71731 Les Profiteurs Incriminer l’enrichissement illicite pour combattre la corruption Lindy Muzila Michelle Morales Marianne Mathias Tammar Berger Les Profiteurs Stolen Asset Recovery (StAR) Series StAR—pour Stolen Asset Recovery Initiative—est un partenariat entre la Banque Mon- diale et l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC) qui soutient les efforts internationaux de lutte contre les paradis fiscaux utilisés par les détenteurs de produits de la corruption. StAR travaille avec les pays en voie de développement et les centre financiers pour combattre le blanchiment des produits de la corruption et pour faciliter un recouvrement plus rapide et plus systématique des avoirs volés. La série Stolen Asset Recovery (StAR) soutient les efforts de StAR et de l’UNODC en apportant aux praticiens une meilleure connaissance et des outils de décision qui con- tribuent à consolider les bonnes pratiques internationales, ainsi qu’une expérience pra- tique étendue sur l’ensemble des questions les plus pointues en matière de lutte anti- corruption et de recouvrement d’avoirs. Pour de plus amples informations, se référer à l’adresse suivante: www.worldbank.org/star. Titres de la série Stolen Asset Recovery (StAR) Biens mal acquis: un guide des bonnes pratiques en matière de confiscation d’actifs sans condamnation (CSC) (2009); Theodore S. Greenberg, Linda M. Samuel, Wingate Grant, et Larissa Gray Personnes Politiquement Exposées: Des mesures préventives pour le secteur bancaire (2010); Theodore S. Greenberg, Larissa Gray, Delphine Schantz, Carolin Gardner, et Michael Latham Manuel de Recouvrement des Biens Mal Acquis: Un Guide pour les Praticiens (2011); Jean-Pierre Brun, Larissa Gray, Clive Scott, et Kevin Stephenson Les Obstacles au Recouvrement des Biens Mal Acquis: Une analyse des obstacles- clés et des recommandations pour l’action (2011); Kevin Stephenson, Larissa Gray, et Ric Power Les Marionnettistes: Comment dissimuler les biens mal acquis derrière des structures juridiques, et que faire pour l’empêcher (2011); Emile van der Does de Willebois, J.C. Sharman, Robert Harrison, Ji Won Park, et Emily Halter Identification et quantification des profits de la corruption: Une analyse OCDE-StAR (2011)) Les Profiteurs: Incriminer l’enrichissement illicite pour combattre la corruption (2012); Lindy Muzila, Michelle Morales, Marianne Mathias, et Tammar Berger Les Profiteurs Incriminer l’enrichissement illicite pour combattre la corruption Lindy Muzila Michelle Morales Marianne Mathias Tammar Berger © 2014 Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement / Association pour le Développement International ou Banque Mondiale. 1818 H Street NW Washington DC 20433 Téléphone: 202-473-1000 Internet: www.worldbank.org Ce travail a été initialement publié par la Banque mondiale en anglais, sous le titre On the take: Criminal- izing illicit enrichment to fight corruption en 2012. En cas de divergence, la langue originale primera. Ce travail a été effectué par le personnel de la Banque Mondiale et enrichi de contributions externes. Les interprétations et conclusions exprimées dans ce livre ne reflètent pas nécessairement les vues des directeurs exécutifs de la Banque Mondiale ou des gouvernements qu’ils représentent. La Banque Mondiale ne garantit pas l’exactitude des données contenues dans cet ouvrage. Les frontières, couleurs, dénominations, ainsi que toutes les autres informations figurant sur les cartes incluses dans cet ouvrage n’impliquent de la part de la Banque Mondiale aucun jugement au regard du statut légal de tel ou tel territoire, ou une quelconque reconnaissance ou acceptation de telles frontières. Droits et permissions Le contenu de cette publication fait l’objet d’un dépôt légal. La Banque Mondiale encourage la diffusion de son travail, ainsi tout ou partie de cette publication peut être reproduit pour des raisons non commerciales, si la source est mentionnée et le travail lui est entièrement attribué. Toutes les demandes concernant les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, doivent être adressées à : World Bank Publications, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; Fax : 202-522-2625; courriel : pubrights@worldbank.org. Attribution—Merci de citer l’ouvrage comme suit : Ce travail a été initialement publié par la Banque mon- diale en anglais Muzila, Lindy, Michelle Morales, Marianne Mathias, and Tammar Berger. 2012. On the Take: Criminalizing Illicit Enrichment to Fight Corruption. World Bank. © World Bank. https://openknowledge. worldbank.org/handle/10986/2320 License: CC BY 3.0 IGO. En cas de divergence, la langue originale primera. Photo de couverture: Shutterstock and photos.com Conception de la couverture: Naylor Design Sommaire Remerciementsix Abréviationsxi   Résumé xiii    Introduction: l’objet de cette étude 1 Méthodologie 2 Comment utiliser cette étude 4 1.  Le fondement de l’enrichissement illicite 7 1.1  Les raisons de criminaliser l’enrichissement illicite 7 1.2  La poursuite des faits d’enrichissement illicite 9 1.3  Origines et développement de l’infraction 10 2.  Définir l’enrichissement illicite 13 2.1  Définitions nationales et internationales 13 2.2  Eléments constitutifs de l’infraction 15 2.2.1  Les personnes concernées 15 2.2.2  La période concernée ou période de vérification 18 2.2.3  L’augmentation substantielle du patrimoine 21 2.2.4  L’intentionnalité 24 2.2.5  L’absence de justification 26 2.3  Observations 30 3.  Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme 31 3.1  Les principes fondamentaux en jeu 34 3.1.1  La présomption d’innocence 34 3.1.2  La protection contre l’auto-incrimination 36 3.1.3  Le principe de légalité 38 3.2  Les présomptions légales contenues dans des infractions   autres que l’enrichissement illicite 38 3.3  La protection des droits de l’accusé dans les procédures   pour enrichissement illicite 41 3.4  Observations 43 v 4.  Aspects opérationnels 45 4.1  Le déclenchement des enquêtes pour des faits d’enrichissement illicite 45 4.1.1  Les déclarations de revenus et de patrimoine 45 4.1.2  Les vérifications de train de vie et les plaintes 47 4.1.3  Les déclarations de transactions suspectes 48 4.1.4  Les autres enquêtes 49 4.2  Le renforcement des enquêtes portant sur des faits d’enrichissement illicite 50 4.2.1  La coordination interne 50 4.2.2  L’établissement d’un profil financier 51 4.2.3  Les outils et compétences facilitant les enquêtes 52 4.3  Le traitement et les interactions avec l’agent public pendant l’enquête 54 4.3.1  Les étapes de la procédure 54 4.4  Appliquer les lois relatives à l’enrichissement illicite: les obstacles 55 4.4.1  L’accès aux registres et aux bases de données pertinentes 56 4.4.2  Le cas des économies reposant sur l’usage des espèces et l’évaluation des biens 57 4.4.3  L’utilisation de tiers 57 4.4.4  Des solutions originales aux problèmes posés par ces obstacles 59 4.5  Evaluer l’efficacité du régime de l’enrichissement illicite 59 4.5.1  Les pénalités et la confiscation 59 4.5.2  Les performances 62 4.6 Observations 65 5.  La coopération internationale 67 5.1  Le problème de la double incrimination 68 5.2  Satisfaire aux standards de preuve et aux droits de la défense 70 5.3  Le régime de coopération juridique 72 5.4  Observations 73 Annexe A  Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite 75 Annexe B Les juridictions ayant des dispositions relatives à l’enrichissement illicite et leur classement pour l’état de droit, le contrôle de la corruption et le PIB par habitant, 2009 99 Annexe C  Le questionnaire sur l’enrichissement illicite 101 Informations contextuelles 101 Cadre juridique 101 Données d’application 102 Coopération internationale 102 Recouvrement d’avoirs 103 Obstacles 103 vi I Sommaire Bibliographie 105 Encarts 1.1 L’Etat contre Mzumar: Malawi 8 3.1 La confiscation administrative en Suisse 42 4.1 Infractions apparentées 55 4.2 Les Benamis en Inde 58 4.3 L’affaire Alsogaray en Argentine 62 5.1 Les Etats-Unis et la coopération internationale en matière d’enrichissement illicite 70 Illustrations 2.1 Processus général d’un dossier d’enrichissement illicite 27 4.1 Eléments déclencheurs des enquêtes pour enrichissement illicite en Inde 50 Tables 2.1 Définitions de l’enrichissement illicite dans les conventions internationales 14 2.2 Définitions de l’enrichissement illicite en droit national 14 4.1 Enquêtes, poursuites et condamnation pour des faits d’enrichissement illicites et autres infractions de corruption en Argentine, 2000-2009 64 4.2 Bilan des affaires d’enrichissement illicite au Pakistan, 1999-2011 64 Sommaire I vii Remerciements Cette étude est le résultat de la collaboration de collègues basés dans toutes les régions dumonde. Leur temps et leur expertise ont permis aux praticiens de partager leur connaissance et leur expérience de la réalité de l’infraction d’enrichissement illicite dans les juridictions qui criminalisent ce dernier. Cette publication a été réalisée par Lindy Muzila (chef de projet, Stolen Asset Recovery Initiative [StAR], Michelle Morales (StAR), Marianne Mathias (consultante, StAR), et Tammar Berger (consultante, StAR). Les auteurs souhaitent exprimer une reconnaissance toute particulière à l’égard d’Adrian Fozzard (coordinateur, StAR), Jean Pesme (coordinateur, StAR), Dimitri Vlassis (directeur de la division Corruption et Criminalité Economique de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime [UNODC], et Brigitte Strobel-Shaw (directrice de la section Support Conférence pour la division Corruption et Criminalité Economique, UNODC) pour leur soutien et leurs conseils sur ce projet. Cette étude a bénéficié de la collaboration de l’Office des Nations Unies du Haut Com- missariat aux Droits de l’Homme (OHCHR), qui a généreusement contribué par son temps et son expérience sous le patronage d’Ayuush Bat-Erdene (Directeur, section Droit au Développement, OHCHR), assisté de Basil Fernando (consultant, OHCHR). Tout au long de la réalisation de cette étude, de précieuses contributions qui l’ont aidée à prendre forme ont été reçues de Matthew Adler (consultant projet, Etats-Unis), Yassine Allam (Tunisie), Noemie Apollon (consultant projet, Canada), Silvina Coarsi (consultant projet, Argentine), Chantal Herberstein (Autriche), Rutherford Hubbard (Etats-Unis), Guillermo Jorge (consultant projet, Argentine), Eva Melis (Allemagne), Hari Mulukutla (consultant projet, Etats-Unis), Yousef Nasrallah (consultant projet) et Chiara Redini (Italie). L’équipe remercie également toutes les autorités qui ont pris de leur temps pour remplir le questionnaire sur l’usage de l’enrichissement illicite dans leur juridiction. Des remer- ciements doivent être spécialement adressés s aux autorités argentines, chinoises (Hong Kong), indiennes et pakistanaises, qui ont fourni des informations détaillées sur leur cadre opérationnel, leur jurisprudence et leurs statistiques en matière d’enrichissement illicite. ix Dans le cadre du processus d’élaboration et de consultation pour la réalisation de ce document, un atelier pour les praticiens s’est tenu à Washington, DC, en avril 2011. Les praticiens y ont apporté leur expérience en matière d’enquête et de poursuites portant sur des faits d’enrichissement illicite tant dans les pays de droit civil que dans ceux de common law. L’atelier a aussi permis un dialogue fructueux entre praticiens et cher- cheurs. Les participants étaient Ayuush Bat-Erdene (OHCHR), Bertrand de Speville (Royaume-Uni / Hong Kong), Ghulam Farooq (Pakistan), Basil Fernando (consul- tant projet, OHCHR), Agustin Flah (Banque Mondiale), Clara Garrido (Colombie), Guillermo Jorge (consultant projet, Argentine), Pranvera Kirkbride (Etats-Unis), Rick Messick (Banque Mondiale), Laura Pop (Banque Mondiale), Venkata Rama Sastry (Inde) et Balwinder Singh (Inde). L’équipe a également profité des nombreux - et précieux - commentaires faits au cours du processus d’évaluation (peer review). Les évaluateurs étaient Oliver Stolpe (UNO- DC), Rick Messick (Banque Mondiale), Clara Garrido (Colombie), Agustin Flah (Banque Mondiale), Roberta Solis Ribeiro (Brésil, Bureau du Contrôleur Général), Ayuush Bat-Erdene (OHCHR), Basil Fernando (consultant, OHCHR), Ted Greenberg (consultant, StAR), Panagiotis Papadimitriou (UNODC), Lisa Bhansali (Banque Mon- diale), Tim Steele (StAR) et Jacinta Oduor (StAR). Un grand merci à Eli Bielasiak pour avoir assuré la logistique de l’atelier à Washington, DC, ainsi que pour son soutien permanent à ce projet. Lindy Muzila Chef de Projet StAR x I Remerciements Abréviations ANI Agence Nationale pour l’Intégrité, Roumanie AB Anti-blanchiment (anglais : AML) CUAPLC Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption (anglais : AUCPCC) CEEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (anglais: ECOWAS) GAFI Groupe d’Action Financière (anglais : FATF) CRF Cellule de Renseignement Financier (anglais: FIU) PIB Produit Intérieur Brut CIACC Convention Interaméricaine contre la Corruption (anglais: IACAC) PIDCP Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (anglais: ICCPR) INTERPOL Organisation Internationale de Police Criminelle (D)EJ (Demande) d’Entraide Judiciaire (anglais : MLA) NAB National Accountability Bureau ONG Organisation Non-Gouvernementale (anglais : NGO) OHCDH Office du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (anglais: OHCHR) POCA Proceeds of Crime Act RAS Région Administrative Spéciale StAR Stolen Asset Recovery Initiative DTS Déclaration de Transaction Suspecte (anglais : STR) CNUCC Convention des Nations Unies contre la Corruption (anglais: UNCAC) xi Résumé L’enrichissement illicite est criminalisé par l’article 20 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC, UNCAC en anglais), qui le définit comme «une augmentation substantielle du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut rai- sonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes». L’enrichissement illicite est également défini comme une infraction par la Convention Interaméricaine contre la Corruption (CIACC, IACAC en anglais) et la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption (CUAPLC, AUCPCC en anglais) de ma- nière comparable. En dépit de cette large reconnaissance internationale, la criminalisa- tion de l’enrichissement illicite n’est pas universellement reconnue comme une mesure anti-corruption. Au contraire, elle continue de susciter débat et controverse. Dans ce contexte et compte tenu de l’expérience propre à chaque pays, cette étude entend analyser le fonctionnement de de l’enrichissement illicite ainsi qu’éclairer sa contribution au combat contre la corruption et pour le recouvrement des avoirs volés. L’étude s’abstient d’explorer en profondeur les débats théoriques qui entourent la notion d’enrichissement illicite et analyse plutôt la pratique, la jurisprudence et la doctrine existantes pour tenter d’apporter une nouvelle perspective aux discussions en cours. Cette étude ne cherche ni à recommander ni à s’opposer à l’adoption de dispositions particulières relatives à l’enrichissement illicite. Elle vise plutôt à aider les juridictions qui envisagent de telles mesures en mettant en lumière les questions-clés qui sont sus- ceptibles de se poser pendant la phase de mise en œuvre, y compris sur la manière dont les Etats définissent et punissent l’infraction. De même, l’étude ne cautionne ni ne critique la pratique des Etats visant à criminaliser l’enrichissement illicite. In fine, elle s’efforce de fournir des informations utiles aux décideurs et aux praticiens ainsi qu’aux discussions de la Conférence des Etats parties de l’UNCAC et de ses groupes de travail. L’étude a recensé 44 pays qui ont criminalisé l’enrichissement illicite, la plupart d’entre eux étant des pays en voie de développement. Plusieurs juridictions qui poursuivent les faits d’enrichissement illicite ont été contactées dans le cadre de cette étude, et consi- dèrent cette infraction comme un complément précieux qui s’ajoute aux outils déjà dis- ponibles dans la lutte contre la corruption. Cependant, les données statistiques réunies pour cette étude indiquent que seul un nombre limité de ces juridictions instruisent ou poursuivent l’infraction sur une base régulière. Plusieurs des éléments constitutifs de l’infraction d’enrichissement illicite sont communs aux juridictions qui poursuivent de tels faits. Ces éléments sont les personnes concernées, les périodes concernées, l’aug- mentation substantielle du patrimoine détenu, l’intentionnalité et l’absence de justifi- cation. xiii L’une des questions critiques et qui fait l’objet de débats récurrents concerne la compati- bilité de l’enrichissement illicite avec les principes fondamentaux des droits de l’homme ainsi que ce qui est perçu comme un renversement de la charge de la preuve. L’expé- rience de plusieurs juridictions qui ont surmonté ces obstacles démontre que l’infrac- tion d’enrichissement illicite peut être définie et poursuivie d’une manière qui respecte pleinement les droits de la défense. En tenant compte d’un contexte plus large, se pose aussi la question de savoir si l’intérêt général en matière de lutte contre la corruption justifie la criminalisation de l’enrichis- sement illicite, une infraction qui suppose une certaine forme de présomption. De ce point de vue, diverses pratiques et éléments jurisprudentiels sont parvenus à réconci- lier ce type de présomptions avec le respect - et la protection - des droits de l’homme. Par exemple, la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a claire- ment établi que la présomption d’innocence n’empêche pas les législateurs de constituer en droit des infractions pénales qui contiennent un élément de présomption dès lors que les principes de rationalité et de proportionnalité sont adéquatement respectés. De même, nombre de pays qui ne criminalisent pas l’enrichissement illicite ont mis en place d’autres infractions qui renversent également, dans une certaine mesure, la charge de la preuve. Ces présomptions apparentées indiquent que les mesures destinées à modifier la charge de la preuve peuvent être considérées comme des outils valides et légitimes dans la lutte contre le crime dès lors qu’elles sont justifiées par l’intérêt général. De ce fait, un parallèle peut être établi entre de telles présomptions et la notion d’enri- chissement illicite. Outre les aspects matériels de l’infraction, les recherches effectuées lors de cette étude ont révélé que la conception et la mise en œuvre des structures gouvernementales sont essentiellespour parvenir à une conformité totale avec l’Article 2 du Pacte Internatio- nal Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP). Le statut et l’existence de mesures législatives, administratives et judiciaires pour la mise en œuvre de ces droits doit être envisagée du point de vue de l’élimination de la corruption. Une question particuliè- rement pertinente consiste à déterminer si les institutions impliquées dans l’enquête, les poursuites et le jugement relatifs aux faits d’enrichissement illicite sont suffisam- ment contrôlées, responsabilisées, financées et formées pour être à même de mettre en oeuvre les obligations contractées au titre du PIDCP et de traquer l’argent de la corrup- tion de manière juste et efficiente. Toute loi relative à l’enrichissement illicite devrait être «sur-mesure» afin de convenir aux préoccupations et besoins spécifiques du pays, en particulier du point de vue des mesures législatives, administratives et judiciaires et y-compris concernant le rôle - et les limites - des autorités de poursuite. La double incrimination demeure un obstacle à la coopération internationale en matière d’enrichissement illicite. C’est un problème auquel ont à faire face de nombreux pays qui poursuivent cette infraction, en particulier lorsque ne sont pas produits les efforts nécessaires - avant la demande d’entraide judiciaire - pour vérifier que les faits justifiant la demande constituent une infraction dans la juridiction requise. Plusieurs juridic- tions n’ayant pas criminalisé l’enrichissement illicite, ont publiquement affirmé leur xiv I Résumé volonté de fournir une entraide judiciaire en la matière, à condition que le comportement délictueux concerné puisse également être catégorisé comme une infraction pénale dans leur propre système juridique. Transformer cette bonne volonté en un échange d’informations effectif exige une forte capacité à décomposer la conduite criminelle concernée et à garantir la qualité de la demande d’entraide judiciaire en conséquence. Dans toutes les juridictions examinées, la loi relative à l’enrichissement illicite aborde la question du recouvrement des avoirs illicitement acquis. Pour autant, il manque encore de données statistiques solides susceptibles de démontrer si de telles lois ont contribué d’une quelconque manière au recouvrement d’avoirs. Les éléments disponibles sont mi- tigés, et les causes sous-jacentes de ces résultats inégaux sont difficiles à déterminer. Il est possible que les condamnations pour enrichissement illicite conduisent à des peines autres que la confiscation. Ces exemples confirment que les lois relatives à l’enrichis- sement illicite peuvent se révéler utiles au recouvrement des avoirs, mais qu’elles sont encore loin de pouvoir être utilisées de manière systématique. En résumé, les données limitées dont nous disposons démontrent que l’enrichissement illicite peut constituer un outil précieux en matière de lutte anti-corruption et de re- couvrement des avoirs, un outil qu’il est possible de mettre en œuvre tout en respectant les droits de l’homme. On peut espérer que les divers exemples détaillés qui figurent dans cette étude permettront une meilleure appréhension de la manière dont l’enrichis- sement illicite fonctionne en pratique. Des recherches additionnelles pourraient être effectuées sur les questions institutionnelles liées aux pouvoirs d’enquête et de poursuite ainsi qu’au pouvoir judiciaire comme à autant d’éléments importants à la poursuite des faits d’enrichissement illicite et à la protection de l’Etat de droit. Inévitablement, de plus en plus de pays acquerront une expérience dans ce domaine et un volume croissant d’informations et de statistiques deviendra disponibles. Dans le même temps, on peut espérer que cette étude fournisse la base d’un examen approfondi des cadres au sein desquels l’enrichissement illicite peut aider les Etats à améliorer le recouvrement des produits de la corruption. Résumé I xv Introduction: l’objet de cette étude En novembre 2009, la troisième session de la Conférence des Etats parties à la Conven- tion des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC, en anglais United Nations Convention Against Corruption, UNCAC) a adopté la Résolution 3/3 qui appelait à «étudier et analyser plus avant, entre autres, les résultats des actions en recouvrement des avoirs et, le cas échéant, comment les présomptions légales, les mesures modifiant la charge de la preuve et l’examen des cadres d’application de l’enrichissement illicite peuvent faciliter le recouvrement des produits de la corruption».1 La résolution répon- dait ainsi à l’intérêt exprimé par nombre d’Etats parties concernant la manière dont différentes juridictions ont mis en œuvre la criminalisation de l’enrichissement illicite. Cette étude s’efforce de répondre à cet appel. Ses objectifs sont, tout d’abord, de pro- mouvoir une compréhension plus large de l’infraction d’enrichissement illicite, de son application, de ses avantages et des problèmes qu’elle suscite et, en second lieu et sur la base de l’expérience acquise par chaque pays, d’identifier les questions-clés auxquelles devront répondre les juridictions qui souhaitent développer un cadre juridique et insti- tutionnel pour la criminalisation de l’enrichissement illicite. En particulier, l’étude entend déterminer si la criminalisation de l’enrichissement illicite a jusqu’ici facilité le recouvrement des avoirs par les autorités nationales, et examiner les obstacles qui ont pu être rencontrés à cet égard. Elle s’attaque également aux pro- blèmes clés affrontés par ces autorités et qui incluent la mise en place de régimes juri- diques et institutionnels efficaces visant à criminaliser, identifier et poursuivre les faits d’enrichissement illicite dans le cadre de l’entraide judiciaire. Par ailleurs, cette étude s’efforce d’examiner comment la notion d’enrichissement illicite est utilisée dans les pays qui reconnaissent et poursuivent cette infraction, en particulier du point de vue des inquiétudes déjà formulées et documentées. Elle décrit les risques posés au principe de procès juste et équitable dès lors qu’un accusé se voit contraint de fournir une «explication raisonnable» quant à son patrimoine. En s’appuyant sur les lois et la jurisprudence existantes, l’étude identifie les garde-fous utilisés par les Etats ainsi que les mesures associées qui garantissent un procès juste et équitable. De manière à recentrer le débat sur la question de la charge de la preuve, l’étude met également en lumière les mesures prises par certaines juridictions et utilisées par ces dernières en lieu et place de la notion d’enrichissement illicite, comme le renversement partiel de la 1. UNCAC, Résolution 3/3, §13. charge de la preuve dans le but de confisquer les produits du crime et de poursuivre les infractions relevant de l’abus de position dominante.2 Cette étude n’aspire pas à hiérarchiser entre elles les différentes approches ni à mon- trer du doigt une juridiction en particulier. Elle cherche plutôt, en passant en revue les différentes approches, à identifier les leçons à tirer, à mettre en lumière les obsta- cles à l’utilisation de la criminalisation de l’enrichissement illicite comme cadre de lutte contre la corruption et pour le recouvrement des avoirs, et à contribuer au débat sur l’enrichissement illicite. Méthodologie L’étude s’appuie sur les travaux publiés sur la criminalisation de l’enrichissement illi- cite. L’essentiel de la littérature sur la question se focalise sur les implications de cette infraction en matière de droits de l’homme et de libertés fondamentales. Les problèmes pratiques liés à l’enquête et aux poursuites pour des faits d’enrichissement illicite n’ont reçu - à quelques exceptions près - qu’une attention limitée. Compte tenu de l’intérêt particulier dont témoigne l’initiative StAR de la Banque Mondiale (Stolen Assets Reco- very Initiative) pour les questions opérationnelles relatives au recouvrement des avoirs, ainsi que de notre ambition de contribuer aux discussions en cours, cette étude s’efforce principalement de tirer les leçons de l’expérience acquise par les Etats qui ont mis en place un cadre juridique permettant la poursuite des faits d’enrichissement illicite. Elle s’appuie également sur une analyse des négociations menées dans le cadre de l’UNCAC, sur les décisions préparatoires des principales conventions internationales, et sur la jurisprudence existante en matière d’enrichissement illicite. Des recherches ap- profondies ont été effectuées pour identifier les juridictions qui disposent de lois crimi- nalisant l’enrichissement illicite. Ce travail s’appuie largement sur la librairie juridique de l’Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime, un projet parallèle soutenu par StAR et initié dans la seconde moitié de l’année 2011. Il inclut aussi un sondage effectué auprès de 45 autorités nationales, parmi lesquelles 30 ont répondu. Le ques- tionnaire figure à l’annexe C de cette étude. L’annexe A dresse la liste des juridictions où, du point de vue de l’équipe, l’enrichisse- ment illicite a été criminalisé. Sans pour autant valider une quelconque définition spé- cifique du terme «criminalisation», et dans le but de pouvoir travailler avec un standard distinct ou mieux défini, l’équipe s’est concentrée sur les pays qui criminalisent l’enri- chissement illicite en y associant la possibilité de peines de prison. Certaines disposi- tions, qui sont fort similaires à la notion d’enrichissement illicite, ont été exclues de l’annexe A. La mise en oeuvre de ces dispositions n’a pas été soumise à une analyse en 2. Voir UNCAC, Article 31(8), qui dispose que les Etats parties devraient envisager de faire porter la charge de la preuve sur l’accusé qui aurait ainsi à montrer que les produits concernés proviennent de sources légi- times. 2 I Les Profiteurs profondeur, mais elle est évoquée dès lors qu’elle est pertinente. Certaines de ces juri- dictions, comme la Roumanie, ont dans leur système juridique des dispositions rela- tives à l’enrichissement illicite, sans que les sanctions associées soient de nature pénale.3 Le Brésil, par exemple, considère l’enrichissement illicite comme une infraction admi- nistrative.4 Le Burundi ne connaît pas la disposition relative à l’enrichissement illicite, celle-ci étant considérée comme inapplicable du fait de problèmes de formulation et de l’absence de certains éléments-clés.5 D’autres pays ont pris des dispositions qui, bien que très similaires à celles définissant l’enrichissement illicite, ne sont pas limitées aux éléments-clés. Par exemple, certaines dispositions exigent de l’autorité de poursuite qu’elle établisse la preuve d’un élément additionnel lié à un comportement délictueux ou à une conduite spécifique. Au Burkina Faso, la disposition applicable exige que soit démontrée «une action illégale ou une faute de la part de l’agent public»6 via l’utilisation de denier, de biens, d’un titre, de documents, objets ou de matériel appartenant à l’Etat.7 De manière comparable, à Chypre, la disposition pertinente fait référence à l’acquisition par un agent public d’avoirs ou d’avantages «par l’abus ou l’exploitation à son avantage de son poste ou de sa qualité d’agent public»8. En Jordanie, la disposition exige que l’enrichissement ait été obtenu pour le compte de l’agent public «par l’utilisation de son 3. Au Soudan, l’Unlawful and Suspicious Enrichment (Combating) Act de 1989, Section 7, définit le crime d’ «enrichissement suspect» comme «tout bien, à qui qu’il appartienne, dont le détenteur ne peut expliquer comment il l’a légalement acquis». Si l’accusé est condamné, le tribunal peut procéder à la confiscation des avoirs. 4. La Loi n°8429 du 2 juin 1992, article 9, section VII, définit l’enrichissement illicite comme le fait de «per- mettre l’obtention, pour soi-même ou pour autrui, dans l’exercice de fonctions publiques, d’une charge, d’un poste, d’une fonction ou d’avoirs de quelque nature que ce soit et dont la valeur totale est hors de proportion avec les revenus ou salaires déclarés actuellement ou auparavant par l’agent public». Le Brésil envisage de criminaliser l’enrichissement illicite en prévoyant également des sanctions pénales qui s’ajou- teraient ainsi aux sanctions administratives déjà prévues. Un projet de loi en ce sens a vu son adoption bloquée au Congrès depuis 2005 et a été à nouveau présenté en mai 2011. 5. Le Code Pénal du Burundi, Loi 1/12 du 18 avril 2006, article 438, dispose qu’ «est puni d’une servitude pénale de trois à cinq ans et d’une amende portée du simple jusqu’au double de la valeur du bien, toute personne dépositaire de l’autorité publique, chargée d’une mission de service public ou investie d’un man- dat public électif, dont l’origine illicite a été établie par une décision judiciaire». Cette disposition ne fait pas référence à un accroissement de patrimoine injustifié. 6. Le Code pénal du Burkina-Faso, article 160, dispose que « toute personne qui se sera enrichie en se servant de denier, matériel, titre, acte, objet, effet, ou tout autre moyen appartenant à l’Etat sera puni selon le montant de l’enrichissement des peines prévues à l’article 154 ci-dessus». 7. La jurisprudence démontre que les tribunaux burkinabés examinent les circonstances de la conduite ayant permis l’accroissement des avoirs, ce qui signifie que la charge de relier la conduite à l’enrichissement revient à l’accusation, voir C. Cass, ch. crim, 23.12.2004 ; C. Cass, ch. crim 27.10.2005 ; C. Cass. ch. crim, 03.11.2006 8. A Chypre, au titre de l’Illicit Acquisition of Property Benefits by State Officials and Public Officers Law no. 51(I) de 2004, l’infraction d’enrichissement illicite est constituée par l’acquisition d’un «gain matériel» par un fonctionnaire ou un agent public effectuée en abusant ou en tirant avantage de ses fonctions ou de sa capacité, par laquelle les bénéfices obtenus le sont directement ou indirectement pour lui-même ou elle- même ou pour un membre de sa famille jusqu’au troisième degré de parenté. Dans le cadre de cette loi, «gain matériel» désigne tout type de bien meuble ou immeuble, y compris de l’argent ou des profits com- merciaux, des actions, des titres, des dépôts bancaires et tout type de valeur. L’infraction est assortie d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à 7 ans, d’une amende jusqu’à 42.715,00 euros (EUR), ou les deux. De plus, le tribunal a également le pouvoir d’ordonner la confiscation des biens ou avoirs illicitement acquis. Introduction: l’objet de cette étude  I  3 poste ou de sa qualité d’agent public».9 Puisqu’une «pure» infraction d’enrichissement illicite n’est basée que sur l’accroissement inexpliqué des avoirs détenus par un agent public, les dispositions de ce type vont plus loin en exigeant des autorités de poursuite qu’elles démontrent l’existence d’un lien entre l’accroissement inexpliqué et une conduite illégale. Lors de la réalisation de cette étude, une réunion fut organisée entre praticiens de pays de droit civil et de pays de common law disposant tous d’une expérience en matière de poursuites de faits d’enrichissement illicite dans leurs juridictions respectives. Ces experts ont été invités non seulement pour apporter leurs commentaires sur le projet en cours, mais aussi pour fournir des contributions significatives sur la base de leurs propres expériences. Des représentants du Haut Commissariat aux Droits de l’Homme (HCDH) ont également assisté à la réunion et ont pu exprimer des vues précieuses sur les aspects constitutionnels et «droits fondamentaux» de l’infraction d’enrichissement illicite. Comment utiliser cette étude Les décideurs - hauts-fonctionnaires, experts et législateurs des services gouverne- mentaux et des organisations internationales qui travaillent dans les domaines liés à la corruption - sont les premiers concernés par cette étude. StAR contribue avec cette étude dans l’espoir qu’elle aidera les décideurs à concevoir, mettre en œuvre ou évaluer le travail des administrations responsables de la mise en place du cadre juridique de la criminalisation de l’enrichissement illicite ainsi qu’à rendre plus efficace la confisca- tion et le recouvrement des avoirs. En visant ce public, l’étude s’efforce d’esquisser les concepts juridiques et questions-clés dans leurs grandes lignes plutôt que de rentrer dans une analyse minutieuse des divers arguments juridiques. Bien que cette étude fournisse dans une certaine mesure une analyse juridique de ces questions, elle s’abstient de plonger dans les profondeurs de leurs subtilités légales. Elle cherche plutôt à identifier les questions pertinentes qui peuvent surgir dès lors qu’est discutée l’adoption de lois relatives à l’enrichissement illicite ainsi qu’à envisager les avantages et désavantages de telles lois. Elle s’efforce aussi de fournir aux décideurs les outils nécessaires à la mise en oeuvre de ce type de lois. Une bibliographie complète est proposée à ceux qui souhaitent explorer ou analyser de manière plus détaillée les aspects juridiques de la question. 9. En Jordanie, l’Income and Asset Disclosure Law no. 54, article 6, dispose qu’il convient de «considérer comme le fruit d’un enrichissement illicite tout bien, meuble ou immeuble, participation ou titre, acquis par toute personne visée par cette loi, pour lui-même ou elle-même ou pour autrui, du fait de l’utilisation de son poste ou de sa capacité ; et s’il existe un accroissement soudain de ses avoirs ou de ceux de ses enfants mineurs après la prise de telles fonctions qui ne puisse être corroboré par ses ressources ; et s’il ou elle ne parvient pas à faire la preuve de la source légitime d’un tel accroissement, ce dernier doit être consi- déré comme résultant de l’abus de son poste ou de sa capacité». 4 I Les Profiteurs Bien que réalisée principalement pour informer les décideurs, l’étude peut aussi se révé- ler utile aux procureurs et autres praticiens qui appliquent les lois relatives à l’enrichisse- ment illicite. Les références jurisprudentielles permettront de développer les stratégies qu’il sera souhaitable d’adopter dans tel ou tel cas, mais il conviendra d’analyser chaque dossier avec le plus grand soin et en tenant compte du contexte propre à la juridiction concernée. De la même manière, les dossiers et lois auxquels il sera fait référence dans cette étude ont une vocation illustrative et doivent donc être considérés comme des points de départ et non comme des sources exhaustives. En dépit de plusieurs tentatives d’obtenir une analyse quantitative sur la mesure dans laquelle les poursuites en matière d’enrichissement illicite contribuent à faciliter le re- couvrement des avoirs, très peu d’informations à ce sujet ont pu être obtenues des pays participants. Pour autant, les données chiffrées ont été inclues - lorsqu’elles existent - dans le but de refléter l’expérience des juridictions qui poursuivent effectivement l’en- richissement illicite. Les conclusions auxquelles parvient cette étude sont basées sur l’expérience des juri- dictions qui ont mis en place des lois contre l’enrichissement illicite. L’étude n’aspire pas à formuler une recommandation définitive concernant les mérites de l’adoption—ou non—de telles lois dans le cadre de la lutte contre la corruption ou le recouvrement des avoirs volés. Les questions qui entourent la notion d’enrichissement illicite—et l’impact de sa criminalisation sur la corruption—sont trop nombreuses, complexes et spécifiques à chaque pays pour permettre la formulation d’une recommandation qui convienne dans tous les cas. Introduction: l’objet de cette étude  I  5 1.  Le fondement de l’enrichissement illicite En privant les agents publics corrompus des bénéfices de leurs avoirs mal-acquis, l’Etat s’efforce de s’attaquer aux motivations sous-jacentes qui sont à l’origine de la corruption. En tant que tel, le recouvrement des avoirs, la coopération internationale, les régimes de confiscation civils et pénaux et les mécanismes associés permettant la restitution des produits de la corruption font l’objet d’efforts croissants de la part des autorités policières et judiciaires. Cependant, il existe un obstacle significatif à la restitution des produits de la corruption: la difficulté à poursuivre les faits de corruption, qui exigent des preuves parfois difficiles à obtenir ainsi qu’une expertise technique que seuls peu de pays sont capables de maîtriser. En matière de détection, les victimes de ces faits de corruption—le public—peut ne pas être conscient du fait qu’un crime est en train d’être commis, ce qui signifie que ces faits ne sont que rarement signalés. Par ailleurs, il arrive fréquemment que ceux qui ont accès aux informations qui permettraient de détecter de tels crimes soient eux-mêmes complices. Enfin, ceux qui se rendent coupables de ces crimes sont susceptibles d’utiliser leur pouvoir et leur influence pour intimider des témoins et pour détruire les preuves de leurs actions. 1.1  Les raisons de criminaliser l’enrichissement illicite Il arrive fréquemment que les seules preuves tangibles qu’un crime a été commis rési- dent dans l’argent qui a changé de mains entre l’agent public corrompu et son complice, l’enrichissement de l’agent public devenant ainsi la manifestation la plus visible des faits de corruption. Une infraction comme la corruption active, qui exige que soit prouvée l’offre effectuée par le corrupteur ou l’acceptation de la part de l’agent public, est difficile à poursuivre dans ces circonstances. De même, une fois une infraction établie par un tribunal, le fait de relier cette dernière à ses produits en vue d’un recouvrement peut souvent se révéler complexe. Les efforts de lutte contre la corruption peuvent par ailleurs être compromis par l’anonymat et la fluidité avec lesquels les avoirs peuvent être déplacés, dissimulés et transférés avant que ne puissent être mis en œuvre les moyens de les saisir, de les geler ou de le restituer à leurs légitimes propriétaires. En réponse à ces difficultés, certains Etats ont inscrit dans la loi l’infraction d’enrichis- sement illicite de manière à renforcer leur capacité à combattre la corruption et à en recouvrer les produits. Sur la base de l’idée selon laquelle le patrimoine inexpliqué d’un agent public peut, de fait, constituer le produit visible d’actes de corruption, l’enrichis- sement illicite a été identifié comme une infraction pénale non-obligatoire par l’article 20 de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) et défini, lors- 7 ENCART 1.1 L’ETAT CONTRE MZUMAR: MALAWI L’accusé—un fonctionnaire du ministère de l’immigration au moment des faits—a été mis en examen pour trois chefs d’accusation de détention d’avoirs inexpliquée en violation de la section 32(2)(C) du Malawian Corrupt Practices Act de 1995 pour les faits suivants : •  La détention, entre le 1er janvier et le 21 décembre 2008, d’avoirs pour un total de 62.000 dollars (USD), une somme hors de proportion avec ses sources de revenu connues (environ 3.000 dollars (USD)) •  Le dépôt de 14.000 dollars (USD), raisonnablement suspectés de constituer des produits de la corruption, sur un compte bancaire •  La détention inexpliquée d’un terrain et d’une maison pour une valeur de 4.000 dollars (USD En appui au dossier de l’accusation, un témoin a confirmé le montant de son salaire, deux témoins appartenant à deux banques différentes ont confirmé le numéro et le montant des dépôts effectués sur son compte, et un quatrième la valeur de la maison qu’il avait vendu à l’accusé. Enfin, l’enquêteur a témoigné avoir lancé l’enquête après avoir reçu des informations indiquant que l’accusé était impliqué dans l’entrée illégale d’étrangers sur le territoire national en échange de rémunérations. La seule preuve appuyant ces suspicions résidait dans des appels téléphoniques passés par l’accusé vers l’Ethiopie, le Kenya et la Somalie. Pour sa défense, l’accusé a affirmé que les sommes perçues en plus de son salaire résultaient d’une indemnité versée par le gouvernement, d’un prêt attribué dans le cadre de ses fonctions et d’un commerce de riz dont il avait la charge. En plus de ces explications, quelqu’un témoigna également en sa faveur. Le tribunal arriva à la conclusion que l’accusation avait établi au-delà du doute raisonnable les faits suivants: •  L’accusé était un agent public. •  Il avait en sa possession des ressources pécuniaires disproportionnées eu égard à ses émoluments passés ou présents et à ses autres sources de revenus. •  Il n’est pas parvenu à donner une explication raisonnable, et les explications données ne satisfaisaient pas au standard de la prépondérance de la preuve exigé dans ces circonstances. En conséquence, l’accusé a été condamné pour l’ensemble des chefs d’accusation à une peine de 12 ans de prison. Source: Criminal Case no. 47 of 2010. Note: Au moment où cette étude a été réalisée, les possibilités d’appel dans cette affaire n’avaient pas encore été épuisées. 