84083 v2 FORUM POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne FORUM POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L’AFRIQUE L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Deon Filmer et Louise Fox avec Karen Brooks, Aparajita Goyal, Taye Mengistae, Patrick Premand, Dena Ringold, Siddharth Sharma et Sergiy Zorya Une publication conjointe de l’Agence française de développement et de la Banque mondiale © 2014 International Bank for Reconstruction and Development / The World Bank 1818 H Street NW, Washington DC 20433 Téléphone : 202-473-1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 17 16 15 14 Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de col- laborateurs extérieurs. La Banque mondiale et l’Agence française de développement ne sont pas nécessairement propriétaires de la totalité de son contenu. Elles ne garantissent donc pas que l’utilisation du contenu de l’ouvrage ne porte pas atteinte aux droits de tierces parties. L’utilisateur du contenu assume seul le risque de réclamation ou de plainte pour violation desdits droits. Les observations, interprétations et opinions exprimées dans cet ouvrage ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent, ni de l’Agence française de développement. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données reprises dans cet ouvrage. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Aucune des dispositions précédentes ne constitue une limite ou une renonciation à l’un des quelconques privilèges et immunités de la Banque mondiale, et ne peut être interprétée comme telle. Tous lesdits privilèges et immunités de la Banque mondiale sont expressément réservés. Droits et autorisations L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 Unported license (CC BY 3.0) (http://creativecommons.org/licenses/by/3.0. Conformément aux termes de la licence Creative Commons Attribution (paternité), il est possible de copier, distribuer, transmettre et adapter le contenu de l’ouvrage, notamment à des fins commerciales, sous réserve du respect des conditions suivantes : Attribution (Paternité) — L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Deon Filmer et Louise Fox. 2014. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne. Série Forum pour le Développement de l’Afrique. Washington, DC : Banque mondiale. doi:10.1596/978-1- 4648-0107-5. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0. Traductions — Si une traduction de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la paternité de l’ouvrage, le déni de responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été réalisée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de cette dernière. La Banque ne saurait être tenue responsable du contenu de la traduction ni des erreurs qui peuvent y figurer. Pour tout renseignement sur les droits et licences s’adresser au Service des publications et de la diffusion des connaissances de la Banque mondiale : Publishing and Knowledge Division, The World Bank, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, USA ; télécopie : 202-522-2625 ; courriel : pubrights@worldbank.org. ISBN (version papier) : 978-1-4648-0107-5 ISBN (version électronique) : 978-1-4648-0108-2 DOI : 10.1 596/978 – 1-4648-0107-5 Conception de la couverture : Critical Stages Photo de couverture : © Corbis ; autorisation nécessaire pour toute utilisation ultérieure. La demande des données de catalogage avant publication à la Bibliothèque du Congrès a été introduite. Série Forum pour le développement de l’Afrique Créée en 2009, la collection « Forum pour le développement de l’Afrique » s’intéresse aux grands enjeux sociaux et économiques du développement en Afrique subsaharienne. Chacun de ses numéros dresse l’état des lieux d’une problématique et contribue à alimenter la réflexion liée à l’élaboration des politiques locales, régionales et mondiales. Décideurs, chercheurs et étudiants y trouveront les résultats des travaux de recherche les plus récents, mettant en évidence les difficultés et les opportunités de développement du continent. Cette collection est dirigée par l’Agence française de développement et la Banque mon- diale. Pluridisciplinaires, les manuscrits sélectionnés émanent des travaux de recherche et des activités de terrain des deux institutions. Ils sont choisis pour leur pertinence au regard de l’actualité du développement. En travaillant ensemble sur cette collection, l’Agence française de développement et la Banque mondiale entendent renouveler les façons d’analyser et de comprendre le dévelop- pement de l’Afrique subsaharienne. Membres du comité consultatif Agence française de développement Jean-Yves Grosclaude, directeur de la stratégie Alain Henry, directeur de la recherche Philippe Cabin, responsable des publications, Département de la recherche Banque mondiale Francisco H. G. Ferreira, chef économiste, Région Afrique Richard Damania, économiste principal, Région Afrique Stephen McGroarty, directeur éditorial, Département des publications IBRD 394 January Afrique subsaharienne CAP- MAURITANIE VERT NIGER MALI SOUDAN ÉRYTHRÉE SÉNÉGAL TCHAD LA GAMBIE BURKINA FASO GUINÉE-BISSAU GUINÉE BÉNIN NIGÉRIA ÉTHIOPIE CÔTE