SCIENCES, TECHNOLOGIE ET COMPÉTENCES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE AVRIL 2014 85806 Les centres d’excellence africains : Amélioration des sciences & technologie Les défis de l’enseignement PRINCIPAUX MESSAGES supérieur africain n l’Afrique a connu une forte croissance économique malgré les récents revers mondiaux. Des secteurs traditionnels comme l’agriculture et les industries La priorité donnée à l’enseignement extractives affichent une reprise, et de nouveaux secteurs prometteurs, comme de base a permis de renforcer les les technologies de l’information et de la communication (TIC), ont émergé. fondations du système éducatif n Les économies africaines ont un besoin urgent de techniciens, ingénieurs, africain. Cependant, l’enseignement personnel médical, spécialistes et chercheurs en sciences agricoles pour soutenir supérieur en Afrique subsaharienne l’essor de ces secteurs. reste sous-développé. À l’exception n L’enseignement supérieur, particulièrement en sciences et en technologie, de quelques universités en Afrique pourrait jouer un rôle absolument transformateur pour l’Afrique, car il est du Sud, aucune université en susceptible de transmettre aux jeunes des connaissances et compétences Afrique subsaharienne ne figure fondamentales qui leur font actuellement défaut. parmi les 500 meilleures du monde. n Des centres d’excellences régionaux représentent un moyen optimal et efficace Les universités africaines n’ont pas pour construire et maintenir l’excellence dans l’enseignement supérieur en réussi à rester en phase avec les Afrique. Ces centres offrent une spécialisation régionale, rassemblent des besoins du marché du travail en professeurs de haut niveau et en nombre limité, et génèrent un effet de Afrique. Étant donné l’essor que diffusion de connaissances. connaissent des secteurs comme n Les centres d’excellence africains sont une initiative de la Banque mondiale les industries extractives, les TIC et et des gouvernements africains membres du projet, en collaboration avec l’agriculture, l’Afrique a besoin de l’Association des universités africaines. diplômés locaux possédant des n Cette initiative régionale novatrice contribuera à rendre l’enseignement connaissances et des compétences supérieur en Afrique occidentale et centrale plus pertinent pour le à jour dans les sept domaines de développement à travers 19 centres compétitifs sélectionnés au Burkina Faso, production. À l’heure actuelle, ces Cameroun, Ghana, Nigeria, Sénégal et Togo. diplômés font défaut. Les pays se doivent d’agir rapidement pour inverser cette tendance et produire entreprises doivent investir dans le diplôme de doctorat est estimée plus de diplômés capables de système. La majorité des étudiants à moins de 20 % (ces estimations contribuer aux opportunités liées à de l’enseignement supérieur sont fondées sur les données la croissance et à la diversification provient de familles susceptibles de provenant de 10 pays africains). des économies, et aussi d’en tirer contribuer de façon substantielle La plupart des départements ne parti. aux coûts de l’enseignement disposent pas de plus d’un ou Le financement de l’expansion supérieur. Les financements publics deux professeurs titulaires, ce qui de l’enseignement supérieur et devraient se concentrer sur les les empêche de mettre en place l’amélioration de la qualité de étudiants à faible revenu ainsi que des environnements de recherche ses programmes ne peuvent pas sur les zones stratégiques pour dynamiques. L’insuffisance des uniquement dépendre des pouvoirs l’enseignement supérieur. salaires, le manque de financement publics nationaux, vu que les Les institutions de l’enseignement et d’équipement pour la recherche financements publics sont limités. supérieur en Afrique font face à et l’autonomie limitée découragent Dans 33 pays africains à faible de graves contraintes liées à la les professeurs de rester dans revenu, on enregistrait en 2010 une création d’une masse critique de les universités africaines. C’est chute de la dépense par étudiant professeurs de qualité. En moyenne, particulièrement le cas dans les pays de 6800 $ en 1980 à 981 $. Pour la part du personnel des institutions fragiles et d’après-conflit. rendre l’enseignement supérieur d’enseignement supérieur Un leadership institutionnel soutenable, les ménages et les public en Afrique titulaire d’un dynamique et autonome est essentiel pour l’excellence institutionnelle. Dans programmes d’études, l’élaboration et centrale, a lancé à le Projet des de nombreux pays africains, il serait d’accords avec l’industrie centres d’excellence africains. Ce utile de définir des cadres juridiques permettant d’organiser des stages dernier vise à : pour la gouvernance et