EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE au Sahel : OU U T N U O FA AT RD N EA U U ? 1 6 2 0 E N M TO U A DOSSIER SPÉCIAL RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE PRÉFACE.........................................................................................................................................................................iii ACRONYMES..................................................................................................................................................................v REMERCIEMENTS........................................................................................................................................................vii THÈMES SPÉCIAUX....................................................................................................................................................... 8 République centrafricaine, Tchad, Guinée, Mali, Niger : vers un dividende démographique dans plusieurs pays du Sahel ?....................................................................................................... 9 Dossier spécial : République centrafricaine Jeter les bases de la stabilité et de la croissance en RCA.......................................................................................21 Les impacts potentiels du flottement du naira sur l’économie du Niger............................................................... 35 CHIFFRES SPÉCIAUX.................................................................................................................................................. 35 Qu’exportent les pays AFCW3 ? Principales exportations par pays et volume du commerce bilatéral en 2015 (% des exportations totales)................................................................................ 42 Quel est le classement des pays AFCW3 au sein des États les plus fragiles ?..................................................... 44 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS....................................................................................................................... 47 Aperçu des économies AFCW3.................................................................................................................................. 47 République centrafricaine........................................................................................................................................... 48 Tchad..............................................................................................................................................................................52 Mali.................................................................................................................................................................................57 Guinée............................................................................................................................................................................61 Niger...............................................................................................................................................................................65 préface Je suis heureux de préfacer le deuxième volet d’une série de rapports analysant l’évolution macroéconomique et sociale du Tchad, de la République centrafricaine, du Mali, du Niger et de la Guinée. Cette série de rapports entend susciter un débat public sur les options clés de politiques macroéconomiques et fiscales destinées à soutenir la réduction de la pauvreté en rendant publiques les conclusions préliminaires de travaux en cours pour encourager les échanges sur les questions de développement. Un de ses objectifs est d’exposer rapidement ces analyses et les tendances régionales qui se dessinent, même si celles-ci ne sont pas encore totalement abouties. En bref, cette série est une plateforme permettant à la Banque mondiale de mettre en avant des sujets de réformes prioritaires qui ne sont pas encore réglés ou même débattus dans ces pays. Les résultats, interprétations et conclusions exprimés ici sont ceux des services de la Banque mondiale, et ne représentent pas nécessairement ceux du Groupe de la Banque mondiale et de ses organisations affiliées, de ses directeurs exécutifs et des pays qu’ils représentent. Les cinq pays couverts dans ce rapport partagent un certain nombre de caractéristiques et sont confrontés à des défis similaires, qui justifient un suivi commun. Tout d’abord — et c’est le sujet principal de ce rapport —, ils sont confrontés à une explosion démographique sans précédent dans le monde, qui nécessite des actions immédiates pour leur permettre de réaliser des « dividendes démographiques » plutôt que des « fardeaux démographiques » qui risqueraient de présager des conflits politiques et sociaux interminables dans le futur. Par ailleurs, à l’exception de la Guinée, ce sont des économies sahéliennes enclavées à faible revenu, fortement tributaires du secteur agricole — leur principale source de revenus et de moyens de subsistance —, qui possèdent un important sous-secteur de l’élevage fondé en partie sur le pastoralisme nomade traditionnel. Ces cinq pays disposent d’importantes industries d’exploitation des ressources naturelles — l’or pour le Mali, l’uranium et le pétrole pour le Niger, la bauxite pour la Guinée, les diamants PRÉFACE iii pour la République centrafricaine et le pétrole pour le Tchad —, qui représentent une partie essentielle de leurs recettes d’exportation et des recettes publiques. Cette dépendance vis-à-vis du secteur primaire rend ces économies fortement vulnérables aux chocs climatiques et à la volatilité des prix des matières premières. Chacun d’entre eux lutte pour surmonter un legs d’instabilité et de violence, exacerbé par des conditions sociopolitiques fragiles et la gravité des enjeux sécuritaires régionaux. Enfin, quatre pays sur les cinq sont membres d’une union monétaire, qui utilise une monnaie régionale rattachée à l’euro et exerce une influence notable sur les politiques macroéconomiques de ses États membres. Pour ce qui concerne la conjoncture économique, mon plaisir est cette fois-ci d’autant plus grand que les nouvelles sont prometteuses. Tous les pays, à l’exception du Tchad, envisagent des taux de croissance positifs autour de 4-6 % et, à l’exception de la Guinée, des taux d’inflation à la baisse proches de 3 % retenus comme cible vis-à-vis des institutions régionales. Cette performance mérite d’être soulignée, car malgré leurs caractéristiques communes, ces pays continuent de se heurter tous à des contraintes structurelles uniques en termes de développement et opportunités d’accélérer la croissance économique, la réduction de la pauvreté et la prospérité partagée, à des chocs externes similaires et, cette fois-ci à des processus électoraux complexes, qui expliquent l’effort commun récent — analysé en détail dans ce rapport — en vue de construire de nouvelles stratégies de développement. Au Tchad et en Guinée, l’effondrement des cours mondiaux du pétrole et de la bauxite, respectivement, pèsent lourdement sur les finances publiques. Au Mali, les problématiques de gouvernance constituent un frein majeur à la croissance. Au Niger et en République centrafricaine, les plans de développement (et d’investissement) ambitieux des autorités publiques nécessitent des emprunts et des dons conséquents, afin d’échapper aux risques liés à la soutenabilité de la dette et à la capacité d’absorption. Enfin, je souhaite ici exprimer ma gratitude envers nos partenaires gouvernementaux et techniques et financiers pour leur coopération et leurs contributions conjointes multiples au cours de ces derniers mois. Leurs encouragements et conseils techniques ont permis de créer un environnement particulièrement propice à l’échange de points de vue sur les politiques de développement. J’espère que cette nouvelle série pourra permettre d’approfondir encore ces échanges, et de les mettre sur la place publique pour informer les citoyens et recueillir leurs points de vue. Paul Noumba Um Directeur des opérations Tchad, République centrafricaine, Mali, Niger FOREWORD iv acronymes 3N Initiative « Les Nigériens nourrissent les Nigériens » ASS Afrique subsaharienne BCEAO Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest BdP Balance des paiements CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest CEMAC Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale CNP Commission nationale de planification CREDD Cadre stratégique pour la relance économique et le développement durable CSCRP Cadre stratégique pour la croissance et la réduction de la pauvreté DDR Désarmement, démobilisation et réinsertion DOE Document d’orientation économique DSRP Document de stratégie pour la réduction de la pauvreté ENERCA Énergie centrafricaine ERPT Répercussions des variations du taux de change (Exchange rate pass-through) FBP Financement basé sur la performance FEC Facilité élargie de crédit FLEGT Application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux (Forest Law Enforcement Governance and Trade) GFP Gestion des finances publiques GNF Franc guinéen IDE Investissement direct étranger MDO Ministères, départements et organismes MPFBEG Groupe macroéconomique, des finances publiques et de l’environnement d’affaires (Macroeconomic, Public Finances, and Business Environment Group) MPME Micro, petites et moyennes entreprises NGN Naira du Nigeria PAG Plan d’action gouvernemental PAP Plan d’action prioritaire PDA/RN Programme de développement accéléré des régions du Nord PK Processus de Kimberley PNDES Plan national de développement économique et social PRED Plan de relance durable ACRONYMS v acronymes RCA République centrafricaine RDT Ratios de dépendance totaux TCRR Taux de change effectif réel RSS Réforme du secteur de la sécurité SCPK Système de certification du Processus de Kimberley SDSE Stratégie de développement socio-économique SODECA Société de distribution des eaux de Centrafrique TIC Technologies de l’information et de la communication TSR Taxe spéciale de réexportation UEMOA Union économique et monétaire ouest-africaine WDI Indicateurs du développement dans le monde (World Development Indicators) ACRONYMS vi remerciements Ce rapport a été rédigé par Jose Lopez-Calix, avec la participation enthousiaste d’une équipe composée de Miriam Schneidman, Emi Suzuki, Abdoulahi Garba, Olivier Beguy, Arsène Kaho, Luc Razafimandimby, Ali Zafar, Patricia Geli, Abdoul Ganou Mijiyawa, Weneyam Hippolyte Balima, Mahaman Sani, Mahamoud Magassouba, Santiago Herrera, Irum Touqeer, Ousmane Megnan Kolie et Jean Charles Amon Kraa. Il a bénéficié des orientations et suggestions de Paul Noumba Um, Seynabou Sakho, Sona Varma, Paola Ridolfi, Johannes Hoogeveeen, Jean Christophe Maur, Michel Rogy, Christophe Lemiere, Aly Sanoh, Michel Rangvald Mallberg, Jean Christophe Carret, Adama Coulibaly, Siaka Bakayoko et Rachidi B. Radji. Il n’aurait pas été possible sans l’assistance de Silvia Gulino, Carine Belinda Bianda, Fatimata K. Sy, Mariama Diabate-Jabbie, Salimata Bessin Dera, Béatrice Toubarot Mossane et de JPD Systems. REMERCIEMENTS vii THÈMES SPÉCIAUX République centrafricaine, Tchad, Guinée, Mali, Niger : vers un dividende démographique dans plusieurs pays du Sahel ? Par Miriam Schneidman et Emi Suzuki INTRODUCTION À l’instar de nombreux pays d’Afrique subsaharienne, ce sous-groupe d’États d’Afrique occidentale et centrale a connu des baisses assez rapides de la mortalité, mais des niveaux de fécondité en permanence élevés, entraînant de forts taux de croissance de la population susceptibles de compromettre les perspectives de développement. Au niveau microéconomique, les familles devront s’assurer que leurs enfants seront bien éduqués, nourris et en bonne santé. Au niveau macroéconomique, les gouvernements subiront des pressions considérables pour s’adapter aux cohortes supplémentaires d’écoliers à éduquer, au nombre croissant d’entrants sur le marché du travail et à la hausse générale de la demande de services sanitaires et sociaux qui excédera la capacité de leurs systèmes fragiles. Les autorités de ces pays disposent d’une importante fenêtre d’opportunité pour traiter les questions démographiques de façon systématique dans le cadre de leurs plans de développement économique et leurs documents de vision à long terme. SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 8 LE DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE L’expérience internationale a démontré que le déclin très rapide de la fécondité est fondamental pour réaliser un dividende démographique, défini comme le potentiel de croissance économique pouvant résulter de l’évolution de la pyramide des âges. Comme illustré à la Figure 1, le dividende démographique comporte deux phases. FIGURE FIGURE 1 : QU’EST-CE 1: WHATQUE IS THE LEDEMOGRAPHIC DIVIDEND? DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE ? Le premier dividende peut être réalisé quand le passage de taux de natalité et de mortalité élevés à des taux faibles s’accélère, et que la pyramide des âges se concentre autour des âges actifs. Toutes choses égales par ailleurs, une proportion supérieure de la population en âge de travailler apporte davantage de croissance par habitant. La deuxième phase arrive ultérieurement dans la transition démographique, lorsque les pays peuvent accroître l’épargne et l’investissement parce que les ménages ont moins d’enfants à charge, plus de revenus disponibles et une espérance de vie plus longue. Ces investissements en capital physique et humain doivent se traduire par une hausse de la productivité et de la production globale. Toutefois, ce dividende démographique n’est pas automatique. Pour créer des conditions démographiques favorables à un dividende démographique, ces pays doivent faire preuve d’un engagement politique ferme et instaurer des politiques appropriées. THÈMES SPÉCIAUX 9 Les pays AFCW3 se trouvent dans la phase de prédividende, en raison de leurs taux de fécondité élevés et d’une prédominance de la jeunesse dans la pyramide des âges.1 Comme d’autres pays à faible revenu, ils accusent un retard sur des indicateurs clés de développement humain et leurs taux de fécondité restent élevés (Figure 2). Le taux de pauvreté est assez important dans les cinq pays – Mali : 43,6 % ; Tchad : 46,7 % ; Niger : 48,9 % ; Guinée : 53 %, et RCA : 62 % –, qui sont également confrontés à des taux de croissance démographique très rapides et abritent de fortes proportions de populations dépendantes. La RCA et la Guinée semblent proches d’un dividende précoce, avec des modèles similaires à ceux d’autres pays à revenu intermédiaire inférieur plus avancés dans l’évolution de la fécondité. Dans tous les pays, les autorités doivent envisager des stratégies et des politiques visant à tirer profit d’une croissance économique potentiellement accélérée grâce aux opportunités créées par l’évolution de la pyramide des âges, lesquels se produiront au cours de leur transition démographique. L’expérience mondiale a montré que des mesures accélérées en vue de réduire la fécondité constituent une étape décisive pour modifier la pyramide des âges, qui créera un environnement plus favorable à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. FIGURE 2 : PROGRÈS VERS LE DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE Les cinq pays se trouvent dans l’étape de prédividende de la transition démographique 9 • Situation de • Situation de • Situation de • Situation de post- prédividende dividende précoce dividende tardif dividende 8 Tchad 7 �_=:]��  Mali •• • Taux de fécondité total i • Niger � • • • " .. .,. . • • •• • • • s ·· 6 · .� 5 RCA CAR • • • • I �1 ·• .,. •.• 4 • Guinée • •• •• • •• I•••• • • -'•• I • • ., . 3 • • 2 ,,._• I I I I � .... • !II, 45 50 55 60 65 70 75 80 85 Espérance de vie (en années) Source : Rapport de suivi mondial 2015/2016 Source : Rapport de suivi mondial 2015/2016 LA TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE Comme la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, ces cinq pays d’Afrique occidentale et centrale connaissent une chute rapide de la mortalité, mais des taux de fécondité en permanence élevés, qui conduisent à de forts taux de croissance démographique. Le passage de taux de natalité et de mortalité 1 Le dernier Rapport de suivi mondial (Objectifs de développement à l’ère du changement démographique) considère les cinq pays en situation de prédividende (Groupe de la Banque mondiale et Fonds monétaire international, 2016). Les pays en situation de prédividende se caractérisent par des taux de fécondité supérieurs à quatre naissances par femme et des niveaux de pauvreté relativement élevés (en moyenne, 44 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté). Les pays en situation de dividende précoce ont des taux de fécondité supérieurs à quatre et des taux de pauvreté beaucoup plus faibles, de 16 % en moyenne. SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 10 élevés à des taux faibles reste globalement lent et menace de compromettre les perspectives de croissance. Les taux de mortalité diminuent progressivement depuis plusieurs décennies, malgré une augmentation temporaire en RCA au milieu des années 1980 (Figure 3). Comme mentionné ci-dessous, les principaux taux de mortalité ont diminué et l’espérance de vie a augmenté, mais à des taux variables. 2 Figure 3 : Transition démographique en RCA, au Tchad, en Guinée, au Mali et au Niger FIGURE 3 : TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE EN RCA, AU TCHAD, EN GUINÉE, AU MALI ET AU NIGER RCA Tchad Guinée RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Mali Niger Source : Division de la Population des Nations Unies, Perspectives de la population mondiale : Révision de 2015 Source : Division de la Population des Nations Unies, Perspectives de la population mondiale : Révision de 2015 La réduction de la mortalité infantile a été spectaculaire au Niger et en Guinée, modeste au Mali et modérée au Tchad et en RCA (où elle est 1,6 fois plus élevée que la moyenne régionale). La mortalité des enfants de moins de 5 ans3 montre des tendances similaires : le Niger, la Guinée et le Mali enregistrent des progrès relativement rapides ; le Tchad connaît une baisse constante et la RCA accuse un retard. Par ailleurs, les taux de fécondité sont restés généralement élevés, hors quelques baisses mineures (Mali, Tchad), voire stables (Niger) depuis 1990 (Figures 4 et 5). En revanche, les taux de fécondité en Guinée et RCA ont baissé plus rapidement. Ainsi, les taux de croissance démographique varient actuellement de 2 % (RCA), à 2,7 % (Guinée), 3-3,3 % (Mali, Tchad) et un pourcentage impressionnant de 4 % (Niger), contre une moyenne de 2,7 % en Afrique subsaharienne. Avec de tels taux de croissance, la population doublera en moins de deux décennies au Niger, en trente-cinq ans en RCA et en vingt-trois à vingt-six ans dans les autres pays. La mortalité maternelle – un bon baromètre de la performance du système de santé – reste légèrement supérieure à la moyenne de l’Afrique subsaharienne (547 décès pour 100 000 naissances vivantes) au Niger, 2 Les taux de mortalité et de fécondité de 2015 proviennent de la Division Population de l’ONU et représentent les meilleures estimations actuelles, fondées sur des analyses récentes de l’ONU et de ses Groupes inter-agences pour l’estimation de la mortalité infantile et maternelle. Ces estimations étant ajustées et lissées, il peut exister de légères différences avec les données d’origine issues des enquêtes auprès des ménages. 3 Le taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans est un bon baromètre du bien-être des enfants, et une bonne mesure de remplacement de la disponibilité de services de santé maternelle et infantile, de l’état nutritionnel et des connaissances en matière de santé des mères, des revenus et de la disponibilité de nourriture au niveau des ménages et de l’accès à l’eau potable et à des installations sanitaires de base. THÈMES SPÉCIAUX 11 FIGURE 4 FIGURE 5 Taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans Taux de fécondité total (pour 1 000 naissances vivantes) (par femme) 1990 et 2015 1990 et 2015 9.0 350 8.0 300 7.0 250 6.0 200 5.0 150 4.0 3.0 100 2.0 50 1.0 0 0.0 Niger Mali Guinée Tchad RCA Niger Mali Guinée Tchad RCA 1990 2015 1990 2015 au Mali et en Guinée. En revanche, ce taux est considérablement plus élevé au Tchad et en RCA (856 et 882 décès pour 100 000 naissances vivantes respectivement). Ces évolutions démographiques ont entraîné une augmentation de l’espérance de vie de 9 à 18 ans au Niger, en Guinée et au Mali, et de 3 à 5 ans seulement au Tchad et en RCA depuis 1990. Des taux élevés de fécondité sont le reflet de mariages et de maternités précoces, combinés avec un faible niveau de contraception. Comme dans d’autres pays à fécondité élevée, une forte proportion de filles se marient avant 18 ans (au Mali : 50 % ; en Guinée : 60 % ; au Tchad : 70 % ; au Niger : 77 %)4 et tombent enceintes de leur premier enfant à 19 ans. Ces schémas démographiques reflètent autant des normes socioculturelles favorables à des mariages et des grossesses précoces que des opportunités d’éducation limitées après le primaire, avec une proportion relativement faible de filles accédant à l’enseignement secondaire. Si de modestes progrès ont été réalisés depuis 1990 dans la réduction de la fécondité des adolescentes (naissances chez les jeunes filles de 15 à 19 ans), ces taux demeurent considérablement supérieurs à la moyenne de l’Afrique subsaharienne dans tous les pays, sauf en RCA.5 Ces tendances démontrent qu’il reste encore beaucoup à faire pour repousser l’âge du mariage et de l’initiation à la vie sexuelle. L’utilisation de contraceptifs modernes reste très faible, variant de 5 % (Guinée, Tchad) à 9 à 12 % (RCA, Mali, Niger), et accuse un retard considérable par rapport à d’autres pays de la région, qui ont mis en place de solides programmes de santé reproductive et de planification familiale et passent à la phase suivante de la transition démographique (par ex. Ghana, Kenya, Sénégal). 