant que les plans détaillés des programmes de recherche ne soient au point; ainsi, une station de recherche construite à St Louis, Sénégal, n'est pas située au bon endroit pour la recherche qu'elle était censée mener. Compte tenu du déséquilibre entre les dépenses consacrées à l'assistance technique expatriée et aux bâtiments/équipements d'une part et aux travaux autochtones de recherche d'autre part, on peut se demander si les fonds ont été convenablement affectés. Un autre projet de recherche agricole financé par l'Association internationale de développement et l'USAID au Malawi souffre de défauts du même ordre. Pendant ce temps, en dehors de quelques pays (comme le Zimbabwe, le Kenya et la Côte d'Ivoire) qui ont obtenu de bons résultats avec certaines cultures, la plupart des pays de la région n'ont pas réussi à faire appel aux connaissances scientifiques agricoles accumulées ni à exprimer clairement ce dont ils avaient besoin pour développer des applications spécifiques adaptées à leurs ressources. Si l'apport de nouvelles technologies à l'agriculture est médiocre en Afrique subsaharienne, c'est en grande partie parce que les programmes nationaux de recherche sont insuffisants et qu'ils n'ont pas pu adapter la technologie à des conditions locales diverses, notamment aux besoins des petits agriculteurs. L'absence de technologie appropriée freine à son tour la productivité et le développement rural en général.14 L'émergence de responsables politiques et de hauts fonctionnaires, à l'image de ceux qui ont participé au développement des services de recherche 7- agricole en Inde, n'est pas encore très évident dans la plupart des pays d'Afrique. La faiblesse ou l'absence de ces groupes aide à expliquer le manque d'efficacité des services de recherche dans une bonne partie de l'Afrique, malgré les énormes dépenses qui ont été consacrées à la recherche. Ce sont généralement les pays ou les organismes donateurs qui insistent pour que la technologie agricole soit améliorée et l'absence d'apports et de soutien nationaux constitue une faiblesse majeure. Inévitablement, ces * efforts sont dispersés (contrairement à l'approche globale adoptée par la Fondation Rockefeller en Inde) et trop souvent calqués sur l'idée que se fait le donateur des besoins du pays. L'aide est généralement de courte durée, ce qui empêche le développement de relations étroites et efficaces entre le personnel du donateur et celui du pays-hôte. La fragmentation des avis (souvent non sollicités) donnés par des experts venant de myriades de bailleurs d'aide peut créer la confusion au lieu d'entraîner l'adhésion chez les responsables africains. Dans les sections qui suivent, nous décrivons les relations de l'Inde J et de la Fondation Rockefeller depuis les années 50 jusqu'au début des années 70 et notons les principales différences entre cette expérience et les tentatives d'amélioration de la technologie agricole qu'ont faites les pays africains. L'article se termine par un résumé des leçons que les donateurs et les bénéficiaires africains pourraient tirer des interactions entre l'Inde et la Fondation Rockefeller que nous décrivons ici. | Inde : Définition des priorités de recherche et approche adoptée Lorsqu'elle a acquis son indépendance en 1947, l'Inde possédait déjà ce qu'on pourrait appeler "une infrastructure intellectuelle' qui la plaçait bien en avance par rapport à la plupart des pays en développement des années 40 et 50 ou méme des années 80. Les universités de Madras, de Bombay et de Calcutta avaient été fondées près d'un siècle plus tôt; l'Inde avait décerné I son premier doctorat la même année qu'Harvard et un Indien avait obtenu le prix Nobel de physique en 1930. Dans le domaine de la science agricole, l'Inde avait hérité d'un système de recherche raisonnablement développé pour i l'époque mais qui n'obtenait que des résultats médiocres en matière de technologies nouvelles.15 Ce système, doté d'un personnel en grande partie autochtone, avait fait quelques découvertes concernant le sucre et autres cultures de rapport mais les critiques de l'époque, comme A. B. Stewart, estimaient qu'il était trop fragmenté.16 Des comités distincts étudiaient les principales cultures de rapport et l'Indian Council of Agricultural Research (ICAR) (Conseil indien de la recherche agricole), établi en 1929 sur I | * recommandation de la Commission royale de l'agriculture, ne jouait pas de rôle de chef de file pour focaliser la recherche sur les problèmes pressants l | g ou les possibilités prometteuses. Les observateurs contemporains condamnaient aussi ce qu'ils considéraient comme une trop grande priorité accordée à la recherche théorique par rapport à la recherche appliquée, héritage que d'autres pays I | * comme le Kenya semblent aussi avoir reçu de la Grande Bretagne.17 Cette orientation théorique résultait en partie du modèle britannique d'enseignement supérieur, qui négligeait l'application pratique des i | connaissances techniques. Contrairement aux pays africains qui ont acquis leur indépendance au début des années 60, il y avait déjà 17 établissements d'enseignement supérieur agricole en Inde à l'indépendance, mais en 1951, I cinq seulement offraient des cours au delà de la licence.18 La Commission nationale de l'agriculture notait que l'enseignement agricole "était en général académique et théorique et ne cherchait pas à développer les compétences pratiques et l'aptitude à résoudre des problèmes de terrain".19 Comme nous le montrerons, le facteur crucial qui a permis à la recherche agricole indienne d'avoir des résultats remarquables au niveau du terrain au cours des années 60 et 70 est précisément la transformation de la recherche agricole et de l'enseignement supérieur d'une discipline théorique en un puissant outil liant les derniers progrès de la science agricole d'une part aux besoins de production des agriculteurs indiens de l'autre. (Selon certaines autorités indiennes, ce lien se serait récemment affaibli. En outre, le facteur clé des succès des années 60 et 70 n'était pas tant la quantité ou la qualité de la science agricole en Inde, mais plutôt son organisation et sa répartition, qui ont un rapport direct avec les interventions de la Fondation Rockefeller. Renforcement institutionnel Malgré des faiblesses initiales, l'Inde avait les institutions voulues pour améliorer la recherche et, fait peut-être aussi important, son infrastructure intellectuelle relativement bien développée l'avait dotée d'une élite qui était à la fois disposée à aller chercher n'importe où dans le monde les résultats de recherches de pointe et assez compétente pour les adapter aux conditons indiennes et les utiliser. Si l'aptitude à emprunter des ressources aux échanges intellectuels internationaux n'est pas une condition suffisante à un changement technologique réussi, elle en est certainement une condition nécessaire, et elle permet de réduire le délai de gestation séparant l'obtention de résultats en laboratoire ou station de recherche d'une part des essais locaux d'autre part. Inutile de souligner à quel point la situation de la plupart des pays africains à l'indépendance (et plus encore récemment) était défavorable par comparaison. L'Inde était donc relativement bien placée pour mettre à profit les nouvelles orientations de la science agricole. Après l'indépendance, des fonctionnaires, des scientifiques et quelques politiciens avisés ont commencé à chercher à améliorer leur système de recherche en profitant de l'expérience de pays plus avancés. Faute de sources multilatérales d'assistance, ils se sont tournés vers les Etats-Unis, estimant que ce pays était le leader mondial dans le domaine de l'agriculture scientifique. ° Les Etats-Unis avaient beaucoup à offrir à l'Inde en matière de science agricole dans les années 50. 21 Le principe fondamental d'organisation suivi par les Américains consistait à unifier enseignement et recherche de manière à forcer l'attention sur les problèmes pratiques. Dans le domaine de la recherche d'adaptation, ils avaient aussi très bien réussi en utilisant des équipes pluridisciplinaires pour mettre au point des 'enveloppes' de pratiques culturales améliorées.22 Le Gouvernement fédéral utilisait un financement par formule pour subventionner la recherche aux stations de recherche agricole des états, méthode qui semblait très pertinente aux responsables de New Nehli qui opéraient aussi dans le cadre d'un vaste système fédéral. La coordination au niveau fédéral permettait aux phytogénéticiens américains d'échanger régulièrement des informations et du matériel génétique et d'identifier les combinaisons de cultures les plus I -9- prometteuses dans des régions spécifiques en pratiquant des essais uniformes dans tout le pays. Cet arrangement conférait au système de recherche américain une certaine finalité commune tout en donnant aux scientifiques travaillant sur le terrain l'autonomie nécessaire pour mener des recherches dans des conditions diverses et de déterminer ainsi l'avantage comparatif de différentes cultures et régions, ce qui est crucial au développement d'un secteur agricole efficace. L'absence d'autres sources d'assistance s'est peut-être avéré avantageux. L'Inde a été forcée de se concentrer sur un jeu unique de modèles institutionnels, tout en faisant appel aux différentes sources américaines qui lui semblaient appropriées à l'époque, c'est-à-dire à la Fondation Rockefeller pour le développement du système national de recherche, l'USAID pour l'investissement dans des universités agricoles semblables aux J établissements américains créés par donation foncière et la Fondation Ford pour les travaux de vulgarisation. Cela a considérablement réduit le coût de la recherche de sources d'assistance qui est souvent si élevé pour les J pays en développement faisant face à une insuffisance de main-d'oeuvre qualifiée et une grande diversité de sources auxquelles s'adresser. Recherche d'adaptation Outre l'intérêt qu'il portait à la réforme institutionnelle du système de recherche de l'Inde, le gouvernement indien avait très tôt décidé de promouvoir la recherche d'adaptation sur le maïs hybride, culture qui avait fait l'objet de découvertes remarquables aux Etats-Unis et s'était répandue en Europe et ailleurs.23 Le maïs peut toutefois sembler être un choix curieux pour l'Inde. Dans les années 50, environ 3 Z seulement de la superficie cultivée brute de l'Inde était cultivée en maïs, contre 30 Z pour le riz et 10Z pour le blé (voir plus loin une analyse des travaux réalisés plus tard sur ces deux cultures). Cette priorité accordée au maïs plutôt I qu'au riz ou au blé s'expliquait par trois facteurs au moins. D'abord l'Indian Agricultural Research Institute (IARI) (Institut indien de recherche agricole) estimait que les recherches sur le blé et le riz étaient déjà en I bonne voie et n'avaient pas besoin d'aide extérieure. Deuxièmement, certains responsables se rendaient compte que si les travaux de recherche sur l'amélioration des variétés de maïs échouaient, le coût d'opportunité de ces travaux serait plus faible que dans le cas du riz ou du blé. Troisièmement, i le mais ne faisait l'objet que de très peu de recherche en Inde; il y avait donc moins de scientifiques et d'administrateurs risquant de se sentir menacés par les nouvelles approches à la recherche sur le maïs. La principale mine de connaissances sur la culture du maïs dans des pays en développement était la Fondation Rockefeller, qui menait des programmes de recherche sur le maïs au Mexique depuis 1943 et en Colombie depuis 1950. Le Secrétaire d'Etat à l'agriculture de l'Inde, Vishnu Sahay, ne voyant pas de raison pour couvrir le même terrain que ce qui avait déjà été fait en Amérique latine, a sollicité l'aide de la Fondation en 1953. Les I responsables de la Fondation Rockefeller se sont toutefois déclarés inquiets à l'idée que l'Inde risquait de se lancer tête baissée dans la production commerciale de maïs sans avoir fait suffisamment de recherche d'adaptation. i Deux experts de la Fondation invités en Inde en 1954 ont confirmé cette impression, citant le fait que les hybrides américains n'étaient pas adaptables aux conditions en vigueur en Inde et qu'il fallait les croiser I - 10 - avec des variétés locales. Ces recommandations ont débouché sur une demande officielle (en 1955) à la Fondation Rockefeller d'aider le Ministère de l'agriculture à mener les travaux nécessaires de recherche sur le maïs. Les responsables de la Fondation Rockefeller ont décidé que la manière la plus utile de procéder en Inde serait de reprendre la méthode de recherche d'adaptation sur le maïs qui avait eu de bons résultats dans le Sud des Etats-Unis au cours des années 40. Cette méthode consistait à poursuivre les travaux expérimentaux aux stations de recherche des états mais de les coordonner au niveau central de manière à éviter les doubles emplois et les omissions. Il fallait organiser des essais de cultures uniformes, établir un système d'enregistrement cohérent et mettre en place des moyens d'échange sans restriction de matériel génétique. L'expérience américaine avait aussi démontré la valeur de la recherche interdisciplinaire pour établir des moyens de lutte phytosanitaire et créer une base d'information sur les pratiques culturales à adopter avec les nouvelles variétés de maïs : la Fondation Rockefeller voulait donc s'assurer que le programme indien comporterait un travail d'équipe entre scientifiques ayant une formation différente.24 Une décision clé a été de coopérer avec les institutions indiennes existantes plutôt que d'en créer de nouvelles, comme l'avait fait la Fondation en Amérique latine.25 Malgré des retards et des conflits divers, le projet a rapidement découvert des variétés qui, à l'essai, avaient des rendements de 140 boisseaux à l'hectare alors que le rendement moyen en Inde était de l'ordre de 16 boisseaux. En 1960, on a pu recommander quatre hybrides doubles pour distribution aux cultivateurs indiens. La diffusion de ces hybrides a toutefois été plus lente que prévu en partie parce que la rentabilité nette du riz, qui fait concurrence au maïs, s'est