95200 NOTE Favoriser la portée et la densité des réseaux de détaillants au Pérou Différents réseaux de détaillants proposent des services bancaires et de paiement au Pérou. Leur taille et leur couverture varient, mais ce sont leurs choix en termes de structure qui influencent leur capacité à opérer de manière viable dans les zones les plus isolées du pays. Ces choix portent sur la gamme des services offerts, la complexité des opérations du détaillant et le modèle opérationnel du réseau dans son ensemble. La présente Note d’information décrit la relation entre ces différents facteurs et leur impact sur le potentiel de diffusion dans les zones rurales. Elle contient également des informations de haut niveau pour les prestataires et les régulateurs de marchés en dehors du Pérou. Les réseaux de détaillants 1. Le regroupement des services, en particulier ceux comprenant des transactions en espèces au Pérou 2. La simplicité des transactions Les réseaux de détaillants permettent aux prestataires de 3. Un modèle opérationnel simple services financiers d’exploiter l’infrastructure existante pour s’étendre rapidement dans des zones où le modèle Le regroupement des services traditionnel d’agences bancaires ne serait pas viable ou influence les revenus du détaillant serait trop couteux à mettre en place. Les détaillants donnent à de nombreux clients à faibles revenus l’accès Le regroupement est une stratégie dominante pour à un portefeuille de services financiers potentiellement l’ensemble des réseaux analysés. Il est particulièrement étendu. Outre les banques, les réseaux de téléphonie mobile ont également recours à des détaillants pour avantageux pour les gérants de réseaux de détaillants vendre du temps de connexion et offrir d’autres services de regrouper des prestataires de services multiples de paiement. En 2005, le Pérou a promulgué des règles sur leurs plateformes à faibles coûts afin d’élargir le sur les détaillants bancaires et, depuis, plusieurs modèles pool des transactions potentielles, ce qui permet à plus et intervenants ont fait leur apparition1. de détaillants d’atteindre leur seuil de rentabilité. Les services que l’on retrouve typiquement regroupés au En partant du principe que les détaillants servent de sein d’un réseau comprennent les dépôts et les retraits points d’accès pour les services d’encaissement et de bancaires  ; les encaissements et décaissements par décaissement (services bancaires ou autres paiements), le biais de porte-monnaie mobiles  ; le paiement de le CGAP a réalisé une étude portant sur cinq réseaux factures ; la vente de temps de connexion ; et les envois regroupant plus de 26 000 détaillants réalisant plus de de fonds domestiques. 24 millions de transactions par mois afin d’identifier les principaux facteurs de succès pour atteindre les zones Parfois, le besoin de se démarquer de la concurrence pauvres et rurales. En prenant le réseau comme unité pousse certains réseaux de détaillants à proposer des d’analyse, l’étude examine la façon dont les décisions services exclusifs. Ainsi, un réseau axé sur les services structurelles au niveau du réseau influencent la capacité bancaires est généralement associé exclusivement à globale à atteindre les zones pauvres et peu peuplées. une banque et regroupe des services d’autres prestataires par exemple pour le paiement de factures Aspects de la structure ou la vente de temps de connexion. du réseau qui influencent Les transactions de gré à gré en espèces représentent sa portée et sa densité entre 40 % et 90 % du revenu global du réseau. Bien que L’étude a identifié trois choix structurels pour lesquels les ces transactions aient un potentiel d’inclusion financière gérants de détaillants au Pérou utilisent des approches moindre (par rapport aux transactions sur comptes), les différentes. Les décisions relatives à un aspect impliquent recettes qu’elles génèrent sont essentielles pour garantir de faire des compromis sur les autres. Ces trois choix, la viabilité des détaillants et, à terme, la densité et la qui ne s’excluent pas mutuellement, sont les suivants : portée du réseau. 