4 Les données sur le mariage des enfants ne sont pas disponibles en RCA. 5 Les dernières estimations (2010/2015) de la fécondité des adolescentes (naissances pour 1 000 femmes de 15 à 19 ans) sont les suivantes : 91 (RCA), 130 (Tchad), 140 (Guinée), 174 (Mali) et 201 (Niger), en comparaison avec la moyenne régionale subsaharienne de 106. SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 12 Ces niveaux de fécondité élevés masquent des disparités socio-économiques et géographiques dans la plupart des pays. Les femmes des quintiles de richesse les plus bas ont des taux de fécondité 1,3 à 1,4 fois plus élevés (Tchad, Mali, Niger) et près de 2 fois plus élevés (Guinée) que les femmes des quintiles de richesse les plus hauts (Figures 6 et 7), tandis que les taux de fécondité en RCA sont similaires dans tous les groupes socio-économiques. Les taux de fécondité varient aussi en fonction de l’éducation, en particulier au niveau post-primaire. Les femmes sans instruction ont des niveaux de fécondité de 1,3 à 1,7 fois plus élevés que celles qui ont suivi des études secondaires, et 1,8 à 3,6 fois plus élevés que celles ayant suivi un enseignement supérieur. Ce fait souligne l’importance d’élargir les opportunités d’éducation, au moins jusqu’aux premières années du secondaire.6 En termes de fécondité, les disparités géographiques sont remarquables : les taux de fécondité totaux sont de 3,8 à 5,6 dans les zones urbaines, où les femmes ont des niveaux d’éducation et d’emploi plus élevés, contre 5,8 à 8,1 dans les zones rurales, où la majorité des ménages continue à avoir une économie de subsistance, avec une haute valeur attribuée aux enfants qui sont une source de main-d’œuvre et de sécurité pendant la vieillesse. FIGURE 6 FIGURE 7 Niger : Taux de fécondité observé et désiré par Guinée : Taux de fécondité observé et quintiles de richesse (par femme) désiré par quintiles de richesse (par femme) Fécondité observée Fertilité désirée Fécondité observée Fertilité désirée 9.0 8.2 8.1 7.0 6.5 8.0 8.0 8.0 6.0 5.5 5.7 7.0 7.9 7.8 7.8 7.8 5.9 4.8 6.1 5.0 6.0 5.1 5.1 5.0 5.9 4.0 3.4 4.3 4.0 3.0 3.0 3.1 2.0 2.0 1.0 1.0 0.0 0.0 Inférieur Deuxième Moyen Quatrième Supérieur Inférieur Deuxième Moyen Quatrième Supérieur Contrairement à d’autres pays enregistrant des taux de fécondité élevés sur le continent, il y a peu de différence entre la fécondité désirée et les taux observés sur l’ensemble des quintiles de richesse dans les cinq pays, et globalement, le nombre d’enfants désirés reste élevé. Cela peut être observé clairement dans deux pays aux taux de fécondité les plus élevés (Niger et Guinée : Figures 6/7), où les femmes continuent à exprimer le désir d’avoir une famille nombreuse. Ainsi, les besoins non satisfaits de planification familiale sont généralement faibles dans tous les pays (RCA : 19 % ; Tchad : 23 % ; Guinée : 24 % ; Mali : 26 % ; et Niger : 16 %). Cette demande relativement limitée de planification familiale est une particularité unique des conditions socioculturelles et démographiques dans le Sahel, et souligne l’importance d’actions complémentaires du côté de la demande comme de l’offre, en accordant une importance particulière aux femmes pauvres et vulnérables. 6 Les taux de fécondité par niveau d’éducation varient comme suit pour les femmes sans instruction, celles ayant atteint des niveaux d’éducation secondaire et supérieure (respectivement) : RCA : 5,1, 4, 1,9 ; Tchad : 6,5, 5,1, 2,8 ; Guinée : 5,7, 3,4, 1,6 ; Mali : 6,5, 4 ; 3,7 ; Niger : 8, 5, 3,6. THÈMES SPÉCIAUX 13 FIGURE 8 : PYRAMIDES DE POPULATION ET RATIOS DE DÉPENDANCE TOTAUX Hommes Hommes RCA, 2015 Tchad, 2015 80+ 80+ Femmes Femmes 70-74 70-74 60-64 60-64 Groupe d’âge Groupe d’âge 50-54 50-54 40-44 40-44 30-34 75.2 30-34 100.7 20-24 20-24 10-14 10-14 0-4 0-4 1 0 1 4 2 0 2 4 Population (en millions) Population (en millions) Guinée, 2015 Hommes Mali, 2015 Hommes 80+ 80+ Femmes Femmes 70-74 70-74 60-64 60-64 Groupe d’âge Groupe d’âge 50-54 50-54 40-44 40-44 30-34 83.8 30-34 100.2 20-24 20-24 10-14 10-14 0-4 0-4 2 1 0 1 2 4 2 0 2 4 Population (en millions) Population (en millions) Asie du Sud et de l’Est, 2012 Niger, 2015 Hommes 90-94 80+ Femmes 80-84 70-74 70-74 60-64 60-64 Groupe d’âge Groupe d’âge 50-54 50-54 40-44 40-44 30-34 113.0 30-34 20-24 20-24 10-14 10-14 0-4 0-4 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 8 4 0 4 8 Population (en millions) Population (en millions) Avec l’amélioration de la survie des enfants et des taux de fécondité obstinément élevés et désirés dans la plupart de ces pays, les structures par âge restent généralement jeunes, et la majorité des pays ont des ratios de dépendance élevés (Figure 8). Les ratios de dépendance (c.-à-d. le nombre d’individus dépendants de 0 à 14 ans et de plus de 65 ans par rapport à la population active totale des personnes de 15 à 64 ans) sont inférieurs à la moyenne subsaharienne (86) en RCA (75,2) et en Guinée (83,8), et considérablement SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 14 supérieurs au Mali (100,2), au Tchad (100,7) et au Niger (113). Par rapport à la structure par âge typique de l’Asie du Sud et de l’Est (où la part de la population en âge de travailler est proportionnellement plus grande que celle des personnes à charge), les structures jeunes dans la plupart de ces pays reflètent les défis auxquels font face les gouvernements pour scolariser, fournir des prestations de santé et des emplois aux grandes cohortes qui survivent à l’enfance et atteignent l’âge de procréer. Même si les taux de fécondité dans ce groupe de pays chutaient immédiatement au niveau du remplacement des générations, le nombre absolu de naissances dépasserait le nombre de décès pendant plusieurs décennies. Cet élan démographique contenu devrait contribuer de façon significative à la croissance future, à mesure que des cohortes relativement grandes d’enfants atteignent l’âge de procréer et font des enfants. Par conséquent, même si les couples dans ces pays ont le nombre nécessaire d’enfants pour les remplacer après leur décès (c'est-à-dire environ 2,1 enfants par femme), durant les prochaines décennies, FIGURE 9 : PROJECTIONS DE POPULATION DANS LE CADRE DE TROIS HYPOTHÈSES DE FÉCONDITÉ, 2050 République centrafricaine Hommes 2050-Variante basse 2050-Variante moyenne 2050-Variante haute 80+ 80+ 80+ Femmes 70-74 70-74 70-74 60-64 60-64 60-64 Groupe d’âge 50-54 50-54 50-54 40-44 40-44 40-44 30-34 45.9 30-34 52.7 59.3 30-34 20-24 20-24 20-24 10-14 10-14 10-14 0-4 0-4 0-4 1 0 1 1 0 1 1 0 1 Population 7,9 M Population 8,8 M Population 9,7 M Tchad 2050-Variante basse Hommes 2050-Variante haute 2050-Variante moyenne 80+ 80+ 80+ Femmes 70-74 70-74 70-74 60-64 60-64 60-64 Groupe d’âge 50-54 50-54 50-54 40-44 40-44 40-44 58.9 65.9 30-34 72.8 30-34 30-34 20-24 20-24 20-24 10-14 10-14 10-14 0-4 0-4 0-4 4 1 4 1 4 1 Population 31,9 M Population 35,1 M Population 38,5 M le nombre absolu de naissances dépassera le nombre de décès, dans la mesure où les taux de fécondité historiquement élevés ont résulté dans une forte proportion de femmes en âge de procréer. Comme le montre la Figure 9, si le nombre absolu de populations prévues dans le cadre des trois scénarios de fertilité ne varie pas considérablement d’ici 2050, les ratios de dépendance diminueront progressivement, et la charge pesant sur les adultes en âge de travailler s’allégera, avec une diminution graduelle du nombre de personnes dépendantes. Si les chiffres de l’augmentation projetée THÈMES SPÉCIAUX 15 FIGURE 9 : PROJECTIONS DE POPULATION DANS LE CADRE DE TROIS HYPOTHÈSES DE FÉCONDITÉ, 2050 Guinée 2050-Variante basse Hommes 2050-Variante moyenne 2050-Variante haute 80+ 80+ 80+ Femmes 70-74 70-74 70-74 60-64 60-64 60-64 Groupe d’âge 50-54 50-54 50-54 40-44 40-44 40-44 30-34 52.3 30-34 59.1 30-34 65.8 20-24 20-24 20-24 10-14 10-14 10-14 0-4 0-4 0-4 2 0 2 2 0 2 2 0 2 Population 24,8 M Population 27,5 M Population 30,3 M Mali 2050-Variante basse Hommes 2050-Variante moyenne 2050-Variante haute 80+ 80+ 80+ Femmes 70-74 70-74 70-74 60-64 60-64 60-64 Groupe d’âge 50-54 50-54 50-54 40-44 40-44 40-44 30-34 61.2 30-34 68.1 30-34 75.0 20-24 20-24 20-24 10-14 10-14 10-14 0-4 0-4 0-4 4 1 4 1 4 1 Population 41,3 M Population 45,4 M Population 49,7 M Niger 2050-Variante basse Hommes 2050-Variante moyenne 2050-Variante haute 80+ 80+ 80+ Femmes 70-74 70-74 70-74 60-64 60-64 60-64 Groupe d’âge 50-54 50-54 50-54 40-44 40-44 40-44 30-34 80.2 30-34 86.8 30-34 93.4 20-24 20-24 20-24 10-14 10-14 10-14 0-4 0-4 0-4 8 4 0 4 8 8 4 0 4 8 8 4 0 4 8 Population 66,7 M Population 72,2 M Population 78 M Source : ONU (2015) SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 16 d’ici 2050 dans le cadre des trois scénarios peuvent sembler colossaux,7 le coût de l’inaction serait encore plus élevé. Les gouvernements doivent de ce fait adopter des politiques et stratégies appropriées qui permettront à ces pays de profiter des avantages potentiels de la transition démographique. GAINS EN TERMES DE DÉVELOPPEMENT HUMAIN La transition démographique et l’évolution de la pyramide des âges peuvent également avoir de forts impacts positifs sur plusieurs aspects essentiels du développement humain. Il existe des preuves empiriques solides sur deux grands ensembles de gains, comme l’indique la publication phare La transition démographique de l’Afrique : dividende ou catastrophe ? (Canning et coll., 2015.) Premièrement, la baisse de la fécondité des ménages contribue à améliorer la santé infantile et maternelle, car dans les familles de petite taille, il est plus facile d’investir davantage dans chaque enfant. En outre, les investissements dans la petite enfance (santé et nutrition) peuvent avoir des répercussions importantes sur les résultats scolaires et les revenus pendant toute la durée de vie. De même, les investissements dans la santé infantile ont des effets durables sur la longévité et la santé des adultes. Les choix et comportements en matière de santé reproductive ont également des répercussions multiples sur la santé infantile et maternelle. Le report de l’âge de la première grossesse et l’allongement des intervalles entre les naissances peuvent réduire les risques élevés liés à la grossesse et l’accouchement (accouchement prolongé, mortalité infantile, retard de croissance de l’enfant et anémie maternelle) qui menacent les adolescentes dans la plupart de ces pays. Deuxièmement, la baisse de la fécondité des ménages comporte des avantages considérables en termes d’investissement dans l’éducation des filles : les ménages disposent de revenus plus élevés pour investir dans leurs filles et accorderont progressivement plus d’importance à la qualité de l’éducation. De même, une famille moins nombreuse implique une diminution de l’aide demandée aux jeunes filles pour garder les enfants et pour les tâches ménagères ; et les filles plus âgées seront autorisées à terminer leurs études. Des niveaux d’instruction plus élevés auront à leur tour des répercussions considérables sur les revenus : chaque année de scolarité supplémentaire correspond à une augmentation des salaires de 10 % (Returns to Investment in Education: A Global Update, Psacharopoulos 1994). AVA N TA G E S P O T E N T I E L S DU DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE L’accélération de la transition démographique dans ce groupe de pays pourrait modifier considérablement la pyramide des âges, et contribuer à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Une baisse de la fécondité peut entraîner des différences substantielles dans la proportion d’enfants au sein de la population à moyen et long terme.8 Selon le scénario de fécondité basse, les ratios de dépendance totaux (RDT) actuels diminueraient fortement à mesure que la part relative de la population en 7 La population totale actuelle (en millions) devrait augmenter de la façon suivante d’ici 2050, d’après les trois scénarios de fécondité : (i) RCA : de 4,9 (2015) à 7,9 (bas), 8,8 (moyen), 9,7 (élevé) ; (ii) Tchad : de 14,0 (2015) à 31,9 (bas), 35,1 (moyen), 38,5 (élevé) ; (iii) Guinée : de 12,6 (2015) à 24,8 (bas), 27,5 (moyen), 30,3 (élevé) ; (iv) Mali : de 17,6 (2015) à 41,3 (bas), 45,4 (moyen), 49,7 (élevé) ; et (v) Niger : de 19,9 (2015) à 66,7 (bas), 72,2 (moyen) et 78 (élevé). 8 Selon le scénario de fécondité basse, la part actuelle des enfants de moins de 15 ans chuterait comme suit en 2030 et 2050 respectivement : (i) RCA : de 39 à 32 et 24 % ; (ii) Tchad : de 48 à 42 et 33 % ; (iii) Guinée : de 43 à 36 et 29 % ; (iv) Mali : de 48 à 42 et 34 % ; et (v) Niger : de 50 à 48 et 42 %. THÈMES SPÉCIAUX 17 âge de travailler augmente et que les pays se positionnent en vue de profiter des avantages potentiels de la transition démographique (les RDT seraient en RCA de 45,9 ; au Tchad de 58,9 ; en Guinée de 52,3 ; au Mali de 61,2 ; et au Niger de 80,2). Avec l’augmentation des parts de la population en âge de travailler et la baisse des ratios de dépendance des enfants, ces pays devraient connaître des augmentations correspondantes du PIB par habitant et de possibles réductions de la pauvreté. Des proportions croissantes de personnes en âge de travailler signifient que l’offre de main-d’œuvre peut croître plus rapidement que la population totale, même si les ratios d’emploi restent constants, ce qui entraîne une augmentation du nombre de travailleurs par habitant. Il se produirait donc une augmentation automatique de la croissance du PIB réel par habitant. Une proportion élevée de travailleurs et une plus faible proportion de personnes à charge peuvent entraîner une augmentation de l’épargne globale si les travailleurs économisent au moins au même rythme que les générations précédentes. Si cette épargne peut être transformée en investissements productifs, la formation de capital s’accélérera et le rapport capital-travailleur s’améliorera, entraînant une croissance plus rapide du PIB réel par habitant. Une application récente de la méthodologie des comptes de transfert nationaux (NTA – National Transfer Accounts), élaborée par Ronald Lee et Andrew Mason, a produit des estimations de l’impact potentiel sur le PIB par habitant du premier dividende démographique dans plusieurs de ces pays. Les estimations sont de -0,57 % au Niger, 0,08 % au Mali et 0,29 % au Tchad.9 Ces chiffres restent modestes par rapport à l’impact potentiel du dividende démographique sur la croissance économique. D’après des travaux empiriques menés par la Banque mondiale, une augmentation d’un point de pourcentage de la population en âge de travailler devrait induire une croissance supplémentaire du PIB par habitant de 2 points de pourcentage maximum, ce qui démontre que le potentiel du dividende démographique dans ce groupe de pays reste encore à réaliser. De même, une réduction d’un point de pourcentage du ratio de dépendance des enfants est associée à une baisse d’environ 0,4 point de pourcentage du taux de pauvreté (Rapport de suivi mondial 2015/2016 : Des objectifs de développement à l’ère du changement démographique, Groupe de la Banque mondiale, 2015). Ahmed et coll. (à paraître) ont constaté que l’évolution démographique pourrait expliquer 11 à 15 % de la croissance du PIB, ainsi qu’une réduction substantielle du nombre de pauvres (40 à 60 millions de pauvres en moins d’ici 2030) pour l’Afrique subsaharienne. Ces estimations sont largement similaires aux conclusions provenant d’Asie de l’Est et d’autres pays (par ex. le Bangladesh) qui ont récolté les bénéfices du dividende démographique.10 S T R AT É G I E S E T P O L I T I Q U E S C L É S Pour profiter du dividende démographique, des politiques doivent être mises en place pour hâter la transition vers de plus petites cohortes, tout en permettant à ces dernières d’être plus productives (Canning et coll., 2015). Comme indiqué dans le Tableau 1 ci-dessous, les pays disposent de plusieurs options et devront les adapter à leurs contextes spécifiques. 9 Formation en économie générationnelle et réalisation du dividende démographique au Sahel, Cheikh Seydil Moctar Mbacke et Latif Dramani, juin 2016. 10 Les données empiriques concernant le dividende démographique en Asie de l’Est ont été abondamment documentées (Bloom et Williamson, 1998 ; Bloom et coll., 2000). De même, la chute spectaculaire des taux de fécondité au Bangladesh a représenté jusqu'à 25 % de la réduction rapide des niveaux de pauvreté (Banque mondiale, 2013). SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 18 Les gouvernements peuvent envisager une approche à deux volets pour profiter des bénéfices potentiels du premier dividende économique. Tout d’abord, ils doivent s’assurer que des politiques sont mises en place pour accélérer l’évolution de la pyramide des âges afin de faire baisser les ratios de dépendance et créer des conditions favorables à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté. Le Niger, la Guinée et le Mali doivent pérenniser les progrès réalisés pour réduire la mortalité infantile en continuant à investir dans des programmes de réduction de la morbidité et la malnutrition. Le Tchad et la RCA doivent redoubler d’efforts pour réduire les taux excessivement élevés de mortalité des nourrissons et des enfants de moins de 5 ans. L’amélioration de la survie des enfants aidera les couples à atteindre le nombre d’enfants désiré et contribuera à la réduction de la fécondité. Les cinq pays doivent tous redoubler d’efforts pour s’attaquer à la fécondité de façon plus volontariste, en particulier pour résoudre la question du nombre élevé de mariages précoces, qui rallongent la vie reproductive et demeurent un facteur déterminant essentiel des taux de fécondité élevés. Une combinaison de politiques et de stratégies doit être envisagée, visant notamment à : (i) renforcer les opportunités et services destinés aux adolescentes, y compris des services de santé reproductive spécialisés, des aptitudes à la vie quotidienne et une éducation informelle pour celles qui sont sorties du système éducatif ; (ii) améliorer l’accès aux services de planification familiale et de santé reproductive en mettant un accent particulier sur les femmes des quintiles de richesse les plus bas, moins instruites et/ou vivant dans des zones rurales ; (iii) faciliter la transition du primaire au secondaire et s’assurer que toutes les filles terminent au moins les quatre premières années du secondaire (6e à 9e année), ce qui retardera la première grossesse ; et (iv) élargir les possibilités économiques pour encourager les femmes à contrôler leur santé reproductive. Si la plupart de ces mesures peuvent être appliquées efficacement à moyen terme, d’autres, telles que l’élargissement de l’accès à l’enseignement secondaire, se produiront dans un horizon plus lointain. De même, il faudra du temps pour faire évoluer les normes sociales traditionnelles régissant les décisions en matière de fécondité et pour promouvoir l’égalité des sexes. Pour cela, il faudra lancer des débats nationaux sur les choix qui se présentent aux couples et aux familles en termes de procréation et d’investissements en capital humain, en particulier au Niger, au Mali et en Guinée. Deuxièmement, les gouvernements doivent mettre en place des politiques visant à assurer l’emploi productif de la population croissante en âge de travailler. Si l’accès à un emploi rémunérateur pour les nombreux jeunes entrant sur le marché du travail reste un défi, des politiques de soutien à l’investissement (par ex., la création d’un environnement propice solide pour attirer des investissements étrangers, la réduction des barrières commerciales) permettront de stimuler la demande de main-d’œuvre. Pour résumer, ce groupe de pays d’Afrique occidentale et centrale se trouve à un tournant décisif et a l’opportunité de prendre des mesures audacieuses et d’adopter des politiques appropriées pour profiter des avantages potentiels du dividende démographique. Ce processus ne sera ni facile ni automatique. Compte tenu des niveaux historiquement élevés de fécondité dans la plupart de ces pays, les populations totales continueront à croître rapidement dans le cadre des trois scénarios de fécondité. Néanmoins, un déclin rapide de la fécondité entraînera une baisse importante des rapports de dépendance, des pyramides des âges plus favorables et des avantages considérables au niveau des ménages en matière de santé infantile et maternelle. Les perspectives de trajectoire de croissance économique et de réduction de la pauvreté dans ce groupe de pays seront considérablement améliorées par des politiques et des investissements qui favoriseront des familles moins nombreuses et une augmentation du travail productif pour la population en âge de travailler. THÈMES SPÉCIAUX 19 TABLEAU 1 : POLITIQUES VISANT À RÉCOLTER LE DIVIDENDE DÉMOGRAPHIQUE Objectif Politiques Accélérer le déclin de la Réduire la mortalité infantile, la morbidité, la malnutrition fécondité Améliorer l’éducation des femmes et l’égalité entre les genres S’attaquer aux normes sociales sur la fertilité Réduire les mariages des enfants et les grossesses chez les adolescentes Renforcer les programmes complets de planification familiale Récolter le premier dividende Améliorer l’éducation et le capital humain économique Attirer l’investissement direct étranger Améliorer l’environnement des affaires afin de renforcer la demande de main-d’œuvre Réduire les barrières commerciales Encourager l’emploi des femmes à l’extérieur de la maison Récolter le deuxième dividende Améliorer les politiques et créer des institutions chargées économique de l’investissement et de l’épargne nationale Source : La transition démographique de l’Afrique : dividende ou catastrophe ? Canning et coll. 2015. SPECIAL TOPICS: DEMOGRAPHIC CHALLENGES 20 Dossier spécial République centrafricaine Jeter les bases de la stabilité et de la croissance en RCA Par Patricia Geli11 La République centrafricaine (RCA) a récemment tenu des élections présidentielles et législatives qui ont mis fin à trois ans de transition politique et d'affrontements fratricides. En février 2016, Faustin-Archange Touadéra, ancien Premier ministre sous le régime du président déchu François Bozizé, a été élu chef de l'État avec 63 % des voix. Le second tour des élections législatives a eu lieu le lendemain, et Abdoul Karim Meckassoua, homme politique musulman renommé, a été élu président de l'Assemblée nationale le 6 mai. Cette situation a pris un tournant décisif avec le retour à des institutions démocratiques, à des perspectives de paix après un cycle de violences et d'instabilité politique depuis fin 2012 puis à partir de 2015, et des perspectives de reconstruction de l'économie, de réduction de la pauvreté, et de sortie progressive de la fragilité. Le gouvernement nouvellement élu se concentre sur les réformes visant à faciliter ce processus à travers le renforcement de la sécurité, du processus de paix et de réconciliation, la reconstruction des institutions gouvernementales et l'amélioration de la gestion économique. Les atouts de la RCA sont exceptionnels. Le pays possède d'abondantes ressources naturelles qui peuvent favoriser une croissance rapide et le développement social et économique. La RCA dispose d'importantes 11 Cet article est un résumé de la Synthèse des études consacrées aux politiques publiques de la République centrafricaine publiées récemment. L'auteur exprime sa gratitude pour les conseils et les contributions précieux de l'équipe de direction AFCW3, Seynabou Sakho et Sona Varma. DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 21 ressources en eau – cinq fois la moyenne en Afrique subsaharienne (ASS) pour les ressources en eau