avérée très supérieure. En 1980-81, après vingt ans d'utilisation, le mals hybride ne couvrait que le quart de la superficie cultivée en maïs.26 Le projet maïs a aussi eu d'importantes retombées du point de vue organisationnel. Le développement et la distribution relativement rapides de variétés nouvelles a prouvé à de nombreux experts indiens les avantages que présentait la coopération entre les états et l'administration centrale ainsi que de la recherche pluridisciplinaire; toutefois, en raison des intérêts en cause de chercheurs travaillant dans d'autres types d'organisation, il a fallu attendre jusqu'au milieu des années 60 pour que le système pan-indien coordonné de recherche soit appliqué à d'autres cultures. Certains universitaires et praticiens considèrent que les progrès techniques réalisés dans la production de céréales secondaires au milieu des années 60 étaient aussi assez importants pour être traités de "révolutionnaires".27 Il semble en effet que, dès 1966, des progrès majeurs avaient été faits sur le jowar (sorgho) et le bafra (mil), cultures qui avaient été ajoutées au programme de la Fondation Rockefeller après les premiers travaux portant sur le maïs.28 Dans le cas du mil, une lignée mâle stérile développée par le Dr. Ratchie de la Fondation Rockefeller et ultérieurement distribuée par l'Université d'agriculture du Punjab a joué un rôle important dans l'augmentation des rendements. Nos propres recherches confirment l'augmentation du rendement du mil (mais non du sorgho) à la fin des années 60. Néanmoins, il y a lieu de faire deux réserves. D'abord, bien que l'accroissement des rendements obtenu à la fin des années 60 ait été impressionnant en pourcentage, il était assez modeste en termes absolus. Deuxièmement, l'expansion des années 60 n'a duré que trois ans avant l'infestation de mildiou blanc . La recherche initiale sur le sorgho (à laquelle L. R. House, chercheur à la Fondation Rockefeller a fait un apport notable) a conduit à la distribution d'une souche initiale de sorgho hybride en 1965; il a toutefois fallu attendre plusieurs années avant que les hybrides de sorgho contribuent à augmenter les rendements. L'attitude de la Fondation Rockefeller à l'égard de l'assistance technique En même temps qu'il avait demandé l'aide de la Fondation Rockefeller pour la recherche sur le mais hybride, le gouvernement indien avait commencé à envisager d'obtenir l'aide de la Fondation pour établir un programme de * hautes études en sciences agricoles. Entre temps, les directeurs de la Fondation Rockefeller avaient leurs propres raisons pour participer plus intensément aux programmes indiens et leurs propres conditions à imposer à cette participation. Six de ces raisons étaient particulièrement importantes. |m Premièrement, ils voulaient travailler en Inde en raison du défi que représentait le travail dans un grand pays, et le prestige éventuel qui pourrait en découler; ils s'attendaient aussi à réaliser des économies d'échelle en fournissant une assistance technique à l'Inde. Deuxièmement, i la Fondation voulait tirer au mieux parti de son avantage comparatif. Elle était mieux à méme que les institutions d'aide publique de travailler sur les problèmes à long terme parce qu'elle n'avait pas à subir les aléas des processus de budgétisation annuelle des Etats donateurs ni les variations de l'appui politique accordé à tel ou tel pays bénéficaire (facteurs auxquels sont aux prises les programmes et les planificateurs d'aide bilatérale). En outre, en tant qu'agence philanthropique dotée de ressources et n'étant pas I obligée d'obtenir des résultats immédiats pour pouvoir poursuivre des projets ayant de longues périodes de gestation et/ou des perspectives incertaines (tels que le projet de recherche d'adaptation sur le maïs), elle avait les I | moyens d'adopter une approche à long terme et souhaitait agir ainsi. La Fondation voulait donc bien aider l'Inde à renforcer ses programmes de hautes études agricoles et de recherche sur le maïs à condition qu'elle puisse participer aux programmes pendant au moins dix ans. Troisièmement, les responsables de la Fondation Rockefeller exigeaient toujours que leurs ressources soient concentrées sur de grands programmes l [ J continus et susceptibles d'avoir des résultats importants à longue échéance plutôt que dispersées entre de nombreux petits projets de démarrage. Ils considéraient que le rôle de la Fondation consistait à fournir l'apport marginal nécessaire pour amener à un très haut niveau des programmes dans lesquels le gouvernement du pays s'était déjà engagé. Quatrième point particulièrement important, la Fondation tenait à l * participer à tous les aspects pertinents du développement des services locaux de recherche agricole et de l'adaptation de nouvelles cultures aux besoins locaux. Sa participation couvrait donc toute une gamme d'activités allant I | de la conception d'éléments d'un système d'enseignement et du programme de recherche sur le maïs jusqu'à la formation de cadres indiens aux techniques scientifiques et pédagogiques, en passant par l'exécution d'un 'programme I - 12 - d'action" qu'elle tenait initialement à gérer. En outre, elle essayait aussi de s'assurer que ce seraient le mêmes personnes qui aideraient l'Inde à élaborer des programmes et ensuite à former des autochtones et à les préparer à assumer des postes hiérarchiques. Cinquièmement, la Fondation tenait absolument à ce que ses cadres supérieurs travaillant en Inde aient des références assez prestigieuses pour que leurs conseils aient du poids auprès de leurs homologues indiens. On pouvait en dire autant d'autres institutions américaines à cette époque. Les personnels clés de la Fondation Rockefeller, de la Fondation Ford et du Gouvernement américain travillant en Inde - Ralph Cummings, U. J. Grant et Albert Moseman (Fondation Rockefeller), Douglas Ensminger (Ford) et Frank Parker (Mission de coopération technique des Etats-Unis) - étaient des hommes dont la réputation n'était plus à faire dans la communauté agricole américaine; ils avaient tous aussi l'expérience de grands programmes de développement agricole dans des pays en développement etjou de la gestion de programmes nationaux de recherche agricole. En outre, ils avaient en commun une formation en recherche agricole scientifique : grâce à cette homogénéité, l'Inde a reçu des conseils cohérents à la fois des représentants de chaque organisme d'aide à tout moment et de l'ensemble des organismes à long terme. Sixièmement, les conseillers principaux de la Fondation Rockefeller ont pu être affectés au programme indien pendant une longue durée (10 ans dans le cas de Cummings, 5 ans de Moseman, sans compter l'expérience qu'il avait déjà du pays où il avait travaillé pour le Ministère de l'agriculture des Etats-Unis à partir de 1949). Cela les a aidés à se constituer une équipe d'admirateurs parmi les cadres indiens s'occupant de recherche agricole. Ce type de coalition est cruciale au soutien des efforts nécessaires pour développer de nouveaux moyens institutionnels dans des pays en développement. Sans elle, les institutions ont tendance à ne pas durer beaucoup plus que le détachement du personnel expatrié. Enfin, vu la durée des affectations du personnel de la Fondation Rockefeller et le fait qu'ils n'étaient pas soumis à des pressions budgétaires, ils n'étaient pas obligés de faire immédiatement état de résultats spectaculaires. Les cadres de direction de la Fondation Rockefeller étaient disposés à juger les administrateurs du Programme agricole indien en fonction de leur aptitude à aider l'Inde à établir et à gérer ultérieurement un programme efficace de recherche agricole, et non en fonction de la vitesse à laquelle ils pouvaient achever tel ou tel élément du projet. I - 13 - Inde : Valorisation du capital humain et réforme institutionnelle Il pourrait paraître intuitivement évident qu'un programme visant à créer ou à améliorer les services nationaux de recherche devrait commencer par se concentrer sur la valorisation des ressources humaines (projets de perfectionnement du personnel) et sur la réforme institutionnelle : en fait, une des faiblesses persistantes de ce type de programme entrepris dans des * pays en développement est que les donateurs ont accordé trop d'importance aux investissements matériels. La Fondation Rockefeller en Inde a évité ce piège, consacrant moins de 1 million de dollar (12 Z seulement de ses I dépenses totales) à des bâtiments et à du matériel (Tableau 1). Le gouvernement indien était également déterminé à ce que la Fondation ne soit pas détournée de ses intentions par des projets d'équipement. Le premier Ministre a même rejeté une demande de financement d'un dortoir universitaire que l'IARI voulait présenter à la Fondation, craignant que ce projet ne détourne l'attention de la Fondation de sa mission plus importante qui était g le transfert de connaissances.29 Le concept fondamental selon lequel le soutien à la recherche et ses applications techniques comporte des ressources humaines abondantes et accorde beaucoup moins d'importance aux équipements, est absolument crucial à l'élaboration d'une stratégie efficace de création d'un système de recherche n'importe où dans le monde. Nous avons déjà souligné la parsimonie de la Fondation Rockefeller; dans les sections qui suivent, nous montrerons I l'intensité en ressources humaines de son approche, et, illustrant un autre thème abordé plus haut, le rôle central que jouait dans la stratégie de la Fondation la promotion de réformes structurelles des systèmes existants (au I lieu de la création de nouveaux systèmes). Spécifiquement, la contribution faite par la Fondation Rockefeller à la mise en place d'un système de recherche agricole en Inde a pris trois formes : i) un investissement dans le capital humain sous forme de subventions et de bourses; ii) la I planification de la réorganisation des programmes d'enseignement supérieur à l'Institut indien de recherche agricole; et iii) une assistance au Gouvernement indien pour l'aider à réorganiser le Conseil de la recherche I agricole. Ces trois activités sont examinées ci-dessous. I ; ! E~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 14 - TABLEAU 1 DEPENSES CONSACREES A L'AGRICULTURE PAR LA FONDATION ROCKEFELLER EN INDE (on milliers de dollars) 1961-66 19S6-ô0 1961-ô6 1966-70 1971-75 Total Programme agricole* ... 1.111 1.640 2.678 601 6.830 Bitiments, lquipement, livres 197 435 262 63 ... 947 Stations expérimentales ... ... 60 ... ... 660 Bourses de voyage ... 9 188 148 ... 404 Autres subventions * 100 36 18 ... ... 164 Total 297 1.651 2.668 2.789 601 7.896 SOURCE - Fondation Rockefeller, Rspports annuels (New York). NOTE - Les chiffres ayant été rrondis, les totaux peuvent ne pas représenter la somme des éléments. e Y compris soutien à l'Ecole des Hautes études de l'IARI et projets pan-indiens coordonnés pour ie mass (1968), le blé (1964) et le riz (1965). Les dépenses locales du personnel de la Fondation Rockefeller travaillant en Inde ne sont pas compris pour toutes les années. Y compris un don de 100 000 dollars à l'institut de formation rurale su Projet Etawah (Lucknow). -15 - Investissement dans le capital humain Rares étaient les Indiens qui savaient comment fonctionnait le système américain de recherche : en 1957, la Fondation Rockefeller a donc commencé à envoyer des cadres indiens clés aux Etats-Unis pour qu'ils y observent d'eux-mêmes les écoles supérieures d'agriculture et les stations expérimentales. Au cours des douze années suivantes, 90 bourses de voyage de courte durée ont été octroyées à des responsables indiens, au coût de 400.000 dollars (Tableau 1). La Fondation a également financé un programme de bourses d'études à long terme pour améliorer les connaissances théoriques de chercheurs et d'étudiants indiens. Tous les ans, la Fondation demandait aux organisations officielles de lui présenter un nombre limité de candidatures à des programmes de formation à l'étranger au niveau des études de troisième cycle ou au niveau post-doctorat, en général dans des universités d'agriculture créées par donation foncière. De 1956 à 1970, 115 personnes ont ainsi terminé leurs études (Tableau 2). 30 Le Gouvernement américain avait, parallèlement, un programme de formation beaucoup plus vaste qui, pendant la même période, a envoyé plus de 2 000 indiens aux Etats-Unis pour y faire des I études avancées d'agriculture et des études sur les ressources naturelles.31 L'une des objections que l'on entend le plus souvent à propos des investissements consacrés à une amélioration des connaissances théoriques I (surtout par l'intermédiaire de programmes d'études dans des établissements d'enseignement supérieur de pays développés) est que les bénéficiaires de ces programmes ne trouvent pas de débouchés et/ou de postes assez bien payés à leur retour dans leur pays ou même qu'ils ne rentrent pas dans leur pays d'origine. Ce problème était peut-être moins grave en Inde que dans la plupart des autres pays en développement mais la participation de la Fondation Rockefeller au développement de plusieurs aspects de la recherche agricole lui offrait divers moyens de protéger son capital humain, notamment les suivants : i) elle accordait des bourses à des employés d'institutions indiennes où ils étaient sûrs de retrouver leur poste à la fin de leurs I études; ii) elle finançait les études de plusieurs candidats de la même institution pour constituer un noyau de personnel autochtone ayant reçu le même type de formation à l'étranger; et iii) elle accordait de modestes dons aux institutions en question pour l'achat de matériel et d'installations I essentielles. De manière plus générale, le rôle que jouait la Fondation Rockefeller dans la restructuration du système indien de recherche lui a permis d'aider à créer un milieu dans lequel les chercheurs indiens pouvaient J travailler efficacement. Résultat surprenant : les trois quarts des anciens boursiers Rockefeller travaillaient dans des univesités ou des instituts de recherche agricole indiens à la fin des années 60. Seuls 5 Z travaillaient à l'étranger (voir Tableau 2). I I I I - 16 - TAH.EgJI 2 ICIA] ]E1 I B31SS EF: }1R, 1956-70 IiMiiLM= LZXLXUt - Irise iUT-mc. * n IOE&L Uliversité 39+ 12 13 8 72 Adrinistratiai 9 2 1 4 16 Institts de rderd 8 4 2 1 15 Orgudsa,ticns rn 3 1 ... 