Environment and Natural Resources Global Practice Discussion Paper #5 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Lelia Croitoru and Maria Sarraf (Editors) JanVIER 2017 Task team leader : Maria Sarraf World Bank Group Report Number 105633-MA Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Lelia Croitoru and Maria Sarraf (Editors) Janvier 2017 © 2017 World Bank Group 1818 H Street NW Washington, DC 20433 Telephone: 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Email: feedback@worldbank.org All rights reserved This volume is a product of the staff of the World Bank Group. The findings, interpretations, and conclusions expressed in this volume do not necessarily reflect the views of the Executive Directors of World Bank Group or the governments they represent. The World Bank Group does not guarantee the accuracy of the data included in this work. 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Conclusions 62 Chapitre 6. Forêts 65 6.1. Vue d’ensemble 65 6.2. Les pressions sur les forêts 66 6.3. Approche et limitations 67 6.4. Coût de défrichement 68 6.5. Coût des incendies 71 6.6. Conclusions 72 Chapitre 7. Déchets 75 7.1. Les déchets ménagers assimilés 75 7.2. Les déchets industriels dangereux 88 7.3. Récapitulatif du coût97 Chapitre 8. Littoral 101 8.1. Contexte général du littoral 101 8.2. Estimation du coût de la surpêche 107 8.3. Estimation du consentement à payer pour une meilleure qualité des plages 108 8.4. Conclusion 115 Chapitre 9. Changement Climatique 117 9.1. Emissions de gaz à effet de serre 117 9.2. L’évaluation du coût global des émissions CO2 119 Annexe 8.1 (Relative au Chapitre 8) 121 Annexe 8.2 (Relative au Chapitre 8) 123 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc iii Remerciements Ce rapport a été préparé par une équipe composée de Mme programmation, des systèmes d’information et de la com- Maria Sarraf (Chef de projet) au Département de l’Envi- munication), Monsieur Mohamed Endichi (Directeur de ronnement de la Région du Moyen-Orient et de l’Afrique la Lutte Contre la Désertification et de la Protection de la du Nord à la Banque mondiale, Mme Lelia Croitoru Nature), M. Imad Lebbar (Chef de la Division des Etudes (Consultante principale en économie de l’environnement), de la Programmation et de la Coopération), et Mme Kenza M. Abdeljaouad Jorio (Consultant en économie de l’envi- Aouini (Direction de la Lutte Contre la Désertification ronnement), M. Abdellatif Khattabi (Professeur à l’Ecole et de la Protection de la Nature) au Haut-Commissariat Nationale Forestière d’Ingénieurs de Rabat), M. Saad aux Eaux et Forêts et à la Lutte contre la Désertification; Belghazi (Economiste-consultant) et Mme Elena Strukova Mme Nada Roudies (Secrétaire générale) du Ministère du (Consultante spécialisée en pollution atmosphérique). Tourisme; M. El Ktiri (Directeur des pêches), M. Belghiti Mhamed (Directeur adjoint), Mme Horri Fatiha  (Ingé- L’équipe tiens à remercier Madame Hakima El Haité nieure), M. Badiss Mahmoud (Ingénieure), Mme Mahfoud (Ministre déléguée chargée de l’environnement), Mon- Hamida (Ingénieure), M. Elmoukkadem Abdelouahid sieur Abdelouahed Fikrat (Secrétaire Général du Minis- (Ingénieur) et Mme Ihssane Meknassi (Chef de Service au tère déléguée chargée de l’Environnement), Mme Rajae sein de la Direction de l’Irrigation et de l’Aménagement Chafil (Directeur de l’Observation, des Etudes et de la de l’Espace Agricole) au Ministère de l’Agriculture et des Planification), M. Mohammed Maktit (Chef de la Divi- Pêches Maritimes ; Mme Latifa Nahnahi a la Direction de sion des Études et de la Planification) et M. Slimane l’Aménagement du Territoire, Ministère de l’Urbanisme et Maliki (Chef de Service de la Prospective) au Ministère de l’Aménagement du Territoire, Mme Sanae El Amrani chargé de l’Environnement pour leur excellente collabo- (Chef de la division de la Planification et des financements) ration tout au long de la préparation de l’étude. a la Direction des Ports et du Domaine Public Maritime, Ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logis- L’équipe aimerait aussi remercier pour leur contribution tique  ; Mme Rachida Soulaymani-Bencheikh (Directrice technique Mme  Jaouher Tourya (Chef de division de la du Centre antipoison et de pharmacovigilance)  ; ainsi qualité de l’eau et lutte contre la pollution), M. El Hasnaoui que les collègues et chercheurs à l’Institut National de My Driss (Chef de la division des ressources en eau), Mme Recherches Halieutiques ; au Haut-Commissariat au Plan, Zougar Halima (Chef du service de la qualité de l’eau), et à la Direction de la Météorologie Nationale. Mme Houda Bilgha (Chef du service de lutte contre la pol- lution) et Mme Zbayr Asma (Cadre ingénieur) au Minis- L’équipe de la Banque mondiale remercie la GIZ ainsi que la tère délégué chargé de l’Eau  ; M. Rachid Wahabi (Chef Commission Européenne et le Gouvernement Italien à tra- de la division de l’hygiène du milieu), M. Mohamed Khal- vers le « Fond d’affectation spécial multi donateurs pour les laf (Chef du service de la salubrité de l’environnement), changements climatiques dans la Région du Moyen Orient M. Benbakhtu Bouchaib (Direction de l’épidémiologie et de l’Afrique du Nord » pour leur contribution financière. et de lutte contre les maladies) au Ministère de la Santé; Mr  Fouad Zyadi (Directeur du Contrôle, de l’Evaluation Des observations utiles ont été fournies par M. Benoit Environnementale et des Affaires Juridiques), M. Abdelilah Blarel (Responsable du pôle environnement à la Banque Farah (Chef de la division des programmes), Mme Loubna mondiale), M. Gunars Platais (collègue examinateur), El Abed (Responsable des filières) et M. Mohamed Amou- M. Gianluca Mele (collègue examinateur), Mme Sebnem nas (Chef de service déchets et sol) Mme Salima Karrachou Sahin (collègue examinateur) et M. Daniel Camos (col- (Service de la santé et de l’environnement) ; M. Samir Yousri lègue examinateur). L’équipe aimerait également remer- (Service des déchets solides) au Ministère délégué chargé de cier Mesdames Ibtissam Alaoui, Soumia Driouch et Marie l’Environnement; M. Fayçal Benchekroun (Directeur de la Francoise How Yew Kin pour leur support administratif. iv Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Acronymes APC Association professionnelle de FA Fraction attribuable cimentiers FAO Organisation des Nations Unies pour AVI Années de vie vécues avec de l’alimentation et l’agriculture l’incapacité GDP Gross Domestic Product BU Batteries usagées GES Gaz à effet de serre CAP Consentement à payer GHG Greenhouse gas CCNUCC Convention Cadre des Nations Unies GPM Groupement pétrolier marocain sur les Changements Climatiques ha hectare(s) CDE Coût de la dégradation environnementale HCEFLCD Haut-commissariat aux eaux et forêts et à la lutte contre la désertification CE Conductivité électrique HCP Haut-commissariat au Plan CENUE Commission économique des Nations Unies pour l’Europe HU Huiles usagées CESE Conseil économique, social et de IMC l’Indice de masse corporelle l’environnement INHZ Inventaire national des zones humides CH4 Méthane INRA Institut national des recherches CNEDS Centre national d’élimination des agronomiques déchets spéciaux INRH Institut national des recherches CO Monoxyde de carbone halieutiques CO2 Dioxyde de carbone IRES Institut royal des études stratégiques COED Cost of Environmental Degradation kg/hab/j Kilogramme par habitant par jour DC Décharge contrôlée ktep Kilotonne(s) d’équivalent pétrole DH Dirham marocain kWh Kilowatt heure DID Déchets industriels dangereux m3 mètre(s) cube(s) DMA Déchets ménagers assimilés MdE Ministère délégué auprès du Ministre de l’Energie, des Mines, de l’Eau DMN Direction de la météorologie nationale et de l’Environnement chargé de DNC Décharge non contrôlée l’Environnement DRPE Direction de la recherche et de la MdEau Ministère délégué auprès du Ministre planification de l’eau de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement chargé de l’Eau ds/m DeciSiemens par mètre MEA Millenium Ecosystem assessment EDS Enquête démographique et de santé MEMEE Ministère de l’Energie, des Mines, de ENPSF Enquête nationale sur la population et l’Eau et de l’Environnement la santé familiale Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc v mg/l milligramme par litre QI Quotient intellectuel mg/dl Microgrammes par décilitre REEM Rapport sur l’état de l’environnement du Maroc MRS Marocains résidents à l'étranger REP Responsabilité élargie des producteurs MVDIH Mécanisme Volontaire de Dépollution Industrielle Hydrique RM Récupération de méthane NO2 Dioxyde d’azote RML Retard mental léger O3 Ozone RR Risque relatif OCDE Organisation de coopération et de SA Service d’approvisionnement développement économiques SAU Surface agricole utile OMS Organisation mondiale de la santé SEEE Secrétariat d’État à l’eau et ONE Observatoire national de l’environnement l’environnement SNDD Stratégie nationale de développement ONEE Office nationale de l’électricité et de durable l’eau potable SO2 Dioxyde de soufre ONG Organisation non gouvernementale STEP Station d’épuration des eaux usées ONP Office national des pêches t Eq-CO2 Ton équivalent CO2 % pourcent tep Tonne d’équivalent pétrole PANLCD Programme national de lutte contre la t/ha Tonne(s) par hectare désertification t/m3 tonne par mètre cube PIB Produit intérieur brut UF Unité fourragère PM Matières particulaires UF/ha Unité fourragère par hectare PM2,5 Particules en suspension dans l’air, d’un diamètre inférieur à US$, $EU Dollar américain 2,5 micromètres VA Valeur actualisée PM10 Particules en suspension dans l’air, VET Valeur économique totale d’un diamètre inférieur à 10 micromètre VIH Virus de l’immunodéficience humaine PNDM Programme national des déchets VSAV Valeur statistique des années de vie ménagers assimilés VSL Value of Statistical Life PNE Plan national de l’eau VSV Valeur statistique de la vie PNUD Programme des Nations Unies pour le WTP Willingness to Pay développement YLD Years of Life Lived with Disability q/ha Quintal (quintaux) par hectare vi Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Executive Summary Morocco has the most competitive economy in North Africa.1 Like in many other countries, economic development puts pressure on environment, through air, water and land degradation. In 2000, the World Bank conducted a study to estimate for the first time the cost of environmental degradation (COED) in Morocco, and found that environmental degradation cost society about 3.7% of the GDP in 2000. Ever since, the country made impressive efforts to strengthen policies and strategies to protect its environment and natural resources. In 2015, the Government requested the World Bank to update the COED study. This report provides an order of magnitude estimate of the COED in Morocco for 2014. Chapter 1 presents an overview of the environmental policies and strategies implemented in the country since the earlier COED. Chapter 2 provides the method- ology and some key underlying assumptions used to estimate the COED. Chapters 3 to 9 estimate the degradation costs related to major environmental categories: water, air, land, forests, waste, coastal zone and climate change. 1. Objective and scope The objective is to estimate the COED at the national level in Morocco. Specifically, the study values in monetary terms the impacts of degradation that occurred during the year 2014, chosen as the year of reference. It should be noted that certain activities cause short-term impacts: for example, air pol- lution causes health problems that can last from a few weeks to several months (bron- chitis, respiratory symptoms). Other activities have long-term impacts: deforestation causes ecosystem losses that may take years to recover. This study estimates the value of both short-term and long-term impacts caused the activities occurring during the ref- erence year. Thus, it measures the Present Value of current and future costs imposed by degradation in 2014. The study uses a 6% discount rate2 and a time horizon of 25 years, chosen as average time of a generation.3 The COED estimates losses at three levels: social, through morbidity and mortality due to air pollution and inappropriate water supply, sanitation and hygiene; economic, such as losses of production from forests and rangelands due to clearing; and environ- mental, through reduced recreational value of beaches due to coastal degradation. 1 According to the World Economic Forum’s 2015–2016 Global Competitive Index. 2 World Bank. 2016. Discounting costs and benefits in economic analysis of World Bank projects. Guidance note. 3 Assuming that a person of average age will benefit from environmental services for another 25 years. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc vii 2. Approach (GDP), to benchmark the extent of damage against a macroeconomic indicator. The study estimates the impacts of environmental deg- radation, based on a variety of methods, as shown in Study Limitations. Despite the extensive range of val- Table ES.1. Valuation was conducted between May 2015 uation methods, their application is often difficult. First, and May 2016. Data collection was based on consultations the accuracy of the results decreases, as the scope of the with representatives of relevant ministries, official publica- study increases: valuations obtained nationwide are less tions and scientific articles. The final results are expressed precise than those obtained at the local or project level. as a percentage of the country’s gross domestic product Second, in some cases, the lack of information imposes the Table ES.1. Environmental degradation and valuation methods used Main Impacts and Valuation Methods Used Water Impacts on environment and economy •  dam sedimentation (replacement cost) •  groundwater overexploitation (replacement cost) •  loss of wetlands (change in productivity) •  effects of climate change and variability on water availability (change in productivity) •  discharge of domestic and industrial wastewater (replacement cost) Impacts on health •  diarrhea and malnutrition (VSL for mortality and YLD for morbidity; treatment and opportunity costs) Air Impacts on health •  outdoor and indoor air pollution (VSL for mortality and WTP to avoid illness for morbidity) Land Cultivated lands •  impact of erosion on rainfed crops (change in productivity and market price) •  impact of salinisation on irrigated lands (change in productivity and market price) Rangelands •  impact of clearing, degradation and desertification (change in productivity, market price, benefits transfer) Forests •  impacts of deforestation and forest fires (market price, price of substitute goods, benefits transfer, replacement cost) Waste Municipal waste •  insufficient waste collection (WTP for improved collection) •  groundwater pollution (restoration cost) •  depreciation of land (hedonic price) •  forgone electricity and recycling benefits (opportunity cost) Hazardous waste •  forgone benefits from re-using waste oil (market price) •  health impacts from lead exposure (YLD for morbidity) Coastal zone •  impact of overfishing (change in productivity) •  recreational losses due to beach degradation (WTP to improve beach quality) Climate change •  impacts of CO2 emissions from different economic sectors on global environment (carbon price and social value of carbon) Notes: VSL = Value of Statistical Life; YLD = Years of Life Lived with Disability; WTP = Willingness to Pay viii Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc use of benefits transfer from studies in other countries. Figure ES.1.  COED in Morocco (2014) Third, the lack of data enabled a partial estimate of some 12 impacts (e.g. forest degradation), while other impacts could not be valued at all—e.g. the effects of nitrates runoff on 10 water quality, of dam sedimentation on water turbidity, Indoor of marine degradation on biodiversity, as well as the indi- 8 rect impacts of environmental degradation at the macro- Billion DH economic level (e.g. food security, exports, GDP growth). 6 Therefore, the final results should be considered orders of magnitude, which are often subject to underestima- 4 tion. To reflect the uncertainty of the estimates, the report Haz provides ranges of values, whenever possible. 2 3. Results 0 Water Air Land Waste Coastal Forest The cost of environmental degradation to Moroccan’s zone society has been estimated in 2014 at about DH 32.5 billion or 3.52% of GDP. In addition, greenhouse gas conversion and desertification of rangelands. Waste is a (GHG) emissions cause damage to the global community relatively important component (0.4% of GDP); however estimated at 1.62% of GDP in 2014. The impacts of envi- it is worth noting that municipal waste management has ronmental degradation at the national level (national costs) improved considerably over the past decade. The damage appear to be more than twice as high as those at the global due to coastal zone degradation (0.27% of the GDP) is level (global costs) (Table ES.2). considerably underestimated, as several polluting factors are captured within other categories.4 Finally, the low cost Among national costs, water degradation (1.26% of GDP) of deforestation and forest fires (0.004%) is indicative of stands out as the most important driver of degradation, followed by air pollution (1.05% of GDP) (Figure ES.1). Land degradation also causes significant damage (0.54% 4 For example, the costs of air pollution, land degradation and water degrada- of GDP), primarily due to erosion of croplands, and to tion have been accounted for in separate chapters. Table ES.2. COED in Morocco (2014) Lower bound Upper bound Average Billion DH Billion DH Billion DH % of GDP Water 11.1 12.2 11.7 1.26% Air 6.3 13.1 9.7 1.05% Land 4.6 5.3 5.0 0.54% Waste (incl. hazardous) 3.7 3.7 3.7 0.40% Coastal zone 2.5 2.5 2.5 0.27% Forest 0.0 0.0 0.0 0.00% Cost to Moroccan society 28.3 36.8 32.5 3.52% Carbon emissions 4.6 25.4 15.0 1.62% Cost to Global community 4.6 25.4 15.0 1.62% Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc ix the efforts carried out by the Government towards forest cause a complete loss of benefits on lost rangelands, and protection. a reduction in productivity and other protective services on areas subject to overexploitation – with a cost esti- Water. With a renewable water availability of 700 m3/ mated at DH3.3 billion. Overall, the total cost of land capita, Morocco is already a water-scarce country. Sev- degradation is estimated at DH 5 billion, or 0.54% of eral pressures (groundwater overexploitation, discharge the GDP.5 of untreated wastewater, climate change and variability) affect water resources, causing a decline in water avail- Forests. Moroccan forests cover 9 million ha, or 12.7% ability and quality. This entails consequences on the of the country’s area. They are subject to several pres- country’s economy and environment. Others, such as inappro- sures, such as clearing (880 ha per year), fires (3,415 ha priate water supply, sanitation and hygiene have impacts per year) and other forms of degradation, such as overex- on health, through increased incidence of diarrhea and ploitation for wood and fodder. This chapter estimates the malnutrition. The damage caused by these factors is esti- losses of forest benefits—wood, cork, fodder, other non- mated at DH11.7 billion, or 1.26% of GDP. Groundwa- wood products and recreation—due to clearing and fires ter overexploitation and discharge of untreated industrial at DH40 million, or 0.004% of the GDP. wastewater stand out as the most important problems. Waste. Municipal waste management has considerably Air. Outdoor and indoor air pollution affect negatively improved over the past decade, through increased cover- human health, due to exposure to fine particulates (PM2.5). age of waste collection and creation of sanitary landfills. This exposure translates into premature deaths and mor- Yet, waste management still generates some costs to soci- bidity among adults, due to ischemic heart disease, stroke, ety. Damages from municipal waste result from incomplete lung cancer, and chronic obstructive pulmonary disease; waste collection, groundwater pollution through leachate and among children, as a result of acute lower respira- infiltration from unsanitary dumps; forgone economic tory infections. The study quantifies these effects using the benefits due to low recycling rates and land depreciation latest cause-and-effect relationships developed by the epi- around open dumps. In addition, this study quantifies demiological literature. The total cost of air pollution is for the first time some of the impacts related to hazard- estimated at DH9.7 million, or 1.05% of the GDP. Over- ous waste. It focuses on losses related to waste oil and the all, mortality due to outdoor air pollution is responsible health impacts among children exposed to lead. Overall, for the highest share of costs (75%); it is particularly high the cost of waste management is estimated at DH3.7 bil- in Casablanca, Marrakesh and Tanger, due to ischemic lion, or 0.4% of the GDP. heart disease, stroke and lung cancer among adults. Mor- tality caused by indoor air pollution tends to be a problem Coastal zone. Extending on more than 3,400 km along among rural households using solid fuel for cooking (25% the Mediterranean Sea and Atlantic Ocean, coastal zone of total cost of air pollution). is important for the country’s economic development. However, concentration of tourism, maritime and fishing Agricultural land. Morocco has 9 million ha of culti- activities in certain areas causes pressures on living ecosys- vated land and 30.4 million ha of permanent rangelands. tems and landscapes. The study estimates the cost of over- Human activities (overgrazing, deforestation, urbaniza- fishing, through the difference between the optimal and tion) and natural factors (e.g. climate change) are degrad- the current stock of a variety of fish types: sardines, sword- ing these areas in multiple ways. On cultivated lands, fish, cephalopod and white hake; and the recreational loss degradation affects about 5.5 million ha of rainfed areas due to beach degradation, through tourists’ willingness to (due to erosion), and 160,000 ha of irrigated lands (due to pay for improved quality of beaches. Overall, coastal zone salinization); these losses are estimated at DH1.7 billion. Degradation affects also rangelands, through clearing 5 This estimate refers only to the on-site impacts of land degradation. Among (65,000 ha per year), desertification (103,000 ha per year) off-site impacts, the cost of dam sedimentation is considered in the water and overexploitation (30.2 million ha). These actions chapter. x Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc degradation leads to a cost of DH2.5 billion, or 0.27% desertification. The forests chapter includes the impact of of GDP. The impact on the coastal area is considerably fires; the waste chapter covers the impact of hazardous underestimated, as several polluting factors are captured waste and the coastal zone chapter includes losses due to within other categories. overfishing, beyond sardines which was covered in the ear- lier study. Second, the present study uses a more elaborated Climate change/Global environment. Over the methodology than the one used in the previous report. past decade, economic development in the country led These differences make difficult the comparison between to an increase in greenhouse gas emissions (GHG), such the results of the two studies. as carbon dioxide (CO2), sulfur dioxide (SO2) and meth- ane (CH4). The 2016 Third National Communication However, if we exclude the “additional impacts” that were to the United Nations Framework on Climate Change estimated in the 2014 study, the national COED in 2014 estimates the net emissions at 100,5 million t equivalent would be DH15.0 billion, compared to DH16.9 billion in CO2 (or 3.1  t equivalent CO2/ capita) in 2012.6 The 2000 (in 2014 constant prices). Bearing in mind the meth- most important emitting sectors are energy (57% of the odological differences mentioned above, a comparison total), agriculture (21%) and waste (8%). Considering between the two estimates suggests that environmen- that the value of carbon ranges from Dh46/tCO2 (the tal degradation has decreased between 2000 and price on the international market) and Dh253/tCO2 (the 2014. In relative terms, this decrease appears even more social value of carbon), the total damage on the global substantial, from DH590/capita in 2000 to DH450/cap- environment is estimated at DH15 billion, or 1.6% of ita in 2014, corresponding to a decline of more than 20% GDP. It is worth noting that Morocco’s contribution to (in 2014 constant prices). the global GHG emissions in the atmosphere remains low. For comparative purposes, CO2 emissions in Can- This trend,7 discussed in Box ES.1, is the outstanding result ada are 20.4 t equivalent CO2 /capita vs. 3.1 t equivalent of environmental reforms and programs implemented by CO2 /capita in Morocco. the Government between 2000 and 2014. In this light, the National Sanitation Plan (Plan National d’Assainissement), the 4. Discussion National Program of Municipal Waste (Programme national des déchets ménagers et assimilés), the Program against diarrheal The national COED is estimated at 3.52% of the GDP disease (Programme de lutte contre les maladies diarrheiques), the in 2014, corresponding to about DH 960 per capita National Action Program on Fight against Desertification per year. Comparing these results with those of the 2000 (Programme d’action national de lutte contre la desertification, PAN- study is challenging. First, the present study benefitted from LCD) and the National Development Plan of watersheds improved data availability compared to the previous one. (Plan national d’aménagement des bassins versants, PNABV) are As a result, several additional impacts were estimated: for just a few examples of successful efforts conducted by example in the water chapter the updated study includes the Government during this period. At the institutional overexploitation of groundwater, loss of wetlands as well level, several laws for environmental protection have as water pollution by discharge of untreated wastewater been adopted, particularly in the areas of water,8 energy,9 and malnutrition, which were not covered in the previ- ous study. Similarly, the air chapter includes the impact of outdoor air pollution on the whole country, com- pared to only some cities in 2000. The land chapter cov- ers the complete loss of rangelands due to clearing and 7 The trend reflects a before vs. after comparison; rather than a with vs. without analysis. As such it is difficult to properly qualify the impact of recent policy changes. Yet, the trends are clear, and strongly suggest a positive impacts of 6 The latest data available for CO2 emission (based on the Morocco’s Third recent reforms and investments. Good news for tackling the next challenges. National Communication to UNFFCC, April 2016) are for 2012; as such they 8 Decree No. 2-05-1533 related to sanitation (2006) and Decree No. 2-04-553 do not capture the benefits of various energy reforms introduced by Morocco on spills, runoffs, discharges, and sediments in surface water or groundwater (such as the removal of energy subsidy—introduced in 2013; or the recent (2005). investments in solar and renewable energy). 9 Law No. 13-09 on renewable energy (2010) and its implementing decrees. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xi Box ES.1. Trend of environmental degradation between 2000 and 2014 A comparison between the results of the 2000 and 2014 stud- Figure ES.2. COED by category in 2000 ies indicates that the COED decreased from DH590/capita in 2000 to DH450/capita in 2014, corresponding to a reduc- and 2014 200 tion of environmental degradation of more than 20% during this period. It should be stressed that this comparison has only indicative meaning, because: (1) it is partial, by including only DH/capita (in 2014 constant prices) the impacts that have been estimated in both studies; (2) even 150 these impacts have been often estimated based on different methodologies, which are difficult to compare. This decrease is primarily due to the decline of the cost related 100 to water and municipal waste categories (Figure ES.2). In par- ticular, the cost of water degradation10 decreased by 60%, from DH190 to DH80 per capita, essentially due to the reduc- 50 tion in health impacts caused by inappropriate water supply, sanitation, and hygiene (diarrhea among under five children). This is a remarkable result of the Program against diarrheal dis- 0 ease implemented by the Ministry of Health during this period. Water Air Coastal Waste Land Forest zone In addition, the cost related to inappropriate municipal 2000 2014 waste management11 decreased by half, from DH80 to Note: The figure captures only the national costs estimated in both DH40 per capita. This reflects an improved municipal waste studies. management during the last decade, thanks to the implemen- tation of the National Program of Municipal Waste in 2006. Forest degradation, with a minor cost compared to the The cost of degradation related to land degradation above categories, appears to have also been reduced con- remained in the same range with the one of 2000 study; while siderably, from DH5 to DH0.3 per capita, indicating the the cost related to air pollution has slightly increased—­ fruitful efforts conducted by the Government towards forest however, this can be in great part explained through the dif- protection, such as the National Action Program of Fighting ferences in the pollutants measured (PM2.5/PM10) and in the against Desertification and the National Development Plan methodology applied. of watersheds. 10 11 air,12 waste13 and coastal zone.14 In 2009, His Majesty King tion. This led to the development of the National Charter Mohamed VI launched a broad debate mobilizing all for Environment and Sustainable Development in 2010, stakeholders to adopt a strategy for environmental protec- which was formalized in a framework law adopted by the Parliament in 2014. In accordance with its provisions, a national sustainable development strategy was developed 10 For this comparison, the cost related to water includes only the impacts on based on extensive consultation with all stakeholders. health (mortality and morbidity due to diarrhea among children under 5) due to inappropriate water supply, sanitation, and hygiene and the cost of dam 5. Key messages sedimentation. 11 This estimation refers to the cost of insufficient collection of municipal waste and groundwater pollution. The study points out to the following conclusions and 12 Law No. 13-03 related to the fight against air pollution (2003) and its imple- menting regulations; Decree No. 2-09-286 (2009) setting the air quality stan- recommendations: dards and air monitoring arrangements; and Decree No. 2-09-631 setting the »» The COED to Moroccan society is about emission standards for pollutants emitted from fixed sources and methods for 3.52% of GDP; while the cost of greenhouse gas their control (2010). emissions to the global community is 1.62% 13 Law No. 28-00 on waste management and disposal (2006) and its implement- ing decrees. of GDP. These results show that the impacts of 14 Law No. 81.12 related to the coastal zone of 6 August 2015. environmental degradation at the national level xii Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc are more than twice as high as those at the global Oum Er Rbia to establish “contrat de nappes”), level. industrial depollution (e.g. helping the Government »» The comparison between 2000 and 2014 studies prepare the National Plan of Industrial Depollu- shows that the cost of environmental degra- tion), and domestic wastewater (e.g. assisting with dation to the Moroccan society decreased a sanitation project set up in the framework of the during this period by more than 20 percent National Sanitation Plan). Outdoor air pollution with respect to the environmental categories esti- is another problem that needs attention, particu- mated in both studies. Such a comparison remains larly in large industrial cities like Casablanca, Mar- indicative however, due to partial results and to rakesh and Tanger. differences in the methodologies used in the two »» Municipal solid waste management, the health studies. impacts from inappropriate water sanitation and »» Consistent with the 2000 study, water and air hygiene, and forest protection are areas marked remain the most pressing challenges in 2014. by substantial improvements, reflecting the This calls for actions to preserve water resources, reforms and programs implemented by the Gov- by reducing groundwater overexploitation and ernment since the 2000. discharges of untreated industrial wastewater in »» An emerging area, not covered in the 2000 study, water bodies. Current efforts in this direction are is industrial/hazardous waste, of which inap- already supported by the World Bank in the area propriate management is a cause of concern both of groundwater (e.g. supporting the basin agency in terms of environmental and health impacts. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xiii Résumé Analytique Le Maroc possède la première économie d’Afrique du Nord en matière de compétiti- vité15. Comme dans de nombreux autres pays, le développement économique stresse l’environnement en raison de la pollution de l’air, de l’eau et des sols. En 2000, la Banque mondiale a mené une étude intitulée « Evaluation du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc » (CDE). Cette étude a évalué, pour la première fois, le coût de la dégradation environnementale qui fut estimé, pour l’année 2000, à 3,7% du PIB. Depuis, le pays a déployé des efforts considérables en vue de renforcer les politiques et stratégies pour la protection de l’environnement et des ressources natu- relles. En 2015, le gouvernement a demandé à la Banque mondiale d’actualiser l’étude CDE. Le présent rapport presente donc un ordre de grandeur du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc pour l’année 2014. Le Chapitre 1 présente un aperçu des politiques et stratégies environnementales réalisées sur le plan national depuis le dernier rapport. Le Chapitre 2 décrit le cadre méthodologique et certaines hypothèses sous-tendant l’évaluation du CDE. Enfin, les Chapitres 3 à 9 évaluent les coûts liés à la dégradation des principales composantes de l’environnement : l’eau, l’air, les sols, les forêts, les déchets, le littoral et le changement climatique. 1. Objectif et contexte L’objectif de cette étude est d’évaluer le coût de la dégradation de l’environnement à l’échelle nationale au Maroc. Plus précisément, cette étude estime en termes moné- taires le coût économique de la dégradation environnementale causée par les activités déroulées pendant l’année de référence 2014. Il faudrait noter que certaines activités ont des impacts à court terme (impacts actuels) : par exemple, la pollution de l’air cause souvent des problèmes de santé allant de quelques semaines à plusieurs mois (p.ex. bronchite, symptômes respiratoires). D’autres activités ont des répercussions à long terme (impacts futurs) : le défrichement induit des 15 Selon l’Indice mondial de la compétitivité 2015-2016, Forum économique mondial. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xv pertes des services éco systémiques dont la régénération qu’une évaluation partielle de certains impacts (p.ex. la pourrait prendre plusieurs années. Cette étude estime la dégradation des forêts), voire empêche complètement valeur des impacts actuels et futurs causés par les activités l’évaluation de certains impacts. Il s’agit par exemple des déroulées pendant l’année de référence. Ainsi, elle mesure impacts au niveau micro (p.ex. les effets des nitrates sur la la Valeur Actualisée des coûts actuels et futurs induits par qualité de l’eau, de l’envasement des barrages sur la turbi- la dégradation de l’environnement en 2014, en utilisant dité de l’eau, de la dégradation du milieu marin sur la bio- un taux d’actualisation de 6% (Banque mondiale 2016) diversité) ainsi que des impacts indirects de la dégradation et un horizon temporel de 25 ans, choisi comme durée environnementale au niveau macro (p.ex. sur la sécurité moyenne d’une génération16. alimentaire, les exportations, la croissance du PIB). Par conséquent, il est important de souligner que les résultats Le CDE estime des pertes à trois niveaux : social, à travers finaux expriment des ordres de grandeur, qui sont la morbidité et la mortalité dues à la pollution de l’air et souvent sujets à des sous-estimations. Pour souligner le aux pratiques inadéquates d’approvisionnement en eau, caractère incertain des estimations, le rapport fournit des d’assainissement et d’hygiène ; économique, tel que les fourchettes de valeurs lorsque les estimations s’y prêtent. pertes de production des forêts et des terres de parcours dues aux défrichements; et environnemental, comme la 3. Résultats réduction de la valeur récréative des plages causée par la Le coût de la dégradation environnementale pour la dégradation du littoral. société marocaine a été évalué, pour l’année 2014, à près de 32,5 milliards de dirhams, ou 3,52 % du 2. Cadre Méthodologique PIB. Par ailleurs, les dégâts causés par les émissions L’étude estime l’impact de la dégradation environne- de gaz à effet de serre (GES) à l’environnement glo- mentale à travers plusieurs méthodes d’évaluation. Le bal sont estimés, pour l’année 2014, à 1,62% du PIB. Tableau ES.1 présente un résumé des méthodes utilisées. Les incidences de la dégradation environnementale à L’étude s’est déroulée entre mai 2015 et mai 2016. La col- l’échelle nationale (coûts nationaux) seraient deux fois lecte de données s’est basée sur des consultations avec des plus importantes que celles à l’échelle mondiale (coûts représentants des ministères concernés, des publications globaux). (Tableau ES.2). officielles et des articles scientifiques. Les résultats finaux sont exprimés en pourcentage du produit intérieur brut Parmi les coûts nationaux, la pollution de l’eau (1,26% du (PIB) pour montrer l’ampleur des dommages par rapport PIB) constitue le premier vecteur de dégradation de l’envi- à un indicateur macroéconomique. ronnement, suivie par la pollution de l’air (1,05% du PIB) (Figure ES.1). La dégradation des sols entraîne également Limitations de l’étude. Malgré  la vaste gamme de des coûts considérables (0,54% du PIB), notamment en méthodes disponibles, cette étude a démontré que leur raison de l’érosion des terres cultivées et du défrichement application n’est pas toujours aisée. Tout d’abord, la pré- et la désertification des terres de parcours. Les déchets cision des résultats diminue plus la portée de l’étude est représentent un coût relativement important (0,4% du vaste. Les évaluations à l’échelle nationale sont donc PIB) ; toutefois, il convient de signaler que la gestion des beaucoup moins précises que celles obtenues à un niveau déchets municipaux s’est considérablement améliorée au local ou au niveau d’un projet. Par ailleurs, dans certains cours de la dernière décennie. Les dégâts induits par la cas, le manque de données nécessaires impose le recours dégradation des zones côtières (0,27% du PIB) sont large- aux résultats d’autres études (à travers la méthodologie ment sous-estimés, étant donné que plusieurs facteurs pol- du transfert des bénéfices) réalisées dans d’autres pays. luants sont compris dans d’autres composantes17. Enfin, Dans d’autres cas, le manque total d’information ne permet 16 En supposant qu’une personne d’âge moyen pourra bénéficier des services 17 Par exemple, les coûts de la pollution de l’air, de la dégradation des sols et de environnementaux pour encore 25 ans. la pollution de l’eau ont été calculés dans des chapitres séparés. xvi Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau ES.1. Dégradation de l’environnement et méthodes d’évaluation Les impacts principaux Eau Impacts sur l’environnement et l’économie •  envasement des barrages (coût de remplacement) •  surexploitation des eaux souterraines (coût de remplacement) •  dégradation des zones humides (changement de productivité) •  variabilité climatiques sur la disponibilité en eau (changement de productivité) •  déversement eaux domestiques et industrielles (coût de remplacement) Impacts sur la santé •  diarrhée et malnutrition (VSV pour la mortalite, AVI pour la morbidite, coût de traitement et d’opportunité) Air Impacts sur la santé •  pollution de l’air extérieur et intérieur (VSV pour la mortalité et consentement à payer pour la morbidité) Sols Terres agricoles •  impact de l’érosion sur les terres de cultures en sec (changement de productivité, prix de marché) •  impact de la salinisation des terres de cultures irriguées (changement de productivité, prix de marché) Terres de parcours •  impact du défrichement, désertification et dégradation (changement de productivité ; prix de marché ; transfert des bénéfices) Forêts Impact du défrichement et des incendies (prix de marché, prix des biens de substitution, transfert des bénéfices, coût de remplacement) Déchets Déchets ménagers •  collecte insuffisante des déchets (consentement à payer) •  pollution des eaux souterraines (coût de restauration) •  moins-value des terrains (prix hédoniques) •  potentiel d’électricité et recyclage perdus (coût d’opportunité) Déchets industriels dangereux •  absence de valorisation huiles usagées (prix de marché) •  coût d’exposition au plomb (AVI pour la morbidité) Littoral •  impact de la surpêche (changement de productivité) •  pertes récréatives dues à la dégradation des plages (consentement à payer) Changement •  impacts des émissions CO2 provenant de différents secteurs économiques sur l’environnement global climatique (prix du carbone et la valeur sociale du carbone) Notes : VSV = valeur statistique de la vie ; AVI = Années de vie vécues avec de l’incapacité le faible coût de la déforestation et des incendies de forêts changement et variabilité climatiques), ce qui entraîne une (0.004%) atteste des efforts déployés par le gouvernement diminution de la quantité et de la qualité des ressources en vue de protéger les forêts. en eau et des répercussions sur l’économie et l’environnement du pays. D’autres facteurs, comme les pratiques inadé- Eau. Avec une disponibilité hydrique de 700 m3 par quates d’approvisionnement en eau, d’assainissement habitant, le Maroc est d’ores et déjà un pays aux faibles et d’hygiène ont des effets négatifs sur la santé, tels que ressources en eau. Les ressources hydriques sont sou- la diarrhée et la malnutrition. Ces facteurs causent des mises à plusieurs pressions (surexploitation des nappes pertes évaluées à 11,7 milliards de dirhams ou 1,26% du phréatiques, déversement des eaux usées non épurées, PIB. De manière spécifique, la surexploitation des eaux Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xvii Tableau ES.2. CDE au Maroc (2014) Borne Borne Valeur   Valeur inferieure supérieure Moyenne Moyenne (Milliards de DH) (% du PIB) Eau 11,1 12,2 11,7 1,26% Air 6,3 13,1 9,7 1,05% Sols 4,6 5,3 5,0 0,54% Déchets (y compris déchets dangereux) 3,7 3,7 3,7 0,40% Littoral 2,5 2,5 2,5 0,27% Forêts 0,0 0,0 0,0 0,00% Coût pour la société marocaine 28,3 36,8 32,5 3,52% Emissions carbone 4,6 25,4 15,0 1,62% Coût pour l’environnement global 4,6 25,4 15,0 1,62% Figure ES.1. CDE au Maroc (2014) respiratoires aigües des voies inférieures). L’étude mesure 12 ces impacts en utilisant les plus récentes relations cause à effet développées par la littérature épidémiologique. Le 10 coût total lié à la pollution de l’air est évalué à 9,7 millions de dirhams ou 1,05% du PIB. Au total, la grande majorité Interieur 8 des coûts est induite par la mortalité liée à la pollution de l’air extérieur (75%), notamment à Casablanca, Mar- rakech et Tanger, en raison de cardiopathies ischémiques, milliard DH 6 accidents vasculaires cérébraux et cancers des poumons 4 chez les adultes. La mortalité causée par la pollution de l’air intérieur est quant à elle particulièrement élevée dans Dang 2 les ménages ruraux utilisant les combustibles solides pour la cuisson (25% du coût total de la pollution de l’air). 0 Eau Air Sols Déchets Littoral Forêts Terres agricoles. Le Maroc possède 9 millions ha de terres agricoles et 30,4 millions ha de terres de parcours souterraines et le déversement des eaux industrielles non permanents. Les activités humaines (surpâturage, défri- traitées posent de sérieux problèmes. chement, urbanisation) et les facteurs naturels (p. ex. changement climatique) affectent ces terres de différentes Air. La pollution de l’air extérieur et de l’air intérieur a manières. Sur les terres agricoles cultivées, la dégradation des impacts significatifs sur la santé humaine, en raison de des sols affecte près de 5,5 millions ha de terres de culture l’exposition aux particules fines en suspension dans l’air en sec (en raison de l’érosion) et 160 000 ha de terres de (PM2,5). La pollution de l’air extérieur et intérieur pro- culture irriguées (en raison de la salinisation). Ces pertes voque des décès prématurés et des cas de morbidité chez sont évaluées à 1,7 milliard de dirhams. La dégradation les adultes (cardiopathies ischémiques, accident vascu- des sols affecte par ailleurs les terres de parcours à travers laire cérébral, cancer du poumon, bronchopneumopathie le défrichement (65 000 ha par an), la désertification (103 chronique obstructive) ainsi que chez les enfants (infections 000 ha par an) et la surexploitation (30,2 millions ha). Ces xviii Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc activités induisent une perte totale de bénéfices des terres Toutefois, la concentration des activités touristiques, por- de parcours perdues et une réduction de la productivité tuaires et de pêche dans certaines zones du littoral est à des terres et autres services de régulation fournis par les l’origine de pressions exercées sur les écosystèmes vivants terres dégradées, avec un coût estimé à 3,3 milliards de et les paysages. L’étude estime : (i) le coût de la surpêche, dirhams. Au final, le coût total de la dégradation des sols à travers la différence entre le stock optimal et le stock est estimé à 5 milliards de dirhams, représentant 0,54% courant de certaines espèces de poissons (sardines, espa- du PIB18. don, céphalopode et merlu blanc) et (ii) la perte récréa- tive due à la dégradation des plages, à travers le CAP des Forêts. Les forêts marocaines couvrent une superficie de touristes pour une meilleure qualité des plages. Au total, 9 millions ha ou 12,7% de la superficie du pays. Elles sont la dégradation du littoral entraîne un coût estimé à 2,5 sujettes à plusieurs pressions, telles que les défrichements milliards de dirhams, soit 0,27% du PIB. L’impact sur les (880 ha par an), les incendies (3 415 ha par an), et d’autres zones côtières est largement sous-estimé, étant donné que formes de dégradation, comme la surexploitation pour le plusieurs facteurs polluants ont été inclus dans d’autres bois et le fourrage. Ce chapitre estime les pertes des biens composantes. et services fournis par les forêts (bois, liège, fourrage, pro- duits non-ligneux, recréation) à cause des défrichements Changement climatique / Environnement global. et incendies à 40 millions de dirhams, ou 0,004% du PIB. Au cours de la dernière décennie, le développement éco- nomique du pays a généré des émissions de plusieurs gaz Déchets. La gestion des déchets municipaux a consi- à effet de serre (GES), tels que le dioxyde de carbone dérablement progressé au cours de la dernière décennie, (CO2), le dioxyde de soufre (SO2) et le méthane (CH4). grâce à l’amélioration du taux de collecte et la création de La Troisième Communication Nationale à la Convention décharges contrôlées. Il n’en demeure pas moins qu’elle Cadre des Nations Unies sur les Changements Clima- occasionne toujours des coûts à la société. Les princi- tiques (CCNUCC) a évalué les émissions nettes de GES pales insuffisances liées aux déchets municipaux résident au Maroc à 100,5 millions t équivalent CO2 (ou 3,1 t dans la non-couverture par le système de collecte d’une équivalent CO2/habitant) pour l’année 201219. Les prin- part non négligeable de la population, la contamination cipaux secteurs responsables des émissions sont l’énergie des eaux souterraines à cause de l’infiltration de lixi- (57%), l’agriculture (21%) et les déchets (8%). On estime viats de décharges non contrôlées, la perte de bénéfices la valeur du carbone entre 46 dirhams/tCO2 (prix du car- économiques en raison du faible taux de recyclage et la bone sur le marché international) et 253  dirhams/tCO2 dégradation des sols autour des dépotoirs à ciel ouvert. (valeur sociale du carbone). En conséquence, le coût total Par ailleurs, cette étude évalue, pour la première fois, pour l’environnement global est évalué à 15 milliards de quelques coûts liés aux déchets dangereux en termes de dirhams, représentant 1,6% du PIB. Il convient de noter pertes économiques dues à l’absence de valorisation des que les émissions générées par le Maroc restent faibles par huiles usagées, et l’impact de l’exposition au plomb sur rapport aux émissions mondiales de GES. A titre com- la santé des enfants. Au total, le coût de la gestion des paratif, les émissions de CO2 au Canada atteignent 20,4 déchets est estimé à 3,7 milliards de dirhams représentant t Eq- CO2/habitant contre 3,1 t Eq- CO2/habitant au 0,4% du PIB. Maroc. Littoral.  Avec un linéaire côtier de plus de 3 400 km le long de la façade méditerranéenne et atlantique, le littoral représente un poids économique considérable. 19 Les dernières données disponibles sur les émissions de CO2 remontent à l’an- née 2012 (Troisième Communication Nationale à la CCNUCC, avril 2016). De ce fait, elles ne tiennent pas compte des gains occasionnés par les différentes 18 Ces estimations se limitent aux impacts induits par la dégradation des sols réformes énergétiques engagées au Maroc (comme la suppression des subven- sur le site. Parmi les impacts hors site, le coût occasionné par l’envasement des tions à l’énergie en 2013, ou les derniers investissements dans l’énergie solaire barrages est pris en compte dans le chapitre consacré à l’eau. et les énergies renouvelables). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xix 4. Discussion dirhams/habitant en 2014, soit une baisse de plus de 20% par rapport à l’année 2000 (aux prix constants de 2014). Le coût de la dégradation de l’environnement au Maroc a été évalué, pour l’année 2014, à 3,52 % du PIB, repré- Cette tendance20, expliquée dans l’Encadré ES.1, est le sentant près de 960 dirhams/habitant/an. La com- remarquable fruit des réformes et programmes environ- paraison entre ces résultats et ceux de l’étude réalisée en nementaux engagés par le gouvernement entre 2000 et 2000 comporte de nombreuses difficultés. Tout d’abord, la 2014. A titre d’exemple non limitatif des efforts déployés présente étude a pu bénéficier d’une disponibilité d’infor- par le gouvernement durant cette période, nous citons le mations majeure par rapport à l’étude précédente. Ceci Plan national d’assainissement, le Programme national des déchets a permis d’évaluer plusieurs impacts supplémentaires dans ménagers et assimilés, le Programme de lutte contre les maladies chaque chapitre. Par exemple, dans le chapitre consacré à diarrhéiques, le Programme d’action national de lutte contre la l’eau, l’étude actualisée a pu évaluer les coûts induits par désertification (PANLCD) et le Plan national d’aménagement la surexploitation des eaux souterraines, la perte de zones des bassins versants (PNABV). Sur le plan institutionnel, humides, la contamination de l’eau par le déversement plusieurs textes de loi pour la protection de l’environne- d’eaux usées non épurées et la malnutrition. De même, ment ont été adoptés, notamment dans les domaines de le chapitre de l’air évalue l’impact de la pollution de l’air l’eau21, l’énergie22, l’air23, les déchets24 et le littoral25. En extérieur à l’échelle du pays, alors que l’étude réalisée en 2009, Sa Majesté le Roi Mohamed VI a lancé un vaste 2000 se limitait à quelques villes uniquement. Le chapitre débat mobilisant l’ensemble des acteurs en vue d’adopter des sols couvre la perte totale de terres de parcours en rai- une Stratégie pour l’environnement. A l’issue de ce débat, son du défrichement et de la désertification. Le chapitre la Charte nationale de l’environnement et du dévelop- des forêts évalue l’impact des incendies ; le chapitre des pement durable a été élaborée en 2010 puis formalisée déchets couvre l’impact occasionné par les déchets dan- dans une Loi-cadre adoptée par le Parlement en 2014. gereux, et le chapitre du littoral couvre les pertes induites Conformément à ses dispositions, une Stratégie nationale par la surpêche, sans se limiter aux sardines, comme ce de développement durable a été élaborée basée sur une fut le cas dans l’étude précédente. Par ailleurs, la présente large concertation avec l’ensemble des parties prenantes. étude utilise une méthodologie différente par rapport à celle employée dans le précédent rapport. En raison de 20 Cette tendance est le reflet d’une comparaison avant-après plutôt qu’une ces différences, les résultats de ces deux études sont diffici- comparaison avec ou sans analyse. Pour cette raison, il est difficile de quantifier lement comparables. l’impact exact des dernières réformes. Mais la tendance est claire quant aux impacts positifs des réformes et investissements engagés. Une bonne nouvelle au regard des défis à relever. Cependant, si nous excluons les “impacts supplémen- 21 Le décret n° 2-05-1533 relatif à l’assainissement autonome (2006) et le décret taires » évalués en 2014, le coût de la dégradation de l’en- n° 2-04-553 relatif aux déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou vironnement au Maroc s’élèverait, pour l’année 2014, à indirects dans les eaux superficielles ou souterraines (2005). 