renouvelables par habitant – et d'un important potentiel hydroélectrique. Outre son climat tropical et ses vastes étendues de terres arables, la RCA bénéficie de conditions très favorables à l'amélioration du secteur agricole, ce qui pourrait favoriser le développement de l'agriculture de subsistance et des sources indépendantes de revenus pour la population. Par ailleurs, les ressources minérales et forestières substantielles du pays pourraient augmenter les possibilités d'emploi et les recettes publiques, ainsi que les investissements dans les services sociaux. Bien que l'industrie extractive de la RCA soit focalisée à ce jour principalement sur l'or et les diamants, son potentiel reste largement inexploré et pourrait inclure de nombreux autres minéraux. Située au cœur du continent africain, la RCA peut devenir une importante plaque tournante du commerce si les infrastructures et les politiques nécessaires étaient améliorées, y compris dans le secteur de l'énergie. Enfin, le secteur des technologies de l'information et de la communication (TIC) est aujourd'hui l'un des moins développés en Afrique subsaharienne, malgré la concurrence entre plusieurs opérateurs, car il s'est considérablement détérioré par rapport à la performance proche de la moyenne de l'Afrique centrale enregistrée fin 2010. Cependant, la RCA est confrontée à des défis redoutables. La pauvreté endémique est aggravée par la fragilité de l'économie et la mauvaise gouvernance. Si la RCA était déjà l'un des pays les plus pauvres du monde avant le conflit de 2012, les taux de pauvreté ont fait un bond à plus de 76 % en 2013 et restent élevés. En 2014, le revenu national brut (RNB) par habitant de 600 USD (en PPA) était le plus bas au monde. L'absence de l'État et la faiblesse chronique des recettes font que la grande majorité de la population n'a pas accès à de nombreux biens publics, y compris la sécurité, la justice et les services de base. Le taux de mortalité maternelle, estimé à 882 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2015, est l'un des plus élevés au monde. En 2015, 68 % des jeunes âgés de 15 à 24 ans n'auraient pas terminé leurs études dans le primaire. Les enfants, en particulier dans les zones rurales, ont perdu deux années de scolarité du fait de la crise. Sans la capacité financière nécessaire et les compétences professionnelles et techniques requises pour faire face à ces défis, des pratiques clientélistes abondent dans le secteur public. Les régimes successifs ont renforcé la prédation par l'État, ainsi que la confiscation privée des ressources, appauvrissant encore davantage la population et réduisant les capacités de l'État, en particulier dans les régions éloignées. Enfin, la récente vague de violence a créé une grave crise humanitaire, déchirant le tissu social du pays et laissant la moitié de la population dans le besoin d'une aide d'urgence. Des violations des droits de l'Homme et des crimes de guerre se sont produits dans la totalité du pays – exécutions, viols et pillages. La propagation incontrôlable des atrocités commises par la coalition Seleka en 2013 a entraîné la résurgence de milices anti-balaka, qui devaient initialement faire partie d'une force de protection. À mesure que la confrontation entre les deux groupes s’est intensifiée, les forces anti-balaka ont mené des représailles de plus en plus nombreuses, qui ont entamé un cycle de violences sans précédent. Avec la mise à mort de milliers de militants et de civils par les deux forces, le conflit menaçait de se transformer en génocide. Les conséquences d’un conflit armé long de près de deux années restent très importantes. Un quart de la population est toujours déplacée, plus de la moitié ayant actuellement besoin d'une aide humanitaire d'urgence. Sans surprise, l'agriculture, le bois et la production de diamants ont été gravement touchés par l'insécurité et le pillage, affectant fortement les moyens de subsistance, la sécurité alimentaire et les exportations. L'effondrement de l'économie qui s'en est suivi, avec une contraction de 36 % en 2013, a davantage affaibli la capacité de résilience de la population et entravé la reprise. Les destructions considérables subies dans les infrastructures publiques déjà fragiles ont été aggravées par la rupture des liens sociaux au sein des communautés et entre elles. En 2013, la fermeture du couloir 22 Bangui-Douala a mis un terme aux échanges internationaux officiels, et le PIB a reculé de 36 %. L'effondrement des recettes publiques a entraîné un retard de 3 mois dans le paiement des salaires, tandis que l'investissement public est passé brutalement de 6 % du PIB à 1,4 % seulement. En 2014, le PIB par habitant réel de la République centrafricaine s'était contracté de deux tiers, plaçant le pays au troisième rang, en termes de pauvreté, des 213 États du Rapport sur le développement dans le monde de la Banque mondiale. La République centrafricaine arrivait également à l'avant-dernier rang (187e) de l'Indice de développement humain de l'Organisation des Nations Unies. En outre, depuis la crise, l'écart de revenu par rapport au reste de l'Afrique subsaharienne a considérablement augmenté (Figure 10). Avec l’amélioration de la sécurité et l’entrée en fonction d’une nouvelle administration, les indicateurs d'une reprise économique imminente sont apparus : les grands équilibres macroéconomiques se rétablissent, l'investissement privé retrouve ses niveaux antérieurs à la crise, les services publics sont progressivement restaurés dans l'ensemble du pays, et les partenaires privilégient à nouveau l'assistance au développement à long terme, au détriment de l'aide d'urgence. Cependant, les avancées économiques ont été très limitées. La croissance du PIB demeure à ce jour anémique par rapport aux autres pays d'Afrique subsaharienne sortant d'un conflit. Même si le pays a rompu avec l'inflation à deux chiffres enregistrée au plus fort de la crise, elle demeure supérieure de 3 % à l'objectif fixé par la Communauté économique et monétaire des États de l'Afrique centrale (CEMAC). La mobilisation des ressources nationales n'est toujours pas suffisante pour financer à la fois les salaires du secteur public et les dépenses prioritaires, et l'économie demeure dépendante de l'aide extérieure. La capacité de l'administration publique doit être reconstituée pour pouvoir soutenir certaines fonctions essentielles, et notamment la perception des recettes publiques, la gestion des dépenses, l'investissement public et la préservation d'un climat favorable aux entreprises, en particulier dans les secteurs de l'agriculture, de l'énergie, et des activités forestières et minières. FIGURE 10 : ÉVOLUTION DU PIB PAR HABITANT RÉEL EN RCA ET EN ASS, 1960-2014 (1960 = 100) 200.00 RCA ASS 150.00 100.00 50.00 0.00 1960 1962 1964 1966 1968 1970 1972 1974 1976 1978 1980 1982 1984 1986 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 Source : Indicateurs du développement dans le monde 2015 DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 23 Les premiers mois de la transition politique offrent au nouveau gouvernement une fenêtre d'opportunité unique de s'appuyer sur le mandat que viennent de lui confier les électeurs pour engager un effort décisif en faveur d'une stratégie de réforme audacieuse. Une reprise économique forte, caractérisée par une croissance accélérée de l'emploi, sera essentielle à la préservation de la stabilité politique et à la consolidation du processus de paix. Une croissance forte est également une condition nécessaire, bien que loin d'être suffisante, pour lutter contre la forte hausse de la grande pauvreté pluridimensionnelle engendrée par la crise. L E S « Q U AT R E R » D E L A R É S I L I E N C E A P R È S L E C O N F L I T ET LE RETOUR À LA CROISSANCE La République centrafricaine dispose d'un certain nombre d'atouts de nature à accélérer sa reprise économique. Bien gérées, les réserves aurifères et diamantifères du pays, qui ont certes alimenté le récent conflit, pourraient faire office de catalyseur de croissance et constituer une précieuse source de recettes publiques. La République centrafricaine est riche en terres arables et en ressources aquifères, et elle a le potentiel requis pour parvenir à l'autosuffisance alimentaire, voire pour devenir un pays exportateur de denrées agricoles. Bien qu'enclavé, le pays constitue un passage obligé pour le transport routier et fluvial entre pays voisins. En outre, sa population jeune, en rapide expansion, pourrait, moyennant un taux de création d'emplois suffisant, générer un « dividende démographique ». Pour réaliser le plein potentiel représenté par ces avantages, les autorités doivent apporter une réponse efficace à toutes les sources de vulnérabilité politique et économique à travers quatre canaux : Réconciliation, Redressement, Reconstruction et Restauration. L'importance critique d'une action coordonnée pour l'ensemble des « quatre R » du redressement après le conflit ne saurait être exagérée. Comme décrit à la Figure 11, des réformes dans un domaine renforcent les réformes dans d'autres secteurs, contribuant ainsi à un cercle vertueux de la croissance et du développement social. Les sections suivantes décrivent en détail les principales questions et recommandations dans chaque domaine. FIGURE 11 : LES « QUATRE R » DE LA RÉSILIENCE POST-CONFLIT Redressement: caractérisé par une croissance forte, durable et inclusive => Objectif : création d’emplois Reconstruction des Réconciliation : éviter le retour à infrastructures de base une situation de conflit => Objectif : développement du => Objectif : paix et sécurité capital physique Restauration des services sociaux essentiels => Objectif : formation du capital humain 24 R É C O N C I L I AT I O N La Réconciliation est la condition préalable la plus fondamentale d'une stabilisation post-conflit et d'un retour à la croissance. La réconciliation est au cœur de la fragilité politique et sociale, et ses dimensions s'étendent bien au-delà du périmètre de cette série d'études consacrées aux politiques publiques. Le rétablissement de la confiance dans une société traumatisée et profondément divisée constituera un processus à long terme extrêmement difficile. La réconciliation nationale exigera un dialogue large, un développement centré sur les populations locales, un système judiciaire transitoire axé sur la réparation émotionnelle et une aide aux victimes en deuil plutôt qu’une rétribution. La correction des déséquilibres régionaux dans les domaines des services publics, de l'investissement et des opportunités économiques contribuerait, en orientant vers les régions une part plus importante des ressources jusqu'ici monopolisées par la capitale Bangui, à la construction d'une cohésion nationale et sociale. Au fil du temps, la reconstitution et l'expansion du système judiciaire formel jetteront les fondations d'une société plus juste et plus durable. Désarmement, démobilisation, réinsertion et réforme du secteur de la sécuritér Le processus de réinsertion économique des anciens combattants et des autres groupes affectés par le conflit est essentiel au processus de paix. Depuis 2000, la République centrafricaine a fait trois tentatives de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), qui ont toutes échoué, et la rupture du processus de DDR après la signature de l'accord de Libreville en 2008 a été un facteur clé du conflit de 2013. Bien que ce processus soit étroitement lié à l'équilibre politique et stratégique dans le cadre du processus de paix, le retour à la vie civile de milliers d'anciens combattants a pesé sur les ressources limitées de l'État, et des programmes spécialisés d'emploi et de formation professionnelle soutenus par les partenaires au développement de la République centrafricaine seront indispensables pour intégrer cet afflux de nouveaux travailleurs sur le marché du travail. À défaut d'accès à des activités génératrices de revenus, les anciens combattants ne seront que trop enclins à recourir une nouvelle fois au conflit pour subsister. Le programme rwandais de désarmement, démobilisation et réinsertion constitue un modèle crédible de création de centres locaux d'enseignement et de formation professionnelle, mais également de mise en correspondance d'anciens combattants avec des opportunités économiques. Des travaux publics à forte intensité de main- d'œuvre peuvent offrir des emplois temporaires importants parallèlement à la mise en place de programmes de formation professionnelle et durant la phase d'accélération de la croissance économique. La Réforme du secteur de la sécurité (RSS), qui implique la réforme des forces militaires et de sécurité – notamment la réduction des effectifs des structures militaires formelles de l'État et des éléments connexes et la mise en place d'un contrôle civil efficace – a un lien important avec le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion. Bien que la RSS ait été lancée en 2008 et soit soutenue par les Nations Unies et l'Union européenne, le processus a été bloqué par le manque d'engagement politique, de financement et de capacités de l'État à mettre en œuvre un programme ambitieux. Pour réussir, la RSS aura besoin d'une volonté politique ferme, d'un système juridique qui fonctionne, et d'un soutien massif et durable de la communauté internationale. Et elle devra être mise en œuvre en tenant dûment compte, d'un point de vue financier, de ce qui constitue une taille durable pour le secteur de la sécurité. Les règles équitables de recrutement et d'avancement de la fonction publique devraient être envisagées pour le secteur, et celles-ci devraient DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 25 prendre en compte la nécessité d'une surveillance civile. La RSS devrait recevoir un appui financier suffisant des donateurs, notamment pour fournir un soutien suffisant pour la retraite, la procédure de sélection sur dossier, le recyclage, l'hébergement de base et l'équipement. 12 REDRESSEMENT Un redressement économique durable caractérisé par une multiplication des opportunités d'emploi constituera une alternative attrayante à la délinquance, à la violence et à l'exploitation. Des mesures destinées à stimuler la croissance et encourager l'intégration à l'économie formelle dans les secteurs à forte intensité de main- d'œuvre tels que l'agriculture, l'exploitation forestière et les activités extractives, permettront à la République centrafricaine de tirer pleinement parti de la jeunesse de sa population et de son expansion démographique. Les créations d'emploi propres à générer des revenus en hausse dans le temps offriront aux jeunes travailleurs (et notamment aux anciens combattants et aux victimes de violences) la possibilité de progresser par des moyens pacifiques, en réduisant les incitations à rechercher des revenus dans la délinquance et les conflits. À l'inverse, le manque de création d'emplois en nombre suffisant pour répondre aux besoins d'une main-d'œuvre en expansion pourrait nuire à la stabilité politique et sociale, et favoriser un retour à la violence. Stabilité macroéconomique et discipline fiscale L'économie de la République centrafricaine s’est remise assez lentement du conflit. Alors que, après un conflit, un pays connaît d’ordinaire une période de forte croissance quand l'activité revient à la normale, cela n’a pas été le cas jusqu'ici en République centrafricaine. L'économie s'est certes contractée d'environ 50 % entre 2013 et 2014, mais, en 2015, le taux de croissance du PIB demeurait modeste et se situait à environ 5 %. La suspension des exportations légales de diamants durant la crise a été un facteur essentiel de la lenteur de la reprise de l'économie nationale, mais des efforts ont été engagés pour rétablir la conformité au Système de certification du Processus de Kimberley. La brutale expansion des activités informelles dans les secteurs du diamant, de l'or et du bétail durant la crise ralentit la croissance nationale, tandis que les entreprises internationales de la filière bois ont hésité à reprendre leurs activités. De ce fait, les exportations demeurent inférieures de 25 % au niveau d'avant-crise. Enfin, les importants déplacements de population, la profonde perturbation des filières agricoles et la destruction du maigre capital productif des petits exploitants agricoles continuent à peser sur la production agricole, qui est à la fois une composante essentielle et une source de moyens de subsistance pour une majorité de la population de la République centrafricaine. L'effondrement de l'activité économique a eu une incidence profondément négative sur les équilibres fiscaux. Les recettes budgétaires intérieures ont chuté de deux tiers en 2013, et en 2015, elles se sont maintenues à environ 60 % de leur niveau d'avant la crise, soit 7,1 % du PIB. Dans le même temps, les dépenses d'investissement du secteur public sont passées de 1,5 % du PIB en 2012 à 0 en 2014, avant d'augmenter à nouveau à 0,3 % en 2015. Parallèlement, le soutien budgétaire extérieur n'a pas suffi à combler les déficits budgétaires de financement en 2014 et 2015, entraînant l'accumulation d'arriérés nationaux. Les autorités s'efforcent de rétablir les fonctions de gestion financière publique de l'État. Un système de gestion financière publique solide est essentiel à une administration publique efficace. Avant la crise, l'État avait réalisé des progrès importants dans l'amélioration de la gestion des salaires et de trésorerie : la base de données publique des salaires, fonctionnaires et agents publics a été fusionnée au sein d'un système unique ; un nouvel organigramme a été adopté et jusqu'au début de l'année 2013, tous les salaires ont été versés par 12 Évaluation de la fragilité de la République centrafricaine, 6 avril 2016. 26 le canal du système bancaire. Un compte de trésorerie unique a été ouvert et un comité de trésorerie présidé par le chef de l'État a été créé pour gérer les priorités en matière de dépenses. Cependant, pendant la crise, enseignants, fonctionnaires et agents publics impayés ont abandonné leur poste, et le système budgétaire informatisé est tombé en panne. Par conséquent, les processus budgétaires ont dû être mis en œuvre manuellement. Après stabilisation de la situation politique, l'État a commencé à reconstruire ses systèmes de gestion financière publique. En 2014, les autorités ont commencé à exécuter un plan de trésorerie hebdomadaire, constituant une première étape vers un retour au système de compte de trésorerie unique et, en 2015, une Agence comptable centrale du Trésor a été créée. Si les autorités peuvent se flatter d'avancées importantes dans ce sens, les contrôles de gestion n’ont toujours pas été pleinement rétablis, et en 2015, 70 % des dépenses budgétaires étaient toujours approuvées au moyen de procédures exceptionnelles. Agriculture Le secteur agricole joue toujours un rôle majeur dans l'économie de la République centrafricaine. Il représente approximativement 55 % du PIB, plus de 75 % de la consommation intérieure de denrées alimentaires et plus de 70 % de l'emploi. Toutefois, 5 % seulement des 15 millions d'hectares de terres arables de la République centrafricaine sont actuellement cultivés, moins de 2 % de la production agricole sont exportés et le secteur agricole représente moins de 3 % de la totalité des dépenses publiques. L'insécurité alimentaire est extrêmement répandue, et en dépit d'importations alimentaires considérables, l'apport calorique par habitant de la population est l'un des plus faibles d'Afrique subsaharienne. L'insécurité alimentaire demeure ainsi la principale priorité des politiques publiques dans le secteur agricole. À plus long terme, un passage progressif à des cultures commerciales pourrait constituer une précieuse source de revenus et permettre la création d'emplois indirects. Le potentiel en termes de création d'emplois de l'agriculture de subsistance est également énorme, et le secteur devra absorber une part importante des personnes déplacées et des réfugiés de retour. Pour reconstruire les filières agricoles et encourager l'investissement dans les activités agricoles, les autorités devront éliminer les contraintes qui limitent la productivité, et notamment les coûts élevés des transports, l'absence d'installations de traitement et de stockage, la limitation de l'accès aux financements, des marchés de facteurs de production sous-développés et de faibles niveaux de capital humain. De plus, les conflits non résolus entre bergers et cultivateurs demeurent une plaie ouverte, tout comme les différends transfrontaliers périodiques avec les bergers tchadiens et soudanais. Dans ce contexte, l'adoption d'un nouveau code foncier agropastoral pourrait contribuer à l'amélioration de la sécurité et promouvoir des investissements plus importants dans le secteur. Exploitation forestière Le bois est la principale matière première d'exportation du pays, représentant plus de la moitié du total des exportations, qui contribue dans une mesure importante aux recettes fiscales à l’échelon local et national. Le secteur du bois représentait environ 7 % des recettes de l'État avant la crise financière mondiale de 2008, mais cette part est tombée à 2 % après 2009. En République centrafricaine, les zones forestières couvrent environ 5,4 millions d'hectares : 3,8 millions ha dans le sud-ouest et 1,6 million ha dans le sud-est. Pour l'instant, l'exploitation forestière industrielle n'est présente que dans le sud-ouest, et le potentiel représenté par les zones forestières inexploitées est considérable. Le Code forestier de 2009 a renforcé le cadre juridique du secteur et contribué au respect par la République centrafricaine du processus d’application des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux (FLEGT), qui promeut les activités forestières durables et combat les pratiques illégales. Dans le cadre de ce processus, les forêts de République DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 27 centrafricaine ont été analysées et cartographiées en détail, et des études socio-économiques des populations forestières ont contribué à l'acquisition d'une contribution plus approfondie des spécificités de leur situation et de leurs priorités en termes de développement. Avant la crise, l'Agence de gestion durable des ressources forestières supervisait les opérations de 14 concessions forestières couvrant 3,5 millions d'hectares et s'assurait du respect des plans de gestion durable convenus entre les entreprises d'exploitation forestière et les pouvoirs publics. Depuis le conflit de 2013, l'exploitation forestière en est au point mort, les travaux ayant été interrompus ou réduits au minimum dans toutes les concessions forestières, et plusieurs entreprises ont été victimes de pillages importants, ou ont vu leurs équipements endommagés. Si certaines entreprises s'efforcent de