1 5 Hofrs de l'Inde 5 ... .. 6 Total 04 1Y M= 1:> i1 Z z- raRatam ef or, 'tory of rel±m am srmc ;ar u, 1î-±U ( xW lm, 1972). 7 N:E - Les chiffres ne partait que ar les persmrres qci avaiEt acieé leur progne d'étides en 1968. * Eh 1969ou 1970 + Y cripris un doctoat d'éh&atioe - y cxipris tre pensnne cidmt onn e CaTit pas l'instittacn. Réorganisation de l'enseignement agricole Après l'indépendance, l'une des préoccupations essentielles du gouvernement indien était de renforcer l'enseignement supérieur en général et l'enseignement rural et technique en particulier. Le Comité Radhakrishnan,le premier des groupes spéciaux chargés d'examiner les problèmes en jeu, fut établi en novembre 1948. Le prestige de ses membres (le Président et un autre des membres devait plus tard devenir Président de la République) indique l'importance que l'Inde attachait à ces questions - priorité dont il serait bien difficile de trouver le parallèle dans l'Afrique d'aujourd'hui. Néanmoins, la proposition fondamentale du comité, à savoir la mise en place d'un enseignement supérieur en agriculture, a mis une quinzaine d'années à se concrétiser. Les premières mesures concrètes ont été prises au début des années 50, lorsque les Etats-Unis ont entrepris un grand programme de développement d'universités d'agriculture dans les états, sur le modèle des établissements d'enseignement supérieur créés par donation foncière.32 La Fondation Rockefeller a accepté d'aider à créer l'Ecole des Hautes Etudes de l'IARI. Pour réussir, des programmes de renforcement institutionnel de ce genre exigent une préparation soigneuse et un engagement et un apport substantiels des autochtones. Un élément clé du projet de la Fondation Rockefeller était que les plans ont été élaborés et mis en oeuvre conjointement par le -17- personnel de la Fondation Rockefeller et leurs homologues indiens. Lorsque Ralph Cummings a pris son poste de directeur du projet, il a veillé à ne pas se lancer dans le projet IARI avec des idées préconçues : au contraire, il a passé six mois en Inde en 1957 à se familiariser avec le pays avant d'élaborer des propositions en vue d'un nouveau programme éducatif. 3 Cette approche est très différente de la tendance actuelle qu'ont les bailleurs de fonds à tenter de résoudre des problèmes à long terme en envoyant des missions de préparation de projets de courte durée. Créé en 1905, l'IARI était essentiellement un institut de recherche I mais il offrait une formation ne menant pas à un diplôme d'agronomie, botanique, chimie, entomologie et phytopathologie. Ce statut présentait à la fois des avantages et des coûts en matière de renforcement institutionnel. D'une part, on pouvait avancer vite en partant des installations existantes. D'autre part, il serait très difficile de faire changer de comportement à des professionnels. Lorsque Cummings eut disposé d'informations suffisantes pour commencer à faire des propositions, il suggéra que les études supérieures à * l'IARI suivent le modèle américain selon lequel les étudiants choisissent une discipline principale et une discipline secondaire, sont soumis à des examens exhaustifs oraux et écrits et rédigent une thèse sous la direction d'un comité consultatif. Ces innovations exigeaient un ajustement majeur de la part du personnel de l'IARI. Au lieu de suivre le système qui leur était familier de programme I standardisé d'études et d'examens extérieurs, les professeurs seraient chargés d'élaborer leurs propres cours et d'évaluer les résultats des étudiants. Le programme d'études devait aussi changer, et mettre l'accent I sur le raisonnement déductif, la résolution de problèmes et l'acquisition de connaissances générales en science. Enfin, les enseignants et les chercheurs devaient être sélectionnés au mérite plutôt qu'à l'ancienneté, comme c'était l'habitude en Inde. Ces propositions étaient radicales. Tout en acceptant les principes de base sur lesquels elles reposaient, le personnel était méfiant à l'égard de I nombre d'entre elles. C'est grâce à la collaboration active des institutions et des individus - des Indiens de l'IARI, du Ministère de l'agriculture, du Ministère des finances, de la Commission du Plan et de la Commission des subventions universitaires ainsi que du personnel de la Fondation Rockefeller - qu'il a été possible d'adapter les idées de Cummings aux conditions indiennes, et la nouvelle université a été inaugurée en octobre 1958. La brièveté (un an) de sa période de gestation indique à quel point l'Inde I tenait à réorganiser son enseignement agricole. Cette performance est tout particulièrement à porter au crédit de la Commission des subventions universitaires, dont on avait pensé qu'elle objecterait à transférer la I responsabilité des hautes études à l'IARI. Il restait toutefois à adapter des structures américaines au milieu indien. Les chefs de départements de l'IARI étaient peu disposés à s'orienter entièrement vers le système d'examens de troisième cycle proposé par Cummings, qui reposait sur des comités. Ils préféraient recycler des examinateurs extérieurs pour éviter le favaoritisme et garantir l'objectivité I des membres du comité. Cummings, qui était devenu le premier doyen de l'institution (par interim, du fait qu'aucun Indien qualifié ne voulait occuper ce poste avant que l'autorité et le prestige qui s'y rattachaient ne I - 18 soient établis) considérait comme des obstacles la réticence des administrateurs indiens à déléguer leur pouvoir de décision et leur insistance pour que l'ancienneté joue un rôle majeur dans les questions de personnel. Cummings avait aussi des réserves à l'égard de la politique d'admission à l'IARI, qui avait été modifiée de manière à privilégier les fonctionnaires non titulaires d'un diplôme universitaire qui travaillaient déjà dans l'agriculture. Il craignait que cela n'empéche le système de recherche de recruter les meilleurs candidats auprès des sources les plus larges possibles mais, après de long débats, il arriva à la conclusion qu'il était approprié d'abaisser les normes d'entrée pour les fonctionnaires dans le contexte indien, où ces derniers n'avaient pas les mêmes moyens de faire carrière qu'aux Etats-Unis. Lorsqu'un candidat interne (A.B. Joshi) au poste de doyen a fait surface, Cummings lui a laissé la place en novembre 1960; en 1965, M. S. Swaminathan lui a succédé. Il est difficile d'évaluer les résultats obtenus par l'Ecole des hautes études de l'IARI. Certes. le nombre de diplômés a rapidement augmenté. En l'espace de dix ans, les effectifs sont passés à environ 400 étudiants, dont la moitié au niveau du doctorat : l'Ecole décernait environ le sixième des diplômes de troisième cycle d'études supérieures d'agriculture en Inde et il y avait en général dix fois plus de candidats que de places disponibles. Par ailleurs, les critiques estiment que l'administration de l'IARI prête trop peu attention la bonne marche de l'institution et que l'ancienneté et les relations jouent encore un rôle trop important dans les décisions relatives au personnel. Réorganisation du système de recherche Les réformes des institutions et des programmes d'enseignement supérieur peuvent améliorer les effectifs et les qualifications des chercheurs potentiels mais si le cadre institutionnel du programme de recherche est lui- même défectueux, les résultats en souffriront. Dans la présente section, nous examinons brièvement l'historique des propositions de réorganisation des moyens de recherche de l'Inde, certains des obstacles qui ont freiné cette réorganisation et la manière dont ils ont été surmontés. Des propositions de réforme du système indien de recherche agricole étaient débattues depuis 1947. Les critiques avaient à maintes reprises déclaré que l'ICAR était trop lié aux règlements de la fonction publique pour être efficace, que les conditions de rémunération et d'emploi des spécialistes de la recherche agricole étaient médiocres et que les travaux des grandes institutions de recherche agricoles étaient mal coordonnés. Au début des années 60, bien que les administrateurs aient été unanimes à reconnaltre la nécessité d'une révision du système de recherche, les réformes proposées (suggérées en 1955 et en 1960 par des équipes d'Indiens et d'Américains parrainées par les Etats-Unis) n'avaient pas été mises en oeuvre parce qu'elle posaient de délicats problèmes politiques.34 Néanmoins, en 1963, A. D. Pandit, vice président de l'ICAR, demandait à la Fondation Rockefeller de réunir encore un comité indo-américain pour étudier les problèmes de la recherche agricole. Le groupe d'examen de la recherche agricole a repris de nombreuses propositions qui avaient été faites plus tôt.35 Il a imposé deux grands objectifs : la création d'un système d'incitations qui encouragerait les I -19- | chercheurs professionnels à faire davantage de recherche et l'établissement d'une structure qui leur permettrait de se concentrer sur les problèmes les plus urgents. Spécifiquement, le groupe recommandait que les chercheurs I agricoles soient libérés des règlements et des grilles de salaire de la fonction publique, que les comités de produits soient abolis, que l'ICAR lui- même soit supprimé et que l'on reparte à zéro avec une nouvelle organisation centrale chargée de coordonner la recherche au niveau des états. Lorsque le groupe d'examen a présenté son rapport en mars 1964, la réforme administrative ne faisait l'objet d'aucun soutien politique et le I gouvernement indien n'a fait aucun effort pour mettre en oeuvre les propositions du groupe. Il est probable que rien n'aurait été fait si Chidambaram Subramaniam, alors Ministre de la sidérurgie, de l'industrie lourde et des mines n'avait été nommé Ministre de l'alimentation et de l'agriculture en juin 1964 pour résoudre la crise agricole à laquelle l'Inde était aux prises. La production de céréales alimentaires par habitant stagnait, et les importations de céréales avaient augmenté pour atteindre 8 Z * de la production céréalière indienne (Figure 1), ce qui prouvait l'inefficacité de la politique agricole indienne. Le pays avait de plus en plus recours à l'aide alimentaire fournie par les Etats-Unis dans le cadre I de la loi 480, et les gouvernements de Washington et de Dehli craignaient que l'Inde ne devienne tributaire de cette aide. A cette époque la prestigieuse mission Bell de la Banque mondiale a subordonné l'octroi par la Banque de préts-programmes pendant le quatrième plan quinquennal à la mise en oeuvre de mesures en faveur de l'agriculture et à la dévaluation de la monnaie. I I HMillions de tonnes Lancement de la stratégie VHR I 1sge 7 5 1 Figure 1. - Quantités de céréales alimentaires disponibles en Inde. La ligne continue représente la production brute; la ligne en pointillé les * quantités totales disponibles (production brute plus importations nettes). Source : République de l'Inde, Direction de l'économie et de la statistique, Bulletin on Food Statistics, 3lème édition (1981-82), Tableau 15. Subramaniam a compris que l'Inde devait utiliser ses ressources scientifiques de la manière la plus efficace possible pour stimuler la production agricole; comme il n'avait pas de liens étroits avec les milieux agricoles, il était mieux à même que ses prédécesseurs de lancer des réformes I - 20 - fondamentales de la structure de la recherche agricole. Il a donc adopté avec enthousiasme le rapport du Groupe d'examen de la recherche agricole récemment financé par la Fondation Rockefeller.36 Travaillant avec un groupe consultatif de chercheurs indiens, il a adapté les propositions les plus récentes aux réalités politiques. Il a choisi de ne pas abolir l'ICAR au bénéfice d'un organe plus puissant, mais est arrivé presque au même résultat en lui donnant le contrôle direct des instituts nationaux de recherche tels que l'IARI ainsi qu'une plus grande autorité de financement pour qu'il soit mieux à même de coordonner activement la recherche entreprise dans les états. Pour que les sciences agricoles acquièrent du prestige dans une bureaucratie et une société indienne très axée sur le standing, le poste de Directeur général de l'ICAR (traditionnellement occupé par un fonctionnaire) a été confié à des scientifiques professionnels, comme l'avait recommandé le Comité Parker. Le premier scientifique à occuper ce poste, B. P. Pal, a plus tard mis en place le Service de la recherche agricole, corps d'élite ayant un déroulement de carrière bien établi, une grille de salaires pouvant étre complétée par des primes pour travail exceptionnel et la possibilité de promotion quels que soient les postes vacants aux échelons supérieurs.37 Subramaniam explique que ces réformes ont eu pour principal avantage de permettre aux administrateurs indiens de réorienter les priorités de recherche, en axant les chercheurs sur des buts spécifiques et déterminés au niveau national plutôt que de les laisser entreprendre au coup par coup des projets individuels.38 La réorganisation de l'ICAR soutenue par la Fondation Rockefeller a-t- elle été réussie? Il ressort de l'analyse des coûts-avantages que le système de recherche a eu des taux de rentabilité élevés, qui ne sont pas tous attribuables à la réorganisation.39 Le système d'après 1965 a pu développer et distribuer une grande quantité de matériel génétique, surtout pour le riz. Le statut des chercheurs agricoles s'est nettement amélioré bien que leur discipline n'ait toujours pas, dit-on, le même prestige que d'autres dans les milieux scientifiques indiens.40 C'était peut-être une erreur de mettre un technicien à la tête de l'ICAR, puisque cela n'a pas assuré une administration plus professionnelle ni une direction plus dynamique.41 En outre, il ne suffit pas de mettre en place de nouvelles structures et de nouvelles procédures pour modifier le comportement des individus au sein de l'orgnisation.42 L'ICAR a subi une nouvelle retructuration en 1973, ce qui n'a rien de