GHANA RÉPUBLIQUE SIERRA LEONE SOUDAN D’IVOIRE CENTRAFRICAINE DU SUD LIBÉRIA CAMEROUN SOMALIE TOGO GUINÉE ÉQUATORIALE OUGANDA KENYA SAO TOMÉ-ET-PRINCIPE GABON CONGO RÉP. DÉM. RWANDA DU CONGO BURUNDI TANZANIE SEYCHELLES COMORES ANGOLA MALAWI Mayotte (Fr.) ZAMBIE MADAGASCAR ZIMBABWE MOZAMBIQUE MAURICE NAMIBIE BOTSWANA Réunion (Fr.) SWAZILAND LESOTHO AFRIQUE DU SUD Dans ce rapport, la dénomination « Afrique » est utilisée pour désigner l’« Afrique subsaharienne ». Dans certains cas, le terme « Afrique subsaharienne » est maintenu pour clarifier des comparaisons entre régions ou pour indiquer un ensemble particulier de données. Titres de la série Forum pour le développement de l’Afrique Infrastructures africaines : Une transformation impérative (2010) sous la direction de Vivien Foster et Cecilia Briceño-Garmendia Gender Disparities in Africa’s Labor Market (2010) sous la direction de Jorge Saba Arbache, Alexandre Kolev et Ewa Filipiak Défis agricoles africains (2010) sous la direction de Jean-Claude Deveze Contemporary Migration to South Africa: A Regional Development Issue (2011) sous la direc- tion d’Aurelia Segatti et Loren Landau Light Manufacturing in Africa: Targeted Policies to Enhance Private Investment and Create Jobs (2012) par Hinh T. Dinh, Vincent Palmade, Vandana Chandra et Frances Cossar Informal Sector in Francophone Africa: Firm Size, Productivity, and Institutions (2012) de Nancy Benjamin et Ahmadou Aly Mbaye Financing Africa’s Cities: The Imperative of Local Investment (2012) de Thierry Paulais Structural Transformation and Rural Change Revisited: Challenges for Late Developing Coun- tries in a Globalizing World (2012) de Bruno Losch, Sandrine Fréguin-Gresh et Eric Thomas White The Political Economy of Decentralization in Sub-Saharan Africa: A New Implementation Model (2013) sous la direction de Bernard Dafflon et Thierry Madiès Empowering Women: Legal Rights and Economic Opportunities in Africa (2013) de Mary Hallward-Driemeier et Tazeen Hasan Enterprising Women: Expanding Economic Opportunities in Africa (2013) de Mary Hallward-Driemeier Urban Labor Markets in Sub-Saharan Africa (2013) sous la direction de Philippe De Vreyer et François Roubaud Securing Africa’s Land for Shared Prosperity: A Program to Scale Up Reforms and Investments (2013) de Frank F. K. Byamugisha Tous les ouvrages de la série Forum pour le développement de l’Afrique sont accessibles gratuitement sur : https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/2150 Contenu Préface  xxi Remerciements  xxiii À propos des auteurs   xxv Sigles et abréviations   xxix Abrégé  L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne   1 La grande population de jeunes en Afrique   3 Croissance, emploi et population active en Afrique—aujourd’hui et dans le futur   3 La transition des jeunes vers un emploi productif   7 Priorités pour aborder l’emploi des jeunes   8 Capital humain : le rôle fondamental de l’éducation de base   10 Accroître la productivité des petits exploitants agricoles   12 Améliorer la productivité des entreprises informelles non agricoles   17 Dynamiser le secteur moderne de l’emploi salarié pour le rendre plus compétitif   21 Instaurer une politique efficace d’emploi des jeunes   24 Notes  26 Références  26 1 Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique   29 Population africaine en âge de travailler : très jeune et en croissance rapide   30 La jeunesse africaine peut-elle constituer un avantage économique ?   30 Qu’est-ce qu’un emploi et où la plupart des Africains en trouvent-ils un ?   33 Croissance, emplois et la population active en Afrique — aujourd’hui et demain   34 Cadre du rapport   46 Notes  47 Références  47 ix x Contenu Note thématique 1  Emplois : plus qu’un simple revenu   49 Valeur des emplois   49 Emplois et aspirations   50 Emplois et développement   51 Références  53 2 La jeunesse : le temps des transitions   55 Transition des jeunes à partir de l’école   56 Transition des jeunes vers le monde du travail   59 Transitions parallèles : Les choix influençant la santé, la constitution d’une famille et l’engagement civique   67 Défis liés à la transition des femmes vers l’emploi   69 Faciliter les transitions entre l’école et l’emploi, et entre les secteurs d’emploi   71 Notes  72 Références  72 3 Compétences pour l’emploi productif   75 Scolarité, niveau d’instruction et travail   76 Construire des fondations : compétences cognitives, socioémotionnelles et comportementales  84 Développement des compétences grâce à la formation postscolaire   100 Interventions de l’État et marché de la formation postscolaire   105 Conclusion : Un agenda pour les compétences de la jeunesse   114 Notes  115 Références  117 4 L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes Africains   125 L’agriculture : une opportunité potentielle avec des possibilités de croissance   126 Reconnaître l’opportunité que représente l’agriculture pour les jeunes   130 Parcours d’emploi dans l’agriculture pour l’avenir   133 Éliminer les principales contraintes pesant sur les capitaux, les terres et les compétences  136 Des politiques foncières profitant à la jeunesse   141 Amélioration des compétences   146 Les programmes agricoles délivrent trop peu, trop lentement, pour faire face aux besoins des jeunes Africains   151 Exploitation du dividende des jeunes dans l’agriculture   153 Notes  153 Références  154 Contenu xi Note thématique 2  Filets sociaux et voies d’accès à l’emploi productif   158 Avantages à court terme des programmes de filets sociaux   158 Filets sociaux combinés à des composantes productives explicites   160 Les interventions complémentaires ouvrent-elles la voie vers l’emploi productif pour les jeunes ?    