reprendre leurs activités, d'autres en sont réduites à réparer les dommages. L'insécurité persistante dans le couloir Bangui- Douala demeure une contrainte importante. Même si les autorités s'efforcent de protéger les convois, les entreprises forestières indiquent qu'une part importante de leur parc de poids lourds demeure immobilisée pour des raisons de sécurité. Les arriérés d'impôts impayés aux collectivités locales constituent également un problème sectoriel important qui nécessitera des mesures conjointes de l'État et du secteur privé. Industries extractives La République centrafricaine dispose de ressources importantes en minerais, et notamment diamantifères et aurifères bien connues, ainsi que de réserves inexploitées d'uranium et d'autres métaux précieux. En République centrafricaine, les activités extractives sont uniquement artisanales et aucune concession commerciale n'est active. Les activités extractives artisanales sont à très forte intensité de main-d'œuvre et, dans certaines régions, représentent une source essentielle d'emploi et de revenus. Environ 80 000 mineurs artisanaux gèrent des permis pour le compte d'un courtier en minerais immatriculé ; chacun d'eux fait appel, en moyenne, à 4 travailleurs par concession. Tous les mineurs artisanaux sont tenus de vendre à des intermédiaires agissant en qualité d'agents collecteurs pour les principaux responsables des achats à Bangui. Globalement, jusqu'à 450 000 mineurs artisanaux, travailleurs, agents de collecte et responsables des achats travaillaient dans le secteur des industries extractrices jusqu'à la crise de 2013. Le niveau des activités du secteur des industries extractives est toutefois très inférieur à son potentiel, le conflit ayant profondément transformé leur nature, et freiné l'exploitation des seules concessions minières commerciales du pays – une mine d'or et la première mine d'uranium centrafricaine. Dans le même temps, les exportations légales de diamants ont cessé, la République centrafricaine ayant été suspendue du Système de certification du Processus de Kimberley en mai 2013, entraînant une réduction de la production, des exportations et des investissements officiels, et ramenant les recettes fiscales du sous-secteur du diamant à des niveaux négligeables. Le nombre d’acheteurs de diamants immatriculés a chuté de 352 en 2011 à 134 en 2015, bien que nombre d'entre eux aient très vite repris leurs activités sur la frontière avec le Cameroun. Cependant, les activités artisanales d'extraction de diamants et de minerai d'or n'ont pas cessé entièrement, et un négoce informel important s'est développé. L'ONU estime qu'au cours de la période 2013-2015, deux tonnes d'or avaient été exportées chaque année via le Cameroun, avec un total de 140 000 carats de diamants, évalués à 24 millions USD. En juin 2016, Berberati, au sud-ouest du pays, est devenu la première zone conforme autorisée à exporter les diamants certifiés trois ans après la suspension imposée par le Système de certification du Processus de Kimberley (SCPK). On estime que 20 000-50 000 carats seulement seraient exportés de Berberati. Avec une 28 valeur moyenne de 161,27 USD le carat (sur la base des statistiques officielles établies de 2005 à 2013), cela équivaudrait à moins de 1 million USD en recettes fiscales à un taux réduit de la taxe à l'exportation de 6 % (une réduction actuellement en discussion au sein du ministère des Finances). Toutefois, si le taux actuel de la taxe à l'exportation était appliqué (12 %), on pourrait prévoir un doublement des recettes fiscales. Bien qu'une mise en œuvre réussie à Berberati puisse ouvrir des possibilités à d'autres zones productrices de diamants pour la reprise d'activités commerciales légales dans le cadre du SCPK, les autorités doivent cependant surmonter de multiples défis pour rétablir l'exploitation normale du secteur des industries extractives. Si le Code minier de 2009 est en grande partie aligné sur les meilleures pratiques internationales en matière d'exploration, une simplification de son régime d'attribution de licence excessivement complexe faciliterait de nouveaux investissements dans le secteur. En outre, le système d'enregistrement des mineurs artisanaux devrait être révisé pour encourager une intégration au secteur formel et promouvoir une conformité permanente au Système de certification du Processus de Kimberley. La structure fiscale des activités extractives commerciales et artisanales ne reflète pas les meilleures pratiques internationales ; en outre, les taux d'imposition élevés et une réglementation pointilleuse contribuent à décourager encore les investissements, notamment dans le sous-secteur commercial. Les obligations sociales et environnementales du Code minier de 2009 sont également loin des meilleures pratiques internationales, et il serait souhaitable que les autorités sollicitent une aide technique pour élaborer un programme de réforme dans ce domaine, comme dans d'autres, de la législation des industries extractives. RECONSTRUCTION Le redressement économique de la RCA s'articulera sur la reconstruction de ses infrastructures publiques de base. Des infrastructures fiables (et en particulier les routes et les services collectifs) sont essentielles à l'investissement et la croissance. Elles peuvent également améliorer l'efficacité de la prestation de services, en particulier dans les régions pauvres et mal desservies. Les investissements publics ont régulièrement diminué ces dernières décennies, cette situation laissant les systèmes critiques dans un état de délabrement croissant, considérablement aggravé par le récent conflit. Toutefois, un programme d'investissement bien ciblé pourrait faciliter des progrès rapides dans les secteurs de l'énergie, eau, assainissement, transports et télécommunications, et créer ainsi l'infrastructure de base nécessaire à une croissance durable. Transports La reconstruction de l'infrastructure de transport de la République centrafricaine peut favoriser une croissance intégratrice en liant les producteurs aux marchés, en réduisant les coûts des biens de consommation et d'équipement importés, et en créant des emplois directs et indirects pour la main-d'œuvre en rapide expansion du pays. Cependant, les infrastructures de transport centrafricaines sont extrêmement faibles et ont subi des dommages considérables du fait du récent conflit et après des décennies de sous-investissement chronique. Parce qu'elle est un pays enclavé, la République centrafricaine dépend fortement de son système de transports terrestres, qui inclut à la fois le réseau routier et les voies navigables. Le réseau routier national est toutefois très réduit et en très mauvais état. Seuls 855 km de routes, soit 3,5 % du réseau routier du pays, sont bitumés, et seule une fraction limitée de la population rurale centrafricaine a accès à ces routes en toute saison. Le couloir Douala-Bangui est l'axe commercial le plus important du pays. Le mauvais état de la chaussée et l'insécurité persistante dans le couloir alourdissent cependant les coûts de transports DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 29 et contribuent à dégrader la compétitivité de la République centrafricaine sur les marchés régionaux et mondiaux. Le transport fluvial constitue une alternative prometteuse au transport routier, mais le volume des marchandises acheminées au moyen des cours d'eau navigables centrafricains a diminué régulièrement au cours des dernières décennies en raison de la baisse du niveau des eaux, d'investissements insuffisants dans les activités portuaires et du manque de coordination des politiques publiques concernant les divers modes de transport entre les pays. Énergie Le caractère inadéquat de l'alimentation en énergie en République centrafricaine pèse lourdement sur la croissance et la compétitivité. La fiabilité de l'alimentation énergétique est cruciale, aussi bien pour l'économie que pour le développement social. Les investissements dans les capacités de production et de transport électriques ne sont, depuis longtemps, pas à la hauteur de la demande, et les infrastructures du secteur sont à la fois limitées et en très mauvais état. Le service public de l'électricité, Énergie centrafricaine (ENERCA), pâtit de déficits techniques, organisationnels et financiers graves, et le secteur manque d'une vision ou d'une stratégie de développement claire en termes de politique publique. La crise de 2013 a exacerbé toutes ces questions, laissant le secteur de l'énergie au bord de l'effondrement. Pour aggraver encore la situation, l'accès à l'électricité est parmi les plus limités d'Afrique subsaharienne, car 8 % de la population seulement ont accès à l'énergie électrique. Le réseau de Bangui dessert environ 28 000 clients, bien que selon les estimations actuelles, la demande dans la capitale soit deux fois supérieure à la capacité totale d'alimentation, et Bangui connaît des délestages qui durent 16 à 18 heures chaque jour. Hors de Bangui, ENERCA fournit en général quelques heures d'électricité par nuit, et bien que plusieurs villes de province disposent de groupes électrogènes diesel, seuls deux d’entre eux sont actuellement en état de fonctionner. Les entreprises nécessitant une alimentation électrique fiable sont souvent contraintes d'acquérir des groupes électrogènes privés, alourdissant considérablement leurs coûts de production. Le coût élevé de l'électricité et l'instabilité de l'alimentation découragent l'investissement dans les secteurs industriels et de services les plus sophistiqués, et empêchent une diversification de l'économie de la République centrafricaine au-delà des produits agricoles de base et des ressources naturelles. L'insuffisance de l'alimentation électrique a également des répercussions importantes au niveau social, puisqu'elle restreint le fonctionnement des établissements hospitaliers et scolaires, ainsi que des services sociaux, en particulier hors de Bangui. L'accès limité à l'électricité aggrave encore les disparités socio-économiques entre la capitale et les régions, et entre les populations rurales et urbaines de République centrafricaine. Eau Bien que la République centrafricaine dispose de considérables ressources renouvelables en eau, l'accès à l'eau potable et l'assainissement y sont très limités. Trente pour cent seulement de la population ont accès à l'eau potable, à raison de 36,5 % à Bangui et 27 % en zone rurale. L'infrastructure d'adduction d'eau de Bangui est ancienne et mal entretenue, et même à pleine capacité, elle ne suffirait pas à répondre à la demande. La plupart des ménages ruraux ont recours à des puits équipés de pompes manuelles et les réseaux d'adduction d'eau sont limités à Bangui et à quelques centres urbains importants. La République centrafricaine ne dispose d'aucun système d'assainissement intégré combinant réseau d'égouts et traitement des eaux usées. La plupart des ménages urbains disposent de latrines privées ; il n'en va pas de même à la campagne où la défécation à l’air libre est la pratique dominante, ce qui n'est pas sans créer des risques environnementaux et de santé publique graves. Les taux d'accès à l'assainissement vont de 44 % en zone 30 urbaine à seulement 7 % en milieu rural ; selon les estimations, la moyenne nationale serait de 22 %. Le service public des eaux, la Société de distribution des eaux de Centrafrique (SODECA), subit des dommages techniques et des pertes commerciales importantes susceptibles de se traduire par de nouvelles charges financières. De manière générale, des services d'adduction d'eau et d'assainissement inadéquats coûtent à la République centrafricaine environ 64 millions USD par an (soit près de 4,5 % du PIB) en frais sanitaires élevés et pertes de productivité. Télécommunications Le secteur centrafricain de l'informatique et des communications est l'un des moins développés d'Afrique subsaharienne, et ses indicateurs qualitatifs et de couverture comptent parmi les plus bas du monde. En 2014, la République centrafricaine arrivait au 167e et dernier rang de l'Indice d'accès au numérique de l'Union internationale des télécommunications ; elle figurait en outre parmi les 7 pays ayant obtenu le résultat le plus faible dans l'Indice d'adoption du numérique (DAI) 2016 de la Banque mondiale. Fin 2015, le taux de pénétration de la téléphonie portable atteignait seulement 37 %, contre 67 % pour la région de l'Afrique centrale et 77 % pour l'Afrique subsaharienne dans son ensemble. La pénétration du haut débit portable et les taux d'utilisation d'Internet sont également très bas. Malgré le lancement de services 3G il y a plus de trois ans, le nombre de cartes SIM compatibles 3G par habitant est inférieur à 1 %, c'est-à-dire à un niveau très inférieur à la moyenne de 8 % pour la région d'Afrique centrale et de 19 % pour l'Afrique subsaharienne. Le taux de pénétration de la téléphonie portable 3G en République centrafricaine est désormais inférieur à celui du Tchad (1,6 % fin 2015), bien que les services 3G y aient été lancés en février 2013, soit un an et demi avant leur mise en place au Tchad. Moins de 1 % des ménages de République centrafricaine ont accès à Internet à domicile, contre 12 % en moyenne en Afrique subsaharienne. Dans l'ensemble, les services de téléphonie portable dominent le secteur de l'informatique et des communications, mais les prix demeurent élevés et la qualité du service médiocre. L'absence de liaison internationale majeure en fibre optique vers le Cameroun, le Tchad ou la République du Congo limite considérablement la connectivité, et la faiblesse des débits internationaux explique les tarifs élevés et la concurrence restreinte sur le marché de l'informatique et des communications. R E S TA U R AT I O N Un redressement intégrateur sera essentiel au processus de paix et exigera la restauration de services sociaux essentiels, en accordant une attention spécifique aux besoins des groupes vulnérables. Les indicateurs économiques et sociaux de la République centrafricaine décrivent une situation très inférieure à celle de pays comparables de la région. Dans ce contexte, la formation du capital humain sera essentielle à une croissance durable reposant sur une assise large. Une main-d'œuvre en meilleure santé, mieux formée et progressivement mieux qualifiée, renforcera la croissance des secteurs à forte intensité de main-d'œuvre et, au fil du temps, permettra l'émergence de nouveaux secteurs et services. La population de la République centrafricaine regroupe un large éventail de groupes vulnérables, et notamment de populations affectées par le conflit, de victimes de violences fondées sur le genre et d'anciens combattants. La facilitation de leur participation au redressement économique du pays requerra des interventions soigneusement conçues, et leur inclusion réussie sera essentielle à l'intégrité du processus de paix. DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 31 Éducation Des décennies durant, le secteur centrafricain de l'éducation a souffert de faiblesses structurelles de plus en plus graves. Les longues distances à parcourir pour se rendre dans les établissements scolaires, le caractère inadapté des installations, la pénurie de manuels scolaires et autres fournitures de base ainsi que la qualité inégale des enseignements ont constitué des obstacles à l'accès à l'éducation dès avant la crise. Ces obstacles sont encore aggravés par les inégalités de genre, les conditions socio-économiques et les disparités géographiques. Le taux brut de scolarisation dans le primaire est demeuré à peu près stable, à environ 87 % en près d'une décennie, mais le taux d'achèvement de la scolarité primaire est de seulement 45 %. En outre, le financement de l'éducation a baissé au cours de ces dernières années, tombant à seulement 1,2 % du PIB en 2015, soit un tiers seulement de la moyenne de l'Afrique subsaharienne, qui est de 3,7 %, et un cinquième de la norme mondiale de 6 %. Du fait du sous-financement chronique et de la suspension du système de rémunération des enseignants au cours de la crise, le corps enseignant est dominé par des professeurs sans formation, recrutés par des parents en fonction des besoins. Le conflit a aggravé les difficultés du secteur de l'éducation, les enseignants non rémunérés quittant leur poste, les établissements d'enseignement étant pillés ou détruits, et des milliers d'enfants perdant plusieurs années d'études. La perte d'installations et de matériel, l'effondrement de l'administration sectorielle et le déplacement des élèves et des enseignants ont contraint les établissements d'enseignement à fermer leurs portes pour des périodes prolongées. En conséquence, le système officiel d'enseignement a effectivement cessé de fonctionner durant deux années scolaires entières, certains établissements d'enseignement ayant recommencé à fonctionner normalement début 2015. Le recrutement et la formation des enseignants ont également été perturbés, ce qui a encore réduit le nombre de professeurs qualifiés. La restauration de services d'enseignement nécessite des mesures urgentes, tant du côté de l'offre que de la demande. Il serait souhaitable que les interventions côté offre soient centrées sur la remise en état des installations scolaires, l'approvisionnement en fournitures scolaires adaptées, l'accélération de la formation des enseignants et la création d'un environnement d'apprentissage de qualité. Côté demande, les priorités doivent être concentrées sur les mesures destinées à encourager la scolarisation et à lutter contre l'échec scolaire. Les allocations conditionnelles pourraient constituer, pour les familles, une incitation efficace à la poursuite de la scolarisation des enfants en compensant la perte de main-d'œuvre familiale qui en résulte. Les politiques publiques visant l'offre et la demande d'enseignement doivent également tenir compte des besoins particuliers des anciens enfants soldats et de ceux ayant survécu au conflit, qui ont besoin de soutien éducatif, d'assistance psychosociale et de formation professionnelle en plus des services éducatifs normaux. Santé La crise de 2013 se reflète dans les indicateurs de santé déjà mauvais de la République centrafricaine. La mortalité infantile a légèrement augmenté, passant de 176 décès pour 1 000 naissances en vie en 2006 à 179 en 2010. En 2015, le taux de mortalité maternelle était l'un des plus élevés au monde, avec 882 décès pour 100 000 naissances en vie. En 2011, le taux de fécondité des adolescentes (âgées de 15 à 19 ans) était estimé à 6,2 naissances, avec des taux désagrégés allant de 6,8 naissances pour les filles sans instruction aucune à 4,6 pour celles ayant achevé leurs études secondaires. Actuellement, environ 27 % des femmes en âge de procréer et 23 % des adolescentes ont des besoins contraceptifs non satisfaits. 32 Une étude réalisée en 2014 a montré qu'environ 28 % des établissements de soins de République centrafricaine avaient été partiellement ou complètement détruits. Les dommages causés aux installations diffèrent largement d'une région à une autre : de 6,8 % dans la grande région de Bangui à 46,1 % dans le nord-ouest du pays. Dans ce contexte difficile, la reconstruction du secteur de la santé requerra une augmentation des personnels soignants qualifiés et habilités à exercer, en particulier dans les régions rurales, la restauration des chaînes d'approvisionnement pharmaceutiques, ainsi que la remise en état du matériel médical et d'autres éléments essentiels et, enfin, l'investissement dans les infrastructures physiques des établissements de soins. Pour optimiser l'impact de ressources publiques peu abondantes, il serait utile que les autorités envisagent d'adopter, pour le secteur de la santé, un système de financement basé sur la performance. Protection sociale Il n'existe, à ce jour, aucun cadre institutionnel de développement ou de coordination des politiques dans le domaine de la protection sociale. En République centrafricaine, les programmes actuels de protection sociale et de services sociaux reposent très largement sur les initiatives des partenaires au développement du pays. Les niveaux de financement sont donc imprévisibles et volatils, et l'essentiel des dépenses de protection sociale finance un grand nombre d'interventions à relativement petite échelle, sans coordination et à court terme. Ces programmes sont en outre axés sur des objectifs humanitaires immédiats, tels que le soutien nutritionnel, et accordent moins d'attention à des défis à long terme plus complexes, tels que le retour et la réinsertion des réfugiés et des personnes déplacées. La mise en place d'un système national de protection sociale requiert un cadre institutionnel clair, basé sur une capacité administrative adéquate, pour coordonner les programmes de protection sociale. Il conviendrait que les pouvoirs publics commencent par créer un forum de protection sociale, soutenu en externe par des agences internationales et des donateurs choisis. L'objectif du forum serait de recueillir un large éventail de perspectives nationales dans le but de formuler une stratégie de protection sociale revue et corrigée, centrée à court terme sur les besoins des personnes déplacées et, à moyen terme, sur le soutien aux populations vulnérables. Pour mettre en œuvre ces programmes efficacement, les décideurs politiques devront créer un registre des bénéficiaires potentiels. Les autorités ne disposent pas non plus de programmes d'allocation à même de leur permettre de mieux cibler les bénéficiaires adéquats de ressources. P R I N C I PA L E S R E C O M M A N D AT I O N S P O L I T I Q U E S À l'avenir, une action concertée sur de multiples aspects des politiques publiques sera essentielle à la consolidation du processus de paix, renforcera la stabilité politique et accélérera le redressement économique de la République centrafricaine. Si, en dernier ressort, il revient au gouvernement d'élaborer le programme de réformes en concertation avec d'autres parties prenantes essentielles, les priorités présentées ici constituent un point de départ d'un nouveau dialogue sur la stratégie de réforme des pouvoirs publics. Un résumé des priorités les plus urgentes par secteur est présenté à l'Encadré 1. DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 33 Encadré 1 : Priorités de premier plan, par secteur, de la RCA, choisies en fonction de leur urgence, leur relative simplicité et leur faisabilité à court terme. D'autres détails et une liste complète des priorités sont présentés dans les études consacrées aux politiques publiques de la République centrafricaine (juin 2016) et dans l'Évaluation de la fragilité (avril 2016). RÉCONCILIATION Désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) Réforme du secteur de la sécurité Préparer un plan global pour le processus de désarmement, de démobilisation et de réinsertion et la RSS, y compris un règlement politique avec divers chefs des groupes armés influents.  