surprenant. Selon son vice-président, M. S. Randhawa, il s'agissait encore de le rendre plus autonome, de décentraliser la prise de décisions et d'adopter un système plus souple d'administration du personnel.43 Inde : VHR de cultures vivrières et recherche d'adaptation Un des problèmes les plus importants auquel se heurtent les assistants techniques dans les pays en développement tient à la résistance qu'opposent les autochtones à tout changement susceptible de nuire à leur propre situation. Nous avons déjà noté que, dans les années 50, les experts agricoles indiens estimaient qu'ils avaient des connaissances suffisantes sur le blé et le riz pour que les conseils de spécialistes extérieurs soient inutiles. Comme dans le cas de la réorganisation de l'ICAR, il a fallu qu'une pression politique s'exerce au plus haut niveau du gouvernement indien pour qu'ils changent d'avis. Le gouvernement américain et la Fondation Ford I -21 - | ont contribué à ce processus mais c' est la Fondation Rockefeller et en particulier Ralph Cumimings qui ont joué un rôle décisif A cet égard. l l I I I lI I I I I I I I I I - 22 - Historique En 1962, les chercheurs indiens ont mené des essais réussis sur deux variétés mexicaines semi-naines de blé, qu'ils avaient acquises par l'intermédiaire du système de pépinières internationales du Ministère de l'agriculture des Etats-Unis. En 1963, Norman Borlaugh, du programme agricole de la Fondation Rockefeller au Mexique a visité les régions productrices de blé de l'Inde. Il a envoyé 400 kg de semences de quatre variétés en Inde pour des essais, dont deux, Lerma Rojo et Sonora 64, ont eu des rendements supérieurs de 30 Z aux variétés locales utilisées comme variétés témoins. Une variété prometteuse de riz avait aussi été identifiée - il s'agissait d'une variété semi-naine dénommée Taichung Native 1 originaire de Taiwan. En 1964, le directeur général de la National Seeds Corporation de l'Inde a obtenu une petite quantité de TN1 auprès de l'Institut international de recherches sur le riz (IRRI) aux Philippines (qui venait d'être créé avec un financement de la Fondation Ford et de la Fondation Rockefeller). Cette variété a eu de bons résultats et l'année suivante, la Fondation Ford a acheté une tonne de semences pour faire des essais plus étendus en Inde. Contrairement à ce qui s'était passé dans les années 50, où ils voulaient passer rapidement à la production commerciale de maïs hybride, les chercheurs et administrateurs indiens étaient méfiants à l'égard du blé mexicain et du riz taïwanais. La dépendance à l'égard des importations alimentaires était le grand problème national à l'époque et les conséquences politiques d'un échec concernant des produits qui revêtaient une importance primordiale dans le régime indien auraient été énormes. En outre, les chercheurs indiens avaient davantage travaillé sur le blé et le riz que sur le maïs et voulaient produire leurs propres variétés adaptées aux conditions locales. En 1964, Ralph Cummings a estimé que les essais faits en Inde avaient été suffisamment concluants pour que les variétés importées de blé et de riz soient distribuées aux agriculteurs indiens, surtout compte tenu de la crise alimentaire qui menaçait (voir Figure 1). Son évaluation reposait sur une longue connaissance de l'agriculture indienne mais son aptitude à faire des recommandations efficaces dépendait aussi de sa crédibilité auprès des autorités indiennes aux plus hauts niveaux, à une époque où les politiques américaines faisaient l'objet d'une hostilité très répandue. (Au milieu des années 60, les Etats-Unis utilisaient leur aide pour faire pression sur l'Inde et insistaient pour que le Fonds monétaire international et la Banque mondiale subordonnent leur aide à une dévaluation et accordent la priorité à l'agriculture.) C'est alors que le comportement de Cummings devint payant : il était resté effacé en Inde, il avait porté toutes les réalisations au crédit des Indiens et ne parlait qu'avec réticence de son influence sur eux. Il contacta Subramaniam pour voir si le nouveau ministre de l'agriculture serait disposé à apporter son soutien à l'adoption accélérée des variétés à haut rendement (VHR). Subramaniam reconnaît qu'il décida de suivre rapidement les conseils de Cummings et se mit à formuler une stratégie d'utilisation des nouvelles variétés pour lutter contre la situation de plus en plus désespérée dans laquelle se trouvait son pays.44 I -23- | La crise alimentaire de 1965 Pendant l'été de 1965, les choses avaient atteint un état de crise : la pire I sécheresse qui ait sévi de mémoire d'homme avait réduit de 20 Z la production céréalière. Le Président Lyndon Johnson, estimant que l'Inde n'envisageait pas sérieusement de faire des réformes, rationnait l'aide alimentaire à ce pays pour accroitre la pression sur son gouvernement.45 Pendant ce temps, * le consortium de bailleurs de fonds de l'Inde mené par le Banque mondiale envisageait d'accorder des prêts-programme à l'Inde pour l'aider à faire face à ses besoins critiques de balance des paiements mais il voulait que cette aide soit subordonnée à un engagement de l'Inde de dévaluer sa monnaie et de réorienter sa stratégie économique de manière à accélérer le développement agricole et à abandonner l'industrialisation reposant sur la substitution aux | importations. La situation de l'Inde au milieu des années 60 était différente de celle de l'Afrique subsaharienne actuelle à plusieurs égards. D'abord, les stocks g alimentaires mondiaux étaient bien inférieurs à ce qu'ils sont aujourd'hui, de sorte que l'Inde ne pouvait pas compter en permanence sur une aide alimentaire quand elle en avait besoin, fait qui a été souligné par la I politique adoptée par le Président Johnson de retenir les expéditions au titre de la Loi 480. Deuxièmement, le blé mexicain et, dans une bien moindre mesure, le riz taiwanais, étaient immédiatement disponibles et pouvaient venir au secours de l'Inde. Troisièmement, contrairement à ce que pensait * Johnson, en 1965, l'Inde était parfaitement capable d'actionner son appareil politique et administratif pour utiliser les nouvelles variétés et mettre en oeuvre une poitique agricole sophistiquée comprenant des éléments tels que I la distribution d'engrais, les soutiens aux prix, le stockage et le développement des marchés, en plus de la recherche. Néanmoins, Subramaniam a eu du mal à convaincre ses compatriotes d'adopter rapidement les variétés semi-naines.46 N'étant pas sûre de la rentabilité à attendre de cette proposition, la Commission du Plan s'inquiétait du coût en devises de l'importation de l'engrais supplémentaire qui devrait accompagner les VHR en période de grave crise de la balance des paiements. Des économistes très respectés, B. S. Minhas et T. N. Srinivasan, doutaient de la rentabilité d'une utilisation intensive d'engrais sur des surfaces limitées par rapport à une utilisation plus extensive d'engrais.47 Les autorités des états craignaient que l'adoption des VHR ne réduise leur autonomie dans la recherche et la vulgarisation. Les sociologues estimaient que les nouvelles variétés nuiraient aux petits agricultuers et aux paysans I sans terre. Les spécialistes expérimentés de la recherche agricole pensaient que les nouvelles variétés seraient sans doute plus susceptibles aux maladies. Les politiciens de gauche craignaient que l'adoption des VHR I n'entraine une dépendance future à l'égard des scientifiques et des engrais "occidentaux'. Parmi tous les groupes que Subramaniam a consultés, il a eu l'impression de ne recevoir l'adhésion que des jeunes chercheurs agricoles, qui pensaient que les VHR devaient être adoptées rapidement et à grande échelle. Pendant ces débats animés, le cabinet indien a d'abord évité de prendre position pour ou contre l'adoption à grande échelle de VHR. La crise alimentaire a toutefois permis à Subramaniam de convaincre le Premier Ministre Shastri et, après sa mort en 1966, son successeur Mme. Gandhi, I - 24 - d'appuyer la stratégie proposée pour deux raisons : il était extrêmement risqué de continuer à dépendre de l'étranger en important des vivres; et ii) les variétés semi-naines de blé et de riz étaient les seules options raisonnables à court terme pour atteindre l'autosuffisance alimentaire. Travaillant avec le soutien crucial du secrétaire à l'agriculture, B. Sivaraman, Subramaniam a pu, en 1965, annoncer l'intention d'introduire les VHR, en l'espace de cinq ans, sur 14 millions d'hectares de terres cultivables en Inde.48 Pendant l'été de 1966, l'Inde a acheté 18.000 tonnes de semences de blé mexicain avec l'aide de la Fondation Rockefeller, soit le plus gros achat de semences qui ait jamais été fait. Selon Subramaniam, "l'enjeu était tellement élevé que notre stratégie s'apparentait à un jeu de hasard... Rétrospectivement, il me semble que c'était une compulsion historique, la compulsion des circonstances, qui m'ont permis de faire prendre en un mois des décisions critiques qui autrement auraient pu attendre des années".49 Recherche d'adaptation et adoption des VHR En l'absence d'un grand programme de recherche d'adaptation, le risque pris par Subramanian avait peu de chances d'aboutir à une réussite à long terme. Briser la résistance des groupes de pression intérieurs à l'égard de l'importation massive de VHR n'était que la première étape. Pour que la nouvelle stratégie soit une réussite politique et économique, il fallait notamment que les consommateurs indiens jugent les novelles variétés acceptables, - et sous leur forme initiale, les hybrides ne l'étaient pas parfaitement en raison de leurs caractéristiques à la cuisson et de leur couleur. Les problèmes de résistance aux maladies et aux parasites ont en outre exigé le développement continu d'un grand nombre de variétés adaptées aux différentes régions. Le nouveau système national de recherche a pu répondre à ces besoins, jouant ainsi un rôle crucial dans la diffusion constante de nouvelles variétés. En corollaire, les VHR ont stimulé la réforme du système de recherche en justifiant l'extension du modèle de recherches coordonnées sur des cultures (essayé tout d'abord sur le maïs), le développement d'un programme à long terme de recherche et la concentration des efforts sur des problèmes concrets comme la couleur du grain et la résistance aux maladies et aux parasites.50 Le système de recherche s'est montré à la hauteur de ce qu'on attendait de lui. Des chercheurs indiens ont rapidement identifié deux lignées de blé mexicain qui avaient de meilleurs résultats dans les champs et dans les cuisines que les variétés importées, ce qui a conduit à la distribution des variétés Kalyansona et Sonalika en 1967. Quinze ans plus tard, elles demeurent les variétés les plus populaires en Inde. Le blé semi-nain s'est très vite répandu, couvrant environ le tiers de la superficie emblavée au bout de trois ans seulement et plus de la moitié au bout de sept ans. En 1983-84 76 Z des terres emblavées étaient plantées en variétés semi- naines. 1 Tout aussi importante a été l'expansion de la surface cultivée en blé, qui a remplacé des cultures à moindre rendement. Il a fallu des efforts d'amélioration beaucoup plus poussés dans le cas du riz à haut rendement du fait que les variétés provenant de l'IRRI au milieu des années 60 avaient une mauvaise qualité de cuisson et étaient peu résistantes à la maladie. En 1983, la recherche indienne sur le riz avait abouti à la distribution de 221 variétés; la nécessité de tant de travaux de I - 25 - I recherche d'adaptation indique les nombreux problèmes d'adoption auxquels le riz est soumis (contrairement au blé qui pousse dans des conditions plus homogènes). Néanmoins, en 1983-84, 18 ans après la distribution des I premières variétés de riz semi-nain, 54 Z des rizières indiennes étaient plantées en variétés à haut rendement; ce pourcentage aurait sans aucun doute été bien moins élevé sans un programme efficace de recherche.52 I La politique des prix a facilité l'introduction de blé à haut rendement, le prix intérieur de gros de ce blé augmentant de 50 Z de 1963 à 1965 pour atteindre presque le double du prix du blé importé. Le riz n'a pas bénéficié * d'incitations aussi fortes. Son prix de gros n'a augmenté que de 13 Z pendant ces deux années et n'était que marginalement supérieur au cours mondial. Le blé est resté beaucoup plus subventionné jusqu'au début de I années 70, où le prix intérieur des deux céréales est tombé au dessous du prix à l'importation (le blé restant toutefois légèrement plus protégé que le riz). 