8 I Les Profiteurs qu’il est commis intentionnellement, comme «une augmentation substantielle du pa- trimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport à ses revenus légitimes». L’encart 1.1 décrit une récente affaire d’enrichissement illicite. 1.2  La poursuite des faits d’enrichissement illicite La criminalisation de «l’enrichissement illicite», fréquemment désigné sous le nom de «patrimoine disproportionné» ou «inexplicable», permet aux Etats, entre autres choses, de poursuivre les agents publics corrompus et de confisquer les produits de la corrup- tion au motif qu’un patrimoine inexpliqué est la preuve d’actes de corruption. La néces- sité demeure de prouver qu’un tel patrimoine est inexpliqué, mais il n’est pas nécessaire, dans ce cadre, de prouver la source des avoirs illégalement acquis en identifiant et en prouvant les infractions sous-jacentes telles que corruption active, le détournement de fonds, le trafic d’influence et l’abus de position. En conséquence, l’effet de cette crimina- lisation peut s’étendre au-delà des seules affaires de corruption et permettre aux Etats de confisquer les produits d’autres types de crimes. L’enrichissement illicite est similaire au blanchiment d’argent en cela qu’il n’est pas nécessaire d’apporter la preuve d’une infrac- tion sous-jacente, bien que l’origine criminelle des fonds doive tout de même être prou- vée dans le cas du blanchiment. Afin de parvenir à une condamnation pour enrichissement illicite, l’autorité de poursuite doit apporter la preuve du fait que l’enrichissement de l’agent public ne peut être justifié par des sources de revenus légitimes, ce qui laisse présumer que cet enrichissement constitue un produit de la corruption. L’agent public peut réfuter la présomption en fournissant la preuve de l’origine légitime de son patrimoine. Toute incapacité à réfu- ter la présomption entraîne une condamnation assortie d’une peine. Certains voient la présomption d’enrichissement illicite comme un renversement partiel de la charge de la preuve et un affaiblissement de la présomption d’innocence, tous deux considé- rés comme des principes fondamentaux de tout système juridique. De ce fait, certains considèrent l’enrichissement illicite comme une violation du droit à ne pas s’auto-in- criminer et d’autres droits fondamentaux. D’autres considèrent au contraire que l’enri- chissement illicite est parfaitement compatible avec les principes des droits de l’homme compte tenu de l’existence de présomptions similaires en droit pénal et du principe général selon lequel il n’existe pas de droit fondamental qui soit absolu. Plus généralement, certains défendent l’opinion selon laquelle - compte tenu de la diffi- culté à prouver les faits de corruption - il est dans l’intérêt du public d’exiger des agents publics qu’ils expliquent comment ils ont accumulé leur patrimoine. Suivant cette logique, la criminalisation de l’enrichissement illicite s’enracine essentiellement dans les responsabilités contractuelles et fiduciaires qu’endosse un agent public lorsqu’il prend ses fonctions. Cela explique pourquoi l’agent public est le premier suspect pour ce type d’infractions. Un tribunal argentin a conclu que c’est l’Etat qui définit les conditions d’admission dans la fonction publique, fixe les rémunérations et les règles disciplinaires en vigueur. Le candidat qui accepte la fonction ou le poste d’agent public accepte donc Le fondement de l’enrichissement illicite  I  9 implicitement le régime associé qui est établi par l’Etat.10 Pour la même raison, il accepte également le principe de remplir une déclaration de patrimoine régulièrement. Cette exigence, peut parfois inclure la divulgation de ses comptes bancaires, et constitue une obligation légale qui n’est que la conséquence de son appartenance à la fonction publique. 1.3  Origines et développement de l’infraction En 1936, un sénateur argentin dénommé Rodolfo Corominas Segura se rendait par train depuis son domicile de Mendoza jusqu’à Buenos Aires lorsqu’il rencontra for- tuitement un agent public en train d’étaler ostensiblement sa fortune accumulée depuis son entrée en fonction, une fortune qui selon Corominas Segura ne pouvait en aucun cas provenir de sources légitimes. Inspiré par cet épisode, il dépose une proposition de loi disposant que le gouvernement pénaliserait «les agents publics qui acquièrent un patrimoine dont ils ne peuvent prouver la source légitime.» Bien que ce projet de loi n’ait jamais été voté, des lois similaires furent soumises au vote à plusieurs reprises jusqu’en 1964. En Inde, l’enrichissement illicite a été initialement conçu comme un élément de preuve, plutôt que comme une infraction pénale. La section 5(3) du Prevention of Corruption Act établissait une règle de preuve permettant à l’accusation de démontrer que des actes de corruption avaient bien été perpétrés (corruption active, trafic d’influence, détour- nement de fonds publics et conduite criminelle dans l’exercice de fonctions publiques, comme mentionné dans les sections 5.1.a à 5.1.d) en prouvant que l’accusé (a) possédait des avoirs en quantité disproportionnée par rapport à ses revenus connus et (b) ne four- nissait pas d’explication satisfaisante de leur origine. Cette règle entièrement nouvelle a suscité une controverse du fait qu’ainsi interprétée, elle permettait à l’accusation de ne pas avoir à fournir la preuve d’un fait de corruption pour obtenir une condamnation. Pour autant, la section 5(3) ne constituait pas à elle seule une base suffisante pour l’ob- tention d’une condamnation. En 1964, du fait des amendements effectués au droit existant, l’Argentine et l’Inde de- vinrent les premiers pays à criminaliser l’enrichissement illicite. En Inde, la loi définit l’enrichissement illicite comme la possession de ressources «pour lesquelles l’agent pu- blic ne peut fournir d’explications satisfaisantes quant à leur origine» ; l’Argentine le définit comme l’incapacité «à justifier de l’origine de tout enrichissement significatif bénéficiant à lui-même ou à une tierce partie».11 10. Joseph M. Pico et K.B.U., Cámara Nacional de Casación Penal (Cour Pénale Nationale d’Appel). 11. L’India Prevention of Corruption Act de 1988, Article 13, dispose : «Conduite criminelle d’un agent public. (1) Un agent public peut être dit avoir eu une conduite criminelle... dès lors qu’il détient ou a détenu, lui ou tout autre personne pour son compte, à un quelconque moment au cours de l’exercice de ses fonctions, de ressources pécuniaires ou biens hors de proportion avec ses sources de revenus connues et dont l’agent public ne peut expliquer l’origine de façon satisfaisante. Cette infraction est également punis- sable d’une peine de prison minimale d’un an et pouvant aller jusqu’à sept ans, ainsi que d’une amende». 10 I Les Profiteurs Au cours des vingt années écoulées depuis la criminalisation de l’enrichissement illicite en Argentine et en Inde, des dispositions similaires ont été mises en œuvre à Brunei, en Colombie, en Equateur, en Egypte, en République Dominicaine, au Pakistan et au Sénégal. Dès 1990, l’enrichissement illicite avait été criminalisé dans au moins 10 pays, en 2000 dans plus de 20 pays et en 2010 dans plus de 40 pays. Comme l’Inde, certains de ces pays ont simplement criminalisé des dispositions qui existaient déjà en droit de la preuve. Pour d’autres pays, l’enrichissement illicite constituait un concept et un outil radicalement nouveau dans leur lutte contre la corruption. L’inclusion de l’enrichissement illicite dans trois conventions internationales anti- corruption a sans aucun doute accéléré l’adoption de cette infraction. L’enrichissement illicite a d’abord été inclus dans la Convention Interaméricaine contre la Corruption (CIACC, en anglais, Inter-American Convention Against Corruption, IACAC), adoptée par l’Organisation des Etats Américains en 1996, puis adopté par la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention de la Corruption (CUAPLC, en anglais, African Union Convention on Preventing and Combating Corruption, AUCPCC) en 2003, et fi- nalement dans la CNUCC, également signée en 2003 et entrée en application en 2005. Au niveau régional, l’enrichissement illicite a également été incorporé au Protocole sur la Lutte contre la corruption de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO, en anglais The Economic Community of West African States, ECOWAS) qui a été adoptée en 2001 mais qui n’est pas encore entrée en application.12 La CIACC est la seule convention qui définisse l’enrichissement illicite comme une in- fraction pour laquelle les poursuites sont obligatoires. Lorsqu’ils ont ratifié la CIACC, le Canada et les Etats-Unis ont exprimé des réserves sur la criminalisation de l’enri- chissement illicite en évoquant son incompatibilité avec les principes fondamentaux et constitutionnels, notamment celui de la présomption d’innocence (voir également OEA Dans le Code Pénal argentin de 1964, l’Article 268(2) dispose : «Toute personne qui, lorsqu’il le lui est demandé, ne parvient pas à justifier de l’origine de tout enrichissement significatif bénéficiant à lui-même ou une tierce partie dans le but de dissimuler ce dernier, obtenu subséquemment à l’exercice d’une fonction ou d’un emploi public, et jusqu’à deux ans après avoir quitté ses fonctions, sera punie d’une peine de prison de deux à six ans, d’une amende comprise entre 50% et 100% du montant de l’enrichissement, et d’une disqualification absolue et permanente. L’enrichissement sera présumé non seulement dès lors que le pa- trimoine de la personne aura été accru par de l’argent, des objets ou des biens, mais aussi dans le cas où ses dettes ou obligations auront été annulées. La personne interposée pour dissimuler l’enrichissement sera punie de la même peine que l’auteur du crime». L’article 268(3) dispose : «Toute personne qui, du fait de sa position, est contraint par la loi d’effectuer une déclaration de patrimoine sous serment et s’abstient malicieusement de le faire sera punie d’une peine d’emprisonnement allant de 15 jours à deux ans et d’une disqualification perpétuelle spéciale. L’infraction est considérée comme ayant été commise lorsque, après avoir été dûment notifiée de l’obligation, la per- sonne soumise à cette obligation ne s’y est pas pliée dans les délais définis par le droit applicable. Toute personne qui falsifie par malice - ou omet - tout ou partie des données exigées dans ces déclarations sous serment par le droit applicable encourra la même peine.» Traduit par OAS (2009c) ; l’original est présenté à l’annexe A. 12. Le protocole CEDEAO , Article 6(3)(a), dispose : «L’enrichissement illicite consistant en une augmen- tation significative du patrimoine d’un agent public qu’il ne peut raisonnablement justifier par rapport aux revenus perçus légitimement dans l’exercice de ses fonctions sera considéré comme un acte de corruption pour les besoins du présent protocole par ceux des Etats parties qui l’ont instauré comme tel». Le fondement de l’enrichissement illicite  I  11 2010a, 92-93). La controverse s’est amplifiée au cours des négociations de la CNUCC, certaines autorités défendant l’abandon de la disposition relative à l’enrichissement illi- cite, d’autres suggérant qu’elle soit renvoyée vers le chapitre sur la prévention et qu’elle se limite à prévoir des sanctions administratives (voir, respectivement, Assemblée Gé- nérale des Nations Unies 2002a, § 42; 2002b, 33, note de bas de page 188). La CNUCC a finalement adopté l’enrichissement illicite comme une infraction pénale pour laquelle les poursuites sont non-obligatoires et a demandé aux Etats de simplement envisager la criminalisation de l’enrichissement illicite «conformément aux exigences de leur constitution et aux principes fondamentaux» de leur système juridique. La CUAPLC a suivi une approche similaire. Aujourd’hui, des dispositions relatives à l’enrichissement illicite peuvent se trouver dans la plupart des régions du monde, avec comme exceptions notables l’Amérique du Nord et l’essentiel de l’Europe Occidentale. Parmi les pays qui ont choisi de ne pas criminaliser l’enrichissement illicite d’agents publics, beaucoup ont mis en place des moyens alternatifs de répondre à ce problème, comme des mesures qui facilitent soit les poursuites, soit la confiscation des produits illicites. De telles dispositions s’appuient généralement sur des dispositions relatives au crime organisé qui peuvent parfois dimi- nuer, ou partiellement inverser, la charge de la preuve qui échoit à l’accusation. 12 I Les Profiteurs 2.  Définir l’enrichissement illicite 2.1  Définitions nationales et internationales Les définitions de l’enrichissement illicite identifient et décrivent les éléments constitu- tifs de l’infraction, qui sont une série de composantes essentielles devant être présentes pour que l’accusé puisse être reconnu coupable. Ils sont définis dans la loi et par la jurisprudence issue de l’interprétation des tribunaux. Les trois exemples présentés dans la table 2.1 illustrent les variations de la définition de l’enrichissement illicite dans les conventions internationales. Ces dernières s’efforcent d’harmoniser les éléments constitutifs de l’infraction entre les Etats mais, comme le montre la table 2.1, des différences persistent entre les principales conventions concernées. Par ailleurs, les débats menés dans le cadre des négociations de la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) ont souligné un peu plus les différences existantes entre les diverses perspectives nationales eu égard à la formulation adéquate de ces éléments. Malgré ces différences, ce sont les similitudes qui l’emportent si l’on compare les approches nationales retenues (table 2.2). De ce fait, la tendance à l’adoption d’éléments communs de l’enrichissement illicite s’est accentuée ; ces éléments sont évoqués à la section 2.2. A ce stade, il importe de noter qu’au sein de la CNUCC, de légères différences de tra- duction entre les différentes langues officielles des Nations Unies peuvent conduire à des différences d’approches concernant l’infraction. Par exemple, dans l’article 20, la phrase en anglais «establish a criminal offense» devient «tipificar el delito» en espagnol, sans davantage de références aux caractéristiques pénales de l’infraction, puis devient «conférer le caractère d’infraction pénale» en français, ce qui recouvre un large spectre d’infractions allant de mineures à criminelles.13 Bien que l’objet de cette étude ne soit pas d’évaluer la conformité d’un pays donné avec les dispositions de la CNUCC, il de- meure utile de garder ces différences à l’esprit lorsque l’on envisage la mise en place de l’enrichissement illicite. Tout effort visant à harmoniser la définition de l’enrichissement illicite suppose de se concentrer sur le comportement sous-jacent plutôt que sur le nom de l’infraction. De ce point de vue, bien que certaines dispositions similaires à celles relatives à l’enrichis- sement illicite soient liées à la non-divulgation - ou à la divulgation erronée ou men- songère – d’un patrimoine ou de revenus, ces dispositions s’appuient généralement sur une infraction aux lois relatives à la divulgation, et à ce titre elles ne peuvent, dans le cadre de cette étude, être considérées comme relevant de l’enrichissement illicite. Dans 13. Le Code Pénal français, article 111-1, dispose : «les infractions pénales sont classées, suivant leur gravité, en crimes, délits, et contraventions». 13 Définitions de l’enrichissement illicite dans les conventions TABLE 2.1 internationales Convention des Convention Convention de l’Union Nations Unies contre la interaméricaine contre Africaine sur la Préven- Corruption (UNCAC), la Corruption (IACAC), tion de la Corruption article 20 article IX (AUCPCC), article 8 Sous réserve de sa constitution et Sous réserve de sa constitution Sous réserve des dispositions des principes fondamentaux de et des principes fondamentaux de leurs lois nationales, les son système juridique, chaque de son système juridique, Etats parties s’engagent à État Partie envisage d’adopter les chaque État Partie qui ne l’a adopter les mesures mesures législatives et autres pas encore fait devra prendre nécessaires pour définir nécessaires pour conférer le les mesures nécessaires pour l’enrichissement illicite caractère d’infraction pénale, conférer en droit le caractère comme infraction, en vertu de lorsque l’acte a été commis d’infraction pénale à leurs lois nationales. “Enrich- intentionnellement, à l’augmentation substantielle issement illicite” signifie l’enrichissement illicite, c’est-à- du patrimoine détenu par un l’augmentation substantielle dire une augmentation substanti- agent public que ce dernier ne des biens d’un agent public ou elle du patrimoine d’un agent peut raisonnablement de toute autre personne que public que celui-ci ne peut expliquer par ses revenus celui-ci ne peut justifier au raisonnablement justifier par légitimes pendant la durée de regard de ses revenus. (article rapport à ses revenus légitimes. l’exercice de ses fonctions. 1, définitions). TABLE 2.2 Définitions de l’enrichissement illicite en droit national Sierra Léone Guyana Chine (Anti-Corruption Act (Integrity Commission (1997, 2008, Part IV) Act 1998) article 395) Toute personne qui, étant ou Lorsqu’une personne qui Tout fonctionnaire d’Etat dont ayant été un agent public appartient ou a appartenu au les biens ou les dépenses détenant un patrimoine service public, ou toute autre excèdent de façon évidente inexpliqué, (a) entretient un personne en son nom, est son revenu légitime, et dès lors train de vie supérieur à celui établie comme étant en que la différence est impor- correspondant à ses émolu- possession de biens ou tante, peut se voir ordonner ments officiels passés ou ressources pécuniaires d’expliquer la source de ses présents ou (b) contrôle des disproportionnés par rapport biens. S’il ne peut prouver que biens ou ressources pécuni- aux sources connues des la source en question est aires disproportionnés par revenus de la première légitime, la partie qui excède rapport à ses émoluments personne mentionnée, et que ses revenus légitimes sera officiels passés ou présents, à cette personne ne parvient pas considérée comme des gains moins qu’il ne donne au tribu- à apporter des preuves satisfai- illicites, et il sera condamné (suite) 14 I Les Profiteurs TABLE 2.2 Définitions de l’enrichissement illicite en droit national (suite) Sierra Léone Guyana Chine (Anti-Corruption Act (Integrity Commission (Loi Pénale 1997, 2008, Part IV) Act 1998) article 395)   nal une explication satisfaisante   santes du fait que les biens ou   à une peine de prison ferme ne de la manière dont il a pu ressources pécuniaires en pouvant excéder cinq ans, et la entretenir un tel train de vie ou question ont été acquis de partie de ses biens qui excède dont de tels biens ou res- manière légale, cette personne ses revenus légitimes sera sources pécuniaires sont sera coupable d’une infraction recouvrée. passés sous son contrôle, et sujette, sur condamnation commet une infraction. sommaire, à une amende et à une peine de prison pour une durée ne pouvant être ni inférieure à six ans ni supéri- eure à trois ans. le même ordre d’idée, bien que les déclarations de revenus et de patrimoine puissent être utilisées comme preuves d’un enrichissement illicite—elles sont d’ailleurs abordées dans ce cadre aux chapitres suivants—les infractions résultant d’une non-conformité aux obligations de divulgation ne sont pas abordées par cette étude (voir StAR 2012 pour plus de détails). De même, certaines dispositions reprennent le terme «d’enri- chissement illicite» pour décrire des infractions qui relèvent en fait de la corruption classique et exigent de ce fait une action ou conduite illégale de la part de l’agent public, alors qu’une «pure» infraction d’enrichissement illicite ne se base que sur un accroisse- ment inexpliqué des avoirs détenus par un agent public. 2.2  Eléments constitutifs de l’infraction Sur la base des définitions adoptées dans le cadre de la CNUCC, de la CUAPLC et de la CIACC, l’infraction d’enrichissement illicite repose sur cinq éléments : les personnes concernées, la période concernée, les faits d’enrichissement (c’est-à-dire l’augmentation substantielle du patrimoine détenu), l’intentionnalité (qui inclut la conscience ou la connaissance), et l’absence de justification. 2.2.1  Les personnes concernées L’enrichissement illicite cible spécifiquement les agents publics. Parmi les trois conven- tions internationales précédemment citées, comme parmi les lois nationales relatives à l’enrichissement illicite examinées dans cette étude, toutes identifient les agents publics comme les personnes concernées, c’est-à-dire les individus pouvant être poursuivis pour cette infraction. Deux questions méritent d’être examinées plus avant: première- Définir l’enrichissement illicite  I  15 ment, les catégories d’agents publics considérées comme personnes concernées, et deuxièmement, si les personnes concernées doivent recouvrir un spectre plus large d’individus que les seuls agents publics. Il existe une préférence claire parmi les Etats pour l’inclusion d’une définition large de la notion d’agent public, tant dans les conventions que dans le droit interne. L’article 2 de la CNUCC définit un «agent public» ainsi: i) toute personne qui détient un mandat législatif, exécutif, administratif ou judiciaire d’un État Partie, qu’elle ait été nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu’elle soit rémunérée ou non rémunérée, et quel que soit son niveau hiérarchique; ii) toute autre per- sonne qui exerce une fonction publique, y compris pour un organisme public ou une entre- prise publique, ou qui fournit un service public, tels que ces termes sont définis dans le droit interne de l’État Partie et appliqués dans la branche pertinente du droit de cet État; iii) toute autre personne définie comme “agent public” dans le droit interne d’un État Partie. Dès lors que la notion d’agent public est définie par une loi interne criminalisant l’enrichissement illicite et par la jurisprudence, les définitions sont similairement larges et recouvrent en général les agents publics proprement dits, les fonctionnaires ou, comme au Guyana, «les personnes publiques». Certains pays ont étendu la définition jusqu’à inclure un vaste champ d’individus ayant accès à des ressources publiques ou agissant dans l’intérêt public. L’Inde, par exemple, définit les «agents publics» comme des personnes au service de l’intérêt général, qu’elles portent le titre «d’agent public» ou qu’elle soient «nommées par le gouvernement», et ne spécifie pas l’extension maximale de cette définition. Le Bhoutan inclut non seulement les agents publics mais aussi «toute personne travaillant ou ayant travaillé pour une organisation non-gouvernementale ou autre dès lors que cette dernière bénéficie de ressources publiques.» Cette approche met l’emphase sur l’abus de position commis par ceux qui s’enrichissent au détriment du public. Bien que la plupart des Etats aient voté des lois relatives à l’enrichissement illicite en visant spécifiquement les agents publics, certains autres ont étendu ces dispositions au secteur privé. De ce point de vue, la Colombie a mis en place l’infraction d’enrichisse- ment illicite par tout individu comme une infraction spécifique.14 De la même manière, le Pakistan applique sa propre disposition relative à l’enrichissement illicite à tout «détenteur d’une fonction publique ou toute autre personne.» Du fait de cette définition plus large, les infractions sous-jacentes autres que la corruption peuvent facilement être concernées par la loi pakistanaise. L’applicabilité de l’enrichissement illicite à des indivi- dus privés a été testée devant les tribunaux pakistanais. Dans l’affaire Abdul Aziz Memon c. Etat se posa la question de savoir si les dispositions relatives à l’enrichissement illicite 14. Voir la Loi no. 599 de 2000, Code Pénal, Titre X, Crimes contre l’Ordre Social et Economique, Chapitre V, Article 327, qui introduit «l’enrichissement illicite d’individus privés». Elle rend responsable quiconque obtient, directement ou par l’intermédiaire d’autrui, pour son propre bénéfice ou pour celui d’un tiers, un accroissement injustifié d’avoirs dès lors que ce dernier est déterminé comme provenant, d’une façon ou d’une autre, d’activités criminelles. 16 I Les Profiteurs étaient applicables à un individu privé qui n’exercerait plus de fonctions publiques. 15 L’accusé dans cette affaire était un ancien membre de l’assemblée nationale du Pakistan. Il avait été poursuivi pour avoir eu en sa possession des avoirs dépassant ses sources de revenus connues, arrêté puis mis en examen avec sa femme au nom de laquelle les avoirs étaient détenus. Tous deux furent reconnus coupables par l’Accountability Court et condamnés à sept ans de prison, et leurs avoirs furent confisqués. Cependant, certains des avoirs en question avaient été acquis alors que le mari n’était pas un membre du Par- lement. Lors du procès en appel devant la Haute Cour (High Court), la défense a fait valoir le fait que l’accusé ne pouvait être tenu responsable pour les années durant lesquelles il n’était pas un membre du Parlement et, de ce fait, qu’il n’était pas investi d’un mandat. En confirmant la condamnation, la Haute Cour (High Court) a considéré que: Tirant les conclusions de la discussion sus-citée, nous sommes d’avis de nous ranger à l’argument de M. S. M. Zafar selon lequel la portée de l’ordonnance NAB [National Account- ability Bureau] est plus grande, telle qu’elle est formulée, et s’applique à tous les citoyens du Pakistan et à toute personne, y compris à celles exerçant des fonctions publiques. Il en résulte que les prévenus sont responsables de l’acquisition de ces avoirs entre 1985 et 1996, c’est-à- dire pour la période pour laquelle ils ont été jugés. D’autres pays se sont efforcés d’inclure les individus qui sont des membres de la famille d’un agent public et qui peuvent donc, à ce titre, être considérés comme des bénéfici- aires potentiels ou des complices impliqués dans la dissimulation des produits de la corruption. Au Salvador et en Egypte, par exemple, l’infraction est étendue au capital ou aux revenus du conjoint et des enfants mineurs d’un agent public. Au Paraguay, les enquêteurs doivent tenir compte des avoirs détenus par les parents du premier et du deuxième degré.16 La CUAPLC étend le champ de l’enrichissement illicite plus loin encore pour inclure «toute personne». Une telle disposition peut être comprise comme permettant les poursuites contre toute personne du secteur privé qui reçoit des pots-de- vin, ainsi que les membres de la famille ou les associés d’agents publics qui reçoivent des paiements illicites. En pratique, certaines dispositions visent le recouvrement des avoirs détenus par ces individus, plutôt que le ciblage des proches et associés dans le cadre de poursuites. A Brunei, par exemple, la disposition relative à l’enrichissement illicite s’étend aux biens de «toute personne détenant des ressources pécuniaires ou biens en fiducie au béné- fice ou pour le compte de l’accusé ou [ayant] acquis de telles ressources ou biens sous forme de don ou de prêt sans contrepartie auprès de l’accusé» comme ayant été sous le contrôle de l’accusé et, à ce titre, comme étant susceptible d’être saisis.17 Lorsque l’intention est de viser spécifiquement la corruption dans le secteur public, la définition retenue par la CNUCC d’un agent public sera généralement suffisante pour 15. Abdul Aziz Memon c. Etat, 2003 YLR 617, au sujet des dispositions de la section 9(a)(v) relatives aux avoirs outrepassant des sources connues. 16. Paraguay, Loi no. 2.523/04, article 3. 17. Brunei, Prevention of Corruption Act 1982, article 12, Possession of Unexplained Property. Définir l’enrichissement illicite  I  17 atteindre les objectifs définis par la loi.18 Cette définition n’exclut pas une action contre les membres de la famille ou les associés. Les données financières de ces individus se- ront généralement examinées de près dès lors que sera initiée une enquête sur des faits d’enrichissement illicite concernant un agent public. Cette approche est conforme aux accords internationaux, en particulier à l’article 52 de la CNUCC, ainsi qu’à la recom- mandation 6 du GAFI qui exige une surveillance accrue de la famille et des proches collaborateurs des agents publics de premier plan dans leurs interactions avec les ins- titutions financières.19 Lorsqu’il est établi que la famille et les collaborateurs ont été complices de la dissimulation des produits de la corruption, ils sont susceptibles d’être poursuivis pour des infractions connexes, comme complicité ou blanchiment d’argent. Il est important que les produits de la corruption détenus par des individus mis en exa- men pour ce type d’infractions connexes soit susceptibles de saisie. 2.2.2  La période concernée ou période de vérification La «période concernée» désigne la période pendant laquelle une personne peut être tenue responsable du fait de s’être illicitement enrichi. Une délimitation claire de la période concernée a pour but d’établir un lien entre l’augmentation substantielle du patrimoine et l’implication de la personne concernée dans le secteur public (ou dans des activités d’intérêt public). La définition ou la démarcation d’une période concernée peut aussi avoir pour intérêt pratique de constituer une base de départ pour les enquê- 18. La CNUCC, article 2, définit un «agent public» ainsi : «i) toute personne qui détient un mandat législa- tif, exécutif, administratif ou judiciaire d’un État Partie, qu’elle ait été nommée ou élue, à titre permanent ou temporaire, qu’elle soit rémunérée ou non rémunérée, et quel que soit son niveau hiérarchique; ii) toute autre personne qui exerce une fonction publique, y compris pour un organisme public ou une entreprise publique, ou qui fournit un service public, tels que ces termes sont définis dans le droit interne de l’État Partie et appliqués dans la branche pertinente du droit de cet État; iii) toute autre personne définie comme “agent public” dans le droit interne d’un État Partie. Toutefois, aux fins de certaines mesures spécifiques prévues au chapitre II de la présente Convention, on peut entendre par “agent public” toute personne qui exerce une fonction publique ou qui fournit un service public tels que ces termes sont définis dans le droit interne de l’État Partie et appliqués dans la branche pertinente du droit de cet État.». La recommandation 6 du GAFI précise que «Les institutions financières devraient, s’agissant de personnes politiquement expo- sées, mettre en œuvre les mesures de vigilance normales, et en outre : a) Disposer de systèmes de gestion des risques adéquats afin de déterminer si le client est une personne politiquement exposée. b) Obtenir l’autorisation de la haute direction avant de nouer une relation d’affaires avec de tels clients. c) Prendre toutes mesures raisonnables pour identifier l’origine du patrimoine et l’origine des fonds. d) Assurer une surveillance renforcée et continue de la relation d’affaires». 19. La CNUCC, article 52, dispose: «Sans préjudice de l’article 14 de la présente Convention, chaque État Partie prend, conformément à son droit interne, les mesures nécessaires pour que les institutions finan- cières relevant de sa juridiction soient tenues de vérifier l’identité des clients et de prendre des mesures raisonnables pour déterminer l’identité des ayants droit économiques des fonds déposés sur de gros comptes, ainsi que de soumettre à une surveillance accrue les comptes que des personnes qui exercent, ou ont exercé, des fonctions publiques importantes et des membres de leur famille et de leur proche entourage cherchent à ouvrir ou détiennent directement ou cherchent à faire ouvrir ou font détenir par un intermé- diaire. Cette surveillance est raisonnablement conçue de façon à détecter les opérations suspectes afin de les signaler aux autorités compétentes et ne devrait pas être interprétée comme un moyen de décourager les institutions financières – ou de leur interdire – d’entretenir des relations d’affaires avec des clients légi- times.» Pour la recommandation 6 du GAFI, voir la note 7. 18 I Les Profiteurs teurs. Les autorités nationales ont suivi trois approches pour déterminer la période con- cernée: la coïncidence avec l’exercice des fonctions, une période limitée après l’abandon des fonctions, et une durée non-délimitée. Les leçons tirées de ces différentes approches démontrent que la période de vérification coïncide en général avec une partie de la durée du mandat de l’agent public. Bien que la CNUCC ne recommande pas spécifiquement une application temporelle de l’enrichissement illicite, on peut déduire de la référence faite à «un agent public» qu’elle implique, a minima, que la période concernée coïncide avec les fonctions exercées par l’agent public. Cette approche est également choisie par la CIACC et par de nombreux droits internes. Le Chili, par exemple, applique l’enrichissement illicite à tout agent public «qui au cours de son mandat» bénéficie d’un enrichissement substantiel et injus- tifié, ce qui limite ainsi les enquêtes aux agents publics susceptibles de s’être enrichis pendant l’exercice de leurs fonctions.20 Le Salvador connaît une limitation similaire, qui spécifie que l’enrichissement illicite ne peut être présumé que lorsque l’accroissement des avoirs survient «entre la date à laquelle le fonctionnaire a assumé ses fonctions et celle à laquelle il les a quittées».21 Suivant cette approche, les autorités de poursuite peuvent utiliser l’entrée en fonction comme une base de départ, puis apprécier dans quelle mesure l’augmentation du patrimoine est substantielle au regard des revenus légitimes de l’agent public pendant la période durant laquelle il a exercé ses fonctions ou son mandat. L’inconvénient de cette approche réside dans le fait que, pour éviter des poursuites, un agent public corrompu peut simplement attendre d’avoir quitté ses fonc- tions pour recevoir ses gains illicites. Certains pays ont tenté de résoudre ce problème en étendant la période concernée à plusieurs années après que l’agent public ait quitté ses fonctions ou terminé son mandat. L’Argentine, la Colombie et le Panama, par exemple, ont rallongé la période concernée de deux à cinq ans après le terme des fonctions.22 D’autres pays ont conféré à la période 20. Chili, Code Pénal, article 241. 21. El Salvador, Ley Sobre el Enriquecimiento Ilícito de Funcionarios y Empleados Públicos, Título III del Enriquecimiento Ilícito. 22. Code Pénal argentin de 1964, article 268(2), «toute personne qui, lorsqu’on le lui demande, échoue à justifier l’origine de tout enrichissement significatif bénéficiant à lui-même ou un tiers de manière à le dissimuler, [enrichissement] obtenu dans le cadre de l’exercice d’une charge ou d’un emploi public, et jusqu’à deux ans après avoir quitté ses fonctions, sera puni.» Traduit de l’anglais (traduction de l’espagnol OEA (2009c)). L’original du texte figure à l’annexe A. Code Pénal colombien, article 412: «Tout fonctionnaire qui, alors qu’il est employé par le gouvernement, ou toute personne qui a exercé des fonctions publiques et qui, durant cette période ou jusqu’à deux ans après avoir quitté ses fonctions, obtient pour lui-même ou pour autrui une augmentation injustifiée de son patrimoine encourra, à supposer que sa conduite ne constitue pas une autre infraction, une peine allant de quatre-vingt-seize (96) à cent-quatre-vingt (180) mois d’emprisonnement, une amende de deux fois le montant de l’enrichissement sans excéder cinquante mille fois (50.000) fois le montant du salaire mensuel minimum légal en vigueur, et une période de déchéance de ses droits civiques allant de quatre-vingt-seize (96) à cent-quatre-vingt (180) mois. Traduit de l’anglais (traduction de l’espagnol OEA (2010c). L’original du texte figure à l’annexe A. Code Pénal du Panama de 2008, article 345 : «tout fonctionnaire qui, soit personnellement ou par l’intermédiaire d’un tiers, accroît indûment son patrimoine par rapport aux revenus légitimement accu- Définir l’enrichissement illicite  I  19 concernée un caractère non-délimité, de sorte que quiconque ayant été, à quelque mo- ment que ce soit, un agent public peut être tenu responsable, dans le cas d’une infraction d’enrichissement illicite, pour le reste de ses jours. Brunei, par exemple, applique l’enri- chissement illicite à «toute personne qui, étant ou ayant été un agent public... jouit d’un train de vie supérieur à celui qui correspondrait à ses émoluments passés ou présents». Des propositions allant dans ce sens ont été faites au moment des négociations de la CNUCC mais n’ont pas reçu de soutien suffisant pour être incorporées à la convention.23 La période concernée doit être distinguée de la période servant de base à une enquête ou à une mise en accusation. En d’autres termes, la période identifiée par la loi relative à l’enrichissement illicite, celle pendant laquelle un agent public peut être tenu pour responsable du fait de s’être enrichi, peut différer de la période pour laquelle il est effec- tivement poursuivi. Cette dernière peut être délimitée par les autorités d’enquête et de poursuite et être égale à - ou comprise dans - la période concernée.24 Dans le contexte de la conduite des enquêtes et des poursuites, deux obstacles doivent être soulignés : l’accès aux données et la concentration des ressources de l’enquête. Dans la plupart des pays, les citoyens, sociétés et institutions financières n’ont pas l’obligation de conserver leurs données financières indéfiniment. De ce fait, plus la période potentielle- ment susceptible de faire l’objet d’une enquête est longue, plus la probabilité sera élevée que les données relatives aux avoirs suspects auront changé de main ou été détruites et que les dépenses effectuées durant une période données seront difficiles à prouver. De plus, lorsqu’ils examinent une période étendue, les procureurs peuvent éprouver des dif- ficultés à identifier les sources de revenus légitimes, et l’accusé peut pour sa part éprouver des difficultés à apporter les justifications demandées. Il convient également de prendre garde à ce qu’une longue période concernée ne dépasse pas les délais de prescription. Les inquiétudes relatives à la période concernée peuvent être apaisées en fournissant aux autorités de poursuite des principes directeurs par le biais de circulaires admi- nistratives. Ces circulaires peuvent, par exemple, souligner les difficultés susceptibles d’être rencontrées lors de l’enquête et dès lors qu’ont expiré - pour les citoyens, sociétés et institutions financières - les obligations de conserver les documents relatifs à leur historique financier. Cette pratique est en accord avec les principes directeurs édictés par les administrations de nombreux pays et qui visent à guider les procureurs dans l’exercice de leurs fonctions et dans la gestion de dossiers spécifiques, par exemple en indiquant s’il y a lieu de commencer à, continuer à, s’abstenir de ou à cesser de pour- suivre, tout en respectant pleinement la compétence des autorités de poursuite. Elle est également en accord avec les recommandations relatives à la surveillance des personnes politiquement exposées par le secteur financier. mulés pendant l’occupation de son poste et jusqu’à cinq ans après avoir quitté ses fonctions, accroissement dont il est incapable de prouver l’origine licite, sera puni d’une peine allant de trois à six ans d’emprisonnement. Traduit de l’anglais (traduction de l’espagnol OEA (2010g). L’original du texte figure à l’annexe A. 23. UNODC (2010, 197). En fin de compte, l’option consistant à étendre l’enrichissement illicite au-delà de la période d’emploi n’a pas été retenue dans le texte final de l’article 20 de la CNUCC. 