le leadership pour les étudiants, ainsi que le n encourager une spécialisation dans l’enseignement supérieur afin développement de compétences régionale parmi les universités d’imposer une sélection fondée sur générales pour l’employabilité, telles participantes dans les domaines le mérite du personnel de haute que « apprendre à apprendre », la qui répondent à des défis de direction (recteur et vice-recteur) des résolution de problèmes, le travail en développement régionaux organes directeurs, une autonomie équipe et sous forme de projet et la communs spécifiques académique ainsi qu’une autonomie communication. n renforcer les capacités de ces financière raisonnable. Cependant, Une implication accélérée du secteur universités à offrir des formations et dans les pays dont le cadre juridique privé dans l’enseignement supérieur une recherche appliquée de haute et les pratiques de gouvernance ne permettra d’élargir l’éventail des qualité sont pas favorables à une bonne possibilités éducatives pour les gouvernance, des changements de jeunes. Plus de 1000 institutions n répondre à la demande de politiques devraient viser à créer une privées non universitaires ont vu le compétences exigées pour le plus grande autonomie financière et à jour en ASS. Aujourd’hui, un étudiant développement de l’Afrique. améliorer la redevabilité de l’institution sur quatre fréquente une institution Le projet renforcera 19 centres et de ses organes directeurs. Ceci privée. Le financement public devrait d’excellence en Afrique occidentale aidera les institutions à fonctionner se concentrer sur l’appui à un accès et centrale. Il propose d’investir sans à-coups ni retards périodiques. équitable à l’enseignement supérieur, environ 8 millions de dollars dans Le décalage entre la demande et sur des investissements dans des chaque centre. Ces derniers ont été du marché du travail et l’offre de domaines à faible rentabilité pour sélectionnés de façon concurrentielle candidats formés par les programmes les institutions privées, mais de sur la base de critères reconnus à des institutions de l’enseignement rendement social élevé, tels que des l’international. Les pays participants supérieur crée des emplois vacants programmes onéreux de sciences de comprennent le Bénin, le Burkina difficiles à pourvoir faute d’un la vie. Faso, le Cameroun, le Ghana, le nombre insuffisant de diplômés Nigéria, le Sénégal, le Togo et la qualifiés. Les actions prioritaires pour Les centres d’excellence Gambie. corriger ce déséquilibre devraient africains L’Association des universités africaines comprendre : une expansion des Pour répondre aux besoins croissants (AUA) est un partenaire régional clé capacités universitaires en sciences de compétences et aux défis de de cette initiative, en collaboration et technologie, l’intégration de l’enseignement supérieur en Afrique, avec des organes régionaux, recommandations pertinentes la Banque mondiale, en collaboration y compris l’Union africaine, la provenant d’employeurs dans les avec les pays d’Afrique occidentale Communauté économique des Tableau 1. Pourcentage des diplômés de l’enseignement supérieur par discipline Bénin Burkina Faso Cameroun Ghana Brésil (2009) (2011) (2010) (2011) (2010) Agriculture 0.8 1.5 - 7.4 1.8 Éducation - 7.6 10.3 25.6 22.8 Ingénierie, fabrication et construction 5.6 2.8 4.0 3.9 5.8 Santé et bien-être social 2.8 0.6 2.3 3.4 13.9 Art et sciences humaines 14.5 11.4 6.4 - 2.2 Sciences sociales, affaires et droit 52.5 55.6 59.2 43.2 40.2 Sciences 3.5 15.0 17.0 15.5 5.5 Services 7.5 5.5 - - 2.9 Programmes non précisés 12.6 - - 1.1 5.0 Nombre total de diplômés 14,638 14,782 40,327 28,005 1,024,743 Source: UNESCO UIS, http://stats.uis.unesco.org consulté le 25 mars 2013. 2 SCIENCES, TECHNOLOGIE ET COMPÉTENCES POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE États d’Afrique de l’Ouest, l’Union SELECTION DES CENTRES externe, une évaluation du site et du économique et monétaire d’Afrique Les centres d’excellence africains leadership etenfin une évaluation de de l’Ouest (UEMOA), la Communauté ont été choisis à travers un la capacité fiduciaire. des États d’Afrique de l’Est (CAE) processus d’évaluation rigoureuse et À la fin de cet exercice d’évaluation et le Conseil Africain et malgache indépendante facilitée par une équipe rigoureux et transparent, 19 proposi- pour l’enseignement supérieur indépendante de professionnels tions ont été retenues (tableau 2). (CAMES). Cette collaboration s’étend de l’évaluation, comprenant des L’objectif est de permettre aux également à des partenaires du membres de la communauté universités qualifiées de contribuer à : développement, y compris la Banque éducative et scientifique africaine, de africaine de développement, l’USAID, n