Renforcer les institutions pour lancer des activités de DDR  Analyse de l'espace fiscal pour la réduction des effectifs dans le secteur de la sécurité REDRESSEMENT Stabilité macroéconomique et discipline fiscale Agriculture Exploitation forestière Industries extractives  Adopter des mesures destinées à ramener l'inflation sous  Concentrer des investissements publics limités sur les  Élaborer une stratégie de paiement des arriérés  Élargir le processus régional de certification SCPK au- l'objectif de 3 % fixé par la CEMAC. zones présentant un fort potentiel agricole. d'impôts locaux et nationaux. delà de ses domaines cibles initiaux.  Augmenter les recettes et limiter les dépenses non prioritaires  Moderniser le cadre réglementaire encadrant les  Restructurer ou annuler des contrats de concession  Adopter des réformes réglementaires visant à favoriser pour ramener le déficit budgétaire à des niveaux viables. apports agricoles à la chaîne d'approvisionnement dans les zones où l'exploitation est au point mort, l'intégration des activités extractives artisanales à  Éliminer progressivement les exonérations fiscales et adopter (semences, engrais, etc.). et attribuer de nouvelles concessions. l'économie formelle. des mesures visant à accroître les recettes.  Mettre en œuvre des réformes législatives destinées  Se conformer de nouveau aux normes des à réduire les conflits entre exploitants agricoles et réglementations forestières, gouvernance et  Exercer un contrôle rigoureux sur la masse salariale. pasteurs (code agropastoral). échanges commerciaux (FLEGT).  Payer les arriérés dus au secteur privé.  Adopter des mesures destinées à moderniser la gestion des investissements publics.  Limiter rigoureusement le financement extérieur du déficit aux aides et prêts à des conditions de faveur.  Recenser les comptes bancaires commerciaux des entités publiques et élaborer un plan en vue de leur regroupement au sein d'un compte unique du Trésor.  Normaliser les processus budgétaires et réduire le recours aux 34 procédures exceptionnelles d'engagement de dépenses.  Poursuivre l’adoption de mesures conformes aux dispositifs CEMAC renforçant la transparence budgétaire, ainsi que les contrôles comptables et des dépenses. RECONSTRUCTION Énergie Transports Eau et assainissement Télécommunications  Investir dans la rénovation du système de production et de  Investir dans le renforcement de la capacité du  Définir un programme stratégique d'investissement  Entamer un dialogue avec des partenaires privés pour transport d'électricité du pays. couloir Bangui-Douala, y compris sa voie de pour Bangui et sept autres centres urbains couverts les inciter à investir dans la réalisation d'une liaison en raccordement nord reliant N'Djamena, et dans le par la SODECA. fibre optique vers le Cameroun. réseau routier secondaire.  Adopter des conventions de gestion pour améliorer la  Conclure des conventions de gestion pour  Simplifier le cadre réglementaire pour faciliter la performance technique et financière d'ENERCA. améliorer la performance technique et financière concurrence dans le sous-secteur des de la SODECA. télécommunications.  Promouvoir la production d'énergie solaire à petite échelle en  Promouvoir des systèmes d'adduction d'eau  Développer les réseaux (téléphonie, services milieu rural. potable alimentés par pompe solaire en zone monétaires mobiles) dans les régions rurales, grâce aux rurale. recettes provenant de l'accès universel. RESTAURATION Éducation Santé Protection sociale  Investir dans la remise en état des établissements scolaires et  Reconstruire la chaîne d'approvisionnement en  Achever l'élaboration de la stratégie de réponse les achats de fournitures scolaires. produits pharmaceutiques, fournitures et d'urgence pour les personnes déplacées sur le équipements médicaux. territoire national, avec le soutien des partenaires  Créer des programmes d'enseignement technique et au développement. professionnel pour les enfants et adolescents à risque.  Former des prestataires de soins ruraux et  Créer un registre national des bénéficiaires et encourager le déploiement de personnels qualifiés lancer un programme pilote d'allocations en dans les campagnes. espèces. Les impacts potentiels du flottement du naira sur l’économie du Niger Par Abdoulahi Garba, José R. Lopez Calix et Luc Razafimandimby13 Principaux impacts possibles ─ À court terme, le flottement du naira pourrait entraîner une baisse de la croissance au Niger. Les principaux canaux de transmission sont le commerce bilatéral et les transferts, et dans une moindre mesure les recettes douanières issues de la réexportation. ─ Le déclin possible de l’excédent de la balance commerciale avec le Nigeria pourrait aboutir à un déficit temporaire. ─ Le flottement (et ses effets prévus à court terme sur la décélération de la croissance au Nigeria) pourrait aussi avoir un effet négatif sur le montant des transferts des migrants en provenance de ce pays. ─ La suspension de la réexportation des produits vers le Nigeria risque aussi d’entraîner une baisse des recettes douanières du Niger équivalant à 1 % du PIB en moyenne depuis 2013. ─ À moyen terme, l’évolution de la balance commerciale avec le Nigeria dépendra du retour à l’équilibre du taux de change du naira, de la reprise économique au Nigeria et de l’élimination des barrières non tarifaires au commerce bilatéral. 13 Les auteurs remercient Paul Noumba, Siaka Bakayoko, Sébastien Dessus, Khwima Nthara, Rachid Benmessaoud, Jean-Christophe Maur, Santiago Herrera, Seynabou Sakho et Cheik Anta Gueye (FMI) pour leurs contributions et suggestions. LES IMPACTS POTENTIELS 35 O B J E C T I F E T J U S T I F I C AT I O N Cette note identifie les principaux canaux par lesquels le flottement du naira, effectif depuis le 20 juin 2016, pourrait affecter l’économie du Niger. Le Nigeria entretient des relations commerciales soutenues avec ses voisins frontaliers, dont le Niger. C’est pourquoi les autorités nigériennes suivent de très près les décisions qui ont un impact sur les comportements macroéconomiques du Nigeria. La note traite des effets possibles sur les composantes de la balance des paiements, la croissance et les impacts sur les couches vulnérables de la population à travers les transferts. Le secteur financier a été exclu, les liens entre les deux pays étant minimes, à l’inverse d’autres pays. LA PORTÉE DU CHOC PÉTROLIER AU NIGERIA La baisse des prix du pétrole affecte l’économie nigériane depuis 2015. Ces dernières années, à l’instar de tous les grands pays exportateurs de pétrole, le Nigeria subit une baisse sévère des prix du pétrole, qui a réduit considérablement la disponibilité de réserves de change et, suite à l’établissement de plusieurs contrôles de change, a permis l’ouverture d’un marché parallèle des devises. Cependant, ces mesures s’avèrent insuffisantes. Initialement, les autorités nigérianes ont suspendu la réexportation de certains produits à partir des pays voisins. Les pays concernés sont essentiellement le Niger et le Bénin. Quant aux 41 produits, ils incluent les huiles alimentaires, le sucre, le riz blanchi, les pâtes alimentaires et les concentrés de tomates. Cependant, le 20 juin 2016, le gouvernement nigérian a aussi annoncé le passage à un système de taux de change flexible. Son régime de change est passé d’une structure de marché unique (fenêtre interbancaire) à une structure où le taux est déterminé par le marché, mais assujetti à des interventions des autorités (dirty floating). Sous le nouveau régime, la Banque centrale participe au marché de change grâce à des interventions périodiques en achetant ou vendant les devises étrangères au besoin. Au premier jour de fonctionnement du nouveau système, le naira subissait une dépréciation nominale, négociée à 260 NGN par USD (à partir de 199) sur le marché officiel interbancaire libre, alors qu'il se négociait à 330 NGN/USD sur le marché parallèle. Depuis, il a oscillé entre 350 et 370 NGN/USD en parallèle, poussant la banque centrale à vendre 530 millions USD aux enchères sur le marché interbancaire. La croissance du PIB en 2016 était estimée par la Banque à 0,8 %, avant le flottement. De nouvelles estimations sont en cours, et peuvent améliorer légèrement cette projection, mais il est clair que le Nigeria affrontera une décélération économique cette année. R E L AT I O N S É C O N O M I Q U E S E N T R E L E N I G E R E T L E N I G E R I A Les échanges commerciaux avec le Nigeria. Durant les trois dernières années, le Niger a eu généralement une balance commerciale excédentaire avec le Nigeria.14 14 Il s’agit cependant d’une simple estimation car une grande partie des transactions échappe aux statistiques officielles. Au Niger, ce sont aussi des questions de sécurité alimentaire, de réexportation et, dans une moindre mesure, de transferts qui sont au centre des échanges avec le Nigeria. Le Niger importe également de l’électricité du Nigeria. COUNTRY FOCUS: POSSIBLE IMPACTS 36 La structure des exportations. Les principaux %PIB 2010 2011 2012 2013 2014 produits exportés par le Niger sont les produits Exportations 2,3 0,8 2,0 2,9 1,6 d’élevage. Le Nigeria reçoit plus de 95 % du total des exportations en produits d’élevage du Importations 1,6 1,4 1,4 1,1 1,0 Niger. Cependant, ces exportations ont baissé Solde 0,8 -0,6 0,6 1,8 0,6 de 28 % en valeur et de 30 % en quantités Volume des 3,9 2,2 3,5 4,0 2,7 depuis 2010. Ces chiffres peuvent être sous- échanges estimés. En effet, les flux d’exportations des animaux sur pieds passent essentiellement par des canaux informels compte tenu de la porosité des frontières, des barrières non tarifaires et de la multiplicité des marchés de bétail sur une frontière longue de 1500 km. La structure des importations. Le Nigeria est le quatrième partenaire du Niger en matière d’importations après la Chine, la France et les États-Unis d’Amérique. Il est le premier partenaire en Afrique. En termes de principaux produits importés, la structure des importations du Niger comprend des biens d’équipements (48 %), des produits alimentaires (21 %) et des hydrocarbures (7 %) sur 2010-2014. Avec le début de l’exploitation du pétrole au Niger en 2012, la part des hydrocarbures a baissé de 14 % à 1,5 % en 2014. Les importations de céréales—2 % du PIB—jouent un rôle important dans la sécurité alimentaire. Les réseaux commerciaux bien organisés permettent d’approvisionner les marchés du Niger à partir des zones où la production est excédentaire au Nigeria. En outre, grâce à une convention avec le Nigeria, le Niger importe environ 80 % de ses besoins en électricité du Nigeria à un coût relativement faible, ce qui permet de le fournir aux consommateurs à des prix relativement bas. Les transferts. De manière générale, en 2014, le Groupe de la BAD (dans son bulletin intitulé Observatoire de l’Afrique de l’Ouest N° 7, juillet 2015) a classé le Nigeria en première position en termes d’envoi de fonds des migrants (transferts) à destination du Niger. Globalement, les transferts interrégionaux ont représenté 69 % des transferts totaux, avec une prédominance du Nigeria. Cela confirme la force des liens économiques entre FIGURE 12 : ESTIMATIONS DES TRANSFERTS BILATÉRAUX EN PROVENANCE DU NIGERIA, 2014 140 1.80% 140 1.80% 1.60% 120 1.60% 1.40% 120 100 1.40% 1.20% 100 USD du PIB 80 1.20% 1.00% USD % PIB Millions 80 1.00% 60 0.80% Millions % du 60 0.80% 0.60% 40 0.60% 0.40% 40 20 0.40% 0.20% 20 0 0.20% 0.00% 0 0.00% nin ger ogo ana ali oun bie sau eria rde ée one gal aso oire Bé Ni T Gh M er am is b m G e-B Li bo Ve uin Le éné a F 'Iv G rra S in d Ca in é a e rk ôte C Si Bu C Gu Total (en millions USD) % du PIB Total (en millions USD) % du PIB Source: Données sur la migration et les transferts monétaires de la Banque mondiale, avril 2016 & WDI LES IMPACTS POTENTIELS 37 FIGURE 13 : POURCENTAGE DES TRANSFERTS REÇUS DU NIGERIA Côte d'Ivoire Burkina Faso Sénégal Sierra Leone Guinée Cabo Verde Liberia Guinée-Bissau Gambie Cameroun Mali Ghana Togo Niger Bénin 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 Source: Données sur la migration et les transferts monétaires de la Banque mondiale, avril 2016 & WDI le Nigeria et ses principaux voisins partenaires. Dans la région, en termes absolus, le Niger est le cinquième bénéficiaire des transferts du Nigeria, après le Ghana, le Mali, le Bénin et le Togo. Pour ces économies de pe- tite taille, les flux sont plus importants par rapport à la taille des économies, représentant 0,6 % du PIB pour le Niger (Figure 1). En outre, des estimations basées sur la matrice de transferts bilatérale montrent que le Niger reçoit plus d'un tiers du total de leurs envois de fonds en provenance du Nigeria (Figure 2). Sans surprise, et selon des estimations de la Banque mondiale, il existe une forte corrélation entre l'ensemble des flux d'envois de fonds du Nigeria vers les pays d'Afrique de l'Ouest, dont le Niger, et le PIB du Nigeria. La réexportation. La réexportation constitue un autre élément des échanges économiques entre le Niger et le Nigeria. Le Niger fonctionne comme un « État entrepôt » pour les produits fortement taxés au Nigeria ou soumis à des interdictions d'importation, en particulier les voitures d'occasion, les produits textiles, le riz et les cigarettes. Ces pays sont des plateformes pour le transport ultérieur vers le Nigeria. En 2014 et 2015, la valeur des réexportations vers le Nigeria a représenté respectivement 15 % et 12 % du PIB. Ces valeurs ne font pas partie de la balance commerciale du Niger, mais ont rapporté au titre des droits de douane l’équivalent de 1 % du PIB au budget de l’État chaque année. I M PA C T S P O T E N T I E L S D E L A D É VA L U AT I O N D U N A I R A E T D E L’ I N T E R D I C T I O N D E R É E X P O R TAT I O N À PA R T I R D E S PAY S V O I S I N S La dévaluation du naira – Quelles conséquences possibles pour le Niger À court terme, on pourrait s’attendre à une diminution de l’excédent de la balance commerciale, voire à un déficit temporaire, avec le Nigeria et à une augmentation des transactions commerciales dans le COUNTRY FOCUS: POSSIBLE IMPACTS 38 secteur informel. Compte tenu de la dépréciation nominale du naira, la réduction de sa valeur pourrait se traduire initialement par : (i) un renchérissement des prix des produits en provenance du Niger et vendus sur les marchés du Nigeria, ce qui pourrait créer un effet de substitution ; ou (ii) une baisse de la quantité exportée par le Niger. Compte tenu des nouvelles mesures de restriction commerciales, cela pourrait également entraîner une augmentation des échanges passant par le circuit informel pour les exportations du Niger. En revanche, il n’y aura pas de changements pour l’énergie électrique payée en euros. À moyen terme, son effet sur la balance commerciale dépendra largement du délai nécessaire pour retrouver un taux de change d’équilibre, et de la récupération attendue des prix du pétrole et de la croissance au Nigeria en général. La dépréciation du naira pourrait favoriser la récupération de la croissance économique au Nigeria à moyen terme en gageant qu’elle améliorera sa compétitivité. Dans ce cas, les retombées pourraient être positives pour le Niger, car les échanges (importations du Niger) pourraient augmenter. Outre la possibilité de détérioration initiale de la balance commerciale, la dépréciation du naira risque également d’affecter négativement le montant des transferts des migrants en provenance du Nigeria et les segments de la population qui les reçoivent. Une diminution des montants des transferts pourrait avoir des conséquences négatives sur les familles bénéficiaires. En effet, ces transferts ont un rôle contracyclique, notamment en période de crise ou de chocs économiques. Une enquête de la BCEAO dans trois régions du Niger (Niamey, Tahoua, Tillabéry) a montré que les transferts servent principalement à financer les dépenses de consommation courante (52 %), les dépenses d’investissement, notamment l’acquisition de champs et la constitution de fonds de commerce (18 %). Les dépenses sociales et l’épargne représentent chacune 8 % du montant total des transferts. En général, les familles qui reçoivent des transferts appartiennent aux couches défavorisées de la population, ce qui pourrait les rendre plus vulnérables. La suspension de la réexportation - Quelles conséquences possibles pour le Niger ? La suspension des produits à la réexportation aura un impact négatif sur le niveau de mobilisation de recettes douanières. La taxe spéciale de réexportation (TSR) sur les produits en transit pour le Nigeria équivaut environ à 1% du PIB ces deux dernières années. Les principaux produits concernés par la réexportation vers le Nigeria et visés par la mesure des autorités nigérianes sont notamment le sucre, le riz, l’huile végétale, le lait en poudre. Enfin, le contexte actuel de l’économie nigériane pourrait affecter la croissance économique au Niger. Cela pourrait se traduire directement par la diminution des exportations nettes avec le Nigeria, qui ont représenté en moyenne 0,7 % du PIB en 2010-2014. Indirectement, la baisse des exportations (surtout des produits agropastoraux) et des transferts de migrants impliquera une baisse de la consommation des ménages, notamment ruraux. La consommation publique, quant à elle, serait directement affectée par la baisse possible des recettes liées à la taxe spéciale de réexportation (TSR). LES IMPACTS POTENTIELS 39 MISE EN GARDE Si les canaux de transmission de l’impact d’une dépréciation du naira sont clairs, la mesure quantitative de ces impacts est un exercice purement spéculatif à ce stade. Outre la perte de revenus due à la suppression de la réexportation qui a été évaluée, les impacts chiffrés sur la balance commerciale sont difficilement mesurables, car l’ampleur dépend de la dépréciation du naira, de l’élasticité des transactions aux prix variables selon les produits. En outre, une grande partie des transactions échappent aux statistiques. Le naira s’est déprécié, mais il est encore trop tôt pour avoir une estimation d’une valeur cible indicative à moyen terme.15 A N N E X E A : TA U X D E C H A N G E E F F E C T I F R É E L A U N I G E R I A : I N C I D E N C E S D U D É S A L I G N E M E N T, D E S R É P E R C U S S I O N S D E S VA R I AT I O N S D U TA U X D E C H A N G E , D E L A C R O I S S A N C E E T D E L A PA U V R E T É ? 16 Entre 2010 et 2014, le pétrole et le gaz représentaient en moyenne plus de 95 % des exportations de biens du Nigeria. En 2015, le pays a connu un déficit de son compte courant pour la première fois en quinze ans. Les projections de la balance des paiements réalisées par la Banque indiquent que la situation va persister. Le pays est par conséquent passé du statut d’exportateur, qui réalise une épargne nette pour le reste du monde, à celui d’importateur qui réalise une épargne nette. Compte tenu de la détérioration des termes de l’échange et du déséquilibre des ressources externes, le taux de change effectif réel (TCRR) à long terme a aussi changé. Sur la base de nos propres estimations et celles rapportées dans des publications récentes, nous estimons que le TCER à long terme du Nigeria connaîtra une dépréciation de 20 à 25 % due au cours du pétrole et au bouleversement de l’équilibre des ressources externes à moyen terme. Le désalignement du taux de change peut affecter la croissance. En utilisant des données recueillies dans 188 pays sur la période 1950-2004, Rodrik (2012) trouve une relation positive et statistiquement significative entre une mesure de la sous-évaluation de la monnaie et la croissance du PIB ; la relation était plus forte pour les pays à faible revenu. Une étude de la croissance du Nigeria (Raggl, 2016) examine l’incidence du désalignement du TCER sur la croissance, aux fins de vérifier les conclusions de Rodrik (2012). Raggl introduit une mesure de la sous-évaluation dans un modèle de croissance de la convergence conditionnelle et constate que la variable est significative pour le Nigeria. Sur la base des résultats de Raggl, nous estimons que l’incidence sur la croissance de 25 % de la surévaluation de la monnaie est de -1,25 %. Autrement dit, la croissance assortie d’une surévaluation de la monnaie de 25 % sera de 1,25 % de moins que le même scénario sans surévaluation. La banque centrale redoute l’ajustement du taux de change nominal en raison de son impact sur l’inflation. L’intervention de la banque centrale pour arrimer la monnaie a conduit à une baisse massive des réserves internationales, de 43 milliards USD en fin 2013 à 26 milliards aujourd’hui. Nos estimations des répercussions 15 Au 22 juin 2016, une unité du naira se vendait à 2,05 FCFA, soit à peu près la même valeur, contre une valeur moyenne de 2,95 FCFA au premier semestre 2016, ce qui équivaut à 30 % de dépréciation. 16 Cette annexe a été élaborée par Santiago Herrera avec la contribution d’Alberto Perez et Janine Waltz. 