15 milliards de dirhams, alors que ce même coût serait de 22 Loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables (2010) et ses décrets d’application. 16,9 milliards de dirhams en 2000 (aux prix constants de 23 Loi n°13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air (2003) et ses textes 2014). Tout en tenant compte des différences méthodolo- d’application, le décret n° 2-09-286 (2009) fixant les normes de qualité et les giques évoquées plus haut, la comparaison entre les deux modalités de surveillance de l’air et le décret n°2-09-631 fixant les valeurs résultats indique que la dégradation de l’environ- limites de dégagement, d’émission ou de rejet de polluants dans l’air et les modalités de leur contrôle (2010). nement a baissé entre 2000 et 2014. Cette baisse 24 Loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination (2006) et ses s’avère encore plus importante en termes relatifs ; le CDE décrets d’application. est en effet passé de 590 dirhams/habitant en 2000 à 450 25 Loi n° 81-12 relative au littoral du 6 août 2015. xx Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré ES.1. Tendance de la dégradation de l’environnement entre 2000 et 2014 La comparaison entre les résultats des études effectuées en Figure ES.2. CDE par composante 2000 et 2014 indique que le coût de la dégradation de l’en- vironnement est passé de 590 dirhams/habitant en 2000 à environnementale en 2000 et 2014 200 450 dirhams/habitant en 2014, représentant une réduction de plus de 20%. Il convient de noter que cette comparaison est strictement indicative, étant donné que (1) la comparaison DH/habitant (prix constants de 2014) est partielle et ne comprend que les impacts ayant été évalués 150 dans les deux études ; et que (2) même ces impacts ont sou- vent été évalués à l’aide d’approches méthodologiques diffé- rentes, ce qui les rend difficilement comparables. 100 Cette réduction s’explique surtout par la baisse des coûts liés aux composantes eau et déchets municipaux (Figure ES.2). De manière spécifique, le coût de la dégradation de l’eau26 a baissé 50 de 60% pour passer de 190 dirhams/habitant à dirhams/ habitant, en raison de l’atténuation des impacts sur la santé des pratiques inappropriées d’approvisionnement en eau, 0 d’assainissement et d’hygiène (diarrhée chez les enfants de Eau Air Littoral Déchets Sols Forêts moins de 5 ans). Ce résultat est le fruit remarquable du Pro- gramme de lutte contre les maladies diarrhéiques mis en 2000 2014 œuvre par le Ministère de la Santé au cours de cette période. NB : Cette figure se limite aux coûts nationaux évalués dans les deux études. De plus, le coût lié à la gestion inadéquate des déchets municipaux27 a été réduit de moitié, pour passer de 80 dirhams/habitant à 40 dirhams/habitant. Ceci reflète une meilleure gestion des déchets municipaux au cours de la Programme d’action national de lutte contre la désertifica- dernière décennie, grâce au Programme national de déchets tion et le Plan national d’aménagement des bassins versants. ménagers et assimilés lancé en 2006. Les coûts liés à la dégradation des sols sont restés proches La dégradation des forêts, associée à un faible coût par rap- aux estimations de l’etude 2000. Tandis que les coûts liés à la port aux composantes susmentionnées, semble avoir consi- pollution atmospherique ont legèrememnt augmenté. Ceci dérablement baissé de 5 dirhams/habitant à 0,3 dirhams/ est en grande partie expliqué par la difference des polluants habitant, ce qui reflète les efforts fructueux déployés par mesurés (PM2,5 dans la presente étude ; PM10 dans l’étude le gouvernement pour la protection des forêts, comme le 2000) et par la methodologie appliquée. 26 27 5. Conclusions les impacts de la dégradation environnementale à l’échelle nationale sont deux fois plus importants Principales conclusions et recommandations dégagées : que ceux induits à l’échelle mondiale. »» Le coût de la dégradation de l’environne- »» La comparaison entre les études de 2000 et 2014 ment pour la société marocaine est évalué à indique que le coût de la dégradation de l’en- 3,52% du PIB, alors que le coût des émissions de gaz vironnement pour la société marocaine a à effet de serre pour l’environnement global est baissé au cours de cette période de plus de estimé à 1,62% du PIB. Ces résultats montrent que 20 pourcent, au titre des composantes environne- mentales couvertes par les deux études. Toutefois, 26 Aux fins de la présente comparaison, le coût lié à l’eau se limite aux impacts une telle comparaison demeure indicative en raison sur la santé (mortalité et morbidité dues à la diarrhée chez les enfants de moins des résultats partiels et des différences dans l’ap- de 5 ans) en raison des pratiques inadéquates d’approvisionnement en eau, d’as- proche méthodologique adoptée dans les deux cas. sainissement et d’hygiène, et au coût de l’envasement des barrages. 27 Cette évaluation tient compte du coût occasionné par la collecte inadéquate »» Conformément aux conclusions dégagées en 2000, des déchets municipaux et la pollution des eaux souterraines. l’eau et l’air présentent toujours les défis les Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc xxi plus importants. Cela nécessite des mesures notamment dans les grandes villes industrielles pour préserver les ressources hydriques en limitant comme Casablanca, Marrakech et Tanger. la surexploitation des eaux souterraines et le déver- »» La gestion des déchets municipaux solides, les sement des eaux industrielles non épurées dans les impacts sur la santé induits par les pratiques inap- cours d’eau. Des efforts sont actuellement déployés propriées d’approvisionnement en eau, d’assai- dans ce sens avec l’appui de la Banque Mondiale nissement et d’hygiène, et la protection des forêts dans le domaine des eaux souterraines (p. ex. sou- ont connu d’importants progrès grâce aux tenir l’agence de bassin hydraulique de Oum Er réformes et programmes engagés par le gouverne- Rbia pour élaborer un « contrat de nappes  »,) la ment depuis la dernière étude. dépollution industrielle (p.ex. aider le gouverne- »» Enfin, il convient de signaler le domaine ment à préparer un Plan national pour la dépol- émergent des déchets industriels/dange- lution industrielle) et les eaux usées domestiques reux qui n’a pas été couvert par l’étude précé- (p.ex. aider à lancer un projet d’assainissement dente. La gestion inappropriée de ce genre de dans le cadre du Plan National d’Assainissement). déchets constitue un sujet de préoccupation pour La pollution de l’air extérieur pose quant à elle un l’environnement aussi bien que pour la santé. problème qui requiert une attention particulière, xxii Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Chapitre 1 Introduction Saad Belghazi et Maria Sarraf Ce rapport vient en continuation de l’étude intitulée «  Évaluation du coût de la dégradation de l’environnement au Maroc » (Sarraf et al. 2003). Elle répond à une demande du Gouvernement qui souhaite en actualiser les résultats et mesurer l’effet des réformes engagées pendant plus d’une décennie pour la protection de l’environ- nement. La mise à jour des résultats de la première étude a pour objectif d’offrir un éclairage sur l’évolution des coûts de la dégradation des principales composantes de l’environnement  : l’eau, l’air, les terres agricoles, les forêts, les zones côtières et les déchets. L’étude de  2003 avait estimé pour la première fois, au Maroc, à l’échelle nationale, le coût de la dégradation de l’environnement (CDE). Nous nous limiterons dans cette introduction à une brève évocation du contenu de l’étude publiée en 2003 et des composantes du CDE. Cette étude a été un point de départ dans l’intégration des questions environnementales dans les politiques et les institutions publiques, ainsi que dans les grandes entreprises privées. Elle a contribué à l’élargissement de la base de connaissance sur les aspects économiques de la dégra- dation de l’environnement au Maroc et à l’élaboration des grands programmes envi- ronnementaux. Enfin, elle a participé, parmi d’autres facteurs, à la prise de conscience sur la nécessité de mobiliser des ressources financières pour protéger et valoriser l’environnement. Le coût de la dégradation a été évalué, pour l’année  2000, à 3,7 % du PIB (pro- duit intérieur brut). L’étude avait souligné les principaux facteurs de la dégradation de l’environnement et mesuré les pertes économiques, en pourcentage du PIB, affec- tant différents domaines d’activité économiques. Ainsi, l’aggravation de la salinité de l’eau, la pollution et la contamination des eaux douces, l’envasement des barrages et la surexploitation des eaux souterraines se traduisent par des pertes équivalentes à 1,2 % du PIB dans l’agriculture irriguée, la pêche en eau douce, la valeur esthétique des plans d’eau et des paysages, ainsi que par des coûts de santé, liés à la hausse de la mor- bidité et de la mortalité dues aux maladies d’origine hydrique. Les dégradations du littoral ont été estimées à 0,5 % du PIB, celles provoquées par la mauvaise gestion des Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 1 déchets à 0,5 % du PIB. Les coûts de santé induits par la Plusieurs des travaux qui ont suivi l’étude ont permis de pollution de l’air, ainsi que la perte de la valeur esthétique renforcer l’argumentaire en faveur de la mobilisation du paysage, ont été estimés à 0,59 % du PIB en 2000. Les de ressources destinées à protéger, valoriser et remé- pertes de rendement des terres arables et la réduction de dier aux dégradations de l’environnement. L’estimation la biomasse des terres de parcours, dues à la dégradation du coût de la dégradation, à 3,7 % du PIB, a ainsi permis des sols, ont été estimées à 0,41 % du PIB. Les effets de la de dénoncer la faiblesse de la dépense publique nationale déforestation, sous formes de réduction du stock de bois, allouée à la protection et à la valorisation de l’environ- d’érosion des bassins-versants et d’envasement des bar- nement, estimée en moyenne annuelle à 0,7  % du PIB rages, d’inondations, de perte de biodiversité et de perte (Royaume de Maroc 2009). de valeur paysagère, ont été estimés à 0,03 % du PIB. Concernant la comptabilité environnementale, Les évaluations de la dégradation de l’environnement dont l’objet est de compléter l’information de la Compta- effectuées par l’étude publiée en 2003 ont contribué à la bilité Nationale en mesurant les interactions entre l’envi- prise de conscience des enjeux, stimulé les décisions de ronnement et l’économie, la stratégie récemment adoptée réformes et facilité la mobilisation des ressources pour (MEMEE 2014) a désigné deux axes prioritaires : l’axe l’engagement d’investissement dans des chantiers vitaux «  ressources naturelles  » concernant l’eau et les déchets pour le pays, tels que la collecte, le traitement et le recy- et l’axe économique concernant les dépenses publiques et clage des eaux usées et des déchets ménagers. privées en biens et services environnementaux, ainsi que les recettes de la fiscalité environnementale. La stratégie de Concernant les politiques environnementales, la comptabilité environnementale envisage d’institution- l’étude de  2003 a servi de référence à plusieurs travaux naliser le dispositif à travers l’établissement entre les orga- fondateurs lancés en vue d’élaborer les instruments de nismes producteurs d’informations environnementales la politique environnementale du Maroc. Les estima- et des mesures visant le renforcement des compétences tions réalisées dans l’étude du CDE ont été utilisées pour humaines dans le domaine. La première action envisagée élaborer les documents de référence du Plan National par cette stratégie concerne le secteur des déchets pour d’assainissement en  2005, du Programme national des lequel est proposée l’élaboration de quatre tableaux: les déchets ménagers et assimilés en  2006. Une importante ressources physiques, les emplois physiques, les ressources étude régionale a été réalisée en 2006, adoptant la même monétaires et les emplois monétaires. méthodologie en vue d’améliorer le programme de dépol- lution du bassin du Sebou (MATEE 2006). De même, il Concernant les instruments institutionnels et convient de citer une étude de la Wilaya du Grand Agadir légaux, la «  Stratégie de proximité du département de établissant un tableau de bord des dégradations environ- l’environnement  » est un document de référence, elle a nementales et de leurs coûts (Royaume du Maroc 2004). été présentée au Conseil national de l’environnement et adoptée en  2009 (Royaume du Maroc 2009). Depuis Concernant les instruments économiques, il la production de l’étude, plusieurs textes de loi ont été convient de citer à cet égard l’étude, réalisée en 2007, por- adoptés. Ces textes ont abordé les domaines de l’eau28, de tant sur la fiscalité environnementale et l’important rap- port, qui en est dérivé, présenté en 2009 au Conseil national 28 Le décret n° 2-05-1533 relatif à l’assainissement autonome (2006) et le décret de l’environnement, intitulé «  Les instruments écono- n° 2-04-553 relatif aux déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou miques au service de la protection de l’environnement ». indirects dans les eaux superficielles ou souterraines (2005). 2 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc l’énergie29, de l’air30 et des déchets31. La loi la plus récente 132 objectifs et nécessitera une enveloppe de 97 concerne le domaine du littoral (Loi n° 81.12 relative au milliards de dirhams entre 2015-2020. Sa mise en littoral du 6 août  2015). Tous ces textes adoptés contri- œuvre devrait se traduire par un gain de 6 % du PIB, face buent à une meilleure gestion de l’environnement et des à un coût brut de 2 % du PIB. Parmi ces gains, 2 % pour- ressources naturelles. raient être obtenus en ramenant le coût de dégradation de l’environnement de 3,7 % (année 2000) à 1,7 % en 2020. Un vaste débat a été lancé par Sa Majesté le Roi Moha- med VI en  2009 mobilisant l’ensemble des acteurs de Références la société civile et de l’économie en vue d’adopter une MATEE (Ministère Chargé de l’Aménagement du Ter- Stratégie pour l’environnement. À l’issue de ce débat, ritoire, de l’Eau et de l’Environnement). 2006. Etude la Charte nationale de l’environnement et du dévelop- du coût de la dégradation de l’environnement dans le pement durable élaborée en  2010 a été formalisée dans bassin de Sebou. Direction des Etudes, de la Planifi- une Loi-cadre adoptée par le Parlement en février 2014. cation et de la Prospective. Conformément à ses dispositions, une Stratégie nationale MEMEE (Ministère délégué auprès du Ministre l’Ener- de développement durable (SNDD) a été élaborée basée gie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement chargé sur une large concertation avec l’ensemble des parties pre- de l’Environnement). 2014. Etude sur la démarche de nantes : secteur public, opérateurs privés et société civile mise en place d’un système de Comptabilité Environ- (Royaume de Maroc 2014). nementale au Maroc. La SNDD véhicule une vision qui s’appuie sur la promo- Sarraf, M., M. Belhaj et A. Jorio. 2003. Royaume du tion d’une société tolérante et créative, le renforcement Maroc. Evaluation du coût de la dégradation de l’en- de la compétitivité, le développement humain et la cohé- vironnement. Rapport No. 25992—MOR. Banque sion sociale, et enfin la prise en compte systématique des mondiale. enjeux environnementaux. Le tout devrait contribuer Royaume du Maroc. 2004. Tableau de bord méso- à converger vers une «  économie verte et inclusive  » économique des coûts et bénéfices environnementaux d’ici 2020. Pour atteindre cette vision, la SNDD a du Grand Agadir—Résultats et Guide méthodolo- été déclinée en 7 enjeux, 31 axes stratégiques et gique. Secrétariat d’État à l’Environnement, Wilaya du Grand Agadir. Pillet, Zein, Benyahia et al. Royaume du Maroc. 2009. Stratégie de proximité du 29 Loi n° 13-09 relative aux énergies renouvelables (2010) et ses décrets département de l’environnement. Conseil National d’application. de l’Environnement—Ministère de l’Énergie, des 30 Dans le domaine de l’air, citons la Loi n°13-03 relative à la lutte contre la pollution de l’air (2003) et ses textes d’application, le décret n 2-09-286 (2009) mines, de l’eau et de l’environnement—Secrétariat fixant les normes de qualité et les modalités de surveillance de l’air et le décret d’État chargé de l’Environnement. n°2-09-631 fixant les valeurs limites de dégagement, d’émission ou de rejet de Royaume du Maroc. 2014. Stratégie Nationale de Déve- polluants dans l’air et les modalités de leur contrôle (2010). loppement Durable 2015-2020. Rapport final. Août 31 Dans le domaine des déchets, citons la Loi n° 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination (2006) et ses décrets d’applications portant sur 2014. la classification des déchets et fixant la liste des déchets dangereux, la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques, les procédures administratives et les prescriptions techniques relatives aux décharges contrôlées, etc. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 3 Chapitre 2 Cadre Méthodologique Lelia Croitoru et Maria Sarraf La dégradation de l’environnement impose un large éventail de coûts pour la société. Un cadre méthodologique exhaustif est nécessaire pour s’assurer que ces coûts soient considérés d’une façon systématique et cohérente. Ce chapitre décrit le cadre métho- dologique utilisé pour l’estimation du coût de la dégradation environnementale (CDE), en se concentrant sur l’objectif et le contexte d’évaluation (Section 2.1), les méthodes appliquées (Section 2.2), ainsi que d’autres considérations liées à l’évaluation (Section 2.3). 2.1. Objectif et contexte L’objectif de cette étude est d’actualiser l’estimation du CDE réalisée en 2003 au Maroc. Plus précisément, la présente étude estime en termes monétaires le coût éco- nomique de la dégradation environnementale causée par les activités déroulées pen- dant l’année de référence 2014 - l’année la plus récente pour laquelle la plupart des informations sont disponibles. Il faudrait noter que certaines activités ont des impacts à court terme (impacts actuels); par exemple, la pollution de l’air cause souvent des problèmes de santé (p.e. bronchite, symptômes respiratoires). D’autres activités ont des répercussions à long terme (impacts futurs): le défrichement induit des pertes des services éco systémiques pour une période assez longue, jusqu’à la régénération des écosystèmes. Cette étude estime la valeur des impacts actuels et futurs causés par les activités déroulées pendant l’année de référence. Ainsi, elle mesure la valeur actualisée des coûts annuels et futurs en utilisant un taux d’actualisation de 6% (Banque mondiale 2016) et un horizon temporel de 25 ans, choisi comme durée moyenne d’une génération32. Le CDE estime des pertes à trois niveaux: social, à travers la morbidité et mortalité dues à la pollution de l’air et de l’eau; économique, tel que les pertes de production des forêts et des terres de parcours dues aux défrichements; et environnemental, comme 32 En supposant qu’une personne d’âge moyen pourra bénéficier des services environnementaux pour encore 25 ans. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 5 la réduction de la valeur récréative des plages causée par négatifs sur la santé, tels que la diarrhée et la malnutrition. la dégradation du littoral. L’évaluation se fonde sur des Ces maladies causent des pertes en termes de mortalité, informations secondaires. Les résultats finaux sont expri- évaluées à travers le concept de valeur statistique de la vie més en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) pour (VSV), et de morbidité, estimées sur la base du nombre montrer l’ampleur des dommages par rapport à un indi- d’années de vie vécues avec de l’incapacité (AVI) (Encadré cateur macroéconomique. 2.1). En plus, l’étude estime les coûts de traitement et de soin en considérant les coûts effectivement payés (médi- L’étude s’est déroulée entre Mai 2015 et Mai 2016. La caments, consultations médicales, hospitalisation) impu- collecte de données s’est basée sur des consultations avec tables à la diarrhée, aussi bien que les coûts d’opportunité des représentants des ministères concernées, des publi- du temps passé par la famille auprès des enfants malades. cations officielles et des articles scientifiques publiés aux niveaux national et international. Air. La pollution de l’air a des impacts significatifs sur la santé humaine. L’étude estime  les effets  de la pollution 2.2. Méthodes de l’air extérieur due à l’exposition de la population aux particules fines en suspension dans l’air (PM2,5) au Maroc; d’évaluation et ceux de la pollution de l’air intérieur causés par l’ex- L’analyse est groupée selon sept catégories environne- position aux PM2,5 de la population rurale utilisant du mentales: eau, air, sols, forêts, déchets, littoral et environ- combustible solide pour la cuisson. La pollution de l’air nement global. Pour chaque catégorie, l’étude estime les extérieur et intérieur provoque des décès prématurés chez impacts de la dégradation environnementale à travers les adultes et les enfants33. L’étude quantifie ces impacts plusieurs méthodes d’évaluation. Le Tableau 2.1 présente en utilisant les plus récentes relations cause à effet déve- un résumé de ces méthodes, alors que les paragraphes sui- loppées par la littérature épidémiologique34. En termes vants décrivent brièvement leur application pour chaque monétaires, l’estimation des coûts de mortalité se base catégorie. Pour une description détaillée de la méthodo- sur la VSV, alors que celle de la morbidité se fonde sur le logie d’évaluation, plusieurs publications sont disponibles consentement à payer (CAP) pour éviter la perte d’utilité (Dixon et al., 1994; Freeman 2003; NRC 2005; Barbier créée par des risques de morbidité (Encadré 2.1). 2007; Markandya 2014; Mendelsohn et Olmstead 2009). Sols. La dégradation des sols affecte les terres agricoles, Eau. La dégradation de l’eau induit plusieurs coûts pour à travers l’érosion des terres de culture en sec et la salini- l’économie et l’environnement. Certains dommages, sation des terres de culture irriguées; et les terres de par- comme l’envasement des barrages, la surexploitation des cours, à cause du défrichement, de la désertification et de eaux souterraines et le déversement des eaux domestiques la dégradation. Les impacts de ces problèmes sont estimés et industrielles, sont estimés à travers la méthode basée sur sur la base de la méthode du changement de productivité, le coût de remplacement, qui apprécie la valeur d’un dom- en s’appuyant sur des relations cause à effet entre les pres- mage à travers le coût de restauration des bénéfices perdus sions sur les sols (p.ex. érosion, salinisation) et la réduction à cause de la dégradation. D’autres dommages, comme de la productivité des terres. L’estimation monétaire se ceux liés aux changements et variabilité climatiques et à base sur le prix de marché (pour la production agricole) et la dégradation des zones humides, sont estimés à travers la le transfert des bénéfices (pour les services de régulation et méthode du changement en productivité. Cette méthode culturels fournis par les terres de parcours). évalue la conséquence d’une pression (p.ex. diminution de la disponibilité en eau) sur la productivité (p.ex. de l’agri- culture), ou bien sur la valeur économique totale d’une zone (p.ex. zones humides). 33 Il s’agit de décès dus aux cardiopathies ischémiques, accidents vasculaires cérébraux, maladies pulmonaires obstructives chroniques et cancer du poumon chez les adultes  ; ainsi que des infections aiguës des voies respiratoires infé- En outre, les pratiques inadéquates d’approvisionnement rieures chez les enfants (Pope et al. 2009 ; 2011 ; Lim et al. 2012). en eau potable, d’assainissement et d’hygiène ont des effets 34 Voir l’Encadré 4.2, chapitre 4 pour une description détaillée de ces relations. 6 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 2.1. Dégradation de l’environnement et méthodes d’évaluation Les impacts principaux Méthode d’évaluation employée Eau Impacts sur l’environnement et l’économie •  envasement des barrages Coût de remplacement •  surexploitation des eaux souterraines Coût de remplacement •  dégradation des zones humides Changement de productivité •  variabilité climatiques sur la disponibilité en eau Changement de productivité •  déversement eaux domestiques et industrielles Coût de remplacement Impacts sur la santé •  diarrhée VSV (mortalité) et AVI (morbidité) •  malnutrition Coût de traitement et d’opportunité Air Impacts sur la santé •  pollution de l’air extérieur VSV (mortalité) •  pollution de l’air intérieur CAP (morbidité) Sols Terres agricoles •  impact de l’érosion sur les terres de cultures en Changement de productivité sec Prix de marché •  impact de la salinisation des terres de cultures irriguées Terres de parcours •  impact du défrichement, désertification et Changement de productivité ; Prix de marché ; dégradation Transfert des bénéfices Forêts Défrichement Prix de marché Prix des biens de substitution Incendies Transfert des bénéfices Coût de remplacement Déchets Déchets ménagers •  collecte insuffisante des déchets CAP •  pollution des eaux souterraines Coût de restauration •  moins-value des terrains Prix hédoniques •  potentiel d’électricité et recyclage perdus Coût d’opportunité Déchets industriels dangereux •  absence de valorisation huiles usagées Prix de marché •  coût d’exposition au plomb AVI (morbidité) Littoral •  impact de la surpêche Changement de productivité •  pertes récréatives dues à la dégradation des CAP plages Environnement •  impacts des émissions CO2 provenant Prix du carbone et la valeur sociale du carbone global de différents secteurs économiques sur l’environnement global Notes: VSV = valeur statistique de la vie; AVI = années de vie vécues avec de l’incapacité; CAP = consentement à payer Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 7 Encadré 2.1. Estimation de la mortalité et morbidité L’estimation de la mortalité peut se baser sur le concept de Sur cette base, la VSVMaroc est estimée entre 183,000 et la valeur statistique de la vie (VSV, ou Value of Statistical Life) 200,000 de $EU. Ceci correspond à un’ intervalle de 1,5 mil- ou de la valeur statistique des années de vie (VSAV, ou Value lions de dirhams à 1,7 millions de dirhams, soit une moyenne of Statistical Life Years) (Desaigues et al. 2011 ; Narain et Sall de 1,6 millions de dirhams. Nous utilisons cette estima- 2016). Ce chapitre utilise le premier concept pour mesurer la tion pour l’évaluation d’un décès prématuré du aux détermi- valeur de la mortalité. La VSV se fonde sur le principe que les nants environnementaux. actions et les décisions humaines impliquent souvent l’évalua- L’estimation de la valeur de la morbidité est réalisée à tra- tion des risques pour la sante. Par exemple, en acceptant une vers deux façons: offre de travail, nous évaluons implicitement tous ses caracté- pour les impacts de la pollution de l’air sur la santé (Cha- (1)  ristiques comme le salaire, l’ambiance de travail et le risque pitre 4), la valeur de la morbidité se fonde sur le consen- pour la santé. Les emplois qui comportent des risques pour la tement à payer (CAP) pour éviter la perte d’utilité créée santé offrent souvent des compensations additionnelles, par par les risques de morbidité (p. ex. toux chronique, etc.). exemple un salaire plus élevé. En examinant ces évaluations Selon une analyse entreprise dans les pays de l’OCDE implicites, nous pouvons déduire la valeur que les individus (Hunt et al. 2016  ; OCDE 2014), le coût de morbidité donnent pour une réduction marginale du risque de morta- du à la pollution de l’air est environs 10% du coût de lité, et calculer la VSV (Viscusi 2005). mortalité. L’estimation de la VSV a été l’objet de nombreuses études dans le monde (p.ex. Etats Unies, Canada, Italie, Chine, (2) pour les autres impacts liés aux déterminants hydriques de la santé (Chapitre 3) et à l’exposition au plomb (Chapitre Suède), citées par plusieurs méta analyses (Biausque 2012  ; 7), l’évaluation se base sur le concept de l’années de vie Bellavance et al. 2009  ; Lindjehm et al. 2011). A notre vécues avec de l’incapacité (AVI). Il n’y a pas de consen- connaissance, aucune évaluation n’a été conduite pour sus sur l’évaluation monétaire de l’AVI. Deux approches Maroc. Cependant, l’Organisation de coopération et de pourraient être considérées: développement économiques (OCDE 2012) a évalué la VSV »» l’approche du capital humain, à travers laquelle la pour neuf pays de la région à une moyenne variant de 4,4 à valeur économique d’une année perdue à cause d’une 4,8 millions de $EU (valeur ajustée en prix 2014). En utilisant maladie est équivalente au PIB par habitant, soit 27 la méthode du transfert des bénéfices, nous estimons la VSV 360 de dirhams. pour Maroc, comme suit (Narain et Sall 2016): »» l’approche basé sur la VSAV, en utilisant le transfert VSVMaroc = VSVOCDE * [(PIB/habitant)Maroc/(PIB/habitant)OCDE]e des bénéfices estimés pour les pays OECD (Desaigues Ou : et al. 2011). Ainsi, la VSAV pour le Maroc serait esti- VSVMaroc = VSV pour Maroc mée entre 31 200 de dirhams et 97 800 de dirhams, VSVOCDE = VSV pour les pays OCDE (moyenne) soit une moyenne de 64 500 de dirhams. (PIB/habitant)Maroc = PIB par habitant au Maroc (PIB/habitant)OCDE = PIB par habitant pour les pays OCDE En considérant la valeur minimale entre les deux estimations (moyenne) obtenues ci-dessus, la valeur de la morbidité due aux déter- e = élasticité de la VSV au revenu (variant de 1 à 1,4 avec une esti- minants hydriques de la santé et à l’exposition au plomb cor- mation centrale de 1,2) respond à 27 360 de dirhams en 2014. Forêts. Les forêts marocaines sont sujettes à certaines produits non ligneux), prix des biens de substitution (four- pressions, telles que les défrichements, les incendies, et rage) et transfert de bénéfices (recréation). L’évaluation du d’autres formes de surexploitation. Nous estimons les coût lié aux incendies prend en compte les pertes des ser- pertes des biens et services fournis par les forêts à cause vices éco systémiques ainsi que d’autres coûts nécessaires des défrichements et incendies. L’estimation du coût lié pour la régénération des formations boisées incendiées au défrichement considère une perte totale des bénéfices (travaux sylvicoles, clôtures, etc.)35. sur la surface défrichée  pour toute la période d’analyse. La valeur de ces pertes est estimée à travers plusieurs 35 L’évaluation considère que ces pertes sont graduellement récupérées au fur et méthodes: prix de marché (pour le bois, le liège, les à la mesure que les forêts se régénèrent. 8 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Déchets. Dans cette catégorie, nous estimons les coûts de plus la portée de l’étude est vaste. Les évaluations à dégradation liée aux déchets ménagers, en termes de: col- l’échelle nationale sont donc beaucoup moins précises que lecte insuffisante des déchets, sur la base du CAP de la celles obtenues à un niveau local ou au niveau d’un projet. population pour une meilleure couverture de la collecte; pollution des eaux souterraines, en s’appuyant sur le coût Par ailleurs, il convient de préciser que certaines pertes de traitement des eaux polluées avec lixiviats; moins-value ou dégâts restent difficiles à estimer. Dans certains cas, le des terrains, estimée à travers la différence des prix des manque de données nécessaires impose le recours à l’uti- terrains avec des caractéristiques similaires situés à proxi- lisation des résultats d’autres études (à travers la méthodo- mité des dépotoirs sauvages; et potentiel d’électricité et logie du transfert des bénéfices) réalisés dans des contextes recyclage perdus à cause du manque de récupération du similaires. Ceci rend les résultats encore plus approxima- méthane, sur la base du manque à gagner de ces béné- tifs ou partiels. Dans d’autres cas, le manque d’informa- fices. En plus, nous évaluons le coût de dégradation liée tion rend certaines évaluations partielles (p.ex. l’impact de aux déchets industriels dangereux en termes de pertes l’urbanisation, voir l’Encadré 2.2) ; ou empêche complète- économiques dues à l’absence de valorisation des huiles ment l’évaluation d’autres impacts, au niveau micro (p.ex. usagées, en se basant sur le prix de marché; et l’impact les effets des nitrates sur la qualité de l’eau, de l’envasement de l’exposition au plomb sur la santé des enfants, en s’ap- des barrages sur la turbidité de l’eau, de la dégradation du puyant sur l’AVI (Encadré 2.1). milieu marin sur la biodiversité) ainsi que macro (p.ex. les impacts indirects de la dégradation environnementale sur Littoral. La concentration des activités touristiques, la sécurité alimentaire, les exportations, la croissance du portuaires et de pêche dans certaines zones du littoral PIB). Par conséquent, il est important de souligner que les est à l’origine de pressions exercées sur les écosystèmes résultats finaux expriment des ordres de grandeur, qui vivants et les paysages. L’étude estime: (i) le coût de la sont souvent sujets à des sous-estimations. surpêche, à travers la méthode du changement de pro- ductivité. Ainsi, les pertes de poisson sont évalués sur la Il convient aussi de noter que cette étude a bénéficié base de la différence entre le stock optimal et le stock d’une disponibilité d’informations majeure par rapport courant; (ii) la perte récréative due à la dégradation des à l’étude CDE réalisée en 2003. Ceci a permis d’inclure plages, à travers le CAP des touristes pour une meilleure plusieurs coûts de dégradation qui n’ont pas été pris en qualité des plages. compte dans l’étude précédente, tels que la surexploita- tion des eaux souterraines, les pertes en zones humides, la Environnement global. Le développement écono- pollution de l’eau par les rejets domestiques et industriels, mique du pays conduit aux émissions de gaz à effet de les impacts des déchets dangereux, etc. En outre, la pré- serre, tels que le dioxyde de carbone (CO2), le dioxyde de sente étude utilise souvent une méthodologie différente soufre (SO2) et le méthane (CH4). Cette étude estime le par rapport à celle employée par le rapport précédent. coût global lié aux émissions de gaz à effet de serre (GES) Dans certains cas, ceci est du à l’évolution de la méthodo- sur la base des émissions totales CO2-équivalentes, et la logie même pendant les derniers 15 ans, comme c’est le valeur de 1tCO2 – sur la base du prix sur le marché inter- cas des relations cause à effet pour estimer les impacts de national, ainsi que de la valeur sociale du carbone. la pollution de l’air sur la santé (Chapitre 4) ; dans d’autres cas, les informations disponibles au niveaux national et 2.3. Limitations de l’etude international ont permis l’utilisation des approches plus précises de la même méthodologie (Chapitre 5). En raison Malgré la gamme riche de méthodes disponibles, cette de ces différences, les résultats de ces deux études sont étude démontre que leur application est souvent conten- difficilement comparables. tieuse. Tout d’abord, la précision des résultats diminue Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 9 Encadré 2.2. Les effets de l’urbanisation sur l’économie et l’environnement L’urbanisation a des impacts sur l’environnement et les travers le coût de la pollution de l’air) et le Chapitre 9 espaces naturelles et agricoles. Bien que la présente étude ne (qui estime le coût lié aux émissions de gaz à effet de dédie pas un chapitre aux effets de l’urbanisation, ces effets serre). sont indirectement pris en compte dans plusieurs chapitres. »» Les opérations de construction sont susceptibles de Dans la mesure du possible, l’étude a essayé de tenir compte modifier ou de perturber directement ou indirectement des impacts physiques et non physiques liés à l’urbanisation, une composante des milieux naturels et humains. Elle afin d’estimer le coût de dégradation y afférant. Cepen- sont reliés aux différentes phases de réalisation des dant, la disponibilité d’informations a permis une évaluation projets, à savoir la pré construction, la construction et monétaire uniquement de certains impacts, et une évaluation l’exploitation/entretien. Certains impacts de ces opéra- qualitative d’autres effets, comme présenté ci-dessous : tions ont été estimés dans le Chapitre 4 - dédié au coût »» Le phénomène d’urbanisation accentué génère un de la pollution de l’air, qui traite les polluants atmos- étalement urbain des villes au détriment des espaces phériques générés aussi par le secteur de construction. naturels et agricoles environnant et s’accompagne d’un »» Le littoral marocain connaît une pression importante allongement des déplacements au quotidien, d’une tant pour les ressources qu’il dispose que pour ses hausse des émissions de gaz à effet de serre, ainsi que potentialités. Il fait également l’objet d’une forte spécu- d’une imperméabilisation des sols. Ces effets ont étés lation foncière et subit un mouvement d’urbanisation pris en compte dans le cadre du Chapitre 5 (pertes dues important pouvant provoquer une dégradation des au défrichement des terres de parcours), Chapitre 6 zones côtières et une pollution des sites. Le Chapitre (coût lié au défrichement des forêts), et Chapitre 9 (coût 8 décrit l’importance de l’urbanisation comme fac- relatif aux émissions de gaz à effet de serre). teur majeur de dégradation (Encadré 8.1) et prend en »» L’habitat non règlementaire dispose rarement de sys- compte indirectement le coût de la pollution des sites à tèmes d’évacuation des eaux usées ou des déchets travers la réduction de la valeur récréative des plages. solides. Cette situation peut se traduire à travers une »» La construction et l’entretien des routes absorbent une forte pollution des eaux et du sol. Certains de ces importante production nationale de granulats et génère impacts ont été traités dans le Chapitre 3 (qui estime le des déchets routiers colossaux, mis en décharge. De coût lié au déversement des eaux domestiques et indus- même, les travaux routiers, en dehors de la circulation, trielles non traitées) et Chapitre 7 (à travers l’impact de contribuent en grande partie à l’augmentation des la pollution des eaux souterraines par le lixiviat). émissions de CO2. Le Chapitre 9, dédié à l’estimation »» La densité urbaine accentuée a des impacts sur la pol- du coût des émissions des gaz à effet de serre prend lution de l’air et sur l’augmentation des effets de serre. en compte les émissions CO2 provoqués par les travaux Ces effets ont été pris en compte dans le Chapitre 4 (à routiers. Références Desaigues B., D. Amia, A. Bartczak, M. Braun-Kohlová, S. Chiltond, M. Czajkowski, V. Farreras, A. Hunt, Banque mondiale. 2016. Discounting costs and benefits in M.  Hutchison, C. 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Les ressources en eau y sont gravement menacées par la surexploitation et la détérioration de leurs qualités, et plus encore aujourd’hui alors que s’y ajoute l’impact du changement climatique. Ce chapitre estime les coûts économiques de la dégradation des ressources hydriques du Maroc. Après une introduction et une présentation générale du secteur de l’eau (Sections 3.1 et 3.2), le chapitre examine les principales pressions qui s’exercent sur la ressource (Section 3.3), présente l’approche d’évaluation (Section 3.4) et estime les principaux impacts de la dégradation de l’eau sur l’environnement et l’economie (Section 3.5) et sur la santé (Section 3.6). La section 3.7 présente les conclusions du chapitre. 3.1. Introduction Les ressources en eau du Maroc sont sujettes à des pressions anthropiques croissantes et continues sous l’effet notamment de la croissance démographique, du développement socio-économique du pays et du changement des modes de vie et de consommation. Ces pressions affectent tant la disponibilité de l’eau que sa qualité, et se manifestent par des prélèvements excessifs, des rejets polluants et des changements dans l’affecta- tion des sols (REEM 2015). En outre, sous l’effet du changement climatique, les précipitations moyennes diminuent au fil du temps, tandis que leur intensité et leur variabilité intra-annuelle augmentent, induisant ainsi des risques de crues et de sécheresses (DMN  2007). La diminution des précipitations et leur irrégularité temporelle conduisent à une intensification de l’exploitation des réserves en eau souterraine pour la satisfaction des besoins en eau d’irrigation et à un dysfonctionnement de l’exploitation des infrastructures hydrau- liques existantes. Les statistiques de ces dernières années montrent une nette tendance à la baisse de la disponibilité hydrique par habitant. La disponibilité de l’eau – d’environ 1 700 m3 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 13 par personne dans les années soixante-dix – n’est actuel- pluviométrie entre ces deux années consécutives a plus lement que d’environ36  700 m3. Outre les sécheresses que quintuplé la production des céréales, le plus impor- récurrentes subies par le pays au cours des trois dernières tant contributeur à la formation du PIB agricole (Balaghi décennies, une demande croissante, résultant notamment et al. 2007). La pénurie en eau qui se confirme d’année en de la croissance de la population et du développement année a des répercussions négatives aussi bien sur la santé économique, a accentué cette tendance. et le bien-être de l’homme que sur la santé et l’intégrité des écosystèmes. Des études hydrologiques ont montré que la fréquence des sécheresses a augmenté. Une analyse des données 3.2. Les ressources historiques du climat du pays sur une période de 30 ans a démontré l’apparition de sécheresses modérées tous les en eau trois ans, de sécheresses moyennes tous les cinq ans et de Eaux conventionnelles. Les ressources hydriques dont graves sécheresses tous les 15 ans (Banque mondiale 2013). dispose le Maroc sont limitées de manière naturelle par Le déficit en termes de satisfaction de la demande d’eau la situation géographique du pays et son exposition aux à l’échelle nationale pourrait atteindre 4 milliards de m3 aléas climatiques. Le potentiel hydraulique mobilisable d’ici à  2050 dans une hypothèse de baisse de  15  % des dans les conditions techniques et économiques actuelles apports (SCN 2010). est estimé à environ 22 milliards de m3, dont 18 milliards de m3 d’eaux superficielles et 4,3 milliards de m3 d’eaux Aujourd’hui, plus que dans le passé, la question de l’eau souterraines (DRPE  2015). Cette estimation reste tribu- se pose avec acuité au Maroc. Le pays est classé parmi taire du niveau d’évaporation des eaux37 et de l’intensité les 20 pays les plus stressés en termes de disponibilité des des précipitations qui dépendent du changement clima- ressources en eau. Il est indexé à 4,2 sur une échelle de 5, tique. Devant ces défis, le stockage des eaux souterraines le qualifiant comme un pays « extrêmement risqué » en – en plus que la quantité d’eau renouvelable – représente matière de disponibilité de l’eau (WRI 2014). Cette vul- une ressource d’importance stratégique pour faire face nérabilité est d’autant plus importante que la sécurité aux sècheresses futures. alimentaire du pays dépend de l’agriculture, elle-même fortement liée à la pluviométrie et à la disponibilité des Les apports pluviométriques se caractérisent par une ressources hydriques ; les terres agricoles pluviales repré- forte irrégularité spatiale et temporelle. Environ 50 % sentent en effet  85  % de la superficie agricole utile, de ces apports sont concentrés sur  15  % seulement soit 7,4 millions ha (MAPM 2014a). de la superficie totale du pays, et 67 % des ressources en eaux superficielles sont stockées dans les bassins L’agriculture marocaine, principal pilier de l’économie hydrauliques de Loukkos, Sebou et d’Oum Er Rbia du pays, est donc presque totalement dépendante de la (Figure 3.1). pluviométrie dont le volume varie selon les régions et les années agricoles. Les rendements des principales cultures Dans un contexte de rareté des ressources hydriques, et subiront des variations très importantes en raison de la pour accompagner le développement du pays, le Maroc forte variabilité des précipitations et de la fréquence élevée s’est engagé depuis longtemps dans la mise en place d’im- des sécheresses (Jlibene et Balaghi 2009). La dépendance portantes infrastructures hydrauliques. Cette politique a du secteur agricole à l’égard des précipitations est très permis de doter le pays de 140 grands barrages totalisant bien illustrée par la forte baisse du produit intérieur brut une capacité de stockage d’environ 17,6 milliards de m3 et (PIB) agricole constatée en 1995, une année caractérisée de plusieurs milliers de forages et de puits captant les eaux par une faible hydraulicité (198,2 mm), alors qu’en 1996, souterraines (MdEau 2016b). année de fortes précipitations (591,3 mm), il a enregistré une augmentation de 78 %. La variation de 1 à 3 de la 37 Ceci varie d’une région à une autre et selon les saisons, entre 1.35 et 2.7 mètres 36 http://www.water.gov.ma/ressources-en-eau/presentation-generale/ (Loup 1957), et atteint 2.8 mètres à Ouarzazate (Agoussine et al. 2004). 14 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Figure 3.1. Eaux souterraines et écoulements moyens d’eau de surface par bassin hydrographique 6000 Eau souterraine mobilisable 5000 Ecoulements moyens 4000 de surface millions m3 3000 2000 1000 0 s ya u g a t sa ris b sif ko re bo bi ha u as hé n r-R eg uk lo Se da Te M r-R ou ur Lo -E Ed s- Bo M ui um us ed G So O z- Ou Zi a er m Ha El kia Sa Source : SNE (2010) Ces infrastructures ont permis d’assurer le développement Le dessalement de l’eau de mer est une solution pour l’ap- de l’irrigation à grande échelle sur une superficie avoisi- provisionnement en eau potable des provinces du sud qui nant 1,5 million ha, l’approvisionnement en eau potable sont faiblement dotées en eau conventionnelle. Le volume de presque la majorité de la population aussi bien urbaine d’eau de mer actuellement dessalée est de  300  000  m3 que rurale, la satisfaction des besoins en eau industrielle et par jour, soit 109,5 millions de m3 par an (DRPE 2014)38. touristique et la production d’environ 10 % de l’énergie La SNE prévoit une production d’eau de mer dessalée à électrique consommée. l’horizon  2030 de près de  400  millions de m3 par an. Il est prévu de réaliser à court et à long termes des unités à Le pays a aussi adopté une politique de solidarité entre les Laayoune, Agadir, Tiznit, Sidi Ifni, Chtouka, Essaouira, régions en vue d’assurer la répartition géographique des Safi, El Jadida, Casablanca, Al Hoceima et Saidia ressources hydriques. À cet effet, des transferts d’eau inter- (Ziyad 2009). régionaux ont été mis en œuvre bien que ces transferts soient très coûteux aussi bien pour l’économie que pour Outre la mobilisation des eaux non conventionnelles et le l’environnement. dessalement de l’eau de mer, le Maroc oriente sa politique de gestion de l’eau vers une rationalisation de la demande. Eaux non conventionnelles. Le Maroc s’est engagé La faible efficience de l’utilisation de l’eau se manifeste dans la mobilisation des eaux non conventionnelles pour par des systèmes d’irrigation et des réseaux de distribution pallier le déficit hydrique. Il s’agit de la réutilisation des d’eau potable faiblement performants à l’origine de pertes eaux usées traitées, de la recharge artificielle des nappes importantes de volumes d’eau. Des efforts sont entrepris souterraines et de la production d’eau douce par dessale- pour réaliser des économies d’eau dans l’irrigation en ment d’eau de mer ou déminéralisation d’eau saumâtre favorisant l’adoption de systèmes d’irrigation localisée (Casanova et al. 2013). Le Plan national de l’eau (PNE) fixe un objectif des eaux usées réutilisées de 325 mil- Le coût du dessalement de l’eau de mer est compris entre 10 et 20 dirhams par 38 lions m3 par an, à l’horizon 2030. m3, soit un coût moyen de 15 dirhams par m3 (SECEE 2011). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 15 ainsi que dans la consommation d’eau potable par l’amé- L’évolution des niveaux du plan d’eau a connu des baisses lioration des réseaux de distribution et de la facturation. généralisées sur l’ensemble des principales nappes du Royaume. On note que le volume annuel moyen surex- 3.3. Les principales ploité est d’environ 955 millions de m3/an (MdEau 2016b). problématiques Le changement climatique est aujourd’hui une réalité Plusieurs problèmes affectent les ressources en eau au au Maroc, comme partout d’ailleurs dans le monde. Le Maroc, liés à la réduction de la disponibilité et à la dégra- GIEC (2015) estime avec un degré de confiance élevé que dation de la qualité de ces ressources. d’ici le milieu du siècle le débit annuel moyen des cours d’eau et la disponibilité des ressources en eau diminueront »» Diminution de la quantité d’eau disponible dans le bassin méditerranéen et cette baisse des ressources en eau est imputable aux changements climatiques. La rareté. Les ressources hydriques dont dispose le Maroc sont naturellement limitées en conséquence de la Une étude (Driouech  2010) portant sur l’analyse des situation géographique du pays et de son exposition aux précipitations dans la région atlantique (notamment au aléas climatiques. Ces limitations s’accentuent avec la nord de Safi), pendant la période 1961–2008, a montré progression des besoins économiques liés à la croissance des baisses décennales de 5 % (à Tanger) et de 17 % (à démographique et une utilisation peu efficiente de l’eau Midelt) par rapport à la moyenne des précipitations de caractérisée par le gaspillage de la ressource, plus particu- la période 1961–1990. Une autre étude effectuée par la lièrement de l’eau d’irrigation. Banque mondiale (2013) a montré que, selon les modèles climatiques (MPI, MRI, CSIRO) et les scénarios d’émis- L’envasement des barrages. La dégradation des éco- sions (A1B et A2) utilisés pour évaluer le climat du Maroc, systèmes naturels continentaux, causée principalement les précipitations sont susceptibles d’atteindre des baisses par les prélèvements excessifs de bois de forêts, le surpâ- de 41 % d’ici à la fin du siècle par rapport à la période de turage  et les défrichements des terrains forestiers et de référence 1961–1990. Cette baisse varie selon les modèles parcours au profit de l’extension des cultures ou d’autres et les scénarios, comme le montre le tableau ci-dessous. usages, contribue à l’accentuation de l’érosion hydrique et éolienne, surtout dans le cas des terrains qui sont déjà Dans le cadre de la Troisième communication nationale en état de vulnérabilité critique. Ces pressions anthro- (MEMEE 2016), il a été conclu après usage de deux scéna- piques conjuguées aux impacts du changement climatique, rios du GIEC (RCP 2.6 et RCP 8.5) et pour les échéances engendrent un changement dans l’affectation des sols et fixées par le GIEC dans son cinquième rapport, qu’une accentuent par conséquent les différentes formes d’érosion. tendance à la baisse des cumuls annuels des précipitations Il en résulte, entre autres impacts, l’envasement des rete- sera observée et cette baisse se situera entre 10 et 20 % nues des barrages avec une perte de capacité de stockage pour atteindre 30 % sur les provinces sahariennes à l’hori- estimée à  75  millions m3 par an (DRPE  2014). Celle-ci zon 2100. engendre une perte en volume régularisé ou garanti pour les usagers, qui varie selon les bassins hydrauliques. Au Maroc, on a déjà assisté à une diminution signifi- cative des précipitations lors des dernières décennies La surexploitation des eaux souterraines. Sous (DMN  2007) affectant le remplissage des retenues des l’effet d’une surexploitation occasionnée par la demande barrages et la recharge des nappes phréatiques. L’analyse en eau des activités économiques et aussi par la satisfaction de l’évolution historique des apports hydriques au Maroc des besoins en eau potable, on constate un rabattement entre  1950–1996 a fait apparaître une réduction de ces important des aquifères. L’impact de cette surexploitation apports d’environ  20  %, soit une diminution moyenne est exacerbé par la diminution des précipitations liée à la annuelle de 0,43 %. variabilité du climat et à son changement. 