53 Notons que, en 1985, les prix réels de gros du blé et du riz (corrigés de l'indice des prix à la consommation de l'Inde) étaient inférieurs de 35 Z et 45 Z respectivement à leurs niveaux de 1967. On peut évaluer l'impact global des nouvelles variétés sur le secteur agricole en analysant les sources de croissance de la productivité totale (mesurée en valeur sur la base des prix constants des produits). Vishna Bindlish a décomposé cette croissance en cinq éléments, qui sont additionnés pour chaque produit.54 Comme l'indique le Tableau 3, le blé a contribué à I lui seul au pourcentage étonnant de 99 Z de l'augmentation de la productivité totale de 1969 à 1982. En dehors des augmentations de rendement, c'est le changement des assolements avec abandon des cultures moins productives qui I explique la plupart des gains attribuables au blé. Pendant la même période, le riz a contribué pour 15 Z à l'augmentation de la productivité globale. La contribution des autres cultures étant marginale ou, dans la plupart des cas, négative, le blé et le riz ont à eux deux fait augmenter de plus de 100 Z la productivité globale. Enfin, il ne faut pas oublier que la réussite qu'ont connue les VHR de blé et de riz en Inde était attribuable à des facteurs extérieurs et non pas seulement intérieurs. La recherche qui avait donné naissance aux nouvelles variétés de blé (pour laquelle Norman Borlaug devait recevoir le Prix Nobel I de la paix), avait été menée à ce qu'on appelle maintenant le Centre international d'amélioration du maïs et du blé (CIMMYT) au Mexique, alors que les variétés de riz avaient été développées à l'IRRI aux Philippines - dans I les deux cas avec l'aide, entre autres, de la Fondation Rockefeller. Mais ces découvertes extérieures n'auraient pas pu se traduire avec tant de succès en cultures vivrières pour l'Inde si le système indien de recherche n'avait pas été capable d'emprunter les nouvelles technologies et de les adapter aux I conditions locales. L'histoire des VHR de blé et de riz est donc un excellent exemple d'efforts de recherche extérieurs et locaux qui se sont renforcés mutuellement. La mise au point de nouvelles variétés à l'étranger I a permis de résoudre assez rapidement le problème alimentaire chronique dont souffrait l'Inde et ce succès a donné un nouvel élan aux efforts visant à établir des services autochtones efficaces de recherche agricole. I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 26 - T'BLEAU 3 CONTRIBUTION DE DIFFERENTS EFFETS AUX VARIATIONS DE LA PRODUCTIVITE GLOBALE, PAR CULTURE ET PAR PERIODE (roupies i l'hectare) 1956/57-1968/69 196869-1981/82 Croppîng Croppîng Location Pure Pattern Location Pure Pattern Pure Pure Inter- Cropping Inter- Pure Pure Inter- Cropping Inter- Yield Location action Pattern action Sum of Yield Location action Pattern action Sum of CRoP Effect Effect Effect Effect Effect Effects Effect Effect Effect Effect EtTect Effects Bajra 3.53 -.23 -.03 -2.09 .14 1.37 (.78) .72 -.24 - .45 -6.65 - .1 -6.80 -2.57 Barley 1.54 -.06 .20 - 10.03 -.97 -9.32 (-5.33) 1.10 .21 -.14 - 15.37 - 2.45 - 16.66 <-6.29, Cotton 2.81 .05 -.07 -33.44 .55 -30.10 (-17.20) 3.77 1 08 .20 -4.64 -2.63 -2.23 -.84 Groundnuts - 1.36 .16 .18 14.48 -2.57 10.89 (6.22) 2.66 - .06 83 -9.50 -.39 -646 <- 2.44 Jowar -.16 .18 .0O -4.15 -.17 -4.29 (-2.45) 6.69 -.31 -.11 -7.46 -1.66 -2.86 <-l.08> Maize 1.17 .09 .19 19.39 2.29 23.14 (13.22) .07 .20 .20 -9.31 09 -8 74 ( _3 30i Pulses 2.11 1.40 -.68 - 15.87 .20 - 12.83 (-7.33) -1.15 - 1.88 .69 6.23 .44 4.33 (i.64) Ragi .03 -.01 .01 -3.68 .10 - 3 54 (-2 02 2.05 -.09 - .03 - i.61 - 20 .11 (.C8I Rîce 25.45 .88 .00 16.24 7.71 50.09 (28.62) 20.41 3.5 1.50 30 SS 8 01 39.30 (14 84~ Sugarcane .77 .37 .00 -1.03 .15 .25 (.14) .56 1r - 01 12. 33 .51 13.5 (5.12) Smallmillets -.09 -.01 02 -6.49 .09 -6.48 (-3.70> .30 - 22 (<8 -(0.25 - 1( - 1025 i- 3 F Wheat 20.05 1.23 1.42 95.12 38.00 155.82 (89.05 32.(0 2'Q3 401 2601 2) 1 2( 26! 1 (98.75. Total 55.86 4 04 1(.12 68.45 45.52 174.99 (100.00> 69 24 5 's 31 (5 I?()>BS 44 2t64 83 I(Kl 0(, (31 92) (2.3l (64) (39.12) (26.01) 10(1 0>) (26 15) (. 4 ,1 1iY t644-s4 623' 1 (8) (i) SOURCE Vishna Bindlish, 'Sources of Productivity Growth in Indian Agriculture, 1966-67 to 1981-82'. Division des stratégies de développement, Banque mondiale (i paraitre) NOTE Les parenthèses indiquent la pourcentage de la somme des effets pour fa priode. L'Afrique et l'Inde : quelques comparaisons et leçons pour l'avenir Nous avons montré comment le gouvernement indien, la Fondation Rockefeller et d'autres organisations basées aux Etats-Unis ou soutenues par les Etats- Unis ont pu collaborer en un partenariat bénéfique au développement d'un système national de recherche agricole efficace. Par comparaison, les relations entre les nations affricaines contemporaines et les nombreux organismes d'aide qui y travaillent ont été beaucoup moins fructueuses. Dans cette section, nous montrerons dans quelle mesure l'établissement de systèmes de recherche agricoles en Afrique n'a pas atteint les réalisations de l'Inde et nous essaierons d'identifier certaines causes de cet échec, notamment celles sur lesquelles les gouvernements africains et les donateurs occidentaux pourraient avoir une influence. En conclusion, nous énumérons un certain nombre d'enseignements importants à tirer pour l'avenir des différences qui caractérisent l'expérience de l'Inde et celle de l'Afrique. Les désavantages de l'Afrique En dehors du comportement des bailleurs de fonds et des relations avec eux, l'Afrique est désavantagée par rapport à l'Inde à plusieurs égards : l'agriculture de chacun de ses pays n'est pas à l'échelle de l'agriculture indienne, les ressources techniques dont peuvent disposer de nombreux petits pays ne sont pas à la hauteur de celles d'un seul grand pays, et aucune - 27 - variété 'miracle" de cultures vivrières n'est apparue sur la scène africaine. L'instabilité politique a posé des problèmes particuliers, sapant les programmes de développement institutionnel de donateurs comme celui de la Fondation Rockefeller au Nigéria et en Ouganda. Ces échecs permettent de souligner l'importance du type de conditions préalables que nous avons identifiées plus tôt comme étant essentielles à l'établissement de services nationaux de recherche agricole dans les pays en développement. Au Nigéria * et en Ouganda, par exemple, les activités de la Fondation Rockefeller n'ont pas eu le même effet qu'en Inde parce qu'il n'y avait pas de demande vigoureuse et cohérente de services de recherche de la part des élites nationales et pas de soutien politique/institutionnel bien défini à l'établissement à terme de tels services. Mais bien d'autres difficultés qui empêchent les pays africains d'établir des systèmes efficaces de recherche agricole tiennent à l'histoire de leurs relations avec les organisations d'aide extérieure et c'est ce que nous analyserons ci-après.55 Nous avons montré que, dans le gouvernement indien d'après I l'indépendance, de nombreuses personnalités clés reconnaissaient les besoins de moyens de recherche qu'avait l'Inde et étaient disposés à travailler avec des experts étrangers pour résoudre les problèmes nationaux. Cette aptitude à faire un auto-diagnostic éclairé distingue l'Inde de nombreux gouvernements africains contemporains. En Afrique, en raison de l'absence de personnel scientifique (ou de main-d'oeuvre qualifiée en général) à l'indépendance, les considérations techniques et les plans à long terme ont plus facilement cédé * la place aux impératifs politiques et aux résultats à court terme lorsqu'il s'est agi de définir les besoins de recherche ou les investissements prioritaires en agriculture. Il est surprenant dans ces conditions que les I bailleurs de fonds aient moins investi dans les hautes études d'agriculture en Afrique qu'ils ne l'ont fait en Inde (où les ressources humaines étaient déjà relativement riches à la fin des années 40). En Afrique de l'Est par exemple, le Royaume-Uni n'avait pas formé beaucoup de chercheurs avant l'indépendance - contrairement à ce qui s'était passé en Inde - et les effectifs du système de recherche étaient donc constitués d'expatriés travaillant sous contrat de longue durée. Ces chercheurs ont fait un excellent travail sur les cultures de rapport pendant les années 40 et 50; toutefois, lorsque, dans les années 60, le Royaume Uni a commencé à rappeler son personnel, de graves failles se sont ouvertes.56 Les anciennes colonies françaises d'Afrique ont moins souffert de pertes de personnel du fait que des Français ont continué à dominer la recherche agricole en Afrique francophone pendant une période beaucoup plus longue après l'indépendance. Par ailleurs, les services autochtones de recherche de ces pays s'en sont trouvés encore plus faibles, de sorte qu'ils sont peut- être moins capables que les pays anglophones d'établir des programmes I autonomes de recherche d'adaptation.57 Les études avancées et la recherche scientifique y sont aussi traditionnellement faibles, de sorte que les élites des gouvernements africains n'ont pas accordé à la science et à la technologie la priorité et le prestige nécessaires au renforcement des services nationaux. Il ne faut pas oublier les décalages qui caractérisent le développement institutionnel. Comme ce sont généralement des conseillers expatriés ou des chercheurs de niveau moyen (qui ne jouissent pas du soutien politique voulu pour mener une réforme efficace), qui diagnostiquent les faiblesses et les I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 28 - besoins du système de recherche, des programmes de recherche même bien conçus languissent généralement pendant des années avant d'être pris au sérieux. Nous avons observé ce phénomène en Inde ; de même au Kenya, le rapport du Comité Rohendiser avait identifié les faiblesses du système de recherche en 1968, mais il a fallu attendre 1974 pour que la réorganisation proposée soit sérieusement envisagée. En outre, même lorsqu'un pays africain prend enfin la décision d'exécuter un programme proposé, il est souvent gêné - ce qui n'était pas le cas de l'Inde - par la diversité des sources d'aide et par conséquent par le coût élevé de recherche des experts les plus appropriés. Ce coût étant souvent prohibitif pour les petits pays, la plupart des pays de la région ont tendance à accepter l'assistance technique que leur propose telle ou telle institution d'un donateur officiel, que cette institution soit ou non la mieux qualifiée pour lui fournir le personnel dont ils ont besoin.58 Dans le cas de l'aide publique bilatérale, les bénéficiaires peuvent aussi avoir du mal à obtenir certains types de connaissances agricoles, du fait que les donateurs d'aide ne tiennent pas à prêter assistance à de futurs concurrents. Ce sont des considérations de rivalité possible, par exemple, qui ont empêché les Etats-Unis d'accorder une aide pour le palmier à huile et les agrumes et le gouvernement danois d'aider l'industrie de l'élevage. Ce sont peut-être aussi des considérations de cet ordre qui ont indirectement poussé le CGIAR à mettre l'accent sur les cultures vivrières alors que les donateurs conseillent à l'Afrique d'exploiter l'avantage comparatif dont elle jouit dans le domaine des cultures d'exportation. Les avantages que les pays africains ont tirés de l'assistance technique sont inférieurs à ceux que l'Inde a tirés de la Fondation Rockefeller à plusieurs autres égards. Ainsi, nous avons noté la détermination de la Fondation de s'engager à long terme dans son programme agricole indien. Cela est très différent des engagements d'aide fortement instables que reçoit l'Afrique en fonction de l'importance politique que revêt à un moment donné tel pays bénéficiaire pour le bailleurs de fonds. Par exemple, le personnel de l'USAID au Kenya et en Tanzanie a brutalement baissé (respectivement de 53Z et de 22 Z) pendant la présidence de Richard Nixon et celle de Gerald Ford pour remonter (de 65 et 43 Z) pendant la présidence de Jimmy Carter. Une autre différence entre l'Inde d'après l'indépendance et l'Afrique d'aujourd'hui concerne la longueur des affectations du personnel de la Fondation Rockefeller et l'homogénéité relative de vues entre les agents de la Fondation Rockefeller, de la Fondation Ford et du gouvernement des Etats- Unis. Leurs conseils ont donc en général été plus cohérents au fil des années que ce n'est habituellement le cas en Afrique, où différents donateurs présentent des recommandations et des procédures qui se contredisent. L'Inde a ainsi évité la balkanisation de l'agriculture qui est intervenue dans de nombreux pays africains.59 L'internationalisation de la recherche agricole depuis vingt ans a en fait aggravé le manque d'harmonisation, car les centres internationaux du CGIAR ne représentent pas une philosophie nationale de recherche et ne peuvent pas faire appel à des institutions locales pour obtenir une assistance technique supplémentaire. Les équipes multinationales d'experts réunies par le Service international de la recherche agricole nationale (SIRAN) sont confrontées à des handicaps qui ne gênaient pas les conseillers américains. Il est aussi difficile, de nos jours, de trouver des experts aux qualifications exceptionnelles semblables à ceux qui sont entrés -29 - à la Fondation Rockefeller avec des connaissances directement transférables acquises dans l'administration d'autres systèmes nationaux de recherche. Un autre facteur qui empêche les pays africains contemporains de tirer parti de la recherche agricole dans la même mesure que l'Inde d'il y a vingt- cinq ans est que le roulement du personnel de recherche y est beaucoup plus élevé. Par exemple, 51 Z des chercheurs travaillant au Kenya en 1984 étaient en poste depuis moins de deux ans. Seuls 9 Z avaient plus de 10 ans d'expérience. En ce qui concerne le personnel national qualifié, il est clair qu'en Afrique, l'investissement que consacrent les bailleurs d'aide et les gouvernements au capital humain est bien inférieur aux besoins, d'autant plus que les ressources humaines des pays africains à l'indépendance étaient beaucoup plus limitées que celles de l'Inde et les flux d'aide extérieure I allant au renforcement de ces ressources sont restés bien en retrait du financement consacré à l'investissement matériel, sous forme d'infrastructures et d'équipement.60 En ce qui concerne le personnel expatrié, les organismes d'aide publique bilatérale n'encouragent pas leur personnel d'assistance technique à s'installer dans un pays pendant une longue période. Au contraire, ils I semblent préférer qu'il ait une expérience dans des pays divers. Les centres internationaux du CGIAR offrent certaines incitations à approfondir la connaissance d'un pays, mais leur contribution aux systèmes nationaux de recherche (par opposition à l'exécution d'essais coordonnés) est limitée. Aucune des institutions de recherche du CGIAR ayant une expérience pratique de la recherche n'a pour mandat de développer les systèmes nationaux de recherche. En fait, les centres internationaux de recherche peuvent détourner des institutions nationales certaines ressources extérieures, comme ce fut le cas au Nigéria pour la Fondation Rockefeller et l'Institut international d'agriculture tropicale (IITA).61 En raison des pénuries de personnel qualifié, conjuguées au roulement rapide du personnel, il est difficile de mettre en place un programme de recherche nationale efficace. Au Sénégal, par exemple, en 1985, 46 Z des chercheurs expatriés étaient dans le pays depuis moins de trois ans. Les milieux internationaux devraient s'intéresser davantage à la question de savoir si l'on peut reproduire en Afrique les avantages que présente la taille d'un pays comme