1 https://intranet1.sbs.gob.pe/estadistica/financiera/2013/Junio/CIIF-0001-jn2013.PDF. Janvier 2015 2 Grâce à la simplicité des transactions, La structure de coût du réseau est déterminée principalement par la façon dont le modèle d’affaires de plus de boutiques et des boutiques chaque réseau gère cinq composantes opérationnelles de plus petites tailles peuvent clés  : les fonds de roulement, le matériel frontal et la devenir des détaillants connectivité, la gestion des liquidités, la main-d’œuvre et l’espace, et le risque de fraude. Les transactions qui impliquent des procédures plus élaborées et/ou une infrastructure plus complexe Les gérants de réseau optimisent leurs bénéfices en placent la barre plus haut quant au type de magasins qui renforçant l’efficacité de ces composantes. Ils peuvent peuvent jouer le rôle de détaillants (ils doivent pouvoir notamment transférer une partie des principaux utiliser de manière fiable des technologies frontales et éléments de coûts en aval, vers le détaillant, ou en suivre les procédures). Par ailleurs, les transactions plus amont, vers les prestataires de services, ces autres complexes (comme par exemple celles comprenant intervenants pouvant générer des synergies avec de nombreuses étapes, l’impression de reçus ou leur activité principale leur permettant d’absorber l’enregistrement manuel d’informations) nécessitent ces coûts plus efficacement. Au Pérou, nous avons du temps supplémentaire et parfois des infrastructures constaté que les réseaux qui présentent une structure pour pouvoir mettre en place le modèle de service. globale de coûts plus faible bénéficient d’une plus grande densité de détaillants (nombre de détaillants Il faut faire certains compromis importants. La complexité viables par habitant), ce qui permet une plus grande des transactions réduit le pool de détaillants potentiels proximité avec les clients à la fois dans les zones rurales et augmente les coûts d’exploitation, nécessitant donc et urbaines. Les modèles d’affaires étudiés varient un plus grand nombre de transactions pour atteindre entre 150 et 3 500 transactions par mois et par détaillant le seuil de rentabilité. En revanche, des opérations pour atteindre le seuil de rentabilité. plus simples (avec un seuil de rentabilité plus bas) permettent  une plus grande densité mais recèlent un potentiel d’inclusion financière limité. Quatre modèles de réseaux Un modèle opérationnel simple Dans le cadre de notre étude au Pérou, les prestataires ont pris différentes décisions structurelles concernant est synonyme de faible seuil les aspects décrits ci-dessus, donnant naissance à de rentabilité pour les détaillants quatre modèles de réseau différents : Certains aspects du modèle de fonctionnement d’un • Bancaire, un réseau rattaché exclusivement à réseau, comme les tâches de gestion des liquidités, une banque avec un fort regroupement d’autres influencent le coût opérationnel global du réseau. Plus services. les coûts opérationnels du réseau sont élevés, plus le • Opérateur de réseau mobile, un réseau rattaché seuil de rentabilité du détaillant est élevé, car un plus exclusivement à un opérateur de réseau mobile grand nombre de transactions sera nécessaire pour avec un faible regroupement de services. rendre le réseau viable. Les réseaux qui affichent une faible structure de coûts sont en mesure de recruter des • Magasin transactionnel, un centre de paiements détaillants qui traitent de faibles volumes de transactions, avec un fort regroupement de services, où les qui sont plus nombreux et qui restent viables même recettes transactionnelles sont la seule source de dans des zones peu peuplées. revenu du détaillant. Tableau 1. Exemples de transactions avec différents degrés de complexité opérationnelle Complexe Équilibré Simple • Identification des clients • Transactions comparables à la vente • Uniquement des transactions de marchandises : en espèces • Transactions portant sur des montants importants – Identification du client grâce à un numéro d’identification personnel • Impression de reçus de transaction – Encaissement simple (confirmation • Transactions nécessitant l’identifiant directe au client par SMS) fiscal