16 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 3.1. Changement de précipitation A1B A2 Période Statistiques CSIRO MPI MRI CSIRO MPI MRI Référence Précipitations 197,04 209,74 199,64 197,04 209,74 199,67 (1961–1990) moyennes (mm) Période actuelle Changement de  –1 % –12 %   4 %   1 % –15 %   3 % (1991–2020) précipitations Milieu du siècle Changement de –15 % –35 % –21 % –19 % –24 % –4 % (2040–2069) précipitations Fin du siècle Changement de –21 % –38 % –3 % –21 % –41 % –7 % (2070–2099) précipitations Banque mondiale (2013) En se basant sur cette dernière estimation qui n’est qu’un En ce qui concerne les eaux souterraines, la qualité bac- ordre de grandeur qui renseigne sur une baisse obser- tériologique et organique des nappes contrôlées est excel- vée et probablement aussi attendue, et sur un potentiel lente à bonne. La qualité minéralogique et azotée a connu hydraulique mobilisable dans les conditions techniques une détérioration par endroits ou généralisée. En effet, et économiques actuelles d’environ  22  milliards de m3, 45 % des stations d’eaux souterraines affichent une qualité on pourra estimer la perte annuelle d’eau qui résulterait dégradée contre 55 % une qualité excellente à moyenne, du changement climatique à 94,6 millions de m3 (22 mil- résultant de la pollution par les nitrates et la salinité. liards de m3 * 0,43%). Cette situation se traduit par un manque à gagner au niveau de la production énergétique De nombreux déversements de déchets solides – domes- et par une faible intensification agricole (El Badraoui et tiques ou industriels – se font soit dans des décharges non- Berdai 2011). contrôlées (souvent localisées en bordures de cours d’eau), soit directement dans la nature. Le retard accusé dans »» Dégradation de la qualité des ressources en eau l’équipement en infrastructures d’assainissement liquide conduit souvent à la vidange des eaux non épurées dans Dans le cadre de la surveillance de la qualité des ressources les cours d’eau ou dans la mer. L’impact de ces noyaux de en eau et en vue d’orienter les prises de décisions visant vie sur l’environnement peut se traduire dans une forte à sauvegarder ou à restaurer leur qualité, le Département pollution du sol et des eaux. de l’eau procède régulièrement, à travers ses Agences de bassins hydrauliques, à l’évaluation qualitative des res- De fait, les charges polluantes domestiques générées par sources en eau. les rejets liquides urbains et ruraux sont estimées à près de 400 000 tonnes de matières oxydables et le volume des La qualité des eaux de surface et souterraines est compro- eaux usées épandues dans le milieu naturel par l’industrie mise par diverses pollutions solides et liquides. En effet, les atteint environ  964  millions de m3 par an, dont  80  mil- mesures et les analyses de la qualité de l’eau effectuées au lions de m3 déversés dans le Domaine public hydraulique cours de l’année 2014–2015 (MdEau 2016a) ont conclu (DRPE  2014). Il faudrait mentionner également que les que les cours d’eau ont été globalement de qualité bonne eaux usées produites dans le monde rural contribuent à moyenne à l’exception des points de prélèvements situés aussi à la pollution des eaux, surtout dans des zones ou en aval des rejets urbains. En effet 71  % des stations cette production est concentrée. échantillonnées ont présenté une eau de qualité excellente à moyenne et 29 % des stations de qualité mauvaise à très L’activité industrielle est assurée par plus de 8  000 uni- mauvaise. tés de production, réparties en 227 activités, dont 81 sont Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 17 jugées potentiellement polluantes. Dans le cadre du Fonds constitue une pression importante sur les ressources en de Dépollution industrielle (FODEP), 74 projets de traite- eau souterraine, représentant ainsi une menace pour la ment des rejets liquides ont été réalisés et ont permis de santé humaine, plus particulièrement dans le monde rural traiter 40 000 m3 d’eau usée par jour (MdEau 2016a) soit qui l’utilise comme eau potable. environ 14,5 millions de m3 par an. En plus, dans le cadre du Mécanisme Volontaire de Dépollution Industrielle Malgré les conclusions de ce rapport et d’autres études Hydrique (MVDIH), les projets retenus vont permettre le qui confirment l’impact négatif de l’agriculture intensive traitement d’environ 21 000 m3 d’eaux usées par jour, soit sur certaines nappes souterraines, le manque et l’insuf- 7 millions de m3 par an (communication avec le Ministère fisance de données qui renseignent et documentent les délégué chargé de l’environnement). Les rejets industriels impacts de la consommation de l’eau sur la santé humaine provoquent une augmentation de la température des res- rendent l’évaluation du coût de dégradation de cet impact sources en eau ; une modification du pH ; une modifica- au niveau national difficile à réaliser. tion de la turbidité  ; une consommation d’oxygène  ; et, des effets inhibiteurs et toxiques des micropolluants orga- La pollution des eaux se manifeste par la présence de niques et métalliques (Jaouher 2009). teneurs élevées en nitrates dans les eaux souterraines et par une qualité chimique et biochimique dégradée des eaux de La dégradation de la qualité des eaux résulte aussi de surface. L’évaluation de la qualité de l’eau a montré que l’écoulement et l’infiltration de lixiviats produits au près de la moitié des ressources hydriques souterraines et la niveau des décharges non contrôlées de déchets solides. moitié des ressources des eaux superficielles sont affectées Le coût qui en résulte est estimé dans le chapitre consacré par la pollution (DRPE  2014). La quasi-totalité des sta- aux déchets solides. Des informations précises en ce sens tions où les mesures ont été réalisées est située à proximité pouvant être exploitées à des fins d’estimation du coût de de cours d’eau affectés par les rejets urbains et industriels dégradation ne sont pas encore disponibles. qui proposent une qualité d’eau dégradée. L’industrie minière est aussi une source non négligeable La qualité des eaux des aquifères côtiers, aussi bien sur le de pollution hydrique par le biais des eaux d’exhaure et de littoral atlantique que le long du littoral méditerranéen, lavages des minerais, des eaux usées et des déchets solides est aussi affectée par la salinisation. Les aquifères côtiers qu’elle génère suite à l’extraction et au traitement des du Maroc, sont très vulnérables à la salinisation, due à minerais. Il convient de noter à cet égard qu’une étude des prélèvements supérieurs à la capacité de renouvelle- du Ministère chargé de l’eau relative à l’impact de la pol- ment39, à la diminution des précipitations et à l’élévation lution minière sur la qualité des ressources en eau est en du niveau de la mer liée au changement climatique. En cours. conséquence, l’intrusion de l’eau de mer rend l’eau de ces aquifères non utilisable. Plusieurs cas sont observés le long La pollution diffuse générée par l’usage d’intrants agri- des côtes atlantiques et méditerranéennes marocaines coles chimiques (engrais et pesticides) est aussi une source (El Mandour 1998 ; Hilali 2002 ; Stitou El Messari 2002). de pollution des eaux de surface par le lessivage d’élé- ments chimiques, ou des eaux souterraines par l’infiltra- La qualité des eaux des retenues de barrages et de rivières tion de ces éléments. On observe une dégradation de la peut être aussi affectée par l’eutrophisation. Ce phéno- qualité des eaux souterraines à cause de la pollution par mène est observé dans de nombreux sites et il est dû aux les nitrates (MdEau 2016a). En effet 45 % des eaux souter- conditions climatiques (faibles précipitations) et aux rejets raines ont été évaluées de qualité dégradée contre 55 % de organiques et minéraux dans les eaux. Cette eutrophisa- qualité excellente à moyenne. Ces teneurs élevées ont été tion, outre les problèmes techniques qu’elle engendre au enregistrées dans les nappes de Béni Amir, Béni Moussa, Maâmora (73 mg/l) et Fès Meknès qui atteint 154 mg/l. Des tendances à la hausse ont été également consta- 39 Pour les besoins d’irrigation ou d’approvisionnement d’infrastructures tées dans certaines régions. La pollution par les nitrates touristiques 18 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc niveau des infrastructures hydrauliques, nuit à la qualité valeur. En particulier, la dégradation de l’eau engendre des eaux potables et augmente le coût de traitement. des impacts en termes de : i) valeurs d’usage direct, telles que pertes dans l’agriculture irriguée, la pêche, la santé 3.4. Approche et et le tourisme  ; ii) valeurs d’usage indirect  : déclin du méthodes prix des terrains urbains avoisinant le littoral pollué  ; et iii) valeurs de non-usage  : perte de la biodiversité aqua- d’évaluation tique. Ces pertes se traduisent par des coûts économiques. Les ressources hydriques, de surface ou souterraines, four- Le Tableau 3.2 illustre brièvement les méthodes utilisées nissent plusieurs biens et services, tels que l’eau d’irrigation, pour évaluer les coûts des différentes formes de dégrada- l’eau potable, le maintien de  l’habitat aquatique et de la tion, alors que les sections suivantes présentent l’applica- biodiversité. La somme de ces catégories de valeurs forme tion détaillée de chaque méthode. la valeur économique totale (VET) de ces écosystèmes. Le concept de VET a été très utilisé pour estimer la valeur de Il faudrait noter que le processus d’évaluation des coûts divers écosystèmes, tels que les zones humides (Turner et économiques est relativement délicat compte tenu de al. 2000) et les forêts (Merlo and Croitoru 2005). La VET la diversité et de la complexité des différents coûts qui comprend trois composantes principales : la valeur d’usage peuvent être associés à la dégradation de la qualité ou de direct, qui découle de l’utilisation directe de la ressource, la quantité d’eau disponible. De plus, certains coûts (par telle que l’utilisation de l’eau potable ou de l’eau d’irriga- exemple ceux induits par la salinisation des aquifères et tion ; la valeur d’usage indirect, liée aux services fournis par par l’eutrophisation) n’ont pas été estimés en raison d’un la ressource ; et la valeur de non-usage, qui est attribuée aux manque de données  ; d’autres dommages, tels que les autres espèces ou habitats sans intention ou possibilité de les pertes dans les secteurs de la pêche et du tourisme dues utiliser, par exemple la conservation de la biodiversité. à la dégradation marine et côtière sont analysés dans le chapitre relatif au littoral. Le résultat de cette évaluation Toute variation négative des flux de biens et services ne peut être qu’approximatif et renseigne sur un ordre de fournis par les ressources hydriques induit une perte de grandeur plutôt que sur un coût exact et exhaustif. Tableau 3.2. Dégradation de l’eau et méthodes d’évaluation Les impacts principaux La méthode employée Impacts sur l’économie et l’environnement Envasement des barrages Coût de remplacement Surexploitation des eaux souterraines Coût de remplacement Dégradation des zones humides classées sites Ramsar Coût de remplacement Changements et variabilité climatiques et diminution des apports Méthode de la productivité pluviométriques Pollution de l’eaux et coût d’épuration des eaux usées urbaines Coût de remplacement Impacts sur la santé Diarrhée VSV (mortalité) AVI (morbidité) Coût de traitement Coût d’opportunité Malnutrition VSV (mortalité) AVI (morbidité) Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 19 3.5. Impacts sur 13,5 millions de dirhams et 45 millions de dirhams, soit une moyenne de 29,3 millions de dirhams. l’economie et l’environnement Il convient de mentionner que l’envasement des barrages entraîne aussi d’autres coûts que nous n’avons pas la pos- Cette section présente les coûts liés à la diminution de la sibilité d’estimer dans la présente étude, faute de données quantité (Section 3.5.1) et de la qualité des ressources en suffisantes. Il s’agit des coûts qui sont dus à la turbidité eau (Section 3.5.2), ainsi que le coût total des impacts sur des eaux, source de coûts supplémentaires pour le trai- l’économie et l’environnement (Section 3.5.3). tement des eaux potables et des coûts de maintien des systèmes d’irrigation localisée, l’eutrophisation, l’envase- Coûts liés à la diminution de 3.5.1.  ment des canaux d’irrigation dû aux eaux trop chargées la quantité des ressources en matières en suspension occasionne aussi des coûts en eau supplémentaires, etc. La diminution de la disponibilité de l’eau résulte de l’en- vasement des retenues des barrages, de la surexploitation des nappes phréatiques ou/et de la diminution des préci- ii) La surexploitation des eaux souterraines pitations suite à l’impact du changement climatique. Cette Le volume annuel moyen surexploité est d’environ diminution entraîne une perte de productivité agricole, 955  millions de m3/an, reparti par bassins hydrauliques une perte de productivité hydro-électrique, un manque à comme illustré par le tableau ci-dessous. gagner en termes d’approvisionnement en eau potable et industrielle et une diminution de la valeur totale des éco- Tableau 3.3. Surexploitation par bassin systèmes humides, y compris la valeur d’usage récréatif. hydraulique Cette section estime les coûts liés : i) à l’envasement des barrages ; ii) à la surexploitation des eaux souterraines ; Volume surexploité Bassins Mm³/an iii) aux pertes en zones humides ; et iv) aux pertes liées au changement climatique. Loukkos – Moulouya  30 Sebou 157 i) L’envasement des barrages L’envasement annuel des barrages correspond à une perte Bouregreg et la Chaouïa  32 en capacité de stockage des retenues d’environ 75 millions Oum Er Rbiâa 298 de m3 par an (DRPE 2014). Ceci engendre une perte en Tensift 180 volume régularise ou garanti pour les usagers. En consi- Souss-Massa- Drâa 255 dérant qu’au moins 30 %40, en moyenne, de l’érosion du sol est susceptible d’être induite par des activités anthro- Guir- Ziz-Rhris – piques dégradant le milieu telles que la surexploitation Sakia El Hamra et Oued Eddahab   3 des forêts, les défrichements, le surpâturage, les pratiques Total 955 agricoles inadaptées, la perte de capacité de stockage des barrages occasionnée serait de l’ordre de 22,5 millions de Source : MdEau (2016b) m3 par an. Le coût annuel induit par la surexploitation des nappes Le coût de l’envasement des barrages a été évalué sur la souterraines a été estimé sur la base du coût de mobilisation base du coût de développement des ressources en eaux des eaux en quantité équivalente, plus particulièrement par les barrages qui varie entre 0,6 à 2 dirhams par m3 pour les bassins les plus concernés par la surexploitation (MdEau 2016b). Sur cette base, le coût total varie entre de Souss Massa, Sebou, Tensift et Oum Errabiaa. »» Bassin Souss Massa Draa : Le volume d’eau 40 Estimée sur la base de l’avis des experts en aménagement des bassins versants souterraine surexploitée de ce bassin est estimé à 20 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 255 millions de m³/an. Le dessalement de l’eau de fin de la période et un taux d’inflation de 1,2%, mer, aussi bien pour l’alimentation en eau potable l’annuité actualisée pour l’année 2014 serait de que pour l’irrigation, peut alléger la pression sur la 550,8 millions de dirhams. nappe.  En se basant sur un coût moyen de dessa- »» Bassin Oum Errabiaa : La mobilisation de l’eau lement de41 10 dirhams/m3, le coût engendré par par les barrages pour soulager la pression sur la nappe ce remplacement est de l’ordre de 2 550 millions (dont la surexploitation est estimée à 298 millions de dirhams. de m3/an) couterait environ 1,3 dirhams/m3. »» Bassin Sebou  : Un projet de transfert de l’eau Ainsi le coût moyen annuel serait de 387,4 millions à partir du complexe Mdez-Ain Timdrine vers la de dirhams. plaine de Saiss est prévu pour la sauvegarde de la nappe de Saiss. La totalité de la production de l’eau Le coût total annuel est donc estimé à 3 803 millions de du barrage, soit 120 millions de m3, est destinée à dirhams. l’irrigation de 30 000 ha de terres agricoles répar- ties en 5000 exploitations appartenant à 25 000 iii) Les pertes en zones humides agriculteurs. Le coût financier pour l’année  2010 Selon le premier inventaire national des zones humides du complexe est de 1  138 millions de dirhams et (INZH), on dénombre au Maroc plus de 120 sites situés le coût des aménagements de l’infrastructure d’ir- principalement entre le Moyen et le Haut Atlas. Depuis, rigation est de 3800 millions de dirhams (prix de les résultats provisoires du deuxième INZH, publiés au l’année 2014) (communication avec le Chef de début de  2014, mentionnent l’existence de  300 zones Service, Ministère de l’agriculture, 9 septembre humides, dont vingt-quatre sites Ramsar. Ces zones 2016). En considérant que le complexe a une humides sont sources d’une multitude de biens et ser- durée de vie de 50 ans et l’aménagement d’infras- vices écosystémiques. Cependant, ces écosystèmes fragiles tructures d’irrigation une durée de vie de 45 ans, subissent diverses pressions anthropiques et naturelles, une valeur résiduelle nulle après ces périodes, un notamment par la réduction de l’approvisionnement ou taux de capitalisation de 6  % et un taux d’infla- leur surexploitation. Outre les perturbations hydrolo- tion de 1,2%, on peut estimer le cout de transfert giques causées par l’usage croissant des eaux de surface et associé à l’année 2014 à 68,8 millions de dirhams42 souterraines à des fins domestiques ou agricoles, ces zones pour le complexe et à 245,9 millions de dirhams43 humides subissent les pressions des rejets polluants et des pour les infrastructures d’irrigation, soit un total de défrichements (Chillasse et Dakki 2004). 314,7 millions de dirhams. »» Bassin Tensift  : La réutilisation des eaux Sur un échantillon de 23 zones humides, on estime qu’en- usées pour alléger la pression sur la nappe dont viron 25 % de la surface ont été perdus par asséchement la surexploitation est évaluée à 180  millions de entre  1978 et  1999, soit une perte moyenne annuelle m³/an, nécessitera six stations d›épuration des minimum de  1,2  % de la superficie des  23 sites (Green eaux usées (STEP) de capacité identique à celle et al. 2002). Si on applique ce taux de perte aux 24 sites actuellement installée à Marrakech en  2011 qui Ramsar couvrant une superficie d’environ  272  000  ha, offre une capacité de 33 millions de m3/an pour la superficie minimum perdue annuellement dans des un coût total d’investissement de 1 232 millions de zones humides d’importance majeure serait de l’ordre dirhams44. En se basant sur une durée de vie de de 3 264 ha. 25 ans par STEP, une valeur résiduelle nulle à la Khattabi (1997) estime la VET approximative45 d’une 41 http://www.entreprendre.ma/Deux-nouvelles-stations-de-dessalement-d- lagune atlantique (Merja Zerga) et de ses environs. Cette eau-de-mer-dans-le-Souss_a5242.html 42 = 1138 x 0,06/(1–1/1,06^50) x (1–0,012)^4 43 = 3800*0,06/(1–1/1,06^45) 45 Elle comprend les valeurs d’usage telles que l’agriculture, la pêche, la récréa- 44 746 millions de dirhams  (coût du traitement primaire et secondaire) + 486 tion pendant la saison estivale, l’exploitation de la végétation aquatique, le pâtu- millions de dirhams (coût du traitement tertiaire et du réseau de réutilisation) rage ainsi que la valeur de non-usage. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 21 VET comprend les valeurs d’usage telles que l’agricul- Selon les données du Ministère chargé de l’Eau, le volume ture, la pêche, la récréation pendant la saison estivale, annuel d’eaux usées domestiques urbaines collectées est l’exploitation de la végétation aquatique, le pâturage ainsi de 528 millions de m3, et le taux d’épuration des eaux usées que la valeur de non-usage. Corrigée par l’indice des domestiques urbaines est de 38 % (MdEau, 2016a). On en prix à la consommation des biens et services divers pour déduit que le volume des eaux non épurées est d’environ l’année 2014, cette valeur est estimée à 93 108 dirhams 327  millions de m3 par an (62  % du total). Le coût du par ha perdu. Le coût de dégradation de l’ensemble des dommage à l’environnement engendré par le déversement zones humides peut donc être estimé à 304 millions de des eaux usées domestiques urbaines non épurées dans la dirhams. nature est estimé, en hypothèse basse, sur la base du coût moyen d’épuration. En utilisant un coût d’épuration des eaux usées domestiques compris entre 1,5 et 3,5 dirhams/ iv) Le changement et la variabilité climatiques m3 (estimation auteurs) variant en fonction du niveau et Le changement et la variabilité climatiques provoquent du type de pollution et du degré de dépollution ciblé, le une perte annuelle d’eau estimée à  94,6  millions de m3 coût de la dégradation de la qualité de l’eau causée par (voir section  3.3). Une estimation de l’impact de cette les rejets domestiques urbaines est compris entre 491 mil- perte sur la principale utilisation de l’eau pluviale qui lions de dirhams et 1 145,8 millions de dirhams, soit une est l’agriculture se base sur la perte de production ou de moyenne de 818 millions de dirhams. productivité associées à la perte ou aux insuffisances des apports en eau. La valeur économique unitaire de cette Eaux usées industrielles. Pour les eaux usées indus- perte de production ou de productivité agricole varie de trielles répandues dans le milieu naturel, elles sont 2,5 dirhams à 5 dirhams/m3 (Communication avec M. El estimées à environ 964 millions de m3 par an, dont 80 mil- Balghiti, MAPM,  2016). La perte économique annuelle lions de m3 déversés dans le domaine public hydraulique correspondant à la baisse des apports hydriques causée (DRPE 2014). Les projets FODEP ont pu traiter environ par le changement et la variabilité climatiques est éva- 14,5 millions de m3 par an (MdEau 2016a). En plus, les luée46 entre  241,5  millions de dirhams et 483  millions projets mis en œuvre dans le cadre du MVDIH permettent de dirhams, soit une moyenne de 362,3  millions de le traitement d’environs 21 000 m3 par jour, soit environs dirhams. 7 millions m3 par an (communication avec le Ministère délégué chargé de l’environnement). N’ayant pas plus Cette perte ne prend pas en considération le manque à d‘information sur la quantité totale d’eaux industrielles gagner en termes de charge des nappes par les précipi- traités (mise à part celle du FODEP et du MVDIH), nous tations, d’impact sur les écosystèmes et la biodiversité, de considérons d’une manière grossière qu’au moins la moi- recharge des retenues de barrages, etc. tié du volume des eaux usées industrielles n’est pas trai- tée, soit environ 471 millions de m3 par an [964 – (14,5 + Coûts de la dégradation 3.5.2.  7)]/2  = 471.3 millions de m3. En se basant sur un coût de la qualité des ressources moyen de traitement47 de 7 dirhams/m3, le coût engendré en eau serait de l’ordre de 3 297 millions de dirhams. Cette section essaye d’estimer le coût lié à la dégrada- tion due au déversement des eaux domestiques et À ceci s’ajoutent les coûts de la dégradation engendrée industrielles non traitées dans la nature. par le rejet des eaux usées produites dans le monde rural, par l’eutrophisation des eaux au niveau des retenues de Eaux usées domestiques. Le rejet des eaux usées barrages et par la salinisation des aquifères, qui n’ont pas non épurées de certains centres urbains et l’absence de pu être estime dans le cadre de cette étude. raccordement de certains quartiers au réseau d’assainis- sement entraînent des problèmes de pollution des eaux. 47 Ce coût dépend du type de pollution, du degré d’épuration, de la capacité de traitement de l’unité d’épuration, etc. Ce coût moyen estimatif a été commu- niqué par le responsable du Bureau chargé du programme FODEP au niveau 46 96,6 Mm3 x 2,5 dirhams/m3 – 96Mm3 x 5 dirhams/m3 du MdE. 22 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Coût total des impacts 3.5.3.  certaines maladies vectorielles: le paludisme, la maladie sur l’environnement et de Chagas, l’onchocercose et la leishmaniose51. Cepen- l’économie dant, puisque ces fractions sont calculées uniquement aux Globalement, le coût total des impacts sur l’environnement niveaux global et régional, et non pas au niveau de pays, et l’économie est compris entre 8,2 milliards de dirhams nous ne les utilisons pas dans cette étude. et 9 milliards de dirhams, avec une moyenne de 8,6 mil- liards de dirhams pour 2014 (Tableau 3.10). Des méthodes ont été développées pour le calcul des frac- tions attribuables aux déterminants hydriques sur la santé 3.6. Santé pour la diarrhée (Prüss-Ustun et al. 2014) et la malnutri- tion (Blossner et Onis 2005). Sur la base de ces méthodes, Les pratiques inadéquates d’approvisionnement en eau nous évaluons les impacts des déterminants hydriques sur potable, d’assainissement et d’hygiène – appelées déter- ces maladies. minants hydriques de la santé48 dans ce chapitre – peuvent causer des effets néfastes sur la santé humaine. Il s’agit Les estimations se basent principalement sur les statis- d’une large gamme de maladies susceptibles d’être véhi- tiques du Ministère de la Santé et sur des consultations culées par plusieurs voies de transmission : ingestion d’eau avec les services de ce ministère (par exemple la Direc- (diarrhée, arsenicose, fluorose), hygiène personnelle insuf- tion de l’hygiène du milieu, le Centre antipoison et de fisante (diarrhée, trachome, gale, encéphalite japonaise), pharmacovigilance, etc.), ainsi que sur les statistiques de contact avec l’eau contaminée (schistosomiase) et systèmes l’OMS pour le Maroc. d’eau contaminée (légionellose) (OMS 2014). Les risques pour la santé causés par les déterminants 3.6.1. La diarrhée hydriques ont été analysés en profondeur dans la littéra- Dans cette section, nous estimons les coûts liés  : i) à la ture scientifique (Esrey et al. 1991 ; Fewtrell et al. 2005 ; mortalité, ii) à la morbidité, ainsi que iii) aux dépenses de Waddington et al. 2009). L’Organisation mondiale de la traitement et de soins imputables aux cas de morbidité santé (OMS) a établi des relations au niveau global entre dus à la diarrhée causée par des déterminants hydriques ces déterminants et la santé humaine pour certaines mala- de la santé. Le paragraphe final iv) évalue le coût total de dies, tels que la schistosomiase, le trachome et les infections la diarrhée. de nématodes intestinaux (ascaridiase trichocéphalose, ankylostomiase, autre) (OMS 2014)49. En outre, l’OMS a i) La mortalité fourni récemment des fractions attribuables à l’environ- La mortalité chez les enfants de moins de 5 ans. nement pour plusieurs maladies (OMS 2016)50, y compris La diarrhée est l’une des causes principales de mortalité chez les enfants de moins de 5 ans dans les pays en voie de développement (voir Prüss et al. 2002). Cependant, il 48 Ce terme correspond à l’abréviation anglaise “inadequate WASH” (inadequate water, sanitation and hygiene). est important de noter qu’au Maroc, le taux de morta- 49 En particulier, ce document cite des fractions globalement attribuables aux lité pour ce groupe d’âge a diminué considérablement au déterminants hydriques de la sante de 66 % à 100 % (pour l’ascaridiase, l’anky- cours des dernières décennies, passant de 138 pour mille lostome, la trichocéphalose, la dengue, la schistosomiase, l’encéphalite japonaise en 1979 (Ministère de la Santé 2012a) à 30,5 pour mille et la trachome), de 33 % à 66 % (pour la filariose lymphatique, le paludisme, la dénutrition et ses conséquences, et la noyade). Selon le même document, la en  2011 (ENPSF  2011) et à 28 pour mille en  2014 contribution des déterminants hydriques de la santé à d’autres maladies (telles (UNIGME 2015). Cette réduction est le fruit des efforts que l’hépatite A, E, F, la légionellose, la gale, l’arsenicisme, la fluorose et la louables des programmes de santé infantile, en particulier méthémoglobinémie) n’a pas été quantifiée globalement. le Programme national de vaccination et le Programme 50 Il s’agit des maladies infectieuses et parasitaires (p.e. les infections respira- toires, les infections de nématodes intestinaux, la trachome, la schistosomiase, de lutte contre la malnutrition, de développement de l’encéphalite japonaise, la dengue, le paludisme, la maladie de Chagas, l’on- chocercose, la leishmaniose), des maladies néonatales et nutritionnels (p.e. des conditions néonatales et la malnutrition protéino-énergétique), et des maladies D’après les statistiques de l’OMS, parmi ces maladies vectorielles, unique- 51 non transmissibles (p.e. cancers, cataracte). ment la leishmaniose existe encore au Maroc. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 23 soins de santé primaire en milieu rural, d’amélioration des ordre de grandeur que celle réalisée par l’OMS (2014b) conditions de vie et de meilleure accessibilité des popula- pour le Maroc, indiquant 1 048 décès liés à l’approvision- tions les plus démunies aux services de santé (Ministère de nement en eau, assainissement et hygiène avec un inter- la Santé 2012). Selon l’UNIGME (2015), ce taux corres- valle de confiance de 95 %. Ce chapitre retient la valeur pond à environ 20 000 décès annuels. De plus, le pourcen- de 940 décès comme une estimation conservatrice. tage des cas de mortalité dus à la diarrhée a sensiblement baissé, passant de 9,7 % en 2000 à 5,4 % en 2013 (base Nous estimons les coûts liés à la mortalité sur la base de de données OMS52). On compte 1 080 décès infanto juvé- la valeur statistique de la vie (VSV). Au Maroc, elle a été niles dus à la diarrhée au Maroc. estimée entre 1,5 et 1,7 million de dirhams, soit 1,6 mil- lion de dirhams en moyenne (voir le Chapitre 2, Enca- Toutes les maladies diarrhéiques ne sont pas imputables dré  2.1). Sur cette base, la perte annuelle due aux décès au manque d’approvisionnement adéquat en eau potable diarrhéiques est estimée entre 1,45 milliard de dirhams et ou d’assainissement et d’hygiène. Récemment, l’OMS a 1,58 milliard de dirhams, soit une moyenne de 1,51 mil- estimé la proportion des décès attribuables aux détermi- liard de dirhams. nants hydriques pour tous les pays à revenu faible et moyen pour l’année 2012 (Prüss-Ustün et al. 2014 ; OMS 2016). Ils ont établi que les déterminants hydriques sont respon- ii) La morbidité La morbidité chez les enfants de moins de 5 ans. sables de 50 % des cas de mortalité dus à la diarrhée au Le Recensement général de la population et de l’habi- Maroc53. Par conséquent, on peut estimer que 540 décès infanto juvéniles sont imputables à la diarrhée causée par tat  2014 indique une population totale de  33,8  millions le manque d’approvisionnement adéquat en eau potable, habitants en  2014 (HCP  2015). Par ailleurs, la propor- d’assainissement et d’hygiène (g). tion des enfants de moins de 5 ans s’élève à 8,8 % de la population totale (Ministère de la Santé 2014). On peut La mortalité chez les sujets de plus de  5 ans. donc estimer la population infanto juvénile à  3  millions L’enquête nationale sur la population et la santé fami- d’enfants (Tableau 3.4). liale (ENPSF 2011) ainsi que les statistiques sur la santé consultées (Ministère de la Santé  2014  ; Ministère de L’ENPSF (2011) indique que la prévalence de diarrhée la Santé  2012a) ne fournissent pas d’informations sur durant les deux dernières  semaines précédant l’enquête les décès imputables à la diarrhée chez les sujets de est de 16,3 % au niveau national; les enfants les plus tou- plus de  5 ans. Cependant, les statistiques OMS (2014a) chés par la diarrhée habitent dans les régions de Taza-Al indiquent 800 décès dus à la diarrhée chez les sujets âgés Hoceima-Taounate (36,7 %), Souss-Massa-Draa (23,7 %) de plus de 5 ans, à savoir : 0 décès pour le groupe 5–14 ans, et Rabat-Salé-Zemmour-Zaer (23,5 %). Aucune informa- 100 pour les 15–29 ans, 200 pour les 30–59 ans, 400 pour tion n’est disponible concernant les variations saisonnières les 60–69 ans et 400 pour les sujets de plus de 70 ans. En de la morbidité chez les enfants. En utilisant la prévalence considérant que 50  % seulement  de ces cas sont impu- estimée au niveau national, nous obtenons 11,8 millions tables aux pratiques inappropriées liées à l’eau, ceci cor- de cas de diarrhée par an. La proportion des cas impu- respond à 400 décès (h). tables aux déterminants hydriques de la santé est estimée à 50 % (données OMS), ce qui correspond à 5,9 millions Ainsi, les pertes totales annuelles liées à la mortalité sont de cas. En considérant une durée moyenne de 4,6 jours/ chiffrées à 940 décès (g + h). Cette estimation est du même épisode (ENPSF 2011), la durée totale de cette maladie est estimée à 27,2 millions de jours. 52 OMS, Global Health Observatory data repository, http://apps.who.int/gho/ Nous estimons les pertes dues à la morbidité sur la base data/view.main.ghe300-MAR?lang=en (Février 2016) de la valeur des années de vie vécues avec de l’incapacité 53 Estimé en divisant le nombre de décès dus à la diarrhée causée par des déterminants hydriques (1048 décès  en  2012 selon l’OMS  2014b, p. 23) par (AVI), développée par l’OMS. Ce concept se base sur le le nombre total de décès diarrhéiques (2  078 décès en  2012 selon la base de fait qu’une maladie légère représente une petite fraction données OMS http://www.who.int/healthinfo/global_burden_disease/en/ ) d’une AVI, alors qu’une maladie plus sévère représente 24 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 3.4. Coût de la morbidité des enfants de moins de 5 ans Évaluation Notes/sources HCP 2015 et Ministère de la Santé 2014 Population enfants (< 5 ans) (millions) 3 Prévalence de la diarrhée durant les 2 dernières semaines 16,3 % ENPSF 2011 Nombre des cas de diarrhée par an (millions) 11,8 = 3 x 16,3 % x (365/15) •  % causé par des facteurs environnementaux (<5 ans) 50 % Communication OMS Nombre de cas de diarrhée due aux facteurs = 11,8 x 50 % environnementaux (< 5 ans) (millions) 5,9 Durée d’un cas de diarrhée (jours/cas) 4,6 ENPSF 2011 Durée de la maladie (jours, millions) 27,2 = 5,9 x 4,6 Distribution des cas : •  forme légère (% des cas) 90,5 % ENPSF 2011 •  forme modérée (% des cas) 8,9 % ENPSF 2011 •  forme sévère (% des cas) 0,6 % ENPSF 2011 Facteurs de pondération : •  forme légère 0,061 Salomon et al. 2012 •  forme modérée 0,202 Salomon et al. 2012 •  forme sévère 0,281 Salomon et al. 2012 Années vécues avec invalidité (AVI) totaux (< 5 5,574 27,2 millions jours * (90,5% * 0,061 + 8,9% * ans) 0,202 + 0,6% * 0,281)/365 Valeur AVI (dirhams) 27 360 HCP 2015 Coût de la diarrhée chez les enfants 152,5 (millions dirhams) une fraction importante d’une AVI. Pour exprimer la année plus récente, nous retenons 5 574 AVI comme une sévérité des maladies, cette méthodologie utilise des fac- estimation conservatrice. teurs de pondération. Pour la diarrhée, ils varient de 0,061 pour une forme légère, à 0,202 pour une forme modérée, Morbidité chez les sujets de plus de 5 ans. Comme et à 0,281 pour une forme sévère (Salomon et al. 2012). dans le cas de la mortalité, nous n’avons pas trouvé d’in- formations sur la morbidité imputable à la diarrhée dans Sur la base de l’ENPSF (2011), 0,6 % des cas de diarrhée les enquêtes (ENPFS  2011) et statistiques nationales. étaient sévères54, 8,9 % modérés55 et le solde de 90,5 % Cependant les statistiques OMS (2014a) indiquent 21 000 légers. En appliquant les facteurs de pondération de AVI dus à diarrhée chez les sujets âgés de plus de 5 ans, à chaque forme de diarrhée, le nombre de cas total est savoir : 4 200 AVI pour le groupe d’âge 5–14 ans, 5 000 estimé à 5 574 AVI (i). Il faudrait noter que cette estima- AVI pour les 15–29 ans, 9 100 AVI pour les 30–59 ans, tion est largement inférieure à celle obtenue par l’OMS 1 400 AVI pour les 60–69 ans, et 1 300 AVI pour les sujets pour l’année  2012, indiquant  12  900 AVI56. Puisque ce âgés de plus de 70 ans. En estimant que 50 % de ces cas chapitre utilise des informations nationales relatives à une seulement sont imputables aux déterminants hydriques de la santé, ceci correspond à 10 500 AVI (j). 54 Ces cas incluent la diarrhée sanglante (0,4%) ainsi que la diarrhée sanglante accompagnée de fièvre (0,2%) (ENPFS 2011, p. 224). Ainsi, les pertes totales annuelles dues à la morbidité sont 55 Ces cas présentaient une association diarrhée et fièvre (ENPFS 2011, p. 224). chiffrées à 16 074 AVI (i + j). Nous évaluons le coût lié à 56 Dans le GBD (2014), l’OMS fournit une estimation de 25 900 AVI pour ce la morbidité sur la base de la valeur monétaire d’une AVI, groupe d’âge. Si l’on considère que 50 % sont dus aux facteurs environnemen- soit 27 360 dirhams (voir le Chapitre 2, Encadré 2.1). Par taux, l’estimation atteint 12 900 AVI. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 25 conséquent, le coût de la morbidité due aux maladies Le Tableau 3.3 fournit l’estimation des coûts de traitement diarrhéiques atteint 592 millions de dirhams. pour chaque forme de diarrhée. En conséquence, le coût total de traitement est estimé à 454 millions de dirhams. iii) Coûts de traitement et de soin En outre, pour les cas les plus sévères, la famille ou le Nous estimons le coût des traitements sur la base des personnel spécialisé doit consacrer du temps aux enfants dépenses directes engagées pour traiter les enfants malades. Le coût de ce temps est estimé sur la base du malades. Selon l’ENPSF (2011), les mères ont cherché à revenu perdu au cours de la période passée avec les obtenir un traitement uniquement dans 36,4 % des cas57, enfants. En se basant sur le salaire minimum horaire à savoir 2,15 millions d’enfants. Les coûts de traitement et de  12,2 dirhams en  2014, une période de  8  heures par de soin varient largement selon la gravité de la maladie. jour et la durée moyenne d’un cas (4,6 jours), le coût d’opportunité du temps consacré aux enfants malades est 57 La justification du non recours aux soins (63,6 % des cas de diarrhée) varie : estimée à 6 millions de dirhams. Ainsi, les coûts de trai- état de l’enfant jugé peu grave ; éloignement des structures de soin ; coût élevé ; tement et de soin des maladies diarrhéiques s’élèvent à expérience antérieure ; non disponibilité du service ; ainsi qu’indisponibilité des environ 460 millions de dirhams. parents (ENPSF 2011). Tableau 3.5. Coûts de traitement et de soin des enfants atteints de diarrhée Évaluation Notes/sources Cas de diarrhée imputables aux facteurs liés à l’eau (millions) 5,9 Voir Tableau 3.4 Cas de diarrhée ayant reçu un traitement (% du total) 36,4 % ENPSF 2011 Nombre de cas ayant reçu un traitement (millions) 2,2 •  Forme légère Nombre de cas 1 946 109 90,5 % du total (ENPSF 2011) Coût de traitement (DH/cas) 150 Inclut le coût de consultation d’un médecin généraliste (100 DH) et des médicaments Coût de traitement de la diarrhée légère (millions DH) (1) 292 (50 DH/cas) (communication médecin) •  Forme modérée Nombre de cas 191 385 8,9 % du total (ENPSF 2011) Coût de traitement (DH/cas) 750 Inclut le coût de consultation d’un médecin généraliste (100 DH), des médicaments (150 DH/cas) et le coût Coût de traitement de la diarrhée modérée (millions DH) (2) 144 d’une journée d’hospitalisation pour hydratation (500 DH) (communication médecin) •  Forme sévère Nombre de cas 12 902 0,6 % du total (ENPSF 2011) Inclut le coût de consultation d’un médecin spécialiste (200 DH), des médicaments Coût de traitement (DH/cas) 1 450 (250 DH/cas) et le coût d’1 journée d’hospitalisation Coût de traitement de la diarrhée sévère (millions DH) (3) 19 pour hydratation (1 000 DH) (communication médecin) Coût total de traitement (millions DH) (1+2+3) 454 Coût du temps passé à s’occuper des enfants •  malades Nombre total des cas de diarrhée sévère 12 902 Valeur d’une journée de travail perdu (DH/jour) 100 Basé sur le SMIG horaire (12,24 DH/h) et 8h / jour Durée moyenne d’1 cas (jours/cas) 4,6 Coût de soin (millions DH) 6 Coût total de traitement et de soin (millions DH) 460 Note : Les résultats peuvent ne pas correspondre exactement à cause de l’arrondissement. 26 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc iv) Coût total de la diarrhée estimations comparables, nous avons recalculé l’estima- Globalement, le total des coûts liés à la diarrhée causée par tion pour l’année 2000 en adoptant la méthode de calcul des pratiques inappropriées liées à l’eau, l’assainissement de 2014 (Tableau 3.6). et l’hygiène est estimé entre 2,5 milliards de dirhams et 2,63 milliards de dirhams, soit une moyenne de 2,57 mil- Concernant la mortalité, il faut noter que  : i) la mor- liards de dirhams en 2014. talité chez les enfants (toutes causes) a baissé de presque 30 % ; ii) grâce au Programme de lutte contre Il est intéressant de comparer les estimations des cas de les maladies diarrhéiques, le taux moyen de mortalité mortalité et de morbidité infanto juvénile dues à la diar- infanto juvénile due à la diarrhée a diminué de 20 % à rhée en  2014 et en  2000 (Banque mondiale  2003). Les 5,4 %. Par conséquent, le coût de la mortalité a été divisé estimations de l’étude précédente ne peuvent toutefois par cinq, passant de 4,3 milliards de dirhams en 2000 à pas être comparées directement à celles de cette étude à environ  844  millions de dirhams en  2014. Concernant cause de différences méthodologiques58. Pour arriver à des la morbidité, la prévalence de la diarrhée pendant les deux semaines précédant l’enquête a baissé de  21  % à 16,3 %. Ceci correspond à une baisse des cas de diar- 58 Par exemple, l’étude précédente a utilisé seulement l’approche du capital rhée de 7,8 millions en 2000 à 5,9 millions en 2014, soit humain et non pas celle basée sur la VSV. une diminution de 24 %. Tableau 3.6. Comparaison de la mortalité et la morbidité entre 2000 et 2014 Quantité Quantité (2000) (2014) Mortalité enfants < 5 ans Décès annuels chez les enfants (toutes causes, < 5 ans) 27 951 20 000 Taux de mortalité due aux maladies diarrhéiques chez les enfants (<5 ans) 20 % 5 % Décès dus aux maladies diarrhéiques chez les enfants (<5 ans) 5 590 1 080 •  causés par des facteurs environnementaux (%) (<5 ans) 50 50 Décès annuels dus à la diarrhée causée par des facteurs environnementaux 2 795 540 (<5 ans) Morbidité enfants < 5 ans Population enfants (< 5 ans) (millions) 3 3 Prévalence de la diarrhée durant les 2 dernières semaines 21 % 16 % Cas de diarrhée (millions) 15,6 11,8 •  causée par des facteurs environnementaux (%) (<5 ans) 50 50 Cas de diarrhée causés par des facteurs environnementaux (<5 ans) 7,8 5,9 3.6.2. La malnutrition énergétique de macronutriments (lipides, glucides et pro- La malnutrition désigne les carences, excès ou déséqui- téines) et des carences en micronutriments (vitamines et libres de l’apport énergétique, protéique et nutritif. Elle minéraux). Elle se traduit habituellement par une perte englobe à la fois la dénutrition et la surnutrition. Dans cette de poids corporel (OMS 2015). La Figure 3.2 et les para- section, le terme «  malnutrition  » se réfère uniquement graphes suivants illustrent les causes et les impacts de la à la dénutrition, qui se traduit par un déficit de l’apport malnutrition. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 27 Figure 3.2. Cadre conceptuel des causes et des impacts de la malnutrition Soins et Environnement malsain Insécurité alimentaire pratiques d'alimentation (y compris des déterminants des ménages inadéquats hydriques) et services de santé inadéquats CAUSES Maladies Apport alimentaire inadéquat (diarrhée, infections parasitaires, entéropathie) MALNUTRITION De l’enfant De la mère Mort néonatale Diarrhée, paludisme, rougeole, infections des voies IMPACTS respiratoires inférieures, maladies infectieuses, malnutrition protéino-energétique Sources : Basé sur OMS (2005 et 2015) Causes de la malnutrition. La malnutrition peut être infections des voies respiratoires inférieures, d’autres maladies le résultat des plusieurs facteurs, tels qu’un apport alimen- infectieuses (hors le virus de l’immunodéficience humaine, taire insuffisant, de mauvaises conditions d’alimentation, VIH)60 et la malnutrition protéino-énergétique. De plus, la de logement et de soins de santé, ainsi que des détermi- malnutrition maternelle (insuffisance pondérale) peut contri- nants hydriques de la santé. Ces derniers facteurs peuvent buer à la mortalité néo-natale. affecter l’état nutritionnel de l’enfant de diverses manières, telles que : i) maladies diarrhéiques, nuisant à l’état nutri- La malnutrition au Maroc. À l’échelle mondiale, la tionnel par une perte d’appétit, une malabsorption des malnutrition cause environ  3,1  millions de décès d’en- nutriments et une augmentation du métabolisme (Caul- fants chaque année, ce qui représente  45  % de tous les field et al. 2004 ; Petri et al. 2008 ; Dewey et al. 2011) ; décès d’enfants de moins de 5 ans (Black et al. 2013). Au ii) par l’intermédiaire d’infections parasitaires intestinales, Maroc, l’état nutritionnel des enfants a connu un progrès telles que les infections d’ankylostome pouvant provoquer très significatif par rapport à la décennie précédente. Le une anémie chez les femmes enceintes et les enfants ; et Tableau  3.7 illustre ceci en proposant une comparaison iii) les entéropathies, susceptibles d’apparaître chez les entre différents indicateurs de nutrition, sur la base des enfants vivant dans des conditions sanitaires précaires les résultats de l’ENPSF (2011) et EPSF (2003). Ce progrès exposant à une forte charge de pathogènes59 (OMS 2015). est le fruit des stratégies et programmes mis en œuvre par le Ministère de la Santé en faveur de la promotion d’une Impacts de la malnutrition. Selon l’OMS, la malnu- alimentation saine et de la lutte contre les carences en trition, source de plusieurs maladies, peut affecter directe- micronutriments, tels que le Programme national de lutte ment l’enfant par : la diarrhée, le paludisme, la rougeole, les 60 Selon l’OMS, ces maladies comprennent la tuberculose, la poliomyélite, la 59 L’ingestion chronique d’agents pathogènes peut provoquer une inflamma- diphtérie, le tétanos, la méningite, l’hépatite B et C, la lèpre, la dengue, l’encé- tion et des dommages récurrents à l’intestin, entraînant une malabsorption des phalite japonaise, le trachome, les infections par des nématodes intestinaux et nutriments. les infections des voies respiratoires supérieures. 28 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 3.7. Pourcentage des enfants âgés de 0-59 mois qui sont modérément ou sévèrement malnutris selon les normes de l’OMS Indicateur de malnutrition Sévérité Résultats EPSF (2003) Résultats ENPSF (2011) Insuffisance pondérale (a) Modéré 10,7 % 3,1 % Sévère n.d. 0,8% Retard de croissance (b) Modéré 23,7 % 14,9 % Sévère n.d. 4,5 % Émaciation (c) Modéré 12,7 % 2,3 % Sévère n.d. 1 % Surpoids/obésité (d) Surpoids 10,4 % 12 % Obésité n.d. 2,6 % Source : ENPSF (2011). Note : n.d. = non disponible. (a) L’insuffisance pondérale (underweight) se réfère à un faible rapport poids-pour-âge, quand un enfant est mince ou petit pour son âge. (b) Le retard de croissance (stunting) se réfère à un faible rapport taille-pour-âge, quand un enfant est petit pour son âge, mais pas nécessairement mince. (c) L’émaciation (wasting) se réfère à un faible rapport poids-pour-taille où l’enfant est mince pour sa taille, mais pas nécessairement petit (d). Un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 25 correspond à un surpoids; un indice de masse corporelle supérieur ou égal à 30 signale l’obésité. contre les carences en micronutriments, le Programme de santé sur les maladies infectieuses (hors VIH) et sur la lutte contre les troubles dus à la carence en iode, etc. En malnutrition protéino-énergétique. L’estimation est outre, la Stratégie nationale de nutrition (2011–2019) a réalisée en six étapes, décrites ci-dessous. pour but de contribuer à l’amélioration de l’état de santé de la population en agissant sur l’un de ses déterminants Étape 1 : Estimation de l’exposition des enfants majeurs qui est la nutrition (Ministère de la Santé 2011). à la malnutrition. Cette étape estime le pourcentage des enfants de moins de  5 ans souffrant d’insuffisance Coût de la malnutrition causée par des détermi­ pondérale. Cet indicateur se réfère aux enfants ayant un nants hydriques de la santé. L’OMS (2005) a développé faible rapport poids-pour-âge par rapport à la référence une méthodologie pour estimer les impacts des détermi- OMS de croissance internationale. Au Maroc, cet indica- nants hydriques sur la malnutrition. La même organisation teur a été estimé à 3,1 % pour les filles et les garçons âgés a aussi mis à disposition un modèle numérique qui permet de moins de 5 ans (ENPSF 2011). d’estimer ces impacts, sur la base d’informations spécifiques. Les paragraphes suivants résument les étapes et les résultats Étape 2 : Calcul de la sévérité de l’exposition de l’application de cette méthodologie au Maroc. à la malnutrition. Cette étape estime la distribution des enfants en fonction de la sévérité de la malnutrition à laquelle ils sont exposés. Il en résulte qu’au Maroc, la i) Impacts de la malnutrition de l’enfant malnutrition affecte 0,2 % des enfants de moins de 5 ans La Figure 3.2 recense une gamme large de maladies géné- d’une manière sévère, 2,9  % d’une manière modérée rées par la malnutrition de l’enfant. Dans le cas du Maroc, et 16,2 % d’une manière légère (Tableau 3.8). Ces pour- il faut noter que : i) les cas de diarrhée ont été estimés dans centages sont légèrement supérieurs à la prévalence de la la section précédente ; ii) d’après les statistiques de l’OMS malnutrition dans une population en bonne santé selon (2014), il n’y aurait pas de cas de paludisme et de rou- les normes de l’OMS61. geole ; iii) les cas d’infections des voies respiratoires infé- rieures sont pris en compte dans le chapitre relatif à l’air. 61 Selon l’OMS (2005), la prévalence attendue dans une population en bonne santé Par conséquent, cette section se focalise uniquement sur est : 0,13 % de la population touchée par une malnutrition sévère, 2,14 % affectée l’estimation des impacts des déterminants hydriques de la par une malnutrition modérée et 13,6 % touchée par une malnutrition légère. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 29 Tableau 3.8. Proportion des enfants exposés à 4,5 % pour les maladies infectieuses  et  100  % pour la à la malnutrition au Maroc malnutrition protéino-énergétique. En d’autres termes, la malnutrition cause  4,5  % des décès dus aux maladies Distribution des enfants infectieuses et la totalité des décès associés à la malnutri- < 5 ans (Maroc) tion protéino-énergétique. Non affecté 80,7 % Malnutrition légère 16,2 % Étape 4 : Estimation de la proportion de la Malnutrition modérée 2,9 % morbidité des enfants imputable à la malnutrition. La relation entre la malnutrition et la morbidité causées par Malnutrition sévère 0,2 % les maladies infectieuses n’est pas documentée dans la littéra- Source : Estimation sur la base du modèle de l’OMS. ture scientifique. Par contre, pour la malnutrition protéino- énergétique, la proportion imputable est de 100 %. Étape 3 : Estimation de la proportion de la Étape 5 : Estimation de la charge totale liée à la mortalité des enfants imputable à la malnutrition. malnutrition des enfants. La charge de mortalité et de La mortalité des enfants due aux maladies infectieuses morbidité liée à la malnutrition est estimée en multipliant et à la malnutrition protéino-énergétique résulte de plu- le nombre de décès et d’AVI dus aux maladies présen- sieurs facteurs. Cette étape estime la proportion des décès tées ci-dessus par la proportion imputable à la malnutri- qui est imputable à la malnutrition («  la fraction attri- tion. Les informations sur les décès et les AVI sont tirées buable  », selon l’OMS). Dans la littérature scientifique, des statistiques de l’OMS (2014), alors que la proportion cette proportion est évaluée en fonction de deux para- imputable a été estimée dans les étapes précédentes (3, 4). mètres : la distribution des enfants en fonction de la sévé- Il a été ainsi décompté 364 décès et 10 400 AVI dus à la rité de la malnutrition  ; et la probabilité de développer malnutrition de l’enfant. En considérant que les détermi- ces maladies dans chaque groupe exposé par rapport à nants hydriques de la santé causent seulement  50  % de un groupe témoin (OMS 2005). Sur cette base, la propor- ces cas (OMS 2008), la charge totale liée à la malnutrition tion des décès imputable à la malnutrition a été estimée correspond à 182 décès et 5 700 AVI (Tableau 3.9). Tableau 3.9. Mortalité et morbidité liées à la malnutrition chez les enfants Mortalité Morbidité Proportion Morbidité Proportion due à la due à la Décès/ due à la Décès dus à la Morbidité malnutrition malnutrition Cause an malnutrition malnutrition (AVI) (%) (AVI) Maladies infectieuses 1 400 4,5 %  64 n.c. n.c. n.c. Malnutrition protéino-   300 100 % 300 10 400 100 % 10 400 énergétique Total cas 1 700 364 10 400 100 % 10 400 Total dû aux 182  5 700 déterminants hydriques de la santé Source : OMS (2014) pour la mortalité et morbidité par cause ; n.c. = non calculé ; n.a. = non applicable. 30 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Étape 6 : Évaluation en termes monétaires du de  15 à 44 ans, il a été estimé à  24  % pour le groupe coût de la malnutrition des enfants. Nous esti- d’âge 15–29 ans et à 5 % pour les 30–44 ans. mons le coût lié à la malnutrition des enfants de la même manière que pour la diarrhée. Sur la base de la VSV Étape 4 : Estimation de la proportion des (variant entre 1,5 million de dirhams et 1,7  millions de nouveau-nés avec une croissance intra-utérine dirhams), le coût de la mortalité est évalué entre 280 mil- retardée due à la malnutrition maternelle. Cet lions de dirhams et 307 millions de dirhams, ce qui cor- indicateur mesure la proportion des nouveau-nés mal- respond à une moyenne de 284 millions de dirhams. De nutris en raison d’une malnutrition maternelle. Pour le plus, si l’on considère qu’une AVI vaut 27 360 dirhams, le Maroc, la malnutrition maternelle est responsable d’une coût de la morbidité est estimé à 142 millions de dirhams. croissance retardée de 0,8 % des nouveau-nés. Globalement, le coût de la malnutrition liée aux maladies infectieuses et protéino-énergétiques chez les enfants est Étape  5 : Estimation du coût lié à la mort néo- estimé entre 423 millions de dirhams et 449 millions de natale due à la malnutrition maternelle La charge dirhams, soit 436 millions de dirhams en moyenne. de mortalité néo-natale due à la malnutrition maternelle est estimée en multipliant le nombre de décès néo-natals (4 981, selon l’OMS) par la proportion imputable à la mal- ii) Impacts de la malnutrition maternelle nutrition maternelle (0,8 %). Il en résulte 41 décès néo- Cette section estime les impacts de la malnutrition mater- natals dus à la malnutrition maternelle. En considérant nelle sur la mort néo-natale. Les étapes d’évaluation sont que l’approvisionnement en eau, l’assainissement et l’hy- similaires à celles de l’estimation précédente, elles se giène sont responsables de 50 % de ces cas (OMS 2008), basent cependant sur des indicateurs différents. ceci correspond à 20 décès. Sur la base de la VSV ce coût est estimé entre 31 millions de dirhams et 34 millions de Étape 1 : Estimation de l’exposition à la malnu­ dirhams, soit 33 millions de dirhams en moyenne. trition. Cette étape estime l’exposition à la malnutrition à l’aide de deux indicateurs : i) le pourcentage des nouveau- nés ayant un faible poids à la naissance. Le Ministère de la iii) Coût total de la malnutrition due aux Santé (2011) estime cet indicateur à 5,9 % ; ii) la moyenne déterminants hydriques de la santé de l’Indice de masse corporelle (IMC) des femmes âgées Globalement, le coût de la malnutrition chez les enfants de 15 à 44 ans. L’ENPSF (2011) ne fournit aucune infor- due aux déterminants hydriques de la santé varie entre mation sur cet indicateur. Cependant, les données EPSF 454 millions de dirhams et 483 millions de dirhams. Ceci (2003) permettent d’évaluer l’IMC à 22,5 pour le groupe correspond à 469  millions de dirhams en moyenne, d’âge 15–29 ans, et à 25,7 pour les 30–44 ans. soit 0,05 % du PIB en 2014. Ceci représente la première estimation de ce coût pour le Maroc. Il est considérable- Étape 2 : Calcul de la proportion des enfants ment inférieur à celui d’autres pays, tels que la Bolivie ayant subi une croissance intra-utérine retardée. (0,7 % du PIB ; Banque mondiale 2011) et le Bangladesh Cet indicateur, estimé sur la base du pourcentage des nou- (5,3 % du PIB ; Banque mondiale 2012). veau-nés ayant un poids faible à la naissance, reflète la pro- portion des nouveau-nés affectés par la malnutrition. Pour le Maroc, il a été estimé à 1,8 % des nouveau-nés. Coût total des impacts 3.6.3.  