24. Voir State of Marashtra c. Pollonji Darabshaw Daruwalla, 1988 AIR 88 SCR (1) 906; 1987 SCC Supl. 379; JT 1987 (4) 363; 1987 SCALE (2) 1127. 20 I Les Profiteurs 2.2.3  L’augmentation substantielle du patrimoine L’UNCAC, l’IACAC et l’AUCPCC exigent toutes des autorités de poursuite qu’elles prouvent l’enrichissement en tant qu’ «augmentation substantielle du patrimoine». D’après les travaux préparatoires de l’UNCAC, le mot «substantielle» a été choisi pour définir cette disposition parce qu’il reflétait les pratiques déjà existantes dans plusieurs Etats et permettait de garantir que les dispositions de l’article ne seraient pas utilisées de manière déraisonnable (UNODC 2010, note de bas de page 14). Deux éléments sont à considérer dans la définition de cet élément : d’abord, comment déterminer si l’augmentation des avoirs ou du patrimoine est «substantielle» et, deuxièmement, quels avoirs ou autres éléments matériels seront pris en compte. Les conventions internationales et les droits nationaux définissent «substantiel» comme un terme relatif plutôt qu’absolu. Par exemple, l’augmentation en avoirs est comparée avec les sources légitimes de revenus au travers de notions telles que «avoirs dispro- portionnés», «avoirs hors de proportion par rapport à tout revenu légitime», ou avoirs «disproportionnés». La plupart des pays ne définissent pas ce qu’ils entendent par «dis- proportionné» en droit, laissant ainsi aux procureurs et aux tribunaux le soin de le déterminer. L’Inde, par exemple, a défini un seuil correspondant à 10% de sources de revenus connus dans sa jurisprudence.25 Certains pays fournissent des principes directeurs sous la forme de sanctions graduées, bien que dans ces cas les seuils soient généralement définis en termes absolus. Le fait de spécifier en droit un seuil d’enrichissement illicite est susceptible d’empêcher les poursuites dès lors que les montants concernés sont triviaux. Cependant, cela peut également permettre d’envoyer un signal clair qu’un certain niveau de corruption ne sera pas toléré, à moins que le seuil ne soit fixé extrêmement bas. Dans les pays où les autorités de poursuites bénéficient d’une certaine latitude, il est possible d’éviter que le public ne soit mis au courant en communiquant des principes directeurs aux seuls pro- cureurs et en leur indiquant les seuils auxquels il est attendu d’eux qu’ils poursuivent. Cette approche a l’avantage de conférer aux procureurs une certaine flexibilité pour poursuivre dans des circonstances exceptionnelles dans lesquels les seuils prévus ne sont pas atteints. Au Pakistan, les autorités anti-corruption ont adopté une approche alternative. De manière à concentrer leur temps et leurs ressources sur les enquêtes qui concernent les dossiers les plus importants, leur politique consiste, dans les cas mineurs n’impliquant que de faibles montants, à transmettre ces dossiers aux administrations concernées. Celles-ci peuvent alors s’occuper de l’agent public en interne, ou peuvent transmettre le dossier à un autre service d’enquête, ou encore gérer chaque situation au cas par cas. Dans certains pays, le besoin de principes directeurs peut être moindre. 25. Voir Krishnanand Agnaharti c. State of M.P. (1977), 1 SCC 816; State of Maharashtra c. Pollonji Darab- shaw Daruwalla, 1988 AIR 88, 1988 SCR (1) 906, 1987 SCC Supl. 379, JT 1987 (4) 363, 1987 SCALE (2) 1127; Saran v. State of M.P., CRA 1060/2004 (2006), INMPHC 274 (11 Novembre 2006). Définir l’enrichissement illicite  I  21 En effet, les seuils peu élevés sont susceptibles de ne pouvoir faire l’objet de poursuites conformément au principe de minimis non curat praetor («le préteur ne s’occupe pas de causes insignifiantes») qui empêche les poursuites pour les transgressions minimales. De surcroît, les seuils plus faibles sont plus difficiles à prouver pour l’accusation et sont susceptibles, à ce titre, de n’avoir que peu d’intérêt. Certains pays ont défini le type de bénéfice reçu par l’agent public, qui est considéré comme faisant partie de cet élément de l’enrichissement illicite. A nouveau, lorsque des pays ont adopté des définitions, celles-ci ont eu tendance à être larges. En Argentine, la disposition définit l’enrichissement en termes de valeur nette, ce qui tient compte des dettes ou autres obligations qui ont été annulées. Le Paraguay fait aussi référence aux droits accordés, aux services fournis, ainsi qu’à l’annulation des dettes contractées non seulement par l’accusé mais également par son conjoint et ses parents au premier et second degré. Dans la RAS de Hong Kong, Chine, la disposition insiste également sur le «contrôle» des ressources pécuniaires ou d’avoirs disproportionnés. Les pays qui utilisent les termes de «train de vie» ou «niveau de vie» n’ont pas pour in- tention de les substituer à ceux d’ «avoirs» ou de «patrimoine». Dans ces cas, le «train de vie» peut déclencher une enquête, mais c’est le patrimoine de l’individu qui constitue la base de la preuve d’un enrichissement illicite. Certains pays, comme le Lesotho et le Malawi, font référence dans leurs lois relatives à l’enrichissement illicite à un «train de vie» supérieur à celui qui devrait correspondre aux sources de revenus connues plutôt qu’à des avoirs ou à un patrimoine. Le Népal préfère l’expression «train de vie incom- patible ou inadéquat».26 De ce point de vue, les termes «niveau de vie» et «train de vie» ne constituent pas, à proprement parler, des éléments de l’infraction pénale. Pour autant, il convient d’atti- rer l’attention sur le «train de vie» ou «niveau de vie» parce ceux-ci sont des manifesta- tions visibles de l’enrichissement illicite et qu’ils sont susceptibles de conduire au dépôt de plaintes. La définition précise des avoirs spécifiques qui sont susceptibles de conduire à l’ou- verture d’une enquête pour enrichissement illicite est également un aspect important parce qu’elle peut déterminer la facilité ou la difficulté qu’aura l’accusation à prouver les faits. Par exemple, certaines dispositions comme celles relatives à l’enrichissement illi- cite en Jamaïque font référence à des avoirs disproportionnés par rapport aux «revenus légitimes», alors que d’autres mentionnent plutôt «les émoluments officiels», comme à Antigua et Barbuda ou dans la RAS de Hong Kong, Chine (voir l’annexe A). Le Malawi définit les «émoluments officiels» comme incluant «pensions, gratifications et autres in- demnités de fin de carrière.» De ce fait, parce que le terme «revenus légitimes» est plus large que celui d’ «émoluments officiels», il serait probablement plus facile pour l’accu- sation de démontrer que les avoirs sont disproportionnés par rapport à l’ensemble des revenus légitimes. En Inde, la disposition relative à l’enrichissement illicite fait référence aux «ressources pécuniaires ou biens disproportionnés par rapport [à ses] sources de 26. Nepal Prevention of Corruption Act, article 20. 22 I Les Profiteurs revenus connues». Bien que pouvant sembler large, le terme «ressources pécuniaires ou biens» a été interprété par les tribunaux indiens comme incluant les biens immobiliers, les liquidités et les investissements productifs, et «connu» comme signifiant «revenus légalement obtenus et révélés par une enquête approfondie des autorités de poursuite [mais qui] ne peuvent correspondre à des sources de revenus spécialement connues par l’accusé».27 De plus, les comptes bancaires détenus conjointement sont considérés comme des ressources de l’accusé à moins qu’un tel compte soit structuré de manière à empêcher son utilisation par l’agent public.28 Les critiques adressées à l’expression «augmentation substantielle du patrimoine» ré- sident dans le fait que les conventions et lois internes ne sont pas explicites eu égard au comportement criminel (actus reus) qui constitue la base de l’infraction. En Argentine, les commentateurs ont fait valoir que l’article 268(2) du Code Pénal qui définit l’infrac- tion d’enrichissement illicite contrevient au principe nulla poena sine lege («nulle peine sans loi») ou principe de légalité qui, sanctifié par l’article 18 de la Constitution, exige du droit que soient clairement définis l’omission ou la conduite prohibée.29 On a pu pareillement dire, eu égard à la loi mexicaine sur l’enrichissement illicite, que l’incapa- cité à définir un comportement spécifique implique que l’infraction d’enrichissement illicite pénalise la simple possession de richesses par un agent public et, à ce titre, une suspicion d’infraction, ce qui la rendrait clairement anticonstitutionnelle (Diaz-Aran- da 2008, 98-100). La loi relatives à l’enrichissement illicite de la RAS de Hong Kong, Chine, a été critiquée pour des raisons similaires comme une mesure draconienne qui ne constitue pas «une infraction de corruption en tant que telle mais qui pénalise plutôt un agent public pour sa seule richesse excessive» (Wilsher 2006, 31).30 Une autre interprétation consiste à considérer que le comportement criminel à l’ori- gine de l’infraction réside dans l’incapacité à justifier des revenus : l’infraction cible alors une omission plutôt qu’un comportement. Selon cette interprétation, un agent public est soumis à une obligation légale d’expliquer l’origine de son patrimoine, et tout manquement à cette obligation constitue alors une infraction. D’autres normes inter- nationales sont silencieuses sur la question de savoir quel comportement devrait être adéquatement réglementé par le droit pénal. En conséquence, et parce que les normes internationales ne précisent pas quels comportements doivent être criminalisés, on ne peut pas dire sur cette seule base que l’enrichissement illicite contrevienne aux prin- cipes généraux du droit pénal. En conséquence, certains défenseurs de l’enrichissement illicite font valoir que ce der- nier, ainsi que la possession de produits suspects par des agents publics, constituent en tant que tels les éléments d’un comportement criminel. Le fait de recevoir, d’investir et d’utiliser des produits acquis de manière douteuse exige la participation active de 27. La formulation employée par le tribunal est empruntée au §106 de l’Indian Evidence Act (1872). 28. State of Maharashtra c. Pollonji Darabshaw Daruwalla, 1988 AIR 88; 1988 SCR (1) 906; 1987 SCC Supl. 379; JT 1987 (4) 363; 1987 SCALE (2)1127. 29. Cette discussion est abordée de façon plus détaillée au chapitre 3. 30. Voir aussi la discussion sur le principe de légalité au chapitre 3. Définir l’enrichissement illicite  I  23 l’agent public. Les biens doivent être acquis, entretenus et utilisés, et les comptes ban- caires doivent être ouverts puis utilisés pour effectuer des transactions. Il existe donc d’évidentes similarités avec l’infraction de blanchiment d’argent et avec celle de posses- sion de drogues ou d’armes. La leçon la plus claire tirée de l’analyse du processus décrivant précisément ce que constitue une «augmentation substantielle du patrimoine» dans le droit relatif à l’en- richissement illicite enseigne qu’il est utile de définir la nature du bénéfice considéré comme participant de l’augmentation et d’y inclure, par exemple, toute annulation de dette. La définition précise des avoirs susceptibles de faire l’objet d’une enquête pour en- richissement illicite, comme les «émoluments officiels» ou les avoirs disproportionnés avec les «revenus légaux» constitue également un élément important, puisque la défi- nition déterminera la facilité ou difficulté avec laquelle l’accusation prouvera les faits concernés. D’un point de vue général, détailler cet aspect compte pour beaucoup dans la clarification des comportements qui relèvent de l’enrichissement illicite. 2.2.4 L’intentionnalité La CNUCC requiert explicitement une démonstration du mens rea ou intentionnalité, dans l’établissement de l’infraction d’enrichissement illicite en incluant l’élément «lorsque commis intentionnellement». D’après les travaux préparatoires de la CNUCC, au cours des négociations relatives à la convention, la qualification «lorsque commis intentionnellement» a été ajoutée afin d’aligner l’article 20 de la CNUCC sur les autres articles du chapitre III sur la criminalisation, ainsi que pour offrir une assurance additionnelle sur le fait que les dispositions de l’article ne pourrait être invoquées déraisonnablement (UNODC 2010, note de bas de page 12). Conformé- ment aux principes établis par l’article 28 de la CNUCC, l’ intention de l’accusé n’a pas à être démontrée mais peut au contraire être déduite des «circonstances factuelles objectives» du dossier. 31 Dans les affaires d’enrichissement illicite, cette inférence peut être faite, par exemple, à partir de transferts de fonds significatifs effectués par des individus ou entités avec lesquels l’individu n’a pas de relations d’affaires légitimes, d’importants versements en espèces effectués par l’agent public, ou de l’usage délibéré et prolongé et biens de luxe acquis de manière inexpliquée. Hormis la CNUCC, aucune des lois internationales ou nationales qui criminalisent l’enrichissement illicite et examinées lors de cette étude - y compris la CIACC et la CUAPLC - n’identifient expressément l’intentionnalité comme un élément constitutif de l’infraction. Cette omission ne doit pas nécessairement être considérée comme l’ob- jectif des législateurs, dans la mesure où l’intentionnalité est généralement considérée comme un élément fondamental de la définition des infractions pénales en droit et en 31.CNUCC, article 28: «La connaissance, l’intention ou la motivation nécessaires en tant qu’éléments d’une infraction établie conformément à la présente Convention peuvent être déduites de circonstances fac- tuelles objectives.» 24 I Les Profiteurs tant que telle, elle n’a pas besoin d’être d’être clairement explicitée dans toutes les af- faires. De ce point de vue, il est important de noter que la CIACC comme la CUAPLC ne mentionnent pas spécifiquement l’intentionnalité comme un élément applicable aux autres infractions de corruption. En effet, dans certains pays de common law, existe une présomption en vertu de laquelle l’intentionnalité doit être lue dans les provisions qui définissent les éléments de l’infraction dès lors que ces dernières sont par ailleurs muettes sur la question.32 Cependant, certains commentateurs ont fait valoir qu’il pouvait exister des raisons d’omettre spécifiquement l’intentionnalité dans le contexte de l’enrichissement illicite par des agents publics. L’omission voulue de l’intentionnalité en tant qu’élément de l’infraction transformerait l’enrichissement illicite en une stricte infraction en respon- sabilité, permettant ainsi des poursuites à l’encontre d’un agent public même s’il est sincèrement inconsciemment du revenu inexpliqué et de l’augmentation de son pa- trimoine. Typiquement, le régime de responsabilité stricte est utilisé pour empêcher l’accusé d’échapper à sa responsabilité en plaidant l’ignorance, dans les cas où la société souhaite prévenir tout dommage et maximiser l’effet dissuasif de l’infraction. Dans le cas de l’enrichissement illicite, néanmoins, il est probable que l’accusé puisse échapper à la responsabilité en apportant des preuves de son ignorance, par exemple lorsqu’à son insu, des fonds sont accidentellement virés sur son compte bancaire sans en être retirés. Au niveau national, des questions similaires ont été soulevées concernant l’omission de l’intentionnalité dans la définition juridique de l’infraction. L’omission de l’intention- nalité dans la loi relative à l’enrichissement illicite dans la RAS de Hong Kong, Chine, par exemple, a été interprétée par les commentateurs comme établissant une stricte responsabilité des agents publics. Bien que cette approche ait été attribuée à une «piètre rédaction [du texte de loi]» et critiquée comme une mesure draconienne qui ne consti- tue pas «une infraction de corruption proprement dite mais pénalise un agent public simplement pour sa richesse excessive», les tribunaux qui ont appliqué cette disposition ont adopté une approche différente (Wilsher 2006, 31). Dans un dossier traité dans la RAS de Hong Kong, Chine, et en dépit de l’absence de l’élément «d’intentionnalité» dans la disposition relative à l’enrichissement illicite, le tribunal a reconnu ce dernier élément comme constitutif de l’infraction. Il a tenu compte en tant que mens rea du fait que l’accusé savait qu’il serait incapable de fournir une explication satisfaisante de la source de ses fonds.33 Il importe de souligner que l’intentionnalité qui est en cause dans l’infraction d’enri- chissement illicite n’est pas liée à un quelconque comportement criminel mais à une augmentation des avoirs. Bien que la plupart des dispositions relatives à l’enrichisse- ment illicite ne mentionne pas spécifiquement l’intentionnalité, une analyse de la ju- risprudence révèle que cette dernière est un facteur nécessaire qui doit être établi ex- pressément, ou a minima implicitement, par l’accusation. Par ailleurs, les praticiens 32. Sweet c. Parsley (1970), AC 132. 33. Le Bureau du Conseil privé de Mok Wei Tak et autrec. La Reine (1990), 2 AC 333 (The Privy Council in Mok Wei Tak v. The Queen (1990), 2 AC 333) Définir l’enrichissement illicite  I  25 consultés dans le cadre de cette étude, à la fois dans les juridictions de droit civil et de common law, sont d’accord pour dire que les condamnations pour enrichissement illi- cite dans leur juridiction exigent des faits démontrant cet élément. 2.2.5  L’absence de justification La CNUCC, la CIACC et la CUAPLC identifient toutes les trois l’absence d’une jus- tification raisonnable de l’enrichissement comme un élément constitutif essentiel de l’infraction d’enrichissement illicite, et définissent ce dernier comme «une augmenta- tion significative du patrimoine d’un agent public qu’il ou elle ne peut raisonnable- ment expliquer». La manière dont cet élément est formulé est considérée par beaucoup comme faisant supporter la charge de la preuve à l’agent public. C’est là l’élément le plus controversé, parce que les arguments selon lesquels le concept d’enrichissement illicite porte atteinte au principe fondamental de la présomption d’innocence reposent sur le fait que la charge de la preuve basculerait de l’accusation à l’accusé (Low, Bjorklund et Atkinson 1998). Parce que les textes de loi passés en revue sont généralement muets sur cette question, la répartition de la charge de la preuve dans les dossiers d’enrichissement illicite a été déterminée par les tribunaux. La pratique ressemble en général à ceci : l’accusation bâtit un dossier contre un indi- vidu qui, au cours de la période concernée, a exercé des fonctions d’agent public. Elle démontre l’enrichissement ou la propriété d’avoirs correspondant à un montant subs- tantiellement supérieur aux revenus légaux de l’agent public. Elle démontre ensuite que l’agent public a fait preuve de l’intention requise de s’enrichir. Une fois ces éléments établis est alors constituée une présomption réfragable du caractère illicite de l’enri- chissement. Une présomption réfragable (ou présomption simple) est une présomption établie par un tribunal et considérée comme vraie jusqu’à ce que soit apportée la preuve du contraire. Ainsi, et dès lors que l’accusation a franchi ces étapes, l’issue de la procé- dure dépend de la défense. Si l’accusé parvient à démontrer l’existence d’une explication raisonnable il est alors acquitté ; s’il n’y parvient pas, il est condamné. L’illustration 2.1 détaille ce processus. Quant à la nature précise de la charge de la preuve revenant à l’accusation, les tribunaux argentins ont considéré de façon répétée que «c’est à l’accusation qu’échoit entièrement la charge de la preuve».34 Ce fardeau inclut la présentation des preuves qui établissent que les sources de revenus légitimes ou les émoluments officiels ne peuvent expliquer la «disproportion» du patrimoine. Dans une affaire, le tribunal a considéré que l’absence de justification n’a pas pour fondement la requête adressée à l’agent public mais découle plutôt du fait que l’enrichissement en question n’est pas explicable par les avoirs déclarés par l’agent public. En d’autres termes, l’explication raisonnable ne doit être donnée qu’une fois apportée la preuve d’un enrichissement substantiel et injustifié. De ce point 34. Maria J. Alsogaray, Cámara Nacional de Casación Penal (Cour Pénale Nationale d’Appel), 9 Juin 2005; Joseph M. Pico et K.B.U., Cámara Nacional de Casación Penal (Cour Pénale Nationale d’Appel), 8 Mai 2000. 26 I Les Profiteurs ILLUSTRATION 2.1 PROCESSUS GÉNÉRAL D’UN DOSSIER D’ENRICHISSEMENT ILLICITE IL’accusation démontre que l’accusé était un agent public pendant la période concernée L’accusation démontre une augmentation substantielle d’avoirs inexpliqués L’accusation démontre l’intention Une présomption réfragable que l’accusé s’est enrichi illicitement est établie La défense fournit une La défense ne parvient pas à fournir explication raisonnable d’explication raisonnable L’accusé est acquitté L’accusé est condamné de vue, l’infraction est commise en amont - et indépendamment - de l’obligation légale de justification.35 Les tribunaux indiens ont aussi considéré que la charge de démontrer le caractère disproportionné d’un patrimoine par rapport aux revenus connus, à défaut d’une explication satisfaisante, revenait à l’accusation.36 Par essence, l’acte d’accusation doit démontrer l’existence d’avoirs disproportionnés.37 La RAS de Hong Kong, Chine, a fait valoir des arguments similaires en déclarant, dans Procureur général c. Hui Kin-hong, «Avant que l’accusation ne puisse s’appuyer sur la 35. Maria J. Alsogaray, Cámara Nacional de Casación Penal (Cour Pénale Nationale d’Appel), 9 Juin 2005. 36. Voir par exemple Bhogilal Saran c. Etat de M.P., CRA 1060/2004 (2006), INMPHC 274 (11 Novembre 2006); N. Ramakrishnaiah TR.LRS c. Etat de Andhra Pradesh (2008), INSC 1767 (17 Octobre 2008). 37. Swamy c. Etat, AIR 1960 SC 7, établissant que l’accusation doit présenter un cas prima facie d’avoirs disproportionnés par rapport aux sources de revenus connues; Swapan Adh c. Republique de l’Inde , CRMC no. 2008 of 1998 (2000), INORHC 179 (23 Mars 2000), dans la mesure où l’accusation a rempli ses obliga- tions de preuve, l’acte d’accusation ne peut être contesté matériellement avant que l’affaire n’ait été portée devant un tribunal; State by Central Bureau of Investigation v. Shri S. Bangarappa (2000), INSC 578 (20 Novembre 2000), établissant que le président du tribunal n’a pas besoin d’évaluer la qualité des preuves de l’accusation dès lors qu’à première vue, ces preuves suggèrent un cas prima facie; Etat de Madhya Pradesh c. Mohanlal Soni (2000), INSC 362 (19 Juillet 2000), dans lequel l’accusation n’est pas parvenue à évaluer adéquatement - et à rendre disponible - les documents pertinents qui auraient pu discréditer le dossier apparemment prima facie du procureur, éteignant ainsi la procédure; Parkash Singh Badal et Anr c. Etat du Pendjab Punjab et autres (2006), INSC 906 (6 Décembre 2006), permettant à l’acte d’accusation d’invoquer une violation du paragraphe 13.1 sans pour autant spécifier l’infraction envisagée. Définir l’enrichissement illicite  I  27 présomption que les ressources pécuniaires ou les biens étaient sous le contrôle de l’ac- cusé, elle doit prouver au- delà du doute raisonnable les faits qui ont donné lieu à cette présomption. Cette dernière doit être établie de manière restrictive, en cela que ces faits doivent rendre probable le fait que les ressources pécuniaires ou biens étaient détenus [... ] pour le compte de l’accusé ou avaient été acquis auprès de lui sous la forme de cadeaux».38 Selon la règle générale de la plupart des systèmes juridiques, la norme de la preuve en matière pénale implique que l’accusé n’a généralement qu’à soulever un doute raison- nable ou à s’assurer qu’un juge sera «intimement convaincu» de la faiblesse des faits sur lesquels s’appuient un ou plusieurs des éléments du dossier de l’accusation. Dans la plupart des cas, un accusé peut se défendre en présentant une théorie alternative et plausible expliquant l’origine des fonds et en étayant cette dernière par des preuves minimales qui n’ont pas à être hautement convaincantes. De la même manière, l’accusé n’a pas d’obligation de se défendre, et aucune inférence ne peut - dans ce cas - être faite à son encontre. Dans les dossiers d’enrichissement illicite, l’accusation adopte une approche légèrement différente. On attend de l’accusé qu’il fournisse une explication raisonnable de toute aug- mentation substantielle de son patrimoine. La considération centrale est ici la nature du niveau de preuve qui échoit à l’accusé. Deux alternatives sont fréquemment défendues par les praticiens du droit et les universitaires (Jayawickrama, Pope et Stolpe 2002, 28). La première attribue à l’accusé le fardeau de la preuve matérielle en cela qu’il lui in- combe d’apporter les preuves permettant de contester la véracité des faits qui lui sont reprochés par l’accusation. Des parallèles ont été faits entre la possibilité pour l’accusé de présenter des preuves de l’origine licite de son patrimoine et la défense de la néces- sité, ou de la légitime défense, dans le contexte d’autres infractions pénales (Gadinho 2009). La charge de la preuve demeure la responsabilité de l’accusation qui doit démon- trer les faits du dossier au-delà du doute raisonnable (ou obtenir l’intime conviction) et réfuter les preuves apportées par l’accusé. Néanmoins, et dès lors qu’il existe une charge de la preuve pour l’accusé eu égard aux éléments permettant d’étayer sa défense, des in- férences défavorables peuvent être faite à son encontre s’il ne parvient pas à fournir de preuves satisfaisantes. La loi pakistanaise fournit un exemple clair sur ce point : Dans tout procès pour une infraction punissable au titre de cette décision, le fait que l’accusé - ou tout autre individu agissant pour le compte de l’accusé - soit en possession de biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses sources de revenus et qu’il ne peut expliquer de façon satisfaisante, ou le fait qu’un tel individu soit, au moment où autour du moment de la commission de l’infraction pour laquelle il est poursuivi, parvenu à accroître ses ressources pécuniaires ou ses biens d’une manière qu’il ne peut expliquer de façon satis- faisante, le tribunal présumera, à moins que ne soit prouvé le contraire, que l’accusé est cou- pable de l’infraction de corruption et/ou de pratiques délictueuses et que sa condamnation ne peut dès lors être invalide du seul fait qu’elle se base sur une telle présomption.39 38. Procureur général c. Hui Kin Hong, Cour d’appel no. 52 of 1995. 39. Accent ajouté. National Accountability Ordinance, Section 14(c). 28 I Les Profiteurs La seconde alternative envisagée dans les débats relatifs à l’enrichissement illicite confère la charge juridique de la preuve à l’accusé. La règle générale dans les affaires pénales consiste à laisser à l’accusation la charge de prouver la culpabilité de l’accusé. Cependant, lorsque la charge juridique de la preuve échoit à l’accusé, la responsabilité de prouver un élément doit être acquittée par ce dernier. Il doit alors prouver son inno- cence par la prépondérance des probabilités. Si la défense parvient à simplement à faire naître un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé, sans pour autant parvenir à convaincre le tribunal par la prépondérance de la preuve que les faits présumés sont faux, alors l’accusé est reconnu coupable. Selon cette interprétation, lorsque la charge juridique de la preuve est conférée à l’accusé, toute incapacité de ce dernier à réfuter les preuves apportées a pour résultat une condamnation automatique. Les tribunaux ont généralement et progressivement opté pour conférer à l’accusé la charge matérielle de la preuve une fois que l’accusation a établi les éléments du dossier. En Inde, par exemple, les tribunaux ont considéré que la justification devait consti- tuer un «compte-rendu satisfaisant» construit sur «des preuves probantes».40 Un tel compte-rendu doit non seulement être «plausible» mais également «convaincant».41 «Preuves probantes» a été considéré comme signifiant quelque chose de plus que le seul témoignage d’un agent public, même lorsque ce témoignage est corroboré.42 On constate une préférence marquée pour les preuves documentaires du caractère légitime des sources de revenus. Une approche similaire peut être trouvée en Egypte, où l’agent public a l’obligation de produire les documents prouvant la légitimité de ses sources de revenus. De ce point de vue, il importe de noter que les fonctionnaires sont générale- ment payés par virement bancaire ou par chèque, qu’ils sont rattachés administrative- ment à un ministère qui supervise leur carrière, et qu’ils peuvent fournir un accès aux documents nécessaires à la vérification de leur revenu officiel. Leurs documents fiscaux constituent également un élément pertinent et devraient se révéler en accord avec leur patrimoine ; ainsi, des documents de ce type peuvent leur permettre d’établir la légiti- mité de leurs sources de revenus. En pratique, lorsqu’un accusé fournit une explication raisonnable aux tribunaux, il fournit également une ligne de défense qui peut, en fonction du pays et du tribunal, constituer une explication raisonnable. Les lignes de défense peuvent inclure, entre autres choses, l’invocation d’un héritage expliquant l’augmentation des avoirs, d’un ca- deau fait par des parents ou des proches, de versements effectués depuis l’étranger par des proches, ou encore de prix gagnés. 40. Voir par exemple Swamy c. Etat, AIR 1960 SC 7; Saran c. Etat de M.P., CRA 1060/2004 (2006), INM- PHC 274 (11 Novembre 2006); et N. Ramakrishnaiah TR.LRS c. Etat de Andhra Pradesh (2008), INSC 1767 (17 Octobre 2008). 41. N. Ramakrishnaiah TR.LRS c. Etat de Andhra Pradesh (2008), INSC 1767 (17 Octobre 2008). 42. Comparer Sajjan Singh c. Etat du Pendjab, 1964 AIR 464, 1964 SCR (4) 630, et K. Dhanalakshmi c. Etat, Crl.A.1158 of 2000 (2007), INTNHC 1990 (19 Juin 2006), avec Chennai c. K. Inbasagaran, Appeal (crl.) 480 of 2002. Cependant, dans Saran c. Etat de M.P., CRA 1060/2004 (2006), INMPHC 274 (11 Novembre 2006), le tribunal a considéré que le témoignage de multiples individus suffisait à contredire l’argumenta- tion de l’accusation basée sur le pourcentage du revenu consacré aux dépenses domestiques, un pourcen- tage qui n’était pas étayé par les preuves. Définir l’enrichissement illicite  I  29 Certaines lignes de défense sont spécifiques à certains pays et tirent profit des faiblesses de l’infrastructure judiciaire et financière d’un pays. Par exemple, au Pakistan, les taxes sur les produits agricoles ne sont pas toujours appliquées ou collectées, de sorte que ces produits ont tendance à être invoqués par la défense parce que leur existence est difficile à contester. De manière similaire, l’assertion selon laquelle de l’argent proviendrait de gains à une loterie est fréquemment acceptée au Pakistan, même s’il existe une forte probabilité que l’accusé ait acquis les billets de loterie auprès d’une autre personne. En fin de compte, dans tout procès pénal, les juges évalueront la crédibilité des arguments présentés par l’accusé. 2.3 Observations Bien qu’il existe des éléments communs aux dispositions relatives à l’enrichissement illicite adoptées par différents pays, les Etats qui envisagent le vote de telles lois n’auront rien à gagner à adopter des lois «modèles» ou à s’inspirer sans démarche critique des définitions appliquées dans d’autres juridictions. En règle générale, les leçons tirées de l’adoption par certains Etats de dispositions relatives à l’enrichissement illicite démon- trent qu’une formulation adéquate des éléments concernés dépendra in fine des sys- tèmes de droit et des procédures disponibles dans chaque pays, et qu’elle devrait être déterminée par les voies législatives et judiciaires. Ce processus devrait considérer l’enrichissement illicite dans le contexte plus large de la criminalisation de la corruption, du régime de surveillance des agents publics, des objectifs spécifiques à atteindre eu égard à l’infraction d’enrichissement illicite, et de la nature des directives attribuables aux réglementations sous-jacentes et instructions administratives. Ainsi, pour décider des éléments constitutifs de l’infraction d’enri- chissement illicite dans chaque pays, la formulation précise de la disposition légale en question est cruciale. En règle générale, il est utile que la législation soit aussi précise que possible dans sa définition des éléments d’un dossier de manière à clarifier tant les objectifs du législateur que les rôles des tribunaux, des autorités de poursuite et de la défense lorsqu’ils abordent une infraction d’enrichissement illicite. Dans le même ordre d’idée, les pays qui considèrent l’explication raisonnable comme une ligne de défense valable devraient le spécifier dans la disposition concernée. 30 I Les Profiteurs 3.  Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme Les arguments constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme sont fréquemment soulevés dans les discussions qui ont trait à la criminalisation de l’enrichissement illi- cite. Au préalable, il convient de noter que les droits humains sont universels et s’ap- pliquent à tous les êtres humains, alors que les droits constitutionnels sont spécifiques à chaque pays. En droit international des droits de l’homme, les Etats ont le devoir de respecter, protéger et remplir leurs obligations en matière de droits de l’homme.43 Cela s’applique également à tous les aspects fondamentaux d’une infraction, y compris de l’enrichissement illicite. A ce titre, il a été reconnu que «des mesures anti-corruption efficaces et la protection des droits de l’homme se renforcent mutuellement et que la promotion et la protection des droits de l’homme sont essentielles à tous les aspects de toute stratégie anti-corruption».44 Une approche de l’enrichissement illicite basée sur les droits de l’homme requiert que l’ensemble des mesures relatives à cette question se conforment aux obligations inter- nationales de l’Etat en matière de droits de l’homme. L’article 2 du Pacte International Relatif aux Droits Civils et Politiques (PIDCP) est à ce titre particulièrement pertinent eu égard aux mesures législatives, administratives et judiciaires, et suppose le déve- loppement d’institutions dédiées aux enquêtes, poursuites et condamnations pour les infractions liées à la corruption comme l’enrichissement illicite.45 Les aspects «droits de l’homme» du cadre juridique de l’enrichissement illicite devraient également susciter 43. Voir http://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/InternationalLaw.aspx. 44. Human Rights Council, Résolution 7/11 du 27 mars 2008, sur le rôle de la bonne gouvernance dans la promotion et la protection des droits de l’homme. 45. L’ICCPR, article 2, dispose: «1. Chaque Etat partie au présent accord s’engage à respecter et à garantir que tous les individus présents sur son territoire et sujets à sa juridiction jouissent des droits reconnus par le présent accord, sans distinction d’aucune sorte telle que basée sur la race, la couleur de peau, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou autre, l’origine sociale ou nationale, la propriété, la naissance ou tout autre statut. 2. Lorsque la chose n’est pas encore prévue par la législation existante ou par d’autres sources, chaque Etat partie au présent accord s’engage à prendre les mesures nécessaires, en conformité avec ses propres pratiques constitutionnelles et avec les dispositions du présent accord, à adopter les lois et autres mesures nécessaires pour faire prendre effet aux droits reconnus dans le présent accord. 3. Chaque Etat partie au présent accord s’engage (a) à garantir que toute personne dont les droits ou libertés tels que reconnus ici sont violés bénéficiera d’un recours effectif, indépendamment du fait que la dite violation a été commise par une personne agissant à titre officiel; (b) à garantir que tout personne invoquant un tel recours verra son droit à le faire déterminé par les autorités judiciaires, administratives ou législatives compétentes, ou par toute autre autorité prévue par le système juridique de l’Etat, et à développer les possibilités de recours judiciaires; (c) à garantir que les autorités compétentes appliqueront les dits recours lorsqu’ils sont accordés». 31 une approche holistique susceptible d’embrasser les systèmes de justice pénale propres à chaque juridiction. Cette nécessité est due en grande partie aux inquiétudes existantes, en matière de droits de l’homme et de droit constitutionnel, et sur le fait que l’infraction d’enrichissement il- licite n’a jamais été adoptée comme un standard international. Les débats sur cette ques- tion se sont focalisés sur la question de savoir si la poursuite des faits d’enrichissement illicite exige un renversement total ou partiel de la charge de la preuve, et si elle com- porte des présomptions similaires à celles reconnues pour nombre d’autres infractions. A la vue de ces inquiétudes, certains Etats parties à la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC), à la Convention Interaméricaine contre la Corruption (CIACC) et à la Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption (CUAPLC) ont choisi de ne pas criminaliser l’infraction dans leur juridic- tion au titre des clauses de sauvegarde prévues par ces instruments et qui permettent aux Etats assujettis à leurs Constitutions, lois et principes fondamentaux de leurs sys- tèmes juridiques de déterminer s’il convient oui ou non de mettre en œuvre certaines parties des conventions internationales. Dans certains pays, comme au Portugal, où la promulgation d’une loi relative à l’enrichissement illicite a été envisagée mais pas encore décidée, les débats se sont concentrés sur des questions constitutionnelles et de droits de l’homme. Les plus critiques sont allés jusqu’à affirmer que l’infraction d’enrichisse- ment illicite est si imparfaite qu’elle peut s’avérer être «un remède pire que le mal» et que sa criminalisation devrait être découragée dans des environnements où la gouvernance est faible.46 L’Etat de droit fait partie intégrante de - et est indispensable à - toute bonne gouver- nance, à la sécurité des citoyens, au développement et aux droits de l’homme. Un Etat de droit faible sous-entend des probabilités plus faibles de voir traduire en justice un agent public corrompu. Malheureusement, les pays ayant le plus besoin de voir une ré- duction de la corruption sont généralement aussi ceux qui ont besoin de renforcer leur système juridique. Certains commentateurs, critiquant la criminalisation de l’enrichis- sement illicite, remarquent également que l’indépendance des autorités en matière de poursuites, lorsqu’elle peut faire l’objet d’abus, constitue une source d’inquiétude sup- plémentaire. De ce point de vue, une compréhension plus large du système de justice pénale, de son indépendance, des pressions politiques et de ses capacités techniques et institutionnelles est importante dès lors qu’est envisagée ou non l’introduction de lois relatives à l’enrichissement illicite. 46. D’après Snider et Kidane (2007, 728), il est permis de «douter fortement du fait que transiger sur le principe fondamental de la présomption d’innocence dans l’intérêt de la lutte contre les gains matériels inexpliqués par des agents publics puisse constituer une voie souhaitable. Cela est particulièrement vrai en Afrique où, comme le suggère la Convention de l’Union Africaine contre la Corruption, le crime de cor- ruption est directement lié à l’Etat de droit et à la bonne gouvernance. En réalité, [une telle démarche] s’oppose frontalement aux principes sanctifiés par l’ensemble des instruments internationaux de protection des droits de l’homme ainsi qu’à la Charte Africaine pour les Droits de l’Homme et des Peuples. L’applica- tion de cette disposition et son inscription dans la sphère interne ne devrait pas être encouragée parce qu’elle pourrait constituer un remède pire que le mal». 