renforcer les programmes de la diaspora africaine et des experts l’AusAID, l’Agence française de techniques provenant du monde troisième cycle pour un ensemble développement (AFD), la Fondation entier, qui a examiné 52 propositions. régional d’étudiants Carnegie, ainsi que plusieurs réseaux Celles-ci ont été soumises à diverses n offrir des cours spécialisés pour les d’enseignement supérieur et de phases d’évaluation, à savoir des professionnels de l’industrie dans recherche. études documentaires, une évaluation la région Tableau 2. Les centres d’excellence africains retenus de façon compétitive Centres d'excellence africains Établissement chef de file et pays Discipline ACE for Agricultural Development and Sustainable Environment Université fédérale d’Agriculture, Nigéria Agriculture (ACE pour le développement agricole et l'environnement durable) ACE for Training Plant Breeders, Seed Scientists and Technologists (ACE pour la formation des phytogénéticiens et des chercheurs et Université du Ghana, Ghana Agriculture techniciens semenciers) ACE for the Poultry Sciences (ACE pour les sciences aviaires) Université de Lomé, Togo Agriculture ACE for Dryland Agriculture (ACE pour l’ agriculture des terres arides) Université Bayero, Nigéria Agriculture ACE for Food Technology and Research Université de l’État de Benue, Nigéria Agriculture (ACE pour la technologie et recherche alimentaire) ACE for Genomics of Infectious Diseases Université Redeemers, Nigéria Santé (ACE pour la génomique des maladies infectieuses) ACE for Cell Biology of Infectious Pathogens Université du Ghana, Ghana Santé (ACE pour la biologie cellulaire des pathogènes infectieux) ACE for Neglected Tropical Diseases and Forensic Biotechnology Université Ahmadu Bello, Nigéria Santé (ACE pour les maladies tropicales négligées et la biotechnologie médicolégale) ACE for Phytomedicine Research and Development Université de Jos, Nigéria Santé (ACE pour recherche et développement phytomédicaux) ACE for Reproductive Health and Innovation Université du Bénin, Nigéria Santé (ACE en santé et innovation de la reproduction) ACE for Maternal and Infant Health (ACE pour la santé maternelle et infantile) Université Cheikh Anta Diop, Sénégal Santé ACE for Materials (ACE pour les sciences des matériaux) Université africaine de Sciences et Technologies, Nigéria STEM ACE for Applied Mathematics Université d'Abomey – Calavi, Bénin STEM (ACE pour les Sciences mathématiques et applications) ACE for Information and Communication Technologies Université de Yaoundé I, Cameroun STEM (ACE pour la technologies de l'information et de la communication) ACE for Water, Energy, and Environment Sciences and Technologies Institut International d'Ingénierie de l'Eau et de STEM/ (ACE pour la formation et la recherche en sciences et technologies de l’eau, l'Environnement (2iE) Agriculture l’énergie et l’environnement) ACE for Oil Field Chemicals Université de Port Harcourt, Nigéria STEM (ACE pour les produits chimiques pour l’extraction pétrolière ACE for Water and Environmental Sanitation Université Kwame Nkrumah de Sciences et Technologies, STEM (ACE pour l'eau et l'assainissement environnemental) Ghana ACE for Science, Technology and Knowledge Université Obafemi Awolowo, Nigéria STEM (ACE pour les sciences, technologies et connaissances) ACE for Mathematics, Informatics, and ICT Université Gaston Berger, St, Louis, Senegal STEM (ACE pour les mathématiques, informatique et TIC) LES CENTRES D’EXCELLENCE AFRICAINS : AMELIORATION DES SCIENCES & TECHNOLOGIE 3 n mettre en place un corps professoral n partager avec des institutions UNE SITUATION régional et attirer des professeurs partenaires les avantages des GAGNANT-GAGNANT supplémentaires hautement investissements, notamment par Les centres d’excellence africains qualifiés la formation de professeurs, et la offriront des avantages à la fois aux mise en commun de programmes particuliers, aux institutions et aux n fournir des ressources pédagogiques de cours et de ressources industries. Les étudiants de ces centres et des laboratoires, et réhabiliter pédagogiques. bénéficieront d’un enseignement les équipements et établissements existants Le projet appuiera des partenariats de qualité fondé sur la recherche de connaissances avec des réseaux dans des domaines très demandés. n nouer des liens avec des d’universités et de recherche Les entreprises, ainsi que les entreprises, des agences internationales, permettra aux organisations gouvernementales ou gouvernementales et des centres universités de développer des non gouvernementales ayant forgé un de recherche pour favoriser partenariats de connaissances partenariat avec les centres pourront l’apprentissage sur le lieu du avec le secteur