sur la santé Globalement, le coût total lié aux impacts sur la santé est Étape 3 : Calcul du pourcentage de femmes estimé à  3 milliards de dirhams, soit 0,33 % du PIB ayant un faible indice de masse corporelle avant pour 2014 (Tableau 3.10). Cette estimation est considéra- la grossesse. Cet indicateur indique le degré de sous- blement inférieure à celle du rapport précédent, évaluée pondération maternel, se répercutant sur le poids des à 1,11 % du PIB en 2000 (Banque mondiale 2003). nouveau-nés. Sur la base de l’IMC des femmes âgées Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 31 3.7. Conclusions Globalement, le résultat final (1,26 % du PIB en 2014) est du même ordre de grandeur avec celui obtenu pour Le coût total de la dégradation des ressources en eau est l’année 2000 (1,2 % du PIB en 2000). Il faut noter que estimé à 11,6 milliards de dirhams, soit 1,26% du PIB les deux résultats ne sont pas directement comparables, en 2014 (Tableau 3.10). Si l’on exclut les impacts du change- pour deux raisons  : i) une méthodologie différente ment et de la variabilité climatiques, le coût de la dégrada- a été appliquée pour l’estimation de certains coûts  ; tion des ressources en eau serait 11,3 milliards de dirhams, ii) le présent chapitre prend en compte une gamme soit 1,22 % du PIB. Le coût lié aux impacts sur l’économie nettement plus large de dommages qui n’ont pas été et l’environnement représente  0,93% du PIB, essentielle- estimés dans le rapport précédant, tels que la surex- ment en raison de l’effet de la surexploitation des eaux sou- ploitation des eaux souterraines, les pertes en zones terraines, ainsi que de la dégradation due au déversement humides, le changement et la variabilité climatiques, des eaux usées industrielles dans la nature. Les impacts des la pollution par les rejets domestiques et industriels et déterminants hydriques sur la santé représentent 0,33% du la malnutrition. PIB, et sont induits principalement par la diarrhée. Tableau 3.10. Coût des dommages (2014) Borne Borne inferieure supérieure Moyenne % du   (millions de dirhams) PIB ENVIRONNEMENT ET ECONOMIE   Envasement des barrages 14 45 29 0,00% Surexploitation des eaux souterraines 3 803 3 803 3 803 0,41% Pertes en zones humides 304 304 304 0,03% Changement et variabilité climatiques 242 483 362 0,04% Eaux usées domestiques 491 1 146 818 0,09% Eaux usées industrielles 3 297 3 297 3 297 0,36% Sous total 8 150 9 078 8 614 0,93% SANTÉ         Diarrhée 2 503 2 637 2 570 0,28% Malnutrition 454 483 469 0,05% Sous total 2 957 3 120 3 039 0,33% COÛT TOTAL 11 107 12 198 11 652 1,26% Références vie, Laboratoire de biotechnologie. École Mohamme- dia des Ingénieurs, Département de génie civil, Labo- Agoussine, M. M. Saidi et B. Igmouillan. 2004. 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Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 35 Chapitre 4 Air Lelia Croitoru et Elena Strukova Au cours des quinze dernières années, le Maroc a enregistré une forte croissance éco- nomique grâce au développement de plusieurs secteurs – énergie, transport, industries, etc. Ceci s’est accompagné d’une hausse rapide des émissions de polluants atmosphé- riques, source de potentielles répercussions sur la santé et sur le cadre de vie de la population vivant dans les zones fortement urbanisées ou industrielles. Ce chapitre estime les impacts de la pollution de l’air sur la santé humaine au Maroc. Il fournit tout d’abord une brève vue d’ensemble de la situation de la pollution de l’air dans le pays (Section 4.1). Il estime ensuite le coût lié à la pollution de l’air extérieur (Section 4.2) et celui relatif à la pollution de l’air intérieur (Section 4.3). La Sec- tion 4.4 présente les conclusions du chapitre. 4.1. Introduction Au cours de la période 2004–2014, le Maroc a enregistré une forte croissance éco- nomique, avec une augmentation totale du PIB par habitant de 34 % (WDI 2015). Pendant la même période, la population a augmenté de 1,25 % par an avec une hausse annuelle de 2,1 % de la population urbaine, caractérisée par une forte concentration dans les zones côtières (HCP 2015). Les activités économiques, telles que la produc- tion de l’énergie et les industries, se concentrent particulièrement dans ces zones, et il en résulte un développement rapide du trafic routier (CENUE 2014). Ces activités ont provoqué une hausse rapide des émissions de polluants atmosphériques locaux et globaux (REEM 2015). Surveillance de la qualité de l’air. La surveillance de la qualité de l’air a com- mencé en 1997, avec les premières campagnes menées par le Ministère de l’Environ- nement au niveau de la ville de Rabat à l’aide d’un laboratoire mobile, suivies par la Direction de la météorologie nationale (DMN) sur l’agglomération du Grand Casa- blanca (DMN 2014). La mesure de la qualité de l’air s’est améliorée en 2005, lorsque la coordination de cette activité a été confiée à la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement. Outre des efforts d’équipement des principales villes Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 37 du pays en stations fixes de mesure de la qualité de l’air, la »» Pour le dioxyde de soufre, la valeur limite pour la pro- Fondation a incité à unifier la gestion du réseau national tection des écosystèmes (20 µg/m3) a été dépassée de surveillance de la qualité de l’air. En 2007, le Ministère dans plusieurs localités (Aïn Sebâa, Ain Harrouda, de l’Environnement a confié la gestion de l’ensemble des Mohammedia, Zrektouni, Derb sultan et Aïn stations de mesure à la DMN. chock). En revanche, la valeur limite pour la pro- tection de la santé (125 μg/m3) n’a été dépassée Un Comité national de suivi et de surveillance de la qualité qu’au niveau d’une seule station (Aïn Sebâa) à de l’air instauré par le décret 2–09–286 a été mis en place Casablanca. en 2013 au sein du Ministère chargé de l’Environnement »» Pour le dioxyde d’azote, il y a un dépassement de la dont le secrétariat est assuré par ce dernier. Toutes les insti- norme de protection de la végétation (30 μg/m3) au tutions gouvernementales compétentes impliquées dans la niveau de deux zones du Grand Casablanca (Aïn surveillance de la qualité de l’air y sont représentées. Les Sebâa, Ain Harrouda) et de Marrakech (Jamâa données sur la qualité de l’air sont collectées par plusieurs lafna). La valeur limite pour la protection de la stations et dans certaines localités, le suivi de la qualité de santé (50 μg/m3) est dépassée à Ain Harrouda, l’air résulte d’un travail collectif impliquant les représenta- alors que Marrakech est proche de cette limite. tions sectorielles aux niveaux régional et local, les industries »» Pour les particules en suspension (PM10) – Leur valeur et les organisations non gouvernamentales (ONG) locales, dépasse la norme de protection de la santé (50 μg/ la DMN et les Observatoires Régionaux de l’Environne- m3) dans presque toutes les stations suivies. Les ment et du Développement Durable relevant du Ministère dépassements sont majeurs à Mohammedia, Casa- chargé de l’Environnement. En particulier, le Ministère de blanca, Marrakech, mais d’autres villes comme l’Intérieur, à travers la Direction Générale des Collectivités Tanger, Fès et Settat souffrent également de la Locales, est un acteur principal en matière de la qualité de pollution. l’air et notamment au niveau de l’acquisition des stations »» Pour l’ozone, la valeur limite pour la protection de de mesure, au sein du comité national de suivi et surveil- la santé (110 μg/m3) est dépassée principalement lance de la qualité de l’air, au niveau du renforcement des à Casablanca, Mohammedia, Khouribga, Bensli- compétences territoriales, ainsi qu’à travers son rôle dans mane, Tanger et Marrakech. les collectivités territoriales62. Actuellement, la DMN gère »» Pour le monoxyde de carbone, la valeur limite pour la le réseau national de surveillance de la qualité de l’air qui protection de la santé (10 μg/m3) n’a été dépassée compte 29 stations fixes et 3 stations mobiles réparties sur par rapport au maximum journalier que pendant 15 villes du Royaume. cinq jours à Fès. Bilan de la qualité de l’air extérieur. Les stations Consommation énergétique. Les publications exis- existantes mesurent la concentration du dioxyde de soufre tantes ne fournissent pas d’informations relatives aux (SO2), du dioxyde d’azote (NO2), des particules en sus- concentrations PM2,5 au niveau des ménages ruraux. pension (PM10), de l’ozone (O3), et du monoxyde de car- Cependant, la consommation énergétique par habi- bone (CO)63. L’évaluation de la qualité de l’air effectuée tant a été estimée à 0,54 tonne d’équivalent pétrole (tep) en 2013 a permis de mettre en lumière les résultats sui- en 2012 – ce qui est très faible par rapport à la moyenne vants (DMN 2014) : mondiale (1,9  tep/habitant) et à celle de l’Afrique (0,67 tep/habitant). Selon le Ministère chargé de l’Environne- ment/PNUD (2015), ce faible niveau de consommation 62 particulièrement pour ce qui concerne l’acquisition de certaines stations de s’explique en partie par le recours massif aux énergies mesure et leur constitution au sein des comités régionaux de suivi et de surveil- traditionnelles en milieu rural, essentiellement bois et lance de la qualité de l’air. charbon. D’après les communications du Département de 63 L’évaluation de la qualité de l’air se fait par référence aux normes en vigueur l’énergie et des mines, le bois et le charbon représentent au Maroc, qui définissent les valeurs limites ne devant pas être franchies pen- dant une période déterminée. Ces normes sont fixées par le décret n° 2–09–286 25 % de la consommation totale d’énergie en milieu rural du 8 décembre 2009. (Tableau 4.1). 38 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 4.1. Consommation d’énergie en milieu rural (ktep, 2012) Résidences primaires Tranche de revenu (DH/mois) Résidences Ménages non Type d’énergie < 2 250 2 250–5 200 5 200–7 100 > 7 100 secondaires électrifiés Total Électricité 41 67 27 36 17 0 186 Butane 228 251 66 93 74 76 788 Bois 97 36 7 17 20 156 333 Charbon de bois 2 2 2 0 1 0 6 Ensemble 368 355 102 146 112 233 1 314 Source : Communication avec le Département de l’énergie et des mines (2015). Note : Les résultats peuvent ne pas correspondre exactement à cause de l’arrondissement. Il est important de noter que la progression du secteur 1999 dans la ville de Casablanca et Mohammedia- énergétique au Maroc a été considérable, surtout celle de Airpol 65 en 2001 dans la ville de Mohammedia. Elles l’électricité. Aujourd’hui, toutes les villes sont raccordées au ont établi pour la première fois une corrélation entre la réseau de l’Office National de l’Eau et de l’Electricité et pollution de l’air et les effets sur la santé au Maroc. Plus le taux d’électrification rurale est de 96,8 %. En outre, la récemment, d’autres études ont confirmé les impacts Stratégie énergétique nationale – fondée sur la mobilisation négatifs de la pollution de l’air sur la santé humaine des ressources nationales propres et la montée en puissance (Ministère de l’environnement 2010) : des énergies renouvelables dans le mix énergétique – place »» Une étude de type transversal à Mohammedia a le Maroc parmi les pays leaders en matière de dévelop- cherché à estimer la relation entre la pollution de pement des énergies renouvelables (Ministère chargé de l’air (SO2 et les particules totales en suspension) et l’Environnement/PNUD 2015). la santé respiratoire des enfants dans cinq zones: Oulad Himinoune, Al Kabah, La Colline, El Loui- Effets de la pollution sur la santé. La littérature dis- zia et El Marsa. Les résultats ont montré que la ponible démontre les effets néfastes de la pollution de l’air prévalence d’asthme, de maladies respiratoires et sur la santé. Au niveau mondial, l’Organisation mondiale d’infections augmente avec le niveau de pollution. de la santé (OMS) a montré qu’en 2012 la pollution de »» Une autre étude réalisée à Fès a eu pour but d’éva- l’air a provoqué sept millions de décès prématurés dans luer la perception des risques liés à la pollution les villes et les zones rurales résultant d’une exposition aux atmosphérique chez les consultants des centres de PM10 (OMS 2014). santé de la ville. Il faut noter que 44  % des per- sonnes interrogées étaient exposées au tabagisme Conscient des répercussions négatives de la pollution de passif. Les résultats ont montré que les problèmes l’air sur la santé, le Maroc a initié depuis plus de 15 ans environnementaux les plus préoccupants étaient des études d’épidémiologie environnementale (éco- la pollution des sols (15 %) et la pollution de l’air épidémiologie) visant à évaluer l’impact de la pollution (12 %). En outre, 86 % des experts estiment que la atmosphérique sur la santé des populations urbaines et pollution de l’air présente des risques importants périurbaines des villes caractérisées par une forte concen- pour la santé, en particulier respiratoire (Ministère tration industrielle et un trafic routier dense. Parmi ces de l’environnement 2010). études, il y a lieu de citer Casa-Airpol 64 réalisée en 64 Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de 65 Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, de l’habitat et de l’environnement et Ministère de la Santé 2000. l’environnement et Ministère de la Santé 2003. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 39 »» L’étude sur le cadastre des émissions atmosphé- respiratoires inférieures chez les jeunes enfants (Pope riques dans la région du Grand Casablanca a et al. 2009 ; 2011 ; Lim et al. 2012 ; Mehta et al. 2013 ; permis d’avoir une base de données et des cartogra- Apte et al. 2015). Cette section évalue les impacts de la phies sur les sources de la pollution atmosphérique concentration en PM2,5 sur la mortalité et la morbidité et il a proposé un plan d’actions pour la réduction liées à ces maladies. des émissions aussi bien dans le secteur des trans- ports que de l’industrie. L’analyse s’est basée sur les Quatre étapes principales permettent de quantifier résultats de l’inventaire des émissions de 2004 et de les impacts de la pollution de l’air sur la santé. Tout trois scénarios d’évolution des émissions (défavo- d’abord, le polluant doit être identifié et sa concentra- rable, probable, favorable) pour les horizons 2010 tion ambiante mesurée. Deuxièmement, le nombre de et 2015. Dans ce contexte, le Ministère de l’envi- personnes exposées au polluant doit être calculé pour ronnement (2010) cite un effort d’évaluation des chaque site. Troisièmement, les effets sur la santé (mor- effets des niveaux des concentrations des particules talité et morbidité) liés à cette exposition sont estimés en fines sur la santé des populations de Casablanca, se fondant sur les fonctions concentration-réponse. Enfin, réalisé pour chaque scenario (basé sur les résultats les effets sur la mortalité et la morbidité sont estimés en l’étude Casa-Airpol). termes monétaires. »» Une étude éco épidémiologique Qualité de l’air et santé dans la région du grand Casablanca Étape 1 : Mesurer la concentration des polluants a été menée en 2015 par le Ministère de la Santé et atmosphériques. Il faut d’emblée souligner qu’à la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’heure actuelle des activités fondées sur l’imagerie par l’environnement, avec l’objectif d’évaluer l’effet de satellite sont engagées dans tous les pays du monde visant la pollution atmosphérique sur la santé de la popu- à estimer à l’échelle mondiale les concentrations de PM2,5 lation de la région du Grand Casablanca, dans la (Encadré 4.1). Toutefois, la présente section se fonde sur perspective de la mise en place d’un dispositif de des données sur les concentrations de PM2,5 récoltées surveillance éco épidémiologique (Ministère de auprès de stations de mesure au sol car elles sont considé- la Santé 2015). L’étude a montré une corrélation rées comme plus fiables. Le Ministère chargé l’Environne- significative entre les consultations chez les adultes ment ne surveille que les particules d’un diamètre inférieur et les enfants et la concentration des polluants (O3, à 10 micromètres (PM10). Les données de surveillance dis- NO2, PM10, SO2) dans de différentes zones de la ponibles comprennent les concentrations moyennes quoti- région. diennes en PM10 pour la période 2012–2015 fournies par plusieurs stations de mesure à Casablanca, Mohamme- 4.2. La pollution de l’air dia, Marrakech, Tanger, Fès, Agadir, El Jadida, Safi, Salé, Essaouira, Khouribga et Benslimane. Nous avons utilisé extérieur ces données pour estimer les concentrations annuelles en Les matières particulaires, c’est-à-dire les particules fines PM2,5 pour chaque ville, de la manière suivante : en suspension dans l’air, (Particulate matter en anglais, »» En premier lieu, une estimation de la moyenne PM), sont le polluant atmosphérique qui – à l’échelle annuelle des concentrations de PM10 pour chaque mondiale – est associé aux effets sur la santé les plus station est établie en se basant sur les données de importants. Plus précisément, les particules en suspen- surveillance quotidienne (Tableau 4.2, colonne 5). sion dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres »» Ensuite, les estimations de chaque station de mesure (PM2,5) sont considérées comme les plus nocives pour la sont converties en concentrations de PM2,5. Le facteur santé (Pope  2009  ;  2011  ; USEPA  2016). L’exposition de conversion est tiré des études scientifiques les plus à ce polluant provoque des cardiopathies ischémiques, récentes sur la composition des PM au Maroc. Le des accidents vasculaires cérébraux, des maladies pul- rapport d’Ait Bouh et al. (2013) présente les moyennes monaires obstructives chroniques et le cancer du pou- hebdomadaires de PM10 et de PM2,5 de Meknès. mon chez les adultes, et des infections aiguës des voies La part moyenne annuelle des PM2,5 dans les PM10 40 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré 4.1. Efforts déployés à l’échelle mondiale pour estimer les moyennes annuelles de concentration de PM2,5. Van Donkelaar et al. (2015) ont effectué des recherches à géospatiale plus vaste peut expliquer cette sous-estimation. l’échelle mondiale en vue d’estimer la concentration moyenne Les concentrations estimées à partir des données satellitaires annuelle des PM2,5 dans chaque pays. Dans cette étude, les sont généralement proches des données recueillies au sol dans auteurs ont combiné trois sources de données satellitaires les régions à faible concentration démographique et revenus pour établir des estimations sur une base géographique d’en- élevés (Apte et al. 2015). viron 10  km × 10  km de 1998 à  2012. Ils ont recensé, en outre, 210 mesures au sol de PM2,5 dans le monde à partir de Cette méthode peut aider à calculer approximativement les la littérature disponible afin de valider les estimations satel- concentrations de PM2,5 dans les zones peu peuplées. Pour ces régions, Van Donkelaar et al. (2015) ont établi deux estima- litaires par des valeurs mesurées dans des zones autres que tions : l’une dans des conditions normales et l’autre excluant l’Amérique du Nord et l’Europe. les poussières d’origine naturelle et les sels marins car ces Cette approche semble sous-estimer la moyenne annuelle particules résultent des conditions naturelles du terrain et ne des niveaux de PM2,5 dans les zones à fortes concentrations dépendent pas d’une activité anthropique locale. Les résultats de polluants et fortes densités de population, telles que les pour le Maroc montrent une concentration moyenne pondé- grandes villes. Dans le cas du Grand Casablanca par exemple, rée par la population de PM2,5 de 12,3 µg/m3 (scénario « avec la concentration de PM2,5 est estimée à 12,3  µg/m3 sur la poussière ») et de 6,3 µg/m3 (scénario « sans poussière »). Cette base des données satellitaires, par opposition à 19  µg/m3 dernière concentration est inférieure au seuil de qualité de mesurés dans les données au sol. Le processus spécifique l’air pour les PM2,5 en dessous duquel aucune corrélation entre d’étalonnage des données satellitaires effectué sur une grille la pollution atmosphérique et la santé humaine n’est signalée. à Meknès est estimée à environ 0,4, avec une four- concentrations supérieures à la norme de qualité de chette de 0,1–0,7 au cours d’une année (Figure 4.1). l’air de l’OMS66 de 10 µg/m3 de PM2,5. En manque d’informations pour d’autres villes maro- caines, nous utilisons la valeur moyenne de cet inter- Étape 2 : Identifier la population exposée à la valle (0,4) pour convertir les concentrations de PM10 pollution de l’air extérieur. Les données sur la popu- en concentrations de PM2,5 pour chaque station de lation exposée à la pollution ne sont pas disponibles pour mesure (Tableau 4.2, colonne 6). toutes les stations de mesure du Maroc. De ce fait, il est »» Pour chaque ville, nous estimons la concentra- présumé que le niveau moyen d’exposition à la pollution tion de PM2,5 à travers la moyenne des estimations (concentration) calculé lors de l’étape 1 s’applique à la fournies par chaque station de mesure situées dans population totale de chaque ville. Les données sur la popu- cette ville. Pour les plus grandes villes (Casablanca lation sont tirées du recensement de la population de 2014 et Marrakech) dotées de plusieurs stations de sur- effectué en 2015 (HCP 2015) (Tableau 4.2, colonne 2). veillance, la valeur annuelle est calculée à travers la moyenne des concentrations PM2,5 par station de Étape 3 : Estimer les impacts sur la santé de mesure, pondérée par la population exposée à cette l’exposition aux PM2,5. concentration, en s’appuyant sur des cartes réali- Mortalité. L’impact sur la santé des particules fines pré- sées en Système d’information géographique (SIG). sentes dans l’air (PM2,5) est bien établi (OMS 2010). Des Les résultats indiquent que les concentrations études épidémiologiques récentes ont démontré de solides moyennes de particules présentes dans l’air varient corrélations entre une exposition à long terme aux PM2,5 fortement : de très faibles à Safi (3 µg/m3), à très éle- et la mortalité prématurée (Apte et al.  2015). Il s’agit vées à Tanger (22 µg/m3) (Tableau 4.2, colonne 7). notamment de quatre pathologies d’adultes (cardiopathie Les étapes suivantes présentent une estimation des impacts sur la santé limitée aux villes affichant des 66 http://www.who.int/mediacentre/factsheets/fs313/en/ Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 41 Tableau 4.2. Population et concentration des polluants dans les principales villes au Maroc Concentration Concentration PM10 Concentration PM 2,5 par ville Population Nom de la (moyenne 2012– PM 2,5 (estimée) (estimée) Ville (no.) station Emplacement 2015) (µg/m3) (µg/m3) (µg/m3) Tanger 1 005 041 Wilaya Jardin du siège de la wilaya 54 22 22 Marrakech 980 548 Jamae Lafnae Collège Ibnou Albana 42 17 20 Mhamid Collège Annahda 50 20 Daoudiate Complexe ouvres sociales daoudiat 59 24 Casablanca 3 359 818 CHU Hôpital d’enfants 65 26 20 ONCF Club ONCF à Aïn Sebâa 54 22 Wilaya Jardin face siège wilaya Grand Casa 68 27 Jahid Lycée Jahid à Derb Sultan 21 9 Sidi Othmane Hôpital Sidi Othmane 27 11 Casa-Hay Siège Météo 39 16 Hassani Casa-Ain Chok Faculté des lettres 41 16 Bernoussi Siège de la préfecture Bernoussi 56 22 Harouda Lycée Aïn Harouda 40 16 Bouskoura Collège Bouskoura 55 22 Casa-AînSebâa Faculté des sciences 51 21 Mohammedia 289 002 Préfecture Siège préfecture Mohammedia 62 25 18 Khansâa Lycée Khansâa Mohammedia Al Alia 26 10 Settat 217 631 Settat Jardin de la municipalité de Settat 43 17 17 Fès 1 129 768 Centre-ville Bd Mly Youssef 40 16 16 Benslimane 114 192 Benslimane Benslimane 2ème district 33 13 13 Khouribga 377 760 Khouribga Siège de la préfecture 30 12 12 Agadir 508 155 Abattoir Ecole Soukainabent Alhoussein 11 5 5 El-Jadida 312 275 Municipalité Jardin du Siège de la municipalité 11 4 4 Jorf Lasfar Jorf Salé 915 658 Château Hay Essalam 9 4 4 Safi 345 890 Laarissa Complexe associatif Laarissa 8 3 3 Essaouira 106 515 Préfecture Siège de la province d’Essaouira 146 86 n.c. Source : HCP (2015) pour le recensement de la population, DMN pour les concentrations en PM10 par station Note : n.c. = non calculé Figure 4.1. Moyennes hebdomadaires des particules fines (PM2,5) et grossières (PM10) à Meknès en 2007–2008 100 Fine 80 Grosse Teneurs (µg/Nm3) Totale 60 40 20 0 Lundi Mardi Mercredi Jeudi Vendredi Samedi Dimanche Source : Ait Bouh et al. (2013) 42 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré 4.2. Fonctions concentration-réponse Les publications épidémiologiques ont très récemment α, γ, et δ = coefficients déterminant la forme générale de la démontré avec certitude la corrélation entre l’exposition à relation de concentration-réponse différentes concentrations de polluants de type PM2,5 (par ex. Dans une deuxième étape, le RR est utilisé pour estimer la pollution de l’air domestique, tabagisme passif et actif, etc.) et part des décès dus à une maladie donnée attribuable à l’ex- le risque de décès. Cette méthode comporte deux étapes. La position aux PM2,5. Ce pourcentage du risque attribuable première étape consiste en une estimation du risque relatif 67 est appelé Fraction attribuable (FA). Si dans un pays, par (RR) de décès dans le groupe de personnes exposées. exemple, le nombre total de décès par cardiopathie isché- RR = 1 + α * [1–exp (–γ (C–C0)δ)] mique est de 10 000 et si la FA est estimée à 5 %, sur ce total, Où : 500 décès sont dus à une exposition aux PM2,5. RR = risque relatif de décès associé à l’exposition FA = (RR – 1)/RR C = concentration de PM2,5 Source : Apte et al. (2015) C0 =  niveau théorique de concentration à risque minimal, au-dessus duquel il est démontré qu’une réduction des PM2,5 est bénéfique pour la santé ischémique, accident vasculaire cérébral, maladie pulmo- sur : (i) la mortalité par maladie et par groupe d’âge, en naire obstructive chronique et cancer du poumon) et des se basant sur la charge mondiale de morbidité (en 2013, infections aiguës des voies respiratoires inférieures chez les ajustée pour 2014) ; (ii) la proportion de décès dus à la pol- enfants. L’encadré 4.2 résume cette méthodologie.67 lution de l’air calculée à l’aide des fonctions concentration- réponse élaborées par Apte et al. (2015) pour chaque Dans cette section, nous évaluons le nombre de décès maladie, âge et concentration de PM 2,5. attribuables à la pollution de l’air en utilisant des données La Figure 4.2 résume les résultats. Elle indique que la pol- lution de l’air extérieur est responsable d’environ 2  200 67 En épidémiologie, le risque relatif (RR) mesure le risque de survenue d’un événement critique (maladie, décès) dans un groupe exposé par rapport à un décès en  2014. Une part importante (47  %) des décès autre groupe non exposé. d’adultes provient de Casablanca, suivie de Marrakech Figure 4.2. Mortalité due à la pollution de l’air extérieur, par ville 1200 1000 800 Nombre de décès 600 400 200 0 Tanger Marrakech Casablanca Mohammedia Settat Fes Benslimane Khouribga Cardiopathie ischémique Cancer du poumon Accident vasculaire cérébral Infections aiguës des voies respiratoires inférieures Bronchopneumopathie chronique obstructive Source: les auteurs Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 43 Figure 4.3. Mortalité due à la pollution de l’air extérieur, par groupe d’âge 500 400 Nombre de décès 300 200 100 0 0–4 5–14 15–24 25–34 35–44 45–54 55–64 65–74 >75 Cardiopathie ischémique Cancer du poumon Accident vasculaire cérébral Infections aiguës des voies respiratoires inférieures Bronchopneumopathie chronique obstructive Source: les auteurs et Tanger, dus principalement aux cardiopathies isché- le coût de la pollution de l’air au niveau global (Narain et miques, accidents vasculaires cérébraux et cancers du Sall 2016). poumon. Au total, toutes villes confondues, la grande majorité des décès (73 %) résultent de cardiopathies isché- Nous considérons que l’évaluation de la mortalité conduite miques et d’accidents vasculaires cérébraux. pour les 8 villes (2 200 décès) est assez conservative, en se référant uniquement à 8 villes marocaines. L’estimation La Figure 4.3 présente l’estimation de la mortalité pour de l’Institut de Métrologie et d’Evaluation de la Santé chaque groupe d’âge et par maladie. Les adultes âgés de (6 000 décès) couvre le pays entier ; cependant, elle reste plus de 55 ans sont les plus affectés par des décès liés à approximative, en se basant en partie sur des données la pollution atmosphérique – principalement cardiopa- satellitaires, qui sont moins précises que les mesures du thies ischémiques et accidents vasculaires cérébraux. Les sol. Par conséquent, cette étude considère que la mortalité enfants de moins de cinq ans constituent un autre groupe se trouve dans l’intervalle fournit par les deux estimations, vulnérable à la mort due à une infection aiguë des voies à savoir entre 2 200 et 6 000 décès. respiratoires inférieures. Morbidité. Une méthodologie antérieure de l’OMS a été Il convient de noter que l’Institut de Métrologie et d’Eva- utilisée pour estimer la charge de morbidité en se fondant luation de la Santé (Institute of Health Metrics and Evalua- sur le nombre d’années de vie vécues avec de l’incapacité tion) a estimé le nombre de décès au niveau national pour (AVI) et le coût de traitement lié à plusieurs causes de mor- chaque pays, sur la base des informations disponibles bidité68. Il a été suggéré plus récemment d’établir les éva- concernant les concentrations PM2,5. Pour Maroc, le calcul luations du coût de la pollution de l’air en se fondant sur le a été réalisé pour tout le pays, sur la base d’une combinai- consentement à payer (CAP) pour éviter la perte d’utilité son des mesures du sol et satellitaires des concentrations créée par les facteurs de risques de morbidité (p. ex. toux PM2,5 dans l’atmosphère (http://ihmeuw.org/3ts8). Ainsi, chronique, etc.), plutôt que sur les coûts de traitement. Une la mortalité due à l’exposition aux PM2,5 a été évalué à environ 6 000  décès. Cette estimation a été considérée 68 Bronchite chronique, admissions hospitalières pour troubles respiratoires, dans une récente étude de la Banque mondiale et de l’Ins- consultations aux urgences, journées d’activité restreinte, maladies respiratoires titut de Métrologie et d’Evaluation de la Santé qui évalue des voies inférieures des enfants et autres pathologies respiratoires des adultes. 44 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc analyse de plusieurs études de ce type entreprise dans les Elle a été estimée pour le Maroc à environs 1,6 million de pays de l’OCDE (Hunt et al. 2016 ; OCDE 2014) indique dirhams en moyenne (voir Chapitre 2, Encadré 2.1). Sur que le coût de la morbidité représente environ 10  % du cette base, la perte annuelle due aux décès (entre 2 200 coût de la mortalité69, et suggère d’utiliser cet indicateur et 6 000) causés par la pollution de l’air extérieur est esti- dans les pays ne disposant pas de sondages sur le CAP pour mée entre 3,5  milliards de dirhams et 9,7 milliards de éviter la morbidité. L’étape suivante utilise ce pourcentage dirhams. En outre, comme expliqué dans le paragraphe pour estimer le coût de la morbidité au Maroc. précédent, les coûts de morbidité sont estimés à 10 % de cette valeur, soit entre 354 millions de dirhams et 969 mil- Étape 4 : Estimer les impacts sur la santé en lions de dirhams. En additionnant ces valeurs, le coût total termes monétaires. Nous estimons le coût lié à la mor- de la mortalité et morbidité dues à la pollution extérieure talité sur la base de la valeur statistique de la vie (VSV). de l’air varie entre 3,9 milliards de dirhams et 10,7 milliards de dirhams, soit 7,3 milliards de dirhams en 69 Lorsque les coûts de la mortalité ont été basés sur la Valeur statistique de moyenne (Tableau 4.3). la vie. Tableau 4.3.  Coûts de la mortalité et morbidité dus à la pollution de l’air en 2014 Borne inferieure Borne supérieure Valeur moyenne Valeur moyenne   (millions de DH) (millions de DH) (millions de DH) (% du PIB) Pollution de l’air extérieur         Mortalité 3 537 9 686 6 611 0,71% Morbidité 354 969 661 0,07% Sous-total (air extérieur) 3 890 10 655 7 273 0,79% Pollution de l’air intérieur         Mortalité 2 186 2 186 2 186 0,24% Morbidité 219 219 219 0,02% Sous-total (air intérieur) 2 404 2 404 2 404 0,26% Coût total 6 295 13 059 9 677 1,05% 4.3. La pollution de l’air Étape 1 : Mesurer la concentration des polluants atmosphériques pour les ménages. Les concen- intérieur trations de PM2,5 dans les foyers des ménages utilisant un La pollution de l’air intérieur résultant de l’utilisation de combustible solide pour la cuisson varient considérable- combustibles solides pour la cuisson, et à d’autres fins, ment selon l’emplacement de la cuisine (p. ex. à l’intérieur est associée à des effets substantiels sur la santé (Apte et ou à l’extérieur de l’habitation), le type de combustible al. 2015). L’utilisation de combustibles solides (bois, char- solide, le type de cuisinière et les pratiques de ventilation, bon de bois, résidus agricoles) dans les ménages pauvres la durée de la cuisson, la structure de l’habitation, etc. Les produit des PM2,5 et d’autres polluants nocifs pour la santé concentrations de PM2,5 atteignent souvent plusieurs cen- humaine de la même façon que ceux qui sont générés par taines de µg/m3 dans la cuisine, et plus de 100 µg/m3 dans la pollution de l’air extérieur. D’autres carburants (par ex., le reste du foyer. le gaz de pétrole liquéfié, le biogaz) sont plus propres et génèrent moins de PM. Cette section présente une estima- Il n’existe pas de mesure de la concentration des PM2,5 dans tion du coût de la pollution de l’air intérieur, en suivant les les habitations des ménages ruraux du Maroc, mais l’OMS mêmes étapes que celles de la section précédente. a compilé une base de données mondiale de mesures de Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 45 la pollution de l’air domestique70. Elle présente les résul- les foyers des ménages qui utilisent des combustibles tats de 154 études sur des mesures de la pollution de l’air solides. interieur. Cette base de données ne fournit des mesures de concentration PM2,5 dans aucun pays d’Afrique du Nord. Étape 2 : Estimation de la population exposée Cependant, y figure notamment l’étude de Balakrishnan aux polluants. L’exposition des ménages aux PM2,5 pro- et al. (2013) rapportant des concentrations de PM2,5 dans venant de la combustion de combustibles solides dépend certaines régions de l’Inde passant d’environ 160 µg/m3 de leurs habitudes d’activité à l’intérieur et à l’extérieur de dans les zones d’habitation à environ 600 µg/m3 dans la zone de vie familiale. L’enquête démographique et de les cuisines ; une extrapolation de ces résultats à tous les santé (EDS) la plus récente, effectuée en 2011 (Ministère États de l’Inde basée sur des critères considérant l’empla- de la Santé 2012) ne fournit pas d’informations sur l’uti- cement de cuisson, ventilation et mix de combustibles a lisation des combustibles solides pour la cuisson par les permis d’estimer les concentrations moyennes à 450 μg/ ménages ruraux. Toutefois, une étude du Ministère chargé m3 dans les cuisines et 113 μg/m3 dans les pièces d’habita- de l’Environnement/PNUD (2015) indique que 20 % des tion. Zuk et al. (2007) ont mesuré dans les régions rurales foyers ruraux utilisent le bois pour la cuisson en 2010 et du Mexique des concentrations d’environ 100 µg/m3 sur prévoit une diminution de cette part à 5 % en 2040. En la terrasse extérieure des logements pratiquant une cuis- l’absence d’information plus précise, l’application d’une son à feu ouvert après adoption d’une cuisinière à bois tendance linéaire dans le temps permet d’estimer qu’envi- améliorée. ron 18 % des ménages ruraux ont utilisé du bois pour la cuisson en 2014. Sur une population rurale de 13,4 mil- Les cuisinières ou four à bois sont très souvent utilisés lions (HCP 2015), cette proportion correspond à environ au Maroc pour la cuisson du pain, même lorsque les 2,4  millions de personnes71 exposées aux concentrations ménages disposent d’une cuisinière à gaz (Atouk 2013). domestiques de PM2,5. En l’absence de données sur l’emplacement des cuisines, la ventilation et la part des cuisinières à gaz, la présente Étape 3 : Estimer les impacts sur la santé de étude retient une estimation prudente de 100 µg/m3 en l’exposition des ménages aux PM2,5. D’une façon moyenne annuelle de la concentration des PM2,5 dans similaire à la section relative à la pollution de l’air 70 http://www.who.int/indoorair/health_impacts/databases_iap/en/ 71 13,4 millions * 18% = 2,4 millions Figure 4.4. Mortalité due à la pollution de l’air intérieur, par groupe d’âge 500 400 Nombre de décès 300 200 100 0 0–4 5–14 15–24 25–34 35–44 45–54 55–64 65–74 >75 Cardiopathie ischémique Cancer du poumon Accident vasculaire cérébral Infections aiguës des voies respiratoires inférieures Bronchopneumopathie chronique obstructive Source: les auteurs 46 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc extérieur, l’estimation de la mortalité et de la morbidité spécifiques. Du point de vue spatial, les estimations liées associée à la pollution de l’air intérieur est basée sur : (i) la à la pollution de l’air extérieur ne couvrent que les villes mortalité par maladie et par groupe d’âge, en se basant pour lesquelles les données de surveillance étaient dispo- sur la charge mondiale de la morbidité (Global Burden nibles. Par conséquent, l’évaluation finale sous-estime of Disease ajustée pour 2014) ; (ii) la proportion de décès les impacts réels de la pollution de l’air sur la santé. dus à la pollution de l’air calculée à l’aide des fonctions concentration – réponse élaborées par Apte et al. (2015) Références pour chaque maladie, âge et concentration de PM2,5. Les Ait Bouh, H., Benyaich, F., Bounakhla, M., Noack, Y., résultats montrent qu’en 2014, la pollution de l’air inté- Tahri M., Zahry, F., 2013. Seasonal variations of the rieur peut être tenue responsable d’environ 1 350 décès. atmospheric particles and its chemical components in Près de 90 % d’entre eux sont causés par une cardiopa- Meknes city-Morocco. J. Mater. Environ. Sci. 4 (1) 2013, thie ischémique, un accident vasculaire cérébral ou des 49–62. infections aiguës des voies respiratoires inférieures. La Apte, J., Marshall, J., Cohen, A., Brauer, M., 2015. Figure  4.4 présente l’estimation de la mortalité pour Addressing Global Mortality from Ambient PM2.5. chaque groupe d’âge et par maladie. Les éléments les plus Environ. Sci. Technol. 2015, 49, 8057−8066  ; DOI  : jeunes (moins de 5 ans) et les plus âgés (plus de 75 ans) 10.1021/acs.est.5b01236. forment les groupes les plus touchés par la pollution de Atouk, S., 2013. Les énergies renouvelables et les populations l’air intérieur. rurales pauvres : Le cas du Maroc. Maîtrise en environne- ment, Université de Sherbrooke. Étape 4 : Estimer les impacts sur la santé en Balakrishnan, K., Ghosh, S., Ganguli, B., et al., 2013. termes monétaires Comme dans la section précé- State and national household concentrations of PM2.5 dente, nous estimons le coût lié à la mortalité sur la base from solid cookfuel use: Results from measurements de la VSV. Dans une telle hypothèse, la perte due aux and modeling in India for estimation of the global décès causés par la pollution de l’air intérieur est estimée burden of disease. Environmental Health, 12: 77–90. à 2,2 milliards de dirhams. En outre, les coûts de morbi- Commission économique des Nations Unies pour l’Eu- dité sont évalués à 10 % de cette valeur, soit 0,2 milliard rope (CENUE). 2014. Examen des performances environne- de dirhams. Par conséquent, le coût total de la mortalité mentales. Maroc. Nations Unies. New York et Genève. et morbidité dues à la pollution de l’air intérieur s’élève à DMN, 2014 Direction de la météorologie nationale. Rap- 2,4 milliards de dirhams . port national sur la qualité de l’air au Maroc. HCP, 2015 Haut-commissariat au Plan. Recensement général 4.4. Conclusions de la population et de l’habitat 2014. Présentation des princi- Le coût total de la pollution de l’air est estimé entre 6,3 et paux résultats. www.hcp.ma 13 milliards de dirhams. Ceci correspond à une moyenne Hunt, A. et al., 2016. Social Costs of Morbidity Impacts of de 9,7 milliards de dirhams, soit  1,05% du PIB Air Pollution, OECD Environment Working Papers, en 2014 (Tableau 4.3). Le coût lié à la pollution de l’air exté- No. 99, OECD Publishing, Paris. http://dx.doi. rieur représente 0,79 % du PIB. Le coût lié à la pollution de org/10.1787/5jm55j7cq0lv-en l’air intérieur s’élève à 0,26 % du PIB, alimenté surtout par Lim, S. S., Vos, T., Flaxman, A. D., Danaei, G., et al., les cardiopathies ischémiques chez les adultes et les infections 2012. A comparative risk assessment of burden of respiratoires aiguës des voies inférieures chez les enfants. disease and injury attributable to 67 risk factors and risk factor clusters in 21 regions, 1990–2010: a sys- Il convient de noter que les estimations de ce chapitre sont tematic analysis for the Global Burden of Disease soumises à plusieurs contraintes. Du point de vue métho- Study 2010. Lancet, 380: 2224–60. dologique, les évaluations liées à la mortalité se réfèrent Mehta, S., Shin, H., Burnett, R., North, T., Cohen, A., seulement à cinq maladies respiratoires ; alors que celles 2013. Ambient particulate air pollution and acute relatives à la morbidité ne sont pas liées à des maladies lower respiratory infections: a systematic review and Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 47 implications for estimating the global burden of OMS, 2014 Organisation mondiale de la santé. Public disease. Air Qual Atmos Health, 6 : 69–83. health, environmental and social determinants of health. Issue MEMEE, 2009. Étude sur le cadastre des émissions 63, mars 2014. atmosphériques dans la région du Grand Casablanca. Pope C. A. III, Burnett, R. T., Krewski, D., et al., 2009. Analyse prospective d’évolution des émissions. ADS Cardiovascular mortality and exposure to airborne Maroc. fine particulate matter and cigarette smoke: shape of Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urba- the exposure-response relationship. Circulation, 120  : nisme, de l’habitat et de l’environnement et Ministère 941–948. de la Santé, 2000. Étude de la pollution atmosphé- Pope C. A. III, Burnett, R. T., Turner, M., Cohen, A., rique et de son impact sur la santé des populations à Krewski, D., Jerrett, M., Gapstur, S. M. and M. Thun, Casablanca. 2011. Lung cancer and cardiovascular disease morta- Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’urbanisme, lity associated with ambient air pollution and cigarette de l’habitat et de l’environnement et Ministère de la smoke : shape of the exposure-response relationships. Santé, 2003. Évaluation de l’impact de la pollution Environmental Health Perspectives, 119 (11) : 1616–21. atmosphérique sur la santé des enfants asthmatiques REEM, 2015. Rapport sur l’état de l’environnement du Maroc. de Mohammedia. Ministère délégué auprès du Ministre de l’Energie, Ministère de l’Environnement, 2010. Étude relative à des Mines, de l’Eau et de l’Environnement chargé de l’élaboration du programme national de lutte contre l’Environnement. la pollution atmosphérique. Mission I  : Analyse de Sarraf et al., 2003. Royaume du Maroc. Évaluation du coût de la l’existant. Rapport définitif. Octobre 2010. dégradation de l’environnement. Rapport n° 25992 Banque Ministère chargé de l’Environnement/PNUD, 2015. Mis- Mondiale 2003. Washington D.C. sion II. Évaluation des programmes comportant des USEPA, 2016. https://www3.epa.gov/pmdesignations/ mesures visant à atténuer les émissions des gaz à effet faq.htm de serre, p. 77. Van Donkelaar, A., Martin, R. V., Brauer, M., Boys, B. L., Ministère de la Santé, 2012. Enquête nationale sur la popula- 2015. Use of Satellite Observations for Long-Term tion et la santé familiale (ENPSF-2011). Ministère de la Exposure Assessment of Global Concentrations of Santé, DPRF/DPE/SEIS. Fine Particulate Matter. Environmental Health Perspec- Ministère de la Santé, 2015. Etude CAP eco-­ tives. 123 (2) : 135–143. doi : 10.1289/ehp.1408646. épidémiologique “Qualite de l’air et santé dans la WDI 2015. World Developement Indicators. World Bank region du Grand Casablanca”. Rapport Mai 2015. data base. Narain, U. et C. Sall, 2016. What does air pollution cost  ? Zuk, M., Rojas, L., Blanco, S., Serrano, P., et al. 2007. Banque mondiale et l’Institut de Métrologie et d’Eva- The impact of improved wood-burning stoves on luation de la Santé. fine particulate matter concentrations in rural Mexi- OCDE, 2014 Organisation de coopération et de dévelop- can homes. J Exposure Sci and Environ Epidemiology, 17 : pement économiques. The Cost of Air Pollution: Health 224–32. Impacts of Road Transport, OECD Publishing, Paris. OMS, 2010 Organisation mondiale de la santé. Global Burden of Disease. OMS. 48 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Chapitre 5 Sols Abdeljaouad Jorio La dégradation des sols au Maroc est le résultat d’une conjugaison de facteurs clima- tiques (érosion, sécheresse) et anthropiques (défrichements, surpâturage, arrachage des espèces ligneuses, urbanisation, etc.). Le surpâturage, l’extension des mises en culture, la salinisation et le pompage de la nappe phréatique, le défrichement et la déforesta- tion constituent les principales causes de dégradation. Cette dégradation touche les terres en sec (bour), les terres irriguées, les oasis et les parcours. Ce chapitre présente le concept et l’approche d’évaluation de la dégradation des sols et introduit la problé- matique de cette dégradation au Maroc (Section 5.1). Ensuite, il estime le coût de la dégradation des terres agricoles cultivées (Section 5.2) et des terres de parcours (Section 5.3). La Section 5.4 présente les conclusions du chapitre. 5.1. La dégradation des sols : concept et approche d’évaluation La dégradation des sols représente un changement dans l’état de santé du sol qui entraîne une diminution de la capacité de l’écosystème à fournir des biens et services pour ses bénéficiaires72. La terre est traitée comme un écosystème produisant des ser- vices économiques, écologiques, culturels et de régulation (MEA 2005). Sa dégrada- tion se traduit non seulement par une perte de production agricole, mais aussi par une perte de la biodiversité, une baisse de la séquestration du carbone, l’envasement des barrages et d’autres impacts. Le Tableau 5.1, sans être exhaustif, résume la relation entre les causes de dégradation et leurs impacts. La dégradation des terres agricoles et des parcours conduit aux impacts sur site, tels que réduction de productivité ou pertes des terres ; et aux impacts hors site, tels que l’envase- ment des barrages ou des lacs, ces derniers à leur tour pouvant affecter la biodiversité (Pimentel et al. 1995). Ce chapitre estime les impacts sur site de la dégradation des terres, alors que l’évaluation des effets hors site se trouve dans le chapitre relatif à l’eau. 72 www.fao.org Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 49 Tableau 5.1. Désertification et dégradation des terres et leurs impacts Causes de la désertification Service écosystémique et dégradation des terres affecté Impacts Productivité agricole Perte de rendement agricole Malnutrition Élevage/pastoralisme Perte de fourrage et des produits élevage Climat Démographie Eau Envasements des cours d’eau et des barrages Systèmes de production agricole Baisse du stock de poissons Pauvreté Maladies hydriques Politiques publiques Biodiversité Perte d’espèces emblématiques Carbone Émissions de carbone (voire Chapitre 9) Écotourisme et recréation Diminution du nombre de visiteurs Source : Basé sur UNCCD (2013) Les estimations de la perte de productivité et de terres se permanente en cas d’inaction. Ce chapitre estime le coût basent sur la méthode du changement de la productivité. de la dégradation à travers la valeur actualisée ou présente Cette méthode estime le coût de la dégradation des terres des dommages futurs sur une période de 25 ans avec un à partir du changement de productivité du à l’érosion, taux d’actualisation de 6 % (référence : Chapitre 2). la salinisation ou au défrichement73. Il convient de noter que la productivité dépend de plusieurs facteurs, tels que Afin d’adapter le Programme national de lutte contre la main-d’œuvre, les intrants, le type de sols, l’érosion  ; la désertification (PANLCD) aux spécificités zonales, cependant, faute de pouvoir isoler l’impact de l’érosion le HCEFLCD (2013) a divisé le Maroc en huit «  zones sur le rendement, on supposera, toutes choses égales par homogènes  »75 où il a mené pour chacune d’entre elles ailleurs, que ses effets se traduisent par une baisse du ren- une analyse « DPSIR »76. dement agricole. L’estimation se base sur l’évaluation de la perte de rendement en termes physiques (q/ha), ainsi 5.2. Terres agricoles qu’en termes monétaires en utilisant les prix agricoles74. Cette section estime le coût de la dégradation des terres agricoles en termes de  : coût de la dégradation liée La dégradation du sol d’une année a des conséquences aux terres des cultures pluviales (Section 5.2.1) ; et coût pendant plusieurs années successives. Certains auteurs de la salinisation des terres de cultures irriguées (Sec- (Magrath et Arens 1989) estiment qu’elle peut être tion 5.2.2). Le Tableau 5.2 fournit la répartition des terres agricole ainsi que les menaces les plus importantes qui 73 Une méthode alternative est celle basée sur le coût de remplacement. Cette pèsent sur eux. méthode consiste à estimer le coût de dégradation en se basant sur les dépenses qu’il faut engager pour remplacer l’actif endommagé. C’est aussi la méthode utilisée par les promoteurs du Plan national d’aménagement des bassins ver- sants au Maroc (HCFELCD, non daté) 74 Le rendement sur un sol donné est le résultat d’interactions des éléments 75 Leur identification s’est basée sur trois critères  : le relief, le climat et le suivants : éléments fertilisants du sol, matière organique, profondeur du sol et capital sol. capacité de rétention de l’eau. Par conséquent, la baisse du rendement com- 76 Forces motrices (Drivers), pressions (Pressures), états (State), impacts (Impacts) prend aussi la perte d’éléments fertilisants (Barbier 1995). En conséquence, ce et les réponses (Responses). Cette analyse met en relief les interactions entre la chapitre estime uniquement la baisse du rendement due à la dégradation. société et l’environnement. 50 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 5.2. Les terres agricoles et les menaces (millions ha) Superficie (Millions ha) Principales menaces Terres agricoles Jachère 0,5 Agriculture irriguée 1,5 Salinisation, urbanisation Agriculture pluviale 7 Érosion hydrique et éolienne, urbanisation Total 9 Sources : MAPM ; FAOSTAT ; MATEE (2004) ; HCEFLCD (2013) Coût de la dégradation des 5.2.1.  