32 I Les Profiteurs Outre les préoccupations centrées sur la question de l’Etat de droit, cette étude a mis à jour le fait que de nombreux pays en développement, dans lesquels la corruption est perçue comme répandue, se sont révélés désireux de mettre en place une infraction d’enrichissement illicite de manière à lutter contre le problème au moyen de tous les outils disponibles. Ce constat est également confirmé par le classement de ces pays pour le critère «Etat de droit» dans les Worldwide Governance Indicators de 2009 publiés par le World Bank Institute. L’annexe B à cette étude propose une liste des pays dotés de dis- positions relatives à l’enrichissement illicite ainsi que leur classement en matière d’Etat de droit, de contrôle de la corruption et de PIB par habitant. La situation dans la RAS de Hong Kong, Chine, illustre mieux encore cet aspect : la disposition relative à l’enri- chissement illicite y a été introduite alors que la corruption était très répandue dans le secteur public, en particulier au sein des forces de police. Depuis que ce sentiment de forte corruption s’est estompé, le recours à l’enrichissement illicite y est moins fréquent. En dernière analyse, tant que des mesures sont prises dans le cadre de l’article 2 du PIDCP pour garantir que l’Etat de droit est respecté dans ces circonstances, les dispo- sitions relatives à l’enrichissement illicite pourront être mises en œuvre correctement. Dans de nombreux pays ayant institué une infraction d’enrichissement illicite, les condamnations ont été contestées pour des raisons de droit constitutionnel et de droits de l’homme. Dans certains pays, ces contestations ont abouti et l’enrichissement illicite a été jugé anticonstitutionnel. En 1994, la Cour Constitutionnelle italienne a invalidé la disposition relative à l’enrichissement illicite présente dans la Loi no. 356 de 1992 au motif que la présomption basée sur le statut de l’accusé violait la présomption d’inno- cence.47 En 2004 dans la République Arabe d’Egypte, la Cour de Cassation a examiné la question de la compatibilité de l’infraction de richesse illicite avec les principes juri- diques du pays, et a considéré que le second paragraphe de l’article 2 de la Loi sur l’Enri- chissement Illicite, qui définit comme une infraction toute augmentation de patrimoine incompatible avec les ressources de l’agent public et dont ce dernier ne parvient pas à prouver l’origine légitime, violait la Constitution eu égard au principe de la présomp- tion d’innocence.48 Jusqu’à 2010, l’Agence Nationale pour l’Intégrité roumaine (ANI) pouvait directement requérir d’un tribunal qu’il confisque des avoirs inexpliqués si, à la suite de ses pro- cédures de vérification, il parvenait à la conclusion qu’existe une différence évidente (définie comme supérieure à 10.000 euros) et impossible à justifier entre le patrimoine accumulé par un agent public pendant la période où ce dernier exerçait ses fonctions et ses revenus obtenus pendant la même période.49 Pourtant, en avril 2010, la Cour consti- tutionnelle de Roumanie a jugé que plusieurs éléments de la loi relative à l’enrichisse- 47. Cas no. 48/1994. 48. La loi a depuis été amendée, et l’enrichissement illicite en tant qu’infraction est toujours utilisé, par exemple, pour poursuivre des agents publics de très haut rang. 49. Entre mai 2009 et mai 2010, l’ANI a transmis six fichiers au tribunal (pour confiscation d’avoirs injusti- fiés). A la date de mai 2010, deux instances d’avoirs injustifiés avaient été confirmées par les tribunaux dans des décisions de première instance et la confiscation d’un montant significatif d’avoirs avait été ordonnée, ce bien que les deux décisions aient fait l’objet d’un appel. Dans le premier cas, le tribunal ordonna la confis- cation de 458.805 euros (EUR), 1.580 dollars (USD) et 29.345 lei (RON). Dans le second cas, le tribunal Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  33 ment illicite violaient la Constitution. La Cour est arrivée à la conclusion que le pouvoir dont disposait l’ANI de demander aux tribunaux de confirmer des différences substan- tielles et injustifiées entre les revenus et le patrimoine accumulé des agents publics - et d’en confisquer le produit - violait l’interdiction constitutionnelle de toute confiscation de biens légalement acquis ainsi que le principe de la présomption d’innocence.50 La Roumanie a depuis réglé ces questions constitutionnelles et a mis en place une dis- position similaire sous la forme d’une mesure de confiscation qui n’est plus pour autant une infraction pénale.51 L’ANI évalue encore la possibilité d’une différence significative (supérieure à 10.000 EUR) entre le patrimoine et les revenus accumulés pendant l’exer- cice de ses fonctions par un agent public. Si l’agence découvre une telle différence, elle adresse un rapport à différentes administrations selon les cas : aux autorités fiscales, au bureau du procureur, ou à la Commission d’Examen des Patrimoines.52 Cette dernière initie les procédures de contrôle aussitôt reçu le rapport d’évaluation de l’ANI. Une fois ces procédures terminées, la commission peut décider - à la majorité - s’il y a lieu ou non de transmettre le dossier à une juridiction de jugement dans le cas où elle parvient à la conclusion que l’acquisition de certains avoirs, ou une partie d’entre eux, revêtent un caractère injustifié ou illicite. Si la juridiction de jugement détermine que l’acquisi- tion de ces avoirs ne peut être justifiée, elle décide alors s’il y a lieu ou non de confisquer ces avoirs ou d’exiger le paiement d’une somme égale à leur valeur. 3.1   Les principes fondamentaux en jeu Les arguments spécifiques selon lesquels les poursuites pour enrichissement illicite vio- lent les principes des droits de l’homme incluent la possibilité de violations de la présomp- tion d’innocence, du droit à ne pas s’auto-incriminer ainsi que du principe de légalité. 3.1.1  La présomption d’innocence La présomption d’innocence est un principe fondamental des droits de l’homme qui est protégé par l’ensemble des principaux instruments régionaux et internationaux de défense des droits humains et des libertés fondamentales. L’article 11(1) de la Déclara- tion Universelle des Droits de l’Homme protège la présomption d’innocence en dis- ordonna la confiscation de 9.750 euros (EUR) et 913.591 lei (RON) (documents en appui accompagnant Commission Européenne 2010) 50. L’objection de constitutionnalité a été soulevée lors de l’un des premiers procès majeurs en confiscation de l’agence, un dossier portant sur 3.5 millions d’euros (€) et concernant un ancien membre du Parlement (pour plus de détails sur la décision de la Cour Constitutionnelle, voir les documents qui accompagnent Commission Européenne 2010) 51. Voir la Loi no. 176 de septembre 2010, adoptée en réponse à la décision de la Cour Constitutionnelle roumaine. 52. Conformément à la Loi amendée no. 115 de 1996, les Commissions d’Examen des Patrimoines ont été créées dans le cadre du circuit d’appel. Chaque commission inclut deux juges d’appel et un procureur. Le Conseil Supérieur de la Magistrature a informé l’ANI en octobre 2010 que la procédure de nomination des membres de ces commissions avait commencé. 34 I Les Profiteurs posant que «toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public où toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront été assurées.» Des principes sim- ilaires sont énoncés dans l’article 7(1)(b) de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, dans l’article 8(2) de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme, et dans l’article 6(2) de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. La présomption d’innocence exige de l’Etat qu’il prouve la culpabilité d’un accusé et qu’il relève ce dernier de la charge de la preuve de son innocence. Le Comité des Na- tions Unies des Droits de l’Homme déclare: «La charge de la preuve repose sur l’accusa- tion et l’accusé a le bénéfice du doute. Nulle culpabilité ne peut être présumée tant que le chef d’accusation a été prouvé au-delà du doute raisonnable [ou au standard de l’in- time conviction]» (Comité des Nations Unies des Droits de l’Homme 1984, 124, § 7). En Argentine, l’enrichissement illicite a été contesté dans l’affaire Alsogaray au motif qu’il violerait la présomption d’innocence.53 Dans ce cas, le tribunal a considéré que l’infraction d’enrichissement illicite n’exige pas de l’agent public qu’il prouve son inno- cence. Au contraire, c’est au procureur d’apporter les preuves de l’augmentation injusti- fiée de patrimoine en se montrant le plus spécifique et le plus précis possible. Dans un tel cas, la justification mentionnée dans la disposition relative à l’enrichissement illicite ne viole pas le droit à ne pas s’auto-incriminer, car elle peut seulement être comprise comme une notification faite à l’accusé de la nécessité de démontrer le caractère légal de son enrichissement.54 Pour autant, la Cour Suprême argentine ne s’est pas encore prononcée sur la constitutionnalité du concept d’enrichissement illicite. Le principe de la présomption d’innocence n’empêche pas le pouvoir législatif d’insti- tuer des infractions pénales qui incluent une présomption en droit, tant que les prin- cipes de rationalité (le caractère raisonnable de la présomption) et de proportionnalité sont dûment respectés. Ces principes ont été appliqués afin d’aligner la présomption d’innocence sur un impor- tant précédent établi par la Cour Européenne des Droits de l’Homme dans l’affaire Sala- biaku c. France.55 Salabiaku était un ressortissant zaïrois condamné pour avoir violé le droit douanier français en recevant un colis contenant 10 kilos de cannabis. Dans sa 53. Maria J. Alsogaray, Camara Nacional de Casacion Penal (Cour Nationale d’Appel Pénal), 9 juin 2005. 54. Ibid. L’original en espagnol précise, en partie: «El debido requerimiento que menciona la norma debe consistir en un acto de autoridad pública por el cual se le haga saber al funcionario la constatación del enriquecimiento apreciable e injustificado observado, con la mayor especifi cidad y precisión posibles respeto a todas sus circunstancias. Tal requerimiento tiene por objeto que el requerido pueda brindar las razones o argumentos de que la procedencia obedece a un origen legítimo … El delito de enriquecimiento ilícito no pone en cabeza del requerido el deber de demostrar su inocencia, sino que al Ministerio Público Fiscal al que le corresponde la prueba del aumento patrimonial injustificado. El requerimiento de justifi cación del art. 268 (2) CP no viola la prohibición de autoincriminación en tanto aquél sólo puede ser entendido como una notifi cación para que el acusado pueda hacer uso de la oportunidad formal de probar la licitud de su enriqueci- miento». 55. Salabiaku c. France (1988), Application no. 10519/83, Section 28. Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  35 décision, le tribunal a détaillé son approche de la validité des dispositions qui prévoient un déplacement de la charge de la preuve, une approche que l’on peut désigner sous le nom de «test Salabiaku». Ce test repose sur la reconnaissance du fait que « tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de droit », mais que les Etats doivent confiner ces présomptions «dans des limites raisonnables prenant en compte la gravité de l’enjeu et préservant les droits de la défense».56 Ainsi, la Cour a équilibré l’intérêt de l’Etat à poursuivre et les droits de l’accusé, en maintenant les présomptions dans des limites raisonnables. En appliquant le test Salabiaku à l’enrichissement illicite, la question revient à déterminer si l’intérêt général à la condamnation d’agents publics corrompus surpasse les risques de violation des droits de l’accusé. En 1976 au Royaume Uni, la Royal Commission of Conduct in Public Life a estimé qu’ «un tel fardeau ne peut se justifier que pour des rai- sons irréfutables, mais nous pensons que dans le domaine de la corruption les raisons sont effectivement irréfutables... le fardeau de la preuve qui revient à la défense est dans l’intérêt général et n’est la cause d’aucune injustice» (Royal Commission of Conduct in Public Life 1976, cmnd. 6525, cité par de Speville 1997). La Cour d’Appel de la RAS de Hong Kong, Chine, est arrivée à une conclusion similaire dans l’affaire Procureur géné- ral c. Hui Kin Hong. Bien que reconnaissant le fait qu’exiger de l’accusé qu’il s’acquitte de la charge de la preuve constitue une déviation de la présomption d’innocence, la Cour est parvenue à la conclusion suivante: «Il existe des situations exceptionnelles dans les- quelles le fait de justifier un certain degré de déviation par rapport au principe normal en vertu duquel l’accusation doit prouver la culpabilité de l’accusé au-delà du doute raisonnable peut demeurer compatible avec les droits de l’homme».57 L’efficacité et la justesse des poursuites pour enrichissement illicite et leur conformité aux droits de la défense doivent également être envisagées dans le contexte du système de jus- tice pénale concerné. Cela inclut la prise en compte de l’article 2 du Pacte international re- latif aux droits civils et politiques (PIDCP) et de l’article 14 qui garantit le droit à un procès juste et équitable en cas d’infraction d’enrichissement illicite ou de toute autre infraction. 3.1.2  La protection contre l’auto-incrimination La protection contre l’auto-incrimination est reconnue par l’article 8(2)(g) de la Convention Américaine relative aux Droits de l’Homme, qui consacre le droit de l’ac- cusé dans une affaire pénale «à ne pas être obligé à témoigner contre lui-même ou à se déclarer coupable».58 Ce droit inclut aussi celui, pour l’accusé, de garder le silence.59 56. Ibid. 57. Procureur general c. Hui Kin Hong (Attorney General v. Hui Kin Hong), Cour d’Appel no. 52 of 1995. 58. Voir aussi Cour Européenne des Droits de l’Homme, John Murray c. the United Kingdom, jugement du 8 février 1996, Rapports 1996-I, o. 49, para. 45. Le droit à ne pas être forcé à s’auto-incriminer et à admettre sa culpabilité est également contenu dans l’article 55(1)(1) de la Loi du Tribunal Pénal International et dans les articles 20(4)(g) et 21(4)(g) des lois respectives des tribunaux pénaux internationaux pour le Rwanda et l’ex-Yougoslavie. 59. L’article 55(2) de la Loi du Tribunal Pénal International dispose qu’un suspect sera informé avant d’être interrogé du fait qu’il a le droit de «garder le silence sans que ce silence puisse être utilisé pour déterminer 36 I Les Profiteurs Bien que ce droit ne soit pas expressément mentionné dans la Convention Européenne des Droits de l’Homme ou dans la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, la Cour Européenne des Droits de l’Homme est parvenue sans ambiguïté à la conclusion suivante : «Il ne peut y avoir aucun doute sur le fait que le droit à demeurer silencieux face à un interrogatoire de police ainsi qu’à ne pas s’auto-incriminer constituent des standards internationaux reconnus qui sont au cœur de la notion de procès équitable». Selon ces principes, «un suspect ne doit, à aucun moment et en aucun cas, être forcé à s’incriminer lui-même ou à reconnaître sa culpabilité ; un suspect a le droit de demeurer silencieux à tout moment». (University of Minnesota Human Rights Library n.d.). L’explication fournie par la défense dans une affaire d’enrichissement illicite peut ex- poser l’accusé au risque d’une auto-incrimination. Les preuves portant sur des revenus correspondant à des successions, entreprises, gains au jeu ou cadeaux peuvent exonérer l’accusé de faits d’enrichissement illicite, mais elles peuvent toujours exposer l’agent pu- blic à des sanctions pénales, administratives ou fiscales pour d’autres infractions: par exemple, lorsque les revenus et les avoirs n’ont pas été mentionnés dans les déclarations de patrimoine, lorsque l’agent public a exercé des activités ou un emploi incompatibles avec ses fonctions publiques, ou si le revenu perçu n’a pas été déclaré aux autorités fis- cales. Dans ces circonstances, les accusés peuvent se révéler réticents à mettre en place une défense appropriée, ou sont susceptibles de s’auto-incriminer en le faisant. Bien que constituant un droit fondamental, le droit à ne pas s’auto-incriminer n’est pas absolu, comme le confirme une partie de la jurisprudence. Dans O’Hallaran et Francis c. Royaume-Uni,60 les accusés ont été reconnus responsables pour avoir refusé de fournir les documents indiquant qui avait été au volant d’un taxi au moment où était com- mise une infraction pénale. La Cour Européenne des Droits de l’Homme a considéré que «tous ceux qui possèdent ou conduisent des véhicules savent que ce faisant ils se soumettent à un régime réglementaire. Ce régime est imposé non parce que le fait de conduire un véhicule est un privilège ou un plaisir accordé par l’Etat mais parce que la possession et l’utilisation d’une voiture (comme, par exemple, d’un fusil) sont recon- nus comme pouvant potentiellement causer de graves blessures».61 D’autres exemples d’auto-incrimination obligatoire incluent l’obligation de se soumettre à un test d’alcoo- lémie62 et l’installation obligatoire de tachygraphes dans les camions.63 Ce raisonnement peut être étendu aux fonctionnaires qui sont sujets à des régimes ré- glementaires spécifiques. En acceptant d’occuper un poste les mettant dans une posi- tion de confiance, les agents publics se soumettent aux obligations légales ainsi qu’aux sanctions pénales et administratives encourues lorsque cette confiance est abusée. Par ailleurs, lorsqu’un pays dispose d’un régime de divulgation des revenus et du patri- moine des agents publics, il a aussi érigé en principe le fait qu’un agent public est sus- sa culpabilité ou conscience». 60. O’Hallaran et Francis c. Royaume-Uni, Application no. 15809/02 et 25624/02 (2007). 61. Ibid., 57. 62. Ibid., 31. 63. J.B. c. Suisse, Application no. 31827/96 (2001) Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  37 ceptible de divulguer des informations personnelles potentiellement incriminantes. Dans ce contexte, le fait de fournir des preuves concernant les sources de revenus et les avoirs détenus à un tribunal n’apparaît pas comme constituant un fardeau additionnel significatif. De plus, les tribunaux ont également accepté le fait qu’ils puissent faire des inférences préjudiciables à l’accusé lorsque celui-ci choisit de garder le silence. Dans Murray c. Royaume-Uni, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a accepté le fait que le tri- bunal pouvait faire des inférences préjudiciables à un accusé silencieux dès lors que les circonstances factuelles le permettent.64 3.1.3  Le principe de légalité Le principe de légalité exige qu’un acte soit d’abord défini comme illégal par le droit d’un pays donné avant de pouvoir être puni. Cette notion est incluse dans l’article 15(1) du PIDCP, à travers le principe nullum crimen sine lege (point de crime sans loi).65 Cer- tains adversaires de la notion d’enrichissement illicite affirment que cette dernière contrevient au principe de légalité, du fait qu’elle ne définit pas clairement une conduite prohibée qui constitue la base de l’infraction. Dans une affaire survenue en Argentine, l’appelant faisait valoir que la disposition re- lative à l’enrichissement illicite était susceptible de faire l’objet d’interprétations diffé- rentes et, de ce fait, qu’elle contrevenait au principe de légalité. La Cour Suprême de Justice réfuta ces arguments en arguant que l’infraction d’enrichissement illicite im- plique une action intentionnelle, en cela qu’elle suppose un enrichissement substantiel et injustifié survenu après la prise de fonctions publiques.66 La Cour a également consi- déré que l’implication continue de l’accusée dans l’affaire ne l’avait pas empêchée d’être consciente des actes qu’elle avait commis.67 3.2  Les présomptions légales contenues dans des infractions autres que l’enrichissement illicite Plusieurs présomptions apparentées existent dans les infractions utilisées par divers pays pour poursuivre les infractions pénales et en recouvrer les produits. Bien que simi- laires à l’enrichissement illicite ces infractions n’y sont pas pour autant identiques, et elles s’étendent bien au-delà des faits de corruption. Ces présomptions apparentées ont été appliquées principalement au recouvrement des produits du crime organisé ainsi 64. John Murray c. Royaume-Uni., Application no. 18731/91, Jugement, 8 février 2006, paragraphes 47 et 51. 65. Voir également PIDCP, article 9(1), qui dispose: «Nul ne sera privé de sa liberté sinon pour les raisons – et conformément aux procédures – établies par la loi». 66. Maria J. Alsogaray, Camara Nacional de Casacion Penal (Cour Nationale d’Appel Pénal), 9 juin 2005. Cette interprétation a été confirmée en appel par la Courte Suprema de Justicia de la Nacion (Cour Suprême de Justice), 22 décembre 2008 67. Maria J. Alsogaray, Courte Suprema de Justicia de la Nacion (Cour Suprême de Justice), 22 décembre 2008. 38 I Les Profiteurs que dans le cadre d’actions en responsabilité civile. Elles visent parfois à dépouiller les contrevenants de leurs biens mal acquis, sans contribuer pour autant à établir la culpa- bilité de l’accusé. Il est fréquent qu’elles n’exigent pas qu’existe un lien entre les avoirs et un crime pour lequel un individu a été effectivement condamné. Les présomptions ont aussi été utilisées dans un contexte plus large concernant ceux qui occupent des posi- tions de confiance. Aux Etats-Unis, par exemple, il existe une présomption de fraude ou d’influence indue lorsque le titulaire d’un mandat utilise les avoirs d’une autre personne à son propre bénéfice. La Convention des Nations Unies contre la Criminalité Transnationale Organisée pro- pose, comme moyen de renforcer le régime de confiscation, que les Etats «puissent en- visager la possibilité d’exiger qu’un contrevenant démontre l’origine licite de présumés produits du crime ou d’autres biens susceptibles de confiscation, dans la mesure où une telle exigence est compatible avec les principes de leur droit interne et avec la nature de leurs procédures, judiciaires ou autres».68 Cette approche est en accord avec celle de certains Etats, et selon certains confère le pouvoir discrétionnaire de renverser la charge de la preuve, dans la mesure où les contrevenants ont à démontrer la source légale des biens qu’ils détiennent. En Italie, le décret législatif 306 du 8 juin 1992, qui vise à contrer le trafic de drogue et le crime organisé, dispose que tout bien, argent ou profit dont la source ou l’origine ne peut être justifiée et qui appartient à quiconque reconnu coupable d’un crime connecté à la Mafia, peut être saisi, dès lors que peut être prouvé qu’il appartient à la personne en question, directement ou via un tiers (personne physique ou morale), qu’elle peut utiliser librement, et que les avoirs concernés sont disproportionnés par rapport au montant de ses revenus. Ce décret est analysé comme faisant porter la charge de la preuve sur l’accusé lorsqu’est établi par l’accusation que les avoirs détenus par la per- sonne accusée ne sont pas proportionnés à ses sources de revenus légitimes, et permet le cas échéant la confiscation des avoirs de l’accusé.69 En France, la version de l’article 321(6) du Code Pénal adopté en 2006 couvre le crime organisé et les infractions similaires. Il peut être utilisé dans les dossiers de corruption dans la mesure où les infractions sous-jacentes (ou infractions principales) conduisant à générer des gains illicites recouvrent un large spectre d’infractions. Parmi celles-ci, on trouve la corruption active et passive, le conflit d’intérêt et l’abus de bien social qui sont les principales infractions utilisées en France pour poursuivre des faits de corruption. L’article dispose que «le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie ou de ne pas pouvoir justifier de l’origine d’un bien détenu, tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes qui soit se livrent à la commis- sion de crimes ou de délits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement et procurant à celles-ci un profit direct ou indirect, soit sont les victimes d’une de ces infractions, est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende». Cet 68. Article 12(7), Confiscation et Saisie 69. Sections 1 et 2 du Décret-Loi no. 306 du 8 juin 1992, complété par la section 2 du Décret-Loi no. 399 du 20 juin 1994, voté comme Loi no. 501 le 8 août 1994. Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  39 article n’a pas pour but de pénaliser l’agent public corrompu lui-même mais plutôt ses proches, ses parents et, plus généralement, ceux avec qui il entretient une relation ha- bituelle. Cependant, des similitudes existent avec l’infraction d’enrichissement illicite. La charge de la preuve repose sur un individu en particulier simplement du fait qu’il est classifié comme un associé, un parent ou un proche de l’accusé. Elle est à ce titre similaire au fardeau de la preuve requis d’un agent public soupçonné d’enrichissement illicite du fait de son statut. Le Conseil de l’Europe a publié la décision-cadre 2005/212/JAI relative à la confiscation des produits, des instruments et des biens en rapport avec le crime, qui vise à «ga- rantir que tous les Etats membres disposent d’une réglementation efficace en matière de confiscation des produits du crime, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve quant à l’origine des avoirs détenus par une personne reconnue coupable d’une infraction liée à la criminalité organisée». Les Etats membres sont encouragés à rendre possible la confiscation «lorsqu’il est établi que la valeur des biens est disproportionnée par rapport au revenu légal de la personne condamnée et qu’un tribunal national est pleinement convaincu, sur la base d’éléments concrets, que les biens en question pro- viennent de l’activité criminelle de ladite personne».70 En Allemagne, le Code Pénal, section 73d, met en œuvre les dispositions qui déplacent la charge de la preuve sur l’accusé dès lors que l’accusation démontre l’existence d’une augmentation substantielle et inexpliquée des avoirs d’un agent public. Ce texte requiert la confiscation des avoirs «dès lors qu’il existe des raisons de penser que les avoirs en question ont été utilisés pour - ou obtenus par - des actes illicites». La Cour Suprême Fédérale a considéré que ceci ne diminue pas la charge de la preuve mais dispense seu- lement l’accusation d’établir les «détails spécifiques» de l’infraction. De la même manière, l’article 36 du Code Pénal néerlandais permet la confiscation des produits d’un crime pour lequel le contrevenant a été condamné ainsi que la confis- cation des avoirs «qui sont probablement le produit d’autres activités criminelles.» La Cour Suprême a considéré que cette disposition était compatible avec la présomption d’innocence parce que «lorsqu’est établi par l’accusation une présomption quant à l’ori- gine criminelle des sommes recueillies, la défense peut toujours réfuter cette présomp- tion. Lorsque l’origine criminelle des avoirs est établie comme probable, la charge de réfuter - et non pas seulement de nier la présomption - échoit à la défense» (Stessens 2004, 71-73). En Suisse, s’il est établi qu’un individu fait partie de - ou soutient - une organisation criminelle, le tribunal est contraint d’ordonner la confiscation de tous les avoirs déte- nus par cet individu. Le Code Pénal, article 59(3) crée une présomption selon laquelle une organisation criminelle contrôle les actifs de tous ses membres. Il revient alors à l’individu de réfuter la présomption en démontrant l’origine légale des avoirs. La Cour Suprême a confirmé la position selon laquelle cet article respecte la présomption d’in- nocence dans la mesure où l’accusé peut réfuter la présomption en démontrant qu’il 70. Ibid. 40 I Les Profiteurs n’est pas sous le contrôle de l’organisation criminelle en question ou que les avoirs ont une origine licite (Jorge 2007, 17-21). En Thaïlande, le concept de «patrimoine inhabituel» défini dans la section 75 du Natio- nal Counter Corruption Commission Act permet l’ouverture de poursuites contre tout individu exerçant des fonctions politiques ou tout agent public ayant accumulé un pa- trimoine inhabituel. Lorsqu’est effectuée une demande pour que les biens concernés reviennent à l’Etat, l’accusé doit prouver au tribunal que ces biens ne constituent pas un patrimoine inhabituel. La Cour Suprême de Thaïlande a considéré que le patrimoine inhabituel entraînait une action en responsabilité civile indépendante. En Australie, l’idée de pénaliser toute richesse inexpliquée a été pour la première fois introduite en droit par les Etats d’Australie-Occidentale et du Territoire du Nord dans leur Proceeds of Crime Legislation, mais était auparavant absente de la législation fédé- rale dénommée POCA (Proceeds of Crime Act). Le POCA a été voté en 2002, et sa mise en œuvre a été périodiquement réévaluée. Une évaluation effectuée en 2006 a conclu : «La mise en œuvre de ces dispositions représenterait un pas significatif qui irait au-delà du consensus national et international sur la question» (Sherman 2006, 36-37). En 2009 un communiqué de presse publié par l’Australian Federal Police Association exprimait un soutien aux lois punissant tout patrimoine inexpliqué et s’appuyait sur la résolution de 1997 de l’Assemblée Générale de l’Organisation internationale de police criminelle Interpol (International Criminal Police Organization) , qui «reconnaissait que la ri- chesse inexpliquée constitue un sujet d’enquête légitime pour les autorités de poursuite et d’enquête dans leurs efforts visant à détecter les activités criminelles et que, dans le respect des principes fondamentaux des droits internes de chaque pays, les législateurs devraient renverser la charge de la preuve dans les affaires de richesse inexpliquée.» Un amendement au POCA voté en 2010 a finalement introduit l’infraction de richesse inexpliquée au niveau fédéral. En plus des confiscations basées sur des condamnations, d’autres systèmes innovants sont en cours d’élaboration pour faciliter la confiscation d’avoirs. Récemment, la Suisse a approuvé une législation qui permet le recours à la confiscation administrative aux fins de recouvrer les produits d’un enrichissement illicite détenus par des personnes politiquement exposées dans leur pays (voir encart 3.1). 3.3  La protection des droits de l’accusé dans les procédures pour enrichissement illicite Dans certains cas, bien que les éléments constitutifs d’un enrichissement illicite soient présents, la condamnation peut être différée sur la base d’une irrégularité de procédure de manière à protéger les droits de l’accusé. L’un des principaux arguments avancés contre la criminalisation de l’enrichissement illicite insiste sur le fait que cette infraction peut facilement faire l’objet d’abus, des accusateurs pouvant faire des allégations dans le Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  41 but d’obtenir des avantages politiques. De ce fait, les tribunaux ont consacré certaines exceptions comme autant de garde-fous applicables au déroulement des procès. ENCART 3.1 La confiscation administrative en Suisse Le 1er octobre 2010, le parlement suisse a voté la Loi sur la Restitution des Avoirs Illicites (LRAI), une loi dont le but est de faciliter le recouvrement des produits de la corruption dans des situations où l’Etat d’origine des avoirs est incapable de mener une procédure pénale qui satisfasse aux exigences suisses relatives à l’entraide judiciaire internationale. La loi prévoit le gel, la confiscation et la resti- tution des avoirs détenus par des personnes politiquement exposées étrangères (PEP) et leurs complices en Suisse sur la base de jugements rendus par la Cour Fédérale Administrative. En vertu de l’article 6 de la loi, le tribunal peut présumer l’origine illicite de ces avoirs dès lors que «le patrimoine de la personne qui exerce le contrôle des avoirs a connu une augmentation extraordinaire liée à l’exercice d’une fonction publique par la personne politiquement exposée et que le niveau de corruption du pays d’origine ou entourant la personne en question au cours de la durée de son mandat est reconnu comme élevé». Le tribunal peut rejeter la présomption «s’il peut être démontré qu’en toute probabilité les avoirs ont été acquis par des moyens licites». Les décisions de la Cour Administrative Fédérale sont susceptibles d’appel devant la Cour Suprême Fédérale. La justification de cette loi, que beaucoup considèrent comme entraînant un renversement partiel du fardeau de la preuve, se trouve dans la présomption de propriété en raison de la possession, qui est codifiée dans l’article 930 du Code Civil suisse. La Cour Suprême a affirmé que cette présomption de propriété ne pouvait être faite si la possession est «ambigüe», lorsque les circonstances d’acquisition ou de l’exercice de l’autorité sur le bien sont peu claires, ou s’il existe des doutes sur la validité des documents d’identité utilisés pour obtenir possession du bien. Dans de tels cas, le possesseur doit prouver qu’il a acquis le bien en question de manière licite. Source: Loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées: loi sur la restitution des avoirs illicites (LRAI) du 1er octobre 2010. Un commentaire plus détaillé de la loi est présenté par le Conseil Fédéral dans son Message relatif à la loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d’origine illicite de personnes politiquement exposées du 20 avril 2010, 10.039. A cet égard, les tribunaux jugeront recevable une requête de mala fides, ou mauvaise foi, par laquelle la bonne foi des accusateurs peut être contestée devant les tribunaux. Dans Badal c. Etat du Pendjab,71 la Cour d’Appel indienne a souligné que de simples allégations et soupçons ne suffisaient pas par eux-mêmes et devaient être étayés par des preuves convaincantes. La cour a cependant ajouté que le fait que l’accusateur soit un adversaire politique ne signifiait pas nécessairement que sa plainte devait être ignorée ou jugée irrecevable. 71. Parkash Singh Badal and Anr c. Etat du Pendjab et autres (Parkash Singh Badal and Anr v. State of Pun- jab and Ors), INSC 906 (6 décembre 2006). 42 I Les Profiteurs La partialité portée à un degré tel qu’elle équivaut à une erreur judiciaire constitue une autre base sur laquelle les tribunaux ont pu s’appuyer pour invalider des procédures initiées pour enrichissement illicite. Dans un cas, le tribunal a considéré qu’il y avait bien eu erreur de fait dans l’appréciation de la culpabilité d’un accusé puisque l’accusa- tion avait dissimulé des documents, n’avait pas conduit d’enquête approfondie ni obte- nu les ordonnances requises pour autoriser l’enquête. Ces manquements, par ailleurs, n’avaient pas été expliqués au procès de façon adéquate.72 Dans certains pays, comme en Inde, une sanction préalable est requise pour l’ouverture d’une enquête. Les faits ne peuvent faire l’objet de poursuites que si l’accusé a été préalable- ment sanctionné par l’autorité administrative dont il dépend. Cette approche fonctionne à la manière d’un filtre permettant de garantir que seules les affaires véritablement dignes de faire l’objet d’une enquête entraînent des poursuites. Néanmoins, comme l’ont indiqué les retours en provenance d’Inde recueillis dans le cadre de cette étude, ce filtre empêche parfois les poursuites contre des agents publics de haut rang qui sont susceptibles de jouir de la protection et de l’indulgence de leur propre administration, en particulier dans les secteurs publics dans lesquels la corruption est largement répandue. 3.4 Observations Il serait contre-productif de mettre en place une infraction pénale dont l’objet serait de renforcer l’Etat de droit mais qui saperait incidemment les principes mêmes sur lesquels une telle loi s’appuierait. Bien que certains commentateurs aient fait valoir que l’enrichissement illicite pouvait susciter diverses inquiétudes du point de vue des prin- cipes fondamentaux du droit ainsi que des droits de l’homme, en particulier du point de vue de la charge de la preuve, de la présomption d’innocence et du droit à ne pas s’auto-incriminer, l’expérience et la jurisprudence ont montré que tous les droits ne sont pas absolus. Ces principes fondamentaux sont fréquemment spécifiés dans l’application de la loi de manière à protéger l’intérêt du public et celui de la justice. De ce fait, la criminalisation de l’enrichissement illicite constitue un exemple clair de tension entre l’intérêt général - qui réside dans l’éradication de la corruption - et les droits de l’individu, tension que chaque juridiction devra apaiser à sa propre manière. L’affirmation selon laquelle l’utilisation d’une présomption réfragable d’enrichissement illicite déplace le fardeau de la preuve sur l’accusé constitue une lecture réductrice des éléments de l’infraction. De plus, la Cour Européenne des Droits de l’Homme a accepté en principe (quoique non dans la jurisprudence relative à l’enrichissement illicite per se), qu’il peut être approprié de recourir à des présomptions réfragables qui déplacent une partie de la charge de la preuve matérielle sur l’accusé dès lors qu’il aura été déci- dé qu’une telle mesure est dans l’intérêt général, tel que déterminé par le tribunal, en tenant compte des faits connus et dans des limites raisonnables compatibles avec les droits de la défense. De manière similaire, le même tribunal a accepté que les accusés 72. Inspecteur de Police d’Etat Viskhapatnam c. Surya Sankaram Karri (State Inspector of Police Viskhapat- nam v. Surya Sankaram Karri) (2006), RD-SC 520 (24 août 2006). Aspects constitutionnels et relatifs aux droits de l’homme  I  43 puissent se voir exiger de fournir des preuves en contradiction avec leur droit à ne pas s’auto-incriminer dès lors que cela est dans l’intérêt général. Pour résumer, les leçons tirées de la jurisprudence ici décrite démontrent que pour pro- téger les droits de l’homme dans le cadre de tout déplacement de la charge de la preuve dans une affaire d’enrichissement illicite, il est important de tenir compte de la ratio- nalité de l’infraction et de la proportionnalité de la sanction. Les tribunaux nationaux comme la Cour Européenne des Droits de l’Homme ont reconnu que toute violation des principes des droits de l’homme, comme la présomption d’innocence et la protec- tion contre l’auto-incrimination, peut être considérée comme acceptable si les critères de rationalité et de proportionnalité sont satisfaits. Bien qu’une adhésion rigoureuse au droit et aux procédures judiciaires soit essentielle à la défense de la Constitution, de l’Etat de droit et des droits de l’homme, ces objectifs ne peuvent être atteints par le biais législatif uniquement. En pratique, des institutions ju- diciaires efficaces, transparentes et indépendantes sont tout aussi importantes. Les Etats ont aussi admis qu’un gouvernement transparent, responsable, contribuant activement et qui est à l’écoute des besoins et aspirations de ses citoyens forme la base sur laquelle repose toute bonne gouvernance. Ils soulignent également qu’une telle base constitue une condition indispensable au plein développement des droits humains, y compris du droit au développement.73 Les leçons apprises par les Etats qui ont poursuivi des faits d’enrichissement illicite en- seignent à cet égard que, avec des garde-fous juridiques et institutionnels adéquats, les dispositions relatives à l’enrichissement illicite peuvent devenir des outils précieux dès lors qu’elles sont utilisées de manière juste. Le défi, pour les autorités nationales, réside dans le fait de développer la capacité institutionnelle nécessaire pour garantir une véritable indépendance des autorités de poursuite ainsi que de rester vigilant face à de potentiels abus. Dans de nombreux pays en développement, tout cela peut exiger des investissements permettant de renforcer la capacité des procureurs, du pouvoir ju- diciaire et des services de police tout en garantissant l’indépendance et l’impartialité de ces derniers. 73. Cour Européenne des Droits de l’Homme, résolution 7/11 du 27 mars 2008 44 I Les Profiteurs 4.  Aspects opérationnels 4.1  Le déclenchement des enquêtes pour des faits d’enrichissement illicite Il est important pour les pays qui décident de criminaliser l’enrichissement illicite de tenir compte des sources d’affaires potentielles et d’informations pour les enquêtes. Quatre catégories générales de sources sont détaillées dans ce chapitre : les déclarations de revenus et de patrimoines soumises par les agents publics, les vérifications et plaintes relatives au train de vie, les déclarations de transactions suspectes émanant du secteur financier et d’autres acteurs similaires, et les pistes fournies par d’autres enquêtes. Ces quatre sources sont susceptibles de produire des pistes à explorer et de fournir de précieuses informations. 4.1.1  Les déclarations de revenus et de patrimoine Les déclarations de revenus et de patrimoine identifient les principaux éléments de l’actif et du passif d’un agent public.74 Dans certains pays où les agents publics ont pour obligation de divulguer le montant de leurs avoirs et de leur passif, ces déclarations présentent la valeur nette de l’agent au moment où elles sont effectuées. Nombre de pays étendent les exigences de déclaration aux conjoints et membres de la proche famille et, dans de nombreux systèmes, les agents sont supposés effectuer au moins deux déclara- tions au cours de la durée de leur mandat. S’il est avéré, tout décalage entre la richesse déclarée d’un agent public et la richesse identifiée après analyse des déclarations peut se révéler une base suffisante pour déclencher une enquête pour enrichissement illicite. Les contributeurs à nos questionnaires et études de cas ont souligné le fait que les dé- clarations financières des agents publics constituaient l’un des outils les plus importants dont disposent les enquêteurs et les autorités de poursuite dans les affaires d’enrichisse- ment illicite. Dans certains pays, les dispositions juridiques relatives à l’enrichissement illicite sont intégrées dans le droit régissant les déclarations financières.75 74. Une étude à paraître de Stolen Asset Recovery Initiative de la Banque Mondiale (StAR) examinera les déclarations de revenus et de patrimoine en détail (StAR 2012). 