l'Inde lorsqu'il s'agit d'attirer et de conserver du personnel de qualité. Notons toutefois que même un grand pays comme le Nigéria n'a pas accordé les ressources et la priorité politique nécessaires au développement d'un système national de recherche agricole.62 Deux autres facteurs d'ordre général compromettent les programmes actuels des donateurs en matière de développement des moyens de recherche de l'Afrique. D'abord, les bailleurs d'aide ont tendance à séparer leurs programmes de formation de leurs projets de renforcement institutionnel et de recherche au lieu de les intégrer. Ainsi, les Etats-Unis ont apporté un I soutien efficace à l'enseignement supérieur en Afrique mais ne se sont guère intéressés au développement des institutions de recherche agricole. Au Malawi, le projet de reproduction du mais financé par le Royaume-Uni a obtenu i de bons résultats, mais à son achèvement, il a laissé un vide parce qu'il ne s'était pas occupé de formation dès le départ. Ce n'est que récemment que les Etats-Unis ont commencé à financer des programmes de formation dans ce pays. Même dans le cadre du CGIAR, des institutions différentes sont souvent I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 30 - responsables de la préparation et de l'exécution des projets, ce qui rompt la continuité. Par exemple, le SIRAN élabore des propositions de réorganisation dont l'exécution est confiée à un ou plusieurs bailleurs de fonds. En outre, les centres de recherche du CGIAR se concentrent trop sur la formation de courte durée, qui ne saurait remplacer les études approfondies pour promouvoir le développement de moyens nationaux de recherche. Ensuite, en raison de la spécialisation croissante des disciplines qui caractérise la recherche contemporaine dans les pays développés, on se concentre de plus en plus sur des problèmes ésotériques. La recherche "de pointe* sortant des laboratoires du monde développé est donc en général moins utile à l'Afrique d'aujourd'hui que ne l'étaient à l'Inde les découvertes des années 50 et 60. Cela limite les sources d'assistance auxquelles les pays africains peuvent s'adresser, d'autant plus que les experts techniques britanniques et français s'intéressent moins qu'autrefois aux problèmes africains. Les pays africains sont donc obligés de faire essentiellement appel au système du CGIAR, dépendance que l'Inde ne connaissait pas dans les années 50 et 60. Une autre différence entre l'Inde et l'Afrique vient de ce que la Fondation Rockefeller était déterminée à ne participer qu'à de grands projets de recherche ayant d'importants résultats identifiables plutôt que de disperser son aide entre de nombreux petits projets. L'approche de la Fondation Rockefeller en Inde était très différente de celle qu'adoptent la plupart des organismes d'aide en Afrique contemporaine. Ces derniers ont tendance à financer un grand nombre de projets à priorité relativement faible, y compris des projets isolés portant sur des cultures ou des régions précises et mettant essentiellement l'accent sur la vulgarisation, qui épuisent plutôt qu'ils ne renforcent les moyens techniques nationaux.63 La priorité accordée à la vulgarisation sur la recherche est particulièrement préoccupante : dans les années 80, on a consacré plus d'attention et plus de ressources à la vulgarisation qu'à la recherche en Afrique de l'Est et de l'Ouest, soit l'inverse de ce qui s'est passé en Asie du Sud.64 Enfin, en Afrique, les donateurs n'ont pas évalué avec autant de sensibilité que la Fondation Rockefeller l'adaptabilité des techniques agricoles importées aux conditions locales, compte tenu de l'énorme diversité du milieu africain et de ses caractéristiques souvent uniques. On a *donc investi prématurément dans des programmes de production et de vulgarisation.65 Dans le cadre du Projet de multiplication des semences financé par les Etats-unis au Nord du Cameroun, par exemple, on a supposé à tort, en 1975, qu'il serait possible, en l'espace de cinq ans, de tester, de vulgariser et de multiplier dans les exploitations des semences de sorgho et d'arachide. Au bout de dix ans, le projet n'avait pas encore beaucoup avancé vers ce but. Et pourtant, les responsables américains ont continué à se tromper sur la séquence appropriée des activités de recherche et de multiplication des semences lorsqu'ils préparent de nouvelles activités de recherche agricole.66 Toutefois, c'est l'USAID qui a joué un rôle de premier plan au Cameroun en faisant participer l'IITA au développement du système camerounais de recherche agricole, l'un des rares exemples de collaboration efficace entre un système international et un système national de recherche visant à mettre en place des services nationaux de recherche. I Quelques leçons pour l'avenir Il est encourageant de voir que la communauté des donateurs s'intéresse de plus en plus à renforcer les moyens nationaux de recherche agricole en Afrique. Il est toutefois beaucoup moins encourageant de constater que nombre des conditions préalables au changement technologique qui existaient dans l'Inde des années 50 n'existent pas dans l'Afrique des années 80. D'abord, les problèmes de recherche agricole de l'Afrique sont beaucoup plus compliqués que ceux de l'Inde. L'Afrique a des sols et un climat plus variés, des systèmes d'exploitation plus complexes, elle est plus vulnérable aux parasites et aux maladies. L'ampleur de ces problèmes scientifiques et techniques est dispropor- tionnée par rapport aux ressources humaines et financières limitées que chaque pays africain peut consacrer à les résoudre; et la faiblesse de ces ressources milite à son tour contre les économies d'échelle dans la recherche * agricole et l'assistance technique. En même temps, l'option superficiellement attrayante de créer des institutions agricoles régionales en Afrique n'a pas pu se concrétiser en raison de rivalités entre institutions et de l'instabilité politique. De toute façon, des institutions I régionales ne peuvent, de par leur nature, se substituer au type de systèmes nationaux bien financés dont on a besoin pour traiter des énormes variations entre pays et à l'intérieur d'un même pays qui caractérisent l'agriculture africaine. On peut toutefois tirer du cas de l'Inde cinq leçons générales qui permettraient d'améliorer les chances d'établir des programmes valables de I recherche agricole en Afrique. Premièrement, il est essentiel que la volonté politique de se donner des moyens scientifiques et techniques efficaces existe au plus haut niveau et (comme en Inde) les nombreuses controverses associées à l'innovation institutionnelle et au transfert de technologie ont plus de chances d'étre résolues en période de graves chocs extérieurs qu'en période de calme. Les sécheresses, la conjoncture économique et les I désillusions des bailleurs de fonds pendant les années 70 et le début des années 80 ont déjà fait mieux prendre conscience des problèmes de l'Afrique. C'est là une condition nécessaire mais non suffisante à l'innovation technologique et les pays africains n'ont pas encore pris un bon nombre des I décisions que l'Inde a prises au milieu des années 60 pour renforcer son système de recherche. Deuxièmement, les pays africains et les bailleurs de fonds doivent I adopter une approche globale au développement des services nationaux de recherche agricole, en réalisant une meilleure interaction et un meilleur équilibre entre la valorisation de la main-d'oeuvre scientifique et la I fourniture d'équipements (qui sont généralement privilégiées dans le financement extérieur de la recherche. Il faut aussi que la planification des programmes de recherche et la responsabilité de leur exécution soient I mieux intégrées. En théorie, les projets de recherche agricole actuels élaborés par le SIRAN et financés par la Banque mondiale sont de nature plus globale, mais en pratique, les bailleurs de fonds ont tendance à diviser le "gâteau' entre planificateurs et réalisateurs et entre cultures, régions, stations, disciplines scientifiques ou domaine, ce qui rend impossible l'élaboration d'un programme de recherche coordonné.67 I I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 32 - Troisièmement, les bailleurs de fonds doivent réduire la concurrence entre les projets et les programmes de recherche. Il ne sera peut-être pas possible d'obtenir en Afrique le type de conseils homogènes que les organisations américaines ont fournis à l'Inde, mais il est certainement indispensable d'améliorer la coordination entre les organismes d'aide. Cela exigera que l'on délie l'assistance technique pour assurer qu'elle sera fournie par les sources les plus compétentes et les plus économiques. En outre, le système du CGIAR devrait se donner les moyens d'aider les pays en développement à choisir les offres des experts les plus compétents et s'assurer qu'ils puissent faire leur choix entre des équipes unies d'experts d'assistance technique. Il s'agira fréquemment de choisir des propositions qui réduisent l'équipement au strict minimum pendant les premiers stades de développement de la recherche. Quatrièmement, il est indispensable que le personnel soit affecté aux programmes pour de longues périodes, qu'il s'agisse des Africains nommés par leur gouvernement à des postes technocratiques clés ou des expatriés détachés par les organismes d'aide. Trop souvent, on attend d'assistants techniques inexpérimentés ou employés sous contrat de courte durée qu'ils travaillent avec des technocrates de niveau moyen à la mise enplace de nouvelles institutions. Le CGIAR et les Etats devraient accorder plus d'attention au déroulement à long terme de la carrière du personnel qu'ils détachent de manière à ce que les institutions bénéficient au maximum de leur travail. Cela nous amène à la cinquième leçon, qui est peut-étre la plus importante. Il est fondamental que les élites africaines prennent conscience des longs délais de gestation que comporte la création d'un système national de recherche agricole. En Inde, c'est au terme d'une décennie de coopération entre les mêmes experts indiens et américains qu'il a été possible de convaincre les leaders politiques de mettre leur énergie à améliorer ce système. Dans l'environnement unique de l'Afrique, les décideurs africains ne peuvent espérer promouvoir et soutenir des institutions de recherche valables qu'en s'engageant eux-aussi à long terme. Le développement futur de l'Afrique dépendra de manière cruciale de progrès scientifiques agricoles adaptés au milieu africain. -33 - NOTES * Uma Lele est Chef de la Division des études spéciales au Département I | de l'économie nationale de la Banque mondiale. Arthur A. Goldsmith enseigne le management à l'Université du Massachussetts à Boston et est consultant auprès de la Division des études spéciales. Nous sommes reconnaissants à la Fondation Rockefeller de nous avoir autorisés à examiner ses archives et remercions en particulier M. Laurence Stifel, ancien vice-président de la Fondation Rockefeller et maintenant Directeur général de l'Institut international d'agriculture tropicale du rôle qu'il a joué en la matière. Cette étude est une version très révisée d'un document de travail préparé pour le Département de la recherche sur le développement de la Banque mondiale. Les personnes suivantes nous ont fait des suggestions très utiles sur la version précédente, qui nous ont permis de nous concentrer de façon beaucoup plus incisive sur les questions fondamentales : Nyle Brady, Wilfred Candler, M. P. Collinson, Ralph Cummings, Sr., Dana Dalrymple, Robert I Evenson, Curtis Farrar, David Hopper, D. Gale Johnson, Bruce Johnston, J. S. Kanwar, Richard Lyman, John Mellor, Albert Moseman, Vernon Ruttan, J. S. Sarma, Edward Schuh, T. W. Schultz, B. Sivaraman, T. N. Srinivasan, Laurence I Stifel, L. D. Swindale, Norman Updoff, T. S. Walker et Donald Winkelman. Peter Bocock nous a fourni une excellente assistance de rédaction. Nous acceptons toute responsabilité pour les erreurs de fait ou d'interprétation qui pourraient subsister. Les opinions que nous exprimons sont les nôtres et ne doivent pas être attribuées à la Banque mondiale. 1. L'importance des institutions nationales de recherche est soulignée dans Robert Evenson et Yoav Kislev, Agricultural Research and Productivity (New Haven, Conn.: Presses de l'Université Yale, 1973). 2. On trouvera une vue d'ensemble de l'activité du CGIAR dans Summary of International Research Centers : A study of Achievements and Potential (Washington, D.C. 1985) du Groupe consultatif pour la recherche agricole I internationale. 3. Voir Yujiro Hayami et Vernon W. Ruttan, Agricultural Development : An I International Perspective, version révisée et étoffée (Baltimore, Presses de l'Université Johns Hopkins, 1985) et Hans Binswanger et Vernon W. Ruttan, eds. Induced Innovation : Technology, Institutions and Development (Baltimore : Presses de l'Université Johns Hopkins, 1978). 4. On trouvera un exemple de cette approche dans Joel M. Guttmann, mInterest Groups and the Demand for Agricultural Research', Journal of Political Economy 86 (juin 1978); pages 467-84. 5. Il importe de rappeler les origines élitistes des établissements I d'enseignement supérieur créés par donation foncière du gouvernement fédéral aux Etats-Unis, système qui ne doit presque rien aux pressions de l'ensemble de la population mais qui a découlé de l'action collective d'élites s cientifiques, administratives et politiques, qui n'avaient pas grand chose I à attendre personnellement de la nouvelle technologie. Ce n'est que plus tard que la demande est venue de la base, une fois que l'on a mieux compris à posteriori les avantages du développement technologique. Voir par exemple 'I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 34 - Mary Jean Bowman, 'The Land-Grant Colleges and Universities in Human Resources Development", Journal of Economic History 22 (décembre 1962), pages 523-46. 6. Voir Alain de Janvry et Jean-Jacques Dethier, Technological Innovation in Agriculture : The Political Economy of its Rate and Bias, Etude no. 1 du CGIAR, (Washington, D.C.: Banque mondiale 1985). 