i) Déterminer les taux d’érosion hydrique terres de culture pluviale Les terres agricoles sont plus menacées par l’érosion du La dégradation de ces terres est le résultat de la com- fait de leur exploitation répétitive (faiblesse de la jachère) binaison de facteurs naturels (essentiellement l’éro- et l’insuffisance des mesures de protection des sols. Au sion hydrique) et humains (HCEFLCD  2013). En effet, Maroc, l’érosion hydrique est intense avec des dégrada- la déforestation, les conduites de cultures inefficientes tions spécifiques dépassant 20 t/ha/an dans les versants sont autant de facteurs qui aggravent l’effet de l’érosion du Rif, entre 10 et  20  t/ha/an dans le pré-Rif, entre 5 hydrique (REEM  2015). Ne pouvant distinguer la part et 10 t/ha/an dans les Moyen et Haut Atlas et moins de de l’impact des facteurs humains, nous estimons l’effet de 5 t/ha/an dans les autres régions (REEM 2015). l’érosion sur les terres agricoles pluviales résultant de la combinaison de ces éléments77. Cette estimation reflète On ne dispose malheureusement pas au Maroc de don- uniquement les pertes de rendement agricole  ; d’autres nées globales sur l’érosion hydrique des terres agri- pertes, telles que la perte de biodiversité et la baisse de coles. Afin de déterminer les taux d’érosion dominants la séquestration de carbone n’ont pas pu être estimées à au Maroc, nous avons utilisé la carte d’érosion hydrique cause du manque d’informations. des sols du HCEFLCD (2013). L’évaluation de la perte de rendement due à l’érosion se D’après le HCEFLCD (2013), un état érosif hydrique base sur la méthode du changement de productivité. Elle est faible domine 75 % de la superficie des sols marocains, réalisée en quatre étapes : i) déterminer les taux d’érosion avec des taux d’érosion variant entre 5 et 10 t/ha/an hydrique ; ii) estimer l’ampleur des terres dégradées ; iii) esti- (Tableau 5.3). Puisque la Surface agricole utile (SAU) mer la relation cause à effet entre l’érosion et le rendement en fait partie, on peut supposer qu’elle connaît les agricole ; et iv) évaluer le coût économique de l’érosion. mêmes degrés d’érosion que les sols au niveau natio- nal. Ainsi, 6,4 % de la SAU serait très faiblement éro- 77 À contrario, plusieurs expériences concrètes de terrain ont montré que, par dée, 75  % faiblement érodée (par exemple, les terres des aménagements et une gestion appropriée, négociée avec les utilisateurs et agricoles des plaines et des plateaux ouverts sur l’At- pouvant comprendre des mises en repos, on pouvait restaurer les ressources pas- lantique) ; 10 % moyennement érodée et 8,7 % forte- torales et végétales, assurer un meilleur bilan hydrique, améliorer la « produc- tion d’eau » et réduire les forces des crues en aval (HCP, « Agriculture 2030 »). ment érodée. Tableau 5.3. États érosifs hydriques des sols au Maroc Classe d’érosion < 5 t/ha 5-10 t/ha 10-20 t/ha > 20 t/ha Degré d’érosion très faible faible moyen fort Superficie affectée (% du total) 6,4 74,9 10,0 8,7 Source : HCEFLCD (2013) Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 51 Dans le bassin-versant du Rif, des mesures sur parcelles agricole de 7 millions ha (Tableau 5.1). L’érosion hydrique expérimentales ont révélé des taux d’érosion variant de 18 t/ menace l’ensemble du territoire marocain. MADREF ha/an sur des terres partiellement cultivées à 74  t/ha/an (2001) indique que sur les 7,7 millions ha de terrains culti- sur des terres entièrement cultivées (HCEFLCD non daté). vés recensés en 1973, 2 millions ha de terres agricoles Sadiki et al. (2004) ont dégagé un taux d’érosion moyen par « nécessitent une intervention urgente par des actions de le ruissellement en nappe78 de 55 t/ha/an dans le bassin- réhabilitation et de lutte contre l’érosion ». On peut donc versant de l’oued Boussouab (Rif oriental, Maroc). Compte supposer que ces 2 millions ha subissent une érosion forte, tenu des informations ci-dessus, nous retenons quatre taux : ce qui correspondrait à un taux d’érosion supérieur à 20 t/ 5, 10, 20 et 50 t/ha/an que nous allons croiser avec les sur- ha/an. faces des terres agricoles dégradées. À côté de ces 2 millions ha, 3,5 millions ha subiraient une érosion faible à moyenne79, soit entre 5 et 10 t/ha/an (voir ii) Déterminer la superficie des terres Tableau  5.3). En utilisant les quatre taux d’érosion rete- dégradées nus dans le paragraphe précédent, et en ayant à l’esprit Pour estimer l’effet de l’érosion, on retiendra la surface que c’est l’érosion faible qui est dominante, le Tableau 5.4 des terres portant les cultures pluviales, soit une surface estime la distribution de la surface agricole par degré d’éro- sion. Pour chaque degré d’érosion, l’estimation retiendra la valeur moyenne de l’intervalle présenté dans le tableau. 78 L’érosion en nappe s’entend du déplacement des particules de sol provoqué par le choc des gouttes de pluie et les eaux de ruissellement. Elle se produit habituel- lement d’une manière égale sur une pente uniforme et passe inaperçue jusqu’à ce 79 Chiffre arrêté en accord avec des cadres du MAPM lors d’une réunion tenue que la quasi-totalité de la couche arable productive ait été enlevée (Ritter 2012). le 4 mai 2016 au siège de ce ministère. Tableau 5.4. Distribution de la surface agricole par degré d’érosion Superficie agricole Taux d’érosion Degré d’érosion affectée (millions ha) (t/ha/an) Faible 3,5 5–10 Forte 2 20–50 Total surface agricole utile pluviale 7 Sources : MADREF (2001) pour la superficie affectée par un degré fort d’érosion, auteurs pour l’estimation de la superficie affectée par un degré faible d’érosion et HCEFLCD (2013) pour les taux d’érosion iii) Relation entre érosion et rendement agricole du Maroc. Les auteurs ont calculé la perte de rendement Ne disposant pas d’informations sur cette relation au (exprimée en pourcentage) suite à l’augmentation d’une Maroc, nous avons exploité les données de Den Biggelaar tonne d’érosion par ha. Une analyse de régression81 pour et al. (2004) qui ont estimé la relation cause à effet entre le blé en utilisant les données de Den Biggelaar et al. l’érosion et le rendement pour les cinq continents, cinq (2004) a permis d’établir la relation suivante : cultures80 et sur dix différents types de sol. Cette étude globale a été réalisée sur la base de 179 expérimentations  = (Ewp) 1,224 * 0,0114 (1) r à travers le monde. Cela signifie qu’elle a capté toutes les différences de climat, de sol ainsi que toutes les occupa- Où r = baisse relative du rendement due à l’érosion tions du sol, justifiant par là son exploitation pour le cas   Ewp = taux d’érosion La régression s’est faite sur 39 observations ; R2=0,707 ; t de student de 9,7 et 81 80 Blé, maïs, pommes de terre, soybean, millet, sorgho. 11,4 respectivement pour le coefficient et pour la constante. 52 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Le signe positif du coefficient signifie que quand l’érosion rendement moyen de blé au Maroc est de 13,5  q/ha82. augmente, la perte de rendement augmente. Ce coeffi- Il en résulte une baisse du rendement de 0,0108  q/ha cient traduit l’élasticité de la perte de rendement par rap- (pour un taux de 5  t/ha) à 0,18  q/ha (pour un taux de port à une variation relative de l’érosion. Il est supérieur 50  t/ha). Ceci correspond à une diminution du rende- à 1, indiquant ainsi la forte réaction du rendement à la ment de 0,08 % (pour un taux de 5 t/ha) à 1,37 % (pour variation de l’érosion. un taux de 50 t/ha). Dans les sections précédentes, il n’a pas été possible de déterminer les taux d’érosion et la répartition des terres iv) Calculer le coût économique de l’érosion érodées par type de culture ; cependant, étant donné que L’estimation de ce coût est calculée à partir de la perte de ren- les céréales occupent une bonne partie (65 %) de la SAU, dement des céréales et du prix du blé tendre. Ainsi, la perte nous supposons que toutes les terres sont cultivées en annuelle en rendement due à l’érosion est estimée à 83,8 mil- céréales et plus particulièrement en blé. Par conséquent, lions de dirhams (Tableau 5.6). En supposant que l’érosion l’équation (1) sera appliquée pour le blé, ensuite extra- qui se produit au cours de l’année de référence (2014) cause polée à l’ensemble des céréales. Le Tableau  5.5 montre des pertes de rendement pour une période future (25 années), l’application de cette équation pour calculer la baisse du rendement pour 4 valeurs du taux de l’érosion (Ewp). Le 82 Moyenne de la période 2006–2013 ; FAOSTAT Tableau 5.5. Perte de rendement due à l’érosion Taux d’érosion Baisse du rendement Baisse rendement (t/ha /an) (en % par an) (q/ha) Ewp ˙ = (Ewp)1,224 * 0,0114 r ˙ * R (R = 13,5) ∆R = r  5 0,08 0,0108 10 0,19 0,0255 20 0,45 0,06 50 1,37 0,18 Source : FAOSTAT pour le rendement agricole du blé, moyenne 2006–2013 Tableau 5.6. Coût économique de l’érosion hydrique Terres affectées par Érosion faible Érosion forte Total Superficie agricole affectée par érosion (millions ha) 3,5 2 5,5 (1) Taux d’érosion (t/ha/an) 5-10 20-50 n.d. Baisse du rendement (q/ha) 0,018 0,123 0,048 (2) Production de blé perdue (q) 64589 246 000 310 589 (3) = (1)*(2) Prix du blé (DH/q) 270 270 270 (4) Coût annuel de l’érosion (millions de DH) 17,4 66,4 83,8 = (3)*(4) Valeur actualisée du coût de l’érosion 223 848 1 071 Sources : (2) - moyennes des baisses du rendement pour les taux d’érosion de 5-10 t/ha/an et de 20-50 t/ha/an. (3) - MEF 2015. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 53 la valeur actualisée de cette perte s’élèverait à 1,07 milliard les nappes côtières85 ; la remontée des nappes résultant de de dirhams avec un taux d’actualisation de 6 %. l’abus de l’eau d’irrigation ; le mauvais drainage des sols dû au manque d’entretien des réseaux du drainage86 et la non-maîtrise des techniques d’irrigation, notamment Coût de la salinisation 5.2.2.  des terres irriguées l’utilisation de l’irrigation gravitaire (FAO 2015). L’agriculture irriguée est un secteur important. En année Cette section estime la perte du rendement agricole sur les moyenne, elle représente 45 % de la valeur ajoutée agri- terres irriguées due à la salinisation. L’évaluation se base cole, 75 % des exportations et 25 % des emplois au niveau sur la méthode du changement de productivité. Elle est national (CESE 2014) alors qu’elle n’occupe que 16,7 % réalisée en quatre étapes : (a) estimer la surface irriguée de la SAU83. La surface équipée pour l’irrigation s’élève à affectée par salinisation ; (b) déterminer le niveau de sali- 1,5 million ha (Tableau 5.2).84 nité ; (c) établir la relation entre la salinité et le rendement La salinisation est une accumulation de sels dans le sol qui agricole ; (d) estimer le coût économique de la salinisation. abaisse les rendements et peut détériorer les terres de façon Les paragraphes suivants décrivent chaque étape. irrémédiable (Encadré 5.1). Au Maroc, la salinisation des terres agricoles est un phénomène important, dû à plusieurs i) Estimer la surface irriguée affectée causes, telles que la surexploitation des nappes, notamment par la salinisation En 2000, la FAO87 a estimé à 150 000 ha les terres irri- guées qui sont salinisées en raison d’une agriculture inten- sive et de pratiques inappropriées liées à l’irrigation. Le 83 http://www.agriculture.gov.ma/pages/lirrigation-au-maroc. En plus, elle MdE (2015) avance le chiffre de 160  000  ha comme contribue à 81 % du volume total de la production agricole (CESE, 2014) : 86 % des cultures industrielles sont irriguées, en particulier toute la production de sucre, 89 % des plantations – dont 100 % des agrumes, 55 % du maraîchage, 85 On estime le déficit hydrique à 4 000 Mm3 dont 1 000 Mm3 proviennent de la 81 % des fourrages, et près de 20 % de la production totale de viande et céréales surexploitation des nappes (CESE 2014). (HCP 2007). 86 En effet, seuls 44 % de la superficie totale équipée pour l'irrigation sont drainés 84 La surface équipée pour l’irrigation s’élève à 1,52 million ha, cependant 1,34 (FAOSTAT), ce qui augmente le risque de salinisation des terres non drainées. million ha sont réellement irrigués. Compte tenu d’un indice d’intensité d’ex- 87 http://www.fao.org/nr/water/aquastat/countries_regions/mar/indexfra.stm ploitation de 127,6, les superficies réellement irriguées s’élèvent à 1,71 million et base de données AQUASAT http://www.fao.org/nr/water/aquastat/data/ ha (FAO, Aquastat). query/results.html Encadré 5.1. Impacts de la salinisation sur le rendement agricole La conductivité électrique de la pâte saturée (CE) (Electrical rendement du blé de 4,5 à 3,7 t/ha, soit une baisse marginale conductivity of a satured soil extract) est l’indicateur standard pour du rendement de 0,17 t pour une augmentation d’une unité mesurer la charge en sels solubles dans le sol. Il est mesuré ECe (Ephraïm et al. 2011). En Inde, des expérimentations sur selon la méthode préconisée par le laboratoire de Riverside parcelles ont montré une baisse marginale du rendement de et exprimée en décisiemens par mètre (Richards 1954 dans 0,29 t pour le blé et de 0,13 t pour l’orge (Oosterbaan et al. OEH, 2015). À partir de cette mesure, les scientifiques ont 1990). En Turquie, M. A. Ç  ullu (2003) a montré qu’à partir établi cinq classes de salinité des sols  : absence de salinité, d’un certain seuil de salinité, le rendement agricole du blé et correspondant une CEe < 2 ds/m ; salinité légère, avec une du coton commence à décliner, la région est de « très saline » CEe entre 2 et 4 ds/m ; salinité modérée, avec une CEe entre à « hautement saline » correspondant respectivement  à 9,2 4 et 8 ds/m ; salinité forte, avec une CEe entre 8 et 16 ds/m ; et 13,4 ds/m. Par rapport au seuil, cela équivaut respective- et salinité sévère, avec une CEe > 16 ds/m (OEH, 2015).  ment à une baisse de 13,5 % et 35 % pour le blé et 8 % et 29,6  % pour le coton. En Californie, il a été établi qu’une Plusieurs études et expérimentations in situ ont montré l’im- augmentation d’une unité d’ECe entraîne une baisse du ren- pact négatif de la salinité des sols sur le rendement agricole. dement agricole de 10 % pour les tomates et de 16,7 % pour Par exemple, en Ouzbékistan, il a été établi qu’une augmen- les oranges (California Fertilizer Association 1990). tation de la CE de 3 à 7,5 ds/m entraînerait une baisse du 54 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc surface soumise à la salinisation. Nous retenons ce der- des sols, induisant par là une baisse de sa productivité. nier chiffre comme estimation de l’année la plus récente La salinisation est exprimée par un indice dont la valeur disponible. Il s’agit d’une sous-estimation, compte tenu de est comprise entre 5 (absence de risque) et 29 (risque très la persistance des facteurs de salinisation, essentiellement élevé). Le projet GLADIS/LADA montre que le risque l’intensification agricole, l’insuffisance du drainage des est très grand dans les zones qui correspondent grosso terres irriguées88 et la détérioration de la qualité des eaux modo aux périmètres de grande irrigation dominés par d’irrigation. les systèmes des grandes cultures intensives. HCEFLCD (2011) confirme ce constat en précisant que les zones les Ne disposant pas de données sur la répartition par culture plus concernées sont situées dans les périmètres irrigués des terres irriguées touchées par la salinisation, nous d’Ouarzazate, Tafilalet, Haouz, Basse Moulouya, Tadla, avons appliqué les proportions relatives à chaque culture Souss-Massa et du Gharb. La carte montre que le risque au niveau national aux 160 000 ha touchés par la salinisa- de salinité au Maroc est modéré à élevé. Par exemple, dans tion. Ainsi, si le blé couvre 21,6 % des terres irriguées au la région de Tadla-Azilal (ancienne appellation), le taux niveau national, on suppose que le même pourcentage des de salinité des terres irriguées varie de 0,1 à 24,6 ds/m 160 000 ha touchés par la salinisation est cultivé en blé89. (Département de l’Environnement 2014), dans la région Le Tableau 5.8 (deuxième colonne) présente la répartition de Meknès-Tafilalet, ce taux varie entre 4 et 16  ds/m par culture de la superficie affectée par salinisation. (Département de l’Environnement 2013). Ces observations permettent de soutenir que la salinité ii) Déterminer le niveau de salinité qui touche les terres irriguées est en général modérée. Nous ne disposons pas de données précises sur le niveau Il faudrait aussi noter que les dommages causés par le de salinité, aussi bien au niveau global qu’à celui du type sel sont plus graves en régime chaud et sec91 comme le de culture. Nous avons cependant construit quelques Maroc, que sous les climats froids et humides. hypothèses afin de pouvoir estimer le niveau de salinité sur la base d’informations existantes. D’après l’Encadré 5.1, la salinité modérée correspond à une conductivité électrique (CE) de 4 à 8 ds/m. Nous Le projet GLADIS/LADA a calculé le risque de salinité calculerons le coût de salinisation pour ces deux valeurs et dû à l’irrigation pour le Maroc à partir d’une carte mon- nous retiendrons leur moyenne. diale interactive90. Cet indice exprime « l’excès de salini- sation ». Ce dernier se produit généralement en présence de systèmes d’irrigation inadéquats. Pour construire cet iii) Établir la relation entre la salinité indice, les auteurs du projet ont utilisé la carte mondiale et le rendement agricole des superficies irriguées ainsi que les statistiques relatives La plupart des études consultées utilisent la méthodologie aux terres irriguées touchées par la salinisation puisées développée par Maas et Hoffman (1977), Maas (1990), et dans la base de données AQUASTAT (LADA 2011). Maas et François (1994) pour calculer la variation du ren- dement des différentes cultures et plantations en fonction La salinisation participe, au même titre que l’épuisement du niveau de salinité constaté. Cette méthodologie a été des éléments nutritifs et la pollution, à la dégradation reprise par la FAO92 et est utilisée dans ce chapitre pour calculer la perte de rendement agricole au Maroc due à la 88 Les superficies équipées pour le drainage représentent actuellement 45,4 % salinité. Elle se base sur l’équation suivante : de l’ensemble des terres équipées pour l’irrigation en maîtrise totale ; op cité. 89 Il y a là, par exemple, un risque de surestimer la part des céréales et des légu- mineuses dans les superficies salinées alors qu’elles possèdent un seuil critique  = B*(CE – A)   (2) r élevé. Un taux de salinisation inférieur à ce seuil signifierait que ces cultures ne sont pas touchées par la salinisation et par conséquent, ces deux cultures ris- queraient de ne pas figurer parmi les cultures touchées par la salinisation. Nous sommes conscients de cette limite. 91 http://www.fao.org/docrep/003/s8500f/s8500f0e.htm#b9-A.9%20Salinité 90 Où chaque pixel correspond à une résolution de 9×9 km. 92 Voir aussi : http://www.fao.org/docrep/005/y4263e/y4263e0e.htm Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 55 Ou  = perte relative du rendement r Par ailleurs, le Tableau 5.7 fournit les seuils critiques et la baisse du rendement due à une unité B =  baisse du rendement suite à l’augmentation de la salinité supplémentaire de salinité (%) pour les différents types de culture et de plantation frui- CE = niveau de salinité constaté (ds/m) tière. Ce tableau permet ainsi d’évaluer la tolérance des A =  seuil critique de salinité au-delà duquel différentes cultures à la salinité93. le rendement agricole commence à décliner (ds/m) 93 Par exemple, la CE constatée du blé est de 10 ds/m ; en utilisant l’équation (2) L’équation ci-dessus estime la perte du rendement provo- et les informations du Tableau 5.9, la baisse du rendement du blé est estimée à qué par un niveau de salinité au-dessus d’un seuil critique. 28,4 % [7,1*(10 – 6)]. Tableau 5.7. Seuil critique et baisse du rendement par culture Seuil critique Baisse du rendement due à une unité supplémentaire Culture/plantation (ds/m) de salinité à partir du seuil critique (%) Blé 6,0 7,1 Tomate 2,5 9,9 Luzerne (fourrage) 2 7,3 Orge fourrage 6,0 7,1 Agrumes (Oranges) 1,3 13,1 Betterave à sucre 7,0 5,9 Canne à sucre 1,7 5,9 Maïs 1,7 12 Riz 3,0 12 Source : FAO http://www.fao.org/docrep/005/y4263e/y4263e0e.htm iv) Estimer le coût de salinisation dirhams, avec une moyenne de 595 millions de dirhams Nous estimons ce coût à travers la perte de rendement par an. de différentes cultures sur les terres affectées par la sali- nisation et le prix au producteur de chaque produit. On En résumé, la dégradation des terres agricoles constate que les agrumes et les tomates sont les plus mena- induit un coût total estimé entre 1330 millions de dirhams cés à cause de la faiblesse de leurs seuils critiques. Le coût et 2 001 millions de dirhams, avec une moyenne de total de salinisation varie entre 259 et 930 millions de 1 666 millions de dirhams. 56 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 5.8. Estimation du coût de salinisation des terres agricoles Perte de rendement due à Coût de salinisation Superficie la salinisation (%) (millions de DH) Cultures affectée par Prix à la irriguées salinisation Rendement production CE CE Culture SAU (000 ha) (ha) (q/ha) (DH/q) = 4ds/m = 8ds/m CE = 4 ds/m CE = 8 ds/m Blé 370 34 600 16,5 263 0 14,2 0 21,2 Riz 20 1 870 70,7 … 12 60 … … Maïs 70 6 546 8,6 271 27,6 75,6 4,2 11,5 Autres céréales 80 7 481 8,7 271 0 14,2 0 2,5 Légumes (tomates) 209 19 544 172,1 236 14,9 54,5 117,9 432,2 Légumineuses 15 1 403 128,1 759 0 0 0 0 Betterave à sucre 44 4 115 555,9 45 0 5,9 0 60,1 Canne à sucre 11 1 029 625,1 29 13,6 37,2 2,5 68,1 Fourrage 200 18 703 … 285 0 14,2 … … Autres cultures 23 2 151 … 285 0 0 … … Agrumes 101 9 445 147,4 274 35,4 87,8 134,9 334,7 Autres fruits 147 13 746 … … … … … … Oliviers 330 30 859 13,9 … … … … … Palmiers à huile 70 6 546 … … … … … … Herbe et fourrage 21 1 964 … … … … … … Total 1 711 160 000 259,4 930,4 (1) (2) (3) (4) (5) (6) =(2)*(3)*(4)*(5) =(2)*(3)*(4)*(6) Source : Colonne 1 - AQUASTAT ; colonne 2 – nos calculs sur la base de la répartition des cultures dans la colonne 1 ; colonnes 3 et 4 - FAOSTAT ; colonnes 5 et 6 - nos calculs sur la base du rendement de chaque culture (colonne 3) ; Note :… = non connu. 5.3 Terres de parcours Cependant, ces terres subissent des pressions dues à la conju- gaison de facteurs climatiques (érosion, sécheresse) et anthro- Les terres de parcours constituent une des sources prin- piques (défrichements, surpâturage, arrachage des espèces cipales de l’alimentation animale, particulièrement pour ligneuses). Cette section mesure l’impact de ces pressions sur l’élevage extensif traditionnel, essentiellement du petit la productivité des parcours. Tout d’abord elle estime, sur la bétail. Ce dernier s’insère dans un système agro-pastoral base des informations disponibles, la superficie de ces terres (i) ou pastoral faisant vivre des millions de personnes. La et présente la problématique liée à leur dégradation (ii). contribution de l’élevage à la production agricole brute Ensuite, elle estime la valeur économique totale des parcours varie de 25 à 42 % selon les années agricoles. Le recense- (iii) et la partie de cette valeur perdue à cause du défriche- ment agricole (MADRPM 1998) a montré que 18 % des ment, désertification et dégradation de ces terres (iv). producteurs agricoles tirent leurs revenus exclusivement de l’élevage. En outre, les parcours offrent des services économiques (p. ex. production fourragère, miel), sociaux i) Estimer la superficie des terres de parcours (p. ex. récréation dans des espaces protégés, chasse) et C’est le MARA (1992) qui, pour la première fois, a estimé environnementaux (p. ex. séquestration de carbone et cette superficie dans le cadre de la Stratégie du dévelop- lutte contre l’érosion). pement des terres de parcours (Tableau  5.9 première et Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 57 deuxième colonnes). Il s’agit de la seule estimation offi- hors forêts s’étend sur 24,3  millions ha95. D’autres cielle jusqu’à aujourd’hui qui est reprise par d’autres auteurs fournissent des estimations similaires pour les par- départements ministériels dont celui de l’Environnement cours permanents steppiques96. (REEM 2001, 2010, 2015). Ces 24,3 millions ha (Tableau 5.9 troisième colonne) ser- Cependant, plusieurs estimations de la superficie des viront de base au calcul du coût de dégradation, auxquels parcours ont été réalisées. Le Conseil de gouvernement nous avons ajouté 6,1 millions ha de parcours forestiers. marocain a adopté en  2015 un projet de loi relatif à la Ainsi, la superficie des terres de parcours perma- transhumance pastorale, la gestion et l’aménagement des nentes et productives incluant les forêts est esti- espaces pastoraux94. Il indique une superficie des par- mée à 30,4 millions ha. Par la suite, le calcul du coût de cours hors forêts de 53 millions ha et 9 millions ha dans le dégradation portera essentiellement sur cette superficie, domaine forestier et alfatier (dont 3,3 millions ha d’alfa). le reste est soit déjà perdu, soit ne justifie pas d’investisse- Sur les 53 millions, 21 millions ha sont aménageables, le ments visant son aménagement et sa restauration. reste est constitué des steppes sahariennes peu productives, des sites rocheux et des zones occupées par des infrastruc- tures. Sur la base de ces informations, on estime que la 95 Ce résultat est obtenu en additionnant les 21 millions ha des parcours hors forets aménageables et les 3,3 millions ha des nappes alfatières. superficie des parcours permanents et productifs 96 Mahyou et al. (2010), centrant leur analyse sur les parcours en zone semi-aride et aride et utilisant une carte digitale d’occupation des sols « Globcover » établie 94 Projet de loi n°113-13,  20/03/2015.  Ce projet de loi vise, dans son article en 2008, estiment la superficie de ces parcours à 33,9 millions ha soit 82 % de premier, à «  mettre en place le cadre juridique relatif à l’organisation, le développement la superficie des zones semi-arides et arides. Ils relèvent que 19,5 millions ha de et l’exploitation rationnelle et durable des ressources pastorales, à la sécurisation de l’assiette ces 33,9 correspondent à un « sol nu », témoignant d’une désertification passée foncière à vocation pastorale et sylvo-pastorale, à la garantie des droits d’accès et d’usage des terres de parcours. Ce qui laisserait environ 24 millions ha comme parcours de ces espaces et de leurs ressources et au règlement des différends qui peuvent surgir de la productifs dans ces zones. Par ailleurs, sur l’ensemble du Maroc, Laouina et al. pratique de la transhumance pastorale  » (http://www.sgg.gov.ma/Portals/0/lois/ (2001) estiment à environ 32 millions ha, les parcours permanents dont 21 à 22 Projet_loi_113.13_Fr.pdf). millions ha steppiques, le reste en forestier (alfa comprise). Tableau 5.9. Répartition des terres de parcours (millions hectares) Steppes Total parcours Forêts Steppes (steppe saharienne non permanents et (Réf. : MARA) (Réf. : MARA) productive exclue) productifs (1) (2) (1) + (2) Dominante steppique 0,7 57,3 23 23,7 Saharienne 0 46 11,7 11,7 Présaharienne 0,06 5,6 5,6 5,7 Oriental 0,3 4,7 4,7 5 Nord Atlas 0,29 1,01 1,01 1,3 Arganeraie 0,7 0,8 0,8 1,5 Dominante forestière 4,7 0,4 0,4 5,1 Moyen Atlas 1,0 0,2 0,2 1,2 Haut Atlas 2,0 0,2 0,2 2,2 Rif 0,9 0 0 0,9 Mamora, plateau central. 0,8 0 0 0,8 Dominante céréalière 0 0,1 0,1 0,1 (pâturage du sahel) 0 0,1 0,1 0,1 Meseta côtière Total 6,1 58,6 24,3 30,4 Source : REEM (2001), tiré de MARA (1992) et estimations auteurs 58 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc ii) Problématique Tableau 5.10. Parcours permanents soumis Les parcours subissent des pressions dues à la conjugaison aux différentes pressions de facteurs climatiques et anthropiques. Ces pressions se Superficie moyenne manifestent à travers : le défrichement, en termes de pertes Type de pression affectée (000 ha) de terres à long terme en faveur d’autres utilisations des Défrichement (Fort) 65 terres ; la désertification, à savoir des pertes irréversibles de terres dues à l’avancement du désert ; et la dégradation, en Désertification (Fort) 103 termes de réduction des bénéfices due à la surexploitation Dégradation 30 232 de ces terres (p. ex. à travers le surpâturage et l’arrachage •  Faible 4 300 des espèces ligneuses). Il convient aussi de noter que les •  Moyen 17 800 défrichements et la désertification se traduisent par une •  Fort 8 132 baisse de leur superficie. Les paragraphes suivants esti- Total 30 400 ment la superficie affectée par chaque pression. Défrichement. D’après le HCEFLCD97, le défrichement En raisonnant sur cette surface et en retenant les mêmes touche chaque année 65  000  ha, pris sur les meilleures superficies faiblement et fortement dégradées fournies par terres de pâturage. Ce sont des parcours détournés à des fins MARA (1992), le tableau ci-dessous estime la répartition de cultures, principalement des céréales. Il s’agit de terres des parcours permanents par degré de dégradation. collectives appartenant à la communauté (tribu, fraction) et dont le défrichement correspond à une appropriation privée iii) Valeur économique totale des parcours de fait. En effet, ce défrichement remet en cause l’organi- Les parcours constituent un capital naturel qui pro- sation des terres de parcours fondée sur leur appropriation duit des services d’approvisionnement, de régulation et collective et sur un mode de production où la transhumance culturels (MEA  2005), l’ensemble de ces services consti- des troupeaux constituait une variable importante permet- tuent sa «  valeur économique totale  » (VET). La VET tant de réduire les pressions sur les parcours. des parcours comprend les services d’approvisionnement Désertification. Dans le cadre d’un travail prospectif pour (tels que la production fourragère, alfa, la chasse), les ser- le compte du HCP, Laouina (2006) estime que les parcours vices de régulation (tels que la lutte contre l’érosion, la steppiques productifs actuels perdent chaque année entre 0,6 séquestration de carbone) et les services culturels (services et 1 % de leur superficie, soit entre 126 000 et 210 000 ha. En récréatifs et préservation de la biodiversité). Constanza soustrayant la superficie annuellement défrichée (65 000 ha), et al. (1997) ont identifié et estimé les différents services il reste entre 61 000 et 145 000 ha par an au titre de la déser- assurés par différents types de capital naturel dont les prai- tification, soit une moyenne de 103 000 ha. ries et terres de parcours. Sur la base de leurs estimations, les services de régulation représentent 70  % de la VET Dégradation. D’après le MARA (1992), 63 millions ha d’un ha de parcours, suivis par ceux d’approvisionnement de parcours sont dégradés à différents degrés : 8,3 millions (29 %) et culturels (1 %)98. On retrouve pratiquement la ha sont fortement dégradés, 50,4 millions sont moyenne- même répartition en Iran (Abolhassani 2011) et en Tuni- ment dégradés, et 4,3 millions ha sont faiblement dégradés. sie (MARHP 2015). On constate que les services de régu- Plusieurs publications officielles et scientifiques reprennent lation représentent 2,43 fois ceux d’approvisionnement les chiffres relatifs aux superficies fortement et faiblement alors que les services culturels n’en représentent que 0,03. dégradés (Laouina et al. 2001 ; Boulanouar et al. 2006 ; Mahyou et al. 2010 ; Acherkouk 2012 et 2013). En sous- 98 Si l’on regroupe les estimations de Costanza et al. (1997) sur la base de la trayant les superficies défrichée et désertifiée, la superficie classification du MEA (2005), les services d’approvisionnement sont estimés à des parcours permanents restants est 30,2 millions ha. 67 USD/ha (produits primaires) ; les services de régulation sont évalués à 163 USD/ha (régulation de l’eau, contrôle de l’érosion, formation des sols, control pollution, séquestration de carbone, control biologique, pollinisation) ; et ceux 97 Fiche : Pastoralisme et parcours ; http://www.scid.ma/tableau_de_bord.html culturels (récréation) sont estimés à 2 USD/ha (en USD 1997). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 59 Nous ne disposons malheureusement pas de données suffi- Services d’approvisionnement. La productivité des santes pour calculer cette valeur pour les terres de parcours parcours varie selon la position climatique et la nature du au Maroc. Nous pouvons tout au plus calculer, à partir des couvert. Pour le parcours forestier, elle varie de 75 Uni- informations disponibles, le service d’approvisionnement tés Fourragères (UF)/ha en zone aride à 375 UF/ha en (production de fourrage) et la séquestration de carbone. zone humide. Le parcours steppique a une productivité Les autres éléments de la VET sont calculés en reprenant équivalente à la forêt en zone semi-aride (200–225 UF/ la structure de la VET estimée ci-dessus. Ainsi, la VET ha) (Laouina et al.  2001). D’après le MAPM (2012), en est estimée à 1 256 dirhams/ha de parcours non dégra- année favorable, le disponible fourrager est en moyenne dées, comme décrit ci-dessous. A titre de comparaison, la d’environ 14 milliards d’UF alors qu’en année défa- VET calculée pour la Tunisie est de 980 dirhams pour les vorable ce disponible n’est que de 10 milliards UF. Les parcours alfatiers et de 792 dirhams pour les autres par- disponibilités fourragères au titre de la campagne 2009– cours (MARHP 2015)99. 2010 étaient estimées à 17,5 milliards UF, dont 4 étaient assurés par les parcours100. En retenant cette dernière Par ailleurs, Laouina et al. (2001) estiment que les 30,5 millions ha donnent 100 99 Respectivement 198 et 160 dinars tunisiens (DT), avec un DT=4,95 dirhams. entre 3 et 5 milliards UF selon la pluviométrie. Encadré 5.2. La valeur de la séquestration du carbone par hectare Le calcul de cette séquestration se fera en suivant les « Recom- Cette variation est donnée par l’équation suivante : ∆CTP = mandations » du GIEC et tous les chiffres et valeurs ainsi que B * FC l’équation utilisée renvoient à cette référence. Cette séques- B=quantité de biomasse vivante dans un ha de parcours, (en tration concerne principalement la biomasse. Cette valeur est tonnes matière sèche par ha) donnée par l’équation suivante : Vsq = ∆CTP * PC fraction de carbone de la matière sèche par tonne de FC =  variation annuelle du stock de carbone de la biomasse ∆CTP =  MS (valeur par défaut = 0,5) vivante des terres de parcours (tonnes C par an) Pour calculer B et FC, nous avons utilisé l’estimation « niveau PC = prix d’une tonne de carbone (en USD) 1 » qui figure dans les « recommandations » variation annuelle du stock de carbone de la biomasse ∆CTP =  vivante des terres de parcours (tonnes C par an) Signification Valeur Références/Notes FC Fraction de carbone 0,5 GIEC 2003; Tableau 3.3.7 ; p 3.89 BTP Quantité de biomasse vivante tonnes 1,6 Tableau 3.4.2 (GIEC 2003) m.s. par ha ∆CTP Variation des stocks de carbone de 0,8 Calcul la biomasse vivante d’un hectare de parcours (tonne de C) avant désertification ∆CTP Variation des stocks de carbone de la 2,93 1 tC = 44/12 tCO2 biomasse vivante d’un hectare de parcours en équivalent CO2 Pc$ Prix d’une tonne de CO2 ($EU) 5,5 WB 2014 PcDH Prix d’une tonne de CO2 (DH) 46,36 1$=8,43DH Vsq = ∆CTP * PC Valeur séquestration carbone par 136 Calcul hectare (DH) 60 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc production, le rendement fourrager en année favorable Coût lié aux surfaces défrichées et désertifiées. serait de 131  UF/ha. Ce rendement est obtenu sur des La désertification et le défrichement se traduisent par terres moyennement et fortement dégradées (soit 26 000ha la disparition totale de la VET, soit 1 256 dirhams par d’après Tableau 5.10), il ne s’agit donc pas du rendement ha et par an. En considérant la superficie annuellement potentiel que l’on obtiendrait en l’absence de dégrada- défrichée (65 000 ha) et désertifiée (103 000 ha), la perte tion. D’après IAV-UTAH (1993–1994), un ha «  moyen- annuelle de VET correspond à 211 millions de dirhams. nement dégradé » perd 25 % de son rendement, ce qui Le défrichement et la désertification qui se produisent en donnerait un rendement potentiel d’environ 175 UF/ha. une année affectent le rendement agricole sur plusieurs Sachant qu’une unité fourragère correspond à un kilo- années. Ainsi la valeur actualisée des pertes pour un taux gramme d’orge et en retenant un prix au producteur de de 6 pour cent et une période de 25 ans s’élève à 2 696 l’orge de 2,30 dirhams/kg (FAOSTAT 2013), la valeur de millions de dirhams. la production fourragère est estimée à 402 dirhams/ha. Coût lié aux surfaces dégradées. D’après MARA Services de régulation. Si l’on considère que les services (1993–1994)101, un parcours « faiblement dégradé » perd de régulation représentent  2,43  fois ceux d’approvisionne- peu ou rien de sa productivité fourragère, alors qu’un ha ment, la valeur de ces services est estimée à 977 H/ha. En « moyennement dégradé » perd 25 % de sa productivité et parallèle, l’équipe de l’étude a estimé la valeur de la séques- un ha « fortement dégradé » perd 45 % de sa productivité. tration du carbone par ha qui s’élève à près de 136 dirhams/ ha (Encadré 5.2). On en déduit donc que la valeur des autres Pour le calcul de la baisse annuelle, nous supposons que la services de régulation (tels que la régulation d’eau, le contrôle valeur totale d’un ha de parcours baisse au même rythme de l’érosion, de la pollution et le contrôle biologique) est esti- que sa productivité fourragère102. En outre, concernant les mée à près de 841 dirhams/ha. baisses de 25 et 45 %, il s’agit, d’après les auteurs, d’une estimation des performances agronomiques et non d’un Services culturels. En supposant que les services cultu- constat au cours d’une période donnée. Cependant, nous rels représentent 3  % des services d’approvisionnement, pensons que ces baisses reflètent l’accumulation de baisses leur valeur est estimée à 12 dirhams/ha. annuelles, plus ou moins importantes selon les conditions climatiques et les pressions anthropiques au cours du temps. Si l’on considère que ces baisses ont été obtenues iv) Estimer le coût de dégradation pendant les  20 dernières années, la perte annuelle sur des parcours 1 ha serait de 1,43 % de la VET, soit 18 dirhams/ha pour Cette section estime les pertes des bénéfices sur les par- les parcours « moyennement dégradés » ; et de 2,94 % de cours défrichés, désertifiés et dégradés. la VET, soit 37 dirhams/ha pour ceux « fortement dégra- dés  ». Sur cette base, le Tableau  5.12 estime le coût de Tableau 5.11. Valeur économique totale d’un dégradation annuelle à 618 millions de dirhams par an. hectare de parcours Valeur 101 « Le développement des zones de parcours au Maroc ». Étude réalisé par Economique IAV-UTAH pour le compte de ce ministère. Cité par Laouina et al (2001)  : (DH/ha) « sur 32 millions ha de parcours permanents que compte le pays (forêts com- Services d’approvisionnement 402 prises), seuls 4 millions ha sont faiblement dégradés et produisent en moyenne 90 UF/ha et par an. Pour les parcours moyennement dégradés, la réduction de (production fourragère) rendement occasionnée est d’environ 25 % et leur productivité est estimée à 68 Services de régulation 841 UF/ha/an en moyenne. 8  millions d’ha sont enfin fortement dégradés ; leur (sans fixation de carbone*) productivité, réduite de 45 %, équivaut à 50 UF/ha/an » 102 Il existe une corrélation entre une forte productivité et la capacité d’un ha Services culturels 12 à séquestrer le carbone, à limiter l’érosion des sols, à protéger la biodiversité. Total 1 256 Ainsi, par exemple, Myint et Westerberg (2014) estiment que la baisse de la séquestration de carbone diminue proportionnellement à la diminution de la Note : * Ce coût est inclut dans le Chapitre 9. biomasse. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 61 Tableau 5.12. Estimation du coût de dégradation des parcours Perte de la valeur Coût de dégradation Degré de dégradation Superficie (millions ha) (DH/ha/an) (millions DH) Faible 4,3 0 0 Moyen 17,8 18 319 Fort 8,132 37 299 Total 30,4 618 Tableau 5.13. Coût total de la dégradation des sols en 2014 Borne Borne inferieure supérieure Valeur moyenne   (Millions DH) (Millions DH) (Millions DH) % PIB Terres agricoles      Dégradation des terres de culture pluviale 1 071 1 071 1 071 0,12% Salinisation des terres irriguées 259 930 595 0,06% Sous-total (terres agricoles) 1 330 2 001 1 666 0,18% Terres de parcours     Défrichement, désertification 2 696 2 696 2 696 0,29% Dégradation 618 618 618 0,07% Sous-total (terres de parcours) 3 314 3 314 3 314 0,36% Coût total 4 644 5 315 4 980 0,54% En résumé, le défrichement, la désertification et la dégradation (HCEFLCD,  2011,  2013) lancé en  2001 et actualisé à des terres de parcours se traduit par un coût total de 3 314 mil- partir de 2010. S’appuyant sur les spécificités de chaque lions de dirhams. région, le PANLCD a identifié huit « zones homogènes » afin d’y adapter les actions les plus pertinentes. Parmi ces 5.4. Conclusions actions, il y a les «  programmes d’aménagement et de gestion durable des parcours », « programmes d’aména- La dégradation des sols (terres de cultures et terres de par- gement des bassins-versants » et « programmes de foreste- cours) en 2014 coûterait au Maroc près de 5 milliards rie » (HCEFLCD 2013). de dirhams représentant 0,54 % du PIB. Ceci tient compte de la valeur actualisée de ces pertes, c’est-à-dire des pertes économiques futures dues à la dégradation de Références l’année 2014. Le coût lié à la perte en carbone due aux Abolhassani, L., 2011. Rangeland management in Iran, a socio- défrichements et à la désertification est pris en compte economic analysis and case study of Semnan rangelands. Dis- dans le Chapitre 9. ponible sur : ‹http://www.secheresse.info/spip.php?› article14686. Ce coût ne fera que confirmer, auprès des autorités, la Acherkouk, MA., El Houmaizi, MA , 2012. « Étude de nécessité de mettre en œuvre des mesures visant à endi- l’impact d’une mise en repos pastoral dans les pâtu- guer davantage cette dégradation. Ces dernières sont plei- rages steppiques de l’oriental du Maroc sur la res- nement conscientes de cette nécessité. En témoignent les tauration de la végétation ». Revue Sécheresse, Volume différents programmes lancés depuis plus de vingt ans et 23, numéro 2, avril-mai-juin 2012. Disponible actualisés à la lumière des nouvelles donnes et analyses. sur  : ‹http://www.jle.com/fr/revues/sec/e-docs/ Parmi ces programmes, nous pouvons citer le PANLCD etude_de_limpact_dune_mise_en_repos_pastoral 62 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc _dans_les_paturages_steppiques_de_loriental_ Haut-commissariat au Plan (HCP), 2007. Agriculture 2030. du_maroc_sur_la_restauration_de_la_vegetation_ Quels avenirs pour le Maroc ? 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Malgré ces avantages, ces formations sont gravement menacées. L’expansion agricole, le changement climatique, le développement urbain et les pratiques inappropriées d’utilisation des terres contribuent aux défrichements, aux incendies et à la dégrada- tion des forêts. En conséquence, plusieurs services de prélèvement (p.ex. la production fourragère) et de protection (tels que la protection des bassins versants et la conserva- tion de la biodiversité) sont en voie de disparition. Ceci affecte le bien-être des com- munautés dépendantes de ces ressources et de la société marocaine qui en bénéficie. Ce chapitre estime les coûts des défrichements et des incendies dans les forêts maro- caines. Il offre tout d’abord une brève vue d’ensemble du secteur forestier du pays (Section 6.1). Il aborde ensuite les principaux problèmes liés aux forêts (Section 6.2), présente l’approche d’évaluation (Section 6.3) et estime les principaux coûts écono- miques (Sections 6.4 et 6.5). La section 6.6 présente les conclusions du chapitre. 6.1. Vue d’ensemble Les forêts marocaines couvrent 9 millions ha, soit 12,7 % de la superficie du pays (HCEFLCD 2015). Ces écosystèmes sont en propriété domaniale103. Ils sont composés 103 La Loi forestière (Dahir du 17 octobre 1917 ; Article 1er) prévoit que « sont soumis au régime forestier et administrés conformément aux dispositions de la loi : le domaine forestier, les forêts des collectivités susceptibles d’aménagement ou d’exploitation régulière ; les terrains collectifs reboisés ou à reboiser et les terres de parcours collectives à améliorer par l’État après accord du Conseil de tutelle des collectivités ; ainsi que les terrains reboisés ou à reboiser et les terres de parcours appar- tenant à des particuliers, dont les propriétaires entendent confier à l’État, soit la surveillance, soit la surveillance et la gestion». Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 65 Tableau 6.1. Superficie forestière au Maroc Forêts Hectares % du total Essences principales Essences feuillues 3 795 840 42 chêne vert, chêne-liège, arganier et acacias sahariens Essences résineuses 994 149 11 cèdre, thuya, genévrier, pin, cyprès de l’Atlas et sapin Forêts artificielles 451 886 5 n.p. Nappes alfatières 3 343 954 37 n.p. Mattorals 451 886 5 n.p. Total superficie forestière 9 037 714 100 Source : http://www.eauxetforets.gov.ma ; n.p. = non précisé principalement d’essences feuillues (42 %), de nappes alfa- règlementaires, dont le Dahir du 10  octobre 1917 tel tières (37 %) et d’essences résineuses (11 %) (Tableau 6.1) qu’il a été amendé et complété. De plus, pour reconsti- et sont soumis en majeure partie à des climats arides et tuer les forêts exploitées ou dégradées et conserver le sol semi-arides. Les zones les plus riches en espèces sont les et le patrimoine forestier, le Haut-commissariat aux eaux régions septentrionales, en particulier les massifs monta- et forêts et à la lutte contre la désertification (HCEFLCD) gneux du Rif, des Atlas et les plaines littorales. Plus de dispose d’une stratégie mise en œuvre à travers des plans 50% de la superficie forestière totale est aménagé. décennaux (2005–2014, 2015–2024). En outre, les pro- grammes de conservation et de réhabilitation des sols – le Le taux de boisement varie entre 4 % dans les provinces Programme d’action national de lutte contre la déserti- du sud et 40 % dans les régions du Rif et du Moyen Atlas. fication (PANLCD) et le Plan national d’aménagement Ceci correspond à une moyenne de 8 %, valeur en deçà des bassins-versants (PNABV) – contribuent également du taux optimal (15 à 20 %) nécessaire à l’équilibre écolo- à la réhabilitation et la reconstitution des écosystèmes gique environnemental (ONE 2015). forestiers. La forêt marocaine revêt une importance clé du point de 6.2. Les pressions sur vue socio-économique et environnemental. Elle contribue à 2 % du PIB agricole et 0,4 % du PIB du pays. Il faudrait les forêts noter que certaines écosystèmes contribuent d’une façon Espace de multiples fonctions et usages, les écosystèmes significative à l’économie régionale, tels que l’arganeraie forestiers au Maroc sont liés à des sous-secteurs comme (avec 6.3% du PIB de la Région Sous Massa Draa) et la l’élevage, la production agricole et fourragère, l’industrie subéraie de la Maamora (avec 5.7% du PIB de la Region des produits forestiers, l’artisanat et le tourisme. Les forêts Chrarda Beni Hssen) (communication HCEFLCD, 2016). sont sujettes à plusieurs pressions, telles que la déforesta- Cependant, ces chiffres sont considérablement sous-esti- tion et la dégradation due à la surexploitation. més  : si l’on prend en considération les revenus que les populations rurales tirent du bois combustible et des pro- La déforestation duits forestiers non ligneux, cette contribution augmente L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et à 10 % du PIB agricole (ONE 2015) ; si d’autres services l’agriculture définit la déforestation en termes de “conver- non marchands étaient pris en considération, cette contri- sion de terres boisées à d’autres utilisations ou réduction bution serait encore plus élevée (Ellatifi 2005). permanente du couvert forestier, celui-ci tombant au-des- sous du seuil minimal de 10 pour cent” (FAO 2016). Ainsi, La politique forestière du Maroc vise à la conservation, superficie concernée par la déforestation englobe les l’expansion et la réhabilitation des forêts. Le domaine défrichements et les incendies. Les paragraphes suivants forestier est régi par un ensemble de textes légaux et 66 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Figure 6.1. Évolution des incendies des forêts entre 1960 et 2014 (a) Nombre d’incendies (b) Superficie incendiée 800 12000 700 10000 600 Superficie incendiée (ha) Nombre d’incendies 8000 500 400 6000 300 4000 200 2000 100 0 0 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 2008 2012      Source : communication HCEFLCD, 2015 permettent d’appréhender l’ampleur de la déforestation La dégradation au Maroc. Ces écosystèmes sont soumis à de multiples formes d’exploitation telles que la surcharge pastorale (qui peut Défrichements. La FAO indique que la surface de la atteindre 3 fois la capacité de production dans certaines forêt marocaine est passée de 4,95 millions ha (1990) zones), le prélèvement excessif en bois énergie (qui peut à 4,99 millions ha (2000) à 5,40 millions ha (2005), à atteindre 2 fois la capacité de production dans certaines 5,67 millions ha (2010) et à 5,63 millions ha (2015) (FAO zones) (HCEFLCD 2015) et les changements clima- 2015). Ceci montre un accroissement de la surface pen- tiques104. Cependant, il n’y a pas d’informations pré- dant la période 1990–2010 ; et une diminution de cette cises concernant la superficie forestière annuellement surface de 8000 ha par an pendant la période 2010–2015. dégradée. Cependant, selon l’HCEFLCD, la superficie affectée par défrichement inclut: (i) les distractions effectuées pour des intérêts publics, qui s’élèvent à 2000 ha pendant 2010 – 6.3. Approche et 2015; (ii) les défrichements délictueuses, qui comptent limitations 2400 ha pendant la même période. Ceci donne un total de Les forêts marocaines fournissent un large éventail de ser- 4400 ha, soit l’équivalent de 880 ha par an (DDFAJC, vices (MEA 2003), qui comprennent : HCEFLCD, 2015). Ce chapitre prend en compte ces der- »» Les services d’approvisionnement. Il s’agit nières informations (880 ha/an) pour le calcul du coût de des produits tirés des écosystèmes tels que la nour- défrichement. riture, le fourrage, le bois de feu et les ressources génétiques. Ils permettent notamment de procurer Incendies. Entre 1960 et 2014, le nombre d’incendies et des revenus, l’accès à une source d’énergie proté- la superficie brûlée ont été assez variables (Figure 6.1). Pour geant du froid et à un habitat sain et propre. mieux refléter la tendance récente des incendies de forêt, ce chapitre prend en considération la valeur moyenne de 104 L’impact combiné des conditions édapho-climatiques et anthropiques s’est la superficie brûlée au cours de la décennie la plus récente traduit par une perte de croissance du cèdre de près de 30 % au cours de la (2005–2015), à savoir 3 415 ha par an. période 1976–2006 (IRES 2010). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 67 »» Les services de régulation. Ils résultent de la certains coûts sont estimés dans d’autres chapitres du régulation des processus des écosystèmes (tels que rapport ; il s’agit par exemple des pertes de productivité la régulation de l’eau et du climat, la purification dues à la dégradation des forêts (qui sont évaluées par- de l’eau) qui ont des liens avec la réduction des tiellement en termes de pertes fourragères dans le Cha- maladies et l’évolution dans une atmosphère saine. pitre 6), du coût d’envasement des barrages (estimé dans »» Les services culturels. Ce sont des avantages le Chapitre 3), ainsi que du coût des émissions de car- non matériels tel que l’agrément, la valeur écotou- bone (estimé dans le Chapitre 9). Par conséquent, il est ristique et récréative ainsi que la beauté écologique. important de souligner que les résultats finaux expriment des ordres de grandeur, qui sont souvent sujets à des Le défrichement, les incendies ou d’autres formes de sous-estimations. surexploitation des forêts – par exemple, la coupe abusive des arbres, ou le surpâturage – peut induire une dégra- 6.4. Coût de défrichement dation de ces écosystèmes. Ceci peut se manifester sur site Cette section estime le coût de défrichement sur une (par exemple par une perte de productivité en fourrage ou superficie de 880 ha. Le coût est estimé sur la base des en bois) et hors site (par exemple par une accélération de pertes des services écosystémiques pour lesquels les infor- l’envasement des barrages). Ces dégradations hors site (et mations sont disponibles. les coûts qui en résultent) sont aussi appelées « externalités négatives » car elles affectent des populations en aval (par »» Services d’approvisionnement exemple les utilisateurs de l’eau), autres que les popula- tions qui les produisent. Ce chapitre estime les coûts du Bois et liège. L’exploitation du bois pour la vente et pour défrichement et des incendies dans la limite des informa- l’autoconsommation est assez significative au Maroc. La tions disponibles. valeur du bois commercialisé (bois d’œuvre, d’industrie, de feu) est estimée sur la base de la quantité vendue et du Concernant le défrichement, l’estimation considère une prix du bois sur pied ; celle du bois collecté pour l’auto- perte totale des bénéfices sur la surface défrichée  pour consommation est évaluée sur la base du prix de vente du toute la période d’analyse (25 ans). La valeur de ces bois de feu. Ainsi, la valeur du bois est estimée à 2,8 mil- pertes est estimée à travers plusieurs méthodes: prix de liards de dirhams (Tableau 6.2). Par ailleurs, la valeur du marché (pour le bois, le liège, les produits non ligneux et liège est calculée à  59  millions de dirhams. Au total, la le carbone), prix des biens de substitution (fourrage) et valeur du bois et du liège atteint 2,9 milliards de dirhams, transfert de bénéfices (recréation). L’évaluation du coût soit 319 dirhams/ha/forêt. Ainsi, la perte annuelle de cet lié aux incendies prend en compte les pertes des services avantage sur la superficie défrichée correspond à 280 400 éco systémiques ainsi que d’autres coûts nécessaires pour de dirhams. la régénération des formations boisées incendiées (tra- vaux sylvicoles, clôtures, etc.). Le Chapitre 2 présente Fourrage. Selon l’HCEFLCD, la production fourragère plus de détails sur la méthodologie adoptée. des forêts varie entre 1,5 et 2 milliards d’unités fourragères (UF) en année normale, soit une moyenne de 1,75  mil- Il convient de préciser que les estimations fournies dans liard d’UF. La valeur du pâturage dans les forêts est ce chapitre sont sujettes à plusieurs limitations. Dans estimée sur la base de la méthode du prix des biens de certains cas, le manque de données nécessaires impose le substitution (l’orge), en considérant que le contenu nutri- recours à l’utilisation des résultats d’autres études (p.ex. tif d’un kilogramme d’orge est similaire à celui d’une UF. pour l’évaluation des bénéfices en miel, truffes, et glands Le prix payé au producteur de l’orge est de 2,3 dirhams/ de chêne liège). Dans d’autres cas, le manque d’informa- kg (FAOSTAT). Par conséquent, la valeur du fourrage est tion empêche complètement l’évaluation de certain coûts estimée à 4 milliards de dirhams, soit 445 dirhams/ha. En (p.ex. perte en bénéfices non ligneux tels que glands de utilisant ce chiffre, la perte en fourrage sur la superficie chêne vert, champignons, perte de biodiversité). En outre, défrichée atteint 391 900 de dirhams. 