75. Par exemple, au Honduras, la Cour Supérieure des Comptes, une institution gouvernementale indé- pendante, a pour devoir d’enquêter sur, de corroborer et de déterminer l’existence d’un enrichissement frauduleux. En Jamaïque, le Corruption Prevention Act criminalise la corruption active et passive des agents publics, le détournement de fonds publics et l’enrichissement illicite. Le CPA requiert également des agents publics, y compris les officiers de police, les agents des douanes, les fonctionnaires du fisc et les respon- sables des achats, de soumettre des déclarations de leur actif et passif. 45 Lorsqu’elles ont vocation à servir à la poursuite des faits d’enrichissement illicite, les déclarations de revenus et de patrimoine peuvent être utilisées à deux niveaux: (a) pour identifier les cas d’enrichissement illicite et (b) pour fournir des preuves de l’enrichis- sement illicite. Le rôle des systèmes de divulgation dans le fait d’initier – et de soutenir – des poursuites pour des faits d’enrichissement illicite a été confirmé par cette étude. Sur les 43 pays ayant criminalisé l’enrichissement illicite que cette étude a passé en revue (soit environ 77 pourcents), 34 connaissent une forme ou une autre de régime de divulgation. Pour autant, les déclarations ne peuvent être utilisées pour initier une enquête que si celles-ci ont au préalable été remplies. La conformité dans ce domaine tend à être irré- gulière dès lors que ne sont prévues ni sanctions pénales ni sanctions administratives en cas de non-respect de l’obligation de remplir un formulaire de déclaration, comme l’a rapporté le Paraguay par exemple. Les agents publics devraient avoir l’obligation de fournir des informations complètes et précises. La vérification des déclarations au moment de leur soumission peut fournir certaines garanties quant au fait que les agents publics honoreront bien ces obligations. Cependant, les systèmes de vérification ont de fortes chances de se révéler sélectifs, compte tenu du nombre d’agents publics soumis à l’obligation de divulgation dans la plupart des pays. Dans ceux ayant mis en place des sanctions pénales et administratives en cas de manquement à l’obligation de divulgation, pour déclaration incomplète ou fausse, les agents publics ont intérêt à fournir des informations complètes et précises. Dans les pays où existent des sanctions en cas de soumission de fausses informations, l’incapacité de l’agent public à fournir des informations exactes peut être utilisée au pro- cès, et les déclarations incomplètes ou imprécises peuvent être utilisées comme preuves devant un tribunal. L’administration responsable du fonctionnement du système de déclaration de revenus et de patrimoine devrait avoir le pouvoir d’effectuer des vérifications préliminaires. Si les déclarations ne sont pas passées en revue, elles ne peuvent alors pas servir de sources pour de potentielles affaires. Dans certains pays, en Jordanie par exemple, l’administra- tion responsable n’a pas la capacité d’ouvrir une enquête tant qu’une plainte n’a pas été déposée contre un agent public spécifique. Cela étant dit, une vérification sommaire d’un grand nombre de formulaires a peu de chance de générer des pistes utiles. Une approche mieux ciblée et davantage centrée sur le risque est probablement nécessaire, en concentrant l’attention sur certains «drapeaux rouges» à haut risque seulement. Les procureurs et les enquêteurs devraient avoir accès aux déclarations de revenus et de patrimoine dès les premières étapes de leurs enquêtes. Dans certains pays, comme en Argentine, les informations financières sont présentées en annexes, mais les déclara- tions de patrimoine sont considérées comme des données publiques. Les parties inté- ressées par l’obtention ou la consultation d’une copie de la déclaration peuvent déposer 46 I Les Profiteurs une demande écrite au bureau de lutte anticorruption visant à accéder à certaines infor- mations, en fonction du caractère plus ou moins sensible du dossier. Ces informations demeurent pleinement accessibles par les autorités judiciaires, la Commission Natio- nale d’Ethique ou le Fiscal de Control Administrativo (dans ce dernier cas seulement sur décision du Ministre de la Justice et des Droits Humains assortie d’une notification des individus concernés par l’enquête). Eu égard au lancement d’une enquête, la loi argen- tine autorise ce dernier par la Commission Nationale d’Ethique (et par extension par le bureau anti-corruption) à la fois pour enrichissement illicite et pour contravention au régime de la divulgation de patrimoine et du conflit d’intérêt. Cependant, moins de 4 % des affaires d’enrichissement illicite sont initiées par l’analyse des formulaires de déclaration de revenus et de patrimoine.76 Au Honduras, la Cour Suprême des Comptes (Tribunal Supremo de Cuentas) dispose d’un accès complet aux déclarations financières et aux comptes bancaires des fonction- naires et de leurs proches tout au long de ses enquêtes pour enrichissement illicite. 4.1.2  Les vérifications de train de vie et les plaintes Les vérifications de train de vie sont des enquêtes visant à établir si le niveau de vie d’un agent public est visiblement disproportionné par rapport à ses revenus connus. Elles sont menées en examinant les avoirs, les activités et les dépenses d’un agent public. Cet examen peut inclure une évaluation des biens immeubles et des véhicules, une vérifica- tion des revenus, des actions détenues, des écoles auxquelles sont inscrits les enfants de l’agent public, des emprunts contractés et des impôts payés, des voyages effectués, des fêtes données et d’autres dépenses. Les vérifications de train de vie peuvent également inclure une analyse du contexte familial et de la réputation de l’agent public, deux points de départ utiles qui peuvent ensuite être corroborés. Afin d’éviter les abus, des procé- dures standards de vérification peuvent être définies. Avant toute enquête, ce sont les plaintes et allégations émanant de la société civile, des organisations non-gouvernementales (ONG) spécialisées dans la lutte anti-corruption, des médias et des lanceurs d’alerte qui constituent une source précieuse d’éléments rela- tifs au train de vie ainsi qu’une aide à la détection de l’enrichissement illicite. La Conven- tion des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) dans son article 33 enjoint les Etats parties à envisager les «mesures appropriées pour assurer la protection contre tout traitement injustifié de toute personne qui signale aux autorités compétentes, de bonne foi et sur la base de soupçons raisonnables, tous faits concernant les infractions établies conformément à la présente Convention». L’intention ici est de créer un environnement dans lequel les individus peuvent fournir des informations permettant d’initier – ou d’étayer – une enquête. 76. D’après les recherches effectuées dans le cadre de cette étude, la plupart des affaires d’enrichissement illicite en Argentine éclatent via une combinaison de pistes obtenues dans d’autres affaires, d’informations rapportées par les médias, d’audits internes et de plaintes déposées par des lanceurs d’alerte et des organi- sations non-gouvernementales. Aspects opérationnels  I  47 La plupart des pays disposent de mécanismes permettant le dépôt d’une plainte. Ce- pendant, peu d’entre eux possèdent les mécanismes capables de protéger l’anonymat d’un lanceur d’alerte dont l’identité est révélée. Dans certains pays, aucune action n’est généralement entreprise dans le cas de plaintes anonymes ou pseudonymes à moins que ces dernières ne comportent des allégations spécifiques ou ne révèlent des infor- mations vitales susceptibles d’aider l’enquête sur les faits rapportés. Un environnement favorisant la participation des médias et des ONG permet aussi la libre participation de la presse et la libre circulation de l’information. Certains pays ont adopté une approche prudente consistant à s’efforcer de protéger les agents publics de toute accusation potentiellement infondée. Certains systèmes décou- ragent ce type d’accusations par la menace de sanctions. En Roumanie, par exemple, les déclarations mensongères ou les « preuves trompeuses » assorties à une plainte sont sujettes à sanction. D’autres pays exigent même une garantie financière avant le dépôt de toute plainte. Cette approche est susceptible de protéger la vie privée des agents publics, mais elle peut également décourager nombre de plaintes légitimes qui pourraient constituer la base de poursuites couronnées de succès. Si l’on en croit les réponses apportées au ques- tionnaire, le Liban est en train d’étudier la possibilité que tout individu déposant une plainte ait à fournir une garantie bancaire substantielle (par exemple, 18.000 dollars (USD), précisément pour ces raisons. Bien que ces questions soient davantage du res- sort des lois relatives à la protection des lanceurs d’alerte et ne soient pas explorées plus avant dans le cadre de cette étude, elles devraient être prises en compte dans toute mise en oeuvre de lois punissant l’enrichissement illicite du fait de leur impact sur la détec- tion de l’enrichissement illicite. 4.1.3  Les déclarations de Transactions Suspectes Tout d’abord, et bien que le Groupe d’Action Financière (GAFI) – qui établit les stan- dards internationaux en matière de lutte anti-blanchiment («AML» en anglais) – ne considère pas l’enrichissement illicite comme une infraction sous-jacente en matière de blanchiment d’argent, la CNUCC le considère comme une infraction de corruption non-obligatoire (du point de vue des poursuites). Dans la mesure où la corruption est l’une des infractions sous-jacente de tout régime anti-blanchiment efficace, on pourrait arguer, sur cette base, que l’enrichissement illicite est implicitement une infraction sous-jacente. Les outils anti-blanchiment ont pour but de détecter et de combattre les produits du crime. Bien que l’enrichissement illicite puisse ne pas être toujours détecté par l’examen des actifs bancaires, le secteur financier peut jouer un rôle important dans les détection des 48 I Les Profiteurs cas d’enrichissement illicite dans la mesure où les standards définis par le GAFI exigent des institutions financières et des entreprises et professions non-financières désignées qu’elles appliquent un «devoir de vigilance» comme une obligation anti-blanchiment élémentaire. Dès lors que l’activité du compte d’un client diffère de la norme attendue, les institu- tions financières sont contraintes d’effectuer une déclaration de transaction suspecte (DTS) auprès de la cellule de renseignement financier (CRF) du pays et conformément aux infractions sous-jacentes reconnues par les juridictions compétentes. La CRF ana- lyse la DTS et peut alors transmettre le dossier au procureur et aux services de police s’il existe des raisons suffisantes de poursuivre un blanchissement d’argent ou des infrac- tions associées. Dans les dossiers où les informations transmises au procureur ne par- viennent pas à établir tous les éléments d’une infraction de corruption ou d’un crime économique, la DTS peut être utile à des poursuites pour enrichissement illicite. Les déclarations de transaction suspecte peuvent aussi se révéler précieuses dans le cadre d’enquêtes impliquant des transactions financières effectuées par des personnes politi- quement exposées, ou par des individus qui exercent – ou ont exercé – des fonctions publiques de premier plan dans un pays étranger, telles que définies par le GAFI.77 4.1.4  Les autres enquêtes Il est fréquent qu’au cours d’une enquête – sur leur propre dossier ou sur un autre – les enquêteurs tombent sur des informations suggérant qu’un enrichissement illicite a eu lieu. Bien que ce soit le cas dans la plupart des enquêtes portant sur des crimes finan- ciers, ce fait est particulièrement notable dans le cas de l’enrichissement illicite qui, dans certains pays, peut être poursuivi là où d’autres crimes ne le peuvent pas. Par exemple, en République Bolivarienne du Venezuela, la disposition relative à l’enrichissement illi- cite dispose que l’infraction peut faire l’objet de poursuites «à condition qu’elle ne constitue pas un autre crime».78 Ces enquêtes sont également initiées par les agents spécialisés dans la lutte anti-corruption – et par d’autres – et peuvent s’appuyer sur des informations reçues de sources préférant rester anonymes. L’illustration 4.1 détaille l’origine des enquêtes pour enrichissement illicite en Inde. 77. Le GAFI est censé amender cette définition pour inclure les personnes politiquement exposées locale- ment. 78. Voir République Bolivarienne du Venezuela, Loi Anticorruption, article 73, qui dispose: «Tout agent public qui dans l’exercice de ses fonctions obtient une augmentation de sa valeur nette disproportionné avec ses revenus et qu’il ne peut justifier dès lors qu’il se le verra demander et à condition que cela ne consti- tue pas une nouvelle infraction, encourra une peine d’emprisonnement comprise entre trois (3) et dix (10) ans. La même peine s’appliquera à tout tiers intervenant pour dissimuler une telle augmentation injustifiée de la valeur nette». Aspects opérationnels  I  49 ILLUSTRATION4.1 Eléments déclencheurs des enquêtes pour enrichisse- ment illicite en Inde Déclarations de transaction Examen des déclarations suspecte des CRF d’avoirs >5% 5%–10% Plaintes (public, lanceurs ’alerte, vigilance des services administratifs) 30%–35% Ramifications d’autres enquêtes pour corruption 50%–60% Source: Informations obtenues dans le cadre de cette étude auprès des autorités du Central Bureau of Investigations, Inde. 4.2  Le renforcement des enquêtes portant sur des faits d’enrichissement illicite 4.2.1  La coordination interne De façon générale, il existe deux modèles institutionnels eu égard à l’identification, l’enquête et la poursuite des faits d’enrichissement illicite (et plus globalement des infractions de corruption). Dans le premier, l’enrichissement illicite est sujet à la même procédure pénale que n’importe quelle autre infraction. Les fonctions d’enquête et de poursuite sont institutionnellement séparées. Les enquêteurs et les procureurs peuvent se spécialiser dans les affaires de corruption, mais les dispositions institutionnelles sont essentiellement les mêmes que pour n’importe quel autre crime, ce qui signifie qu’aucune disposition spécifique n’est mise en place pour l’enrichissement illicite. On trouve ce modèle aussi bien dans les juridictions de droit civil que de common law. Dans le sec- ond modèle, la législation anti-corruption désigne une institution ou un individu ad hoc investi d’un mandat pour mener l’enquête ou les poursuites de faits d’enrichissement illicite. Cette approche se trouve principalement dans des juridictions de common law.79 79. Au Malawi, l’Anti-Corruption Bureau est chargé – et a seul la responsabilité – d’enquêter sur les faits d’enrichissement illicite, ce qui doit être fait par «le directeur, le vice-directeur ou tout agent du bureau autorisé par écrit par le directeur». De même, en Inde, l’enrichissement illicite «ne doit pas faire l’objet d’une enquête sans l’ordre donné par un officier de police qui ne peut avoir un rang inférieur à celui de superintendant de la police». Prevention of Corruption Act de 1988, section 17(c). 50 I Les Profiteurs Les deux modèles doivent affronter le défi de la coordination, dans la mesure où l’en- quête et la poursuite des faits d’enrichissement illicite exigent d’un grand nombre d’ins- titutions qu’elles échangent des informations et coordonnent enquêteurs et procureurs. De fait, pour que les poursuites de faits d’enrichissement illicite soient couronnées de succès, la coordination entre les institutions en charge des déclarations de revenus et de patrimoine (parfois intégrées à une administration anti-corruption), la CRF, les au- torités fiscales, les registres immobiliers et autres, et l’entité chargée de la coopération internationale sera souvent nécessaire. 4.2.2  L’établissement d’un profil financier La construction d’un solide dossier capable de démontrer le caractère incohérent d’avoirs détenus exige des enquêteurs qu’ils établissent un profil financier de l’agent public à partir d’un point de départ dans le temps et jusqu’au moment où l’enrichissement illicite supposé est identifié. Le profil financier établira ce que l’agent public possède, doit, gagne en termes de sources de revenus légitimes, et dépense sur une période donnée. Les experts-compt- ables ont développé diverses techniques destinées à construire et à présenter des profils financiers, l’analyse de la valeur nette 80 étant l’une des plus communément utilisées et anciennement reconnues par les tribunaux.81 D’autres techniques se concentrent sur cer- tains des éléments d’un profil financier comme le ratio entre dépenses et revenus connus ou les dépôts bancaires dans le but d’identifier les sources de fonds inconnues. La sélection d’un point de départ approprié ou d’un point de référence pour le profil financier est critique. Ce point de départ peut être la date d’entrée en fonction de l’agent public. Si l’agent public est employé depuis longtemps, une date plus récente peut être choisie. Dans les deux cas, le profil requiert des documents et autres preuves relatives à l’actif et au passif de l’agent public. Sans point de référence fiable, il sera impossible de déterminer si les recettes et paiements reçus sont légitimes ou non. Une certaine prudence est nécessaire pour éviter que la portée de l’enquête soit trop étroite, un cas de figure susceptible d’ignorer des avoirs-clés. Effectuer des vérifications sur des périodes excessivement longues peut entraîner des difficultés similaires. Par exemple, les pays dans lesquels la stabilité de la valeur de la monnaie constitue un problème peuvent éprouver des difficultés à évaluer la valeur de biens acquis sur de longues périodes. Comme le démontre l’approche retenue dans certains pays, il peut être utile pour une disposition visant l’enrichissement illicite de cibler une période s’étendant jusqu’à une pé- riode raisonnablement postérieure à la fin des fonctions d’un agent public, de manière à ce que les bénéfices tirés de la corruption pendant cette période puissent être inclus dans la procédure (voir le chapitre 2). Une telle disposition peut être complétée par des instruc- tions administratives indiquant à l’accusation quelle est sa marge de manœuvre dans la poursuite des faits d’enrichissement illicite. 80. Obtenu auprès de l’U.S. Internal Revenue Service, Department of Treasury (1994). Pour une analyse plus poussée de l’application de ces méthodes, voir Botha (2009). 81. La Cour Suprême des Etats-Unis a reconnu l’analyse de la valeur nette comme une preuve prima facie de crime en 1954 dans Holland c. Etats-Unis (Holland v. United States), 348 US 121, 75 S. St 127. Aspects opérationnels  I  51 Une déclaration d’avoirs, une demande de prêt ou des informations fiscales fourniront généralement les informations de base pour un profil financier minimal. Ces infor- mations devront être vérifiées. Les actifs peuvent inclure des comptes dans diverses banques, des titres ou options dans des sociétés publiques ou privées, des polices d’assu- rance et autres instruments financiers, des biens meubles (bateau, avion) et immeubles, ainsi que des objets de grande valeur comme des antiquités, des œuvres d’art et des bijoux. L’acquisition d’actifs se doit d’être évaluée au prix d’achat (leur valeur au moment de leur acquisition) ; et la liquidation d’actifs au prix de vente. Le passif peut inclure des prêts et crédits immobiliers, parmi lesquels certains peuvent ne pas avoir été contractés via des institutions financières formelles. L’enquêteur aura également à identifier toutes les sources de revenus légitimes et examiner l’ensemble des dépenses. Puisque l’enrichissement illicite criminalise la simple existence d’une augmentation si- gnificative des avoirs détenus par un agent public en l’absence d’une explication cré- dible, l’accusation n’a donc pas à relier – ou à prouver un lien entre – les avoirs et une quelconque infraction pénale sous-jacente. C’est là le principal avantage de la crimina- lisation de l’enrichissement illicite du point de vue des autorités de poursuite. 4.2.3  Les outils et compétences facilitant les enquête La plupart de ces exigences ne sont pas propres aux enquêtes liées à des faits d’enrichissement illicite. Elles sont, naturellement, des prérequis pour toute enquête efficace portant sur des crimes financiers. Pour autant, elles sont tout particulièrement dignes d’intérêt lorsque des faits d’enrichissement illicite font l’objet d’une enquête ou de poursuites, ce du fait de la complexité des investigations. Démontrer une augmenta- tion des avoirs détenus au cours d’une période donnée est moins facile qu’il n’y paraît, et de nombreux obstacles sont susceptibles de surgir au cours de l’enquête. De manière à compiler l’ensemble des informations pertinentes, les enquêteurs devront avoir accès à un large spectre de sources de données et de registres. Ceux-ci incluent les registres cadastraux et les registres des véhicules, les relevés de comptes bancaires et les données fournies par les institutions financières. Des informations supplémentaires pourront avoir à être collectées au travers d’entretiens avec des tiers au fait des affaires financières de l’agent public, notamment ses comptables et avocats. Des inspections sur site peuvent également être nécessaires afin d’identifier les avoirs non-documentés. Dès lors qu’il est souvent impossible de remonter la trace de tous les revenus et de toutes les dépenses, l’enquêteur devra émettre certaines hypothèses et en tirer certaines conclusions. Il existe des obstacles spécifiques à la détermination du montant dispo- nible en espèces – non-déposé auprès d’une institution financière – et celui des dé- penses. Le montant détenu en espèces peut devoir être inféré à partir d’autres données financières, et celui des dépenses devra fréquemment être estimé sur la base d’hypo- thèses reposant sur ce qui constitue un coût de la vie raisonnable. Lorsque des entre- prises sont impliquées, un expert-comptable devra construire un profil et comparer les caractéristiques-clés des activités de l’entreprise avec celles d’entreprises comparables. 52 I Les Profiteurs Les tribunaux devront subséquemment déterminer si ces hypothèses et inférences sont convaincantes ou non. Au-delà du profil financier et des preuves d’une disproportion entre revenus légitimes et accroissement de la valeur nette, des dépenses ou des dépôts bancaires, le procureur ou juge d’instruction peut être à même de faire d’autres inférences au vu des circons- tances de l’espèce. Par exemple, l’accusation peut être capable de mettre en évidence les mesures prises par l’agent public pour dissimuler les fonds. L’accusation ou le magistrat instructeur peut aussi être à même d’indiquer les pistes et théories expliquant les actes de corruption qui ont abouti à l’enrichissement illicite présumé, même si ces dernières ne peuvent être démontrées au niveau du standard de preuve requis. Il importe également d’explorer discrètement et de vérifier les détails de la vie person- nelle et familiale de l’accusé. Il peut être utile à ce titre de dresser la liste de la famille et des proches au nom desquels des actifs-clés peuvent être détenus, ou qui pourraient être en capacité d’aider à la dissimulation des avoirs. Des dispositions devront être prises pour la préservation des avoirs pendant toute la durée de la procédure pour enrichissement illicite. Ces dispositions peuvent inclure la capacité à obtenir à tout moment par décision de justice le gel ou la saisie des biens détenus par un accusé, pas un de ses proches, associés, ou par toute personne pour son compte. Une alternative consiste à interdire légalement tout transfert d’avoirs visés par une procédure une fois celle-ci initiée, comme au Pakistan.82 De manière à renforcer l’efficience et l’efficacité de l’enquête, l’équipe chargée de cette dernière peut avoir recours aux services d’experts en documents et de notaires pour prouver tout usage de faux ou le caractère antidaté de tout document produit pour étayer l’existence d’un héritage. Des experts en informatique judiciaire peuvent également être utiles dans de nombreux cas, comme pour l’analyse de disques durs, pour pirater des mots de passe et mettre à jour les preuves de la propriété effective, et suivre la trace des paiements faits à l’étranger et des comptes bancaires dématérialisés. Par ailleurs, les experts-comptables faisant partie de l’équipe peuvent aider à infirmer de fausses déclarations de revenus faites par des proches de l’accusé ainsi qu’à détecter l’utilisation de structures juridiques. Il est utile de disposer, dès les premiers stades de l’enquête, d’estimateurs professionnels capables de contribuer immédiatement à l’évaluation de la valeur des avoirs visés par une enquête pour enrichissement illicite. 82. La section 23 de la National Accountability Ordinance au Pakistan dispose que: «(a) Indépendamment de toute disposition contenue dans toute autre loi à présent en vigueur après que le président [de la] NAB [National Accountability Bureau] a initié une enquête par cette ordonnance portant sur les infractions présumées commises par une personne accusée, cette personne et tout personne en étant un parent ou un proche, ou toute autre personne pour son compte, ne pourra transférer par un quelconque moyen que ce soit, garantir un prêt par tout bien meuble ou immeuble détenu par lui ou en sa possession, pendant que l’enquête préliminaire, l’enquête ou la procédure est en cours devant le NAB ou l’Accountability Court ; et tout transfert de tout droit, titre ou intérêt ou garantie d’un prêt sur un tel bien sera nul. (b) Toute personne qui transfert ou crée une garantie sur un bien en contrevenant à la sous-section (a) sera punissable de pri- son pour une durée pouvant atteindre trois ans et sera également astreint à une amende ne pouvant excé- der la valeur des biens concernés». Aspects opérationnels  I  53 4.3  Le traitement et les interactions avec l’agent public pendant l’enquête 4.3.1  Les étapes de la procédure Une affaire d’enrichissement illicite est initiée par une enquête et suivie par des pour- suites en une succession d’étapes détaillée au chapitre 2 et à l’illustration 2.1. Une fois les preuves suffisantes au cours de l’enquête réunies, les approches suivies va- rient en fonction des juridictions. Dans certains cas, les preuves peuvent être présentées de manière à permettre à l’agent public de fournir une explication raisonnable ; dans d’autres, une procédure peut être immédiatement ouverte pour permettre à l’agent pu- blic de fournir une explication devant un tribunal. Eu égard à la succession des événements, une fois que l’enquête a révélé l’existence d’avoirs disproportionnés et que l’agent public s’est révélé incapable de justifier ou d’ex- pliquer les avoirs en excès, l’infraction devient caractérisée. Cela ne signifiepas pour autant qu’une mise en examen ne peut être décidée que lorsque l’agent public échoue à fournir des explications sur l’excès ou le surplus en question, puisque cela ne peut être réalisé qu’au cours du procès.83 En d’autres termes, un agent public peut être mis en examen pour enrichissement illicite avant d’avoir été incapable de fournir une explica- tion raisonnable au cours d’un procès. En Inde, une fois que toutes les preuves ont été réunies, l’officier chargé de l’enquête n’est pas légalement tenu de demander à un suspect de justifier l’origine des avoirs qu’il détient en excès de ses sources de revenus connues, car cela le placerait dès lors dans la position d’un enquêteur ou d’un juge.84 L’officier a pour seule obligation de réunir les éléments matériels permettant d’établir si l’infraction présumée semble bien avoir été commise et peut, au cours de l’enquête, interroger l’accusé. De fait, une enquête équilibrée suppose que l’accusé ne soit pas tenu dans l’ignorance, surtout s’il est disposé à coopérer. Au Pakistan, un mode opératoire normalisé mis en place en 2006 a établi qu’à la récep- tion d’une plainte et avant que ne soit initiée une enquête, l’accusé se verrait accorder la possibilité d’expliquer l’origine de ses actifs de manière à lui épargner l’embarras d’une enquête formelle dans l’hypothèse où il serait capable de justifier de l’origine des avoirs en question. Afin de réfuter les accusations du procureur, l’accusé peut apporter la preuve du fait que l’augmentation de sa valeur nette, de ses dépenses ou de ses dépôts bancaires a pour ori- gine des sources légitimes. Une explication solidement étayée peut évoquer un héritage, 83. Etat par le Bureau Central d’Investigation c. Shri S. Bangarappa (State by Central Bureau of Investigation v. Shri S. Bangarappa) (2000), INSC 578 (20 Novembre 2000) ; K. Veeraswami c. Union indienne (K. Veeraswami v. Union of India) (1991), (3) SCC 655 ; Etat du Maharashtra c. Ishwar Pirazji Kalpatri (State of Maharashtra v. Ishwar Pirazji Kalpatri) (1996), 1 SCC 542, 1996 AIR SCW 15, AIR 1996 SC 722, 1996 Cri LJ 1127. 84. Etat du Maharashtra c. Wasudeo Ramchandra Kaidalwar (State of Maharashtra v. Wasudeo Ramchandra Kaidalwar) (1981), 3 SCR 675. 54 I Les Profiteurs des gains au jeu ou à une loterie, un emploi exercé parallèlement et hors du secteur pu- blic, ainsi que des produits tirés d’investissements, de participations à une entreprise ou d’activités génératrices de revenus. Il est arrivé qu’une procédure pour enrichissement illicite se soit intéressée à la légitimité des sources de revenus. Dans l’affaire Alsogaray en Argentine, par exemple, l’accusé a cherché à justifier une partie de l’augmentation de son patrimoine en démontrant qu’elle avait régulièrement reçu des paiements effectués par les services de renseignement argentins au titre de «bonus de salaire». Bien que le tribunal ait accepté le fait que ces paiements avaient pu être effectués régulièrement et ordonné l’ouverture d’une enquête pénale formelle portant sur ces faits, il a finalement considéré que ces paiements n’étaient pas légitimes. Dans de nombreux cas, même si l’enrichissement de l’agent public est expliqué de manière conforme au droit, il peut demeurer responsable pour d’autres infractions (encart 4.1). 4.4  Appliquer les lois relatives à l’enrichissement illicite: les obstacles L’obstacle le plus significatif à l’enquête et aux poursuites portant sur des faits d’enrichissement illicite réside dans la collecte des preuves. Cette section présente quelques exemples d’obstacles qu’auront à affronter les enquêteurs et les procureurs lorsqu’ils poursuivent un agent public pour des faits d’enrichissement illicite. Nombre de ces obstacles ne sont pas propres à l’enrichissement illicite mais peuvent se rencon- trer dans la plupart des enquêtes portant sur des crimes et délits financiers. ENCART 4.1 Infractions apparentées •  Fausse déclaration de patrimoine. Dans la plupart des pays qui ont mis en place un tel système, les agents publics qui omettent de fournir – ou fournissent de fausses informations dans – leurs déclarations financières peuvent faire l’objet de poursuites. •  Emploi non-autorisé et cadeaux. Les administrations publiques interdissent souvent aux agents publics d’exercer un autre emploi rémunéré ou d’accepter des cadeaux. •  Infractions fiscales. Comme tous les autres contribuables, les agents pub- lics qui n’ont pas déclaré un revenu perçu aux autorités fiscales peuvent faire l’objet de poursuites pour fraude fiscale. Aux Etats-Unis, les autorités peuvent poursuivre une infraction relevant de la section 7201, 26 U.S.C. 2601, en établissant trois éléments: l’existence d’une insuffisance des impôts payés, un acte positif et constitutif d’une fraude ou d’une tentative de fraude fiscale, et une intentionnalité. Les techniques employées pour enquêter sur des faits d’enrichissement illicite sont directement applica- bles à la présentation des preuves dans les affaires de fraude fiscale. (suite) Aspects opérationnels  I  55 ENCART 4.1 Infractions apparentées (suite) •  Comptes bancaires étrangers. Certains pays – en particulier le Nigéria et, plus récemment, le Kenya – interdisent aux agents publics de détenir des comptes bancaires à l’étranger. D’autres, comme la Chine, soumettent de tels comptes à autorisation. Le contrôle des opérations d’échange de devises s’applique également aux agents publics dans d’autres pays, comme en Tunisie. 4.4.1  L’accès aux registres et aux bases de données pertinentes Dans de nombreux pays, il n’existe pas de bases de données régulièrement mises à jour et explorables et il n’est, dès lors, pas possible d’y avoir recours pour identifier des avoirs. Par exemple, en réponse au questionnaire, le Paraguay a mentionné le manque de bases de données à jour sur les titres fonciers comme un obstacle majeur aux enquêtes. Dans d’autres pays, les données sont dispersées entre des registres multiples et indépendants. Certains pays ont massivement investi dans des systèmes informatiques capables de regrouper les informations disponibles. C’est le cas du Pakistan où une base de données centralisée, liée à la carte nationale d’identité, regroupe les informations dont les don- nées du cadastre et d’autres registres. Le Chili dispose d’un système similaire, avec un accès en ligne aux registres fonciers, aux permis et licences et aux données fiscales. La même entrave se manifeste pour l’identification des comptes bancaires. Dans de nombreux pays, l’absence d’une base de données centralisée ou d’outils efficaces pour le traçage des avoirs peut empêcher d’obtenir une vision complète des avoirs détenus localement par un agent public. Les enquêteurs doivent généralement initier une procédure judiciaire pour accéder aux preuves. Cela peut inclure une autorisation donnée par un tribunal de divulguer des données fiscales, des déclarations de revenus et de patrimoine, des données financières, ainsi que des documents relatifs à des perquisitions et saisies. Dans certains cas des dé- clarations de revenus sont remplies sur la base de données fictives de manière à prépa- rer par avance une explication légitime de l’origine de fonds illicites. La vérification des déclarations des donations reçues et des comptes bancaires détenus à l’étranger consti- tue également un moyen précieux de réfuter des déclarations de donation potentielle- ment fausses. De ce point de vue, il est utile d’examiner de près les déclarations fiscales du suspect et de tout proche ou parent de manière à détecter toute déclaration tardive n’ayant pour but que de couvrir a posteriori un enrichissement illicite. 56 I Les Profiteurs 4.4.2  Le cas des économies reposant sur l’usage des espèces et l’évaluation des biens Les enquêtes financières sont particulièrement difficiles dans les pays dont l’économie repose sur l’usage substantiel de l’argent liquide. Dans ces pays, il n’est pas rare que des individus détiennent des montants considérables d’espèces et effectuent des paiements importants en marge du système bancaire. Par exemple, dans de nombreux pays du Moyen-Orient et d’Asie du Sud, certaines transactions, comme les virements interna- tionaux servant aux échanges commerciaux ou aux paiements faits par les immigrés vers leurs pays d’origine, transitent par des réseaux informels (hawala) et demeurent donc officiellement non-déclarées. Lorsque des transactions sont menées en espèces, elles peuvent se révéler difficiles – sinon impossibles – à tracer. Dans certains cas, la valeur réelle de biens immobiliers peut être manipulée en sous- ou surévaluant ces biens après une succession de ventes et d’achats. Cette pratique consiste à acquérir ou à vendre un bien à un prix supérieur ou inférieur aux prix du marché, souvent par des individus apparentés. Dans d’autres cas, les biens immeubles qui sont achetés par des agents publics corrompus sont fortement sous-évalués et ne peuvent faire l’objet de contestations du fait que les calculs du caractère disproportionné des avoirs tiennent généralement compte de la valeur déclarée. Pour affronter le problème posé par l’évaluation, et pour se protéger contre de poten- tielles contestations émanant du suspect, il peut être opportun pour les enquêteurs et les autorités de poursuite d’adopter une évaluation conservative des biens qui corres- pond souvent à la valeur déclarée au moment de l’acquisition. Lorsque la chose est pos- sible dans une juridiction donnée, le recours à des techniques d’enquêtes spéciales peut se révéler précieux. Par exemple, l’utilisation de techniques de visualisation peut aider à valoriser les preuves dans la mesure où le juge est fréquemment incapable de voir les actifs physiques en personne. Il peut aussi être très utile de s’appuyer sur des preuves is- sues de sources multiples de manière à réfuter des éléments qui n’ont pas laissé de trace papier, comme les revenus agricoles. 4.4.3  L’utilisation de tiers La préparation d’un profil financier exact est rendue plus compliquée encore par le recours à des tiers, entités-façades et autres hommes de paille destinés à dissimuler la propriété des avoirs. Plusieurs pays citent le recours à ces tiers comme l’un des prin- cipaux obstacles à la poursuite des faits d’enrichissement illicite. L’identification des avoirs détenus au nom d’associés et de tiers peut constituer une difficulté extrême pour les enquêteurs, en particulier lorsque les preuves sont empilées au travers d’une série de structures juridiques basées dans de multiples juridictions.85 85. Une récente publication de StAR souligne les difficultés rencontrées par les enquêteurs concernant le traçage des fonds issus de la corruption dès lors que la propriété effective des avoirs est obscurcie par l’uti- Aspects opérationnels  I  57 ENCART 4.2 Les Benamis en Inde Pour les transactions effectuées au nom d’une autre personne, ou benami, la juris- prudence est hésitante. Dans K. Ponnuswamy c. Etat du Tamil Nadu par l’inspecteur de police (K. Ponnuswamy v. State of Tamil Nadu by Inspector of Police), le tribunal a interprété la loi de manière extensive pour permettre d’inférer la propriété d’avoirs détenus par le fils de l’accusé, même sans preuves directes permettant d’appuyer cette inférence. Cependant, le tribunal a tempéré cette décision en considérant que si le fils de l’accusé avait été employé au cours de la période considérée, cette inférence n’aurait pas été possible sans preuves la corroborant. Le tribunal a procédé à une interprétation plus étroite dans l’affaire Chennai c. Inbasagaran, lorsqu’il a considéré que l’affirmation d’un conjoint selon laquelle il aurait été le propriétaire d’importantes sommes en espèces trouvées au domi- cile de l’accusé, lorsqu’elle est prouvée, ne permettait pas de considérer ces sommes comme faisant partie des avoirs de l’accusé. La règle actuelle consi- dère donc que les transactions benami peuvent être inférées à moins que le détenteur des avoirs ne puisse démontrer sa propriété à la fois par des témoi- gnages et par des éléments matériels. Par exemple, selon la jurisprudence, les individus se livrant à des transactions benami peuvent être tenus responsables au titre d’une disposition «attrape-tout» relative à l’incitation et qui inclut l’incitation à commettre des infractions pénales non-spécifiées. Certains des autres obstacles rencontrés par les enquêteurs peuvent être spécifiques aux différentes cultures. Par exemple, dans certaines cultures comme en Inde, les enfants adultes mariés continuent fréquemment à vivre sous le même toit que leurs parents et l’ensemble des ressources et salaires sont susceptibles d’être placés sur un compte com- mun. Dans de telles situations, la ségrégation des revenus au sein d’une famille comptant de multiples individus qui contribuent aux revenus peut se révéler extrêmement difficile. Des fiducies familiales sont également souvent créées, ce qui rend difficile la détection d’un enrichissement. De plus, il peut être difficile de réfuter les explications avancées par un suspect qui justifierait l’enrichissement par un prêt, un faux héritage ou une donation, en particulier lorsque les poursuites surviennent longtemps après l’enrichissement initial. Il existe également des obstacles juridiques. Les membres de la famille, les hommes de paille et les entités-façades peuvent se révéler capables de démontrer qu’ils sont bien les propriétaires légaux des avoirs en question et que ces derniers ne sauraient constituer des cibles légitimes de l’enquête en cours. La législation s’est efforcée de régler ce pro- blème en incluant dans le calcul de la valeur nette les avoirs détenus par des membres de la famille et, dans certains pays, par de possibles proches des agents publics (l’encart 4.2 explique la jurisprudence benami en Inde). Certaines dispositions relatives à l’enrichissement illicite ont pour objectif de punir et dissuader les complices qui aident les agents publics à dissimuler les produits de la lisation frauduleuse de structures juridiques (Van der Does de Willebois et al. 2011). 58 I Les Profiteurs corruption en les incluant dans le champ couvert par la loi relative à l’enrichissement illicite. Cependant, la plupart des pays règlent le problème des tiers via une législation traitant spécifiquement de la complicité et de la responsabilité associée ainsi que du blanchiment d’argent. C’est ici la même approche que celle adoptée par la CNUCC qui, d’après son article 27(1), requiert des Etats parties qu’ils prennent toutes les mesures législatives (et autres) nécessaires à l’établissement de toute participation à un quel- conque titre (tel que complice, assistant ou instigateur) à toute infraction définie par la Convention comme une infraction pénale. 