privé dans le but de accueillir des stagiaires et des diplômés travail, encourager ceux-ci à renforcer les programmes de cours et ayant une formation parfaitement contribuer à la conception des la recherche, appuiera les efforts des pertinente ; et les professeurs et le programmes d’études, ainsi qu’à institutions pour respecter les normes personnel de ces centres bénéficieront prendre part aux consultations et internationales et générera des d’un enseignement et de conditions de recherches conjointes revenus par le biais de consultations. recherche améliorées. Encadré 1. Comment Les centres d’excellence africains contribueront au développement de l’Afrique Centre pour l’amélioration des cultures d’Afrique de l’Ouest (WACCI), Université de Legon, Ghana Ce centre contribuera à améliorer de façon considérable la qualité de la formation en matière de sélection des végétaux aux niveaux doctorat et maîtrises. Il dotera les phytogénéticiens et les technologues semenciers des compétences nécessaires au développement de variétés supérieures de cultures vivrières de façon à amorcer une révolution verte en Afrique occidentale et centrale. Le centre se consacrera au développement de variétés vivrières résilientes et adaptées au climat, telles le manioc, la patate douce, le maïs, le sorgho, le millet perlé, le riz, l’arachide et le niébé, de façon à augmenter la productivité en utilisant des outils génomiques et conventionnels. Il visera à améliorer la résistance tant aux stress abiotiques (par exemple, sécheresse, chaleur, salinité) que biotiques (parasites et maladies) en identifiant des gènes utiles à la sélection des végétaux. De façon à assurer l’efficience et l’efficacité, le centre de biotechnologie, avec d’autres partenaires, collaborera à des recherches de pointe capables de générer des résultats rapides dans la sélection des végétaux. Le centre a déjà développé plus de 1200 hybrides de maïs qui ont été évalués au site agricole du WACCI, et seront maintenant évalués à différents endroits de la sous-région. L’accès à une plate-forme de génotypage permettra de déterminer le génotype de lignées avancées pour une étude approfondie de données phénotypiques et génotypiques, et d’identifier des gènes ayant une importance économique pour l’utilisation dans des programmes de sélection. Centre d’excellence pour les maladies tropicales négligées et la biotechnologie légale (CNFB), université du Bénin, Nigéria Les outils et techniques de biotechnologie sont aujourd’hui largement utilisés pour aborder des problèmes environnementaux, alimentaires, sanitaires, sécuritaires et socio-économiques, ainsi que pour apporter des réponses à des questions posées par la recherche. Cependant, cette technologie est encore sous-utilisée au Nigéria en raison du manque de capacités qualifiées. La mise en œuvre de ses activités créera un environnement d’apprentissage favorable à la formation d’étudiants du troisième cycle. L’objectif est de produire des étudiants capables de générer des idées qui entraîneront une réflexion critique, et de communiquer ces idées et de les interpréter. Plusieurs de ces étudiants pourront ainsi obtenir des qualifications de troisième cycle et porter remède à la pénurie existante de capital humain en matière de contrôle des maladies tropicales négligées et de biologie légale. POUR EN SAVOIR PLUS • Watkins A et Ehst M, eds, (2008), Science, Technology and Innovation: Capacity-Building for Sustainable Growth and Poverty Reduction, Banque mondiale, Washington, D,C, Banque mondiale (2007), • Banque mondiale (2011), The Road to Academic Excellence: The Challenge of Establishing World Class Universities • Banque mondiale (2010), Accelerating Catch-Up- Tertiary Education for Growth in Africa, Banque mondiale (2011): Stocktaking of Regional Networks in Africa, • Banque mondiale (2007): Cultivating Knowledge and Skills to Grow African Agriculture, • Fagerberg J et Srholec M (2008), Technology and development: Unpacking the relationship(s), Paper presented at the sixth Globelics Conference, 22–24 septembre, Mexico City, www.globelics.org • Juma C et Serageldin I (lead authors) (2007), Freedom to Innovate: Biotechnology in Africa’s Development, Un rapport du Groupe africain de haut niveau sur les biotechnologies, AU et NEPAD, Addis Ababa et Pretoria, www.nepadst.org • Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD (2003), Developing a science and technology strategic framework: A synthesis report of the first workshop, avril, www. nepadst.org • Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD (n,d,), Governing science, technology and innovation in Africa: Building national and regional capacities to develop and implement strategies and policies, www.nepadst.org