68 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 6.2. Valeur des services d’approvisionnement en 2014 Coût défrichement Prix (DH/ Valeur totale Valeur (DH/ sur 880 ha Quantité unité) (millions DH) ha) (DH) Bois et liège Bois d’œuvre (m3) 376 000 911 342 Bois d’industrie et de service (m3) 208 000 379 79 Bois de feu (stères) 217 000 311 67 319 280 400 Bois de feu collecté 7 500 000 311 2 333 autoconsommation (stères) Liège (tonnes) 126 000 467 59 Sous-total 2 880 Fourrage (millions UF) 1 750 2,3 4 025 445 391 900 Sous-total 4 025 Autres produits non ligneux Miel (ha) 5 241 874 211 1 106 Glands de chêne-liège (tonnes) 24 309 4 020 102 Truffes (kg) 258 290 60 14 Tanin (tonnes) 3 424 2 000 7 Chasse (nbre. chasseurs) 67 194 153 10 137 120 700 Romarin (tonnes) 1 150 211 n.n. Myrte (tonnes) 15 879 n.n. Sous-total 1 239 Total services 8 144 901 793 000 d’approvisionnement Sources : Communication avec HCEFLCD (2015) et Plan Bleu/FAO (2015) pour certains produits forestiers non ligneux ; n.n. - moins d’1 million de dirhams. Autres produits non ligneux. Les forêts marocaines la valeur du miel produit dans les forêts naturelles abritent une variété de produits non ligneux tels que le marocaines s’élève à 1,1 milliard de dirhams. miel, les glands de chêne-liège, les truffes, le romarin, le »» Glands de chêne-liège. La forêt de Maâmora s’étend myrte et le tanin. Il n’y a pas de statistiques au niveau natio- sur une surface totale de 61 471 ha de chêne-liège nal qui permettent l’évaluation de la totalité des bénéfices de différentes densités  ; ceci équivaut à une sur- des produits non ligneux. En manque de ces informations, face productive de densité moyenne de 13 838 ha, des données tirées des études spécifiques concernant les soit un taux de 23  % (Plan Bleu/FAO  2015). En quantités et prix locaux du marché conduisent aux esti- appliquant ce taux à la superficie de chêne-liège mations suivantes: au niveau national (312  300  ha  ; MOE  2015), la »» Miel. Une étude d’évaluation a estimé la valeur surface productive équivalente serait de 70 300 ha. unitaire du miel dans la forêt de Maâmora, elle Si l’on suppose qu’il y a 60 chênes-lièges/ha106, un varie de 211  dirhams/ha/forêt pour les années rendement de 6 kg/arbre/an et un prix local de 4 sèches à 308  dirhams/ha/forêt durant les années dirhams/kg (Plan Bleu/FAO  2015), la valeur des pluvieuses105 (Plan Bleu/FAO 2015). Si l’on prend glands de chêne-liège est estimée à 102 millions de une estimation conservatrice à 211  dirhams/ha, dirhams. Cette estimation est basée sur le rendement des ruches et le prix de vente au 105 producteur. 106 Sur la base du plan d’aménagement et de gestion de la forêt de Maâmora. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 69 »» Truffes. L’estimation de la valeur des truffes prend en annuelle de stockage en eau d’environ 75 millions m3 par considération : (i) la superficie de la forêt de chêne- an (MdE 2014). L’évaluation du coût d’envasement est liège (312  300 ha), la proportion de cette surface présentée dans le Chapitre 3, dédié à l’eau. ayant un potentiel de production de truffes (89 %, Plan Bleu/FAO  2015), et le rendement moyen Émissions de carbone. La Troisième communication de truffes à ha (0,2 kg/ha) ; (ii) d’une façon simi- nationale à la Convention-cadre des Nations Unies sur les laire, elle considère la superficie des pins (86  300 changements climatiques estime les émissions nettes de ha, Ministère chargé de l’Environnement 2014), la carbone dues aux changements d’affectation des terres proportion ayant un potentiel productif de truffes et des forêts pour l’année 2010 et réalise des projections (69  %  ; Plan Bleu/FAO  2015), et le rendement à l’horizon  2040. Selon ces informations, les émissions moyen à ha (4 kg/ha). Le calcul donne une produc- nettes de carbone dues aux changements d’affectation des tion totale de 258 290 kg en 2014. En supposant un terres et des forêts s’élèvent à 4,35 millions de tCO2 pour prix local de 60 dirhams/kg, la valeur de truffes est l’année  2014 (Ministère chargé de l’Environnement/ estimée à 15 millions de dirhams. PNUD 2015). L’évaluation monétaire de ce coût est pré- »» Chasse. La valeur de la chasse est estimée sur la sentée dans le Chapitre 9, dédié à l’environnement global. base du prix payé pour les licences de chasse par les chasseurs nationaux et étrangers107. D’après »» Services culturels l’HCEFLCD, 66  818  chasseurs nationaux et 376  chasseurs étrangers ont acheté des licences Les informations disponibles ne permettent d’estimer pour la saison 2013–2014. En se basant sur le prix que la perte des services récréatifs. La forêt marocaine des licences – 150 dirhams/licence pour les natio- abrite dix parcs nationaux créés dans une optique de naux et 800 dirhams/licence pour les étrangers – conservation de la biodiversité. Leur superficie globale la valeur de la chasse est estimée à 10,3 millions de est évaluée à 773 849 ha, soit 1,08 % du territoire natio- dirhams. nal (ONE  2015). En  2014, les parcs d’Ifrane, Toubkal, Souss Massa et Tazekka ont accueilli 820  000  visiteurs Sur la base des informations ci-dessus, la valeur des autres (Tableau 6.3). Les droits d’entrée du parc de Sousse Massa produits non ligneux s’élève à 1,2  milliard de dirhams, sont de 40 dirhams par visiteur ; pour les autres parcs, ils soit 137  dirhams/ha/forêt. Par conséquent, la perte de sont soit non connus, soit non existants108. En supposant ces avantages sur la superficie défrichée représente 120 que l’avantage lié aux visiteurs des autres parcs est simi- 700 dirhams. laire à celui de Sousse Massa, la valeur totale du service récréatif des parcs est évaluée à 33 millions de dirhams, En résumé, la valeur des pertes annuelles des services soit 158 dirhams/ha/parc par an. d’approvisionnement est estimée à 793 000 dirhams. Les avantages récréatifs des parcs sont considérés comme »» Services de régulation plus élevés que ceux fournis par d’autres forêts. En manque d’information concernant le nombre des visi- Envasement des barrages. Les prélèvements exces- teurs et le consentement à payer pour les autres forêts, on sifs de bois, le surpâturage et le défrichement des forêts, peut supposer que ces avantages représentent seulement des parcours et zones humides, ainsi que les mauvaises 50  % de ceux des parcs, soit 79  dirhams/ha/an. Ainsi pratiques agricoles induisent une augmentation graduelle les pertes annuelles des services culturels sont estimées à de l’envasement des réservoirs. Ceci réduit la capacité 69 500 dirhams sur la superficie défrichée. 107 Cette méthode fournit un résultat assez prudent, car : i) l’avantage de la chasse (le consentement à payer) est supérieur au coût effectivement payé à l’administration ; ii) il n’inclut pas les avantages de la chasse illégale, c’est-à-dire 108 Cependant, une étude réalisée au parc national de Tazekka a trouvé un sur- les chasseurs qui ne payent pas, ou ceux qui chassent un nombre d’animaux plus du consommateur de 34 dirhams/visite (ou 48 dirhams/visiteur) en 2011, supérieur à ce qui est autorisé. sur la base de la méthode du coût de voyage (GIZ 2011). 70 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 6.3.  Estimation des avantages dans des parcs nationaux sélectionnés (2014) Avantage total Parcs nationaux Nbre visiteurs/an Superficie (ha) Droits d’entrée (millions de DH) Ifrane 80 000 124 150 n.e. 3 Toubkal 400 000 36 000 n.c. 16 Souss Massa 300 000 33 800 40 12 Tazekka 40 000 13 737 n.e. 2 Total 820 000 207 687 33 Source : Communication HCEFLCD. Notes : n.c. = non connu ; n.e. = non existant »» Conclusion 6.5. Coût des incendies Dans l’ensemble, les résultats de l’estimation des coûts de Cette section estime le coût des incendies sur une superfi- défrichement indiquent une perte annuelle d’environ 862 cie de 3 415 ha, à savoir la moyenne de la superficie brûlée 500 dirhams, sans tenir compte du coût d’envasement et sur la période 2005–2015. Le Tableau 6.4 illustre la répar- des émissions du carbone. En utilisant un taux d’actuali- tition de cette superficie par type de formation végétale. sation de 6 %, la valeur actualisée (VA) de ces pertes pen- Sur cette base, on estime la superficie boisée sujette aux dant 25 ans atteint 11 millions de dirhams. incendies à 1776 ha (formations feuillues et résineuses), et Tableau 6.4. Répartition de la superficie incendiée par espèce (moyenne 2005–2015) % du total superficie incendiée Superficie incendiée (ha) Formations feuillues Chêne-liège 22 % 748 Chêne vert 2 % 74 Autres chênes 0,17 % 6 Eucalyptus 2 % 83 Arganier 1 % 49 Autres feuillus 0,3 % 9 Sous-total formations feuillues 28 % 969 Formations résineuses Pins 15 % 520 Cèdre 0,2 % 8 Thuya 8 % 263 Genévrier 0,2 % 7 Autres résineux 0,2 % 8 Sous-total formations résineuses 24 % 807 Formations non boisées Essences secondaires 23 % 786 Pelouse 15 % 495 Alfa 10% 358 Sous-total formations non boisées 48 % 1 639 Total général 100 % 3 415 Source : Communication HCEFLCD pour les pourcentages de la superficie brûlée totale de chaque formation. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 71 la surface non boisée incendiée à 1639 ha (essences secon- unitaire par espèce110, le coût total de plantation daires, pelouse, alfa). de régénération est estimé à 8,5 millions de dirhams. (c)  Coût de reboisement. D’autres espèces, telles L’estimation se base sur la méthode du coût des dom- que l’eucalyptus et le pin d’Alep, ont besoin d’être mages. Nous estimons la valeur des dégâts sur la base reboisées après les incendies. En prenant un coût des pertes de services écosystémiques pendant la période unitaire de 6  000 dirhams/ha (communication allant de l’année de l’incendie (l’année 0) à l’année de HCEFLCD), le coût total de reboisement atteint régénération complète des bénéfices des forêts (l’année 3,6 millions de dirhams. 25). L’évaluation prend également en compte d’autres (d)  Coûts liés à d’autres travaux sylvicoles. coûts nécessaires pour la régénération des formations boi- D’autres opérations sylvicoles sont nécessaires, sées incendiées (plantation de régénération, reboisement telles que l’élagage et l’éclaircie (pour les rési- et autres travaux sylvicoles) ainsi que des formations non neux), le nettoiement (thuya, chêne vert, chêne- boisées brûlées (installation des clôtures). liège, arganier) et le dépressage (pour les feuillus). (a)  Pertes de services écosystémiques. La Le coût total lié à ces travaux atteint 1,7 millions de valeur des services d’approvisionnement et cultu- dirhams111. rels fournis par les forêts a été estimée prudem- (e)  Coût d’installation des clôtures. Pour les ment à 980  dirhams/ha. Comme mentionnée formations non boisées incendiées, une installa- dans le Section 6.2, cette valeur est composée par tion de clôtures après le nettoyage est préconisée. des bénéfices ligneux (317 dirhams/ha), fourrage En prenant un coût de clôture de 2 000 dirhams/ (445 dirhams/ha), d’autres produits non-ligneux ha (communication HCEFLCD) sur une superfi- (137 dirhams/ha) et récréatifs (79 dirhams/ha). cie non boisée brûlée de 1639 ha (Tableau 6.4), Nous supposons que : le coût des clôtures s’élève à 3,1 millions de dirhams. »» Les superficies boisées incendiées (1776 ha) sont affectées par une perte complète de Les informations ci-dessus conduisent à une estimation du ces bénéfices dans l’année de l’incendie et coût total des incendies de 29,1 millions de dirhams. qu’ils sont graduellement récupérés grâce à la régénération des forêts109. Ainsi, la VA de cette 6.6. Conclusions perte est estimée à 10 millions de dirhams. Le coût total de défrichement et des incendies pour Maroc »» Les superficies non boisées incendiées est estime à 40 millions de dirhams, soit 0,004  % (1639 ha) sont affectées uniquement par une du PIB en 2014, et sont surtout causés par les pertes en perte des bénéfices fourragers, qui sont gra- bénéfices sur les superficies incendiées (Tableau 6.5). duellement récupérés pendant la période de Comme mentionné auparavant, le coût évalué dans ce mise en défens. La VA de cette perte est estimée chapitre reste une sous-estimation car il n’englobe pas à 2,2 millions de dirhams. certains dommages, tels que les pertes de certains béné- (b)  Coûts de plantation de régénération. Après fices non-ligneux (p.e. glands de chêne vert, champignons, l’incendie, certaines espèces, telles que le chêne- liège, l’arganier et le thuya, nécessitent des plan- tations pour leur régénération. En utilisant le coût 110 D’après l’HCEFLCD, le coût d’une plantation de régénération varie en fonc- tion de l’espèce et de la zone : de 5 200 à 6 900 dirhams/ha pour le cèdre, de 5 000 à 12 300 dirhams/ha pour le chêne vert, de 6 500 à 11 600 dirhams/ ha pour le chêne-liège, de 5 400 à 6 600 dirhams/ha pour le thuya, de 10 000 à 11 200 dirhams/ha pour l’arganier, et de 12 000 à 14 600 dirhams/ha pour l’acacia. Ce chapitre utilise la valeur moyenne de ces coûts par espèce. 111 D’après l’HCEFLCD, les coûts unitaires de ces opérations s’élèvent à 500– Nous supposons notamment que les avantages en fourrage se régénèrent pen- 109 800 dirhams/ha (élagage), 500–700 dirhams/ha (nettoiement), 900 dirhams/ dant 7 ans (la période de mise en défens), alors que les autres avantages sont ha (dépressage) et 600–1 000 dirhams/ha (éclaircie). Ce chapitre utilise la valeur graduellement récupérés sur 25 ans. moyenne de ces coûts. 72 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 6.5. Coût de défrichement et des incendies (2014) Valeur moyenne   (Valeur Actualisée, millions DH) % du PIB Défrichement     Bois et liège 4   Fourrage 5   Autres produits non ligneux 2   Récréation 1   Sous-total (défrichement) 11 0,001% Incendies     Pertes de bénéfices a 12   Coût de plantation de régénération 9   Coût de reboisement 4   Coûts liés à autres travaux sylvicoles 2   Coûts d’installation des clôtures 3   Sous-total (incendies) 29 0,003% Coût total du défrichement et des incendies 40 0,004% Notes : a bois, liège, fourrage, autres produits non ligneux, récréation. etc.), les pertes de productivité dues à la dégradation des écosystèmes naturels. Cas du Parc National du Tazekka : Ana- forêts (qui sont évaluées partiellement en termes de pertes lyse et guide pratique. Preparé par A. Jorio et L. Croitoru. fourragères dans le Chapitre 6), le coût d’envasement des GIZ, 2011. barrages (estimé dans le Chapitre 3), ainsi que le coût des HCEFLCD. Disponible sur  : ‹http://www.eauxetforets. émissions de carbone (estimé dans le Chapitre 9). gov.ma/fr/index.aspx.›. Consulté en juin 2015. HCEFLCD. 2015. Plan Décennal 2015–2024. Haut Références Commissariat aux Eaux et Forets et à la Lutte Contre la Désertification. Banque mondiale. ‹databank.worldbank.org›. Consulté INRA, 2012 Institut national de recherches agrono- en juin 2015. miques. La prédiction agro météorologique des rendements Département de l’Environnement, 2010. État de l’Envi- céréaliers au Maroc. ronnement du Maroc. Secrétariat d’État auprès du IRES, 2010 Institut royal des études stratégiques. Les éco- Ministère de l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’en- systèmes forestiers face au changement climatique : situation et vironnement, chargé de l’eau et de l’environnement. perspectives d’adaptation au Maroc. Programme d’études Ellatifi, M., 2005. “Morocco.” In : Merlo, M. et L. Croi- « Changement climatique : impacts sur le Maroc et toru (Eds.) Valuing Mediterranean forests  : Towards Total options d’adaptation globales  ». Préparé par MM. Economic Value. CABI Publishing. P. 405. 2005. Omar M’Hirit et Mohamed Et-Tobi. FAO. 2015. Evaluation des ressources forestières mondiales 2015. MEA, 2003 Millenium Ecosystem Assessment. Ecosys- Répertoire de données de FRA 2015. FAO. Page 12. tems and Human Well-Being. A Framework for Assessment. FAO. 2016. Situation des forêts du monde. Forêts et agricul- Washington D.C. Island Press. 2003. ture : défis et possibilités concernant l’utilisation des Ministère chargé de l’Environnement, 2014. Étude et éla- terres. FAO. boration de la stratégie nationale de l’environnement. FAOSTAT. Consulté en novembre 2015. Revues environnementales stratégiques thématiques. GIZ, 2011. Réduction des risques climatiques pour un dévelop- Secteur forestier. pement durable. Conservation et valorisation des services des Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 73 Ministère chargé de l’Environnement/PNUD, 2015. Plan Bleu/FAO, 2015. Optimiser la production de biens et ser- Évaluation des programmes comportant des mesures vices par les écosystèmes boisés méditerranéens dans un contexte visant à atténuer les émissions des gaz à effet de serre. de changements globaux. Composante 2 : Estimation de la Rapport final. Norratech. valeur économique et sociale des services rendus par les écosys- ONE, 2015 Observatoire national de l’environnement. tèmes forestiers méditerranéens. Maâmora. Maroc. Version Troisième rapport sur l’état de l’environnement du Maroc. juin 2015. 74 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Chapitre 7 DÉchets Abdeljaouad Jorio Ce chapitre estime l’impact environnemental lié à la gestion des déchets ménagers assimilés (Section 7.1), ainsi qu’à une partie des déchets industriels dangereux (Sec- tion 7.2). Il convient de noter que le chapitre ne prétend pas à l’exhaustivité, car il ne traite pas d’autres types déchets, tels que les déchets médicaux, les déchets verts, les déchets de construction et ceux de démolition, pour des raisons de temps et de l’insuf- fisance de données. 7.1. Les Déchets ménagers assimilés Cette première partie du chapitre donne tout d’abord une vue d’ensemble du pro- grès considérable qu’a connu le Maroc en matière de gestion des déchets ménagers et assimilés. Elle décrit ensuite brièvement la méthodologie adoptée pour estimer les coûts de dégradation qui persistent dans le secteur (Section 7.1.1) ; et aborde ensuite l’estimation du coût de la non-couverture totale de la population par la collecte des déchets municipaux (Section 7.1.2) ; le coût de la pollution des eaux souterraines par les décharges non contrôlées (Section 7.1.3) ; la moins-value des terrains avoisinants les décharges (Section 7.1.4); et finalement le manque à gagner dû au potentiel d’élec- tricité perdu (Section 7.1.5) et au recyclage (Section 7.1.6). Les émissions de méthane émanant des déchets sont couvertes dans le Chapitre 9. Le secteur des déchets ménagers au Maroc a connu des progrès très importants. Sous l’effet de la croissance économique et de l’urbanisation, la produc- tion nationale de déchets ménagers assimilés (DMA) est passée de 6,3 à 7,4 millions de tonnes par an entre 2007 et 2015, soit un taux d’augmentation de 17,5 % (Tableau 7.1). En milieu urbain, le taux de collecte professionnalisée112 a presque doublé, passant de 44 % (AEE, 2014) à 86 % entre ces deux dates. Par ailleurs, la part des DMA mis en décharge contrôlée a connu une hausse importante au cours de la dernière décennie, 112 La collecte professionnalisée correspond à la collecte assurée par le secteur privé dans le cadre de la gestion déléguée. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 75 Tableau 7.1. Données de base du secteur des déchets ménagers assimilés Valeur Source Population 33 842 242 Urbain (habitant) 20 432 439 Calcul d’après HCP, 2014 Rural (habitant) 13 415 803 Calcul d’après HCP, 2014 Production de déchets par habitant par jour Urbain (kg/hab/j) 0,78 MdE 2016a Rural (kg/hab/j) 0,3 MdE 2016a Production de déchets par habitant par an Urbain (t/an) 0,2847 Calcul auteurs Rural (t/an) 0,1095 Calcul Production de déchets par an 7 286 146 Urbain (t/an) 5 817 115 Calcul Rural (t/an) 1 469 030 Calcul Taux de collecte professionnalisée des déchets managers en milieu 86 % MdE/MI 2016 communication écrite urbain (%) Taux de collecte en milieu rural (%) ND Taux de mise en décharge Urbain (%) 100 % MdE, 2016a Rural (%) ND Quantité mise en décharge en milieu urbain 6 313 648 Calcul Déchets ménagers (t/an) 5 817 115 Calcul Déchets autres que ménagers (t/an) 496 532,28 Calcul Taux de mise en décharge contrôlée (%) 44 % MdE, 2016a Taux de mise en décharge non contrôlée (%) 46 % Calcul Taux de recyclage (%) 10 % MdE, 2016a Quantité recyclée (t/an) 631 365 Calcul Quantité de déchets mise en décharge Décharges contrôlées (t/an) 2 778 005 Calcul Décharges non contrôlées (t/an) 2 904 278 Calcul Taux de couverture de la population urbaine (%) 80 %  Calcul d’après MdE/MI 2016 ; communication écrite 76 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc atteignant à peine 10  % en  2007 (MdE/MI,  2013), elle (marocain et étranger) de s’impliquer dans la ges- s’élève à 44 % en 2015 (MdE ; Farah, 2016a), et ce grâce à tion des DMA au niveau des villes marocaines. l’augmentation du nombre des décharges contrôlées113 qui »» La mise en œuvre du programme national disposent de systèmes d’étanchéité ou de collecteurs de des déchets ménagers et assimilés (PNDM) biogaz, assurant ainsi une protection des sols et des eaux pour la période 2008-2023. Ce programme a été contre les lixiviats114. élaboré par le Secrétariat d’État chargé de l’Eau et de l’environnement et le Ministère de l’Intérieur Ces progrès sont le résultat de réformes engagées depuis avec l’appui de la Banque mondiale. Il constitue le début de la décennie : un tournant dans la gestion des déchets ménagers »» Mise en place d’un cadre réglementaire avec et assimilés prévoyant un investissement de 40 mil- la promulgation de la loi 28-00115 relative à la ges- liards de dirhams sur l’ensemble de la période, tion des déchets et à leur élimination. L’article 1 (Encadré 7.1). stipule que « La présente loi a pour objet de préve- »» La mise en place des Plans directeurs de nir et de protéger la santé de l’homme, la faune, la gestion des DMA dans les provinces et pré- flore, les eaux, l’air, le sol, les écosystèmes, les sites fectures. L’article 12 de la loi 28-00 stipule que et paysages et l’environnement en général contre chaque province ou préfecture doit être dotée d’un les effets nocifs des déchets ». À cet égard, l’article «  Plan directeur préfectoral ou provincial de ges- 16 de la même loi donne aux «  services publics tion des déchets ménagers et assimilés »116. Ce plan communaux  » la responsabilité de la gestion des doit préciser, en se basant sur une prévision des DMA (collecte, transport, mise en décharge, éli- déchets sur dix ans, « les sites appropriés destinés à mination, traitement, valorisation) par la mise en l’implantation des installations d’élimination et de place d’un « plan communal ou intercommunal de stockage de ces déchets  ; un programme d’inves- gestion des déchets ménagers et assimilés ». L’arse- tissement de même durée comprenant l’évaluation nal juridique s’est renforcé avec la loi n°54-05 sur des coûts de réalisation des décharges contrôlées et la gestion déléguée qui a permis au secteur privé des installations de traitement, de valorisation, de stockage ou d’élimination de ces déchets ainsi que la réhabilitation des décharges non contrôlées  ». 113 A fin 2015, leur nombre s’élève à 19 (MdE ; Farah, 2016 a) contre 6 en 2007 Il doit en outre s’assurer des moyens financiers et (MdE/MI, 2013). humains nécessaires. 114 Il est important de noter qu’une décharge contrôlée ne respectant pas toutes les normes environnementales peut entrainer des effets négatifs sur l’environ- nement (problème de traitement des lixiviats, odeurs, dévaluation de la valeur foncière des terrains avoisinants, atteintes à des activités économiques etc). En avril 2016, sur 65 plans prévus : 12 sont achevés, 13 sont en phase finale, 116 115 BO n° 5480 du 7/12/2006 14 sont au niveau de la recherche du site et 26 en sont au niveau du diagnostic. Encadré 7.1. Le Programme national des déchets ménagers et assimilés (PNDM) Le PNDM vise essentiellement à : »» Moderniser le secteur des déchets par la professionna- »» Assurer la collecte et le nettoiement des déchets ména- lisation du secteur. gers pour atteindre un taux de collecte urbaine de »» Développer la filière de « tri-recyclage-valorisation », 100 % en 2020. Cet objectif va mobiliser 72 % du coût avec des actions pilotes de tri, pour atteindre un taux du programme. de 20 % du recyclage en 2020, (1,8 % du coût). »» Réaliser des décharges contrôlées des déchets ménagers »» Généraliser les Plans directeurs de gestion des déchets et assimilés au profit de tous les centres urbains (100 %) ménagers et assimilés pour toutes les préfectures et pro- en 2020 (14,6 % du coût). vinces du Royaume. »» Réhabiliter ou fermer toutes les décharges existantes »» Former et sensibiliser tous les acteurs concernés à la (6,2 % du coût). problématique des déchets. Source : MdE : http://pndm.environnement.gov.ma/presentation Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 77 Encadré 7.2. Prescription techniques relatives aux décharges contrôlées Article 11 : La décharge est conçue de manière à : »» recouvrir au fur et à mesure les casiers saturés et fer- »» limiter la quantité des eaux due aux précipitations s’in- més afin de limiter les quantités de lixiviat et les eaux filtrant dans les zones en exploitation et empêcher les contaminées ; eaux de ruissellement de pénétrer dans la décharge ; »» permettre le creusement de puits de prélèvement en »» pouvoir intercepter et traiter les eaux de ruissellement amont et en aval de la décharge pour contrôler l’impact intérieures au site susceptibles d’être contaminées par de la décharge sur la nappe phréatique, le cas échéant. les déchets ; Ces puits sont maintenus couverts et cadenassés ; »» permettre la mise en place d’un système de collecte et »» permettre la mise en place, dans la mesure du possible, de drainage de lixiviat. Le lixiviat et les eaux contami- d’un système de dégazage pour satisfaire les conditions nées sont recueillis dans un bassin de stockage et de minimales de sécurité du site ; traitement dimensionné en fonction de la quantité des Source : Décret n° 2-09-284 (8 décembre 2009) fixant les procédures admi- eaux générées et du bilan hydrique. (…) nistratives et les prescriptions techniques relatives aux décharges contrôlées …Cependant des insuffisances douzaines d’unités de compostage installées dans les La principale insuffisance réside dans la non-couverture années 60 ont fermé leurs portes pour des raisons tech- par le système de collecte117 d’une part non négligeable de niques (faible qualité du compost), économiques (prix non la population urbaine (20 %) (Tableau 7.1) et d’une part compétitifs) et commerciales (manque de marketing), etc. importante de la population rurale (80  %). Cette insuf- (CEA 2014). fisance s’explique en partie par le leger retard pris dans la réalisation du PNDM : 86 % des déchets sont actuel- Actuellement, 56 % des déchets (avant recyclage) générés lement collectés professionnellement (gestion assurée par en milieu urbain sont déversés dans des décharges non une société privée)118 contre 90 % prévus pour 2015. Ce contrôlées et dépotoirs, c’est-à-dire des sites ne répon- retard concerne aussi la part des DMA mis en décharge dant pas aux « caractéristiques et prescriptions techniques contrôlée qui devait passer à 55 % en 2015 (Banque mon- réglementaires » (Encadré 7.2), polluant les eaux souter- diale  2015). contre 44  % actuellement. Parmi ces insuf- raines, dégageant du méthane, dépréciant des terrains fisances, on peut aussi citer le faible taux de recyclage agricoles ou urbains119 et affectant négativement la santé. compte tenu des potentialités, qui atteint à peine moins de Par ailleurs, la faible «  valorisation des déchets  »120 non 10 % des déchets générés. Pourtant, un recyclage impor- seulement ne réduit pas l’impact négatif sur l’environne- tant permet de diminuer les pressions sur la gestion des ment et la santé, mais elle constitue aussi un manque à DMA : moins de collecte et de mise en décharge. Enfin, gagner en termes d’opportunités économiques. nous notons l’absence de compostage  : depuis  2000, les 7.1.1. Méthodologie Identifier les différents coûts liés à la gestion des 117 Le taux de couverture correspond à la part de la population couverte par la déchets. Bassi et al (2011)121 ont montré qu’un système collecte « professionnalisée ». Il est défini par le nombre de contrats liant les communes aux opérateurs privés. Ce taux a connu une nette augmentation, passant de 40 en 2007 à 86 % en 2015 (MdE/MI, 2013). Il est le résultat de 119 « La présence d’une décharge, à moyen et long terme, à proximité des ter- l’augmentation des contrats en vertu desquels les communes confient, dans le rains à vocation agricole ou des zones urbaines contribue largement à la déva- cadre de la gestion déléguée encouragée par le PNDM, la gestion du secteur des luation de la valeur commerciale de ces terrains » (MdE, 2014). déchets au secteur privé. Le nombre de contrats est passé de 44 en 2008 à 150 120 Valorisation des déchets : «  toute opération de recyclage, de réemploi, de en 2015 permettant à un nombre de plus en plus important de marocains de récupération, d’utilisation des déchets comme source d’énergie ou toute autre bénéficier de services de collecte et de nettoiement « professionnalisés ». De ce action visant à obtenir des matières premières ou des produits réutilisables fait, la population desservie est passée de 10,6 à 16,4 millions de personnes entre provenant de la récupération des déchets, et ce, afin de réduire ou d’éliminer les deux dates, ce qui donne un taux de couverture de 80 % avec une population l’impact négatif de ces déchets sur l’environnement » (loi 28-00 ; A.3). urbaine de 20,432 millions d’habitants. 121 Dans le cadre de la politique de voisinage de l’UE, ces auteurs ont rédigé un 118 Les communes gérées par des opérateurs privés bénéficient normalement manuel pour identifier et évaluer les bénéfices socio-économiques qu’un pays d’un taux de collecte proche de 100 % compte tenu du cahier des charges habi- « voisin » de l’UE est susceptible de tirer d’une politique de protection et de tuellement établi. valorisation de l’environnement et que l’UE compte encourager. 78 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 7.2. Bénéfices d’un système de gestion efficace de déchets solides122 Type d’amélioration Bénéfices Éviter le déversement sauvage des déchets et leur incinération Bénéfices sur la santé : anomalies de naissances évitées et illégale àmettre les déchets dans des décharges contrôlées diverses maladies épargnées. permet d’éviter la contamination du sol, des eaux Bénéfices environnementaux : pollution évitée des sols, des souterraines et de l’air eaux souterraines/superficielles, de l’air. Émissions évitées de GES. Promouvoir la réutilisation et le recyclage des déchets Bénéfices économiques : économie des ressources, disponibilité supplémentaire de matières premières ; capture du gaz et potentiel de génération d’électricité. Bénéfices sociaux : potentiel de créer des emplois directs et indirects liés à la collecte et au traitement des déchets. Tableau 7.3. Coûts de dégradation et méthodologie Coût Remarque Méthode Source Coût de la non-couverture de la population par la Effets sur la santé Consentement à payer Bassi et collecte (section 7.1.2) Perte d’aménités (paysage) al. (2011) Coût de la pollution des eaux souterraines Coût de dépollution Sarraf et (section 7.1.3) d’un m3 d’eau polluée al. (2003) Moins-value des terrains à proximité des Prix hédonique du m2 décharges/ dépotoirs (section 7.1.4) Potentiel d’électricité perdu (section 7.1.5) Perte d’opportunités Prix d’un Kwh ONEE (2012) économiques Potentiel de recyclage perdu (section 7.1.6) Perte d’opportunités Prix du marché des économiques matériaux recyclés de gestion efficace de déchets ou son amélioration permet Remarque importante : Le calcul du coût se fera en d’obtenir les bénéfices suivants :122 ne tenant compte que des déchets en milieu urbain car en milieu rural123, selon le Ministère délégué à l’Envi- A contrario, un système de gestion de déchets inefficace et ronnement, « la pratique courante de la population est le inefficient générera des coûts correspondant à la perte de recyclage de la quasi-totalité des déchets ménagers. Ainsi, ces bénéfices. Les coûts correspondent donc aux béné- la partie organique sert généralement comme aliment de fices perdus à cause d’un système de gestion des déchets bétail tandis que les papiers, cartons, bois, etc. sont utili- peu efficace. Un tel système se traduit à la fois par des sés comme combustible et enfin les bouteilles et récipients retombées négatives sur la santé et l’environnement et par en plastique et/ou verre comme réserves d’eau et/ou des un manque à gagner économique : quantité moindre de denrées alimentaires. Les déchets métalliques constituent déchets recyclés, moins d’énergie produite, etc. les seuls déchets non recyclables en totalité, mais sont très peu fréquents en milieu rural » (MdE 2014). Méthodes d’évaluation des coûts. Le Tableau  7.3 indique les coûts identifiés ainsi que les méthodes utilisées pour les évaluer. Il à mentionner que le milieu reçoit une partie des impacts négatifs des 123 déchets dans la mesure où ils abritent la majorité des décharges sauvages et 122 Référence : Bassi et all (2011) p. 116 et Ten Brink, P et all (2011). contrôlées. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 79 Le coût de la non-couverture 7.1.2.  désagréables et dangereuses. Par ailleurs, la population totale de la population par non desservie subit des désagréments liés à l’enlaidisse- la collecte des déchets ment de leurs quartiers ou lieux d’habitation : des déchets municipaux amoncelés offrant un spectacle dérangeant et inesthétique. On estime à 20 %, la part de la population urbaine qui n’est pas encore couverte par les services de collecte124. A contrario, une collecte couvrant toute la population Cette non-couverture expose cette partie de la population dans de meilleures conditions évite aux usagers de mani- à des risques de maladies et de désagréments : « lorsque puler eux-mêmes leurs déchets. Les déchets sont brûlés de les déchets ne sont pas correctement collectés, ils créent façon contrôlée, ils ne sont pas jetés dans des décharges des externalités négatives en termes de nuisance et de sauvages ou non autorisées, et ne jonchent pas les rues risques sanitaires  » (Doumani et al. 2014). En effet, la (Bassi  et al.  2011). Une saine gestion des déchets aura non-collecte se traduit par des amoncellements de déchets pour conséquence de diminuer, voire d’éliminer le risque dégageant des odeurs non seulement désagréables, mais d’apparition de maladies et d’éviter les désagréments surtout dangereuses pour la santé humaine et animale. visuels et olfactifs (désaménités). La non-collecte entraîne la constitution de dépotoirs sau- vages et la dispersion des ordures (MdE 2014). La non-couverture se traduit donc par des effets négatifs sur la santé et par des nuisances dont Leur enfouissement dans des dépotoirs sauvages sont il s’agit d’estimer le coût pour une personne sources de pollution des eaux et des sols et forment donc un non couverte. D’après Bassi et al. (2011), ce coût peut risque pour la santé avec la probabilité d’apparition ou de être établi en se fondant sur le consentement à payer développement de maladies : manipulation de ces déchets (CAP) d’un ménage ou d’une personne non couvert(e) par un nombre important de personnes impliquées dans par la collecte des déchets lui permettant d’en bénéficier, le secteur informel de la récupération (décharges illicites et d’éviter ainsi le risque de maladie et les désagréments où les rongeurs sont des vecteurs de maladies), odeurs visuels et olfactifs. Ils suggèrent un CAP équivalent à 1 % du revenu du ménage ou de la personne125 : 124 L’étude retient la non couverture de la population par la collecte et non les conditions de cette collecte. Un service de collecte de qualité insuffisante peut 125 “It is assumed that any household not receiving waste collection services will be willing to entrainer des désagréments (débordement et retard dans l’évacuation des bacs, pay 1 per cent of their income for waste management, including both collection and éparpillement des déchets et écoulement du lixiviat lors de la collecte). safe treatment of the waste” (Bassi et al 2011 ; p 123). Tableau 7.4. Coût de la non-couverture d’une part de la population urbaine par la collecte des DMA Variable Unité Valeur Population urbaine % 20 432 439 Population urbaine non couverte % 20 % PIB par habitant DH 27 360 Consentement à payer % 1 % Consentement à payer par habitant par an DH 273, 6 Coût de la non-couverture d’une part de la Million DH 1 118 population urbaine par la collecte Il s’agit d’un niveau de contribution permettant une meil- de la non-couverture est le produit du consentement à leure prestation des municipalités, en mettant en place payer d’une personne par le nombre de personnes non un système de collecte des déchets efficace capable de couvertes par la collecte des déchets. Ce coût s’élèverait à réduire le risque de maladies et de nuisances. Le coût 1,12 milliard de dirhams en 2014. 80 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Le coût de la pollution 7.1.3.  »» Conversion de la quantité (en tonnes) des déchets des eaux souterraines déversés dans les dépotoirs et décharges non contrôlées en volume (exprimé en m3) en divisant Ce coût est donné par l’équation suivante : le tonnage par la masse volumique des déchets, soit 0.4 tonne par m3. Coût de la dégradation = volume d’eau pollué x coût de traitement »» Le taux de lixiviats dans les déchets est de 50 %. d’un m3 d’eau usée (à des fins de réutilisation agricole) Cependant, à cause de l’évaporation, un taux d’in- filtration de 10 % a été retenu. i)  Estimer le volume d’eau pollué »» Plusieurs études ont montré qu’un m3 d’eau usée Le MdE (2014) « met en évidence le degré de vulnérabi- pollue environ 50 m3 d’eau. La même hypothèse a lité des nappes par rapport à la présence des décharges, été retenue dans le cas du lixiviat, bien que celle- bien qu’une corrélation ne puisse pas être faite entre la ci soit assez restrictive puisque la charge polluante qualité de ces nappes et la présence des décharges  ». A des lixiviats est de loin supérieure à celle des eaux côté des lixiviats, d’autres facteurs contribuent à la dété- usées. rioration de la qualité des eaux souterraines, essentielle- ment les pesticides et les nitrates. ii)  Estimer le coût de traitement d’un m3 D’après IPC (2006), la quantité de lixiviats produits est d’eau usée fonction de nombreux paramètres tels que la part des Afin d’estimer le coût de l’eau polluée, nous avons uti- précipitations susceptibles de s’infiltrer dans les déchets, lisé le coût additionnel de traitement des eaux usées l’efficacité des dispositifs destinés à éviter les apports d’eau destinées à être réutilisées à des fins agricoles. À titre com- de l’extérieur, la surface exploitée, la présence de couver- paratif, nous avons aussi estimé le coût de traitement des tures de protection ou l’efficacité du système de drainage lixiviats. et d’évacuation des lixiviats. »» Le coût de traitement d’un m3 d’eau usée destinée à l’agriculture varie entre 10,75 et 14,75 dirhams/ Afin de calculer le coût de la contamination des eaux sou- m3 quand on utilise le système « boues activées » terraines, nous avons emprunté à la Banque mondiale la et entre 13,75 et 25,75 dirhams/m3 quand on méthode qu’elle avait utilisée pour estimer ce même coût utilise d’«  autres systèmes d’épuration  » (E. El (Sarraf et al. 2003) : Meknassi, 2015). On retiendra un coût moyen de Tableau 7.5. Estimation du volume d’eau pollué par le lixiviat Variable Unité Valeur Quantité de déchets déversés dans décharges non contrôlées t/j 7 957 Taux de conversion t/m3 0,4 Volume de déchets par jour m3/j 19 892 Taux de lixiviat % 50 % Volume du lixiviat par jour m3/j 9 946 Taux d’infiltration du lixiviat % 10 % Pollution eau par un m3 de lixiviat m3 50 Pollution journalière de l’eau m3/j 49 731 Pollution annuelle de l’eau m3/an 18 151 737 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 81 Tableau 7.6. Coût de mobilisation et de traitement à des fins agricoles d’un mètre cube d’eau Eaux usées traitées à des fins agricoles Eau Autres systèmes conventionnelle Boues activées d’épuration Investissement (DH/m3) Aménagement hydro agricole 2,5 2,5 2,5 Traitement complémentaire 10 à 20 7à9 Fonctionnement (DH/m ) 3 2à4 1,25 à 3,25 126 1,25 à 3,25 Coût Total (DH/m3) 4,5 à 6,5 13,75 à 25,75 10,75 à 14,75 Source : El Meknassi (2015). 16,25 dirhams/m3 Par ailleurs, le coût de mobilisa- de l’air en ville. Elle a été élargie aux terrains et reprise tion d’une eau conventionnelle destinée à l’agricul- par Sweep.net pour calculer l’impact des décharges sur la ture est en moyenne de 5,5 dirhams/m3.126 valeur des terrains et logements situés à proximité (Dou- mani, Arif, Ilyes,  2014). Selon cette méthodologie, une En retenant un coût additionnel moyen du traitement des décharge est entourée de deux cercles concentriques, le eaux usées destinées à des fins agricoles d’environ 10,75 premier se situe dans un rayon de 30 mètres autour de dirhams/m3, le coût de la dégradation de la ressource la décharge (R1) et le second dans un rayon de 30 à 100 eau souterraine s’élèverait à environ 195,1  millions de mètres (R2) (Figure 7.1). Les prix subissent une décote de dirhams en 2014. 15 et 10 % au niveau des terrains situés respectivement »» Le coût de traitement d’un m3 de lixiviat s’élève à dans les superficies à moins de 30 m et de 30 à 100 m. 30 dirhams127 (en traitant la totalité du lixiviat128, le coût s’élèverait à environ 109 millions de dirhams). On retiendra le chiffre de 195,1 millions de dirhams Figure 7.1. Impact d’une décharge puisqu’on cherche à mettre en relief la valeur écono- sauvage/ dépotoir sur les terrains mique de l’eau qui risque d’être perdue si le déversement avoisinants des déchets dans les décharges non contrôlées se poursuit. R2 R1 7.1.4. La moins-value des terrains La méthodologie des coûts hédoniques a été utilisée pour calculer le coût de dépréciation des terrains se trouvant à proximité des décharges/dépotoirs. Cette méthode a été Décharge mise au point par Nelson, J. 1978 et permet calculer le différentiel de prix des résidences en fonction de la qualité 126 126 L’étude n’intègre pas la charge fixe annuelle de dirhams 65000 par péri- mètre de «réutilisation des eaux usées traitées en irrigation» 127 Communication avec la Direction de l’Eau et de l’Assainissement du Minis- tère de l’Intérieur lors de l’atelier du 2/05/2016. 128 Soit 3,63 million de m3 par an. 82 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Afin de calculer la moins-value, nous avons fait les hypo- l’odeur est persistante129, ce qui constitue un fac- thèses suivantes : teur de dépréciation des terrains sis à proximité des »» Nous n’avons pris en compte que les principales décharges. Or actuellement, seules les décharges villes du Maroc représentant 75  % des déchets de Fès et d’Oujda disposent d’un système de récu- déversés dans des décharges en milieu urbain. pération et de valorisation du biogaz. En outre, »» Nous n’avons tenu compte que des décharges certaines décharges contrôlées accumulent des actives, car les passives ont été réhabilitées dans ces quantités de plus en plus importantes de lixiviat villes. dans des bassins dans l’attente de leur traitement. »» Pour les décharges non contrôlées, la déprécia- Ce qui est source de pollution de l’air et donc un tion concerne les terrains agricoles qui se trouvent facteur de dépréciation de terrains aux alentours. dans les deux cercles (rayon de 30 m et rayon de 30 »» Nous avons calculé un prix moyen d’un mètre à 100 m) alors que l’on n’a retenu que le rayon de carré à partir de dix observations130 relatives aux 30 m pour les décharges contrôlées. Si ces dernières terrains agricoles entourant chaque ville. dégagent moins d’odeur que les décharges non contrôlées, il n’en reste pas moins qu’en l’absence 129 «  Les projets de réduction des émissions de méthane mis en œuvre dans d’un système de réduction du méthane, à travers les sites d’enfouissement et les usines de traitement des eaux usées permettent aussi de réduire les odeurs  »  ; https://www.globalmethane.org/documents/ sa récupération et sa transformation en énergie, analysis_fs_fr.pdf 130 Prix actuels à partir de portails d’annonces immobilières. Tableau 7.7. La moins-value des terrains avoisinants les décharges Classement Tonnage Moins- Fin déchargé Superficie value Décharge Jan. 2016 t/j ha DH Remarque Grand Rabat DC 1 370 110 3 469 858 Grand Casablanca DNC 3 000 85 7 659 707 DC en cours de construction Grand Agadir DC 686 41 658 080 Mohammedia/ DC 356 47 2 129 817 Benslimane Ej jadida DC 188 28 502 516 Béni Mellal DNC 438 50 1 348 773 DC en cours de lancement Fès DC 850 110 – RM Marrakech DNC 800 14 1 004 051 DC en cours de construction Meknès DNC 507 25 510 174 DC en cours de construction Tanger DNC 838 30 1 186 215 DC en cours de construction Oujda DC 373 40 – RM Kenitra DNC 355 20 490 893 DC en cours de Lancement Safi DC 180 185 504 Total 9 941 19 145 586 DC : décharge contrôlée ; DNC : décharge non contrôlée ; RM : récupération de méthane Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 83 La moins-value pour ces terrains s’élèverait donc à envi- question suivante : quelle production d’électricité serait- ron 19 millions de dirhams. il possible d’obtenir si tous les déchets organiques déver- sés dans les décharges étaient traités afin de récupérer du Le coût relatif aux émissions de méthane provenant des méthane destiné à produire de l’électricité ? Les calculs du DMA est pris en compte dans le Chapitre 9, dédié à l’en- Tableau 7.8 ont montré que le potentiel d’électricité s’élè- vironnement global. verait à 876 GWh pour une valeur de 847,7 millions de dirhams. 7.1.5. Potentiel d’électricité perdu La récupération du méthane (par méthanisation131 des Perte d’opportunités liée 7.1.6.  déchets) permet de produire de l’électricité (voir l’enca- à un faible recyclage/ dré 7.3 : l’exemple de la ville de Fès) qui aurait été autre- compostage des déchets ment produite à partir des combustibles fossiles, et d’éviter ménagers ainsi des émissions de CO2. Le recyclage des déchets permet de générer des gains économiques (création d’une valeur ajoutée supplémen- La méthanisation concerne principalement les déchets taire) et environnementaux (réduction des terrains desti- biodégradables enfouis dans les décharges. Ce potentiel nés aux décharges, réduction des émissions des GES et est calculé à partir du gisement de déchets organiques économie d’énergie). Le taux de recyclage au Maroc est déversés dans les décharges, il s’agit de répondre à la estimé actuellement à environ 10 % des déchets ménagers et assimilés générés en milieu urbain (MdE 2014). Il est 131 La méthanisation, également appelée digestion anaérobie, est un processus essentiellement assuré par le secteur informel qui emploie de dégradation microbienne au cours duquel la matière organique complexe est 7 000 personnes (MdE 2016 b) triant, récupérant et recy- transformée en un biogaz composé de méthane et de dioxyde de carbone et en clant les déchets solides dans des conditions de rentabilité un résidu solide ou liquide appelé digestat. www.irstea.fr/nos-editions/dossiers/ et d’hygiène défavorables. Conscients de cette faiblesse et nos-dechets/methanisation. de l’intérêt d’une augmentation du taux de recyclage, les autorités, dans le cadre du PNDM, prévoient de le porter Encadré 7.3. « La ville de Fès s’éclaire grâce à à 16 % en 2016 et à 20 % en 2020. ses déchets » Dans le cadre de cette section, nous allons calculer le L’eclairage des routes dans la ville de Fès est actuellement potentiel de recyclage et de compostage ainsi que les éclairée à 30  % grâce à ses déchets ménagers. La société gains escomptés qui auraient prévalu si le taux était de en charge de la gestion de la décharge de la ville de Fès, a installé deux systèmes de collecte de biogaz, une station 15 % aujourd’hui (proche des objectifs du PNDM). En de soutirage de 500 Nm3/h (nouveaux m3 par heure), des d’autres termes, tout retard dans la réalisation de cet objec- torchères, et d’autres équipements afin de lancer le proces- tif se traduirait par une perte économique et environne- sus de méthanisation qui permet, à travers la dégradation mentale tout au long de la période que couvre le PNDM. biologique de la matière organique, de valoriser le biogaz résultant de cette opération et de le convertir en énergie électrique. Cette centrale bioélectrique a coûté 100 millions i) Les gains économiques de dirhams. Grace à cette centrale, les 800 tonnes/jour de Recyclage. Pour un tonnage de déchets urbains ména- déchets ménagers fournissent actuellement une capacité gers de 5 817 115 t, la quantité recyclable est de 203 599 t de 1 MW qui sera portée à 5 MW (soit l’équivalent d’un parc de 11 éoliennes) sachant que les besoins de l’éclairage au taux de 10  % et de 305  399  t au taux de 15  %. La public de Fès nécessitent une capacité de 3,5 MW, le reste valorisation de la différence aux prix indiqués dans le pourra être vendu. Tableau  7.9 donne un chiffre d’affaires additionnel de 132,3 millions de dirhams répartis entre les récu- Source  : Les Affaires  ; http://www.lesaffaires.com/dossier/changements- pérateurs, intermédiaires et les grossistes respectivement à climatiques-40-solutions-qui-font-une-/la-ville-de-fes-au-maroc-seclaire- grace-a-ses-dechets/583395 concurrence de 20, 31 et 49 % tout en sachant que ce sont les récupérateurs qui sont les plus nombreux. Le recyclage 84 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 7.8. Estimation du potentiel d’électricité   Unité Valeur Source Déchets déposés dans les décharges t 4 944 548   Taux matières organiques (fermentescible) % 65% http://www.atlas.d-waste.com/ Matières organiques (fermentescible) t 3 213 956   Matières organiques (fermentescible) t 482 093   destinée au compostage Méthane généré t 125 981 feuille de calcul “ déchets fermentescibles”. Méthodologie GIEC (1996 et 2006) Masse volumique du méthane m3/t 1 395 0.000716604 Méthane généré m3 175 802 228   Taux de méthane capturé % 50%   Méthane capturé m3 87 901 114   Equivalence énergétique tep/m3 0,000857 http://atee.fr/sites/default/files/ATEE/Fichiers/ matin-1-club_biogaz_cmarchais2_0.pdf Quantité Energie tep 75 331   Taux du potentiel électricité MWh/tep 11,64 http://calculis.net/conversion/energie Potentiel électricité KWh 875 876 496   Prix électricité DH/KWH 0,9679 ONEE, 2015: prix facturé aux collectivités locales Valeur potentiel électricité (arrondis) DH 847 761 000   renvoie à la chaîne de tri, de récupération et de vente de Économie de terrains. Le passage à un taux de recy- déchets dans le cadre d’une triple relation : clage de 15  % permettra de réaliser une économie de »» Récupérateur (en ville ou décharge) → Intermédiaire 14,5 millions de dirhams dont le calcul figure dans le »» Intermédiaire → grossiste tableau suivant : »» Grossiste → Industriel (ce dernier valorise le déchet en le réutilisant ou le transformant) iii) Conclusion Compostage. La quantité compostable est de 567  000  t Le passage du taux de recyclage de 10 à 15 % permet un générant un chiffre d’affaires de 56,7 millions de dirhams gain total de 204 millions de dirhams. La réalisation pour un prix de 100 dirhams la tonne (GIZ 2014 b) du taux de 15 % est liée à la mise en œuvre du programme de l’implantation des décharges contrôlées où des centres de tri et de valorisation de déchets sont prévus permettant ii) Les gains environnementaux ainsi de les recycler dans de meilleures conditions de ren- Le recyclage va aussi se traduire par une réduction des tabilité. Elle est liée aussi à la manière dont les travailleurs terrains destinés aux décharges ainsi qu’à une écono- du secteur informel auront été impliqués dans ce proces- mie d’émissions de méthane. L’économie d’émissions de sus en leur offrant de meilleurs revenus et de meilleures méthane n’a pas été pris en compte pour eviter un double conditions d’hygiène. Car avec leur professionnalisation, comptage avec le Chapitre 9. les services de collecte et d’élimination ainsi que les filières Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 85 86 Tableau 7.9. Estimation du manque à gagner dû au recyclage Production Quantité Prix du Prix du Prix du déchets en Composition recyclée Quantité marché / marché / marché / Variable 2015 du recyclage 2015 recyclable Différence récupérateur intermédiaire industriel Total Total 10% 15% Recyclage Compostage Unité t/an % t/an t/an t/an DH/t DH/t DH/t DH DH Total 5817115 Prix DH 100/t Matières 3781125 567000 567000 56700000 organiques (65%) Matières 2035990 Recyclable (35%) Papier et carton 20,30 41331 61996 20665 230 340 530 22731833 Plastique 8,40 17102 25653 8551 700 970 1880 30356617 Verre 14,10 28707 43061 14354 240 330 440 14497270 Métal (Feraille, 51,40 104650 156975 52325 230 390 590 63313193 Aluminium, Cuivre) Textiles 0,10 204 305 102 500 700 800 203599 Bois 1,00 2036 3054 1018 280 420 490 1211414 Autre 4,70 9569 14354 4785 Total 100,00 203599 305399 101800 132314000 56700000 Recyclable Source: MdE, 2013, MdE, 2014, El Bari, 2014, Waste Atlas and PNDM Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 7.10. Economie de terrains Unité Valeur Remarque Recyclage/ compostage t/an 872 000 Conversion de densité t/m3 0,8 Les déchets enfouis dans les décharges contrôlées sont compactés afin déchets compactés d’augmenter leur densité et de réduire le volume occupé et donc d’augmenter les capacités de stockage. La densité passe, durant le compactage, de 0,3 ou 0,4 t/m3. à environ 1 t/m3 (http://www.emse. fr/~brodhag/TRAITEME/fich1_2.htm) La densité de 0,8 a été retenue en accord avec le MdE. Volume m3 1 090 000 Hauteur Décharge m 15 Surface terrain m2 72 700 Prix terrain DH/m2 200 Perte DH 14 540 000 Tableau 7.11. Coût total de la dégradation : Déchets ménagers (2014) Coûts moyen Déchets ménagers et assimilés (Millions DH) % PIB Dommage     7.1.2 Coût de la non-couverture de la population par la collecte 1 118   7.1.3 Coût de la pollution des eaux souterraines 195   7.1.4 Moins-value des terrains à proximité des décharges/ dépotoirs 19   Pertes d’opportunités     7.1.5 Potentiel d’électricité perdu 848   7.1.6 Potentiel de recyclage perdu       Pertes économiques (recyclage/compostage) 189     Pertes environnementales (économie de terrains) 15   Sous-total 2 384 0,26% Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 87 de valorisation vont considérablement réduire le gisement d’État à l’Eau et l’environnement SEEE, KfW, 2010)133 qui d’ordures accessible au secteur informel (MdE, 2016 b). a permis d’en estimer la production à 256 000 tonnes sur une