4.4.4  Des solutions originales aux problèmes posés par ces obstacles De manière à surmonter les obstacles pratiques pouvant surgir lors d’enquêtes et de pour- suites portant sur des faits d’enrichissement illicite, les Etats peuvent envisager des procé- dures de plaider coupable comme des moyens de recouvrer les produits illicites. Au Paki- stan, tout accusé faisant face à une enquête ou des poursuites pour enrichissement illicite est autorisé à restituer volontairement l’argent illicitement acquis ainsi que tout gain addi- tionnel en découlant. Si le National Accountability Bureau accepte son offre, le suspect est alors dégagé de ses responsabilités et dispensé de condamnation. Après qu’une enquête ait été autorisée, lorsque le procès ou l’appel est en cours, le suspect ou l’accusé peut demander à plaider coupable en reconnaissant sa responsabilité ; si cette demande est acceptée par le National Accountability Bureau, elle est alors transmise au tribunal pour approbation. Cette approche facilite la fermeture rapide d’un dossier, le recouvrement des produits de la corruption et l’exclusion du coupable de ses fonctions officielles, tout en évitant les obstacles pratiques à l’application des dispositions relatives à l’enrichissement illicite.86 Lorsqu’une enquête suggère qu’il existe une dimension internationale dans une affaire donnée, l’expérience a démontré qu’il est utile de vérifier les données douanières et migratoires de manière à établir et à prouver des voyages à l’étranger. Le recours aux réseaux idoines, comme le Groupe Egmont des Cellules de Renseignement Financier, la base de données Focal Point Initiative de StAR et l’Organisation internationale de police criminelle Interpol et les agences anti-blanchiment, peut permettre d’obtenir une assistance informelle à l’enquête. Il est également bénéfique pour les pays de s’efforcer de conclure davantage d’accords bilatéraux d’entraide judiciaire et d’extradition, qui sont moins restrictifs eu égard à l’utilisation qui peut être faite de l’aide reçue. 4.5  Evaluer l’efficacité du régime de l’enrichissement illicite 4.5.1  Les pénalités et la confiscation Comme pour la plupart des crimes, les Etats peuvent imposer diverses peines assorties à une condamnation pour enrichissement illicite, mais ces dernières devraient être accordées aux objectifs poursuivis par la législation. Quatre objectifs généraux ont été identifiés: (a) restituer à l’Etat les ressources perdues du fait de la corruption ; (b) punir 86. Pakistan National Accountability Ordinance, sections 25(a) et 25 (b). Aspects opérationnels  I  59 les agents publics qui se livrent à l’enrichissement illicite ; (c) les empêcher de jouir de leurs biens mal-acquis, affirmant ainsi au travers des poursuites que le crime ne paie pas et exerçant par la même occasion un effet dissuasif efficace ; et (d) neutraliser ces agents publics à travers leur exclusion de la fonction publique ou par des peines de prison. Ces objectifs sont atteints par une combinaison d’amendes, de peines de prison et de confiscations des produits du crime. Enfin, en plus de peines de prison, les agents pu- blics peuvent être soumis à des sanctions civiles et administratives, qui incluent la rési- liation de leur contrat de travail, l’interdiction d’exercer un mandat et des restrictions à leur droit à briguer des fonctions et à voter. Ces mesures confèrent un niveau de neutra- lisation, empêchant l’agent public de se livrer à de nouvelles malversations. En pratique, les Etats ont adopté deux approches eu égard à la stipulation des peines applicables à l’enrichissement illicite: ces dernières doivent soit être spécifiées dans la disposition relative à l’enrichissement illicite, soit être répertoriées parmi les peines communes aux crimes de corruption telles que définies par une loi. Dans le dernier cas, une loi incluant des dispositions anti-corruption ne ferait pas de distinction entre les peines prévues pour l’enrichissement illicite et celles s’appliquant à d’autres infractions de corruption. La plupart des pays s’appuient sur une combinaison de sanctions financières et de peines de prison, certains n’exigeant l’incarcération que lorsque les agents publics condamnés ne s’acquittent pas des sanctions financières. Certains pays prévoient le recouvrement des avoirs accumulés pendant la période d’enrichissement illicite. Comme écrit plus haut en définissant le champ couvert par cette étude, certains pays comme le Chili, les Philippines et la Roumanie ne prévoient pas de peines de prison pour l’infraction et s’appuient entièrement sur des sanctions financières. D’autres pays ne prévoient pas de sanctions financières dans leur loi relative à l’enrichissement illicite mais seulement des peines de prison. Cependant, certains de ces pays disposent de régimes de confiscation pénale qui peuvent théoriquement être appliqués à l’issue d’une condamnation. Parmi les pays qui prévoient l’incarcération, les peines de prison vont d’un minimum de 14 jours à un maximum de 12 ans, la plupart d’entre eux prévoyant des peines allant de deux à cinq ans. Par exemple, la peine de prison requérable en Inde peut aller d’un à sept ans, et un individu condamné encourt également une amende. La plupart des pays laisse la condamnation à l’entière discrétion du tribunal. Pour autant, certains pays ont défini des peines graduées en fonction de la valeur absolue des sommes résultant de l’enrichissement illicite. Le Panama, par exemple, connaît deux plages de peines: de trois à six ans en cas de condamnation, et de cinq à douze ans si la richesse illicitement acquise dépasse 100.000 dollars (USD). Les amendes tendent vers une répartition différente selon les circonstances de chaque affaire et selon la juridiction. Dans certains cas, elles sont équivalentes en valeur à la confiscation des produits de l’enrichissement illicite, et assorties d’un montant addi- tionnel en guise de mesure punitive. En Equateur, l’amende est égale au double du 60 I Les Profiteurs montant de l’enrichissement illicite. Certains pays définissent des amendes graduées en termes de montants absolus: à Madagascar, ce montant varie de (approximativement) 5.000 dollars à 20.000 dollars (USD). En Colombie, l’amende peut atteindre environ 1.000 dollars (USD) et est complétée par une peine allant d’un à huit ans de prison. Lorsqu’une amende est ordonnée en Inde, en revanche, le tribunal a pour consigne de tenir compte des ressources pécuniaires ou des biens pour lesquels l’accusé est inca- pable de fournir une explication satisfaisante. La confiscation des produits de l’enrichissement illicite est basée sur une condamnation. Dans les affaires passées en revue, deux approches ont été adoptées. Dans la première, les avoirs sujets à confiscation ont été directement liés à l’infraction, en cela que leur prove- nance ne peut être raisonnablement expliquée. Ce fut l’approche retenue dans l’affaire Mzumara au Malawi.87 L’autre approche implique la confiscation des avoirs correspon- dant à la différence entre les revenus légitimes perçus et l’ensemble des avoirs. C’est l’ap- proche adoptée en Argentine. Les biens mal-acquis sont ciblés sur la base de l’évaluation de l’enrichissement illicite, les montants recouvrés pouvant être considérables. En Inde, d’après les autorités, environ 10 millions de dollars (USD) ont été recouvrés par le biais de procédures pour enrichissement illicite. L’Argentine n’a recouvré des avoirs que dans un seul cas pour un total de 650.000 dollars (USD) et a dans d’autres cas imposé des amendes. Dans la RAS de Hong Kong, Chine, des avoirs ont été recouvrés dans 24 dossiers, pour un total de 47.467.912 dollars HK, soit environ 6.085.630 dollars (USD). On ne peut encore clairement dire, au vu des données disponibles, si les tribunaux tiennent compte des amendes et mesures confiscatoires pour atténuer les condamna- tions qu’ils prononcent. De fait, les individus condamnés pour enrichissement illicite en Argentine encourent généralement plus d’un type de peine. Cet état de fait est éga- lement illustré par l’affaire Alsogaray décrite à l’encart 4.3. L’équilibre approprié entre les diverses peines encourues pour enrichissement illicite dépendra des objectifs poursuivis par le législateur. Lorsque l’objectif premier est de s’attaquer aux motivations économiques – crapuleuses – qui sous-tendent le compor- tement corrompu, il peut être approprié de conférer un poids plus élevé aux mesures de restitution et de confiscation ainsi qu’aux amendes, en rendant ces sanctions obliga- toires dans tous les dossiers de corruption. Cependant, les législateurs peuvent considérer que la confiscation des produits de la corruption ainsi que les sanctions financières additionnelles n’exercent pas une dissua- sion adéquate ou suffisante, et qu’elles peuvent ne pas satisfaire les attentes du public en matière de punition des agents publics corrompus. Des dispositions prévoyant l’emprisonnement dans les plus gros dossiers, dès lors qu’il existe un dommage significatif à l’intérêt général du fait de l’ampleur et de la nature des faits de corruption, peuvent être utilisées pour garantir que la punition est proportion- nelle au crime. 87. Décrit à l’encart 1.1. Etat c. Mzumar (State v. Mzumar), Criminal Case no. 47 of 2010. Aspects opérationnels  I  61 ENCART 4.3 L’affaire Alsogaray en Argentine L’accusée, Maria Julia Alsogaray, travaillait dans le secteur public entre 1985 et 1999 au poste de ministre argentin des ressources naturelles et de l’environne- ment humain. La procédure à son encontre avait été déclenchée par une plainte déposée par un individu qui dénonçait le «faste explosif» dans lequel elle vivait ainsi que son soudain «changement d’image» depuis qu’elle avait pris ses Status of Illicit Enrichment Cases in fonctions TABLE 4.2 du gouvernement. auprès Pakistan, 1999–2011 Lors de la préparation du dossier, l’accusation réunit l’ensemble des documents, Status Number of cases rapports et témoignages pertinents avant de produire un tableau comparatif in the courts Filedl’accumulation détaillant des avoirs de l’accusée 280entre les années 1988 et 1996. D’après le tribunal, l’augmentation substantielle Conviction 127 des avoirs de l’accusée était démontrée Acquittalpar une comparaison entre les avoirs 52 qu’elle détenait lors de son entrée en fonction (un bien immobilier, deux véhicules automobiles, 8.000 dol- Withdrawn 25 lars (USD) d’actifs ainsi que des actions dans diverses sociétés) et ceux accu- mulésUnder progress pendant la période où elle avait exercé des 76 fonctions publiques (cinq biens immobiliers, un parking, Source: Information une provided canopée, by the deux biens National Accountability immobiliers Bureau of Pakistan à New York, qua- in 2010. tre véhicules automobiles, et une augmentation de la valeur de ses actions). Le tribunal en a conclu qu’Alsogaray s’était illicitement enrichie à hauteur de 500.000 dollars (USD) ou 622.000 pesos (ARS). L’accusée s’est alors vue demander de fournir une justification détaillée de son patrimoine. Pour sa défense, Alsogaray déclara qu’une partie de ses revenus inexpliqués correspondait à des rémunérations pour ses activités professionnelles dans diverses sociétés, qu’une autre partie lui avait été donnée par son ex-mari, et qu’une autre correspondait à des donations effectuées par son père. Le tribunal n’a pas été convaincu par son explication et n’a pas retenu la justification offerte de son enrichissement. En conséquence, elle fut condamnée à trois ans de prison, à une interdiction d’exercer toute fonction officielle pour une période de six ans, et au paiement compensatoire d’une somme de 500.000 dollars (USD) (environ 622.000 pesos (ARS)). Source: Maria J. Alsogaray, Camara Nacional de Casacion Penal (Cour nationale d’appel pénal), 9 juin 2005 4.5.2  Les performances L’expérience en matière de poursuites pour des faits d’enrichissement illicite enseigne que l’on peut définir trois catégories générales de juridictions. D’abord, les pays qui n’ont pas encore instruit de dossiers ou qui n’ont qu’une expérience limitée à quelques dos- siers. Ensuite, les pays qui ont poursuivi des faits d’enrichissement illicite pendant une période prolongée mais qui n’ont recours à cette infraction que de manière parcimo- nieuse. Enfin, les pays qui ont poursuivi des faits d’enrichissement illicite pendant une période prolongée et qui ont recours à l’infraction de façon fréquente. 62 I Les Profiteurs Les pays qui n’ont pas encore instruit de dossier incluent ceux qui n’ont criminalisé l’infraction que récemment et d’autres qui l’ont criminalisée il y a un certain temps mais qui n’ont commencé à poursuivre activement ce type de faits que récemment. Le Malawi en est un exemple. L’enrichissement illicite y a été criminalisé en 1994 mais des poursuites n’y ont été ouvertes que dans les trois dernières années. Les procureurs y ont récemment obtenu trois condamnations devant des tribunaux de premier échelon pour des affaires modestes. L’un de ces jugements a été contesté devant une juridiction d’ap- pel, et la peine a subséquemment été réduite. Le faible nombre de procédures couron- nées de succès et la jurisprudence limitée sont constitutifs d’une certaine incertitude et sont susceptibles de décourager les procureurs d’ouvrir de nouveaux dossiers. Dans ce contexte, le futur développement des affaires d’enrichissement illicite exigera le soutien des autorités de poursuite de manière à minimiser les risques potentiels et les investis- sements en ressources ainsi qu’à obtenir des verdicts favorables de la part des tribunaux. Certains pays ont poursuivi des faits d’enrichissement illicite sur une période prolongée mais n’ont malgré cela recours à cette infraction qu’avec parcimonie ; l’Argentine entre dans cette catégorie. L’enrichissement illicite y a été criminalisé en 1964, mais l’infraction n’y a pas été poursuivie avant 1994 lorsqu’un amendement constitutionnel a fourni les fondements conceptuels nécessaires et encouragé les autorités à initier des poursuites. Au cours de la décennie 2000-2009, 39 affaires d’enrichissement illicite ont fait l’objet de poursuites et eu pour résultat 29 condamnations. L’enrichissement illicite en Argentine représente approximativement un huitième des plaintes relatives à des faits de corruption, derrière le détournement et la corruption active. La proportion des infractions d’enrichissement illicite qui aboutissent à un pro- cès après le dépôt d’une plainte ou l’ouverture d’une enquête est substantiellement plus faible que celle des plaintes et enquêtes – prises individuellement - pour corruption active et détournement. En Argentine, seules 14 plaintes sur 100 portent sur des faits d’enrichissement illicite (table 4.1). Par ailleurs, seuls 6.3 procès sur 100 portent sur les mêmes faits. Pour autant, le taux de condamnation est substantiellement plus élevé pour l’enrichissement illicite, avec une condamnation pour 14% des affaires arrivant au procès. Cela est largement dû à la capacité des procureurs à identifier les dossiers ayant de bonnes chances d’aboutir devant les tribunaux, et les auditions de suspects de faits d’enrichissement illicite sont souvent à même de permettre l’identification d’une source légitime d’augmentation des avoirs. En réponse aux questionnaires, le Salvador et le Panama ont tous deux rapporté n’avoir instruit qu’un seul dossier chacun sans avoir encore obtenu de condamnation. La troisième catégorie de pays inclut ceux qui ont poursuivi des faits d’enrichissement d’illicite pendant une période prolongée et qui ont recours à cette infraction de façon fréquente. Dans ces juridictions, l’enrichissement illicite est présenté comme un outil- clé pour lutter contre la corruption, comme par exemple au Bangladesh, en Inde et au Pakistan. Dans ce dernier pays, et puis la promulgation de la National Accountability Ordinance en 1999, 280 dossiers portant sur des faits d’enrichissement illicite sont arri- Aspects opérationnels  I  63 vés devant les tribunaux. Parmi ceux-ci, 127 ont abouti à des condamnations, 52 à des acquittements, et 25 ont été abandonnés en cours de route (table 4.2). Ce bilan corres- pond à un taux de condamnation pour des faits d’enrichissement illicite de 62.25%. Enquêtes, poursuites et condamnation pour des faits TABLE 4.1 d’enrichissement illicites et autres infractions de corruption en Argentine, 2000-2009. En % des affaires. Infraction Plainte Procès Condamnation Corruption active 29.0 24.6 26.2 Détournement 52.6 65.8 56.3 Conflit d’intérêt 4.0 3.4 3.4 Enrichissement illicite 14.4 6.3 14.1 Total des infractions pénales 100.0 100.0 100.0 Source: Informations fournies par le Bureau anti-corruption Argentin en 2010 Bilan des affaires d’enrichissement TABLE 4.2 illicite au Pakistan, 1999-2011 Statut Nombre de dossiers Tribunaux saisis 280 Condamnations 127 Acquittements 52 Abandons 25 En cours 76 Source: informations fournies par le National Accountability Bureau du Pakistan en 2010 Dans la RAS de Hong Kong, Chine, entre 1971 et 1994, le taux de condamnation pour les dossiers d’enrichissement illicite a été de 64.7%. En dépit du taux impressionnant de condamnation dans des affaires d’enrichissement illicite, certaines autorités nationales dé- clarent que les procureurs ont tendance à considérer l’enrichissement illicite comme une infraction de dernier recours ; lorsqu’ils enquêtent et poursuivent pour de tels faits, ils le font généralement en parallèle à d’autres infractions de corruption. Cela est en partie dû au fait que l’enrichissement illicite est considéré comme difficile à poursuivre en cela qu’il exige la compilation d’un volume substantiel de données et d’expertise comptable. Les autorités de la RAS de Hong Kong, Chine, ont déclaré préférer avoir recours à d’autres chefs de mise en examen que l’enrichissement illicite depuis 1994. La raison en est que l’infraction d’abus d’une fonction publique est utilisée pour les agents publics qui ont agi seuls en abusant de leur position à des fins d’intérêt personnel et pour les infractions de corruption dans le secteur public au titre de la Prevention of Bribery Or- dinance. Cette expérience est symptomatique de l’utilisation de l’enrichissement illicite 64 I Les Profiteurs pour lutter contre une corruption endémique dans certains secteurs publics comme la police ou d’autres administrations particulièrement exposées. L’infraction a été utilisée massivement par le passé pour lutter contre ce type de phénomènes et l’effet dissuasif agit encore, selon les autorités. Dans les pays qui poursuivent fréquemment l’infraction, l’enrichissement illicite est vu comme une infraction préférable pour la poursuite des faits de corruption. Plusieurs facteurs expliquent cette approche. Le premier tient au contexte juridique. L’enrichisse- ment illicite a pour lui un historique de poursuites favorable en Inde ainsi que le soutien des tribunaux. Dans la mesure où ces derniers connaissent bien l’infraction, ils sont en général désireux de fournir les mandats de perquisition nécessaires aux enquêteurs pour réunir les preuves physiques et documentaires à un stade précoce de l’enquête ; ils ont également réglé les potentiels obstacles constitutionnels, ce qui signifie que leurs jugements sont moins susceptibles d’être infirmés sur ces mêmes bases par les juridictions d’appel. En conséquence, les poursuites pour enrichissement illicite sont perçues comme constituant un risque faible pour les procureurs. Le cadre institution- nel est lui aussi favorable. En Inde comme au Pakistan, les agents publics ont l’obligation de remplir des déclarations de revenu et de patrimoine ainsi que de déclarer l’acquisi- tion d’avoirs dont la valeur dépasse un certain seuil. Les tribunaux ont généralement considéré que tout défaut de déclaration affaiblit les explications données par la défense quant à l’origine légitime des avoirs. De plus, la majorité des agents publics ont tendance à effectuer la totalité de leur carrière dans le secteur public, et il est donc rare de voir de nouveaux cadres arriver à mi- carrière sinon à des niveaux politiques de responsabili- té. Cela rend considérablement plus facile la surveillance des avoirs accumulés par les agents publics ainsi que le signalement de tout changement significatif et susceptible d’entraîner l’ouverture d’une enquête. 4.6 Observations L’utilisation de l’enrichissement illicite comme infraction est plus efficace lorsqu’elle est mise en œuvre dans le cadre d’une stratégie anti-corruption plus large et lorsque des systèmes capables de faciliter l’identification des potentielles affaires et de générer les informations nécessaires à l’enquête sont en place. Ainsi, des ressources doivent être déployées à tous les niveaux pour permettre la détection, le traçage et la préservation des preuves et des produits de l’enrichissement illicite. Par exemple, un système efficace de déclaration de revenus et de patrimoine constitue un soutien précieux à l’enquête et aux poursuites en matière d’enrichissement illicite. Dans les pays qui ont opté pour une criminalisation de cette infraction, il convient de porter une attention particulière à la conception du système de déclaration de revenus et de patrimoine ainsi qu’aux moyens par lesquels l’administration chargée du traitement des déclarations interagit avec les autorités chargées de l’enquête et des poursuites.88 88. De plus amples informations sur la conception et la gestion des systèmes de déclaration de revenus et de patrimoine sont présentés dans StAR (2012). Voir également Greenberg et al. (2010). Aspects opérationnels  I  65 Tout système efficace de déclaration de revenus et de patrimoine devrait être complété par des mécanismes de vérification du train de vie, d’audit interne, de protection des lanceurs d’alerte, et de signalement des transactions suspectes à la cellule de renseigne- ment financier. Une communication efficace entre enquêteurs et procureurs est également vitale. C’est vrai dans le cas de l’enrichissement illicite comme dans celui de toute autre procédure pénale. Tout aussi importante est l’existence de – et l’accès aux – données financières et registres cadastraux. Sans ces informations il est difficile pour les enquêteurs de pré- parer un profil financier des suspects ou de produire les preuves de l’enrichissement illicite. L’accès aux déclarations de revenus et de patrimoine des agents publics en parti- culier, mais également aux déclarations d’impôts et demandes de prêt, peut grandement faciliter l’établissement d’un point de référence préalable à toute enquête sur des faits d’enrichissement illicite. Les services de police devront disposer d’analystes financiers capables d’analyser ces informations et d’en extraire les preuves pouvant être interpré- tées par des non-spécialistes devant les tribunaux. Il est donc impératif de déterminer quelle est l’institution la mieux placée pour enquêter et poursuivre en matière d’enri- chissement illicite et de lui accorder les pouvoirs nécessaires pour le faire. Dans leur combat contre la corruption, les procureurs ont tendance à rechercher les procès et les infractions pénales les plus susceptibles de leur apporter un succès devant les tribunaux et les moins susceptibles d’être infirmées en appel. Les risques d’une is- sue défavorable seront minimisés lorsque les tribunaux se seront familiarisés avec les dossiers d’enrichissement illicite et seront prêts à soutenir les enquêtes, par exemple en facilitant l’obtention de mandats de perquisition et l’accès aux données confidentielles, et, enfin, lorsqu’il existera une jurisprudence abondante pouvant guider les tribunaux au travers des potentiels obstacles émanant de la défense ou de la procédure d’appel. Ces facteurs suggèrent qu’il existe un puissant effet de retour par lequel les poursuites couronnées de succès tendront à encourager et à faciliter de nouveaux recours à l’enri- chissement illicite comme infraction pouvant faire l’objet de poursuites. Elles aideront aussi les enquêteurs, les procureurs et les tribunaux à accroitre leur expérience, contri- bueront à enrichir la jurisprudence et à résoudre les problèmes juridiques posés en appel. 66 I Les Profiteurs 5.  La coopération internationale Les agents publics corrompus, comme nombre de criminels, sont susceptibles de trans- férer les produits de leurs crimes à l’étranger et de détenir des comptes bancaires dans d’autres pays afin d’échapper à la détection et à jouir plus facilement de leurs gains mal-acquis. Tout ceci rend la coopération internationale en matière judiciaire cruciale aux poursuites pour enrichissement illicite, en particulier dans les affaires de premier plan. Bien que toutes les principales conventions internationales relatives à la lutte contre la corruption promeuvent une coopération internationale accrue dans le cadre du combat contre la corruption, la poursuite des faits d’enrichissement illicite présente des difficultés spécifiques.89 La coopération internationale inclut à la fois la coopération non-judiciaire – entre agences spécialisées comme les cellules de renseignement financier (CRF), les agences anti-corruption, les autorités bancaires et les services de police travaillant de leur propre initiative – et l’entraide judiciaire (EJ), qui peut être décrite comme «le moyen formel par lequel des pays demandent et fournissent une assistance à l’obtention de preuves localisées dans un pays pour aider une enquête ou une procédure pénale dans un autre pays».90 L’EJ peut être demandée à tout moment au cours d’une enquête, pendant un procès, ou pour l’exécution d’un jugement rendu par le tribunal d’un autre pays. Bien que l’EJ puisse être fournie sur une base ad hoc, les cadres juridiques comme les traités bilatéraux, conventions et protocoles d’accord sont généralement nécessaires pour que les pays puissent obtenir les – ou répondre aux – requêtes formelles d’entraide judiciaire et d’extradition.91 L’article 46 de la CNUCC exige des Etats parties qu’ils s’accordent entre eux la plus large assistance possible concernant les infractions de corruption couvertes par le traité.92 La convention définit les conditions et procédures relatives à une demande ou une attribu- tion d’entraide judiciaire.93 On attend des parties signataires à l’UNCAC qu’elles four- 89. La Convention de l’Union Africaine sur la Prévention et la Lutte contre la Corruption, article 18; Orga- nisation des Etats Américains, Convention Interaméricaine contre la Corruption, article XIV ; Commu- nauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest, Protocole sur la Lutte contre la Corruption, article 15 ; Convention des Nations Unies contre la Corruption, chapitre IV ; Convention de l’Organisation pour la Coopération et le Développement Economique sur la Lutte contre la Corruption d’Agents Publics Etran- gers dans les Transactions Commerciales Internationales, article 9-10. 90. Le Home Office britannique propose des principes directeurs de base pour l’obtention d’une aide, à la fois depuis le Royaume-Uni et depuis l’étranger, cf. http://www.homeoffice.gov.uk/police/mutual-legal-as- sistance/. 91. ADB et OCDE (2006, 1). La CNUCC, article 46(4), a franchi une nouvelle étape en appelant explicite- ment à l’entraide judiciaire spontanée pour lutter contre la corruption. 92. CNUCC, article 46(1) 93. CNUCC, article 46(7) 67 nissent une entraide judiciaire mais elles n’y sont pas obligées, et la convention énumère différents motifs de refus ou de report de l’assistance demandée.94 Les motifs de refus spécifiquement liés à l’enrichissement illicite incluent la double incrimination, le respect des droits de la défense et les questions de preuve. Le plus souvent, cependant, le véritable obstacle réside dans le manque de compréhension mu- tuelle et de communication. 5.1  Le problème de la double incrimination Le principe de la double incrimination exige que soit démontré le fait que l’infraction sous-tendant la demande d’entraide est criminalisée à la fois dans la juridiction requise et dans la juridiction requérante. Une interprétation stricte de la double incrimination par la juridiction requise demande que la juridiction requérante démontre que le nom et les éléments constitutifs de l’infraction sont les mêmes dans les deux juridictions. Pour autant, l’article 43(2) de la CNUCC requiert que la double incrimination soit basée sur le comportement qui sous-tend l’infraction en question. L’absence de double incrimination constitue un motif discrétionnaire pour un refus d’entraide judiciaire au titre de la Convention des Nations Unies contre la Crimina- lité Transnationale Organisée qui dispose que les parties signataires peuvent appor- ter une entraide judiciaire en l’absence de double incrimination si elles considèrent la démarche appropriée. Au titre de la CNUCC, cependant, un Etat partie peut refuser l’entraide judiciaire seulement après avoir pris en compte les objectifs de la convention. De plus, conformément à l’article 46(9)(b), si la demande n’a pas pour objet des me- sures coercitives, comme des perquisitions, saisies ou extraditions, un Etat partie peut accorder l’entraide en l’absence d’une double incrimination dès lors que la décision est conforme aux exigences de son système juridique. En pratique, la plupart des juridictions ne considèrent pas la double incrimination comme un prérequis pour l’échange d’informations au cours de l’enquête. Cependant, nombre d’entre elles requièrent la double incrimination pour les mesures coercitives comme les perquisitions et saisies, et la plupart d’entre elles l’exige pour une extradition. En dépit de la CNUCC, certains pays sont susceptibles, en pratique, de malgré tout considérer l’absence de double incrimination comme un motif discrétionnaire pour refuser tout ou partie de l’entraide demandée.95 Concernant l’enrichissement illicite, le type d’entraide requise auprès d’un Etat étranger afin d’établir l’infraction est souvent centré sur les informations relatives aux comptes bancaires, aux biens immobiliers et aux sociétés détenus. De nombreux pays peuvent ne pas considérer cet échange d’informations comme constituant une mesure coercitive. 94. CNUCC, article 46(21)-46(26) 95. Ibid. 68 I Les Profiteurs Lorsque les juridictions requise et requérante ont toutes deux criminalisé l’enrichis- sement illicite, les exigences de la double incrimination peuvent être satisfaites relati- vement facilement. Les officiels contactés dans le cadre de cette étude au Paraguay et en Argentine ont souligné les succès obtenus dans l’obtention d’une entraide judiciaire auprès de pays voisins d’Amérique Latine qui disposent de formulations similaires concernant l’enrichissement illicite. Cependant, la grande majorité des Etats parties à la CNUCC n’ont pas criminalisé l’enrichissement illicite, y compris l’ensemble des pays d’Europe de l’Ouest et d’Amérique du Nord ainsi que les principales places financières mondiales. Plusieurs juridictions ont rapporté que leurs demandes d’entraide judiciaire pour des affaires d’enrichissement illicite étaient souvent refusées ou différées sur la base de l’absence d’une double incrimination dès lors que cette demande était adressée à des pays qui ne reconnaissent pas l’infraction. Les objections à l’enrichissement illicite peuvent parfois être surmontées en adoptant une approche de la double incrimination basée sur la conduite. Une telle approche re- quiert de la part des Etats requis et requérant qu’ils «transposent les faits (et non l’infrac- tion) faisant l’objet de l’enquête dans le pays requérant vers le système juridique de l’Etat requis et se demandent si ces faits seraient considérés comme illégaux s’ils étaient sur- venus sur le territoire de ce dernier» (Schmid 2006, 45). En réponse au questionnaire, l’Argentine a rapporté l’usage réussi d’une approche basée sur la conduite dans le cadre d’une demande d’entraide judiciaire portant sur un dossier d’enrichissement illicite et adressée à un pays qui ne criminalise pas l’enrichissement illicite (l’Espagne); l’entraide fut dans ce cas possible parce que les faits concernés pouvaient être interprétés comme relevant du détournement. Certains pays, comme l’Uruguay, qui n’ont pas criminalisé l’enrichissement illicite ont rapporté qu’ils accordaient néanmoins l’aide internationale demandée dans ces dos- siers, citant par exemple les traités d’entraide judiciaire signés par le pays ainsi que la jurisprudence uruguayenne (OEA 2009b). D’autres pays contactés dans le cadre de cette étude ont indiqué qu’ils appliquaient généralement une approche basée sur la conduite lorsqu’ils reçoivent une demande d’entraide portant sur des faits d’enrichissement illicite. L’encart 5.1 décrit les réserves émises par les Etats-Unis aux dispositions relatives à l’enrichissement illicite figurant dans la Convention Interaméricaine contre la Corruption (CIACC). La coopération requiert de la flexibilité et une communication efficace de la part des ju- ridictions requise et requérante. Les Etats requérants doivent fournir des informations détaillées sur les faits de l’espèce lorsqu’ils rédigent une demande d’entraide, en gardant à l’esprit que l’enrichissement illicite peut être associé à une grande variété d’infractions dans presque tous les pays, y compris à des infractions économiques et des faits de corruption (Shams 2001, n. 75). La coopération internationale  I  69 La coopération informelle et les contacts entre autorités préalablement à la préparation d’une demande d’entraide judiciaire peut aider à identifier une base possible à l’entraide ainsi qu’à aider le pays requérant à se concentrer sur les faits pertinents avant de rédiger sa demande (Brun et al. 2011). La question de la double incrimination peut être entiè- rement contournée lorsque les autorités enquêtent sur et poursuivent des agents publics pour enrichissement illicite parallèlement à d’autres infractions de corruption. 5.2  Satisfaire aux standards de preuve et de droits de la défense Les demandes d’entraide judiciaire doivent généralement être étayées par suffisamment de preuves admissibles pour permettre à la juridiction requise d’atteindre le seuil de preuve exigé par son système juridique. En général, plus la mesure est intrusive et plus le standard de preuve exigé est élevé. Les exigences de preuve – standards de la preuve, tests de preuve et exigences d’admissibilité – varient selon les pays. Une incapacité à satisfaire à ces exigences dans la juridiction requise peut avoir pour résultat un renvoi ou un refus de la demande d’entraide. Les exigences de preuve peuvent se révéler problématiques lorsque les enquêtes se concentrent seulement sur l’enrichissement illicite sans envisager le comportement cri- minel qui a généré les avoirs illicites. ENCART 5.1 Les Etats-Unis et la coopération internationale en matière d’enrichissement illicite Les Etats-Unis ont exprimé les réserves suivantes concernant l’article IX de l’IACAC: (4) ENRICHISSEMENT ILLICITE. Les Etats-Unis d’Amérique ont l’intention de prêter assistance et de coopérer avec les autres Etats parties conformément au para- graphe 3 de l’article IX de la convention dans les limites permises par son droit interne. Les Etats-Unis reconnaissent l’importance du combat contre les gains financiers indus par des agents publics et disposent de la législation pénale néces- saire pour dissuader et punir de tels comportements. Cette législation oblige les agents publics de haut rang du gouvernement fédéral à remplir des déclarations financières sincères sous peine de sanctions pénales. Elle permet aussi les pour- suites à l’encontre d’agents publics fédéraux qui fraudent l’impôt correspondant à des revenus acquis illicitement. L’infraction d’enrichissement illicite telle que définie par l’article IX de la convention, pour autant, place la charge de la preuve sur l’accusé, ce qui contrevient à la Constitution des Etats-Unis ainsi qu’aux principes fondamentaux du système juridique des Etats-Unis. De ce fait, les Etats-Unis con- sidèrent qu’ils n’ont pas l’obligation d’établir une nouvelle infraction pénale d’enrichissement illicite au titre de l’article IX de la convention. En conséquence, les Etats-Unis échangeront des informations, y compris des informations relatives à des données bancaires, mais n’entreprendront pas de (suite) 70 I Les Profiteurs ENCART 5.1 Les Etats-Unis et la coopération internationale en matière d’enrichissement illicite (suite) mesures coercitives, comme des perquisitions et saisies, pour le compte du pays requérant. Cependant, les Etats-Unis s’efforceront également d’identifier d’autres infrac- tions pénales qui correspondent à la conduite concernée de manière à pouvoir prêter une assistance exigeant des mesures coercitives. Typiquement, les crimes qui peuvent être associés à l’enrichissement illicite incluent la corruption active, le blanchiment d’argent et d’autres crimes économiques comme la fraude. Les Etats-Unis sont également susceptibles d’appliquer la fraude fiscale comme une alternative infractionnelle dans les dossiers d’enrichissement illicite. Les poursuites pour fraude fiscale requièrent des informations similaires à celles portant sur des faits d’enrichissement illicite et sont susceptibles d’impliquer des enquêtes et techniques d’analyse comparables, comme une analyse de la valeur nette et des déclarations de revenus. Tout cela est possible à condition qu’au- cune restriction n’existe quant à l’utilisation qui sera faite des preuves fournies. Source: Déclaration de Thomas Burrows, avocat, Office of International Affairs, U.S. Department of Justice. Des preuves de cette conduite criminelle peuvent avoir à être présentées afin de constituer une base à l’entraide judiciaire au titre des infractions de corruption, de détournement, de blanchiment d’argent, et de crimes économiques comme la fraude, selon les cas. Cela sou- ligne combien il est important de mener une large enquête des activités criminelles des suspects. Même si les preuves de la conduite criminelle peuvent ne pas suffire à permettre une condamnation pour cette infraction en particulier, la suspicion peut être suffisante pour appuyer une demande d’entraide judiciaire pour d’autres infractions. De ce point de vue, toute information contextuelle sur le suspect devrait être détaillée dans la demande d’entraide, y compris la fonction publique exercée, la durée de cette fonction, le type de mandat (accorder des contrats publics, gérer des fonds publics, su- perviser des entités privées, etc.), et le montant des avoirs déjà calculés localement. Les aspects procéduraux peuvent aussi être pertinents: l’initiateur de la procédure (lanceur d’alerte, organisation non-gouvernementale, cellule de renseignement financier, agence anti-corruption) et les infractions connexes. Les Etats requis peuvent chercher à obtenir des explications sur la manière dont les preuves sont réunies ou dont la procédure judiciaire menée. Ceci peut s’avérer nécessaire pour satisfaire aux exigences des droits de la défense propres au système juridique. Une attention particulière sera probablement accordée aux preuves réunies par des moyens coercitifs et des confessions. Il est important de rappeler que les autorités requises de- vraient déterminer si les exigences en matière de droits de la défense ont bien été satis- faites par la procédure sur une base au cas par cas plutôt qu’en considérant l’ensemble La coopération internationale  I  71 du système juridique (Kofele-Kale 2006b, n. 145 ; Schmid 2006, 47). Afin d’apaiser ces inquiétudes, les demandes d’entraide devront généralement fournir des informations sur la procédure interne, y compris sur les droits reconnus aux différentes parties et sur toute décision procédurale prise par les tribunaux concernant ladite affaire. La coopération informelle et la communication entre les juridictions requise et re- quérante peuvent aider à clarifier les exigences en matière de preuves et la manière dont les preuves devraient être présentées avant la rédaction de la demande d’entraide. La communication entre les parties peut également aider à identifier les exigences de preuve pour les demandes d’entraide liées à des infractions spécifiques. L’Indonésie, par exemple, ne donne favorablement suite à des demandes d’EJ relatives à des faits d’enri- chissement illicite que s’il existe des preuves du fait que l’enrichissement est consécutif à des activités criminelles et que ces activités criminelles ont porté préjudice au public ou à la société (ADB et OCDE 2007, 161). Certaines conditions spécifiées par l’Etat requis peuvent aussi restreindre la capacité de l’Etat requérant à utiliser les informations fournies. Conformément au principe de spécialité, les informations fournies par l’Etat requis ne devraient être utilisées qu’aux fins mentionnées dans la demande. Ce principe s’efforce de «protéger l’Etat requis d’un abus de confiance de l’Etat requérant et d’éviter les abus procéduraux contre le plaignant après que l’Etat requis ait obtenu compétence in personam sur le plaignant». Cela peut constituer un problème lorsque l’Etat requérant mène une enquête portant sur une in- fraction, comme le détournement de fonds, et décide d’abandonner cette voie en faveur de poursuites pour enrichissement illicite à une date ultérieure. Les informations four- nies par l’Etat requis en appui à une procédure pour détournement de fonds peuvent ne pas être admissibles dans le cadre d’une procédure ultérieure pour enrichissement illi- cite. A nouveau, une solution possible réside dans la communication entre les parties, en garantissant que les autorités requises et requérantes soient conscientes des usages potentiels des informations partagées et explorent les restrictions spécifiques suscep- tibles de s’appliquer. 