du détaillant – Pas d’opérations de décaissement 3 • Prestataire indépendant, un réseau avec un À terme, à mesure que le marché évolue, un plus fort regroupement de services et un modèle grand nombre de prestataires devraient proposer des services électroniques et la demande pour une gamme opérationnel simple. plus étendue de transactions devrait augmenter. Par conséquent, on peut tabler sur une arrivée à maturité Le modèle de prestataire indépendant comporte deux des réseaux de détaillants et une intensification variantes en fonction du développement du réseau. de la concurrence. Cette tendance pousserait les Le suffixe «  -B  » désigne les cas où le réseau s’est prestataires à considérer plus activement les liens et initialement concentré sur les transactions bancaires ou les compromis  entre les trois éléments décrits ici. À de paiement des factures. Le suffixe « -M » désigne les ce jour, les gérants de réseaux de détaillants au Pérou cas où l’activité principale du réseau était initialement semblent converger dans leurs efforts pour atteindre axée sur les transactions mobiles. cet équilibre idéal qui permet d’optimiser les trois aspects de l’exploitation du réseau. Le défi qu’ils doivent La figure 1 illustre la corrélation entre le seuil de relever consiste à élargir le portefeuille de services et à rentabilité des détaillants et la densité du réseau. Les augmenter le volume des transactions tout en conservant réseaux ayant un seuil de rentabilité plus faible (par de faibles coûts opérationnels afin d’optimiser les bénéfices. L’innovation technologique qui a permis de exemple le modèle des opérateurs de réseau mobile) réaliser des transactions bancaires hors agences joue sont en mesure d’exploiter plus de points de vente un rôle clé à ce stade de l’évolution du marché. On dans un district donné (densité de points supérieure) peut espérer que les informations géographiques et la et offrent donc un grand nombre de points d’accès veille commerciale aideront les gérants à mieux prédire aux clients. Le fait que ce réseau ait un faible niveau les besoins en liquidités et à améliorer l’expérience des de regroupement de services limite sa portée et son utilisateurs. potentiel d’inclusion financière. Les modèles situés au centre du graphique sont plus pertinents en termes d’inclusion financière. Ils présentent un bon équilibre De la façon d’améliorer entre un modèle opérationnel simple et un portefeuille la portée et la densité de services multiples. S’ils regroupent un plus grand On peut tirer des conclusions générales à partir des nombre de services s’adressant aux pauvres (services faits observés au Pérou qui pourraient être utiles dans bancaires et transactions en espèces), ils présentent le débat sur l’inclusion financière ailleurs dans le monde. aussi un seuil de rentabilité supérieur pour les détaillants et une densité de réseau plus faible. Ceci pourrait bien • Les frais de conformité réglementaire peuvent être le juste équilibre pour l’inclusion financière dans réduire la densité d’un réseau de détaillants. le cas du Pérou. Certaines réglementations imposent des exigences Figure 1. Cartographie des modèles : Densité, porté et simplicité des réseaux Magasin transactionnel, Fort degré de regroupement 34 détaillants et revenus des détaillants élevés. Traitement des 2 500 transactions complexes. Ce modèle nécessite un transactions/mois, échelle log5 grand nombre de transactions par détaillant. Seuls les Seuil de rentabilité, détaillants très productifs Bancaire, peuvent survivre. Très faible 5 692 détaillants Réseau à forte densité et revenus des densité et à grande détaillants élevés. portée. Faible niveau de regroupement, revenus des 500 Prestataire détaillants faibles. Prestataire indépendant-M, Transactions de base. indépendant-B, 13 147 détaillants Fort regroupement de 1 375 détaillants transactions en espèces et de transactions plus complexes avec des coûts opérationnels faibles. Opérateur de Revenus des détaillants réseau mobile, moyens. 