production totale de déchets industriels de 1,6 Mt 7.2. Les déchets (MdE  2016). Elle s’élèverait en  2014 à 295  000 tonnes industriels (MdE 2016), soit un accroissement annuel de 2,4 %, un taux équivalent à celui de la croissance industrielle. dangereux Source. Les DID proviennent essentiellement des sec- 7.2.1. Vue d’ensemble teurs de la chimie-parachimie et du textile-cuir et de Définition. Les déchets industriels132 comprennent les l’industrie mécanique et métallurgique (Tableau  7.12) déchets industriels dangereux (DID) et les déchets indus- et sont concentrés dans le grand Casablanca qui génère triels non dangereux (appelés aussi déchets spéciaux). L’ar- plus de 37 % du total. D’après la même étude, les DID ticle 3 de la loi 28-00 définit les premiers comme «  toutes se présentent à concurrence de 54,6 %, 33,4 % et 12 % formes de déchets qui, par leur nature dangereuse, toxique, réactive, successivement à l’état liquide, solide et pâteux. L’étude a explosive, inflammable, biologique ou bactérienne, constituent un dan- montré aussi que 38 % des déchets sont combustibles, ce ger pour l’équilibre écologique tel que fixé par les normes internationales qui permet d’entrevoir le gisement disponible en déchets dans ce domaine ou contenu dans des annexes complémentaires ». Les susceptibles d’être valorisés thermiquement dans les seconds, bien qu’ils ne soient pas dangereux, ne peuvent pas cimenteries et les autres installations. être déversés dans les décharges dédiées aux déchets ména- gers et assimilés nécessitant ainsi un traitement spécial. Le Plan directeur national de gestion des déchets dangereux. Les DID constituent un danger pour l’envi- Production. La principale source d’informations sur les ronnement et la santé si leur collecte, transport et élimina- DID est fournie par l’étude publiée en 2010 (Secrétariat tion ne répondent pas aux critères d’une gestion efficace. Conscients de ce danger, le Maroc s’est doté d’une 132 D’après l’article 3 de la loi 28-00, un déchet industriel est un déchet qui SEEE, KfW,  2010  : «  Élaboration d’un Plan directeur national de gestion 133 résulte d’une activité industrielle, agro-industrielle, artisanale ou d’une activité des déchets spéciaux et d’une étude de faisabilité pour la création d’un Centre similaire, tels que ferrailles, métaux non ferreux, papiers et cartons, verre, tex- national d’élimination des déchets spéciaux (CNEDS), rapport V  : gisement tiles, bois, plastiques. déchets dangereux. » Tableau 7.12. Répartition des déchets industriels dangereux et spéciaux Industrie Déchets spéciaux Déchets dangereux Total Chimie et parachimie 64,0 % a 40,3 % 60,2 % Textile-cuir 0,0 % 33,6 % 5,5 % Industrie alimentaire 28,8 % b 5,5 % 25,0 % Industrie mécanique métallurgique 7,1 % c 13,5 % 8,2 % Industrie électrique électronique 0,0 % 1,2 % 0,2 % Autre 0,0 % 5,9 % 1,0 % Source : SEEE, KfW, 2010 a cendres volantes et mâchefers des centrales électriques b carbonate de calcium déclassé (raffinage du sucre) c scories des hauts fourneaux 88 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré 7.4. Enjeux économiques de la filière des HU La valorisation des HU peut être faite soit par co-­ incinération En octobre  2015 une convention-cadre a été signe avec le (valorisation thermique) soit par régénération (valorisation MdE et le Ministère Délégué, chargé des petites entreprises et matière). Les deux types de valorisation permettent une créa- de l’integration du secteur informel pour « la mise en place et tion de valeur ajoutée, uneéconomie de l’énergie fossile et une l’organisation d’une filière de valorisation écologique favorisant réduction de la facture pétrolière. Parmi les acteurs écono- la régénération matière des huiles lubrifiantes usagées». Cette miques concernés par la filière, il y a l’Association profession- convention prévoit une écotaxe de 300dirhams/t proposée par nelle des cimentiers (APC) et le Groupement pétrolier marocain le GPM dont les recettes seront versées au Fonds national pour (GPM), les premiers sont intéressés par une co-­ incinération l’environnement et le developpement durable et qui seront par alors que les seconds par une régénération des HU. la suite « obligatoirement, intégralement et exclusivement resti- tuées aux unités de régénération des huiles lubrifiantes usagées » Cette filière recèle un potentiel économique important qui ne laisse pas indifférentes les deux professions. Un enjeu qui De son côté, l’APC avait déjà signé plusieurs conventions lui influera nécessairement aussi le devenir du secteur informel. Ces permettant d’utiliser les HU comme combustible, conventions enjeux GPM-APC retardent la réorganisation de la filière vers qui viennent d’être confirmées par une convention-cadre d’une une « valorisation écologique des huiles usagées au Maroc ». durée de cinq ans signée le 20 juin 2014 lui permettant d’inciné- rer et de valoriser les déchets solides, dans « le respect des textes Un début d’accord tripartite entre les deux professions et le réglementaires et normatifs régissant la gestion des déchets et des MdE a été réalisé en 2012, prévoyant la création d’un grou- émissions … », il n’est donc pas question spécifiquement de HU, pement d’intérêt économique à qui sera confié la gestion de la mais de DID, de déchets ménagers, et de pneus déchiquetés. filière, cet accord stipulait que le GPM devait contribuer pour 150 dirhams/t à la collecte des HU et que l’ACP devait mettre Avec la publication des décrets n° 2-09-85 /2011(relatif à la en place des centres de regroupement et des installations de collecte, au transport et au traitement de certaines HU) et stockage et d’élimination des huiles en cimenterie, lui per- n° 2-14-85/2015 (relatif à la gestion des déchets dangereux) mettant d’acheter les HU à 750dirhams/t. Cependant, une et de son arrêté d’application 3184-15/2015, chaque opéra- année après, le GPM propose, à la place de la redevance, une teur économique désireux de collecter, stocker, transporter et écotaxe de 300dirhams/t sur les « huiles de base » produites valoriser/  éliminer les HU doit disposer d’une autorisation et importées (ces huiles étant utilisées pour produire les huiles délivrée par le MdE qui fixe les conditions techniques, les ins- lubrifiantes neuves) et sur les huiles lubrifiantes importées. tallations requises et les modalités pour le faire. réglementation parallèlement au lancement, dès  2007, élargie des producteurs (REP) » afin d’impliquer tous les du Plan directeur national de gestion des déchets dange- acteurs de la filière, à savoir «  générateurs, détenteurs, reux visant à « développer un système approprié de ges- collecteurs-transporteurs, et destinataires de déchets dan- tion intégrée des déchets dangereux au Maroc  avec un gereux » tels qu’ils sont identifiés par l’article 3 du décret contrôle et une surveillance adéquate en accord avec les du 20/01/2015 relatif à la gestion des déchets dangereux. standards internationaux sur l’environnement et la législa- tion en vigueur au Maroc » (GIZ 2014 a). Ce Plan direc- Traitement. L’étude SEEE, KfW (2014) avait estimé teur devait aboutir à la mise en place d’un Centre national qu’à peine 21 000 t sur 256 000 t de DID, soit 8 %, sont d’élimination de déchets spéciaux (CNEDS)134 ayant une collectées et traitées par le secteur formel135, le reste est capacité annuelle de 44  000 tonnes. Cependant, cette récupéré par le secteur informel136 ou «  évacué sans option a été abandonnée au profit d’une approche en termes de filières. L’étude de la Banque mondiale, (MI/ 135 Ce secteur est composé de 5 sociétés présentes sur le marché marocain depuis MdE, BM  2014) a montré le potentiel valorisable tout au moins 5 ans, groupées dans l’Association marocaine des professionnels de la en mettant l’accent sur le principe de la « Responsabilité valorisation et de l’élimination de déchets industriels (AMVEDI) – (Sita Maroc, Société marocaine de récupération et de recyclage, Ecoval Maroc, la filiale du cimentier Holcim, Logipro ou encore Nitam) Ce centre est, d’après l’article 48 de la loi 28-00, considéré comme une 134 136 Comme p. ex. la régénération d’huiles usagées à la décharge de Tit Mellil à décharge de classe 3 destinée aux déchets dangereux. Casablanca ou le recyclage des batteries de voiture. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 89 traitement préalable dans le milieu naturel  ». La même valeur économique (régénération et co-incinération), la étude, dans la perspective de l’établissement du CNEDS, nécessité d’importer des matières premières indispen- a évalué le potentiel valorisable en fonction du type de sables à la production d’huiles neuves et l’économie des traitement : la co-incinération, la valorisation matière et devises permise par leur récupération et recyclage. l’élimination dans les installations du CNEDS137 repré- senteraient respectivement 18,8, 21,5 et 17  % du total. D’après l’Association professionelle des cimentiers (APC)- L’abandon du CNEDS au profit des filières permettra M. Daoudi (2012), la quantité des HU générés s’élevait à certes de mobiliser tous les acteurs de la filière sur des 70 000 tonnes en 2012138, elle est estimée à 80 000 t en 2014 bases économiques et financières en invoquant leur « res- (MdE 2016 c). Une fois générée, l’HU est collectée et trans- ponsabilité élargie », mais risque de poser des problèmes portée par environ 150 à  200 collecteurs/transporteurs. environnementaux liés à la gestion des déchets ultimes ou L’ensemble travaille cependant dans l’illégalité puisque des refus de matières recyclées issues de la valorisation, aucun collecteur ni aucun transporteur ne possède jusqu’à d’où la nécessité d’une décharge de classe 3, comme le ce jour l’autorisation de le faire en vertu de l’article 30139 de CNEDS. la loi 28-00 et de son décret d’application du 19/02/2015. Actuellement 90 % de la récupération, incinération, valori- Etendu et limite de l’étude. Dans cette section, sation des HU se fait par le secteur informel. l’étude a essayé de quantifier l’impact des huiles de moteur usagées et des batteries usagées, considé- rées parmi les déchets les plus dangereux. Pour les huiles, ii) Impacts sur l’environnement Une huile usagée est une huile qui, après utilisation, nous avons estimé les pertes économiques en l’absence de devient contaminée. Ces propriétés altérées, elle ne peut leur valorisation dans le cadre du secteur formel, alors que plus continuer à remplir sa tâche convenablement. L’huile nous avons calculé le coût de l’exposition des enfants âgés à moteur usagée éliminée de façon inadéquate risque de de 0–4 ans au plomb. Il est important de noter que les nuire à l’environnement par : la combustion non contrô- effets environnementaux, sanitaires et économiques des lée, la mise en décharge, l’élimination dans le sol et la conditions de collecte de gestion et d’élimination d’autre contamination des égouts. Par ailleurs, l’HU est peu bio- types de déchets, tel que les déchets industriel, les déchets dégradable ce qui augmente sa durée de vie. Ayant une d’équipements électriques et mécaniques, n’ont pas pu densité plus faible que l’eau, un litre d’huile usagée peut être estimé dans cette étude à cause d’informations très couvrir et contaminer une surface importante d’eau (envi- limitées. De même d’autre métaux lourds, tel que le mer- ron 1 000 m2) et réduire l’oxygénation de la faune et de la cure qui peut se trouve dans la décharge de Mediouna flore. Un litre d’huile usagée peut aussi polluer durable- par exemple (SEEE 2010), qui sont considéré par l’OMS ment 1 m3 de terre chaque année140. parmi les produits chimique extrêmes préoccupants pour la santé publique n’ont pas pu être pris en compte F. Horst (2005) a mené une analyse des impacts environne- dans l’étude. Ainsi cette section sous-estime l’impact des mentaux nets141 de la régénération et de l’incinération en déchets dangereux sur la santé et l’environnement. Europe, il a abouti aux résultats figurant dans le Tableau 7.13. 7.2.2. Filière des huiles usagées i) Présentation de la filière 138 A noter que l’étude SEEE, KfW (2014) avait identifié pour l’année 2008 un gisement de 70700 t (y compris rejets navires) D’après le catalogue marocain des déchets, les huiles usa- 139 « La collecte et le transport des déchets dangereux sont soumis à une autori- gées (HU) sont classées « déchets dangereux ». Les enjeux sation de l’administration ». autour de ces déchets sont très importants  en raison de 140 http://www.ecologie.ma/pollution-au-maroc-des-milliers-de-tonnes-dhuiles- leur impact négatif sur l’environnement, leur grande usagees-dans-la-nature/) 141 Impact net = Impact émis du procédé de traitement – Impact évité de pro- duction / combustion du substitut ; Par exemple, l’incinération d’une tonne de HU se traduit par une émission de x tonne de CO2 et l’incinération du fioul 137 Traitements physicochimiques, stabilisation, solidification et enfouissement. (remplacé par l’HU) par une émission de y tonne, l’impact net est x-y 90 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 7.13.  Impacts nets environnementaux par tonne d’huile usagée Incinération en cimenterie Mix de combustibles Régénération a primaires Fioul lourd Économie d’énergie (kg éq. pétrole) Impacts régénération /incinération 33 3 3 Impacts évités 1 112 319 1 082 Impacts nets –1 079 –316 –1 079 Changement climatique (kg éq. CO2) Impacts régénération /incinération 676 2 940 2 940 Impacts évités 1 160 4 060 3 488 Impacts nets –484 b –1 120 –548 Acidification (kg éq. SO2) Impacts régénération /incinération 0,837 0,126 0,126 Impacts évités 4,92 3,09 2,6 Impacts nets –4,083 –2,964 –2,474 Eutrophisation (kg éq. PO4) Impacts régénération /incinération 0,0565 0,000215 0,000215 Impacts évités 0,182 0,183 0,14 Impacts nets –0,1255 –0,182785 –0,139785 Risque cancérogène potentiel (g As-éq) Impacts régénération /incinération 0,018 0,001 0,001 Impacts évités 0,282 0,145 0,19 Impacts nets –0,264 –0,144 –0,189 Particules fines (Éq PM10) Impacts régénération /incinération 0,168 0,0109 0,0109 Impacts évités 0,826 0,662 0,509 Impacts nets –0,658 –0,6511 –0,4981 Source : F. Horst, 2005 a Moyenne de 5 techniques, de substitution de l’huile minérale de base à 100 % (absence de mélange avec une huile synthétique). b La régénération permet d’éviter des émissions nettes de 484 éq. CO2 par tonne d’HU La régénération et l’incinération des HU se traduisent »» L’utilisation des ressources énergétiques par des impacts environnementaux positifs par rapport à »» La facture pétrolière leurs substituts, respectivement l’huile minérale de base et »» Les impacts négatifs sur la santé humaine142 le mix de combustibles/fioul. »» Les émissions de GES (ces derniers n’ont pas été pris en compte dans ce chapitre pour éviter le double comptage avec le Chapitre 9). iii) Pertes en absence d’une valorisation dans le secteur formel La valorisation de HU en co-incinération ou en régénéra- tion permet donc de réduire : 142 L’absence de données ne nous a pas permis d’estimer le quatrième point. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 91 Tableau 7.14.  Pertes économiques en absence d’une valorisation dans le cadre du secteur formel Économie d’énergie Régénération Source Quantité potentielle HU tonne 72 000 Économie nette de ressources fossiles tep/t 1,079 Économie ressources fossiles t 77 688 Prix fioul DH/t 4 526 http://lavieeco.com/news/actualite-maroc/maroc- les-prix-des-carburants-en-baisse-32117.html Prix huile usagée DH/t 2 200 APC- DAOUDI (2012) Coût économisé DH 180 702 000 Réduction de la facture pétrolière Quantité de pétrole économisée tep 77 688 Prix du pétrole brut importé DH/t 5 812 HCP (2015) Coût économisé DH 451 522 000 Total DH 632 224 000 Pour le calcul de ces pertes, on a retenu la valorisation La filière est dominée par le secteur informel qui contrôle par régénération présentant pratiquement les mêmes la récupération et surtout l’extraction du plomb, matériau avantages que la co-incinération. Pour calculer cette valo- indispensable à la production des batteries. La quantité risation, on est parti d’une quantité globale de 80 000 t de plomb extraite des BU varie entre  7800 et  9000 t (MdE  2016c) et on en a retenu 90  %, soit 72  000 t, en 2011 (MdE 2012). correspondant au tonnage qui transite actuellement par le secteur informel. Organisation. Les garagistes, sociétés de vente des batteries, détaillants de pièces de rechange vendent aux récupérateurs des BU à un prix de 4 à 8 dirhams l’unité. iv) Conclusion Les ferrailleurs extraient le plomb des BU (environ 10 à Le « traitement » dans l’état actuel des HU se traduit par 12 Kg de plomb par BU) et le vendent à 10 dirhams le une perte de 632 millions de dirhams. Afin de mobi- kg de plomb  ; soit un revenu par batterie de 100 à 120 liser ce potentiel, il importe d’accélérer la réorganisation dirhams. Les principaux débouchés sont les sociétés de de la filière en gérant le gisement des HU dans un sens production des batteries neuves (20 %), les sociétés expor- d’efficacité et d’équité et en trouvant les moyens et les tatrices du plomb (6 %), la société des Fonderies de Plomb modalités d’y intégrer le secteur informel. de Zellidja (59  %), pêches (4  %) et autres (poterie, etc., 11 %) (MdE 2012). Cette répartition des ventes dépend des fluctuations des prix de chaque destination. En effet, 7.2.3. Filière des batteries usagées les sociétés de production des batteries neuves ont souf- Un aperçu sur la filière sera donné a), suivi par une analyse fert au cours des trois dernières années d’une rareté sans de l’impact environnemental du plomb b), et par l’estima- précédent du plomb à cause du fait que les ferrailleurs tion de l’impact du plomb sur la santé des enfants c). Un préfèrent le vendre aux sociétés d’exportation à tel point aperçu de l’organisation future de la filière sera esquissé. que le gouvernement143 fut obligé de soumettre à partir du i) Vue d’ensemble de la filière Production. En  2011, la quantité de batteries usées 143 Arrêté du Ministre délégué chargé du Commerce extérieur 3378-15 (BU) a été estimée à 674 000 unités, soit 10 000 tonnes. du 20/10/2015. 92 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré 7.5.  Plomb et santé humaine à de graves dangers : respiration des poussières, émana- tions et vapeurs qui se diffusent dans l’atmosphère de leur Au bout d’un moment, le bac en plastique de la batte- lieu de travail avec le risque de graves intoxications au rie usagée libère des métaux lourds qu’il renferme, ce qui engendre une pollution de l’air, des sols et des eaux. plomb (MdE 2012). Des intoxications chroniques peuvent Ensuite, le plomb est absorbé par des organismes vivants se rencontrer dans la population généralement à proxi- par ingestion ou inhalation, puis introduit dans la chaine mité des sources de pollution (par exemple, recyclage des alimentaire, au bout de laquelle il atteint l’être humain. BU). Les émanations touchent aussi la population envi- Dans le corps humain, il est néfaste pour le système ner- ronnante des lieux d’extraction, les enfants, surtout en bas veux, les reins et le sang. Plusieurs effets sur la santé ont été âge, étant les plus exposés. associés à l’exposition au plomb, notamment des effets sys- témiques (par exemple des effets gastro-intestinaux, l’ané- L’étude SEEE sur les métaux lourds145 réalisée au Maroc mie, l’hypertension et la perte d’audition), les effets sur le système nerveux (par exemple sur le comportement et la en 2010 a permis d’estimer la plombémie146 au niveau des cognition), sur le développement et sur le système repro- fonderies et de la production de batteries et de leur envi- ducteur, ainsi comme la génotoxicité, la cancérogénicité et ronnement dans les sites industriels de Sidi Bernoussi et les effets sociaux (ATSDR 2007). Aïn Sebaa. À partir de l’analyse de la concentration du plomb dans l’air et le sol dans ces mêmes sites et d’autres facteurs, elle a calculé le taux de concentration du sang chez l’enfant par inhalation et ingestion. (Tableau 7.15) mois d’octobre 2015 l’exportation du plomb à une autori- sation du Ministère du Commerce Extérieur144. L’étude S. Bouftini et al (2015) menée dans la zone artisanale (poterie et tannerie) d’Aïn Nokbi à Fès et por- ii) Impact environnemental tant 150 enfants (90 exposés au plomb et 60 non exposés) L’extraction du plomb est une opération très risquée pour âgés de 6 ans, a trouvé : l’environnement et la santé surtout en l’absence de toute précaution, ce qui est le cas dans le secteur informel où l’extraction se fait par simple combustion dans des petites fonderies. Les émanations du plomb exposent les ouvriers 145 Le plomb, le mercure et le cadmium. Elle comprend 4 rapports plus un rap- port de synthèse. 144 Il y a un arrêté en voie de préparation visant à interdire l’exportation du 146 Taux de concentration du plomb dans le sang, exprimé en µg/dl ou mg/l. plomb. C’est l’indicateur-clé de l’exposition au plomb. Tableau 7.15. Taux de concentration du plomb dans le sang par inhalation et ingestion chez les enfants – Sidi Bernoussi et Aïn Sebaa Risque des effets toxique Plombémie (effets gastro-intestinaux, anémie, μg/dl hypertension et perte d’audition) Enfants des bidonvilles dans un rayon de 300 m autour des 19,4 Très élevé usines de fabrication des batteries Enfants des écoles situées à environ 450 m des usines de 3,9 Élevé fabrication des batteries Enfants des bâtiments à 500 m des usines de fabrication des 4,3 Élevé batteries, fréquentant les écoles Enfants habitant dans un rayon de 1,8 km 1,2 Source : SEEE (2010) Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 93 »» Chez les enfants exposés, une plombémie moyenne population. La régression148 consiste à lier les tendances de 7,1 µg/dl. 19 enfants exposés avec une plombé- constatées relatives à la plombémie à celles relatives aux mie supérieure à 10 µg/dl. dates de suppression du plomb dans le carburant. Le détail »» Chez les enfants non exposés, une plombémie des régressions peut se trouver dans Attina et Trasande moyenne de 3,8 µg/dl. (2013) ou dans le fichier Excel de la présente étude. En appliquant cette méthodologie au Maroc, la moyenne Des études épidémiologiques dans le monde, ont de plombémie chez les enfants de moins de 5 ans estimé l’impact néfaste du plomb sur la santé de l’enfant et est de 6,64 µg/dl (avec un écart type de 3,81 µg/dl). de l’adulte. Ainsi, d’après ADB (2009), le plomb provoque un déficit cognitif chez l’enfant (0-5ans) estimé à une Étape 2 : Déterminer la distribution de la popu- perte de 1 à 5 points de quotient intellectuel (QI) chaque lation à risque. Cette étape estime la distribution de la fois que le taux de plomb présent dans le sang augmente population de moins de 5 ans par niveau de plombémie. de 10 µg par dl. Il ressort aussi d’une étude (Lanphear et Elle se base sur les niveaux de plombémie proposés par al, 2005), qui a porté sur 1 333 enfants de sept cohortes l’OMS (2003). Connaissant la moyenne et l’écart type de différentes, que le QI baisse de 6,2 points quand la plom- la plombémie, l’étude calcule la proportion de la popu- bémie passe de 1 à 10 µg par dl. lation se trouvant à l’intérieur d’un intervalle donné149. Pour calculer le nombre de la population à risque, l’étude D’après l’OMS (OMS  2003), les principaux effets sur se base sur la population urbaine des enfants de moins la santé sont les troubles neurologiques, une déficience de 5 ans au Maroc qui s’élève à 1  860  000 personnes cognitive et un retard mental, principalement chez les (HCP 2014). Le Tableau 7.16 indique une population à enfants de moins de 5 ans, une pression artérielle élevée, risque de 1 087 600 enfants (soit 58 % du total) à risque. des effets gastro-intestinaux, anémie, les effets sur le rein et le système de reproduction. À titre comparatif, l’étude sur Fès (Bouftini et al. 2015) a montré que 21  % des enfants exposés ont une plombé- mie supérieure à 10  µg/dl. Par ailleurs, d’après l’OMS iii) Coût de l’impact sur la santé (OMS 2004), dans le groupe des pays auquel appartient le Devant l’impossibilité d’isoler l’effet du plomb par sources Maroc150, 18,1 % des enfants de moins de 5 ans ont une d’émanation, l’étude calcule l’effet du plomb sur la santé plombémie comprise entre 5 et 10 µg/dl ; 10,1 % entre 10 en tenant compte de toutes les sources d’émanation du et 20 µg/dl ; et 17,2 % supérieurs à 20 µg/dl. plomb  : industrie, fonderie, poterie, peinture, recyclage BU, production des batteries neuves. La présente étude Étape 3 : Analyser la relation entre plombémie et s’attarde sur l’effet du plomb sur le retard mental des déficit cognitif, exprimée en perte de points de enfants de moins de 5 ans exposés de façon chro- quotient intellectuel (QI). La présente étude se base nique à ce métal dont le coût a été calculé en suivant les sur les travaux épidémiologiques de l’OMS (OMS 2003) six étapes suivantes:147  qui a entériné la relation linéaire suivante entre plombémie Étape 1 : Déterminer le niveau moyen de plom- bémie chez les enfants de moins de 5 ans au 148 Les sources de plomb retenues dans la régression sont essentiellement  : la niveau national. Afin de calculer le coût de l’exposi- tuyauterie, la peinture, la céramique, la cosmétique, la production de batteries, le plomb dans le carburant pour les pays qui ne l’avaient pas encore supprimé tion au plomb des enfants de moins de 5 ans appartenant à la date de 2008. Il n’a pas été tenu compte des hot spots tels que les fonderies à 110 pays à faible et moyen revenu, Attina et Trasande informelles de recyclage des BU, ou des personnes travaillant dans le secteur. Si (2013) ont mené une analyse de régression pour calculer cela avait été le cas, la moyenne aurait été nettement plus importante. le taux moyen et l’écart type de la plombémie dans cette 149 L’OMS (2003) distingue 7 niveaux et 4 intervalles, La proportion de la popu- lation se trouvant à l’intérieur d’un intervalle donné est calculée en utilisant la fonction 1-LOLLOGNORMALE que l’on trouve dans Excel. La fonction donne la distribution log normale cumulée de x, où ln (x) est normalement distribué 150 Groupe Emr D : Afghanistan, Djibouti, Égypte, Irak, Maroc, Pakistan, 147 Les étapes 2 à 5 suivent la méthode développée par l’OMS (OMS 2003). Somalie, Soudan, Yémen 94 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Tableau 7.16. Distribution de la population à risque selon les intervalles de plombémie Intervalles de plombémie Part de la population à risque Population de moins de 5 ans à risque < 5 µg/dl 41,5 % 5–10 µg/dl 20,5 % 380 900 10–15 µg/dl 10,9 % 202 400 15–20 µg/dl 6,6 % 123 500 > 20 µg/dl* 20,5 % 380 800 Total 100 % 1 087 600 * dont 5 % de la population avec un taux de plombémie > 60 µg/dl et 3,9 % au-delà de > 70 µg/dl Tableau 7.17. Relations entre plombémie et perte de points de QI Intervalle de plombémie Moyenne de plombémie Baisse moyenne du QI de x points 5–10 µg/dl 7,5 µg/dl 0,65 10–15 µg/dl 12,5 µg/dl 1,95 15–20 µg/dl 17,5 µg/dl 3,25 > 20 µg/dl 3,5 Source : OMS (2003) et perte de points de QI. Ainsi par exemple, à l’intérieur de Tableau 7.18. Distribution de la population l’intervalle 5–10 µg/dl (soit un niveau moyen de plombé- normale (de 0-1 an) par intervalle de QI mie 7,5 µg/dl) une perte de 0,65 point est anticipée. % de la population Intervalle QI normale par intervalle Étape 4  : Analyser la relation entre la perte de QI et le retard mental léger (RML) et estimer le QI 70 – 70,65 0,24 % taux d’enfants ayant un retard léger par 1  000 QI 70 – 71,95 0,08 % enfants à risque En général, l’intelligence chez la QI 70 – 73,25 1,45 % population humaine suit une loi normale (sauf pour un QI 70 – 73,50 1,59 % QI inférieur à 50 correspondant à des lésions cérébrales) avec une moyenne de 100 et un écart type de 15. Un QI Source : Lezak (1995) de 73,5 est considéré comme le seuil à partir duquel il y a un risque pour une personne de basculer vers un RML Ainsi, 0,24  % de la population normale (de 0-1 an) se suite à la baisse151 du QI de ce seuil jusqu’à 70 suivant une trouve dans l’intervalle 70–70,65 QI et dont le QI a baissé loi normale (Lezak 1995)152. de 0,65 point correspondant à l’intervalle 5–10 µg/dl. L’analyse de la relation entre la perte en QI et le retard Le taux du RML, exprimé en nombre d’enfants par 1 000 mental léger est présentée dans le tableau ci-dessous, il enfants à risque, est la moyenne pondérée obtenue en correspond aux enfants de 0-1 ans. multipliant chaque part des enfants à risque selon la perte de QI (0,65  ; 1,95  ; 3,25 et 3,5) par la répartition de la 151 Baisse indiquée par le Tableau 7.17 population qui lui est correspondante et en sommant les 152 Cité par WHO, 2003 résultats des multiplications obtenus (Tableau 7.19). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 95 Tableau 7.19.  Calcul du taux de RML 1 2 3 4 5 Intervalle de Part des Baisse moyenne Intervalle QI de la Population dans plombémie enfants à risque de points du QI population normale a (%) l’intervalle 5–10 µg/dl 20,5 % 0,65 0,24 0,000491b 10–15 µg/dl 10,9 % 1,95 0,80 0,000087 15–20 µg/dl 6,6 % 3,25 0,45 0,000962 > 20 µg/dl 20,5 % 3,5 1,59 0,003252 Total 0,004792 a La proportion d’enfants dans chaque intervalle correspond à ceux qui sont potentiellement affectés par une perte de QI à cause de leur exposition au plomb. b 0,000491 = 20,45 %*0,24 % Ainsi, près de 4,8 enfants sur 1  000 appartenant à la qui convertit l’incidence de la maladie (dans notre cas, le population à risque souffriraient d’un RML. Le taux retard mental léger) en AVI. Ainsi, on a trouvé 11  953 de RML obtenu est ensuite ajusté en fonction des réali- AVI pour les garçons et 11 541 pour les filles, soit un tés régionales relatives aux causes du retard mental. En total de 23 495 AVI. effet, des facteurs comme l’anémie, la déficience en iode, peuvent provoquer ce retard et par conséquent augmen- Étape 6  : Estimer monétairement le nombre ter le risque d’apparition de déficiences intellectuelles et d’années vécues avec une invalidité En supposant cognitives, plus particulièrement dans les pays en dévelop- qu’une AVI corresponde au PIB per capita, soit 27  360 pement. Afin de tenir compte de ces éléments, un facteur dirhams, le coût de l’exposition au plomb des enfants de d’ajustement de 1,90 est retenu pour la région à laquelle 0-4 ans serait de 642,8 millions de dirhams. appartient le Maroc (OMS  2004). Ce qui donnerait un taux de RML de 9,1 (1,9*4,8) enfants sur 1 000. En conclusion, ce coût155 montre l’importance à mener une politique visant à la réduction des émanations du Le taux de RML s’applique uniquement aux enfants entre plomb des différentes sources (peinture, céramique, cos- 0 et 1 dans l’année où la maladie est estimée (soit 2014). métique, production de batteries, etc.). Une première Ainsi les enfants entre 1 et 4 atteints de RML l’ont déjà mesure a été prise en 2005 supprimant le plomb dans le contracté au cours des années précédentes. Ainsi le carburant. Il faut continuer en menant une politique sys- «  ratio  » d’enfants ayant contracté le RML en  2014 est tématique de dépistage dont les bénéfices (coûts de santé estimé à un cinquième de 9,1 soit 1,82 enfant sur 1 000 évités) en compenseraient le coût. Il est donc évident que ou près de 1 980 cas. si les opérations de récupération de BU, d’extraction et fusion du plomb ainsi que la production des batteries Étape 5  : Analyser la relation entre le RML et étaient soumises aux normes de pollution et aux seuils le nombre d’années vécues avec une invalidité. d’émission de métaux lourds, le risque pour la popula- Pour le calcul du nombre d’années de vie vécue avec de tion d’être exposée et contaminée par le plomb dimi- l’incapacité (AVI)153 l’étude utilise le modèle de l’OMS154 nuerait. Ainsi, à titre d’exemple, dans une société de production de batteries du site couvert par l’étude du SEEE (2010, Mission III), la quantité de plomb à la sor- 153 On n’a pas pris toute la valeur des années de vie ajustées sur l’incapa- cité (DALYs «  Disability-Adjusted Life-Years ») qui comprend à côté de l’AVI, les tie de la cheminée est de 0,24 mg/m3 après installation années de vie perdues (AVP) («  years of life lost » YLL) pour cause de morbidité d’un filtre à manche contre 35,7 mg/m3 avant, soit une ou de mortalité, parce que le RML n’est pas une maladie mortelle, mais han- dicapante dans la vie. 154 « YLD calculation template » http://www.who.int/healthinfo/global_burden_ Ce coût serait plus important si on avait intégré d’autres coûts : morbidité, 155 disease/tools_national/en/. perte de productivité. 96 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Encadré 7.6. L’organisation de la filière des BU Afin de remédier à la pollution par la gestion informel des des batteries qui assureront elles-mêmes l’extraction du batteries, le MdE a lancé une initiative pour la mise en place plomb. d’une filière de valorisation écologique des batteries usa- c)  La gestion de la filière sera confiée à une structure (Grou- gées dans un cadre partenarial et de concertation avec les pement d’Intérêt Economique) qui sera créée par les pro- producteurs des batteries au Maroc , qui a été couronnée ducteurs des batteries au Maroc et qui comprendra parmi par la signature d’une convention de partenariat le 7 mars les membres de son conseil d’administration tous les 2014 avec le groupement des producteurs de la batterie . Le acteurs concernés par la filière ainsi que les départements concept retenu est fondé sur le principe de responsabilité élargie ministériels chargé de l’Environnement, de l’Industrie et des producteurs qui est institué par la Loi Cadre portant Charte des Finances. Le mode de financement retenu de concert de l’Environnement et du Développement Durable. Les prin- avec les partenaires est le suivant: cipales étapes de ce concept sont: »» L’utilisation du système de consigne pour la récupéra- a) Collecte et transport des batteries usagées par des socié- tion des batteries usagées. tés agréées et des collecteurs autorisés selon un découpage »» Les producteurs des batteries réalisent les investisse- régional établi au préalable. Des procédures de condition- ments programmés pour la mise en place des centres nement, de stockage et de transport seront fixées garantis- de regroupements et installations de valorisation. sant la traçabilité des batteries collectées et leur transport »» Les producteurs des batteries contribuent au finance- dans des conteneurs scellés afin d’éviter les fuites de pro- ment de la filière  par une cotisation qui s’élève à 22 duits dangereux. dirhams par batterie usagée collectée (Les importateurs et les assembleurs importateurs de plaques de batteries Regroupement et élimination des batteries usagées dans b)  sont exonérés de cette contribution mais restent res- des sites autorisés comportant: ponsables du devenir des batteries qu’ils mettent sur le »» Un site de regroupement (ou plusieurs) avec un trai- marché). tement écologique des batteries. Le plomb est par la »» Les producteurs de batteries contribuent par 30 dirhams suite remis ou revendu aux sociétés productrices des par batterie au Fonds National de l’Environnement pour batteries au prorata de leur contribution dans la filière. contribuer à l’effort national de contrôle de la gestion des Au niveau du centre de traitement, toutes les mesures déchets dangereux et des batteries usagées en particulier. de protection de l’environnement, de sécurité et d’hy- giène doivent être prises en considération. Les batteries Par ailleurs, et pour assurer la réussite de cette réforme du débarrassées de leurs acides sont rangées en attente secteur de batteries usagées, des textes réglementaires pour d’être recyclées. Les acides sont mis dans des bacs adé- régir le fonctionnement du concept retenu ont été publiés quats en attente de leur traitement et/ou élimination. dans le BO en novembre 2015. A cet effet un plan d’action a »» Un site de regroupement et de transfert sans traitement. été élaboré et qui est en cour d’exécution. Dans ce cas, les batteries sont correctement entrepo- sées avant d’être remises aux sociétés de production Source : Direction des Programmes et Réalisation, Ministère délégué chargé de l’Environnement (communiqué 13 mai 2016) réduction de presque 100 %. Et connaissant la relation par ces opérateurs doivent être livrées «  exclusivement qui existe entre la concentration du plomb dans l’air et le aux collecteurs-transporteurs, ou aux installations spé- sol d’une part et sa concentration dans le sang humain de cialisées de traitement en vue de leur élimination ou de l’autre, on mesure l’importance de réorganiser la filière leur valorisation ». des BU. Afin de remédier à ce problème le MdE a lancé une initiative pour la mise en place d’une filière de valo- 7.3. Récapitulatif du coût risation écologique des batteries usagées (Encadré 7.6). L’impact de la gestion des déchets ménagers est Le MdE a institué le principe de la consigne afin de estimé à environ 2 384 millions de dirhams soit 0,26% du s’assurer de la reprise des batteries après leur usage par PIB. Ceci inclus aussi les pertes d’opportunités liées à tout producteur, importateur distributeur ou détaillant une gestion des déchets insuffisante en montrant que la ayant vendu des batteries neuves sur le marché (A.4 de mise en place d’une gestion durable des déchets permet l’arrêté N° 2850-15 du 10/08/2015). Les BU collectées Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 97 Tableau 7.20. Récapitulatif du coût Coûts Coûts Déchets ménagers et dangereux (Millions DH) (% PIB) Déchets ménagers et assimilés     Dommage     7.1.2 Coût de la non-couverture de la population par la collecte 1 118   7.1.3 Coût de la pollution des eaux souterraines 195   7.1.4 Moins-value des terrains à proximité des dépotoirs 19   Pertes d’opportunités     7.1.5 Potentiel d’électricité perdu 848   7.1.6 Potentiel de recyclage perdu       Pertes économiques (recyclage/compostage) 189     Pertes environnementales (économie de terrains) 15   Sous-total 2 384 0,26% Déchets industriels dangereux   Perte économiques en absence d’une valorisation des HU par le secteur formel 632   Coût de l’exposition au plomb 643   Sous-total 1 275 0,14% Total (déchets ménagers et dangereux) 3 660 0,40% non seulement d’éviter les coûts environnementaux, mais aussi de retirer des gains. Il est intéressant de noter que Références le coût de la dégradation de l’environnement estimé par ADB, 2009. Electric Bikes in the People’s Republic of China. la Banque mondiale en  2000 s’élevait à 0,5 % pour les Impact on the Environment and Prospects for Growth. ADB, déchets ménagers. Bien que ces résultats soient diffi- 2009. cilement comparables ils démontrent quand même que ADEME, 2010. Bilan des études de type analyse de cycle de vie l’effort entrepris par le Maroc pour améliorer la gestion (ACV) comparatives de techniques de traitement d’huiles noires des déchets ménagers a clairement porté ses fruits. usagées. ADEME, 2010. AEE (Agence européenne pour l’environnement), 2014. L’impact des déchets industriels dangereux (bien Rapport Horizon 2020 sur la Méditerranée  ; Annexe 4 : que partiellement couvert dans le cadre de cette étude) Maroc. AEE, 2014. est estimé à environ 1 275 millions de dirhams soit AMADES (Association marocaine des déchets solides). 0,14% du PIB. C’est un argument fort en faveur d’un ATSDR (Agency for Toxic Substances and Disease Registry), engagement conséquent visant le développement de ce 2007. Lead Toxicity What Are the Physiologic Effects of secteur. Lead Exposure? Disponible sur : ‹http://www.atsdr.cdc .gov/csem/csem.asp?csem=7&po=10›. L’impact des émissions de méthane sur le réchauffement Attina, TM, Trasande, L., 2013. “Economic costs of climatique se trouve dans le Chapitre 9. childhood lead exposure in low- and middle-income countries.” In Environ Health Perspect 121:1097–1102. 2013. 98 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Banque mondiale 2015. Royaume du Maroc. Quatrième produced base oils including semi-synthetic and synthetic com- Prêt de Politique de Développement du Secteur des pounds; final report. GEIR - Groupement européen de Déchets Ménagers. Document de Programme. Rap- l’industrie de la régénération. 2005. port No. 91846-MA. IPC/GTZ, 2006. 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A synthesis SEEE Secrétariat d’État à l’eau et l’environnement, 2010. report on Algeria, Egypt, Israel, Jordan, Lebanon, Évaluation des expositions dues à la pollution par le mercure, le Morocco, occupied Palestinian territory, Syria and plomb et le cadmium. Quatre rapports et un rapport de Tunisia. 2011. synthèse. UNEP, Morocco’s submission, 2005. Rapport relatif au SEEE Secrétariat d’État à l’eau et l’environnement KfW, Plomb et Cadmium. Rapport établi avec la contribution 2010. Élaboration d’un Plan directeur national de gestion des du Centre Anti Poison et l’Institut National d’Hy- déchets spéciaux et d’une étude de faisabilité pour la création d’un giène (Ministère de la Santé). Royaume du Maroc, Centre national d’élimination des déchets spéciaux (CNEDS). Ministère de l’Aménagement du territoire, de l’eau et Rapport d’étude conceptuelle V : Gisement déchets de l’environnement. UNEP, 2010. dangereux. UNEP, 2010. Final review of scientific information on SEEE Secrétariat d’État à l’eau et l’environnement KfW, lead. 2014. Élaboration d’un Plan directeur national de gestion Waste Atlas http://www.atlas.d-waste.com 100 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Chapitre 8 Littoral Saad Belghazi et Maria Sarraf Ce chapitre présente en premier lieu le contexte général du littoral marocain (Sec- tion 8.1) puis se concentre sur l’estimation de la surpêche (Section 8.2) et de la dégra- dation des plages (Section 8.3) avant de conclure (Section 8.4). 8.1 Contexte général du littoral 8.1.1. Présentation du littoral Le littoral du Maroc est composé de deux façades maritimes, la façade Atlantique avec un linéaire côtier de 2 934 km et la façade méditerranéenne avec un linéaire côtier de 512 km. Il est caractérisé par une grande diversité géomorphologique (des côtes à falaises, des terres basses, des plages, des platiers rocheux, des lagunes, des estuaires, des baies et des marais maritimes) et écologique (plusieurs dizaines de sites d’intérêt biologique et classés RAMSAR). Pour en mesurer le poids économique, l’étude ne se limite pas au domaine public maritime156, mais elle considère le territoire des communes dont les frontières sont en deçà de la limite de 20 kilomètres à partir de la mer. Les données utilisées pour classer les communes sont extraites d’une base de données élaborée par la Direction de l’amé- nagement du territoire. Le littoral concentre une grande partie de l’habitat, des activités produc- tives et de l’emploi. Le littoral concentre 58% de la population urbaine et 46% de la population totale. Selon nos estimations, en 2012, les activités économiques situées dans ces communes littorales assureraient 52 % de l’emploi et 59 % du produit inté- rieur brut national. Cependant, le littoral marocain connaît des pressions importantes, 156 Le domaine public maritime est défini par la loi 81-12 comme la zone côtière constituée, côté mer, par les eaux territoriales (définie par la loi n° 1-73-211 du 2 mars 1973), et, côté terre, par le rivage de la mer jusqu’à la limite des plus hautes marées, ainsi que par une zone de 6 mètres mesurée à partir de cette limite, des phares, fanaux, balises et généralement tous les ouvrages destinés à l’éclairage et au balisage des côtes et leurs dépendances (Dahir du 1er juillet 1914 sur le domaine public tel qu’il est complété par le dahir du 8 novembre 1919). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 101 Encadré 8.1. Impacts de l’urbanisation sur le littoral Les principaux risques affectant le littoral sont liés à l’urba- Un effort réel a été fourni pour aménager les plages, pour nisation. Cette urbanisation est à l’origine de rejets directs réduire la pollution des eaux et des sables et assurer un suivi de domestiques et industriels. Environ 70% des unités hôtelières leur qualité. Toutefois, la situation n’est pas satisfaisante par- et 90% des unités industrielles sont concentrées dans les com- tout au regard des données officielles. Dans les grandes villes munes jouxtant le littoral. (Nador, Tanger, Rabat, Casablanca, Agadir) et dans certaines petites villes (Saïdia, en particulier), des programmes ont été Des efforts importants sont en cours pour protéger le litto- engagés pour valoriser leur littoral (marinas, ensembles tou- ral. Des stations d’épuration des eaux usées ont été mises en ristiques, ensembles immobiliers). place dans plusieurs grandes villes du littoral (Rabat, Casa- blanca, Al Hoceima), alors que d’autres se sont contentées de Concernant le domaine public maritime (6 mètres après construire des émissaires déversant les eaux usées dans la mer la limite maximale atteinte par les vagues), de nombreuses après un traitement préliminaire (Tétouan, Tanger). Plusieurs infractions sont répertoriées (occupations illégales ; empiète- unités industrielles déversent leurs effluents liquides porteurs ment ; construction en dur de logement ou d’établissements de matières organiques et de matières chimiques polluantes au lieu des matériaux légers prévus par la réglementation). dans les cours d’eaux et dans la mer (par exemple, le phos- Un programme de délimitation du domaine public maritime phogypse versé dans l’Atlantique à Jorf Lasfar et à Safi). Des a été engagé. Une police du domaine publique maritime a déchets solides sont portés dans la mer avec les eaux usées. Le été créée. nettoyage des plages est épisodique, alors qu’il n’existe pas de programme de collecte systématique de la mer et du littoral des déchets solides déversés à partir du littoral ou des navires. principalement à cause de l’urbanisation, qui provoque conservation et de valorisation du littoral. Tout en tenant une dégradation des zones côtières et une pollution des compte des contraintes économiques et opérationnelles, sites (Encadré 8.1). elle pose le principe d’interdiction de porter atteinte à l’état naturel du rivage de la mer. Elle institue une zone non constructible, adjacente au littoral d’une largeur de 8.1.2. Le cadre institutionnel relatif au littoral 100 m, calculée à partir de la limite terrestre de ce lit- toral, ainsi qu’une zone de retrait des infrastructures de i) Loi n° 81-12 relative au littoral transport d’une largeur de 2 000 m. Elle interdit tout rejet Promulguée en juillet 2015 après une longue gestation, la causant une pollution du littoral et soumet à autorisation loi n° 81-12157 relative au littoral associe les principes de le déversement de rejets liquides qui ne dépassent pas les valeurs limites moyennant le paiement d’une redevance. Elle garantit le droit d’accès du public au rivage de la mer 157 La loi n°81-12 relative au littoral a été adoptée par le Parlement le 23 juin 2015. et le droit de passage tout au long de ce rivage. Elle répond à un des objectifs explicitement prescrit par la Loi-cadre portant Charte nationale de l’environnement et du développement durable. Cette loi donne une définition juridique du littoral qui intègre une partie maritime et une Elle préconise une approche de gestion intégrée de ce partie terrestre. Les objectifs de la loi relative au littoral sont les suivants : milieu sur la base de données scientifique qui prend en • La préservation des équilibres biologiques et écologiques, du patrimoine considération l’impact du changement climatique sur le naturel et culturel, des sites historiques et archéologiques, des paysages natu- rels et la lutte contre l’érosion du littoral ; littoral. Elle fixe, en conformité avec le Protocole de ges- • La prévention, la lutte et la réduction de la pollution et de la dégradation tion intégrée des zones côtières de la Méditerranée associé du littoral et la réhabilitation des zones et des sites pollués ou détériorés ; à la Convention de Barcelone, les principes de la gestion • La planification à travers notamment un plan national du littoral et des intégrée du littoral en tant que processus de gestion trans- schémas régionaux littoraux compatibles et en parfaite harmonie avec les documents d’aménagement du territoire ; versal impliquant la prise en compte simultanée de diffé- • L’implication des associations, du secteur privé et des collectivités territo- rents intérêts dans le littoral, dont en particulier la prise riales concernées dans la prise de décisions relatives à la gestion du littoral ; en compte systématique de l’environnement pour toutes • La garantie de la gratuité et du libre accès au rivage de la mer ; les décisions affectant ce territoire fragile. Elle instaure le • La promotion d’une politique de recherche et d’innovation en vue de valo- riser le littoral et ses ressources. principe d’un schéma national et de schémas régionaux 102 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc d’aménagement du littoral. Elle institue, à cette fin, une à établir par l’Institut national de la recherche halieutique commission nationale et des commissions régionales (INRH). Ainsi, il établit les règles d’attribution ou d’auto- ayant un caractère fédérateur et mobilisateur regroupant risation des rejets directs ou indirects d’eaux usées. Les l’ensemble des composantes nationales et régionales. rejets sont autorisés à condition que: »» les substances ou matières dangereuses ou nocives L’efficacité de la loi sur le littoral est tributaire des modali- contenues dans ces eaux ne dépassent pas un seuil tés de gestion des pressions exercées sur le littoral par l’ur- de nocivité ou de toxicité fixé par l’administration ; banisation, et notamment par les migrations internes de et que, l’intérieur vers les côtes et par la concentration des inves- »» les quantités rejetées ne dépassent pas un volume tissements sur les zones côtières. La célérité de conception déterminé par l’administration, et que des schémas régionaux et du plan national d’aménage- »» la qualité du milieu naturel prévu pour le déverse- ment du littoral constitue le seul moyen de limiter les abus ment ne soit pas altérée par de tels rejets. associés aux dérogations aux dispositions de la loi. Des études environnementales, visant à fixer la capacité de Le projet de loi établit aussi les règles de circulation des charge du littoral, sont nécessaires pour établir des normes navires transportant des hydrocarbures (distance vis-à-vis claires limitant les velléités d’aménagement incompatibles des côtes ; non-passage par les aires protégées). avec les exigences de la protection du littoral. iii) L’effort de régulation des pêcheries ii) Projet de loi relatif à la préservation des Les acteurs de la politique de la pêche sont  : le Dépar- écosystèmes halieutiques et à la protection tement des pêches maritimes sous la tutelle du Ministre du milieu marin contre la pollution de l’Agriculture et des pêches maritimes, l’Office natio- La loi sur le littoral ne couvre pas tous les domaines sus- nal des pêches (ONP), l’INRH et l’Agence nationale de ceptibles de générer des dégradations de son environne- développement de l’aquaculture159. Les efforts fournis et ment, en particulier celles venant de la mer ou allant vers le cadre mis en place semblent converger, sur le moyen la mer. Aussi, le gouvernement a formulé un projet de loi terme (cas de la pêche côtière) et sur le long terme (cas relatif à la préservation des écosystèmes halieu- de la pêche artisanale) vers une exploitation équilibrée et tiques et à la protection du milieu marin contre maîtrisée des écosystèmes halieutiques. la pollution158. Ce projet, toujours en cours d’adoption, s’applique «  à tout navire qui se trouve dans les eaux maritimes Pour assurer la pérennité de ses ressources halieutiques, (zone économique exclusive ; estuaire, étang ou lagune communiquant le Département de la pêche maritime a lancé en  2009 avec la mer), aux aéronefs les survolant et aux établissements ou sa Stratégie halieutique, mettant en œuvre le «  Plan installations ayant des activités à caractère industriel ou commercial situés sur le littoral ou susceptible d’entraîner une pollution des eaux maritimes. » 159 L’INRH est chargé d’entreprendre des études, des actions expérimentales et des travaux en mer ou sur les côtes ayant pour objectifs l’amélioration de la ges- Le projet de loi interdit le principe de polluer, « sauf en tion des ressources halieutiques et aquacoles ainsi que leur valorisation. L’Office National des Pêches assure la gestion des marchés de première vente des pro- cas de besoin de sauvegarde et de sécurité ou d’accord duits de la mer, l’ONP se trouve à un croisement inéluctable de rencontre de donné sous contrôle de l’administration ». Il renforce les tous les acteurs de la filière. Il est, de ce fait, l’outil d’intervention au sein de la mesures dérogatoires fixées et les fait dépendre de normes filière au service de la politique nationale de promotion et de développement de la pêche côtière et artisanale. L’Agence nationale de développement de l’aqua- culture participe à la mise en œuvre de la politique du gouvernement en matière 158 Voir http://www.sgg.gov.ma/portals/0/AvantProjet/63/Avp_loi_42-13_ d’aquaculture. Elle propose des plans d’action en application de la stratégie Fr.pdf. nationale des pêches et assure la promotion des produits de l’aquaculture. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 103 Halieutis »160. La Stratégie Halieutis a pour ambition de contrôle et de sensibilisations ont été orientées vers tous tripler le PIB du secteur à l’horizon. Elle vise la les segments de la pêche, halieutique, côtière et artisanale. modernisation de la flotte de pêche, des infrastructures Les professionnels du secteur notent des difficultés pour portuaires et des industries de transformation. La straté- recenser et suivre tous les opérateurs de la pêche artisa- gie s’articule autour de trois axes majeurs : la durabilité nale, ainsi que le contrôle de l’exploitation des algues et de la ressource, la performance et la compétitivité du sec- des mollusques162. Dans l’ensemble, les représentants de teur. Elle vise aussi à la création de trois pôles d’excellence la pêche côtière et halieutique, considèrent que le nou- (Agadir, Dakhla-Laayoune et Tanger) qui devraient attirer veau dispositif de planification, de contrôle et de surveil- des investissements de 10,5 milliards de dirhams. Le dis- lance de l’effort de pêche permettra de mettre un terme positif mis en place vise à établir l’équilibre entre l’effort à la surexploitation des ressources halieutiques. Toutefois, de pêche et l’état de la ressource, grâce à des aménage- la récupération des stocks perdus nécessitera plusieurs ments délimitant des zones et des périodes où il est permis années163. ou interdit de pêcher pour respecter les périodes de fécon- dation du poisson et de développement des juvéniles. 