7. On trouvera plus ample information sur le rôle spécial qu'ont joué les établissements d'enseignement supérieur créés par donation foncière dans la mise en place d'un système d'universités agricoles en Inde dans K.C.Naik et A.Sankaram, A History of Agricultural Universities (New Dehli : Oxford et IBH, 1972); voir aussi H. Read, Partners with India : Building Agricultural Universities (Urbana, Université de l'Illinois, 1974); Arthur A. Goldsmith, 'The Management of Institutional Innovation : Lessons from Transferring the Land Grant Model to India', Public Administration and Development (sous presse). 8. Il ne faudrait pas en conclure que nous n'accordons pas d'importance aux influences sur la recherche qui viennent de la base, mais en l'absence d'intérêt des dirigeants politiques, les efforts visant à lier la recherche aux demandes des agriculteurs (par exemple par des recherches sur les systèmes d'exploitation) n'ont pas abouti. 9. Il ne faut pas confondre la mise en place de services de recherche et la production de résultats de recherche, fonction qui domine le système du CGIAR. Donald Winkelman et M. P. Collinson notent tous deux dans des communications personnelles que les centres internationaux consacrent environ la moitié de leur personnel au renforcement des services, mais il s'agit en fait essentiellement de services de formation et de services de consultants de courte durée et non du type de programme à long terme qui a été exécuté en Inde. La création récente par la Banque mondiale du Programme spécial pour la recherche agricole en Afrique (SPAAR) marque peut-être le début d'un effort visant à mettre l'accent sur le développement institutionnel. Le SPAAR s'efforcera de coordonner le soutien accordé par les bailleurs de fonds à la recherche, servira de centre d'information sur les nouvelles technologies et mettra en place des programmes et des réseaux nationaux et régionaux de recherche. 10. Voir par exemple, République de l'Inde, Report of the National Commission of Agriculture (New Dehli, 1976) 14 :312. En ce qui concerne les universités d'agriculture, voir Naik et Sankaram; Read. 11. Pour obtenir le chiffre en dollars courants, on a converti les dépenses annuelles de la Fondation Rockefeller en prix de 1983 à l'aide du déflateur implicite du PIB des Etats-Unis. Le programme a pris fin au début des années 70 lorsque la Fondation a pris la décision stratégique de concentrer ses ressources sur la recherche internationale. 12. Notre examen des documents de la Fondation a été précédé par des conversations d'Uma Lele avec M. S. Swaminathan, O. P. Gautam, Ananta Rao, et plusieurs autres Indiens qui avaient participé au projet et il a été suivi par de longs entretiens avec Ralph Cummings, Albert Moseman et W. David Hopper pour la Fondation Rockefeller. Nous avons aussi fait appel à deux -35 - sources secondaires : E. C. Stackman, Richard Bradfield et Paul C. Mangelsdorf, Campaigns against Hunger (Cambridge, Mass. : Belknap, 1967); et Carol P. Streeter, A Partnership to Improve Food Production in India, Rapport spécial de la Fondation Rockefeller (New York, 1969). 13. Communication personnelle de Peter Oram (1985). Les chiffres sont exprimés en dollars de 1980 et sont à interpréter avec prudence en raison de I la diversité des procédures de notification des donateurs et des gouvernements. On ne dispose pas de chiffres comparables pour l'Inde, mais il semble qu'en valeur absolue, les totaux soient sensiblement moins élevés. 14. On trouvera une vue d'ensemble de la recherche agricole en Afrique dans Dunstan S. T. Spencer, *Agricultural Research : Lessons of the Past, Strategies of the Future" dans Strategy for African Development, ed. Robert J. Berg et Jennifer Seymour Whittaker (Berkeley : Presses de l'Université de Californie, 1986); et Hans E. Jahnke, Dieter Kirsche et Johannes Lageman, The Impact of Agricultural Research in Tropical Africa, Etude no. 21 du CGIAR I (Washington, D.C. : Banque mondiale, 1987). 15. Carl Pray estime que le taux de rentabilité interne du système ne dépassait pas 22 Z, taux respectacle comparé à celui de nombreux I investissements publics mais faible comparé à celui de la plupart des programmes de recherche agricole; voir Pray, "The Impact of Agricultural Research in British India", Journal of Economic History 44 (juin 1984) : 429- 40. 16. Voir A. B. Stewart, Report on Soil Fertility Investigations in India I with Special Reference to Manuring (Dehli: Army Press, 1947). 17. Voir Barbara M. Jamieson, "Resource Allocation to Agricultural Research in Kenya n (thèse de doctorat de l'Université de Toronto, 1981). 18. Vers 1960, 27 institutions offraient une formation supérieure technique et professionnelle en Afrique subsaharienne mais la plupart étaient des I établissements petits et nouveaux qui ne décernaient pas de licences. Moins de 600 personnes étudiaient à cette époque l'agriculture et la foresterie au niveau post-secondaire. On trouvera des chiffres dans The Development of Higher Education in Africa (Paris : Unesco, 1963). 19. République de l'Inde, (note 10 ci-dessus), 1 : 185-86. 20. T. W, Schultz rapporte dans une communication personnelle qu'il a accompagné Jawaharlal Nehru au cours d'une visite à des fermes de l'Illinois en novembre 1949. Le Premier Ministre avait été impressionné par I l'agriculture américaine moderne et voulait voir quelle part de la technologie pourrait être appliquée en Inde. L'année suivante, le gouvernement américain a envoyé Albert Moseman en Inde avec une équipe spéciale chargée de négocier d'éventuels projets agricoles dans le cadre du nouveau programme Point IV. 21. Soulignons que le système qui intéressait les Indiens était celui qui I avait prospéré de 1920 à 1950 environ. Albert Moseman note dans une communication personnelle (Novembre 1985) que, depuis lors, la société américaine et le système de recherche ont évolué de sorte que les liens entre I - 36 - les agriculteurs et les milieux de l'enseignement et de la recherche ont tendance à s'affaiblir. 22. Voir Albert H. Moseman, Building Agricultural research Systems in Developing Nations (New York : Agricultural Development Council, 1970). 23. Selon un historien écrivant à l'époque, *il s'agissait véritablement de l'un des progrès les plus importants qui aient été réalisés depuis les milliers d'années que l'homme cultivait des plantes alimentaires"; voir A. R. Crabb, The Hybrid-Corn Makers : Prophets of Plenty (New Brunswick, N. J.: Rutgers University press, 1947), p. xv. Robert Everson note toutefois dans une communication personnelle (1985) que l'expérience de la Fondation Rockefeller au Mexique aurait du l'alerter aux limites de la recherche sur le maïs dans les tropiques. 24. Edward Schuh souligne toutefois dans une communication personnelle que la Fondation négligeait le rôle des sciences sociales dans la recherche agricole. Même de nos jours, les spécialistes des sciences sociales ne sont pas intégrés aux équipes de biologistes et de physiciens en Inde, ce qui nuit à l'effort de recherche. En Afrique, où l'amélioration de la productivité repose sur une réorganisation des systèmes de production existants, le besoin de spécialistes des sciences sociales dans la recherche agricole est d'autant plus grand. 25. U. S. Grant, qui a administré le projet mais à ses débuts, pensait que cette méthode était irréalisable en raison des conflits entre les états et l'administration centrale. Il a quitté le programme indien en 1959 pour prendre un poste en Colombie. Les conflits entre les états et l'administration centrale sont toutefois endémiques même dans le système américain et James T. Bonmen suggère que cette tension constitue peut-être l'une des forces du système de recherche américain car elle l'oblige à faire face à de nouveaux problèmes; voir James T. Bonmen "The Role of Science-Based Technology, Human Capital and Institutions in United States Agrarian Development' dans United States-Mexico Relations: Agriculture and Rural Development, ed. Bruce Johnston et autres (Stanford, Californie : Presses de l'Université de Californie, 1987). Dans une communication personnelle, Albert Moseman exprime toutefois l'avis contraire et déclare que la coopération était le principal atout de la recherche américaine jusqu'aux années 50, époque où l'octroi de subventions à des projets de recherche a créé un système plus individualiste. 26. Des schémas analogues ont été observés en Afrique. Au Kenya, par exemple, en 1983, le maïs hybride était adopté à 50-100 Z dans les zones humides mais était beaucoup moins répandu dans les zones de transition et les zones semi-arides. Ce résultat est signalé par D. Jha, 'Diffusion and Generation of New Agricultural Technology in Africa', rédigé pour le projet Gestion du développement agricole en Afrique (Banque mondiale, 1986). La résistance des consommateurs a aussi causé des problèmes. Dans bien des pays africains, les chercheurs nationaux n'ont encore pas beaucoup de moyens pour développer les caractéristiques du mais exigé par les consommateurs (par exemple, du maïs blanc). Il n'ont pas non plus réussi à améliorer les qualités d'usinage et de stockage du mais (comme au Malawi). La résistance des consommateurs au maïs hybride qui s'en est suivie a réduit ses possibilités de commercialisation et ralenti son adoption - résultat qui est -37 - fréquemment, mais à tort, attribué à l'absence d'enveloppe technique. On trouvera des détails sur la recherche relative au mais en Afrique dans le compte rendu du premier atelier régional sur le mais pour l'Afrique orientale, centrale et australe, To Feed Ourselves (Mexique : CIMMYT, 1986). 27. Communication personnelle (1985) de J. C. Kanwar et T. S. Walker. 28. John W. Mellor, Thomas F. Weaver, Uma J. Lele et Sheldon R. Simon, Developing Rural India: Plan and Practice (Ithaca, N. Y. Presses de l'Université Cornell, 1968). 29. L'Inde était apte et disposée à financer son développement, contrairement à l'Afrique, où l'assistance extérieure représente souvent la I moitié des ressources de l'Etat. Même pendant les années où l'Inde a reçu le plus d'aide (1956-65), les transferts nets de ressources extérieures ne représentaient en moyenne que le cinquième des dépenses de l'administration | centrale. 30. Les bourses d'études ne faisaient pas officiellement partie du programme indien. La Fondation les octroyait sur une base internationale, les I candidats indiens étant en concurrence avec des candidats d'autres pays hors des Etats-Unis. Le concours, qui ne comportait pas de quotas nationaux, ne faisait généralement pas l'objet de publicité. Les cadres de la Fondation essayaient plutôt de faire appel à leurs contacts personnels pour identifier des candidats valables susceptibles de bénéficier d'une bourse, en utilisant les procédures de concurrence internationale pour éviter le danger de * népotisme que pourrait présenter un programme purement national. 31. La priorité accordée par les Américains aux hautes études théoriques pour des spécialistes de la recherche agricole est contraire à l'approche I actuellement adptée par la Banque mondiale, que le Département de l'évaluation rétrospective des opérations a récemment critiquée parce qu'elle n'accorde pas assez d'importance à l'enseignement théorique et privilégie la formation en cours d'emploi. Dans six des 10 pays étudiés, moins de 10 Z des I chercheurs étaient titulaires d'un doctorat; dans huit pays, au moins 40 Z du personnel de recherche n'avaient qu'une licence au plus; voir Département de l'évaluation rétrospective des opérations, Banque mondiale, Strengthening Agricultural Research and Extension : The World Bank Experience ((Washington, D.C.: Banque mondiale, 1983). |32. Voir Read (note 7 ci-dessus); Naik et Sankaran (note 7 ci-dessus). 33. Les experts de l'administration du développement connaissent bien l'importance de la période de familiarisation; voir par exemple, David Korten, 'Community Organization and Rural Development: A Learning Process Approach', Public Administration Review 40 (septembre-octobre 1980), p.480- * 511. 34. Le cycle de propositions de réformes suivies d'inaction politique est fréquent en Afrique, comme l'illustre le cas du Kenya étudié par Uma Lele et Richard Meyers dans 'Agricultural Development and Foreign Assistance" : A I Review of the World Bank's Experience in Kenya, 1963 to 1985' dans le cadre du Projet Gestion du développement agricole en Afrique (Banque mondiale, 1986). En Inde, ce cycle pouvait causer une quasi-immobilité : ainsi, le I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 38 - premier plan quinquennal avait critiqué le cloisonnement des études sur les différentes cultures menées par les comités de produits. Le plan proposait l'établissement d'un centre de recherche pour chaque région agricole et le renforcement de l'ICAR pour qu'il puisse examiner et approuver les programmes de recherche menés par des institutions subordonnées. Voir Commission indienne du Plan, First Five Year Plan (New Dehli, 1953). Dix ans plus tard, le système n'avait pas changé. 35. Marion W. Parker et autres, Report of the Agricultural Research Review Team (New Dehli, 1964). 36. Dans son ouvrage qui fait autorité sur la question, Subramaniam déclare: 'Ma première priorité était de rendre plus efficace la science agricole en Inde pour qu'elle puisse contribuer à accroltre la production. J'ai donc essayé de découvrir dans quel état se trouvait l'organisation de la science agricole, car c'est ce qui importait le plus.* (voir Subramaniam, The New Strategy in Indian Agriculture [Dehli : Vikas, 1979], p. 13). Ce livre a pu voir le jour grâce à un membre de la mission Bell, Sir John Crawford, qui a invité Subramaniam à faire une série de conférences à l'Université nationale australienne. 37. Voir l'analyse de B. P. Pal, "The Indian Agricultural Research Institute, the Indian Council of Agricultural Research, and the All-India Coordinated Agricultural Research Program," dans Strategies for Agricultural Education in Developing Countries, Documents de travail de la Fondation Rockefeller (New York, 1974) pages 90-123. 38. Subramanian, page 29. 