6 190 détaillants 100 0,01 0,02 0,03 0,06 0,13 0,25 0,50 1,00 2,00 4,00 8,00 Densité à maturité : Nombre de détaillants pour 1 000 habitants, échelle log2 Janvier 2015 Toutes les publications du CGAP sont qui influencent le coût d’exploitation d’un réseau. • L’exclusivité des détaillants peut avoir un impact disponibles sur son site web : Les règles qui déterminent le type d’établissement négatif sur le potentiel de croissance. Les réseaux www.cgap.org. pouvant faire office de détaillant (p. ex. avoir un de détaillants qui établissent des relations exclusives identifiant fiscal)  ; les exigences prolongeant la avec des prestataires de services bénéficient parfois CGAP durée des transactions (comme le besoin pour d’un puissant facteur de différenciation par rapport 1818 H Street, NW le détaillant de saisir des informations détaillées à la concurrence. Toutefois, l’exclusivité limite le MSN P3-300 dans un système)  ; et/ou les exigences portant nombre de transactions pouvant être proposées Washington, DC sur l’infrastructure supplémentaire au point de et le nombre de points d’accès pouvant opérer de 20433 États-Unis services (p. ex. l’impression d’un reçu pour chaque manière viable. Au final, elle réduit l’accessibilité et la valeur pour les clients. À l’inverse, le partage de Tél : 202-473-9594 transaction) entraînent une augmentation du coût détaillants favorise ces qualités et donc le potentiel Télécopie : opérationnel du détaillant et donc du nombre de de croissance. 202-522-3744 transactions nécessaires pour le rendre viable. Ceci réduit la capacité du réseau à utiliser des • Les détaillants partagés peuvent apporter une Courriel : détaillants dans des zones où la population est interopérabilité efficace à leur niveau. Les réseaux cgap@worldbank.org de détaillants indépendants qui regroupent des plus  dispersée. Une approche réglementaire services de banque par téléphone comparables © CGAP, 2015 équilibrée peut contribuer à renforcer l’accès dans offrent une solution alternative aux services non les zones rurales. interopérables. En établissant des comptes auprès • Réseaux de détaillants à plusieurs niveaux. En de plusieurs prestataires, ils peuvent proposer des définissant des niveaux de services différents au transferts « interopérables » en agissant en tant que sein d’un même réseau, les opérateurs peuvent destinataires sur une plateforme et expéditeurs répondre à des besoins locaux spécifiques et les sur une autre. Malgré cette interopérabilité de fait, régulateurs peuvent identifier les zones où des cette approche favorise les transactions « de gré réglementations différenciées pourraient rendre les à gré » qui sont moins efficaces pour les clients et détaillants viables. Par exemple, un opérateur de les prestataires. réseau peut limiter le champ d’activité d’un certain groupe de détaillants à des transactions de moins de 20 dollars uniquement et certaines exigences Remerciements réglementaires (p. ex. l’impression d’un reçu pour Les auteurs remercient, entre autres institutions et chaque transaction) pourraient devenir optionnelles organisations, les entreprises suivantes pour leur pour ce type de détaillants. Il en résulterait des soutien et leurs contributions qui ont rendu ce projet coûts directs réduits et une plus grande viabilité de recherche possible : Banco de Crédito del Perú, pour les détaillants en zones rurales. Fullcarga, Globokas, Hermes-Multifácil et Movilway. • Les transactions en espèces renforcent la viabilité des détaillants en zones rurales. Les Nous tenons également à remercier l’ensemble du personnel et des consultants du CGAP qui ont fourni transactions en espèces permettent aux détaillants leurs commentaires tout au long du processus de en zones rurales d’élargir le pool des transactions recherche, et notamment Peter Zetterli et Jacobo potentielles dans les zones où le trafic est limité. Menajovsky qui nous ont aidé avec le traitement des Le regroupement de transactions sur compte et valeurs aberrantes, ainsi que la Superintendencia de en espèces est particulièrement pertinent afin de Banca y Seguros du Pérou et le bureau de l’IFC au Pérou renforcer les points d’accès dans les zones rurales. pour leur collaboration et leur soutien. AUTEURS : Xavier Faz et Pablo García Arabéhéty