8.1.3. Diverses formes de dégradation Pour atteindre ces objectifs, des mesures ont été prises La densification de l’habitat dans les zones littorales, pour améliorer le cadre institutionnel, développer le sys- l’établissement sur le littoral d’activités touristiques et tème de contrôle et mettre en place une traçabilité tout portuaires, la concentration des activités de pêche et de au long de la chaîne de valeur. Un dispositif de suivi en transport maritime sur certaines zones sont à l’origine de temps réel des navires et d’enregistrement informatisé de pressions exercées sur les écosystèmes vivants et les pay- leurs débarquements a été mis en place161. Les mesures de sages. Ces pressions sont sujettes à des politiques qui visent à en limiter les effets. C’est, en effet, le dépassement des seuils tolérables, qu’il s’agisse de prélèvements d’espèces 160 Les idées clés du Plan Halieutis pour faire de la ressource halieutique, un patrimoine naturel durable sont de : vivantes ou de ressources minérales, d’empiètements sur a. soumettre toutes les pêcheries à vocation commerciale à un plan d’aména- les aires de la vie marine et de rejets domestiques et indus- gement sur la base de quotas ; triels de polluants, échappant aux dispositifs de traitement b. mettre en place un système de contrôle efficace en mer, et notamment des eaux usées et de collecte de déchets solides, qui induit assurer le débarquement dans des points contrôlés sur le territoire national de toutes les captures, sachant le risque de transbordement et de vente des une regrettable dégradation de l’environnement et des produits à des bateaux débarquant à l’étranger ; pertes économiques nettes. c. améliorer le contrôle à terre, tout le long de la chaîne de valeur, notam- ment en structurant et équipant les ports de pêche, notamment en sou- Selon des rapports récents de la Cour des comptes164 et mettant les enceintes portuaires à l’ONP, désigné comme l’opérateur du Conseil économique, sociale et de l’environnement165 global chargé du suivi des débarquements et de la commercialisation ; d. développer deux branches de l’aquaculture, la pisciculture et la (CESE), l’aménagement et l’occupation du littoral dans conchyliculture. les conditions actuelles non seulement ne permettent pas 161 Ces mesures viennent en application du nouveau cadre institutionnel, mar- qué par l’adoption de la loi INN. Celle-ci a été publiée au Bulletin officiel nº 6262 du 5 juin  2014. Elle établit les dispositions destinées à prévenir et lut- 162 Nos entretiens sur quelques sites de pêches artisanales, notamment à Salé et ter contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Elle actualise et Nador.. complète le règlement sur la pêche maritime établi en 1973. Désormais, celui- 163 Voir l’interview de Mohamed Benjelloun, Président de la Chambre de la ci couvre tous les acteurs de la pêche, commerciale ou de loisir, avec ou sans pêche maritime du Nord et Président d’honneur de la Confédération maro- navire. Il interdit la vente du produit de la pêche de loisir. Il fait obligation aux caine de la pêche côtière, in « Les Eco supplément », 18 février 2015. – Numéro bénéficiaires de licence de pêche aux fins de pratiquer une pêche commerciale, spécial à l’occasion du Salon Halieutis 2015, page 10, ‹http://www.leseco.ma/ de tenir des registres sur les pêches, de déclarer la date, la zone, le volume et la images/stories/1311/supplements-halieutis.pdf›. nature des espèces pêchées avant leur mise sur le marché. Il astreint la pêche de 164 Cour des comptes, Rapport annuel 2011, pages 59 à 79 in : ‹http://www loisir au respect de la réglementation en vigueur. Il définit des règles qui favo- .courdescomptes.ma/fr/›. risent un meilleur contrôle de la commercialisation des produits de la pêche. Il 165 Voir CESE, décembre  2014, Avis relatif à la saisine de la Chambre des responsabilise les armateurs et les capitaines de navire. Il précise les modalités conseillers sur le Projet de loi n°81.12 relative au littoral  : ‹http://www.cese assurant le respect de la réglementation des prescriptions sur la pêche INN. Il .ma/Documents/PDF/Saisines/S-13-2014-Projet-de-loi-sur-le-littoral/Avis-S- aggrave les pénalités et les amendes. 13-2014-VF.pdf›. 104 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc de le valoriser pleinement, mais exposent les écosystèmes Ainsi, des zones en bord de mer relevant du domaine à des pressions destructrices, telles que les prélèvements de public maritime sont « de plus en plus occupées par des ressources vivantes et minérales (principalement le sable résidences secondaires ou principales, par des villas et par des plages), le déversement d’eaux usées et d’effluents des résidences de luxe. Dans certains cas, elles deviennent, industriels et l’occupation anarchique du domaine public de fait, des sites à accès réservé ». maritime. Malgré des résultats importants dus à l’action des pouvoirs publics et l’adoption de politiques protégeant Les zones d’estivage, au titre desquelles des Autorisations l’environnement, notamment en matière de planification temporaires d’occupation du domaine public maritime du littoral, de régulation des activités de pêche, de gestion avaient été attribuées sont détournées de leur vocation et du domaine public maritime, et de traitements et contrôle sont transformées en zones de promotion immobilière. des déversements d’effluents liquides et de déchets solides dans les cours d’eau et dans la mer, certains facteurs de ii) Assainissement liquide du littoral : dégradation du littoral se maintiennent. Le potentiel de valorisation du littoral est aussi dégradé par les formes des défaillances, malgré de grands efforts d’occupation actuelles. Ces occupations, la plupart du Des efforts importants sont en cours pour protéger le lit- temps des résidences secondaires construites en dur et plus toral. Des stations d’épuration167 des eaux usées (STEP) rarement des activités commerciales, ont été installées en ont été mises en place dans plusieurs des grandes villes dehors de schémas d’aménagement et d’urbanisme. du littoral (Rabat, Casablanca, Al Hoceima), alors que d’autres agglomérations se sont contentées de construire des émissaires déversant les eaux usées dans la mer après i) La situation du domaine public maritime un traitement préliminaire (Tétouan, Tanger). Concernant le domaine public maritime (6 mètres après la limite maximale atteinte par les vagues), de nom- Six d’unités de prétraitement des eaux usées avec émis- breuses infractions sont répertoriées (occupations illé- saire marin ont été achevées. Le volume des eaux traitées gales  ; empiétement  ; construction en dur de logements dans les unités de prétraitement avec émissaire marin est ou d’établissements au lieu des matériaux légers prévus de 321,2 millions de m3/an, soit 42,8 % du volume total par la réglementation). Un programme de délimitation des eaux déversées dans la mer. du domaine public maritime a été engagé. Une police du domaine public maritime a été créée. Cependant, plusieurs unités industrielles déversent tou- jours leurs effluents liquides porteurs de matières orga- Dans son rapport de 2011, la Cour des comptes166 observe niques et de matières chimiques polluantes dans les cours que les dispositions juridiques régissant les modalités d’occupation et les conditions d’exploitation du domaine 167 À titre explicatif : Prétraitement indique la présence d’un dégrilleur (enlèvement public maritime « ne sont pas systématiquement respec- des déchets solides) ; déshuileur et dessableur (enlèvement des matières grasses et des particules solides par décantation). Les émissaires de Tétouan et de Tanger ne font que du prétraitement. tées. Ces comportements se traduisent par  une surexploi- Il demeure une charge en pollution biologique et chimique, après une réduction de 40 à 50 % tation, voire une dégradation de ce domaine ». de la DCO et de la DBO. Traitement primaire se réfère à l’enlèvement des matières organiques, par plusieurs procédés, avec utilisation principalement du Ainsi, très peu de permissionnaires respectent  la nature lagunage (lagunage anaérobie). Traitement secondaire  : le lagunage pour le des matériaux utilisés dans la construction qui doivent être traitement secondaire est effectué dans des bassins appelés facultatifs, moins profonds que les bassins utilisés pour le traitement primaire. Il réduit la charge organique DBO et réduit la den- légers. « Plusieurs cabanons d’estivage autorisés à occuper sité des germes pathogènes. Le même résultat peut être atteint par des stations à boues activées. le domaine public maritime sont transformés en villas de Traitement tertiaire  : le lagunage pour le traitement tertiaire est effectué luxe et lieux de commerce se vendant parfois à des prix par lagunage ou par boues activées. Par lagunage, il opère au moyen d’une élevés. Ceci a eu des conséquences négatives sur le litto- troisième catégorie de bassins, dits bassins de maturation et caractérisés par leur faible profondeur. Ce traitement a pour but de détruire les germes pathogènes, ral, notamment la dénaturation du paysage des plages. principalement par leur exposition à la lumière pendant un temps de séjour suf- fisant (moins de 48 heures pour les stations à boues activées et de 21 à 24 jours 166 Rapport annuel 2011, pages 59 à 79 in : ‹http://www.courdescomptes.ma/ pour les stations par lagunage). Un traitement phytobiologique est envisageable fr/›. dans les stations de petits volumes. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 105 Tableau 8.1. Situation de réalisation du Plan national d’assainissement liquide Taux de Nombre de villes/ Volume des eaux Traitement raccordement168 (%) centres avec STEP usées traitées169 (%) tertiaire170 (%) Objectifs en 2014  73 100 40 – Objectifs en 2030 100 330 100 100 Avancement en  73  97 38,9 23,5 décembre 2014 (90 STEP : 7 876 112 hab.) (291 624 415 m3/an) (37 STEP) Source : MdE, 2014 DSPR/DGEMN « Programme national d’assainissement liquide : Tableau de bord », - décembre 2014. Tableau 8.2. Émissaires en mer : Projets achevés et programmés Centre Débit STEP m3/jours Procédé de traitement Projets achevés Tanger 82 000 Prétraitement + émissaire en mer Tétouan 43 400 Prétraitement + émissaire en mer Casablanca (Al Hank) 500 000 Prétraitement + émissaire en mer Rabat 110 000 Prétraitement + émissaire en mer El Jadida (Régie) 95 040 Prétraitement + émissaire en mer Agadir (Régie) 49 680 Emissaire en mer Anza 2,5 Km Total 880 120 m3/j soit près de 321,2 millions de m3/an Projets programmés Salé - Prétraitement + émissaire en mer Casablanca (nord) - Prétraitement + émissaire en mer Larache (Régie) 34 560 Prétraitement + émissaire en mer d’eaux et dans la mer (par exemple, le phosphogypse versé 26  %. Un important effort est fourni pour améliorer la dans l’Atlantique à Jorf Lasfar et à Safi).168 169 170 collecte et le traitement des déchets par le Département de l’environnement et le Département de l’intérieur en collaboration avec les collectivités territoriales. Ces efforts iii) Assainissement solide contribuent à la réduction des déversements de déchets En 2012, le volume des déchets solides atteignait 8,3 mil- solides dans la mer et sur le littoral. Une grande partie lions de tonnes, dont 6,7 millions provenant des ménages des déchets marins provient des navires, des promeneurs et 1,6 millions de l’industrie. Le taux de collecte pro- et des vacanciers sur les plages. Les programmes mis en fessionnalisée des déchets concernait à cette date 78  % place, notamment le programme « Plages propres » et la des ménages urbains et la mise en décharge contrôlée stratégie de gestion des plages déployée par le Ministère de l’Équipement contribuent à la réduction des déchets solides déversés dans la mer et sur le littoral. Malgré ces 168 Taux de raccordement: effectif de ménages raccordés au réseau d'adduction des eaux usées/nb total de ménages en milieu urbain. efforts, la persistance de déchets solides flottants ou à 169 Volume des eaux usées traitées : quantité traitée sur la quantité totale même les plages et falaises dégrade la qualité des paysages consommée théorique (735 Mm3/an). et l’attractivité des zones balnéaires et des zones de pro- 170 Traitement tertiaire : pourcentage en nombre de STEP ou en volume. menades sur le littoral pour une partie des touristes. 106 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc iv) La pression sur les ressources halieutiques de sardines en Méditerranée, en 2013, est le seul qui présente Pour caractériser l’état des stocks, l’étude se réfère au der- un stock courant très inférieur au stock optimal. En outre les nier rapport de l’INRH, publié en  2015, relatif à l’état prises courantes dépassent de 89 % les prises optimales. des stocks et des pêcheries au Maroc en 2013. La pression anthropique n’est pas le seul facteur déterminant l’état des Le stock d’espadon. Quant à l’espadon, les résultats de l’évalua- stocks halieutiques. Outre des pressions exercées sur les tion de son stock dans la Méditerranée indiquent toujours organismes marins telles que la pollution des nutriments une situation de surexploitation. En effet, le niveau de la bio- et la surpêche, il convient de considérer plusieurs phéno- masse du stock producteur en 2013 représentait seulement mènes naturels171, dont en particulier les facteurs hydro- 27 % du niveau optimum et le taux de mortalité par pêche climatiques, déterminant la productivité des écosystèmes actuelle est presque deux fois supérieur au niveau optimum. marins172. Le stock de poulpe (céphalopode). Les céphalopodes repré- Le secteur de la pêche concerne plusieurs types de pêche- sentent certainement un des stocks en péril ayant le plus ries. Nous n’avons retenu que les pêcheries caractérisées d’implications financières. Les résultats de l’évaluation par la surpêche, telles que les pêcheries de sardines indiquent que le stock de poulpe est toujours en état de en Méditerranée, la pêche de l’espadon, la pêche aux surexploitation bien qu’une amélioration des niveaux des céphalopodes et la pêche de poisson blanc, en particu- captures et des indices de biomasse se soit produite au lier du merlu. La situation des stocks des élasmobranches cours de ces trois dernières années. En effet, la biomasse (raies et requins) n’est pas très préoccupante, ainsi que actuelle représente uniquement 52 % du niveau de la bio- celle des algues et de certains coquillages. Le coût de la masse cible B0.1 (indicateur cible fixant un seuil de pré- surpêche de ces espèces n’a pu être appréhendé faute de caution pour le maintien de la capacité de reproduction). disponibilité de données suffisantes. En définitive, le choix des espèces retenues pour l’estimation du coût global de Le stock de merlu blanc. Les résultats des évaluations, basés la surpêche traduit, à la fois, la disponibilité des données sur la série des captures totales du stock de 1995 à 2012 et leur importance économique. La majorité des données et les indices d’abondance des campagnes scientifiques, est issue des travaux et rapports de l’INRH. indiquent que le stock de merlu blanc (Merluccius mer- luccius) est légèrement surexploité en termes de mortalité Les indicateurs utilisés pour caractériser l’état d’un stock par pêche, avec des captures qui dépassent la production sont principalement le rapport du stock courant au stock naturelle du stock. La mortalité par pêche actuelle est légè- optimal et le rapport des prises courantes aux prises rement supérieure à la mortalité par pêche qui correspon- optimales. drait à la biomasse durable. En effet, le taux de capture courant, en 2013, dépasse de 10 % le taux de capture sou- Le stock de sardine. Tous les stocks de petits pélagiques sont de tenable. Toutefois, le volume du stock courant est seule- modérément à pleinement exploités, à l’exception du stock de ment de 50 % du stock biologiquement soutenable. sardine en Méditerranée qui est surexploité. En effet, le stock 8.2. Estimation du coût 171 Les travaux de recherche de l’INRH mettent en relief l’importance de de la surpêche l’upwelling (phénomène de remontée des eaux froides), le processus de repro- duction des espèces et la dynamique des stocks halieutiques. Voir les publica- tions de l’INRH sur ‹www.inrh.ma› et en particulier, le Rapport sur les stocks 8.2.1. Méthodologie utilisée halieutiques, 2013. Page 3. Surpêche. On considère qu’il y a surpêche lorsque la 172 Selon le cinquième rapport du GIEC, la concentration atmosphérique du capacité de reproduction du stock est réduite par une CO2 accroît la température et l’acidité de l’océan. Elle affecte la croissance, la reproduction et la survie des écosystèmes : changements dans la phénologie des capture excessive. À court terme, la surpêche génère un espèces ; modification de l’abondance, de la diversité et de la productivité de la revenu plus élevé que la pêche durable, mais induit une faune et de la flore marines ; modification des équilibres dans la compétition des diminution de la productivité future du stock et par consé- espèces. Voir, pour plus de détails, Pörtner et al., 2014 « Ocean systems », in : quent de revenu. ‹https://ipcc-wg2.gov/AR5/report/final-drafts/›. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 107 Mesurer la surpêche. Le coût de la surpêche est Avec : mesuré par la différence entre la valeur nette des prises »» V (tonne) : Volume de captures en surpêche courantes et la valeur nette du rendement optimal et »» R (dirhams) : Revenu brut durable. Le rendement optimal est la prise exercée sur un »» Bmsy et Fmsy : Stock optimal et prélèvement opti- stock optimal qui renvoie à la capacité biotique du milieu. mal (tonne) Son volume peut être estimé par l’analyse du comporte- »» Bcur et Fcur : Stock courant et prélèvement cou- ment de la ressource et de ses interactions avec l’ensemble rant (tonne) des composantes de son environnement. »» Pm : Prix moyen (dirhams/tonne) »» T : taux de valeur ajoutée Pour calculer le coût de surpêche, l’étude se base sur les estimations de l’INRH du taux de capture (Fmsy) optimal, 8.2.2. Résultats des calculs c’est-à-dire du taux qui permettrait de ne pas réduire la Les résultats de l’estimation des pertes de valeur ajoutée capacité de reproduction du stock optimal (Bmsy). dues à la surpêche pour les espèces sujettes à la surpêche et pour l’ensemble du secteur, pour l’année 2014 sont pré- V (tonne) = Prises (tonnes) * [(1-Fmsy/Fcur) / (Bcur/Bmsy)] sentés ci-dessous. R (dirhams) = Pm (dirhams/tonne)*V (tonne) VA (dirhams) = R (dirhams)*T (%) Tableau 8.3.  Estimation du coût de la surpêche en 2014 Sardine Espadon Céphalop. Merlu Total Prises en tonnes 20 010 1 439 33 516 72 019 Valeur moyenne DH/kg 9,25 38,16 46,37 17,81 FMSY/Fcur (taux de capture soutenable) 0,65 0,50 0,55 0,91 Bcur/BMSY (Rapport du stock courant au stock optimal) 39 % 27 % 52 % 50 % Volume poissons perdu (Tonnes) 17 958 2 665 29 040 13 094 Valeur annuelle perdue (millions de DH) 166 102 1 347 233 1 848 Taux de valeur ajoutée 69 % 51 % 75 % 81 % Valeur ajoutée perdue en 2014 (millions de DH) 115 52 1 009 188 1 365 NB : Le détail des sources pour chacune des grandeurs non surlignées est donné dans le fichier Excel. Ainsi, en 2014, le coût de la surpêche s’établit à 1 365 mil- lions de dirhams. Les pertes annuelles en  2014 sur 8.3. Estimation du le stock de céphalopodes et sur le stock de poisson blanc consentement représentent, respectivement, 74  % (1  009 millions de à payer pour une dirhams) et 14  % (188  millions de dirhams) des pertes meilleure qualité totales. Il faudrait noter qu’il existe une pression de la pêche sur d’autres espèces dont le coût de la dégradation des plages n’a pas fait l’objet de mesure. Il s’agit de la situation des Cette section présente la méthodologie, les étapes d’esti- thonidés, des crustacés et du corail. mation et les résultats relatifs au coût de la dégradation des plages en termes de revenu du secteur touristique. L’approche consiste à estimer le consentement à payer 108 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc des touristes pour une plage de « meilleure qualité » ; ceci Étape 4 : Calcul de la perte de revenu liée à la dégrada- équivaut au manque à gagner dû à une plage de moindre tion de l’environnement balnéaire. qualité. L’étude distingue trois catégories de touristes  : les touristes étrangers, les touristes marocains résidents à Les données utilisées pour établir la dépense et la valeur l’étranger (MRE) et les touristes résidents au Maroc. ajoutée moyenne par touriste sur le littoral sont basées sur: »» Le compte satellite du tourisme pour l’année 2014 La méthodologie utilisée s’appuie sur le fait qu’il est publié par le Haut-commissariat au Plan (HCP) possible d’identifier les zones balnéaires dont l’environ- et établi en collaboration avec le Département nement est de moindre qualité. En effet, depuis, 2004, la du tourisme, utilisé pour l’estimation du taux de Fondation Mohamed VI pour l’environnement attribue le valeur ajoutée et du taux d’imposition inclus dans label «  Pavillon Bleu  » aux zones balnéaires dont l’amé- les dépenses du secteur touristique; nagement et la gestion de la plage sont conformes aux »» Le tableau de bord de l’Observatoire national du critères établis pour l’attribution du Pavillon Bleu. Ces cri- tourisme. Les données de l’observatoire donnent tères sont regroupés en 4 familles : (1) information et édu- l’effectif des touristes étrangers et des marocains rési- cation à l’environnement, (2) qualité des eaux de baignade, dents à l'étranger (MRE) pour l’année  2014. Elles (3) gestion environnementale et (4) sécurité et services. permettent d’estimer l’effectif des touristes résidents moyennant une hypothèse de similitude du compor- L’étude considère que la différence de prix (par nuitée) tement de dépenses entre ces derniers et les MRE. entre des catégories d’établissements d’hébergements »» L’étude sur la demande touristique effectuée donnant des prestations équivalentes situés dans des zones en  2014. Les données qui y figurent permettent dotées du label Pavillon bleu et des zones non dotées du d’identifier la part du balnéaire dans le tourisme. label Pavillon bleu est le marqueur de la qualité du litto- Les observations de cette étude ne concernent que ral. Aussi, selon la méthode hédonique, l’étude a retenu les touristes non-résidents, de nationalité étrangère l’écart de prix moyen entre hôtels de mêmes catégories ou MRE. situés dans des zones avec ou sans Pavillon bleu comme »» L’enquête sur le tourisme interne pour l’année étant l’indicateur du consentement à payer des consom- 2014, publiée en 2016 par l’Observatoire Maro- mateurs pour disposer d’un environnement littoral sain173. cain du Tourisme, ne concerne que les touristes L’étude estime de manière économétrique le paramètre résidents. Elle fournit une estimation du nombre indiquant la marge de valeur additionnelle des prestations de séjours, du taux de départ en séjour touristique touristiques offertes dans les zones balnéaires ayant reçu pour les résidents, une estimation de la dépense le label Pavillon bleu. touristique totale et par catégorie, ainsi que le taux de touristes résidents pratiquant le tourisme L’estimation de la dégradation de l’environnement bal- balnéaire. néaire a été effectuée selon quatre étapes : »» La labellisation des plages sous l’étiquette Pavillon bleu effectuée par la Fondation Mohamed VI pour Étape 1  : Estimation du revenu total généré par le l’environnement, en 2014. tourisme ; »» Un ensemble de sites web pour la réservation des hôtels. Les données recueillies concernent le prix Étape 2  : Estimation de la part du balnéaire dans le des nuitées pour une réservation du 11 au 18 juil- revenu total touristique ; let 2014 d’une chambre double dans des hôtels à proximité de plages, classées selon la présence ou Étape 3 : Estimation du consentement à payer pour un non en 2014 du label Pavillon bleu. environnement balnéaire de qualité ; En cas de différence dans les chiffres provenant de diffé- 173 Il a été procédé au croisement des données sur la qualité des eaux des plages rentes sources, nous avons opté pour les données les plus et l’attribution du label Pavillon bleu. Un tableau est fourni en Annexe 8.2. récentes provenant d’enquête de terrain. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 109 Étape 1 : Estimation du revenu total généré par du tourisme serait de 101,9 milliards de dirhams, dont le tourisme. Le secteur du tourisme n’est pas considéré 71,1 milliards liés au tourisme des étrangers et des MRE par les comptables nationaux comme un secteur d’acti- (Observatoire du tourisme 2014a, page 9) et 30,8 milliards vité, mais plutôt comme un secteur de dépense. Sa valeur de dirhams pour les touristes résidents (Observatoire du ajoutée est établie sur la base des dépenses effectuées par tourisme 2014b, page 35)175. Le Tableau 8.4 illustre ces les touristes étrangers, les MRE et les touristes résidents. informations. L’étude portant sur le suivi de la demande touristique en 2014 estime le nombre de touristes étrangers à près de restrictive. Il s’agit des séjours d’une nuit au moins, s’ils sont effectués en hébergement mar- 5,4 millions de personnes et celui des MRE à près de 4,8 chand, et d’au moins deux nuits quand ils sont passés chez la famille ou amis à condition que les séjours ne soient pas réguliers ». Par ailleurs, signalons que l’enquête sur le tou- millions (Observatoire du tourisme 2014a, page 9). Ces risme interne a veillé à réduire les erreurs de sondage (voir page 9). L’enquête données sont basées sur le nombre d’arrivées au Maroc. de cadrage qui détermine le taux de de déplacements touristiques porte sur En ce qui concerne le tourisme des résidents, l’enquête 12000 personnes. Une deuxième enquête centrée sur les dépenses porte sur sur le tourisme interne pour l’année 2014 indique un 7000 personnes interrogées dans les sites touristiques. Une troisième enquête, consacrée à l’hébergement marchand, touche 5600 personnes. Une dernière nombre de 23,6 millions séjours au Maroc (Observa- enquête sur 477 personnes vise à consolider la distinction entre déplacements à toire du tourisme, 2014b, page 22)174. La dépense globale but touristique et déplacements à motifs professionnels et autres. 175 Il faudrait noter que selon les données du Compte Satellite du Tourisme élaboré par le HCP en collaboration avec le Ministère du tourisme, les dépenses 174 Concernant le nombre moyen de séjours ou de déplacements touristiques, totales sont de 107,6 milliards de dirhams, dont 75 milliards de dirhams prove- il convient de noter que la définition en est complexe  et charrie forcément nant des touristes étrangers et des MRE et 32,6 milliards de dirhams provenant des erreurs d’observation : «  Les déplacements touristiques observés ont une définition des touristes résidents au Maroc. Tableau 8.4.  Dépenses du tourisme au Maroc en 2014 Dépense totale Estimation moyenne des (millions DH) (a) dépenses (DH) (b) Touristes étrangers et MRE 71 078 6 920 / touriste Touristes résidents au Maroc 30 783 1 300/ séjour* Total 101 861 Sources: (a) Observatoire du tourisme 2014a and 2014b pour la dépense totale. (b) La dépense moyenne a été calculé sur la base de la dépense totale et le nombre des touristes (71,1 milliards dirhams/10,3 millions) pour les touristes étrangers et MRE ; et sur la base de la dépense totale et le nombre de séjours (30,8 milliards dirhams/23,6 millions) pour les touristes résidents. Note: * Ce calcul est realisé sur la base de la dépense totale des touristes résidents, sauf les dépenses liées aux résidences secondaires (7,9 millions dirhams) (Observatoire du tourisme 2014b, page 35). Si ces depenses additionnelles étaient prises en compte, les depenses moyennes des touristes résidents seraient 1640 dirhams/séjour (38,7 milliards dirhams/23,6 millions). 110 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Selon le compte satellite du tourisme, le taux de la valeur Étape 2 : Estimation de la part du balnéaire dans ajoutée serait de 46 % du montant total des dépenses le revenu total touristique. Pour estimer la part du du tourisme. En considérant la dépense totale liée au balnéaire, l’étude se base sur les données de l’étude de tourisme de 101,9 milliards, la valeur ajoutée du secteur suivi de la demande touristique en 2014. Le tableau 8.6 touristique pour l’année 2014 serait de 47 milliards de indique que la part du balnéaire représente 11  % des dirhams. Le PIB du secteur touristique, qui comprend motifs du tourisme pour les étrangers et 9  % pour les la valeur ajoutée du tourisme et les impôts nets de sub- MRE. Ne disposant d’aucune donnée publiée relative ventions sur les produits, serait donc de 59 milliards de aux effectifs de touristes résidents, il a été considéré que dirhams (Tableau 8.5). le comportement des touristes résidents serait similaire à celui des MRE (soit 9 % motivés par le balnéaire). Tableau 8.5. PIB du secteur touristique en 2014 Le tableau ci-dessous présent l’estimation des dépenses Millions et du revenu du tourisme balnéaire qui s’élève en 2014 a Rubriques de DH près de 11,7 milliards de dirhams. Le tableau com- porte une hypothèse  d’homogénéité du taux de valeur Valeur ajoutée du tourisme 46 856 ajoutée et du taux d’imposition par dirham dépensé entre Impôts nets de subventions sur les produits 12 022 les différentes catégories de touristes, telle qu’estimé par le PIB du tourisme 58 877 HCP dans le compte satellite du tourisme. Note : Estimation des auteurs d’après le compte satellite du tourisme de 2014 (HCP) et les publications de l’Observatoire marocain du tourisme. Tableau 8.6. Activités pratiquées selon le type de touriste en 2014 Touristes En % d’arrivées étrangers En % d’arrivées MRE Visite de monuments, musées 40 % Visite à des amis/famille, mariage 82 % Promenade en ville/plage 19 % Calme, repos, farniente 20 % Calme, repos, farniente 17 % Promenade en ville/plage 16 % Randonnées 16 % Plage 9 % Visites à famille/amis, mariage 15 % Visite de monuments, musées 7 % Manifestations culturelles et artistiques 12 % Gastronomie 4 % Plage 11 % Manifestations culturelles et artistiques 3 % Gastronomie 10 % Randonnées 2 % Activités professionnelles 9 % Activités professionnelles 2 % Source : Observatoire du tourisme Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 111 Tableau 8.7. Dépenses et revenus du tourisme balnéaire en 2014 Logés Logés Logés dans Logés chez dans des chez des hôtels l’habitant hôtels l’habitant     Etrangers MRE Etrangers MRE Résidents Résidents Total A. Nombre d’arrivées (en milliers) 4765 81 660 4765     10 271 B. Nombre de séjours (en milliers) 8993 460 943 7953 9 037 14 552 41 938 C. Nombre de nuitées (en milliers) 35470 1916 7507 87566 50 300 148 436 331 195 D. Dépenses touristiques (millions Dh) 39641 1186 4219 26031 15 061 15 722 101 860 E. Dépense moyenne par nuitée (Dh/nuitée) 1118 619 562 297 299 106 308 F. Part du tourisme balnéaire (%) 11% 9% 11% 9% 42% 42% 20% G. Dépenses du tourisme balnéaire (millions Dh) 4361 107 464 2343 6326 6 603 20 203 H. Taux de valeur ajoutée (%) 46% 46% 46% 46% 46% 46% 46% I. Valeur ajoutée correspondante (millions Dh) 2006 49 213 1078 2910 3 037 9 293 J. Impôts 515 13 55 276 747 779 2 384 K. PIB - tourisme balnéaire (millions Dh) 2 520 62 268 1 354 3 656 3 817 11 678 Notes : • Les données des lignes A à G sont basées sur l’étude de suivi de la demande touristique 2014 et l’enquête sur le tourisme interne 2014, publiées par l’Observatoire marocain du tourisme, publiées respectivement en hiver et en été 2016. • Les données de la ligne D, concernant les touristes étrangers et MRE, sont extraites de Observatoire marocain du tourisme « Etude sur le suivi de la demande touristique » page 46. • Les données concernant les touristes résidents des lignes B à D sont extraites de la page 35 de l’Enquête sur le tourisme interne pour l’année 2014. • Les données de la ligne F sont extraites des publications de l’Observatoire Marocain du Tourisme, pour les touristes étrangers et les MRE de l’étude de suivi la demande 2014, page 36 ; et, pour les touristes résidents, de l’enquête sur le tourisme interne pour l’année 2014 page 28 et suivantes. • Les données de la ligne G résultent du produit de la ligne D (dépenses touristiques totales) par celle de la ligne F. • La ligne H fournit le taux de valeur ajoutée des dépenses touristiques selon le Compte satellite du tourisme. Nous avons retenu l’hypothèse qu’il est homogène pour les différentes catégories de touristes. • Les lignes I, J et K présentent respectivement les montants de valeur ajoutée, d’impôts et de PIB associés au tourisme balnéaire. La valeur ajoutée (ligne I) est don- née par le produit de la dépense (ligne G) et du taux de valeur ajoutée du tourisme balnéaire (ligne H). Le PIB égale la somme de la valeur ajoutée et des impôts correspondants. Étape 3  : Estimation du consentement à payer i) Spécification de la fonction prix de la nuitée pour un environnement balnéaire de qualité d’hôtel proche d’une plage Le consentement à payer pour la qualité des plages est Nous avons estimé une fonction du prix de la nuitée de mesuré à partir d’une fonction du prix des nuitées d’hôtel. l’hôtel où la proximité d’une plage (moins de deux kilo- Ce consentement à payer varie, évidemment, en fonction mètres) labellisée Pavillon bleu en 2014 intervient comme du revenu des personnes. Les personnes qui acceptent un facteur expliquant la formation des prix. de payer des hôtels dans des zones proches de plages, consentent à payer un prix moyen plus élevé lorsque la plage dispose du label Pavillon bleu. 112 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc L’équation représentant la fonction est de la forme : Tableau 8.8. Sélection des plages : Classement des localités selon les notations Log (prix_nuitée) = a. Nb_étoiles + b. Med attribuées aux plages proches + c. Pav_bleu + constante. Pavillon bleu en 2014 La variable expliquée est le prix de la nuitée (prix nui- Localités Oui Non tée) durant la période du 11 au 18 juillet 2014, pour une Bouznika X chambre double. Les variables explicatives sont : Mirleft, Imintourga X »» Le nombre d’étoiles (Nb_étoiles) ; Oualidia X »» L’appartenance ou non à la façade méditerra- néenne (Med : variable binaire : 0 ou 1) Safi X »» Le fait d’avoir été classé «  Pavillon bleu  » (Pav_ Saidia X bleu : variable binaire : 0 ou 1). Asilah X Essaouira X Larache X ii) Collecte des informations Mdiq X La collecte des données a été effectuée sur Internet. Dans un premier temps, nous avons choisi un échantillon de Plage Agadir X plages dotées et non dotées du label Pavillon bleu. Plage Ain Diab X Plage Mannesman X Plage Tanger X Dans un second temps, l’étude a sélectionné un échantillon étoiles, 10 des hôtels trois étoiles et 9 des hôtels cinq étoiles, d’hôtels situés à moins de deux kilomètres de ces plages. Le tous situés à moins deux kilomètres des plages ciblées. détail des données est fourni dans l’Annexe 8.1. Seuls les L’échantillon des hôtels analysé comprend 15 hôtels sur la hôtels classés et les établissements assimilés ont été retenus. façade méditerranéenne et 31 sur la façade atlantique. Sur Les données aberrantes, comportant des erreurs d’obser- l’échantillon d’hôtels, 35 sont situés à proximité de plages vations évidentes, ont été éliminées. Un nombre de 46 ayant reçu le Pavillon bleu et 11 hôtels sont situés à proxi- observations a été retenu, dont 16 sont des hôtels quatre mité de plages n’ayant pas reçu le Pavillon bleu. Tableau 8.9. Échantillon d’hôtels à proximité de plages avec le label Pavillon bleu Pavillon bleu Non Oui Nombre Façade Façade Façade Façade d’étoiles Atlantique Méditerranée Total Atlantique Méditerranée Total Une étoile  1  2  3 Deux étoiles 1  1  6  1  7 Trois étoiles 2  2  5  3  8 Quatre étoiles 4 1  5  8  3 11 Cinq étoiles 1 2  3  5  1  6 Total 6 5 11 25 10 35 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 113 Le prix moyen des nuitées, en 2014, est de 1 054 dirhams. atlantique. Les prix des hôtels sont logiquement croissants Le prix moyen de la nuitée dans la zone méditerranéenne avec le nombre d’étoiles, variant de 406  dirhams/nuitée est de 1  246 dirhams contre 962 dirhams dans la zone (hôtel une étoile) à 1 692 dirhams/nuitée (hôtel cinq étoiles). Tableau 8.10. Prix moyen de la nuitée dans les hôtels à proximité de plages ayant reçu ou non le label Pavillon bleu en 2014 Pavillon bleu Non Oui Nombre Façade Façade Façade Façade d’étoiles Atlantique Méditerranée Atlantique Méditerranée Une étoile 294 463 Deux étoiles 704 660 783 Trois étoiles 952 643 1 021 Quatre étoiles 953 1 288 1 078 1 566 Cinq étoiles 1 276 1 872 1 584 2 285  Les détails de ce tableau se trouvent en Annexe 8.1 ii) Estimation de la fonction de prix et de la »» La proximité à moins de deux kilomètres d’une composante qualité des plages plage labellisée  Pavillon bleu entraîne un diffé- »» L’équation estimée est d’excellente qualité. La part rentiel moyen de prix de 10 %. de la variance de l’estimation non expliquée est Étape 4  : Calcul du manque à gagner lié à la inférieure à 10 %. dégradation de l’environnement balnéaire. »» Le prix de l’hôtel est expliqué principalement par Considérant que le différentiel de consentement à payer les prestations offertes justifiant sa classification par sur le prix de l’hôtel de 10 % est applicable à l’ensemble le nombre d’étoiles. des dépenses touristiques, le « manque à gagner » dû à la »» La localisation d’un hôtel en zone méditerra- qualité des plages est estimé à 1 171 millions de dirhams. néenne crée un différentiel de prix supplémen- taire de 38 % par rapport aux prix des hôtels de la façade atlantique. Tableau 8.11. Estimation du coût de la dégradation de l’environnement du littoral en termes de revenus du tourisme (millions DH) Logés Logés dans des Logés chez dans des Logés chez hôtels l’habitant hôtels l’habitant Étrangers MRE Étrangers MRE Résidents Résidents Total CDE du littoral en revenu du tourisme 251 6 27 136 366 388 1 171 114 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 8.4. Conclusion Références Pour estimer le coût de la dégradation de l’environnement Agence du Partenariat pour le Progrès, 2011. Analyse des du littoral, l’étude a procédé à l’estimation des pertes chaînes de valeur de la filière pêche artisanale au Maroc. Août annuelles subies par les stocks de poissons du fait de la 2011, phase 2, 203 pages. MCA Maroc, Office natio- surpêche, et des pertes de revenu du tourisme induites par nal des pêches. la dégradation de la qualité des plages (Tableau 8.12). Banque mondiale, 2009. The Sunken Billions: the economic Justification for Fisheries Reform. Tableau 8.12. Récapitulatif du coût Conseil économique social et de l’environnement, 2014. Millions DH % PIB Avis relatif à la saisine de la Chambre des Conseillers sur le Projet de loi n°81.12 relative au littoral. Disponible sur  : Coût de la surpêche 1 365 0,15% ‹www.cese.ma›. Consentement à payer pour Fondation Mohamed IV pour la protection de l’environ- une meilleure qualité des nement. Rapport Plages propres 2014. Disponible sur  : plages 1 171 0,13% ‹www.fm6e.org/›. Total 2 536 0,27% Fondation Mohamed IV pour la protection de l’environ- nement. Rapport Plages propres 2015. Pour la mesure du coût de la surpêche, l’étude HCP, 2013 Haut-commissariat au Plan. Annuaire Statistique s’est basée sur l’analyse de l’état des stocks halieutiques du Maroc 2013. en  2014, effectuée par l’Institut national de recherche HCP, 2015 Haut-commissariat au Plan. Comptes régionaux - halieutique (Casablanca), publiée en 2015, et sur les statis- Produit intérieur brut et dépenses de consommation finale des tiques disponibles relatives aux prises de poissons en 2014. ménages 2013. Disponible sur : ‹www.hcp.ma›. Le coût de la surpêche est mesuré par la différence entre HCP, 2015 Haut-commissariat au Plan. Comptes satellite du la valeur nette des prises courantes et la valeur nette du tourisme 2014. Disponible sur : ‹www.hcp.ma›. rendement optimal et durable. Le rendement optimal INRH, 2013 Institut national de la recherche halieu- est la prise exercée sur un stock optimal qui renvoie à la tique. État des stocks halieutiques 2013. capacité biotique du milieu. Ainsi, aux prix de  2014, le INRH, 2014 Institut national de la recherche halieutique. coût de la surpêche s’établit à 1 365 millions de dirhams. État des stocks halieutiques 2014. Les pertes annuelles en 2014 sur le stock de céphalopodes INRH 2015 Institut national de la recherche halieutique. représentent 74 % des pertes totales. Bulletin halieutique, février 2015. Disponible sur : ‹www .inrh.ma›. Pour la mesure du coût de la qualité du littoral MAPM, 2014 Ministère de l’agriculture et des pêches en termes de revenus du tourisme, l’estimation a été basée maritimes. La mer en chiffres 2014. sur le consentement à payer des touristes. Le consente- Ministère de l’Équipement, du transport et de la logis- ment à payer pour disposer d’un environnement balnéaire tique  - Ministère délégué auprès du Ministre de en « meilleur état », tel qu’identifié par l’attribution aux l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, plages du label Pavillon bleu. Ce dernier a été cerné en chargé de l’environnement. Surveillance de la qualité des examinant la variation des prix des hôtels situés à proxi- eaux de baignade : Rapport analytique 2014–2015. mité des plages. La proximité à moins de deux kilomètres Mohamed Benjelloun, interview, in Les Eco, 18 février d’une plage labellisée Pavillon Bleu se traduit par un diffé- 2015. – Numéro spécial à l’occasion du Salon Halieu- rentiel moyen de prix de 10 %. Ainsi, sur la base des prix tis 2015. Disponible sur  : ‹http://www.leseco.ma/ de 2014 le consentement à payer des touristes (ou encore images/stories/1311/supplements-halieutis.pdf›. le revenu virtuel non dépensé par les touristes) s’élèverait Observatoire du tourisme. 2014a. Étude portant sur le à près de 1 171 millions de dirhams. Ainsi, le coût total de suivi de la demande touristique au Maroc 2014. 60 p. la dégradation du littoral a été estime à 2 536 millions Disponible sur : www.observatoiredutourisme.ma de dirhams, soit 0,27% du PIB. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 115 Observatoire du tourisme. 2014b. Enquete sur le tourisme Royaume du Maroc, Cour des comptes, 2012. Rapport interne au Maroc. Annee 2014. Disponible sur : www annuel 2011. Disponible sur  : ‹www.courdescomptes. .observatoiredutourisme.ma ma/fr/›. Pörtner et alii, 2014. Ocean systems. Disponible sur  : Royaume du Maroc, Secrétariat Général du Gouverne- ‹https://ipcc-wg2.gov/AR5/report/final-drafts/›. ment. Loi n°81-12 relative au littoral. Disponible sur  : PNDM Programme national de gestion des déchets ména- ‹www.sgg.gov.ma›. gers et assimilés, MEMEE. Mai 2013 (non publié). Tai, L., Manchih, K., Masski, H., Benchoucha S. et Ragnar Arnason. Loss of economic rents in the global fishery. Malouli Idrissi, M.. Bulletin halieutique, Édition de XVIIIth Annual EAFE C ­ onference – 9 au 11 juillet février 2015, INRH, Casablanca. 2007 – Reykjavik. 116 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Chapitre 9 Changement Climatique Lelia Croitoru et Maria Sarraf Le développement économique du pays génère des émissions de plusieurs gaz à effet de serre (GES), tels que le dioxyde de carbone (CO2), le dioxyde de soufre (SO2) et le méthane (CH4). Le Maroc avait déjà communiqué à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) deux inventaires GES pour les années 1994 et 2000. En avril 2016, le Gouvernement a préparé un nouvel inventaire GES, publié dans la Troisième Communication Nationale à la CCNUCC (Ministère Chargé de l’Environnement 2016). Ce dernier quantifie les émissions GES pour les années 2005, 2006, 2008, 2010 et 2012. Sur la base de cette publication, ce chapitre estime le coût global des émissions GES pour l’année la plus récente pour laquelle les données sont disponibles (2012)176. 9.1. Emissions de gaz a effet de serre La Troisième Communication Nationale a évalué les émissions anthropiques nettes de GES au Maroc à 100,55 millions t équivalent CO2 (Eq-CO2) pour l’année 2012 (Minis- tère Chargé de l’Environnement 2016). Ces émissions sont dues aux cinq modules177 : l’énergie, qui produit la majeure partie des émissions totales (57%), l’agriculture (21%), les procédés industriels (10%), les déchets (8%), et finalement la foresterie, avec une faible contribution (4%) (Figure 9.1). Le Tableau 9.1 présente la distribution des émissions Eq-CO2 par module, ainsi que les secteurs dominants émetteurs. Il convient de noter que l’industrie de l’énergie est la première responsable des émissions CO2 de ce module, suivie par le secteur de transport. Les émissions du module agriculture sont principalement données par 176 Nous supposons que les différences entre les émissions pour l’année de référence de l’étude (2014) et celles de 2012 sont négligeables. 177 Le Groupe d’experts Inter-gouvernamental sur l’Evolution du Climat (GIEC) a identifié six modules émetteurs: (1) énergie, (2) procédés industriels, (3) agriculture, (4) déchets, (5) affectation des terres, changements d’affectation des terres et foresterie (Ministère Chargé de l’Environnement 2016). Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 117 Figure 9.1. Répartition des émissions les sols agricoles, et les processus de fermentation enté- GES par module (2012) rique178. D’autres activités responsables des émissions Eq-CO2 incluent la production des minéraux (ciment), la 4,4% décharge des déchets solides et le changement du patri- moine forestier et autres stocks de biomasse ligneuse. 7,9% Le développement économique pendant le temps a généré une évolution croissante de ces émissions. En particulier, 9,9% pendant la période 1994–2012, les émissions nettes totales 56,5% ont passé de 47,9 millions t Eq-CO2 à 100,5 millions t Eq-CO2, enregistrant ainsi un taux de croissance moyen annuel de 4,2%. En termes relatifs, ces émissions ont passé 21,3% de 1,8 t Eq-CO2 par habitant à 3,1 t Eq-CO2 par habitant pendant la même période (Figure 9.2a). Cependant, mal- gré cette croissance, les émissions par habitant générées par Maroc sont du même ordre de grandeur que celles dans d’autres pays de la région (p.ex. Tunisie, Algérie, Egypte), et considérablement plus basses que celles dans Energie Déchets d’autres pays développées (p.ex. Canada, pays européens) Agriculture Foresterie (Figure 9.2b). Procédés industriels Source: Ministère Chargé de l’Environnement 2016 178 Les sols agricoles sont à l’origine des émissions N2O, alors que la fermenta- tion entérique est surtout responsable des émissions CH4. Tableau 9.1. Synthèse des émissions Eq-CO2 (2012) Emissions Module émetteur (millions tEq-CO2 ) Secteurs dominants émetteurs par module Energie 56,9 Industrie énergétique (41%), transport (28%), industrie manufacturière et de construction (14%), et autres. Agriculture 21,4 Sols agricoles (63%), fermentation entérique (21%), gestion du fumier (16%). Procédés industriels 9,9 Production des minéraux (81%) et production de métaux (19%) Déchets 7,9 Décharges des déchets solides (82%), eaux usées et déjections humaines (18%). Changement d’affectation 4,4 Evolution du patrimoine forestier et autres stocks de biomasse de terre et foresterie ligneuse (93%), conversion de forêts et prairies (7%). Emissions totales 100,5 Source : Ministère Chargé de l’Environnement 2016 118 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Figure 9.2. Emissions CO2 par habitant (t Eq-CO2/habitant) (a) Tendance au Maroc 1994–2012 (b) Emissions dans plusierus pays 3.5 25 3.0 20 2.5 t CO2 eq/habitant t CO2 eq/habitant 2.0 15 1.5 10 1.0 5 0.5 0.0 0 1994 2000 2004 2005 2006 2008 2010 2012 Maroc Tunisie Algérie Egypte Canada Union (2012) (2000) (2000) (2000) (2011) européenne      (2011) Sources : Ministère Chargé de l’Environnement (2016) pour le Maroc ; Ministère de l’Equipment et de l’Environnement (2014) pour la Tunisie ; Ministère de l’Aménage- ment du Territoire, de l’Environnement et du Tourisme (2010) pour l’Algérie; Egyptian Environmental Affairs Agency (2010) pour l’Egypte; Gouvernement de Canada (2014) pour le Canada; Commission Européenne (2014) pour la moyenne des pays de l’Union européenne. 9.2. L’évaluation du cout inférieure) et 253  dirhams/tCO2 (borne supérieure). En conséquence, les émissions de carbone sont évaluées entre global des emissions 4 623 millions de dirhams et 25 427 millions de dirhams. CO2 Ceci correspond à une moyenne de 15 025 millions de L’évaluation monétaire des émissions de carbone peut se dirhams, soit 1,6% du PIB en 2014. Il convient de référer au prix du carbone sur le marché international ou noter que cette estimation représente un coût global pour à la valeur sociale du carbone179. Le prix du carbone a la communauté internationale, qui n’affecte pas la société subi une forte tendance à la baisse au cours des dernières marocaine. années. De fait, le prix sur le marché européen du carbone (European Union Emissions Trading System, EU ETS) était Références d’environ 46 dirhams/tCO2 en 2013 (5,5 $EU ; Banque Banque mondiale, 2014a. State and Trends of Carbon mondiale 2014a). En outre, la Banque mondiale (2014b) Pricing. Washington D.C. ECOFYS. a attribué une valeur sociale au carbone de 253 dirhams/ Banque mondiale, 2014b. Guidance Note on the Social tCO2 (30 $EU) pour l’année  2015, en augmentant en Value of Carbon in project appraisal. termes réels jusqu’à 674 dirhams/tCO2 (80  $EU) pour Commission Europeene. 2014. Sixth national commu- l’année 2050. nication and first biennal report from the European Union under the UNFCCC. Sur la base de ces références, on suppose que la valeur Egyptian Environmental Affairs Agency. 2010. Egypt du carbone se trouve entre 46  dirhams/tCO2 (borne Second National Communication under the UNFCCC. Arab Republic of Egypt. En termes de coût marginal lié au dommage causé par l’émission d’une unité 179 Gouvernement de Canada. 2014. Le sixième rapport du additionnelle du carbone. Canada sur les changements climatiques. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 119 Ministère Chargé de l’Environnement. 2016. Communi- Ministère de l’Equipment et de l’Environnement. 2014. cation Nationale du Maroc à la Convention Cadre Seconde Communication Nationale de la Tunisie à la des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Convention Cadre des Nations Unies sur les Change- Avril 2016. ments Climatiques. République Tunisienne. Ministère de l’Aménagement du Territoire, de l’Envi- Observatoire marocain du tourisme. 2014. Etude portant ronnement et du Tourisme. 2010. Algerie. Inven- sur le suivi de la demande touristique. taire national des émissions de gaz à effet de serre de l’année 2000. Programme des Nations Unies pour le Développement. 120 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc ANNEXES Annexe 8.1 (Relative au Chapitre 8) Prix par nuit de réservation d’une chambre double du 11 au 17 juillet 2014 selon la localisation à moins de deux kilomètres d’une plage et selon l’attribution ou non du label « Pavillon bleu » à la plage. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 121 Pavillon bleu Plage Nom de l’hôtel Prix en DH/nuit Nombre d’étoiles Non Plage Agadir Hôtel Argana 801 4 Hôtel Atlantic Palace 1 276 5 La Suite Hôtel Boutique 982 4 Plage Ain Diab Hôtel de la corniche 938 4 Le Lido Thalasso & SPA 1 089 4 Plage Mannesman Sabah 704 2 Plage Tanger Al Minzah Hôtel 1 958 5 Atlas Rif Front Beach Tanger 1 040 3 Hôtel Ryad Mogador 1 288 4 Royal Tulip City Center 1 786 5 Solazur Business & Spa 863 3 Oui Asilah B & B Aladino Guest house 762 2 Dar Manara 599 2 Dar Tabia 653 2 Hôtel de la corniche 294 1 Maison Les remparts 653 2 Olivier Marina Golf 1 306 4 Bouznika Golf Bahia Beach Apartment 1 306 4 Jnan Dalya 544 3 Maison du Golf 2 013 5 Residence Ocean Suite 925 4 Résidences du Golf 1 034 4 Essaouira L’Heure Bleue 1 693 5 Le Médina 1 211 4 Madada Mogador 1 277 5 Palais des remparts 1 066 4 Riad Mimouna 909 4 VillaMaroc 1 504 5 Larache Villa Zahra 794 3 Mdiq Al Cudia Smir Seaview Apartment 1 006 3 Côte d’or 381 1 La Cassia 1 489 4 La Ferma 968 3 Sary’s Hôtel 783 2 Mirleft, Imintourga Dar Saada 871 4 Mirleft Holidays 696 3 Titawin Home and Garden 751 2 Oualidia Dar Beldi 544 2 Hôtel l’Initiale 653 3 Safi Riad Asfi 529 3 Saidia Chambre d’hôte 544 1 Holiday Saidia 2 285 5 Iberostar 1 435 5 Marina Saidia 1 088 3 Perla 1 523 4 Résidence Al Waha 1 687 4 122 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc Annexe 8.2 (Relative au Chapitre 8) Sélection des plages : Classement des localités selon les notations attribuées aux plages proches Note qualité des eaux de baignade en 2014 A B B Pavillon bleu en 2014 Localité Oui Non Bouznika X Mirleft, Imintourga X Oualidia X Safi X Saidia X Asilah X Essaouira X Larache X Mdiq X Plage Agadir X Plage Ain Diab X Plage Mannesman X Plage Tanger X Source : Royaume du Maroc - Ministère de l’Équipement, du transport et de la logistique - Ministère délégué auprès du Ministre de l’Énergie, des mines, de l’eau et de l’environnement, chargé de l’environnement, « Surveillance de la qualité des eaux de baignade : Rapport analytique 2014–2015 ». Note : La note sur la qualité des eaux de baignade va de A à C. Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 123 Le Coût de la Dégradation de l’Environnement au Maroc 1818 H Street, NW Washington, D.C. 20433 USA Telephone: 202–473–1000 Internet: www.worldbank.org/environment