39. Voir Robert Evenson et D. Jha, "The Contribution of the Agricultural Research System to Agricultural Production in India", Indian Journal of Agricultural Economics 20 (octobre-décembre 1973) : 212-30; A. S. Kahlon, P. N. Saxena, K. K. Bal et D. Jha, 'Returns to Agricultural Research in India', dans Resource Allocation and Productivity in National and International Agricultural Research, ed. Thomas Arndt, Dana Dalrymple et Vernon Ruttan (Minneapolis : Presses de l'Université du Minnesota, 1977); R. Mohan, 'Contribution of Research and Extension to Productivity Change," Economic and Political Weekly: Review of Agriculture 9, no. 39 (septembre 1974): A97-104; et K. Singh, "Returns to Investment in Agricultural Research," Progress Report of the Special Panel for the Study of Returns to Investment in Agricultural Research (New Dehli : Indian Council of Agricultural Research, 1974). 40. Robert S. Anderson, 'Cultivating Science as a Cultural Policy: A Contrast of Agricultural and Nuclear Science in India', Pacific Affairs 56 (printemps 1983): 38-50. 41. Par exemple, B. Sivaraman déclare dans une communication personnelle (1985) qu'on a peut-être besoin d'un solide administrateur professionnel pour mettre en oeuvre des programmes multidisciplinaires de recherche. La nomination de fonctionnaires peut aussi donner une audience plus large à la recherche agricole et l'écoute du gouvernement indien, ce qui serait peut- être souhaitable actuellement, compte tenu de la nécessité de revitalliser -39 - la science agricole indienne pour qu'elle puisse absorber et utiliser les récentes découvertes biogénétiques. 42. Un rapport du Centre for Management in Agriculture concluait que la réorganisation de 1965 de l'ICAR n'avait pas eu les résultats espérés parce qu'elle ne prévoyait pas de recyclage du personnel. La restructuration officielle n'a pas modifié les comportements quotidiens. Voir K. Chowdhry et autres, An Organization Study of the Indian Council of Agricultural Research" (Ahmedabad: Centre for Management in Agriculture, 1972). 43. Voir M. S. Randhawa, A History of the ICAR (New Dehli: Indian Council of Agricultural Research, 1979). Au début des années 80, le gouvernement a appouvé un projet de la Banque mondiale visant à étendre le réseau de stations de recherche et de l'orienter davantage vers la recherche appliquée. 44. Subramaniam (note 36 ci-dessus), p. 232-38). 45. Les efforts de Johnson d'utiliser l'aide alimentaire comme moyen de pression n'ont presque rien donné. On trouvera un examen de cet exemple important de conditionnalité de l'aide américaine dans Robert L. Paarlberg, Food Trade and Foreign Policy: India, the Soviet Union and the United States (Ithaca, N.Y. Presses de l'Université Cornell, 1985). 46. Subramaniam, pages 23-28. 47. B. S. Minhas et T. N. Srinivasan, "New Agricultural Strategy Analysed ", Yojana 10 (26 janvier 1966) : 21-24. 48. Subramaniam (pages 45-46) explique que méme les experts de la Fondation Rockefeller estimaient qu'il ne fallait pas aller aussi vite. "Après tout, [pensaient-ils], il avait fallu plus d'une génération aux Etats-unis pour répandre cette technologie nouvelle et la rendre acceptable aux agriculteurs, qui étaient pourtant beaucoup plus instruits que les agriculteurs indiens...Je pensais, quant à moi, que nous devions viser haut et nous fixer un but ambitieux mais réalisable." Albert Moseman déclare dans une communication personnelle (novembre 1985) que la prudence de la Fondation Rockefeller venait de ce que, en 1953 et en 1954, les Etats-Unis avaient souffert d'un nouveau type de rouille du blé. Le danger a été évité en Inde, mais non au Pakistan, où il est survenu, dans des circonstances analogues, en 1974. 49. Cité dans Stanley johnson, The Green Revolution (New York: Harper & Row, 1972), p. 173. 50. L'ICAR et la Fondation Rockefeller ont lancé des projets pan-indiens (calqués sur le projet maïs) pour le blé en 1964 et le riz en 1965. Pendant les années suivantes, quelque 70 projets ont été lancés en suivant le même modèle d'organisation. Pour une analyse plus détaillée, voir Pal (note 37 ci-dessus) et des essais figurant dans l'ouvrage édité par Albert Moseman National Agricultural Research Systems in Asia (New York : Agriculture Development Council, 1974). Un projet récemment financé par la Banque mondiale a aidé l'Inde à passer à un système de recherche plus décentralisé, qui devrait s'adapter plus facilement aux différentes conditions de culture existant dans différents états. Dans une communication personnelle, B. I~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~~ - 40 - Sivaraman indique toutefois que le nouveau système souffre d'un excès d'individualisme et d'un manque de coordination entre les chercheurs. 51. Voir Dana Dalrymple. Development and Spread of High-yielding Wheat Varieties in Developing Countries (Washington, D. C.: Agence des Etats-Unis pour le développement international, 1986). 52. Les données viennent de Dalrymple. Le taux d'adoption des variétés modernes de riz en Inde est à peu près égal à la moyenne des pays asiatiques. En 1978-79, les taux d'adoption aux Philippines (78 Z) et en Indonésie (56 Z) étaient supérieurs, mais ils étaient inférieurs au Bangladesh (18 Z) et en Thallande (12 Z); voir Randolph Barker, Robert W. Herdt et B. Rose, The Rice Economy of Asia (Washington, D.C.: Resources for the Future, 1985). 53. Le rapport noté ici entre les prix nationaux et internationaux du blé et du riz va à l'encontre du fait traditionnellement accepté que les prix des céréales en Inde étaient maintenus à un niveau inférieur à celui des cours internationaux. Cette différence s'explique peut-être par la portée des données utilisées. Les études antérieures comme celle de Vasante Sukhatme, "Farm Prices in India and Abroad: Implications for Production" Economic Development and Cultural Change 32, no.l (1983):1970-82, ont souvent utilisé les prix enregistrés sur un nombre très limité de marchés alors que les séries utilisées ici sont tirées de données portant sur un beaucoup plus grand nombre de pays, y compris les indices pan-indiens et les cours enregistrés sur tous les grands marchés. Par exemple, les prix sur le marché du riz de Sukhaime (Sambalput) étaient en général inférieurs à la moyenne de l'Inde. A. de Janvry et K. Subbarao, 'Agricultural Price Policy and Income Distribution in India", Economic and Political Weekly: Review of Agriculture 19, nos. 52, 53 (1984): A166-178, montrent que "les prix de gros sur les marchés libres pendant la seconde moitié des années 60 étaient encore plus élevés"; ils étayent donc notre analyse tout en soulignant le rôle qu'a joué l'Etat dans le freinage des prix d'achat, qui étaient beaucoup plus faibles. 54. Dalrymple note que les économistes agricoles estiment en général de manière indirecte la variable technologie dans les fonctions de production, en considérant l'utilisation d'engrais ou une variable de temps. Ils traitent rarement l'adoption de nouvelles variétés comme une variable. Toutefois, dans le cas de l'Inde, il est manifestement possible d'attribuer directement le changement technologique à l'évolution spectaculaire de l'utilisation des variétés qui est intervenue au milieu des années 60; voir Dana Dalrymple, "Changes in Wheat Varieties and Yields in the United States, 1919-1984" (Washington, D.C.: Agence des Etats-Unis pour le développement international, 1986). 55. Ces questions seront analysées plus en détail dans une étude d'Uma Lele et autres qui utilisera les résultats de l'étude MADIA pour examiner les faiblesses du système du CGIAR; voir Uma Lele, T. A. Oyejide, B. Bumb et V. Bindlish, Nigeria's Economic Development, Agriculture's Role and World bank Assistance, 1960-86 (Banque mondiale, 1980). 56. Le Royaume-Uni a fourni une aide budgétaire au maintien du système de recherche mais (en partie à la suite de pressions exercées par les gouvernements africains) il a commencé à retirer ces fonds trop tôt et trop I -~~~~~~~~~~~~~41- I vite. En outre, la recherche soutenue par le Royaume-Uni depuis l'indépendance a été en général à beaucoup plus court terme qu'auparavant. De 1970 à 1984, 55 Z du nombre d'hommes mois financés par le Royaume-Uni pour I des recherches et des missions consultatives au Kenya, en Tanzanie et au Malawi ont porté sur des missions de moins de quatre mois. Voir Kenneth Anthony, "UK Agricultural Research Aid to Kenya, Tanzania and Malawi," version prélimainaire d'une étude rédigée pour le projet Gestion du développement agricole en Afrique (Banque mondiale, 1986). 57. Par exemple, au Sénégal en 1979, seuls 26 X des scientifiques I travaillant à la recherche sur l'agriculture et l'élevage étaient des Sénégalais, selon la Banque mondiale, Rapport d'évaluation sur le Projet de recherche agricole au Sénégal, rapport no. 3077a-SE (19 août 1981). 58. Voir Bruce F. Johnston et Allan Hoben, "A Preliminary Assessment of USAID Activities to Promote Agricultural and Rural Development in Africa," version préliminaire d'une étude rédigée pour le Projet Gestion du développement agricole en Afrique (Banque mondiale, 1986). 59. La dispersion des resssources consacrées à la recherche et l'absence de I constitution d'une masse critique de personnel est un gros problème au Kenya, qui a 11 stations nationales, huit stations régionales, 10 sous-stations et 14 autres installations de recherche. Quelque 53 programmes de recherche différents sont actuellement financés par des bailleurs de fonds au Kenya. Voir D. Jha, "Diffusion and Generation of New Agricultural Technology" (Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, 1986, polycopié). Toutefois, M. P. Collinson, dans une communication personnelle (1985), explique davantage ce phénomène par les préférences des autorités kényennes. 60. La construction d'installations freine continuellement les programmes de recherche financés par la Banque mondiale en Afrique, par exemple au Sénégal, où l'exécution du Projet de recherche agricole approuvé en 1981 a été retardée de plusieurs années pendant que le gouvernement décidait de l'endroit où construire le siège. 61. Communication personnelle d'Albert Moseman (novembre 1985). Les problèmes d'adoption de la technologie qui en résultent sont décrits dans l'ouvrage d'Uma Lele, T. Oyejide, B. Bumb et V. Bindlish, "Foreign Assistance and Agricultural Development: The World bank Experience in Nigera", rédigé pour le Projet Gestion du développement agricole en Afrique (Washington, D.C.: Banque mondiale, 1988). 62. Le retrait de l'aide bilatérale américaine lorsque le Nigéria a adhéré I à l'OPEP a ralenti le programme nigérian de recherche agricole. Les efforts qu'avaient faits les Etats-Unis pour former des Nigérians et établir des services nationaux ont été en grande partie peine perdue bien que les dépenses consacrées par le Nigéria à la recherche agricole aient augmenté jusque vers 1981. Voir aussi Francis S. Idachaba, Agricultural Research Policy in Nigeria (Washington, D.C.: Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, 1980). I I| - 42 - 63. On trouvera une analyse de cette question dans l'article d'Uma Lele, "Growth of Foreign Assistance and Its Impact on Agriculture" dans Accelerating Food Production in Southern Africa, ed. John W. Mellor, Christopher Delgado et Malcolm J. Blackie (Baltimore: Presses de l'Université Johns Hopkins, 1987). 64. Néanmoins, les dépenses consacrées par le secteur public à la recherche en Afrique représentent un pourcentage plus élevé de la valeur des produits agricoles qu'en Inde. On trouvera des données dans Robert E. Evenson, The International Research Centers, Etude no. 22 du. CGIAR (Washington, D.C.: Banque mondiale, 1987). Cela tient en partie au coût élevé des chercheurs expatriés en Afrique, qui traduit lui-même un manque d'investissement dans le patrimoine humain. 65. Albert Moseman, dans une communication personnelle (novembre 1985) attribue ce problème à la priorité excessive accordée à la recherche sur les systèmes d'exploitation. Il note que des approches analogues n'avaient pas eu une rentabilité élevée lorsqu'elles avaient été essayées aux Etats-Unis au début du siècle ni dans les pays en développement dans le cadre du programme point IV dans les années 50. 66. William Jaeger, "US Aid to Cameroon: Its Impact on Agriculture and Development," version préliminaire d'une étude rédigée pour le Projet Gestion du développement agricole en Afrique (Washington, D.C.: Banque mondiale, 1986). 67. Au Kenya, par exemple, huit à dix bailleurs de fonds se sont déclarés intéressés à financer le nouveau programme de recherche. Il est également important que les bailleurs de fonds évitent les situations du genre de celle qu'à connue le Kenya, où dans les années 70 le Royaume-Uni a modifié les demandes qui lui avaient été présentées de développer les moyens de recherche sur le maïs d'une manière qui a porté préjudice au programme. L'Overseas Development Administration (l'Administration du développement outre-mer) a fini par diviser artificiellement le programme entre recherche fondamentale et recherche d'adaptation et par baser le projet à la station de recherche de Kitale (dans une région à bonne vocation agricole) tout en abandonnant les plans d'études qui devaient être menées dans des centres situés dans d'autres zones écologiques. Le Projet de recherche agronomique sur le maïs a abouti à la publication de nombreux ouvrages utiles et à un excellent programme de production de semences, mais, selon l'évaluation rétrospective qui a été faite du projet, il n'a pas laissé sur place de moyens nationaux de recherche. Les rapports et autres documents scientifiques n'étaient même plus disponibles à la bibliothèque du Centre national de recherche agricole de Kitale parce que les chercheurs expatriés avaient emporté certains documents de travail et données de base au Royaume Uni pour préparer leurs propres rapports. Voir D. P. Gibbon, J. C. H. Morris et H. Rees Jones, An Evaluation of the Maize Agronomy Research Projet=ct, Kenya, 1972-78 (Londres : Administration du développement outre-mer, 1983). On constate actuellement le même problème au Malawi.