5.3  Le régime de coopération juridique Les traités bilatéraux d’entraide judiciaire et les protocoles d’accord fournissent un cadre à la coopération entre les juridictions, complétant et chapeautant les exigences for- mulées par l’UNCAC. Ces accords peuvent être utilisés pour clarifier la manière dont les autorités traiteront les demandes relatives à des infractions spécifiques et, ainsi, à réduire les incertitudes. Par exemple, la Suisse a depuis longtemps traité les enquêtes de la Securities and Exchange Commission américaine en signant des protocoles d’accord relatifs à des demandes spécifiques. De tels accords peuvent concerner l’enrichissement illicite si les autorités s’attendent à ce que de tels dossiers constituent une part impor- tante de leur coopération bilatérale. 72 I Les Profiteurs Une familiarité avec les procédures et exigences légales des pays partenaires constitue probablement le moyen le plus efficace de faciliter l’entraide judiciaire, tant en général qu’eu égard aux dossiers d’enrichissement illicite. Cette familiarité peut être cultivée en contactant les institutions partenaires, en entreprenant des activités de formation conjointes et, plus important, en initiant des demandes. La grande majorité des pays consultés dans le cadre de cette étude ont admis qu’ils n’avaient jamais déposé ou reçu de demande d’entraide judiciaire relative à une affaire d’enrichissement illicite. La fami- liarité peut aider à éviter toute mauvaise communication concernant l’objectif des pour- suites et les procédures juridiques. Elle peut également aider les partenaires à élaborer des stratégies de présentation des preuves. 5.4 Observations Les juridictions qui effectuent des demandes de coopération internationale, en particu- lier des demandes d’entraide judiciaire, continuent à rencontrer des obstacles dans l’obtention d’une assistance de la part des Etats requis. Cependant, ces obstacles sont souvent surmontables. Du fait que de nombreux Etats accordent une assistance sur la base de la conduite sous-jacente, des efforts pourraient être faits pour garantir que la conduite sous-jacente à l’infraction constitue une infraction dans la juridiction requise. Ainsi, il serait utile que les Etats portent leur regard au-delà du seul enrichissement illicite et considèrent la conduite criminelle qui est à l’origine de l’enrichissement avant la rédaction d’une demande. Les Etats pourraient également aborder la question de la coopération en matière d’enrichissement illicite dans le cadre de leurs traités d’entraide judiciaire bilatéraux ou protocoles d’accord dès lors qu’ils s’attendent à ce que de telles demandes constituent un jour une part importante de leur coopération bilatérale. La coopération internationale  I  73 Annexe A.  Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite Les extraits des lois identifiées peuvent être limités aux sections, dispositions et / ou ar- ticles pertinents. De plus, les lois figurant en français et non dans leur langue originale ont été traduites pour des raisons de facilité de consultation et de clarté, mais n’ont pas vocation à servir de traductions officielles. Algérie: 2006, Loi no. 06-01 sur la prévention et la lutte contre la corruption, article 37, de l’enrichissement illicite Est puni d’un emprisonnement de deux (2) à dix (10) ans et d’une amende de 200.000 DA à 1.000.000 DA (dinars), tout agent public qui ne peut raisonnablement justifier une augmenta- tion substantielle de son patrimoine par rapport à ses revenus légitimes. […] L’enrichissement illicite, visé à l’alinéa 1er du présent article, est une infraction continue caractérisée par la détention des biens illicites ou leur emploi d’une manière directe ou indirecte. Angola: 2010, Lei da Probidade Administrativa (Loi sur la Probité Publique), article 25g, section 7 Adquirir, para si ou para outrem, no exercício de mandato, cargo, emprego ou função pública, bens de qualquer natureza cujo valor seja desproporcional à evolução do patrimônio ou à renda do agente público. Traduction: Le fait d’acquérir pour soi-même ou pour autrui, dans l’exercice de ses devoirs, responsabilités, de son emploi ou de sa fonction publique, des biens de toute nature dont la valeur est disproportionnée par rapport aux revenus du capital ou du travail de l’agent public. Antigua et Barbuda: 2004, The Prevention of Corruption Act, article 7, possession de bien inexpliqués et article 8, peine assortie aux infractions Article 7. 1. Une personne qui, étant ou ayant été un agent public, (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses émoluments passés ou présents ou (b) contrôle des ressources pécuniaires ou des biens disproportionnés par rapport à ses émoluments passés ou présents, à moins qu’elle ne puisse donner une explication satisfaisante au tribu- nal sur la manière dont elle a pu entretenir un tel train de vie ou dont de telles ressources pécuniaires ou biens sont passés sous son contrôle, commet une infraction. 2. Lorsqu’un tribunal est convaincu au cours d’une procédure pour une infraction définie à la sous-section 1(b) qu’en tenant compte de la proximité de sa relation avec l’accusé et d’autres circonstances, il existe des raisons de croire qu’une personne détenait des ressources pécu- 75 niaires ou des biens en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé ou avait acquis de tels bien ou ressources lesdits ressources ou biens seront, jusqu’à preuve du contraire, présumés avoir été sous le contrôle de l’accusé. Article 8. 1. Une personne qui commet une infraction au titre des sections 3, 4, 5, 6 ou 7 encourt une condamnation après mise en examen à une amende ne pouvant excéder 100.000 dollars des Caraïbes orientales (XCD) et à une peine de prison ne pouvant excéder cinq ans ou, en plus de la peine spécifiée plus haut, le tribunal peut ordonner tout ou partie des mesures suivantes: (i) le paiement à l’institution par la personne condamnée, selon les modalités décidées par le tribunal, du montant ou de la valeur de tous biens, bénéfices ou avantages reçus par elle ; (ii) la déchéance de son droit à toute indemnité ou pension non-contributive à laquelle il aurait sinon eu droit ; (iii) que cette déchéance de toute pension non-contributive à laquelle il aurait dû avoir droit fasse l’objet d’une déclaration ; (iv) qu’elle soit déclarée inapte à l’exercice de toute fonction publique pour une période ne pouvant excéder sept années à partir de la date de sa condamnation pour l’infraction visée. Argentine: 1964, Code Pénal argentin, article 286 Section 2. Será reprimido con reclusión o prisión de dos a seis años, multa del cincuenta por ciento al ciento por ciento del valor del enriquecimiento e inhabilitación absoluta perpetua, el enriquecimiento patri- que al ser debidamente requerido, no justificare la procedencia de un ­ monial apreciable suyo o de persona interpuesta para disimularlo, ocurrido con posterioridad a la asunción de un cargo o empleo público y hasta dos años después de haber cesado en su desempeño. Section 3. Se entenderá que hubo enriquecimiento no sólo cuando el patrimonio se hubiese incrementado con dinero, cosas o bienes, sino también cuando se hubiesen cancelado deu- obligaciones que lo afectaban. La persona interpuesta para disimular el das o extinguido ­ enriquecimiento será reprimida con la misma pena que el autor del hecho. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2009c)): Section 2. Toute personne qui, lorsque la demande lui en est faite, manque de justifier l’origine de tout enrichissement appréciable de lui-même ou d’un tiers de façon à la dissimuler, enrichissement obtenu subséquemment à l’exercice d’un emploi ou d’une fonction publique, et pour une période allant jusqu’à deux ans après l’arrêt de ses fonctions, encourra une peine de prison de deux à six ans, une amande de 50 à 100 pourcents du montant de l’enrichissement, et une disqualification per- pétuelle et absolue. L’enrichissement sera présumé non seulement lorsque le patrimoine de la personne aura été accru avec de l’argent ou des biens mais aussi lorsque ses dettes auront été annulées ou ses obligations éteintes. La personne interposée pour dissimuler l’enrichissement encourra la même peine que l’auteur du crime. Section 3. Toute personne qui, en raison de son poste, est requise par la loi de produire une déclaration sous serment de ses avoirs et s’en abstient par malice encourra une peine de prison de 15 jours à deux ans ainsi qu’une disqualification perpétuelle spéciale. L’infraction est considérée comme commise lorsque, après avoir été informée de son obligation, la personne ainsi obligée n’a pas rempli cette dernière dans les limites de temps prévue par la loi applicable. Toute personne qui falsifie malicieusement, ou omet des données requises dans le cadre de ces déclarations sous serment par la loi et les règlements applicables encourra la même peine. 76 I Les Profiteurs Bangladesh: 2004, Anti-corruption Commission Act, article 27: Prevention of Corruption Act de 1947, sec- tion 5(c), Possession de biens disproportionnés par rapport aux sources de revenus connues Anti-corruption Commission Act, article 27. 1. S’il existe des raisons suffisantes et raison- nables de croire qu’une personne en son nom, ou toute autre personne pour son compte, est en possession ou a obtenu la propriété de biens meubles ou immeubles par des moyens malhonnêtes et que ces biens ne sont pas en proportion des sources de revenus connues et qu’elle manque de fournir au tribunal, au cours du procès, une explication satisfaisante de la possession de ces biens, alors cette personne encourra une peine de prison pouvant aller d’un minimum de trois ans à un maximum de dix ans, et ces biens seront confisqués. 2. S’il est prouvé au cours du procès pour les chefs prévus par la sous-section (1) que l’accusé a, en son nom propre ou par le biais de toute autre personne pour son compte, obtenu la propriété ou détient des biens meubles ou immeubles incompatibles avec ses sources de revenus connues, alors le tribunal présumera que l’accusé est coupable des chefs en question et, à moins que l’accusé ne réfute cette présomption devant le tribunal, la peine encourue sur la base de cette présomption ne sera pas illégale. Prevention of Corruption Act de 1947, section 5(c). 1. Tout agent public qui est en posses- sion de tout bien, meuble ou immeuble, soit en son nom propre soit au nom de toute autre personne, dont il existe des raisons de croire qu’il a été acquis par des moyens impropres et dont il est prouvé que la valeur est disproportionnée par rapport aux sources de revenus connues du dit agent public encourra, s’il ne parvient pas à expliquer cette propriété d’une manière qui satisfasse le tribunal, une peine de prison qui peut atteindre sept ans ainsi que le paiement d’une amende, et dans le cas où il est condamné, les biens de l’accusé dont le tribunal aura jugé qu’ils sont disproportionnés par rapport à ses sources de revenus connues seront confisqués au bénéfice du gouvernement provincial. 2. La référence faite dans la sous-section (1) à des biens acquis de manière impropre sera interprétée comme une référence à tout bien acquis par des moyens qui sont contraires à la loi ou à toute règle ou instrument ayant force de loi ou par coercition, influence indue, fraude ou fausse déclaration au sens du Contract Act, 1872. Bhoutan: 2006, Anti-Corruption Act du Bhoutan, article 107 Toute personne qui, étant ou ayant été un agent public ou une personne travaillant ou ayant travaillé pour une organisation non-gouvernementale ou pour toute autre organisation dépendant de ressources publiques, (a) entretient un train de vie qui n’est pas compatible avec ses sources de revenus légitimes ou (b) contrôle des ressources pécuniaires ou avoirs disproportionnés par rapport à ses sources de revenus légitimes sera, à moins qu’il ne donne une explication satisfaisante à la commission ou au tribunal, reconnu coupable d’une infraction et encourra une condamnation basée sur la valeur des avoirs concernés conformé- ment au Code Pénal du Bhoutan. Bolivie: 2010, Ley «Marcelo Quiroga Santa Cruz» de Lucha contra la Corrupcion, article 27, Enriquecimiento illicito e investigacion de fortunas Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  77 La servidora pública o servidor público, que no hubiere incrementado desproporcionada- mente su patrimonio respecto de sus ingresos legítimos y que no pueda ser justificado, será sancionado con privación de libertad de cinco a 10 años, inhabilitación para el ejercicio de la función pública y/o cargos electos, multa de 200 hasta 500 días y el decomiso de los bienes obtenidos ilegalmente. Botswana: 1994, Corruption and Economic Crime Act, article 34, Possession de biens inexpliqués 1. Le directeur ou tout autre agent du directorat autorisé par écrit par le directeur peut enquêter sur toute personne dès lors qu’existent des motifs raisonnables de soupçonner que cette personne (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents ou (b) contrôle ou détient des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents. 2. Une personne est coupable de corruption si elle ne parvient pas à fournir une explication satisfaisante au directeur ou à l’agent chargé de l’enquête au titre de la sous-section 1 sur la manière dont il a été capable d’entretenir un tel train de vie, ou dont de tels biens ou res- sources pécuniaires sont arrivées sous son contrôle ou en sa possession. 3. Lorsqu’un tribunal est convaincu dans toute procédure portant sur une infraction définie dans la sous-section 2 que, compte tenu de la proximité de sa relation avec l’accusé et des autres circonstances pertinentes, il existe des raisons de croire qu’une personne détenait des biens ou ressources pécuniaires en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé, ou avait acquis de tels biens ou ressources pécuniaires sous la forme d’une dona- tion ou d’un prêt sans considérations adéquates de la part de l’accusé, de tels biens ou res- sources seront, jusqu’à preuve du contraire, considérées comme ayant été sous le contrôle ou en possession de l’accusé. Brunei Darussalam: 1982, Prevention of Corruption Act, article 12, Possession de biens inexpliqués 1. Toute personne qui, étant ou ayant été un agent public, (a) entretient un train de vie supéri- eur à celui correspondant à ses émoluments passés ou présents ou (b) contrôle des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses émoluments passés ou présents sera, à moins qu’il ne donne une explication satisfaisante au tribunal sur la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie ou sur la manière dont des tels biens ou ressources pécuniaires sont arrivés sous son contrôle, reconnu coupable d’une infraction. La peine cor- respondant est de 30.000 dollars de Brunei (BND) et sept ans de prison. 2. En plus de toute peine ordonnée au titre de la sous-section 1 le tribunal peut ordonner à une personne condamnée pour une infraction prévue par la sous-section 1 de payer au gou- vernement (a) une somme ne pouvant excéder le montant des ressources pécuniaires en question ou (b) une somme ne pouvant excéder la valeur des biens dont l’acquisition n’a pas été expliquée par elle de façon satisfaisante au tribunal, et toute somme dont le paiement est ainsi ordonné sera recouvrable sous forme d’une amende. 3. Lorsqu’un tribunal est convaincu au cours d’une procédure portant sur une infraction 78 I Les Profiteurs prévue par la sous-section 1 que, compte tenu de la proximité de sa relation avec l’accusé et des autres circonstances pertinentes, il existe des raisons de croire qu’une personne déte- nait des biens ou ressources pécuniaires en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé, ou avait acquis de tels biens ou ressources pécuniaires sous la forme d’une donation ou d’un prêt sans considérations adéquates de la part de l’accusé, de tels biens ou ressources seront, jusqu’à preuve du contraire, considérées comme ayant été sous le con- trôle ou en possession de l’accusé. Chili: 1999, Code Pénal du Chili, article 241 Tout agent public qui, alors qu’il exerce ses fonctions, parvient à un accroissement significa- tif et injustifié de son capital encourra une amende égale au montant de l’accroissement indu en capital ainsi qu’une disqualification temporaire absolue portant sur l’exercice de toute fonction publique aux degrés inférieurs et intermédiaires. La disposition mentionnée ci-dessus ne sera pas appliquée si le comportement ayant conduit à l’accroissement indu de capital constitue, en elle-même, une infraction parmi celles décrites au présent titre, auquel cas les peines assignées aux infractions respectives seront imposées. Les preuves d’un enrichissement injustifié auxquelles fait référence cet article devront toujours être présentées par le ministère public. Si la procédure pénale commence par un rapport informel ou une plainte formelle et que l’agent public est acquitté pour l’infraction criminalisée par cet article ou bénéficie d’un non- lieu définitif au titre de l’article 250 (a) ou (b) du Code de Procédure Pénale, il ou elle aura droit à être indemnisé par la personne qui avait remis le rapport informel ou déposé la plainte formelle pour le préjudice matériel et moral subi, indépendamment de la responsabilité pénale prévue par l’article 211 du présent code. Chine: 1997, Loi Pénale de la République Populaire de Chine, article 395 Tout fonctionnaire d’Etat dont les biens ou les dépenses excèdent de façon évidente son revenu légitime, et dès lors que la différence est énorme, peut se voir ordonner d’expliquer la source de ses biens. S’il ne peut prouver que la source en question est légitime, la partie qui excède ses revenus légitimes sera considérée comme des gains illicites, et il sera condamné à une peine de prison ferme ne pouvant excéder cinq ans, et la partie de ses biens qui excède ses revenus légitimes sera recouvrée. Tout fonctionnaire d’Etat devra, conformément aux règlements en vigueur, déclarer à l’Etat le montant de ses avoirs bancaires détenus hors de Chine. Quiconque dispose d’un montant relativement important en avoirs de ce type sans les déclarer à l’Etat sera condamné à une peine de prison ferme ne pouvant excéder deux ans ; si les faits de l’espèce sont relative- ment mineurs, il subira des sanctions administratives à la discrétion de son service ou des autorités compétentes à un niveau supérieur. Chine, RAS de Hong Kong: 1971, Prevention of Bribery Ordinance, section 10 1. Toute personne qui, étant ou ayant été le directeur général ou un agent prescrit (amendé, Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  79 14 de 2003, section 17 ; 22 de 2008, section 4), (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses émoluments passés ou présents ou (b) contrôle des biens ou res- sources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses émoluments passés ou présents sera, à moins qu’il ne donne une explication satisfaisante au tribunal sur la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie ou sur la manière dont des tels biens ou ressources pécuni- aires sont arrivés sous son contrôle, reconnu coupable d’une infraction. 2. Toute personne coupable d’une infraction visée par cette partie, autre qu’une infraction visée par la section 3, sera pénalement responsable (a) sur condamnation après mise en examen (i) et pour une infraction visée par la section 10, encourra une amende de 1.000.000 dollars (HKD) et une peine de 10 ans d’emprisonnement ; (ii) pour une infraction visée par les sections 5 ou 6, encourra une amende de 500.000 dollars (HKD) et une peine de 10 ans d’emprisonnement, et (iii) pour toute autre infraction visée par cette partie, encourra une amende de 500.000 dollars (HKD) et une peine de sept ans d’emprisonnement ; et (rem- placé, 50 de 1987, section 3) (b) sur condamnation sommaire (i) pour une infraction visée par la section 10, encourra une amende de 500.000 dollars (HKD) et une peine de trois ans d’emprisonnement ; et (ii) pour toute autre infraction visée par cette partie, encourra une amende de 100.000 dollars (HKD) et une peine de trois ans d’emprisonnement, et se verra ordonner de payer à la personne ou institution déterminée par le tribunal et de la manière déterminée par le tribunal, le montant ou la valeur de tout ou partie, tel que spécifié par le tribunal, de tout avantage perçu par elle. 3. En plus de toute peine ordonnée au titre de la sous-section 1, le tribunal peut ordonner à une personne condamnée pour une infraction visée par la section 10(1)(b) de payer au gou- vernement (amendé, 1 de 2003, section 3) (a) une somme ne pouvant excéder le montant des ressources pécuniaires en question ou (b) une somme ne pouvant excéder la valeur des biens dont l’acquisition n’a pu être expliquée par elle de manière satisfaisante au tribunal. Chine, RAS de Macao: 2003, Loi 11/2003, Déclaration de revenus et de patrimoine 1. La déclaration requise en conformité avec l’article 1. Quiconque se trouverait par lui- même ou via des intermédiaires en possession d’avoirs ou de revenus anormalement plus élevés que ceux indiqués dans ses précédentes déclarations et en l’absence d’explications, spécifiquement sur la manière par laquelle - et le moment auquel – ces derniers sont arrivés en sa possession, ou n’ayant pas démontré de manière satisfaisante l’origine licite des dits avoirs ou revenus, sera puni d’une peine de prison pouvant atteindre trois ans et d’une amende pouvant atteindre 360 jours de salaire. 2. Les avoirs ou revenus illicites identifiés au cours du précédent paragraphe peuvent, à l’issue d’une condamnation devant un tribunal, faire l’objet d’une confiscation au bénéfice de la Région Administrative Spéciale de Macao. Colombie: 2004, Codigo Penal, Articulo 412, Enriquecimiento Illicito (peines augmentées par l’article 14 de la Loi 890 de 2004, à compter de la date du 1er janvier 2005) El servidor público que durante su vinculación con la administración, o quien haya desempe- ñado funciones públicas y en los dos años siguientes a su desvinculación, obtenga, para sí o 80 I Les Profiteurs para otro, incremento patrimonial injustifi cado, siempre que la conducta no constituya otro delito, incurrirá en prisión de 96 a 180 meses, multa equivalente al doble del valor del enriquecimiento sin que supere el equivalente a 50,000 salarios mínimos legales mensuales vigentes, e inhabilitación para el ejercicio de derechos y funciones públicas de 96 a 180 meses. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010c)): Tout fonctionnaire qui, alors qu’il était employé par le gouvernement, ou toute personne qui a exercé des fonctions publiques et qui, pen- dant ce laps de temps ou jusqu’à deux ans plus tard, obtient pour lui-même ou pour un autre un accroissement injustifié de son patrimoine encourra, à la condition que le comportement en question ne constitue pas une autre infraction, une peine comprise entre 96 et 180 mois de prison, une amende égale au double du montant de l’enrichissement sans pouvoir excéder 50.000 fois le montant légal du salaire minimum obligatoire en vigueur, ainsi qu’une privation de ses droits civiques pour une période comprise entre 96 et 180 mois. Costa Rica: 2004, Loi 8422: Loi contre la Corruption et l’Enrichissement Illicite dans la Fonction Publique, article 45 Será sancionado con prisión de tres a seis años quien, aprovechando ilegítimamente el ejer- cicio de la función pública o la custodia, la explotación, el uso o la administración de fondos, servicios, o bienes públicos, bajo cualquier título o modalidad de gestión, por sí o por inter- pósita persona física o jurídica, acreciente su patrimonio, adquiera bienes, goce derechos, cancele deudas o extinga obligaciones que afecten su patrimonio o el de personas jurídicas, en cuyo capital social tenga participación ya sea directamente o por medio de otras personas jurídicas. Cuba: 1987, Codigo Penal, Loi no. 62, chapitre 3, article 150, Ejercicio Fraudulento de Funciones Publicas, Section 3, Enrichissement illicite 1. La autoridad, funcionario, o empleado que, directamente o por persona intermedia, realiza gastos o aumenta su patrimonio o el de un tercero en cuantía no proporcional a sus ingresos legales, sin justificar la licitud de los medios empleados para realizar los gastos u obtener tal aumento patrimonial, incurre en sanción de privación de libertad de dos a cinco años o multa de 300 a 1,000 cuotas o ambas. 2. A los declarados responsables del delito previsto en este artículo se les impone, además, la sanción accesoria de confiscación de bienes. 3. Las sanciones previstas en este artículo se imponen siempre que el hecho no constituya un delito de mayor entidad. Equateur: 1971, Code Pénal de l’Equateur, article 296.1, Sur l’enrichissement illicite 1. Constituye enriquecimiento ilícito el incremento injustificado del patrimonio de una per- sona, producido con ocasión o como consecuencia del desempeño de un cargo o función pública, que no sea el resultado de sus ingresos legalmente percibidos. 2. El enriquecimiento ilícito se sancionará con la pena de dos a cinco años de prisión y la Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  81 restitución del duplo del monto del enriquecimiento ilícito, siempre que no constituya otro delito. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010d): 1. L’enrichissement illicite est l’augmentation inexpliquée du patrimoine d’une personne obtenu au cours de – ou en conséquence de – l’exercice d’une charge ou d’une fonction publique et qui n’est pas le résultat d’un revenu légalement perçu. 2. L’enrichissement illicite est puni de deux à cinq ans d’emprisonnement et du reversement de deux fois le montant de l’enrichissement illicite, à condition que ce dernier ne constitue pas une autre infraction. République Arabe d’ Egypte: Loi no. 62 de 1975, Gains illégitimes 1. Ceux dépositaires de l’autorité publique et tous les employés des corps administratifs de l’Etat, sauf ceux du troisième échelon. 2. Tout argent gagné par quiconque [parmi les catégories définies ci-dessus et] soumis à cette loi, pour lui ou pour d’autres, étant le résultat de l’exploitation d’une fonction ou d’une qualification ou d’une conduite contraire au droit pénal ou à un comportement publiquement acceptable est considéré comme constituant un gain illégitime. Est considérée comme le résultat de l’exploitation d’une fonction ou d’une qualification ou le comportement illégal toute augmentation de patrimoine survenant après la prise de fonc- tion ou l’obtention d’une qualification pour tous ceux qui sont soumis à la présente loi, leurs conjoints et enfants mineurs dès lors que cette augmentation n’est pas proportionnée à leur revenu et dans la mesure où ils ne parviennent pas à prouver de la caractère légitime de la source. 18. Une personne ayant accumulé pour lui-même ou pour d’autres des gains illégitimes sera punie d’emprisonnement et d’une amende équivalant au gain illégitime ainsi que de l’obligation de rembourser lesdits gains. La procédure pénale qui s’éteint au décès de l’accusé n’empêche pas la restitution des gains illégitimes ordonnée par jugement d’un tribunal pénal compétent à la demande de l’une des autorités mentionnées dans l’article dans une durée de trois ans à compter de la date du décès. Le tribunal doit ordonner au conjoint et aux enfants mineurs qui ont bénéficié des gains illégitimes d’exécuter le jugement de restitution à hauteur des bénéfices perçus par ces derniers. Le tribunal peut aussi ordonner aux autres personnes que celles mentionnées dans le précédent paragraphe et ayant substantiellement bénéficié des dits gains illégitimes de contribuer à la restitution, là encore à hauteur des bénéfices perçus. El Salvador: Constitution, article 240 ; Code Pénal, article 333 (enrichissement illicite) Constitution, article 240. Les agents publics et employés qui s’enrichissent illégalement au détriment du gouvernement ou des finances municipales seront contraints de restituer les sommes improprement acquises à l’Etat ou à la municipalité sans préjuger de leur respon- sabilité pénale. 82 I Les Profiteurs L’enrichissement illicite est présumé lorsque l’augmentation du capital de l’agent public ou de l’employé, considéré depuis la date à laquelle il a assumé ses fonctions et jusqu’à la date à laquelle il les a quittées, est substantiellement supérieur à ce qu’elle aurait dû être sur la base de son salaire et de ses émoluments légaux ainsi que de ses revenus tirés de toute autre source légitime. Le capital et les revenus de l’agent public ou employé, de son conjoint et de leurs enfants sera considéré conjointement eu égard à la détermination de cette aug- mentation. Les agents publics et employés visés par la loi ont l’obligation de déclarer leur patrimoine à la Cour Suprême de Justice conformément aux clauses précédentes dans un délai de 60 jours après leur prise de fonction. Le tribunal a toute autorité pour prendre les mesures qu’il considère nécessaires à la vérification de l’exactitude de la déclaration, qu’il gardera confi- dentielle et qui servira exclusivement aux fins prévues par cet article. Les agents publics et employés susmentionnés soumettront une nouvelle déclaration de leur patrimoine à la date de la fin de leur fonction. La loi déterminera les peines encourues en cas de violation de cette obligation. Les procédures judiciaires pour enrichissement illégal ne peuvent être initiées que dans la période 10 ans après la date à laquelle l’agent public ou l’employé a quitté les fonctions dans le cadre desquelles ledit enrichissement est supposé s’être produit. Code Pénal, article 333. Tout agent gouvernemental, autorité publique ou employé public qui dans le cadre de son mandat ou de ses fonctions parvient à une augmentation injustifiée de son patrimoine encourra une peine de 10 ans d’emprisonnement. Les tiers qui dissimuleraient une augmentation injustifiée de patrimoine seront punis de la même peine. Selon le cas, ils seront exclus de leur poste ou de leur emploi pour la même période de temps. Ethiopie: 2004, Code Pénal de la République Démocratique Fédérale d’Ethiopie, Proclamation no. 414/2004 1. Tout agent public, exerçant ou ayant exercé une fonction publique, qui (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant au revenu officiel de ses emplois passés ou présents ou à ses autres moyens de subsistance ou (b) contrôle des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport aux revenus officiels de ses emplois passés ou présents ou à ses autres moyens de subsistance sera, à moins qu’il ne donne une explica- tion satisfaisante au tribunal sur la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie ou sur la manière dont de tels biens ou ressources pécuniaires sont arrivés sous son contrôle, puni, sans préjuger de la confiscation des biens ou leur restitution à des tiers, d’une peine de prison simple ou d’une amende ou, dans les cas graves, d’une peine de prison ferme ne pouvant excéder cinq ans et d’une amende. 2. Lorsqu’un tribunal est convaincu au cours d’une procédure relevant du sous-article I(b) qu’il existe des raisons de croire que, compte tenu de la proximité de sa relation avec l’accusé et d’autres circonstances, qu’une personne détenait des biens ou ressources pécu- niaires en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé, de tels biens ou res- sources seront, jusqu’à preuve du contraire, présumées comme ayant été sous le contrôle ou en possession de l’accusé. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  83 Gabon: 2003, Loi no. 002/2003, Instituant un Régime de Prévention et de Répression de l’Enrichissement Illicite en République Gabonaise Au sens de la présente loi, est considéré comme enrichissement illicite, le fait, pour tout dépositaire de l’autorité de l’etat, de réaliser ou de tenter de réaliser des profits personnels ou d’obtenir tout autre avantage de tout nature: au moyen d’actes de corruption active ou passive, de concussion, de fraude, de détournement ou de soustraction frauduleuse de deniers ou de biens publics, d’abus de pouvoir, de trafic d’influence, de prise illégale d’inté- rêts ou de tout autre procédé illicite; au moyen d’une pratique illicite en matière d’expropria- tion, d’obtention de marché, de concession ou de permis d’exportation ou d’importation; par l’utilisation indue, á son profit ou á celui d’un tiers, de tout type d’information confidentielle ou privilégiée dont il a eu connaissance en raison ou á l’occasion de ses fonctions. Est égale- ment considéré comme enrichissement illicite, l’augmentation significative du patrimoine de tout dépositaire de l’autorité de l’etat que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par rapport aux revenus qu’il a légitimement perçus. Article 24. Tout fonctionnaire, tout agent ou préposé d’une administration publique, chargé, à raison même de sa fonction, de la surveillance ou du contrôle direct d’une entreprise privée et qui, soit en position de congé ou de disponibilité, soit après admission à la retraite, soit après démission, destitution ou révocation, et pendant un délai de cinq ans à ­ articipation par travail, compter de la cessation de la fonction, prendra ou recevra une p conseils ou capitaux, sauf par dévolution héréditaire en ce qui concerne les capitaux dans la concession, entreprise ou régie qui était directement soumise à sa surveillance ou à son contrôle, et ce en connaissance de cause, sera puni des peines prévues à l’article 21 ci- dessus. Les dirigeants des concessions, entreprises, ou régies publiques sont considérés comme complices effectués ou des biens livrés. Article 21. Tout dépositaire de l’autorité de l’Etat qui, soit ouvertement, soit par actes simu- lés, soit par personnes interposées, aura, en connaissance de cause, dans les actes, adjudi- cations ou régies dont il a eu l’administration ou la surveillance, dans les entreprises privées, les établissements publics ou parapublics soumis à sa surveillance ou à son contrôle, dans les marchés ou contrats passés au nom de l’Etat avec l’une des entreprises visées ci-des- sus, pris ou reçu quelque intérêt que ce soit, sera puni d’un emprisonnement de deux ans au moins et de dix ans au plus et à une amende de 2.000.000 à 20.000.000 de francs CFA. Il sera, à jamais, déclaré incapable d’exercer un emploi ou une charge publique. La présente disposition s’applique également à tout dépositaire de l’autorité de l’etat qui aura, en connaissance de cause, pris un intérêt quelconque dans une affaire dont il était directement chargé d’ordonnancer le paiement ou de faire la liquidation. Guyana: 1998, Integrity Commission Act 1. Lorsqu’une personne qui appartient ou a appartenu au service public, ou toute autre per- sonne en son nom, est établie comme étant en possession de biens ou ressources pécuni- aires disproportionnés par rapport aux sources connues des revenus de la première per- 84 I Les Profiteurs sonne mentionnée, et que cette personne ne parvient pas à apporter des preuves satisfaisantes du fait que les biens ou ressources pécuniaires en question ont été acquis de manière légale, cette personne sera coupable d’une infraction et sujette, sur condamnation sommaire, à une amende et à une peine de prison pour une durée ne pouvant être inférieure à six ans ni supérieure à trois ans. 2. En condamnant une personne reconnue coupable d’une infraction au titre de la sous- section 1, le tribunal devra tenir compte de la valeur des biens ou ressources pécuniaires détenus par cette personne et ne pouvant être expliqués par les sources de revenus con- nues et autre moyens légaux d’acquisition de cette personne, et cette amende devra être équivalente à une fois et demi la valeur des dits biens ou ressources pécuniaires dont il est établi qu’elles sont détenus par la personne en question. Honduras: 1993, Ley Contra el Enrequicimiento Ilícito de los Servidores Público Decreto no. 301 Se presume enriquecimiento ilícito cuando el aumento del capital del funcionario o empleado, desde la fecha en que haya tomado posesión de su cargo hasta aquella en que haya cesado en sus funciones, fuere notablemente superior al que normalmente hubiere podido tener en virtud de los sueldos y emolumentos que haya percibido legalmente y de los incrementos de su capital o de sus ingresos por cualquier otra causa. Para determinar dicho aumento, el capital y los ingresos del servidor público, con los de sus cónyuge, compañero o compañera de hogar, hijos sujetos a patria potestad y pupilos se considerarán en conjunto. Para justificar la presunción de enriquecimiento ilícito del servidor público, se tomará en cuenta: sus condiciones económicas personales previas al ejercicio del cargo o empleo; la cuantía en que ha aumentado su capital en relación al monto de sus ingresos y de sus gastos ordinarios; y la ejecución de otros actos o la existencia de otras circunstancias que permitan presumir que la persona ha incurrido en alguno de los casos de enriquecimiento ilícito a que se refiere el Artículo 7 de esta ley. Article 9. La carga de la prueba sobre las circunstancias indicadas en los artículos anteriores, la relativa al importe de ingresos y de gastos ordinarios y la que tienda a comprobar la licitud del aumento de capital, pesa sobre el servidor público. Article 32. El delito de enriquecimiento ilícito será castigado, según el monto del enriquec- imiento, así: (a) si dicho enriquecimiento no excediere de L 5,000 (lempiras), con presidio menor en su grado máximo; (b) si dicho enriquecimiento excediere de L 5,000 y no pasare de L 10,000, con presidio mayor en su grado mínimo; (c) si excediere de L 10,000 y no pasare de L 100,000, con presidio mayor en su grado medio; y (d) si excediere de L 100,000, con presidio mayor en su grado máximo. Inde: 1988, Prevention of Corruption Act, article 13, faute pénale par un agent public 1. Un fonctionnaire commet une faute pénale (a) … (e) si lui ou toute personne pour son compte est en possession ou, à tout moment pendant la période de ses fonctions, a été en possession de biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses sources de revenus connues et dont il ne peut expliquer l’origine de façon satisfaisante. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  85 Cette infraction est également punissable d’une peine de prison minimum d’un an et pou- vant atteindre sept ans, ainsi que d’une amende. Jamaïque: 2005, Corruption (Prevention) Act Section 14.1. Un agent public commet un acte de corruption s’il (a) détient des avoirs dispro- portionnés par rapport à ses revenus légaux et (b) dès lors qu’il lui est fait la demande par la commission ou par toute personne dûment autorisée à enquêter sur des allégations de corrup- tion faites à son endroit de fournir une explication sur la manière dont il a obtenu les avoirs en question, (i) ne parvient pas à s’exécuter ou (ii) donne une explication qui n’est pas considérée comme satisfaisante. Il est alors susceptible de poursuites pour l’infraction d’enrichissement illicite et, en cas de condamnation, encourt la peine spécifiée à la section 15(1). Section 5(A). Constituera une défense pour la personne mise en examen pour l’infraction d’enrichissement illicite que de démontrer au tribunal qu’il a obtenu les avoirs en question d’une manière licite. Section 15. 1. Toute personne qui commet un acte de corruption commet une infraction et est pénalement responsable (a) sur condamnation sommaire devant un tribunal d’instance, (i) dans le cas d’une première infraction, à une amende ne pouvant excéder 1.000.000 de dollars (JMD) ou à une peine de prison ne pouvant excéder deux années, ou aux deux et (iii) dans le cas d’une récidive, à une amende ne pouvant excéder 3.000.000 de dollars (JMD) ou à une peine de prison ne pouvant excéder trois années, ou aux deux. 2. Sur condamnation par un tribunal itinérant, (i) dans le cas d’une première infraction, à une amende ne pouvant excéder 5.000.000 dollars (JMD) ou à une peine de prison ne pouvant excéder cinq années, ou aux deux, et (ii) dans le cas d’une récidive, à une amende ne pou- vant excéder 10.000.000 dollars (JMD) et à une peine de prison ne pouvant excéder 10 années, ou aux deux. Liban: 1999, Loi no. 154 sur le patrimoine illicite Article 1. Le patrimoine illicite est considéré comme (1) du patrimoine acquis par l’employé ou la personne exerçant une fonction de service public ou le juge de l’espèce et leurs com- plices, par corruption ou trafic d’influence ou abus de position, ou par l’exploitation de tout travail leur ayant été assigné (articles 351 à 366 du Code Pénal), ou par tout moyen illégal même si celui-ci ne constitue pas une infraction pénale ; (2) l’enrichissement d’un employé ou de toute personne exerçant une fonction de service public , du juge de l’espèce et de toute autre personne physique ou morale, soit par acquisition soit par l’obtention de licences d’exportation et d’importation ou d’autres bénéfices de type différent, si cet enrich- issement est obtenu en contravention avec la loi ; (3) l’obtention ou la mauvaise attribution de contrats, concessions et licences accordés par toute personne du secteur public de manière à contribuer à un bénéfice, si la chose est effectuée en contravention avec la loi. Article 9. Les dispositions de la procédure pénale s’appliquent à toute enquête portant sur des faits d’enrichissement illicite, et les dispositions du code pénal s’appliquent dans les cas de patrimoine illicite constituant une infraction pénale. 