40 des variations du taux de change donnent une valeur relativement faible de 25 %, ce qui signifie qu’une dépréciation nominale de 10 % entraînerait une hausse de 2,5 % des prix. Une analyse de la littérature récente révèle que les répercussions des variations du taux de change sont comprises entre 10 et 40 %. La moyenne de ces deux extrêmes coïncide avec notre propre estimation de ces répercussions. Une étude de ces répercussions sur les économies d’Afrique subsaharienne a démontré qu’elles étaient plus faibles dans les pays présentant des déficits budgétaires faibles et une croissance plus faible du M2. En fait, le rapport constate que les pays qui avaient des notes de CPIA élevées (évaluation de la politique et des institutions nationales) présentaient des variations du taux de change inférieures. L’étude révèle également que les variations ont reculé d’environ 50 % au fil du temps, imputant les résultats à l’amélioration de la gestion économique de la région. Ce niveau des répercussions des variations du taux de change, avec un désalignement estimé de 23 % du TCER (point médian entre 20 % et 25 % par rapport à la section précédente), implique que le désalignement peut être corrigé par le biais d’une dépréciation nominale de 31 % (= 0,23/0,75). Compte tenu de l’incertitude qui caractérise tous ces paramètres, il est conseillé de laisser la monnaie dépasser son niveau de long terme, afin d’éviter de s’attendre à une nouvelle dépréciation du marché dans l’avenir. Dans le cas contraire, les sorties de capitaux conduiraient à une nouvelle dépréciation dans l’avenir dans une situation de prophéties autoréalisatrices. L’incidence d’une dépréciation nominale de la monnaie sur les pauvres découle de son impact sur l’inflation. Nous constatons qu’une augmentation de 10 % de tous les prix et la perte de bien-être associée, du fait de la baisse des dépenses, impliquent une augmentation de la pauvreté de 6 points de pourcentage ; à partir d’une base de 35 %, la pauvreté atteint 41 %, en l’absence de toute autre action politique. LES IMPACTS POTENTIELS 41 CHIFFRES SPÉCIAUX Qu’exportent les pays AFCW3 ? Principales exportations par pays et volume du commerce bilatéral en 2015 (% des exportations totales) Par Weneyam Hippolyte Balima FLUX D'EXPORTATIONS DE BIENS MALI 1,51% 2,92% 0,06% 0,61% 0,05% NIGER GUINÉE 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,00% 0,01% 0,33% RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE 0,01% TCHAD 11,47% 0,27% Source : La construction de l’auteur est basée sur COMTRADE (2015). SPECIAL FIGURES 42 Trois principaux produits d’exportation vers les pays voisins (données de classification HS4 pour l’année 2012) : République centrafricaine : Bitumes et asphaltes et naturel ; schistes et sables bitumineux et pétrole bitumineux ; mélanges de substances odoriférantes utilisées comme papier brut et de cigarettes. Remarque : le bois, les diamants et la viande représentaient les exportations les plus importantes au cours de la deuxième moitié des années 2010. Mali : Engrais minéraux ou chimiques ; autres barres de fer ou en acier non allié ; sorgho. Remarque : l’or et le coton représentaient les exportations les plus importantes au cours de la deuxième moitié des années 2010. Niger : Huiles de pétrole (autres que les huiles brutes) et de minéraux bitumineux ; gaz de pétrole et autres hydrocarbures gazeux ; conduites, tuyaux et durits en plastique et leurs accessoires. Remarque : l’uranium et le pétrole représentaient les exportations les plus importantes au cours de la deuxième moitié des années 2010. Tchad : Aucune donnée disponible sur le commerce avec les pays voisins. Le pétrole, le bétail et le coton représentaient les exportations les plus importantes au cours de la deuxième moitié des années 2010. Guinée : Aucune donnée disponible sur le commerce avec les pays voisins. Le pétrole, le bétail et le coton représentaient les exportations les plus importantes au cours de la deuxième moitié des années 2010. Principales caractéristiques des flux commerciaux entre les pays AFCW3 : ● Les flux commerciaux entre les pays AFCW3 sont très marginaux et concernent principalement des produits de base ; ● Le commerce intrarégional est relativement développé entre le Tchad et la RCA et entre la Guinée et le Mali ; ● De nombreux pays ne négocient pas de produits les uns avec les autres. Cependant, cela peut être lié à des effets de « faux zéro » dans les données commerciales. LES IMPACTS POTENTIELS 43 Quel est le classement des pays AFCW3 au sein des États les plus fragiles ? Exploration des dimensions multiples de la fragilité Par Weneyam Hippolyte Balima et Irum Touqeer RANG : CLASSEMENT MONDIAL DES PAYS AFCW3 EN TERMES DE FRAGILITÉ (FRAGILE INDEX 2016) Classement parmi les 178 États fragiles du monde MU ········ · ······················ · ··· •29 NGR · · · · •19 · RCA · · •3 0 10 20 30 Indice du classement des États fragiles Source : Fonds pour la paix. Remarque : MLI = Mali ; NGR = Niger ; GIN = Guinée ; TCD = Tchad ; RCA = République centrafricaine. SPECIAL FIGURES 44 DÉCOMPOSITION DE LA FRAGILITÉ : CLASSEMENT BASÉ SUR UN CRITÈRE UNIQUE (DE 1 À 10 – FRAGILITÉ LA PLUS ÉLEVÉE, 2016) Pression démographique Réfugiés et personnes déplacées 10 9.8 9.9 00 N •n TCD NGR GIN MU RCA RCA TCD GIN MLI NGR Griefs collectifs Fuite humaine ": °' 8.9 9.3 °' •n 00 ": 00 00 00 ": r- ": r- RCA GIN TCD MU NGR TCD MLI GIN NGR RCA Développement inégal Pauvreté et déclin économique 9.9 9.4 0() 0() RCA TCD NGR MU GIN GIN RCA TCD NGR MLI LES IMPACTS POTENTIELS 45 DÉCOMPOSITION DE LA FRAGILITÉ : CLASSEMENT BASÉ SUR UN CRITÈRE UNIQUE (DE 1 À 10 – FRAGILITÉ LA PLUS ÉLEVÉE, 2016) Légitimité de l’État 10 Services publics 9.8 9.8 00 N GIN RCA TCD NGR MLI RCA TCD NGR GIN MLI Droits de l’homme Appareil sécuritaire 9.9 0() RCA TCD GIN MU NGR MLI RCA TCD GIN NGR Élites divisées en factions Intervention extérieure 9.6 9.5 00 '" 00 00 RCA GIN TCD NGR MLI MLI RCA TCD NGR GIN Source : Fonds pour la paix. Remarque : MLI = Mali ; NGR = Niger; GIN = Guinée ; TCD = Tchad ; RCA = République centrafricaine. SPECIAL FIGURES 46 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS Aperçu des économies AFCW3 Macroeconomic indicators of AFCW3 countries at a glance, 2012-2016 APERÇU DES INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES DES PAYS AFCW3, 2012-2016 Une croissance rapide est dynamique pour tous, … et les taux d’inflation resteront faibles, sauf pour la sauf pour le Tchad… Guinée, et connaîtront une baisse, sauf pour la RCA RCA Tchad Mali Guinée Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger Taux de croissance du PIB, % Annuel, moyenne Les déficits des comptes courants resteront élevés, Cela s’explique en partie par des termes d’échange négatifs dans et augmenteront en RCA, au Mali et au Niger… les pays riches en ressources comme le Tchad, le Mali et le Niger Variation du pourcentage annuel % du PIB ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 47 RCA Tchad Mali Guinée Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger Taux de croissance du PIB, % Annuel, moyenne APERÇU DES INDICATEURS MACROÉCONOMIQUES DES PAYS AFCW3, 2012-2016 Les déficits des comptes courants resteront élevés, Cela s’explique en partie par des termes d’échange négatifs dans et augmenteront en RCA, au Mali et au Niger… les pays riches en ressources comme le Tchad, le Mali et le Niger Variation du pourcentage annuel % du PIB RCA Tchad Mali Guinée Niger RCA Tchad Mali Guinée Niger Les déficits budgétaires ne s’amélioreront pas, en dépit de l’augmentation progressive des sauf en Guinée et au Niger… efforts de recettes à l’échelle régionale RCA Tchad Mali Guinée Niger Y compris les dons, les liquidités, % du PIB Hors dons, % du PIB RCA Tchad Mali Guinée Niger Source: IMF and World Bank staff estimates; IMF AIV, several years. Note: data for 2016 are forecasts. Fiscal deficits include grants Source and du : Estimations are on cash basis; they personnel du FMI et demay slightly differ from la Banque mondiale ; FMIthose reported in the (AIV), plusieurs années. text done Remarque on a commitment basis. : la date pour 2016 est une prévision. Les déficits budgétaires comprennent les dons et sont sur une base de comptabilité de caisse. Ils peuvent être légèrement différents de ceux figurant dans le texte, qui sont basés sur les engagements. RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Des signes de reprise économique ont été constatés grâce à l'amélioration des conditions de sécurité et les équilibres macroéconomiques sont revenus à un bon niveau. Mais de nombreux risques persistent. La croissance du PIB réel devrait atteindre 5,2 % en 2016 et se stabiliser à moyen terme autour de 5,5 % en moyenne grâce à un rebond de l'agriculture, la normalisation en cours du commerce du bois et des diamants, le retour des populations internes déplacées (PDI ) et des réfugiés après restauration dans tout le pays des services de transport et autres services, et une reprise des activités de construction grâce à la mise en œuvre de grands projets d'investissement public dans les secteurs sociaux et de l'énergie. L'inflation devrait revenir progressivement à la cible de 3 % fixée par la CEMAC grâce à une augmentation de la production agricole et COUNTRY ECONOMIC FOCUS 48 de meilleures conditions de transport. Les importations considérables de matériaux de reconstruction peuvent entraîner une hausse du déficit de la balance courante pour atteindre environ 9,9 % du PIB. Les réserves de change officielles brutes devraient augmenter à plus de 4 mois d'importations à partir de 2016. Le déficit budgétaire global devrait atteindre 4,1 % du PIB en 2016, puis décroître grâce aux améliorations prévues de la politique fiscale et de l'administration, et à la reprise économique. Les recettes fiscales devraient atteindre 7 % du PIB en 2016, mais ne compenseront qu'en partie la baisse prévue des subventions extérieures. Un contrôle strict des dépenses de salaires et l'amélioration de l'espace budgétaire permettront aux dépenses d'investissement d'atteindre 6 % du PIB en 2016. En conséquence, les besoins de financement devraient diminuer en 2016 et atteindre 4,8 % du PIB, cette tendance à la baisse devant se maintenir en ligne avec l'assainissement budgétaire. Mais les risques sont encore nombreux et incluent en particulier : (i) la reprise du violent conflit qui pourrait conduire à un retour ou une escalade dans l'utilisation des procédures de dépenses d'urgence et compromettre la reprise économique naissante, (ii) une baisse plus forte que prévu des aides suite aux retards de décaissement des financements des donateurs, conséquence de l'inexpérience du nouveau gouvernement dans ses efforts pour accroître les recettes, gérer le budget d'investissement et mettre en œuvre les réformes de gestion des finances publiques (GFP), et (iii) des exportations de diamants plus faibles que prévu en raison de l'incapacité du gouvernement à faire entièrement lever sa suspension du Processus de certification de Kimberley (SCPK) ou à rétablir la sécurité et le contrôle des pouvoirs publics dans les « zones vertes » protégées à l’est du pays, opérations qui peuvent se révéler plus difficiles que prévu. ÉVOLUTIONS RÉCENTES L'économie a commencé à se redresser en 2015. Le PIB réel a augmenté de 4,8 %, tiré par l'augmentation de la demande, et l'inflation a atteint une moyenne de 4,5 % en raison d'une sécurité améliorée le long du corridor de transport Douala-Bangui et d'une production agricole positive. La consommation des ménages a augmenté de 2,9 % en raison des conditions climatiques favorables à l'agriculture et du faible coût de l'énergie. L'investissement brut a progressé de manière significative de 44,7 %, suite à l'amélioration de la confiance des entreprises. Du côté de l'offre, et malgré le grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays et l'accès insuffisant aux semences et intrants agricoles, la reprise a été favorisée par la production agricole (3,5 %) et les services (2,7 %). Le secteur industriel a progressé de 1,3 %, soutenu par les secteurs de la production manufacturière, l'eau, l'électricité et la construction, mais toujours entravé par de graves contraintes liées aux infrastructures. L'importance des besoins de reprise après-guerre a creusé le déficit extérieur de la balance courante qui a atteint 115,9 milliards de francs CFA en 2015 (9,1 % du PIB). Cette hausse s'explique en partie par l'augmentation du déficit commercial résultant d'une performance décevante des exportations et de l'essor des importations, hausse associée aux programmes d'investissement qui ont quadruplé au cours des deux dernières années. Inversement, les importations de produits pétroliers, soit un quart du total des importations avant la crise, ne représentent plus que 9 % suite à la baisse des prix internationaux des matières premières. Globalement, la RCA a financé le déficit de sa balance courante par la combinaison d'entrées de capitaux publics et privés, dont un soutien budgétaire (20 %), d'investissements étrangers directs et d'entrées en portefeuille. La consolidation budgétaire a contribué à réduire le déficit primaire intérieur à 3,0 % du PIB. Les recettes intérieures ont atteint 7,1 % du PIB, reflétant ainsi le renforcement des contrôles d'accises et douaniers, la TVA sur les produits pétroliers et une surveillance plus étroite des exonérations fiscales. Les efforts visant ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 49 à réduire les effectifs publics se sont poursuivis, mais ils ont été contrebalancés par une augmentation de 12,8 % de la masse salariale causée par les promotions intervenues dans les forces de défense et de gendarmerie. Dans leur ensemble, les dépenses courantes sont passées à 3,1 % du PIB. Les dépenses d'investissement ont augmenté de 2,6 points de pourcentage pour atteindre 4,7 % du PIB, soit environ un tiers de leur niveau d'avant-crise. Bien que les dépenses nationales financées aient quadruplé en pourcentage du PIB, les fonds apportés par les donateurs constituaient encore la part du lion (4,3 % du PIB). Les crises politiques, sécuritaires et alimentaires expliquent les taux élevés d'exécution budgétaire dans les secteurs de l'agriculture et des affaires sociales, s'élevant respectivement à 85 et 223 %. Le taux de pauvreté reste élevé. Les dernières mesures de lutte contre la pauvreté réalisées depuis 2008 ont montré que 66 % de la population vivaient avec moins de 1,90 USD par jour (2011 PPA). Depuis lors, des projections basées sur la croissance du PIB par habitant suggèrent une forte augmentation de l'incidence de la pauvreté atteignant environ 76 % entre 2013 et 2015. Les moyens de subsistance des pauvres proviennent majoritairement de l'agriculture et on estime que la moitié de la population vit dans l'insécurité alimentaire malgré les efforts déployés par les pouvoirs publics pour distribuer des semences et des intrants agricoles. PERSPECTIVES La croissance devrait s'accélérer à moyen terme et atteindre un taux moyen de 5,8 % en 2018. Cette perspective est subordonnée à la stabilité politique et à la poursuite du renforcement de la sécurité à partir de 2016. Les réformes politiques en cours devraient soutenir un redressement généralisé et une amélioration des canaux de distribution. De plus, l'augmentation de la production agricole stimulera la croissance et aidera à maintenir l'inflation à un niveau correspondant à l'objectif de 3 % de la CEMAC. La croissance sera également tirée par le dynamisme du commerce, des transports et de l'investissement public. Les exportations de diamants devraient reprendre progressivement, tout d'abord à partir de la région de Berbérati déclarée en 2016 première « zone conforme » par le Processus de Kimberley. L'exploitation forestière devrait également reprendre dans toutes les concessions forestières, car de nombreuses entreprises ont bénéficié d'une aide leur permettant de surmonter les pertes subies pendant la crise. Le déficit budgétaire global devrait diminuer et atteindre 2,3 % à la fin de la période de projection. L'amélioration de la politique fiscale et de l'administration et la reprise économique contribueront à accroître les recettes fiscales estimées à 9,3 % du PIB en 2018. La consommation publique devrait augmenter jusqu'à 45,6 % en 2016, permettant le redéploiement de l'administration dans les seize préfectures. Un espace budgétaire amélioré permettra à l'investissement brut d'atteindre 14,8 % du PIB d'ici 2018. Les transferts courants devraient augmenter de 0,6 % du PIB en 2016 pour couvrir l'augmentation des dépenses sociales. Les dépenses financées sur les ressources intérieures devraient augmenter de 1,3 % du PIB en 2016 afin d'accélérer les efforts de reconstruction, tandis que les dépenses financées par les donateurs augmenteront à 4,9 %. Alors que la reprise de l'exploitation minière, de la foresterie et de l'agriculture peut relancer la croissance des exportations, le déficit de la balance courante devrait rester élevé à environ 9 % du PIB, reflétant ainsi les importants besoins de reconstruction, d'investissement en capital et d'importation. De plus, la hausse attendue des prix du pétrole en 2017 devrait contribuer à augmenter la facture des importations, accentuant le déficit commercial. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 50 Un déficit de financement de 50 milliards de francs CFA, qui devrait être couvert par des sources externes, dont un soutien budgétaire, est prévu pour 2016. Le besoin de financement brut de la balance des paiements pour les besoins de la reconstruction va plus que doubler pour atteindre 140,4 milliards de francs CFA en 2019. Compte tenu des conditions précaires de sécurité, seule une faible augmentation du flux des investissements directs étrangers (IDE) est prévue, passant de 3,2 milliards de francs CFA en 2015 à environ 40 milliards de francs CFA en 2017-2019. DÉFIS À RELEVER La transition de l'aide alimentaire d'urgence vers une production agricole durable est essentielle pour la sécurité alimentaire. La production agricole a payé un lourd tribut à la crise, qui a érodé la capacité de la population à assurer une alimentation suffisante. Malgré les efforts fournis par les pouvoirs publics pour distribuer des semences et des intrants agricoles, plus de la moitié de la population nécessite une aide. Des risques budgétaires demeurent quant au paiement de la dette externe et au règlement des arriérés de la dette intérieure. Il est important de les surmonter afin de ne pas perturber les soutiens financiers internationaux ou affaiblir la stabilité financière du secteur privé national. La capacité des pouvoirs publics à mettre en œuvre des investissements publics est limitée et l'adoption régulière des réformes de base de la GFP doit être étroitement surveillée, en particulier les mesures de mobilisation des recettes. Des risques de gouvernance planent sur la RCA qui doit entièrement lever sa suspension du Processus de Kimberley (KP). Bien qu'une région (Berbérati) ait été récemment déclarée « zone verte », le rétablissement de la sécurité et du contrôle des zones orientales du pays par les pouvoirs publics faciliterait la reprise des projets légitimes d'extraction de diamants, mais cela peut se révéler difficile. La résolution des risques sécuritaires liés à la présence de groupes armés issus de la Seleka et des gangs affiliés aux anti-balaka qui contrôlent encore certaines régions du pays peut durer plus longtemps que prévu. La mise en œuvre complète des programmes de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR), point clé de la voie vers un développement durable, permettrait aux ex-combattants de participer activement au processus de paix. TABLEAU 2 : INDICATEURS CLÉS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS, 2012-2019   2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Revenu national et prix (Variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) PIB réel 4,1 -36,7 1,0 4,8 5,2 5,5 5,8 5,8 Déflateur du PIB 2,7 7,0 11,1 6,2 5,8 5,3 4,8 4,7 IPC (fin de période) 5,9 5,9 9,7 4,8 4,0 3,5 3,0 3,0 Secteur extérieur Importations 12,2 -27,6 57,6 10,7 9,0 1,7 4,0 9,1 Exportations 7,4 -27,9 -8,8 0,5 11,9 9,6 4,2 12,2 Termes de l’échange (détérioration -) 2,8 19,4 8,2 26,9 6,9 -8,3 0,1 -3,1 ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 51 TABLEAU 2 : INDICATEURS CLÉS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS, 2012-2019   2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 Comptes budgétaires (En pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Dépenses 16,4 14,9 12,7 14,9 17,1 16 16 16,4 Recettes et dons 16,4 8,4 15,7 14,3 13 13,2 13,7 14,3 Solde du gouvernement central (dons inclus) 0 -6,5 3 -0,6 -4,1 -2,8 -2,3 -2,1 Comptes monétaires sélectionnés (Variation annuelle en %, sauf indication contraire) Volume des liquidités 1,6 5,6 14,6 5,3 11,8 12,8 10,9 10,9 Crédit à l'économie 30,2 -16,3 4 -3 10,3 10,8 10,7 10,6 Balance des paiements (En pourcentage du PIB, sauf indication contraire) Solde de la balance courante -4,6 -3 -5,6 -9 -9,9 -9,9 -9,4 -9,4 Importations 23,9 25,0 37,6 34,6 32,0 31,2 29,7 34,0 Exportations 12,5 14,4 13,0 12,6 12,9 12,9 12,4 12,3 Investissement direct étranger 3,2 0,1 0,1 0,3 1,6 3,5 3,3 2,8 Réserves brutes (en millions USD, FdP) 172,1 199,4 279,1 199,1 206,5 247,1 287,3 317,1 En mois d'importations Année+1 5,6 3,7 5,1 4,2 4 4,5 4,7 5,0 En % dette externe à court terme 30,8 17,5 12,6 7,4 Dette publique Total gouvernement (fin de période) 23,5 38,5 51,1 48,5 47,2 41,2 35,8 31,2 Dette extérieure 9,7 14,6 14,9 14,5 16,9 15,0 13,3 12,3 Pour mémoire PIB nominal (en milliards FCFA) 1 108 750 842 937 1 042 1 158 1 285 1 424 Source : Prévisions FMI et Banque mondiale TCHAD La crise macroéconomique du Tchad se poursuit après le choc pétrolier persistant, les conditions climatiques défavorables et l'impact local des conflits menaçant la sécurité dans la région. Cette situation compromet les résultats récemment obtenus en matière de développement. Les recettes pétrolières ont chuté et ne devraient remonter que partiellement ou progressivement. Les dépenses publiques ont été considérablement réduites et on relève de nombreux problèmes de liquidité et une accumulation à grande échelle des arriérés à l'égard de fournisseurs locaux. Compte tenu de l'apport élevé de l'État dans l'économie, la récession s'accompagne COUNTRY ECONOMIC FOCUS 52 d'une forte détérioration de l'équilibre fiscal et externe. Le taux de croissance du PIB réel devrait être réduit à -1,1 % en 2016, contre près de 5 % en 2013-2015. Toutefois, on devrait enregistrer une reprise progressive de la croissance du PIB pétrolier entre 2016 et 2018, qui pourrait atteindre 4 % par an à moyen terme, notamment dans les secteurs de l'agriculture, du commerce et du transport en raison de l'allègement des contraintes fiscales découlant de la remontée des recettes fiscales issues du pétrole. Le taux d'inflation devrait descendre à environ 3,3 % en 2016 suite à la baisse de la demande. Au cours de la même année, la situation fiscale devrait s'améliorer grâce à un déficit budgétaire global en baisse, quoique toujours élevé, estimé à 4,6 % du PIB, conséquence d'un ajustement fiscal drastique. Le rationnement des devises fortes devrait réduire le déficit du compte courant à -8,4 % du PIB. Ces prévisions reposent sur le succès de la vente d'actions dans le secteur pétrolier et l'émission massive de titres sur les marchés régionaux. Même si l'investissement direct étranger dans le secteur pétrolier continue d'être une source essentielle du financement externe, les réserves brutes en devises étrangères demeureront faibles, environ 0,6 mois environ d'importations. Dans ces conditions défavorables, les risques de ralentissement sont élevés. La menace sécuritaire dans la région demeure un problème sérieux qui entraîne une perturbation économique, une priorité accordée aux dépenses en faveur de la défense, la nécessité d'accueillir les réfugiés et les personnes déplacées sur le territoire. Ce problème aggrave en outre la situation économique déjà difficile. Par ailleurs, la détérioration éventuelle de la sécurité alimentaire pourrait constituer un risque majeur susceptible d’engendrer des tensions sociales et politiques dans un contexte déjà fragile, et paralyser la situation budgétaire suite à la réaction des autorités face aux diverses crises. À l'extérieur, la détérioration de la sécurité régionale et les prix faibles (et volatiles) du pétrole à l'international créent des risques budgétaires importants et pourraient freiner davantage les perspectives de croissance économique. ÉVOLUTIONS RÉCENTES L’effondrement des cours du pétrole, la pluviométrie insuffisante et la dégradation de la situation sécuritaire ont provoqué un ralentissement de l'économie tchadienne depuis 2015. Cette année-là, le secteur pétrolier a connu un taux de croissance d'environ 33,8 %, impulsé par un rendement accru dû au démarrage de l'exploitation de nouveaux champs pétroliers. Mais la chute des cours du pétrole a entraîné le ralentissement du taux de croissance du PIB du Tchad, qui est passé de 6,9 % en 2014 à 1,8 % en 2015, avec une réduction de l'apport du secteur non pétrolier de 2,9 %. Le reste de l'économie en a été sérieusement affecté : des milliers de licenciements en zone urbaine, la réduction de la consommation privée et la dégradation des résultats obtenus en matière de développement. Du côté de l'offre, malgré un taux de croissance de 10,1 % dans le secteur primaire, le rendement agricole a souffert de faibles précipitations, tandis que les secteurs de l'industrie et des services ont fortement ressenti les effets de la menace sécuritaire accrue, de la réduction des dépenses publiques, de la priorité accordée aux dépenses de sécurité et de la réduction des liquidités dans le secteur public. Malgré la chute de la demande qui a accompagné le ralentissement, le taux d'inflation est monté à 3,6 % en 2015 suite à la baisse de la production agricole et aux perturbations relevées dans le commerce transfrontalier avec le Cameroun et le Nigeria du fait des conflits. Le ralentissement dans les secteurs non pétroliers, la faible performance des exportations agricoles et l'accumulation des arriérés publics défavorables aux entreprises ont augmenté la proportion des prêts non productifs de 11,7 % à 16,5 % du montant total des prêts sur une année. Le taux de croissance de la masse monétaire a diminué, passant d'un taux élevé de 26,5 % en 2014 à 4,7 % à cause de l'impact de la crise sur le secteur financier. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 53 FIGURE 14 : TCHAD : CONTRIBUTIONS AU PIB ANNUEL (%) Contribution à la croissance du PIB 8 6 4 2 0 -2 -4 201 3 2014 2015 2016 2017 2018 Secteur Industrie Services Croissance primaire du PIB Source : Autorités tchadiennes Malgré un ajustement fiscal drastique, les déficits budgétaires (et externes) ont été élevés. Le déficit budgétaire global (y compris les dons, la base d'engagement) s'est considérablement détérioré, passant de 6,3 % du PIB non pétrolier en 2014 à 6,6 % en 2015. Avec des recettes pétrolières en chute de 80 %, les recettes totales ont connu une chute drastique de 36 %, entraînant une réduction historique des dépenses de 38,5 %. L'ajustement a aussi concerné les dépenses actuelles, en particulier les transferts et les dons, qui sont passées de 16,7 % à 14,1 % du PIB non pétrolier, et les dépenses d'investissement qui ont diminué de 12,9 % à 7,3 % du PIB non pétrolier. Les arriérés locaux se sont aussi accumulés, atteignant un taux de 3,9 % du PIB non pétrolier fin 2015. Le lourd déficit budgétaire a été financé grâce au rééchelonnement des avances sur la vente du pétrole, aux bons du Trésor sur le marché régional de la dette, aux avances fournies par la banque centrale, aux décaissements du FMI et à l'aide budgétaire apportée par les donateurs. Même si les exportations de pétrole ont connu une flambée (en volume), la forte baisse des cours du pétrole a affaibli la balance des paiements. Le déficit du compte courant, de l’ordre de 12,9 % du PIB en 2015, contre 8,9 % en 2014, a été financé par l'investissement direct étranger dans le secteur pétrolier et une réduction des réserves internationales combinées imputées au Tchad. Les statistiques les plus récentes en matière de pauvreté et d'inégalité sont issues de l'enquête auprès des ménages menée en 2011. Le taux de pauvreté par habitant (au seuil de pauvreté national) a chuté de 55 % en 2003 à 47 % en 2011. Les chutes les plus rapides sont enregistrées en zone urbaine. On a observé une baisse significative entre 2003 et 2011 du taux de pauvreté, de 62,9 % à 38,4 %, par rapport aux estimations du taux de pauvreté extrême au Tchad, basées sur un seuil de pauvreté de 1,90 USD par jour (PPA). Toutefois, le coefficient de Gini a augmenté de 0,39 à 0,42. Une enquête basée sur la consommation des ménages est en cours de préparation et elle permettra de mettre à jour les données sur la pauvreté. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 54 PERSPECTIVES Le Tchad est en récession. Une baisse du taux de PIB réel de 1,1 % est prévue en 2016. Le secteur pétrolier devrait enregistrer un taux de croissance négatif de 4,8 %, ce qui contribuerait aussi à une réduction du taux du secteur non pétrolier de 0,3 %. Tous les secteurs vont se contracter. Le secteur secondaire devrait être touché par la baisse de l’activité de construction (-6,0 %) résultant de la chute drastique de la demande publique et du crédit au secteur privé (-3,1 %). La réduction de la demande devrait entraîner une baisse du taux d'inflation à environ 3 %. La situation financière pourrait s’améliorer grâce à une réduction du déficit budgétaire global (qui demeure élevé) à 6 % du PIB non pétrolier. Le rationnement des devises fortes devrait permettre une baisse à -8,4 % du PIB du déficit au compte courant. Ces prévisions reposent sur le succès des ventes d'actions dans le secteur pétrolier et l'émission massive de titres sur le marché régional. À moyen terme, la croissance devrait reprendre lentement en 2017 (1,7 %) et progresser vers un taux plus élevé à partir de 2018 (5,2 %) suite au rétablissement des cours du pétrole. Après une contraction en 2017, le secteur pétrolier devrait s'étendre en 2018 de l'ordre de 12,5 % grâce au démarrage de l'exploitation de nouveaux champs pétroliers. En 2017, le taux de croissance du PIB non pétrolier devrait reprendre lentement, de l'ordre de 2,7 % en raison de l'ajustement fiscal sur le secteur secondaire et tertiaire, des réformes sur les recettes planifiées et de la croissance accélérée dans le domaine agricole. Les réformes structurelles liées aux dépenses budgétaires, le climat des affaires et la transparence dans les secteurs pétroliers et agricoles pourraient aussi soutenir la reprise. Les risques de ralentissement comprennent notamment l'incertitude vis-à-vis des cours mondiaux du pétrole, et la menace sécuritaire résultant des conflits régionaux. Non seulement les cours du pétrole pourraient demeurer faibles, mais le Tchad pourrait également continuer à être exposé aux menaces sécuritaires des groupes armées des pays voisins, lesquelles propulseraient les dépenses en matière de sécurité et dissuaderaient l'investissement privé. Sur la base du taux de croissance du PIB réel et estimé, le taux de pauvreté (à 1,90 USD par jour PPA 2011) a progressivement baissé après 2011, avant de passer de 34,8 % en 2014 à pratiquement 37 % en 2017, en raison de la crise. Cette hausse peut également traduire une baisse de la consommation, résultant de la perte de revenus pour les exportateurs de bétail après la fermeture de la frontière, une pluviométrie insuffisante en 2015 et des licenciements dans le secteur public. Toute réduction mineure de la pauvreté en 2018 sera fortement liée à la reprise économique de 2017. DÉFIS À RELEVER Le défi du Tchad à court terme concerne la stratégie financière adoptée par le pays pour faire face à la chute des recettes pétrolières. L'État devra rationaliser considérablement les dépenses publiques et obtenir des financements dans des conditions de prêts favorables dans un contexte de consolidation fiscale grâce à la mobilisation des recettes et à la planification budgétaire ainsi qu'à l'utilisation efficiente des ressources publiques. À moyen terme, les principaux défis sont les suivants : la création d'une caisse d'épargne, la diversification économique et la lutte contre les problèmes d'insécurité. L'instabilité des recettes pétrolières complique la gestion budgétaire. Cette situation est aggravée par une diversification insuffisante des activités non pétrolières et un conflit régional qui freine le commerce, les dépenses publiques et l'investissement privé. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 55 TABLEAU 3 : SÉLECTION D’INDICATEURS ÉCONOMIQUES ET SOCIAUX 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 (Variation annuelle en pourcentage, sauf indication contraire) Revenu et prix nationaux PIB réel 5,7 6,9 1,8 -1,1 1,7 5,2 8,2 PIB pétrolier -7,1 5,7 32,2 -4,8 -3,1 12,5 27,6 PIB non pétrolier 8,0 7,1 -2,9 -0,3 2,7 3,8 4,3 Inflation des prix à la consommation (moyenne) 0,2 1,7 3,7 3,3 4,2 3,0 3,0 Masse monétaire et crédit Crédit au gouvernement (a/) 10,0 18,0 31,6 3,0 1,3 … … Crédit au secteur privé (a/) 2,8 17,3 0,3 -1,6 2,5 … … Masse monétaire (M2) 8,6 26,5 -4,7 0,4 6,9 … … Secteur extérieur Volume exportations biens et services -13,7 5,6 27,6 -9,4 7,1 14,9 17,4 Volume importations biens et services -5,8 9,5 -20,5 -9,0 6,4 7,7 11,9 Balance générale de paiement (% du PIB) -0,2 -1,2 -6,4 -2,6 -1,0 -0,7 -0,4 Balance courante extérieure (% du PIB) -9,2 -9,0 -12,4 -8,8 -8,8 -7,9 -7,5 Dette extérieure (% du PIB) 21,2 29,2 25,1 23,5 19,9 17,4 14,5 (PIB non pétrolier en pourcentage, sauf indication contraire) Financement du gouvernement central Recettes 25,4 21,2 10,9 11,2 12,9 13,9 16,7 Dons 2,4 2,1 3,9 4,3 3,8 3,7 3,7 Dépenses totales et montant net des prêts 31,4 29,6 21,4 20,0 18,9 19,7 20,7 Solde primaire non pétrolier (hors dons, engagements) -18,2 -16,3 -9,8 -7,0 -5,0 -5,0 -5,9 Balance générale (y compris base eng. dons) -3,6 -6,3 -6,6 -4,6 -2,2 -2,1 -0,2 Solde général (y compris dons, liquidités, etc.) -6,6 -4,5 -5,2 -5,8 -3,1 -2,8 -1,0 Dette totale (pourcentage du PIB) 29,7 38,5 39,5 40,5 36,2 33,5 28,4 Dette nationale 8,5 9,2 14,4 17,1 16,3 16,0 14,0 Pour mémoire PIB nominal non pétrolier (milliards FCFA) 6 397 6 884 6 444 6 163 6 811 7 273 8 204 PIB nominal non pétrolier (milliards FCFA) 4 661 5 151 5 153 5 157 5 567 5 790 6 251 Balance générale de paiements (milliards FCFA) -9 6 -412 -162 -71 -49 -35 Réserves brutes int. (imputées, mois des importations) 2,5 2,1 1,0 0,6 0,6 0,6 0,6 Termes de l’échange (variation annuelle en pourcentage) 8,1 -4,3 -46,2 -6,0 12,2 2,7 10,1 Cours du pétrole tchadien (en USD par baril) 103,9 98,0 43,4 33,8 45,2 48,5 50,8 Sources : Autorités tchadiennes, personnel de la Banque et du FMI COUNTRY ECONOMIC FOCUS 56 MALI La reprise économique et la stabilité politique se confirment après la signature de l’accord de paix en juin 2015. La situation extérieure s’est cependant fragilisée et les conditions de sécurité demeurent délicates. En 2016, la reprise se poursuit avec une forte croissance du PIB, une faible inflation et une consolidation de la situation budgétaire. Le PIB réel du Mali devrait augmenter d’environ 5,3 %, reflétant un retour à la normale et une baisse progressive de l’aide internationale. Si tous les secteurs économiques doivent, selon nos estimations, contribuer à la croissance, le secteur tertiaire sera le plus vigoureux grâce au dynamisme des activités de télécommunications et de transport. La croissance du secteur primaire bénéficiera des bonnes performances du secteur agricole (particulièrement du riz irrigué), tandis que la croissance du secteur secondaire ralentira en raison d’une baisse continue de la production aurifère. L’inflation devrait demeurer à 1 % par suite de la croissance normale de la production alimentaire et de la faible inflation mondiale. Quant au déficit du compte courant extérieur, il devrait augmenter à 6,5 % du PIB, reflétant la poursuite d’une forte croissance des importations, associée à une nouvelle hausse des investissements publics. Ce dernier point implique un certain relâchement de la politique budgétaire pour assumer de nouvelles dépenses liées à la mise en œuvre de la stratégie de développement régional, en particulier dans le nord du pays. Cela constitue un engagement clé du gouvernement, en vertu de l’accord de paix prévoyant des dépenses supplémentaires d’environ 1,5 % du PIB destinées principalement à des projets d’investissement. En général, le déficit global devrait atteindre 4,3 % du PIB. Cependant, un certain nombre de risques négatifs liés aux conditions de sécurité, aux conditions météorologiques et aux prix externes peuvent avoir une incidence sur ces perspectives. L’échec des tentatives d’amélioration de la sécurité, particulièrement dans la capitale Bamako, peut saper la confiance des clients et des entreprises, entraver la reprise économique et avoir des répercussions sur les finances publiques. La production agricole demeure vulnérable aux mauvaises conditions météorologiques. La forte dépendance du Mali à l’égard des exportations d’or et de coton expose sa balance des paiements à des fluctuations des prix des marchandises à l’échelle internationale. ÉVOLUTIONS RÉCENTES La croissance du PIB du Mali est robuste depuis 2015, année durant laquelle il a augmenté de 6,0 % grâce à une solide performance des secteurs primaire et tertiaire. Le secteur primaire a progressé de 7,6 % grâce aux bonnes conditions météorologiques, à un meilleur accès aux intrants et à une extension des terres agricoles cultivées. Le secteur tertiaire a enregistré une croissance de 6,9 %, tirée par un regain de dynamisme des télécommunications et, dans une moindre mesure, des services commerciaux et financiers. Cependant, après une expansion remarquable de 10,9 % en 2014, le secteur secondaire s’est contracté de 1,1 % avec le déclin de la production manufacturière et de l’exploitation aurifère. Concernant la demande, la consommation privée et les investissements publics ont stimulé la croissance économique. La consommation des ménages a augmenté de 5,8 %, alimentée par les revenus des zones rurales et les prix stables des denrées alimentaires dans les zones urbaines. Les investissements publics ont augmenté de 18,3 %, se traduisant par un nombre plus élevé d’infrastructures routières, sanitaires et d’irrigation ainsi qu’une augmentation des dépenses en matériel militaire. La moitié des investissements publics a été financée par des ressources externes de partenaires au développement. Quant aux investissements privés, principalement dans le secteur minier et les télécommunications, ils ont augmenté de seulement 1,1 %. Le déficit budgétaire global a commencé à se réduire de manière significative en 2015, en atteignant 1,8 % du PIB grâce aux progrès réalisés dans la mobilisation de ressources nationales et les dépenses ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 57 sous-exécutées. Le revenu fiscal représentait 14,0 % du PIB, une hausse du PIB de 1,5 % par rapport à 2014. Néanmoins, les revenus fiscaux sont restés largement inférieurs au critère de convergence de l’UEMOA fixé à 20 %. La nette amélioration de la collecte des impôts est principalement due à l’augmentation des taxes sur les carburants, les autorités ayant tiré profit de la chute des prix du pétrole à l’importation pour retirer la subvention implicite en maintenant des prix de détail globalement inchangés. Le déficit du compte courant du Mali, en légère détérioration en 2015, a atteint 5,1 % du PIB, contre 4,7 % enregistrés en 2014. Malgré l’incidence positive de la baisse du prix du pétrole et la dépréciation du franc CFA par rapport au dollar, les importations de biens et services ont augmenté suite à la hausse des investissements publics. Le déficit du compte courant a été financé par des excédents du compte de capital et financier, principalement sous la forme d’aides étrangères et d’investissements directs étrangers. Par conséquent, le déficit global de la balance des paiements a chuté de 2,5 % du PIB en 2014 à 1,6 % en 2015, entraînant un épuisement des actifs étrangers du Mali de 14,0 %. L’inflation est restée modérée avec un taux de 1,4 %, largement inférieur au critère de convergence de l’UEMOA de 3 %, grâce à une bonne production agricole et à la chute des prix du pétrole à l’échelle internationale. Cela résultait également du taux de change et des politiques monétaires fixés à l’échelle régionale par la banque centrale communautaire. Le ralentissement économique qui a suivi la crise sécuritaire et politique de 2012-2013 est à l’origine de l’augmentation de 1,5 point de pourcentage du taux d’extrême pauvreté qui a atteint 50,9 % en 2013. Plus récemment, la pauvreté a diminué – 46,9 % en 2015 – après une croissance exceptionnelle de la production agricole en 2014. De plus, l’expansion du secteur tertiaire en 2015 est à l’origine d’une forte croissance du PIB par habitant. Il y a également de fortes chances que les inégalités se soient atténuées, étant donné que la hausse des revenus est censée avoir bénéficié aux ménages travaillant dans le secteur agricole et le secteur tertiaire, qui ont l’indice de pauvreté le plus élevé. PERSPECTIVES L'économie du Mali devrait croître de 5 % par an pendant les trois prochaines années, à compter de 2016, reflétant un retour à la normale et une baisse progressive de l’aide internationale. Selon nos estimations, tous les secteurs économiques devraient contribuer à la croissance, mais à des degrés variables. Le secteur tertiaire s’annonce comme le plus vigoureux, avec un taux de croissance en hausse, passé de 5,6 % en 2016 à 6,9 % en 2018 grâce au dynamisme soutenu des activités de télécommunications et de transport. La croissance du secteur primaire se stabilisera à environ 5 %, et sera équivalente au taux de croissance de l’économie dans son ensemble, en raison des bonnes performances du secteur agricole (particulièrement du riz irrigué). À l’inverse, le taux de croissance du secteur secondaire devrait, selon nos estimations, ralentir et passer de 5,1 % en 2016 à 1,3 % en 2018, en raison d’une baisse continue de la production aurifère. Selon nos estimations, le déficit budgétaire devrait se creuser en 2016 pour atteindre 4,3 % du PIB, avant de chuter à 3,5 % d’ici à 2018 avec l’amélioration de la collecte des impôts et une discipline constante en matière de dépenses ordinaires. La détérioration de 2016 découlera principalement de la hausse des dépenses publiques pour la mise en œuvre de l’accord de paix, tandis que l’augmentation du déficit sera essentiellement financée par les marchés nationaux et régionaux. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 58 Le compte courant devrait se détériorer légèrement pour atteindre 6,5 % du PIB en 2016 en raison d’une forte croissance de l’investissement total. Selon nos estimations, ce déficit pourrait se creuser davantage et atteindre 6,9 % du PIB en 2018 sous l’effet de termes de l’échange moins favorables. Le déficit du compte courant doit être principalement financé par des apports financiers sous forme d'investissements directs étrangers et d’aide publique. Selon nos estimations, le taux de pauvreté devrait baisser de manière constante entre 2016 et 2018. La poursuite de l’expansion vigoureuse de l’économie du Mali au cours des prochaines années entraînera une hausse du PIB par habitant et une baisse concomitante du taux de pauvreté pour atteindre environ 42,9 % en 2018. DÉFIS À RELEVER Les perspectives économiques favorables du Mali sont soumises à des risques négatifs importants et persistants. La mise en œuvre progressive de l’accord de paix et le rétablissement de la sécurité dans tout le pays sont essentiels à la croissance de l’ensemble de l’économie, tout comme l’amélioration constante du bien-être des ménages résidant dans des zones touchées par les conflits et le retour et la réinsertion des ménages et des réfugiés déplacés. Il est probable que le fait de préserver la stabilité des prix renforce la confiance des clients, crée un climat plus propice aux investissements et encourage les partenaires au développement à continuer à apporter leur soutien. Les risques liés à la gouvernance économique menacent l’efficacité de la gestion des finances publiques et l’aide des partenaires au développement, et entravent un climat propice aux affaires. Les chocs liés aux conditions météorologiques présentent un risque important pour la production agricole, qui pourrait s’intensifier au fil du temps à cause du réchauffement climatique. Enfin, toute autre baisse des prix de l’or ou du coton à l’échelle internationale pourrait déstabiliser les comptes extérieurs, étant donné que ces marchandises représentent la majeure partie des revenus à l’exportation du Mali. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 59 TABLEAU 4 : SÉLECTION D’INDICATEURS ÉCONOMIQUES ET FINANCIERS, 2014–2019 2014 2015 2016 2017 2018 2019 (Variations annuelles en pourcentage) Revenu et prix nationaux PIB réel 7,0 6,0 5,3 5,2 4,8 4,7 Déflateur du PIB 1,6 2,8 1,9 0,9 0,1 -0,1 Inflation des prix à la consommation (moyenne) 0,9 1,4 1,0 1,3 1,7 2,1 Masse monétaire et crédit (contribution à la croissance de la masse monétaire) Crédit au gouvernement 0,8 1,6 8,7 6,3 4,0 1,3 Crédit à l’économie 12,4 14,6 7,9 5,6 5,3 3,3 Masse monétaire (M2) 7,1 13,2 12,6 11,1 10,1 5,3 (En % du PIB, sauf indication contraire) Comptes nationaux Consommation privée 76,2 72,5 69,6 69,4 67,6 66,2 Consommation publique 19,1 11,8 11,6 11,7 11,7 11,7 Investissements privés 11,2 10,1 10,1 10,1 10,1 10,1 Investissements publics 6,5 7,3 9,3 9,5 9,2 9,0 Exportations de biens et services 22,5 21,4 19,9 19,4 17,8 17,4 Importations de biens et services 38,0 36,9 35,6 35,0 33,7 33,3 Financement du gouvernement central Balance globale (ordres de paiement) -2,9 -1,8 -4,3 -4,0 -3,5 -3,0 Balance globale (liquidités) -2,4 -3,2 -4,3 -4,0 -3,6 -3,1 Dette intérieure (fin de période) 6,3 7,2 6,8 7,0 7,0 7,0 Dette totale 27,3 31,3 30,4 31,1 32,1 33,3 Secteur extérieur Solde extérieur courant, dont virements officiels -4,7 -5,1 -6,5 -6,7 -6,9 -6,8 Solde extérieur courant, sauf virements officiels -12,7 -13,4 -14,1 -14,1 -14,0 -13,7 Exportations de biens et services 22,5 21,4 19,9 19,4 17,8 17,4 Importations de biens et services 38,0 36,9 35,6 35,0 33,7 33,3 Service de la dette pour les exportations de biens et services 3,5 6,5 4,4 4,4 4,9 5,2 Dette extérieure (fin de période) 21,0 24,1 23,6 24,1 25,1 26.3 PIB nominal (milliards de francs CFA) 7 114 7 748 8 312 8 816 9 245 9 673 Sources : Estimations (2014-2015) et prévisions (2016-2019) du personnel du ministère des Finances, du FMI et de la Banque mondiale, juin 2016. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 60 LA GUINÉE L’effet post-Ebola entraîne actuellement une reprise de l’économie guinéenne, malgré le prix bas des marchandises. Les projections pour 2016 évaluent à 4 % la croissance du PIB réel, stimulée par une production de bauxite et d’or croissante, et la reprise des services. Bien que la politique monétaire du pays reste rigoureuse, l’inflation ne passera probablement pas sous la barre de 8,3 % en raison de la forte demande privée dans le pays, du prix élevé des importations alimentaires et d’autres effets de transfert liés à une dépréciation continue du franc guinéen de 15 % depuis 2014. La croissance serait plus forte si le projet de mine de fer à Simandou, lancé par Rio Tinto, n’avait pas été suspendu, affectant indirectement l’économie guinéenne, dans la mesure où cette décision peut envoyer un signal négatif à la communauté minière internationale. Le solde budgétaire du secteur public atteindra un niveau frôlant -1,1% du PIB en raison de la forte croissance des revenus et d’une gestion très stricte des dépenses. La recette fiscale est en augmentation grâce aux efforts déployés pour renforcer la fonction publique, et à de nouvelles mesures fiscales. Il en a résulté une amélioration de la perception des impôts sur les entreprises, des recettes de la TVA et d’autres taxes indirectes qui ont connu une relance à l’issue de la pandémie d’Ebola. De nouvelles mesures prises en 2016 – notamment l’augmentation de la TVA de 16 % à 18 % ou l’introduction d’une nouvelle taxe sur les téléphones portables au 1er juillet 2015 – ont permis de réduire de plus de 2 % du PIB le budget des dépenses courantes, désormais à 15,5 %, de ramener les dépenses en capital à seulement 9,1 % du PIB, et de réduire considérablement (de plus de 1,5 % du PIB) les dépenses liées aux biens et services (autres que la santé) ainsi qu’aux subventions. D’autres programmes essentiels du plan de relance post-Ebola ont été supprimés ou réduits faute de ressources de financement suffisantes. Malgré la politique monétaire prudente de la banque centrale et la baisse escomptée du prix des importations alimentaires, le taux d’inflation pour 2016 devrait frôler les 8,2 %. Il existe aussi plusieurs risques à la baisse, tels que le faible prix des marchandises, en particulier du minerai de fer et de la bauxite, et l'incertitude en matière d’investissements miniers, retombée directe de la suspension en juillet 2016 du projet de Rio Tinto à Simandou. ÉVOLUTIONS RÉCENTES Les perspectives économiques pour 2016 sont positives à la suite de la pandémie d’Ebola en 2014-2015. L’économie se remet lentement bien que le prix des marchandises reste bas. Les projections envisagent une croissance de 4 %, stimulée par une production de bauxite et d’or robuste et l’amélioration des services. En revanche, le bas prix des marchandises constitue un frein à la relance. À côté des valeurs maximales atteintes ces dernières années, le prix des quatre principaux minerais exportés par la Guinée (bauxite, diamant, or et minerai de fer) a chuté entre 30 à 60 % au cours des deux dernières années. Le faible prix de l’or a nui à la production d’or, essentiellement artisanale, tandis que la dévalorisation du minerai de fer a rendu caduc le projet de mine de fer à Simandou. En 2016, le minerai de fer vaut 48 USD (USD/MT), contre 128 USD en 2012. De même, le bauxite vaut 50 USD (USD/MT) en 2016, contre 68,9 (USD/t) en 2014. Néanmoins, l’agriculture reste robuste et assure une production régulière. La production d’électricité, quant à elle, s’est améliorée grâce à la mise en activité de la nouvelle centrale hydroélectrique de Kaleta et à de nouveaux générateurs thermiques. La suspension du projet Simandou, d’une valeur de 20 milliards USD, en juillet 2016, constitue un revers particulièrement cuisant pour la Guinée. Ce projet ambitieux, auquel Rio Tinto et d’autres devaient participer, était censé amener sur le marché international un minerai de fer de qualité supérieure tout en créant ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 61 50 000 emplois en Guinée. Néanmoins, en raison du prix très bas du minerai de fer et du coût élevé des infrastructures, Rio n’a pour l’instant lancé ni les investissements ni la production. En juillet 2016, la direction de Rio Tinto a fait savoir qu’elle allait réduire sa présence à Conakry, licencier une partie de son personnel, et ne pas renouveler le bail de ses locaux, laissant envisager des retards supplémentaires. Dans la mesure où l’échec de Simandou envoie également un signal à la communauté minière internationale, la suspension de ce projet aura forcément des répercussions sur l’économie guinéenne. La situation fiscale s’est nettement améliorée en 2016, avec l’amélioration de la mobilisation des revenus et du contrôle des dépenses. La part des recettes dans le PIB devrait normalement augmenter de 17,5 % en 2015 à 19,3 % en 2016. La recette fiscale augmente grâce aux efforts déployés pour renforcer la fonction publique et à de nouvelles mesures fiscales. Il en a résulté l’amélioration de la perception des impôts sur les entreprises, des recettes de la TVA et d’autres taxes indirectes qui ont connu une relance à l’issue de la pandémie d’Ebola. Parmi les nouvelles mesures figurent le relèvement de la TVA à 18 % et l’introduction au 1er juillet 2015 d’une nouvelle taxe sur les téléphones portables. Signe concret de cet ajustement fiscal, le budget des dépenses courantes a pu être réduit de plus de 2 % du PIB, passant de 18,1 à 15,5 % du PIB ; dans le même temps, les dépenses en capital ont été ramenées de 9,7 % à 9,1 % du PIB. Les biens et services (autres que la santé) ainsi que les subventions ont également subi des réductions considérables : plus de 1,5 % du PIB. Toutefois, certaines mesures essentielles du plan de relance post-Ebola ont été supprimées ou réduites faute de ressources suffisantes pour les financer. Des inquiétudes subsistent donc sur ce plan de relance post-Ebola. L’apport massif d’aides qui a permis d’amortir les chocs financiers durant la crise d’Ebola risque fort de ne pas se maintenir à un niveau élevé au cours du processus de relance, compte tenu de l’épuisement des donateurs et des nombreuses demandes auxquelles les aides humanitaires doivent répondre. Les sixième et septième Revues du FMI ont été finalisées et approuvées par le Comité de direction le 22 juillet 2016. Durant la première moitié de 2016, le pays a appliqué une politique monétaire rigoureuse, reflétant une prudence accrue de la banque centrale en comparaison avec 2015. Le taux de change officiel s’est stabilisé après la réforme du mécanisme fixant le taux de change, qui avait entraîné une dépréciation de 12 % début 2016. Les disparités considérables qui existaient entre le taux de change officiel et les taux de change parallèles sont désormais inférieures à 3 %. Depuis 2014, le taux de change a perdu plus de 15 % de sa valeur face au dollar. Au mois de juin, la réserve de change nette de la banque centrale a été relevée à 2,6 mois d’importations, contrebalançant ainsi les pertes subies en 2014-2015 : à l’époque, un plan de la banque centrale visant à fournir des garanties aux investisseurs privés avait entraîné l’érosion de la position de réserve du pays. D’après une analyse de soutenabilité de la dette récemment effectuée conjointement par le FMI et la Banque mondiale, la Guinée reste exposée à un risque de surendettement modéré en 2016, puisque la dette publique pour 2015 devrait atteindre 31 % du PIB. En 2012, on estimait l’indice numérique de la pauvreté à 53 %, contre plus de 60 % dans les années 1990. La crise Ebola a entraîné une dégradation de la pauvreté et du niveau de vie. Une nouvelle enquête réalisée par le biais des téléphones portables auprès de 2 500 familles en septembre 2015 a révélé les conséquences néfastes d’Ebola sur la pauvreté, ainsi que son impact négatif sur l’emploi et la prospérité. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 62 PERSPECTIVES D’après les estimations, la croissance réelle du PIB devrait atteindre 3,8 % en 2016 et dépasser les 4 % en 2017 et 2018 grâce à la reprise du pays au sortir de la crise de l’Ebola, à la relance des activités du secteur minier, à la vigueur persistante de l’agriculture et à la reprise du secteur des services. En revanche, il existe plusieurs risques à la baisse, tel le faible prix des marchandises, en particulier du minerai de fer et de la bauxite, et l'incertitude en matière d’investissements miniers, retombée directe de la suspension en juillet 2016 du projet de Rio Tinto à Simandou. Le taux d’inflation devrait continuer de baisser pour atteindre 8 % en 2017 et 2018, en raison de la politique monétaire prudente appliquée par la banque centrale et de la baisse escomptée du prix des importations alimentaires. DÉFIS À RELEVER En 2016, la Guinée est sur la voie de la reprise, mais reste confrontée aux obstacles liés à la relance post- Ebola et au faible prix des marchandises. Le pays a besoin d’un soutien considérable de la communauté internationale. Le secteur minier représente un potentiel très important, mais il dépend des perspectives d’évolution du prix des marchandises. Une tendance à la hausse du prix de l’or et de la bauxite pourrait aider la Guinée, mais il existe aussi des risques à la baisse, comme la confiance très limitée des investisseurs et les retombées négatives de la suspension du projet Simandou. La politique fiscale 2016 est prudente et favorise la pérennité de la stabilité macroéconomique réalisée ces dernières années, tout en augmentant les dépenses en faveur des pauvres au moment où les aides post-Ebola s’amenuisent. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 63 TABLEAU 5 : INDICATEURS ÉCONOMIQUES POUR LA GUINÉE 2012-18   2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018   Est Proj Proj (Variation annuelle exprimée en pourcentage) Comptes et prix nationaux PIB à prix constants 3,9 3,8 2,3 0,4 0,1 4,0 4,4 4,5 PIB à prix courants 24,4 17,3 8,7 7,9 7,6 13,4 12,7 11,0 Déflateur du PIB 19,7 13,0 6,3 7,5 7,5 9,2 9,6 7,9 Prix à la consommation Moyenne annuelle 21,4 15,2 11,9 9,7 8,2 8,2 8,0 8,1 Fin de période 19,0 12,8 10,5 9,1 7,3 8,8 7,5 6,0 Secteur extérieur Exportations (FOB ; en USD) 11,8 -1,4 -5,4 0,7 -15,3 22,8 5,4 14,4 Importations (FOB ; en USD) 50,1 6,7 -6,7 -4,9 -6,8 1,2 4,9 8,8 Masse monétaire et crédit Actifs étrangers nets 40,1 -3,5 -0,3 -11,0 7,9 4,0 12,7 6,6 Actifs nationaux nets -30,7 4,5 14,4 20,6 31,2 3,1 6,7 4,3 Créances nettes sur l'État -44,8 12,9 10,2 5,9 17,2 -0,9 1,8 -1,0 Crédit au secteur non gouvernemental 15,0 -1,1 9,7 9,5 10,8 4,0 4,9 5,3 Masse monétaire 9,4 1,0 14,1 13,1 20,3 11,1 19,4 10,9 Réserves monétaires -4,9 -3,1 15,7 1,6 2,6 11,6 21,7 10,1 Financement du gouvernement central (en pourcentage du PIB) Total recettes et dons 20,2 22,9 20,2 21,9 19,0 22,9 23,3 23,7 Recettes 16,8 20,1 18,3 17,9 17,5 19,2 19,4 19,6 Dons 3,4 2,7 1,9 4,0 1,5 3,7 4,0 4,1 Total dépenses et montant net des prêts 21,5 26,1 25,8 26,1 27,8 24,0 24,2 24,3 Dépenses courantes 16,3 15,9 16,5 17,6 18,1 15,5 14,9 14,8 Dépenses en capital 5,2 10,2 8,9 8,3 9,7 9,1 9,2 9,4 Solde budgétaire global Hors dons -4,7 -6,0 -7,5 -8,2 -10,3 -4,8 -4,8 -4,7 Avec dons -1,3 -3,3 -5,6 -4,1 -8,7 -1,1 -0,8 -0,6 Solde des comptes courants Dont transferts publics -19,3 -25,9 -21,1 -18,2 -18,7 -13,2 -24,8 -13,6 Hors transferts publics -21,5 -26,9 -21,5 -19,7 -18,9 -14,5 -12,5 -14,9 Balance globale des paiements 10,2 -5,8 0,5 -0,2 -5,1 1,0 3,3 1,8 Réserves publiques brutes (en mois d’importations) 4,4 3,4 3,6 4,2 2,1 3,0 3,2 3,4 Dette publique extérieure 67,5 23,0 25,3 25,5 25,4 28,3 30,5 31,0 Dette publique totale 77,5 35,4 39,1 42,5 49,1 48,5 47,8 46,0 PIB nominal (en milliards de GNF) 33 739 39 591 43 048 46 463 51 315 58 201 65 583 73 948 Source: Fonds monétaire international ; estimations et projections réalisées par le personnel de la Banque. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 64 NIGER Les perspectives pour le Niger restent assez positives. La croissance du PIB réel devrait atteindre 5,2 %, aidée par un secteur agricole solide et une reprise soutenue, proche des niveaux de production antérieurs du secteur pétrolier à mesure que la raffinerie de Soraz reprend sa production normale. L'inflation devrait rester maîtrisée, à 1,6 %. Cependant, le déficit de la balance courante devrait rester proche de -17,8 % du PIB, l'impact des cours inférieurs du pétrole étant compensé par la diminution des dépenses publiques d'investissement et des retards dans la construction du pipeline Niger-Tchad. Le déficit budgétaire global devrait diminuer pour atteindre -6,3 % du PIB grâce à une légère amélioration des recettes, une modeste augmentation de la taxation sur les projets de ressources naturelles mis en service, et au renforcement des capacités administratives. Les dépenses courantes connaissant une légère baisse, et en se fondant sur l'hypothèse d'une baisse progressive des financements extérieurs, les dépenses d'investissement resteront supérieures à 10 % du PIB par an à mesure que les lacunes en matière d'infrastructures seront comblées. Les principaux risques sont à la fois extérieurs et intérieurs. Un rebond des cours de l'uranium et du pétrole devrait permettre d'accroître de manière significative les exportations du Niger et sa marge de manœuvre budgétaire. Cependant, de nouvelles baisses des cours du pétrole et de l'uranium pourraient retarder la mise en œuvre des projets mentionnés ci-dessus et, par conséquent, les recettes publiques attendues. En outre, les épisodes de sécheresse ou les inondations pourraient accentuer l'insécurité alimentaire et l'instabilité sociale, et la persistance ou l'intensification des conflits armés aggraver les pressions financières et entraver le commerce. ÉVOLUTIONS RÉCENTES L'économie du Niger se remet d'un ralentissement économique important en 2015. La croissance du PIB réel a ralenti, passant de 7 % en 2014 à 3,5 % en 2015. La baisse du cours des matières premières et de la production de pétrole et d'uranium a entraîné une forte contraction du secteur extractif, soit 8 % en termes réels en 2015. L'agriculture (42 % du PIB) a enregistré une croissance de seulement 1,5 % en raison d'une période de sécheresse et d'une détérioration des conditions de sécurité, contre un taux de croissance moyen de 7,7 % pendant les trois années précédentes. Les retombées de la crise économique au Nigeria, principal partenaire commercial régional du Niger, et les activités terroristes le long de la frontière sud-est ont entraîné une baisse de 9 % des exportations. Le taux annuel moyen d'inflation a été contenu à moins de 1 % en 2015. La situation budgétaire s'est dégradée en 2015 en raison d'un niveau élevé de dépenses et de recettes fiscales inférieures aux prévisions. Le déficit budgétaire global (dons compris, sur la base des engagements) a augmenté de 8 % en 2014 pour atteindre 9,1 % en 2015. Il n'a donc pas satisfait au critère de convergence de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) pour la seconde année consécutive. Le montant total des recettes a augmenté de 0,6 % du PIB, ce qui reflète les réformes menées au niveau des administrations fiscales et douanières depuis le début de 2015, et une plus grande contribution du secteur des télécommunications. Les dépenses totales ont augmenté de 1,7 % du PIB en 2015 en raison de paiements supplémentaires aux forces de sécurité et du recrutement de nouveaux enseignants (+ 0,5 % du PIB), ainsi que de dépenses d'investissement supplémentaires (+ 0,7 % du PIB). Le déficit du secteur extérieur a commencé à se creuser en 2015, reflétant une détérioration des termes de l'échange. Les fluctuations des cours des produits de base et de grands projets d'investissement ont abouti à un important déficit de la balance courante, estimé à 17,7 % du PIB en 2015, contre 15,1 % du PIB en 2014. ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 65 Les exportations de produits pétroliers raffinés et d'uranium ont toutes deux enregistré une baisse, tandis que les importations ont augmenté suite à l'achat de nouveaux armements à des fins de sécurité et dans les infrastructures. Les exportations de produits pétroliers ont diminué de 51 % en 2015, et les exportations d'uranium ont ralenti en raison de la chute des cours mondiaux. L'uranium n'a représenté que 34 % des exportations totales en 2015, contre 53 % en 2013. Le déficit de la balance courante a été presque entièrement financé par l'aide publique — qui devrait passer de 10,4 % du PIB en 2015 à 11,2 % en 2016 — et par les IDE, qui devraient passer de 6 % du PIB en 2015 à 8 % en 2016. Les réserves extérieures ont baissé, tout en restant à des niveaux confortables, équivalant à 4,4 mois d'importations de biens et services. Les estimations tirées des dernières enquêtes sur le budget des ménages en 2014 indiquent que le nombre de personnes vivant sous le seuil de pauvreté national a diminué de 4,4 %, passant de 48,9 % en 2011 à 44,5 % en 2014. La pauvreté a diminué dans les zones rurales et urbaines, mais la réduction de la pauvreté a été plus importante dans la capitale de Niamey et dans les autres zones urbaines, où elle est passée de 16 % en 2011 à 8,7 % en 2014. De même, si l'on se base sur le seuil de pauvreté international (1,90 USD par jour, exprimé en PPA), le taux de pauvreté du Niger a baissé de 50,3 % en 2011 à 45,7 % en 2014. La pauvreté est généralement sensible à la croissance économique multisectorielle, mais surtout à la production dans le secteur agricole, qui est très vulnérable à la sécheresse, aux inondations et aux parasites. PERSPECTIVES Les perspectives à moyen terme du Niger restent favorables. Le PIB devrait enregistrer une croissance de 5 % en 2016 et l'inflation devrait rester inférieure à 1 %. Le taux de croissance devrait progressivement augmenter si l’on s’appuie sur l'hypothèse d'un retour rapide de la production du secteur pétrolier à son niveau antérieur (lorsque la raffinerie de Soraz aura repris sa production normale) et de l'expansion des secteurs non extractifs (à mesure que les conditions de sécurité s'améliorent). Le PIB réel devrait atteindre une moyenne de 5,4 % en 2016-2018. Cette augmentation prévue suppose une forte croissance moyenne dans les secteurs non extractifs de 5,3 %, tandis que les activités (et les cours) du secteur pétrolier se rétabliront progressivement. La balance courante (dons compris) devrait s'améliorer et atteindre une moyenne de 17,1 % du PIB au cours de la période 2016-2018, principalement en raison d'exportations plus fortes et de la diminution des importations associées à des dépenses d'investissement. Des améliorations dans le domaine de la sécurité, du transport et des politiques commerciales devraient soutenir les exportations agricoles, avec un taux moyen annuel de 6 %. La consolidation budgétaire sera progressive. L'exécution budgétaire au cours du premier semestre de 2016 a subi des pressions normales (qui s'expliquent principalement par la sécurité), qui ont conduit à une révision budgétaire le 9 juin 2016. Une révision budgétaire à mi-parcours a entraîné une augmentation des dépenses de 0,3 % du PIB. Les perspectives en matière de pauvreté pour la période 2016-2018 devraient également connaître une légère amélioration. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 66 DÉFIS À RELEVER La réduction de l'impact des chocs externes auxquels le Niger est exposé reste le principal risque de détérioration. La persistance ou l'intensification des conflits armés, susceptible d’aggraver les pressions budgétaires et de détourner les priorités de dépenses au détriment des projets de développement, constitue aussi un risque important. Les autres retombées des menaces sur la sécurité régionale affecteront la croissance, et représenteront un fardeau supplémentaire pour les finances gouvernementales en réduisant les recettes douanières du fait de volumes d'échanges plus faibles, et de l'augmentation des dépenses de sécurité. L'économie est également vulnérable aux chocs climatiques et à la volatilité des prix des produits de base, qui affectent les principaux moteurs de croissance, à savoir l'agriculture et les industries extractives (uranium et pétrole). Une amélioration de l'efficacité de la gestion des investissements publics est nécessaire dans la mesure où les dépenses d'investissement devraient baisser à moyen terme. Enfin, un autre risque majeur réside dans la diversification progressive de l'économie en vue de réduire son exposition aux prix des produits de base et d'assurer un modèle de croissance durable, capable de créer des emplois dans le pays présentant le taux de croissance démographique le plus élevé au monde (3,9 %). ANALYSE ÉCONOMIQUE DES PAYS 67 TABLEAU 6 : INDICATEURS CLÉS MACROÉCONOMIQUES ET FINANCIERS, 2012-2019 2012 2013 2014 2015 2016 (p) 2017 (p) 2018 (p) 2019 (p) Revenu national et prix PIB à prix constants 11,9 5,3 7,0 3,5 5,2 5,0 5,3 8,6 PIB hors ressources naturelles, à prix constants 8,8 4,8 7,9 4,1 4,9 4,9 5,3 5,8 Production de pétrole (millier de barils par jour) 13,0 18,0 17,0 13,0 16,0 17,0 18,0 37,0 Déflateur du PIB 4,8 2,4 -0,5 0,5 2,0 2,4 2,2 1,8 Indice des prix à la consommation (moyenne annuelle) 0,5 2,3 -0,9 1,0 1,6 2,0 2,1 2,0 Secteur extérieur Exportations, FOB (francs CFA) 22,8 6,5 -8,8 -9,1 -7,2 7,7 15,1 26,5 Dont : exportations hors uranium 40,8 21,0 -1,5 -13,3 5,8 4,6 16,3 36,7 Importations, FOB (francs CFA) -6,1 2,6 7,0 4,8 1,5 5,7 8,8 9,0 Termes de l'échange (détérioration -) 2,7 -3,1 -19,4 -3,1 -7,2 2,4 1,9 -4,7 Monnaie et crédit Crédit intérieur 5,9 -2,7 7,2 17,2 11,1 6,0 4,5 7,2 Crédit au gouvernement (net) -10,0 -5,2 1,1 10,4 3,6 1,9 0,3 1,5 Crédit à l'économie 15,9 2,5 6,1 6,8 7,5 4,2 4,1 5,7 Actifs domestiques nets 3,8 -2,7 5,2 15,9 10,3 6,3 4,7 7,4 Masse monétaire (pourcentage) 31,2 10,1 25,7 3,6 13,7 10,6 8,9 11,6 Budget de l'administration Recettes totales 15,2 16,6 17,5 18,1 17,7 17,8 18,0 19,3 Dépenses et prêts nets totaux 22,3 27,2 31,0 32,7 30,1 27,6 26,3 25,4 Dont : dépenses courantes 11,3 13,5 14,6 15,6 15,4 15,3 15,1 14,6 Dont : dépenses en capital 11,0 13,7 16,4 17,1 14,7 12,3 11,1 10,8 Investissement brut 40,1 40,2 39,3 41,8 42,4 41,8 41,2 37,8 Dont : investissement non gouvernemental 29,0 26,5 22,9 24,7 27,7 29,6 30,1 27,1 Dont : investissement gouvernemental 11 13,7 16,4 17,1 14,7 12,3 11,1 10,8 Épargne nationale brute 25,5 25,2 24,2 24,3 24,7 24,4 24,1 22,9 Dont : non gouvernementale 18,3 20,0 19,0 20,1 20,4 20,2 19,7 17,1 Épargne nationale 22,7 23,7 21,4 21,4 21,4 21,4 21,4 20,7 Balance du compte courant extérieur (dons inclus) -14,8 -15,0 -15,1 -17,5 -17,8 -17,5 -17,2 -14,9 Service de la dette en pourcentage de : Exportation de biens et services 3,6 3,3 4,2 5,5 7,3 6,8 6,5 5,4 Recettes de l’État 5,2 4,5 5,0 5,7 7,0 6,4 6,4 5,6 Dette extérieure publique ou à garantie publique totale 26,0 27,2 35,3 44,7 53,0 54,7 55,1 52,9 Dette nationale publique 5,0 5,2 8,7 11,5 11,6 11,8 11,5 10,3 Aide extérieure 8,5 11,1 8,9 10,4 11,2 9,1 8,2 7,2 PIB aux prix courants du marché 3 544 3 788 4 077 4 242 4 458 4 790 5 153 5 695 Sources : Autorités nigériennes ; estimations des personnels du FMI et de la Banque mondiale. COUNTRY ECONOMIC FOCUS 68 EXPLOSION DÉMOGRAPHIQUE au Sahel : UN ATOUT OU UN FARDEAU ? DOSSIER SPÉCIAL : RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE Crédit photo : Banque mondiale/Anne Laure Senges