86 I Les Profiteurs Lesotho: 1999, Prevention of Corruption and Economic Offenses Act no. 5 Possession de biens inexpliqués. Section 31(1). Le directeur ou tout autre agent du direc- torat autorisé par écrit par le directeur peut enquêter sur tout agent public dès lors qu’existent des motifs raisonnables de soupçonner que cette personne (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents ou (b) contrôle ou détient des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents et soupçonnés d’avoir été acquis illégalement. 2. Un agent public est présumé avoir commis l’infraction de corruption s’il ne parvient pas à donner une explication satisfaisante au directeur ou à l’agent en charge de l’enquête au titre de la sous-section 1 quant à la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie ou dont de tels biens ou ressources pécuniaires ont fini sous son contrôle ou en sa possession. 3. Lorsqu’un tribunal est convaincu au cours d’une procédure pour une infraction définie à la sous-section 2 qu’en tenant compte de la proximité de sa relation avec l’accusé et d’autres circonstances, il existe des raisons de croire qu’une personne détenait des ressources pécu- niaires ou des biens sous forme de donation ou de prêt sans considération adéquate pour le compte de l’accusé, lesdits ressources ou biens seront, jusqu’à preuve du contraire, présu- més avoir été sous le contrôle de l’accusé. 4. Toute personne qui commet l’infraction de corruption ou de fraude fiscale conformément à cette partie encourra, sur condamnation, une amende d’au moins 5.000 maloti (LSL) et ne pouvant excéder 10.000 maloti (LSL) ou une peine de prison comprise entre cinq et dix ans, ou les deux. Dans le cas des personnes exerçant une profession juridique, l’amende ne pourra être inférieure à 10.000 maloti (LSL). Macédoine : 1996, Code pénal, Enrichissement illicite et dissimulation de biens, article 359(a) 1. Un officiel ou personne responsable d’une entreprise publique, institution publique ou autre entité légale qui dispose de capitaux publics et qui contrairement à ses obligations légales de déclarer son statut patrimonial ou tout changement de celui-ci fournit des infor- mations fausses ou incomplètes concernant ses biens ou ceux des membres de famille alors que ceux-ci excèdent de manière significative son revenu légal sera condamné à une peine de prison de six mois à cinq and ainsi qu’à une amende. 2. La peine mentionnée au paragraphe 1 de cet article sera appliquée à tout officiel ou per- sonne responsable d’une entreprise publique, d’une institution publique ou de tout autre entité légale disposant de capitaux publics, dès lors qu’il est établi au cours d’une procédure conforme au droit qu’au cours de la période durant laquelle il a exercé ses fonctions ou occupé son poste qu’il a – lui ou un membre de sa famille – obtenu des biens qui excèdent de manière significative ses revenus légitimes, a fourni de fausses informations ou dis- simulé les véritables sources de ces biens. 3. Si l’infraction mentionnée aux paragraphes 1 et 2 de cet article est commise et porte sur des biens qui excèdent largement les revenus légitimes de l’accusé, ce dernier sera condamné à une peine de prison d’un à huit ans ainsi qu’à une amende. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  87 4. L’accusé ne sera pas punissable pour les faits visés par les paragraphes 2 et 3 de cet article s’il fournit au tribunal des explications acceptables eu égard à l’origine des biens con- cernés au cours de la procédure. 5. Les biens excédant les revenus légitimes de l’accusé et pour lesquels il a fourni des infor- mations fausses ou incomplètes, ou n’a pas fourni de données ou dont il a dissimulé les véritables sources seront confisqués, et si la confiscation n’est pas possible, alors d’autres biens de l’accusé ayant une valeur équivalente seront confisqués. 6. Les biens visés au paragraphe 5 de cet article seront confisqués aux membres de la famille de l’accusé pour le compte desquels les biens ont été obtenus et à qui ils ont été transférés s’il est évident qu’une compensation équivalente à la valeur des dits biens n’a pas été obtenue, ainsi qu’à tout tiers qui ne parviendrait pas à prouver avoir fourni une compen- sation de valeur adéquate. Madagascar : 2004, Loi no. 2004-030 sur la lutte contre la corruption Sera punie d’une peine de prison de six mois à cinq ans et d’une amende comprise entre 50.000.000 de francs malagasy (FMG) ou 10.000.000 d’ariary (MGA) et 200.000.000 FMG ou 40.000.000 MGA, toute personne dépositaire de l’autorité publique ou en charge d’une mis- sion de service public, toute personne investie d’un mandat électoral, tout dirigeant, manda- taire ou employé d’une société publique qui ne peut raisonnablement justifier une augmen- tation significative de son patrimoine eu égard à ses revenus légitimes. Sera punie de la même peine toute personne qui aura sciemment assuré la garde des biens ou ressources des personnes citées ci-dessus. L’enrichissement illicite est une infraction continue caractérisée par la détention d’un patri- moine personnel et l’utilisation de ressources illicites. Des preuves de l’origine licite des de l’enrichissement ou des ressources concernées peuvent être présentées par tout moyen. Cependant, sera exemptée des poursuites au titre des dispositions de cet article toute per- sonne qui, avant l’ouverture d’une enquête ou l’envoi d’une citation directe, aura révélé les faits pertinents aux autorités judiciaires ou administratives et permis ainsi l’identification et la condamnation de l’auteur principal de l’infraction. Le jugement valant condamnation peut également ordonner la confiscation au profit de l’Etat, d’une organisation gouvernementale, du public et d’organismes parapublics, de tout ou partie des avoirs de la personne condamnée à concurrence du montant du préjudice subi. Malawi : 1995, Corrupt Practices Act Section 32. 1. Le directeur, le vice-directeur, ou tout autre agent du bureau autorisé par écrit par le directeur peut enquêter sur tout agent public dès lors qu’existent des motifs raison- nables de croire que cet agent public (a) entretient un train de vie supérieur à celui corres- pondant à ses émoluments officiels passés ou présents ou à ses autres sources connues de revenus ; (b) contrôle ou détient des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses émoluments officiels passés ou présents et autres sources de revenus ; ou (c) jouit directement ou indirectement du bénéfice de tout service qu’il peut être raisonnable- 88 I Les Profiteurs ment soupçonné de recevoir dans le cadre d’un système de corruption ou dans des circons- tances qui constituent une infraction au titre de cette loi. 2. Tout agent public qui, après enquête menée conformément aux dispositions de la sous- section 1, est établi comme ayant (a) entretenu un train de vie supérieur à celui correspon- dant à ses émoluments officiels passés ou présents ou à ses autres sources connues de revenus ; (b) contrôlé ou possédé des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses émoluments officiels passés ou présents ou à ses autres sources connues de revenus, ou (c) jouit directement ou indirectement du bénéfice de tout service qu’il peut raisonnablement être soupçonné d’avoir reçu dans le cadre d’un système de corruption ou dans des circonstances qui constituent une infraction au titre de cette loi sera, s’il ne parvi- ent pas à donner une explication raisonnable, mis en examen pour avoir ou avoir eu sous son contrôle ou en sa possession des biens ou ressources pécuniaires raisonnablement soup- çonnées d’avoir été acquis dans le cadre d’un système de corruption et, à moins qu’il ne puisse donner une explication satisfaisante au tribunal sur la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie, ou sur la manière dont de tels biens ou ressources pécuniaires se sont retrouvés sous son contrôle ou en sa possession, ou sur la manière dont il est parvenu à jouir des bénéfices des dits services, reconnu coupable d’une infraction. 3. Dans cette section (i) « émoluments officiels » inclut toute pension, indemnité ou autre allocation ; (ii) « agent public » inclut toute personne qui a exercé des fonctions d’agent public à la date du 6 juillet 1964 ou ultérieurement. Section 34. Toute personne reconnue coupable d’une infraction au titre de cette partie encourra une peine de prison de 12 ans. Section 35. Toute personne qui tente de commettre, ou aide à commettre, facilite la commis- sion, conseille dans le sens de commettre ou conspire pour commettre, en association avec toute personne, une infraction au titre de cette partie sera coupable de la même infraction. Malaisie : 1997, Anti-Corruption Act, article 32 Dès lors que le Ministère Public a des motifs raisonnables de croire que tout agent d’une administration publique qui s’est vu légalement notifier conformément à la sous-section 1 détient, possède, contrôle ou jouit de la propriété de tout intérêt dans tout bien dont la valeur est excessive eu égard à ses émoluments passés ou présents et à toute autre circonstance pertinente, le Ministère Public peut sur instructions écrites exiger de cet agent public qu’il fournisse une déclaration ou affirmation sous serment expliquant comment il a pu détenir, posséder, contrôler ou se trouver propriétaire de tels intérêts excessifs et, si ce dernier ne parvient pas à fournir une explication satisfaisante de cet excès, il sera reconnu coupable d’une infraction et encourra sur condamnation (a) une peine de prison comprise entre 14 jours et 20 ans et (b) une amende minimum de cinq fois la valeur de l’excès, si l’excès est évaluable, ou de 20.000 ringgit (MYR), selon le montant le plus élevé des deux. Mexique : 2003, Code pénal fédéral, article 224, Enriquecimiento Illicito Se sancionará a quien con motivo de su empleo, cargo, o comisión en el servicio público, Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  89 haya incurrido en enriquecimiento ilícito. Existe enriquecimiento ilícito cuando el servidor público no pudiere acreditar el legítimo aumento de su patrimonio o la legítima procedencia de los bienes a su nombre o de aquellos respecto de los cuales se conduzca como dueño, en los términos de la Ley Federal de Responsabilidades de los Servidores Públicos. Incurre en responsabilidad penal, asimismo, quien haga figurar como suyos bienes que el servidor público adquiera o haya adquirido en contravención de lo dispuesto en la misma ley, a sabiendas de esta circunstancia. Al que cometa el delito de enriquecimiento ilícito se le impondrán las siguientes sanciones: Decomiso en beneficio del estado de aquellos bienes cuya procedencia no se logre acreditar ­ esponsabilidades de los Servidores Públicos. de acuerdo con la Ley Federal de R Cuando el monto a que ascienda el enriquecimiento ilícito no exceda del equivalente de 5,000 veces el salario mínimo diario vigente en el Distrito Federal, se impondrán de tres meses a dos años de prisión, multa de 30 a 300 veces el salario mínimo diario vigente en el Distrito Federal al momento de cometerse el delito y destitución e inhabilitación de tres meses a dos años para desempeñar otro empleo, cargo, o comisión públicos. Cuando el monto a que ascienda el enriquecimiento ilícito exceda del equivalente de 5,000 veces el salario mínimo diario vigente en el Distrito Federal, se impondrán de dos años a 14 años de prisión, multa de 300 a 500 veces el salario mínimo diario vigente en el Distrito Federal al momento de cometerse el delito y destitución e inhabilitación de dos años a 14 años para desempeñar otro empleo, cargo o comisión públicos. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010 e)): Des sanctions s’appliqueront à quiconque commet l’infraction d’enrichissement illicite du fait de son poste, sa fonction ou sa charge. L’enrichissement illicite existe dès lors qu’un agent public est incapable de prouver le carac- tère légitime d’une augmentation de sa valeur nette ou l’origine légale des avoirs détenus en son nom ou dont il est le détenteur, conformément à la loi fédérale sur les responsabilités des agents publics. La responsabilité pénale est également engagée pour toute personne qui fait sciemment passer pour siens des avoirs acquis par un agent public en contravention des dispositions de cette loi. Les sanctions suivantes s’appliqueront à ceux qui commettent l’infraction d’enrichissement illicite: confiscation, au profit de l’Etat, des avoirs qui ne peuvent être accrédités en accord avec la loi fédérale sur les responsabilités des agents publics. Lorsque le montant de l’enrichissement illicite n’excède par l’équivalent de 5.000 fois le salaire journalier minimum en vigueur dans le District Fédéral, la sanction sera une peine de prison comprise entre trois mois et deux ans, une amende comprise entre 30 et 300 fois le salaire journalier minimum en vigueur dans le District Fédéral au moment où l’infraction a été commise, le renvoi et l’exclusion de tout emploi, poste ou mandat dans la fonction publique pour une période comprise entre trois mois et deux ans. Lorsque le montant de l’enrichissement illicite excède l’équivalent de 5.000 fois le salaire journalier minimum en vigueur dans le District Fédéral, la sanction sera une peine de prison 90 I Les Profiteurs comprise entre deux et 14 ans, une amende comprise entre 300 et 500 fois le salaire jour- nalier minimum en vigueur dans le District Fédéral au moment où l’infraction a été commise, le renvoi et l’exclusion de tout emploi, poste ou mandat dans la fonction publique pour une période comprise entre deux et 14 ans. Népal: 2009, The Prevention of Corruption Act, article 20, Property Deemed to be Acquired Illegally 1. Dans le cas où la déclaration de patrimoine soumise conformément aux lois en vigueur par un agent public ayant exercé une fonction publique, conformément aux lois en vigueur, semble incompatible ou invraisemblable, ou dans le cas où cet agent public entretient un train de vie incompatible ou invraisemblable, ou s’il est prouvé que cet agent public a accordé à quelqu’un une donation, un cadeau, une subvention ou un présent ou prêté de l’argent au-delà de ses capacités, il devra prouver la source par laquelle il a acquis les biens en question et, s’il n’y parvient pas, ces biens seront considérés comme ayant été acquis de manière illégale. 2. Dans les cas où il a été prouvé qu’un agent public a acquis des biens de manière illégale conformément à la définition établie à la sous-section 1, il encourra une peine de prison ne pouvant excéder deux ans selon la valeur des biens ainsi acquis ainsi qu’une amende cor- respondant à la valeur des dits biens. Les biens illégalement acquis seront également con- fisqués. Nicaragua : 2008, Loi no. 641 de 2008 (Code Pénal), article 448, Enriquecimiento Illicito La autoridad, funcionario, o empleado público, que sin incurrir en un delito más severamente penado, obtenga un incremento de su patrimonio con significativo exceso, respecto de sus ingresos legítimos, durante el ejercicio de sus funciones y que no pueda justificar razonable- mente su procedencia, al ser requerido por el órgano competente señalado en la ley, será sancionado de tres a seis años de prisión e inhabilitación por el mismo período para ejercer cargos o empleos públicos. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010f)): Toute autorité, tout officiel ou employé public qui, sans pour autant commettre une infraction plus sévèrement réprimée, obtient une aug- mentation de sa valeur nette qui est significativement supérieure à ses revenus légitimes dans le cadre de l’exercice de ses fonctions et dont il ne peut raisonnablement expliquer l’origine lorsqu’il le lui est demandé par l’institution compétente spécifiée par la loi, encourra une peine de prison comprise entre trois et six ans et une exclusion de toute fonction ou poste public pour une période de la même durée. Niger: 1992, Ordonnance no. 92-024 du 18 Juin 1992, Portant Répression de l’Enrichissement Illicite Article 1. Le délit d’enrichissement illicite est constitué lorsqu’il est établi qu’une personne possède un patrimoine et/ou mène un train de vie que ses revenus licites ne lui permettent pas de justifier. Article 4. Dès lors qu’est ouverte une information pour enrichissement illicite, le ministère public adresse une réquisition à la personne visée par ladite information afin qu’elle lui com- munique l’état de son patrimoine et les modalités de sa constitution; la nature et le montant de ses revenus. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  91 Pakistan: 1999, National Accountability Ordinance, Article 9, Corruption and Corrupt Practices ; Prevention of Corruption Act 1947 (amendé en 1960), section 5-C, Possession of Property Disproportionate to Known Sources of Income National Accountability Ordinance, Article 9. Le titulaire d’une fonction publique, ou toute autre personne, est considéré commettre ou avoir commis l’infraction de corruption : … (v) si il possède, détient, ou a tout droit sur ou titre à, lui ou quiconque parmi les personnes dont il a la charge ou parmi ses benamidars, tout bien meuble ou immeuble ou ressource pécuni- aire disproportionné par rapport à ses sources de revenus connus et dont il ne peut raison- nablement justifier l’origine. Toutes les infractions visées par ce texte ne peuvent faire l’objet d’une libération sous cau- tion et, indépendamment de toute disposition contenue aux sections 426, 491, 497, 498 et 561A ou de toute autre disposition figurant dans le Code ou dans toute autre loi présente- ment en vigueur, et nul tribunal, y compris la High Court, n’a la compétence pour accorder une libération sous caution à toute personne accusée de toute infraction visée par ce texte. Prevention of Corruption Act 1947, section 5-C. 1. Tout fonctionnaire qui détient tout bien, meuble ou immeuble, soit en son nom propre soit sous le nom de toute autre personne, dont il existe des raisons de croire qu’il a été acquis par des moyens impropres et dont il est prouvé qu’il est disproportionné par rapport aux sources de revenus connues de ce fonction- naire sera, s’il ne parvient pas à expliquer de manière satisfaisante la possession de ces biens au tribunal le jugeant, punissable d’une peine de prison pouvant atteindre sept ans et d’une amende, et sur condamnation pour ces motifs, les biens estimés par le tribunal comme disproportionnés par rapport aux revenus connus de l’accusé seront confisqués au profit du gouvernement provincial. La référence figurant dans la sous-section 1 aux biens acquis de manière impropre doit être entendue comme signifiant tout bien acquis par des moyens contraires à la loi ou à tout règlement ou instrument ayant force de loi ou par coercition, influence indue, fraude ou fausse déclaration au sens défini par le Contract Act, 1872. Panama : 2008, Code Pénal du Panama, article 345, Enriquecimiento Injustificado El servidor público que, personalmente o por interpuesta persona, incremente indebida- mente su patrimonio respecto a los ingresos legítimos obtenidos durante el ejercicio de su cargo y hasta cinco años después de haber cesado en el cargo, y cuya procedencia lícita no pueda justificar será sancionado con prisión de tres a seis años. La pena será de seis a doce años de prisión si lo injustificadamente obtenido supera la suma de B 100,000 (balboas). La misma sanción se aplicará a la persona interpuesta para disimular el incremento patrimo- nial no justificado. Para efectos de esta disposición, se entenderá que hay enriquecimiento injustificado, no solo cuando el patrimonio se hubiera aumentado con dinero, cosas, o bienes, respecto a sus ingresos legítimos, sino también cuando se hubieran cancelado deudas o extinguido obliga- ciones que lo afectaban. 92 I Les Profiteurs Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010g)): Tout fonctionnaire qui, soit personnellement soit par l’intermédiaire d’un tiers, a accru de manière indue son patrimoine par rapport au revenu légitime accumulé dans l’exercice de ses fonctions et jusqu’à cinq ans après avoir quitté son poste, patrimoine dont il ne peut prouver la provenance, encourra une peine de trois à six ans d’emprisonnement. La peine sera de six à douze ans si le montant injustifié obtenu excède la somme de 100.000 balboas (PAB). La même peine sera appliquée à tout tiers utilisé pour dissimuler l’augmentation injustifiée de patrimoine. Dans le cadre de cette disposition, l’enrichissement injustifié sera considéré comme avéré non seulement lorsqu’il y aura eu une augmentation du patrimoine en terme d’argent, d’objets ou de biens par rapport au revenu légitime, mais aussi lorsque des dettes auront été remboursées ou des obligations éteintes. Paraguay: 2004, Ley no. 2.523/04, Article 3, Que Previene, Tipifica, y Sanciona el Enriquecimiento Ilícito en la Función Pública y el Tráfico de Influencias 1. Comete hecho punible de enriquecimiento ilícito y será sancionado con pena privativa de libertad de uno a 10 años, el funcionario público comprendido en cualquiera de las situaciones previstas en el Artículo 2º, quien con posterioridad al inicio de su función, incurra en cualquiera de las siguientes situaciones: (a) haya obtenido la propiedad, la posesión, o el usufructo de bienes, derechos, o servicios, cuyo valor de adquisición, posesión o usufructo sobrepase sus legítimas posibilidades económicas, y los de su cónyuge o conviviente; (b) haya cancelado, luego de su ingreso a la función pública, deudas o extinguido obligaciones que afectaban su patrimonio, el de su cónyuge o su conviviente, y sus parientes hasta el segundo grado de consanguinidad y de afinidad, en condiciones que sobrepasen sus legítimas posibilidades económicas. 2. Será aplicable también a los casos previstos en el inciso 1 de este artículo, la pena complemen- taria prevista en el Artículo 57 del Código Penal. Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2009d): L’article 3 dispose que l’infraction d’enrichissement illicite est commise par tout agent public couvert par toute situation prévue par l’article 234 qui, après avoir pris ses fonctions, se trouve dans l’une des situations suiv- antes : (a) il a obtenu la propriété, la possession ou l’usage et la jouissance de biens, de droits ou de services qui correspondent à une valeur en terme d’achat, de possession, d’usage ou de jouissance excédant ses capacités économiques légitimes et celles de son conjoint ou compagnon ; (b) à la suite de son entrée dans la fonction publique, il a remboursé des dettes ou obtenu l’extinction d’obligations modifiant ainsi sa valeur nette, ou celle de son conjoint ou compagnon ou de ses parents par lien de sang jusqu’au second degré ou par lien matrimonial, dans des conditions excédant ses capacités économiques légitimes. Pérou : 1991, Loi 28355 de 2004, Enriquecimiento Illicito (Loi amendant plusieurs articles du Code Pénal et Loi contre le Blanchiment d’Argent), qui modifie l’article 401 (sur l’enrichissement illicite) du Code Pénal péruvien Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  93 El funcionario o servidor público que ilícitamente incrementa su patrimonio, respect de sus ingresos legítomos durante el ejercicio de sus funciones y que no pueda justificar razonablemente, será reprimido con pena privative de libertad no menor de cinco ni mayor de 10 años e inhabilitación conforme a los incisos 1 y 2 del Articulo 36º del Código Penal. Si el agente es un funcionario público que haya ocupado do cargos de alta dirección en las entidades u organismos de la administración pública o empresas estatales, o esté sometido a la prerrogativa del antejuicio y la acusación constitucional, la pena será no menor de ocho ni mayor de 18 años e inhabilitación conforme a los incisos 1 y 2 del Artículo 36º del Código Penal. Se considera que existe indicio de enriquecimiento ilícito cuando el aumento del patrimonio y/o del gasto económico personal del funcionario o servidor público, en consideración a su declaración jurada de bienes y rentas, es notoriamente superior al que normalmente haya podido tener en virtud de sus sueldos o emolumentos percibidos, o de los incrementos de su capital, o de sus ingresos por cualquier otra causa lícita. Traduction: Tout agent public ou fonctionnaire qui accroît illégalement ses avoirs au-delà de ses revenus légitimes dans l’exercice de ses fonctions et qui ne peut raisonnablement justi- fier un tel accroissement encourra une peine de prison comprise entre cinq et dix ans ainsi qu’une inéligibilité conformément aux articles 36(1) et (2) du Code Pénal. Si l’agent public est un officiel du gouvernement qui a exercé des fonctions de haut rang auprès d’entités ou d’agences de l’administration ou d’entreprises d’Etat, ou s’il est sujet à une procédure de destitution, il encourra une peine de prison comprise entre huit et dix-huit ans ainsi qu’une inéligibilité conformément aux articles 36(1) et (2) du Code Pénal. Des indices d’enrichissement illicite sont considérés comme probant quand l’augmentation des avoirs et/ou des dépenses de l’officiel gouvernemental ou agent public, compte tenu de sa déclaration sous serment de revenus et de patrimoine, est clairement supérieure à ce qu’elle devrait être sur la base du salaire ou émoluments reçus ou de toute augmentation de capital ou revenus obtenue pour toute autre raison licite. Philippines : 1978, Anti-Graft and Corrupt Practices Act, section 8, Prima Facie Evidence of and Dismissal due to Unexplained Wealth Si, conformément aux dispositions du Republic Act no. 1379, un agent public a été établi comme ayant acquis pendant sa période en fonction, soit en son nom soit au nom d’autres personnes, un montant en biens ou en argent manifestement disproportionné par rapport à son salaire et à ses autres sources de revenus licites, ce fait constituera un motif de renvoi ou de licenciement. Les biens au nom du conjoint et des enfants célibataires d’un tel agent public peuvent être pris en considération lorsque leur acquisition par des moyens légitimes ne peut être démontrée de manière satisfaisante. Les comptes bancaires seront également considérés lors de l’application de cette section indépendamment de toute disposition juridique du contraire. 94 I Les Profiteurs Rwanda: 2003, Article 24 de la Loi no. 23/2003, Relative à la Prévention et à la Répression de la Corruption et des Infractions Connexes Article 24. Se sera rendu coupable d’enrichissement illicite, tout agent de l’etat et toute autre personne qui se sera enrichi sans pouvoir prouver que cet enrichissement est juste et légal. Sera puni d’une peine d’emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende portée au double jusqu’à 10 fois la valeur du bien dont il n’est pas à mesure de justifier l’origine licite. La juridiction ordonne d’office la confiscation des biens ou des revenus faisant l’objet de l’infraction. Senegal: 1981, Penal Code of Senegal, Article 163, de l’Enrichissement Illicite L’enrichissement illicite de tout titulaire d’un mandant public électif ou d’une fonction gouvernementale, de tout magistrat, agent civil ou militaire de l’etat, ou d’une collectivité publique, d’une personne revêtue d’un mandat public, d’un dépositaire public ou d’un officier public ou ministériel, d’un dirigeant ou d’un agent de toute nature des établisse- ments publics, des sociétés nationales, des sociétés d’économie mixte soumises de plein droit au contrôle de l’etat, des personnes morales de droit privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, des ordres professionnels, des organismes privés chargés de l’exécution d’un service public, des associations ou fondations recon- nues d’utilité publique, est puni d’un emprisonnement de cinq à 10 ans et d’une amende au moins égale au montant de l’enrichissement et pouvant être portée au double de ce montant. Le délit d’enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en demeure, une des personnes désignées ci-dessus, se trouve dans l’impossibilité de justifier de l’origine licite des ressources qui lui permettent d’être en possession d’un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses revenus légaux. L’origine licite des éléments du patrimoine peut être prouvée par tout moyen. Toutefois la seule preuve d’une libéralité ne suffit pas à justifier de cette origine licite. Dans le cas où l’enrichissement illicite est réalisé par l’intermédiaire d’un tiers ou d’une per- sonne physique dirigeant la personne morale seront poursuivis comme complices de l’auteur principal. Sierra Léone : 2008, Anti-corruption Act, article 27 1. Toute personne qui, étant ou ayant été un agent public détenant un patrimoine inexpliqué, (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses émoluments officiels passés ou présents ou (b) contrôle des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses émoluments officiels passés ou présents, à moins qu’il ne donne au tribunal une explica- tion satisfaisante de la manière dont il a pu entretenir un tel train de vie ou dont de tels biens ou ressources pécuniaires sont passés sous son contrôle, commet une infraction. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  95 2. Lorsqu’un tribunal est convaincu dans toute procédure portant sur une infraction définie au paragraphe b de la sous-section 1 que, compte tenu de la proximité de sa relation avec l’accusé et des autres circonstances, il existe des raisons de croire qu’une personne déte- nait des biens ou ressources pécuniaires en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé, ou avait acquis de tels biens ou ressources pécuniaires sous la forme d’une donation de la part de l’accusé, de tels biens ou ressources seront, jusqu’à preuve du con- traire, considérées comme ayant été sous le contrôle ou en possession de l’accusé. 3. Toute personne coupable d’une infraction au titre de la sous-section 1 encourra, en cas de condamnation, une amende minimale de 30.000.000 de leones (SLL) ou une peine de prison minimale de trois ans, ou les deux. 4. En plus de toute peine ordonnée au titre de la sous-section 1, le tribunal peut ordonner à une personne condamnée pour une infraction définie au paragraphe b de la sous-section 1 de payer au Fond Consolidé (a) une somme ne pouvant excéder la valeur des ressources pécuniaires en question ou (b) une somme ne pouvant excéder la valeur des biens dont l’acquisition par cette personne n’a pas été expliquée au tribunal de manière satisfaisante. 5. Un jugement au titre de la sous-section 4 sera appliqué de la même manière qu’un juge- ment de la Haute Cour en sa compétence civile. 6. Dans cette section, le terme « émoluments officiels » inclut toute pension ou indemnité payable au titre de la Sécurité Sociale Nationale et de l’Insurance Trust Act no. 5 de 2001. Ouganda : 2009, Anti-Corruption Act 2009, section 31, Enrichissement illicite 1. L’inspecteur général du gouvernement ou le directeur du parquet ou un agent autorisé peuvent enquêter, ou initier une enquête, sur toute personne dès lors qu’existent des motifs raisonnables de soupçonner que cette personne (a) entretient un train de vie supérieur à celui correspondant à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents ou (b) contrôle ou détient des biens ou ressources pécuniaires disproportionnés par rapport à ses avoirs ou sources de revenus connus passés ou présents. 2. Toute personne détenant des biens ou ressources pécuniaires illicitement acquis commet une infraction et encourt, en cas de condamnation, une peine de prison ne pouvant excéder 10 ans ou une amende ne pouvant excéder 240 points-devise, ou les deux. 3. Lorsqu’un tribunal est convaincu dans toute procédure portant sur une infraction définie dans la sous-section 2 que, compte tenu de la proximité de sa relation avec l’accusé et des autres circonstances pertinentes, il existe des raisons de croire qu’une personne détenait des biens ou ressources pécuniaires en fiducie ou d’une autre manière pour le compte de l’accusé, ou avait acquis de tels biens ou ressources pécuniaires sous la forme d’une dona- tion ou d’un prêt sans considérations adéquates de la part de l’accusé, de tels biens ou res- sources seront, jusqu’à preuve du contraire, considérés comme ayant été sous le contrôle ou en possession de l’accusé. 4. Lors de toutes poursuites pour des faits de corruption ou de toute procédure menée au titre de cette loi, un certificat délivré par un évaluateur officiel ou un expert en évaluation nommé par l’inspecteur général du gouvernement ou par le directeur du parquet et portant 96 I Les Profiteurs sur la valeur des avoirs ou bénéfices ou sources de revenus concernés est admissible et vaut preuve de la valeur des dits avoirs jusqu’à preuve du contraire. République Bolivarienne du Venezuela: Loi anti-corruption, article 73 Traduction (traduit de l’anglais, OEA (2010b)): Tout fonctionnaire qui dans le cadre de ses fonctions obtient une augmentation de sa valeur nette disproportionnée par rapport à ses revenus et qu’il ne parvient pas à justifier lorsqu’il le lui est demandé, et dans la mesure où cela ne constitue pas une autre infraction, encourra une peine de prison de trois à dix ans. La même peine s’appliquera à tout tiers qui sera intervenu pour dissimuler une telle augmen- tation de valeur nette. Gaza et territoires palestiniens: 2005, Loi no. 1 de 2005 Concernant les Gains Illégaux (amendée en 2010, désormais nommée Anti-corruption no.1 de 2005) Article 1. Sera également considéré comme un gain illégal toute augmentation de patri- moine survenant après la réalisation d’un service ou l’exploitation d’une capacité chez toute personne sujette aux dispositions de la présente loi, son conjoint ou ses descendants mineurs, dès lors que cette augmentation n’est pas compatible avec leurs revenus et que cette personne ne parvient pas à fournir les preuves de sa source légitime. Article 25. Toute personne qui obtient pour elle-même ou pour d’autres un gain illégal, ou qui permet d’autres de le faire, encourra les peines suivantes : (1) emprisonnement temporaire, (ii) restitution du montant du gain illégal et de tout avoir inscrit à son actif et constituant un gain illégal, (iii) paiement d’une amende égale au montant du gain illégal. Les dispositions relatives à l’enrichissement illicite  I  97 Annexe B.  Les juridictions ayant des dispositions relatives à l’enrichissement illicite et leur classement pour l’Etat de Droit, le contrôle de la corruption et le PNB par habitant, 2009 Juridiction Etat de Droit Contrôle de la PNB par (rang sur 214) corruption habitant (rang sur 211) (rang sur 174) Algérie 156 132 85 Angola 187 200 94 Antigua et Barbuda 39 26 49 Argentine 150 131 49 Bangladesh 154 176 148 Bhoutan 87 53 128 Bolivia 192 143 110 Botswana 71 52 — Brunei Darussalam 60 45 — Chine 117 135 89 RAS de Hong Kong, Chine 21 13 9 RAS de Macao, Chine 68 68 3 Colombie 129 110 76 Costa Rica 74 58 70 Cuba 147 75 — Equateur 197 174 84 Egypte, République Arabe d’ 97 125 95 El Salvador 165 99 90 Ethiopie 164 155 163 Gabon 131 173 51 Guyana 143 137 120 Honduras 169 168 114 (suite) 99 Juridiction Etat de Droit Contrôle de la PNB par (rang sur 214) corruption habitant (rang sur 211) (rang sur 174) Inde 95 113 119 Jamaïque 135 127 87 Liban 145 163 61 Lesotho 113 80 146 Madagascar 158 105 162 Malawi 110 130 168 Malaisie 75 89 55 Mexique 141 108 54 Népal 175 158 157 Nicaragua 167 160 147 Niger 146 146 170 Pakistan 172 183 126 Panama 102 107 62 Paraguay 178 167 106 Pérou 149 116 79 Philippines 138 154 117 Rwanda 136 — 164 Sénégal 115 81 141 Sierra Leone 176 136 166 Ouganda 127 177 153 Venezuela, R. B. 194 166 65 Bande de Gaza et territoires 118 207 — palestiniens Source: World Bank Institute, Worldwide Governance Indicators and World Bank data, 2009. Note: — Non-classé 100 I Les Profiteurs Annexe C.  Le questionnaire sur l’enrichissement illicite Informations contextuelles Nom du pays  Contacts: Cadre juridique 1. L’ENRICHISSEMENT ILLICITE est-il criminalisé dans votre pays  ? (dans le cadre de cette étude, l’enrichissement illicite est la criminalisation d’une augmen- tation substantielle des avoirs d’un agent public qu’il ou elle ne peut raisonnable- ment expliquer eu égard à ses revenus licites.) Oui o Non o Si oui, merci de préciser le texte de loi pertinent ci-dessous. Si non, «  l’enrichissement illicite  » est-il incorporé dans d’autres instruments juridiques (code des impôts, textes de droit administratif, lois relatives à la con- fiscation, codes d’éthique, etc.)? Si oui, merci de préciser. 2. Quelles preuves sont nécessaires pour établir l’infraction d’enrichissement illic- ite? Quels types de preuves sont présentés devant les tribunaux? (documents, témoignages, etc.) 101 3. Comment la charge de la preuve change-t-elle au cours d’une procédure portant sur des faits d’enrichissement illicite? 4. D’après la jurisprudence de votre pays, qu’est-ce qui constitue une défense contre une accusation d’enrichissement illicite? Qu’est-ce qui constitue une « explication raisonnable » de la source des avoirs? Données d’application Pour cette section, si des statistiques sont disponibles et publiques, merci de nous fournir les données demandées pertinentes ci-après. Sinon, merci de nous donner des chiffres approximatifs. 5. Combien de dossiers d’enrichissement illicite ont été ouverts dans votre pays depuis le vote de la loi pertinente  Combien, en moyenne, sont ouverts chaque année? 6. Parmi les poursuites ouvertes pour enrichissement illicite, quel pourcentage a abouti à des condamnations? Coopération Internationale 7. Avez-vous déposé des demandes d’entraide judiciaire internationale en lien avec des poursuites ou des enquêtes portant sur des faits d’enrichissement illicite? Oui o Non o 102 I Les Profiteurs Si oui, avez-vous rencontré des problèmes dans l’obtention d’une telle aide ? Merci de préciser. Recouvrement d’avoirs 8. Quels avoirs sont sujets à recouvrement dans le cadre des procédures ouvertes pour des faits d’enrichissement illicite? 9. Avez-vous recouvré des avoirs en lien avec des poursuites pour des faits d’enrichissement illicite? Oui o Non o Si oui, à combien de reprises et pour quels montants? Obstacles 10. Quels sont les principaux obstacles aux enquêtes et aux poursuites portant sur des faits d’enrichissement illicite dans votre pays? Questionnaire sur l’enrichissement illicite  I  103 Bibliographie ADB (Asian Development Bank) and OECD (Organisation for Economic Co-operation and Development). 2006. Denying Safe Haven to the Corrupt and the Proceeds of Cor- ruption: Enhancing Asia-Pacific Cooperation on Mutual Legal Assistance, Extradition, and Return of the Proceeds of Corruption. Papers presented at the fourth Master Training Seminar of the ADB/OECD Anti-Corruption Initiative for Asia and the Pacific. Manila: OECD. ———. 2007. Mutual Legal Assistance, Extradition, and Recovery of Proceeds of Corruption in Asia and the Pacific Frameworks and Practices in 27 Asian and Pacific Jurisdictions: Thematic Review; Final Report. Anti-Corruption Initiative for Asia and the Pacific. Tokyo: ADB. http://www.adb.org/Documents/Books/MLA-Extradition- Thematic-Report/MLA-Extradition-Thematic-Report.pdf. 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Le plus souvent, la manifestation la plus visible de cette corruption réside dans l’enrichisse- ment d’un agent public corrompu. En dépit de cette visibilité, la poursuite des faits de corruption peut se révéler problématique, en particulier lorsqu’elle exige que soit démontré le versement ou l’acceptation d’un pot-de-vin. Même lorsque les faits de corruption sont établis par un tribunal, relier les produits du crime à l’infraction de manière à pouvoir recouvrer les avoirs concernés reste une entreprise complexe. En réponse à ce problème, certains pays cherchant à renforcer leur arsenal de lutte contre la corruption ont criminalisé l’enrichissement illicite. Dans son article 20, la Convention des Nations Unies contre la Corruption (CNUCC) recommande – sans l’imposer – aux États parties de créer une infraction d’enrichissement illicite définie comme toute « augmentation substantielle [et in- tentionnelle] du patrimoine d’un agent public que celui-ci ne peut raisonnablement justifier par apport à ses revenus légitimes. » L’infraction d’enrichissement illicite a suscité d’intenses débats concernant son impact sur les droits de la défense ; d’autres ont critiqué la manière dont l’infraction est utilisée par certaines juridictions. Enfin, de nombreux pays qui sont aussi d’importants centres financiers ne recon- naissent pas l’enrichissement illicite comme une infraction, ce qui complique la localisation et le recouvrement des avoirs dans le cadre de l’entraide judiciaire pour les poursuites visant ce type de faits. C’est dans ce contexte que cette étude s’efforce d’apporter aux décideurs, aux procureurs et aux autres praticiens une meilleure compréhension des caractéristiques de l’enrichissement il- licite. Elle s’appuie sur les travaux préparatoires aux conventions internationales, sur l’analyse des dispositions nationales existantes, et sur la jurisprudence en matière d’enrichissement illic- ite. L’initiative StAR espère que cette étude permettra d’informer les décideurs qui envisagent la création d’une infraction d’enrichissement illicite, ainsi que d’aider ceux qui la mettent en œuvre à renforcer l’efficacité des poursuites, de la confiscation et du recouvrement des avoirs.