161 Les filets sociaux en tant que vecteurs pour les interventions visant à améliorer les perspectives d’emploi des jeunes   162 Notes  162 Références  163 5 Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles  165 Le secteur des entreprises individuelles d’aujourd’hui   168 L’entreprise : ses contraintes et ses opportunités   170 Obstacles à l’entrée des jeunes dans le secteur des entreprises individuelles   175 Création et maintien d’emplois productifs dans les entreprises individuelles   176 Que doivent faire les gouvernements pour aider les jeunes à se doter des compétences nécessaires dans le secteur des entreprises individuelles ?   186 Accès aux marchés et voix   196 Conclusion  200 Notes  201 Références  202 Note thématique 3  Inclusion financière et transition des jeunes vers des moyens d’existence durables   206 Manque d’accès à l’épargne et au crédit   206 Services d’épargne formels : difficultés et options   207 Services de crédit formels : Les défis de l’extension d’options aux petits producteurs, entreprises individuelles et jeunes   212 Notes  220 Références  220 6 Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes   223 Vue d’ensemble du secteur africain des entreprises modernes    224 Aujourd’hui, le secteur manufacturier moderne fournit peu d’emplois et exporte peu  225 Le secteur manufacturier moderne africain est-il compétitif ?   228 Sources des écarts de productivité dans le secteur manufacturier africain   234 xii Contenu Rendre les entreprises africaines compétitives : priorités pour l’amélioration de l’environnement des affaires et des compétences de la main-d’œuvre   240 Développement des compétences pour le secteur de l’emploi salarié moderne   253 Promouvoir des entreprises modernes et compétitives   262 Notes  263 Références  265 Note thématique 4  Chômage des jeunes en Afrique du Sud : à situation différente, résponse différente   270 Perceptions classiques des causes du chômage   270 Le véritable problème du chômage : une croissance trop faible   271 Inefficacité dans la recherche d’emploi   272 Politiques visant à réduire le chômage   272 Références  274 7 Conclusion : Mise en oeuvre d’une politique efficace pour l’emploi des jeunes  275 Une approche programmatique   275 « Agir maintenant pour maintenant » : éliminer les obstacles rencontrés par les ménages et les entreprises   276 « Agir maintenant pour plus tard » : prendre des mesures en vue de gains à moyen terme   279 Annexe  Une note sur les données   281 Enquêtes de ménages et d’emplois harmonisées   281 Données des enquêtes démographiques et de santé   281 Encadrés A.1 Qu’est-ce qu’un « emploi » ?   5 A.2 Le défi de l’emploi des jeunes est différent dans les pays riches en ressources et certains pays à revenu intermédiaire   6 A.3 Que se passera-t-il au niveau de l’emploi si l’industrie manufacturière légère augmente de façon spectaculaire en Afrique ?   8 A.4 L’emploi des jeunes et l’emploi en général   9 A.5 Cadre d’analyse de l’emploi des jeunes   11 A.6 La main-d’œuvre quitte-t-elle l’agriculture à mesure que la productivité augmente ?   14 1.1 L’emploi des jeunes et l’emploi dans son ensemble   33 1.2 Comment nos estimations de l’emploi sont-elles établies ?   37 1.3 Le défi de la diversification de la production et de l’emploi dans les pays riches en ressources : exemples tirés de l’Afrique centrale   39 1.4 Comment nos projections de l’emploi sont-elles établies ?   41 Contenu xiii F1.1 Emploi, conflits et violence : y a-t-il un lien ?   52 2.1 Travail des enfants en Afrique subsaharienne   58 2.2 Transmission intergénérationnelle des activités en Afrique   61 3.1 Estimation des rendements de l’éducation   82 3.2 Une deuxième chance d’éducation pour les jeunes Africains   90 3.3 Programme School for Life d’éducation de la deuxième chance au nord du Ghana   92 3.4 Rendement des compétences comportementales dans l’emploi salarié : le cas du Pérou  96 3.5 Développer les compétences socioémotionnelles et comportementales dans des situations post-conflit  98 3.6 Promouvoir les compétences socioémotionnelles et comportementales 98 3.7 La formation en cours d’emploi varie en fonction des pays et des types d’entreprise, et n’est pas ouverte à tous   106 3.8 Le programme de bons de formation Jua Kali du Kenya    110 3.9 Des mesures incitatives peuvent-elles améliorer la qualité de la formation et la participation  ?  112 3.10 L’évaluation d’impact pour enrichir la base des données probantes sur les programmes d’emploi pour les jeunes   113 4.1 Les femmes et les filles : une force majeure au sein de la population active agricole de l’Afrique  127 4.2 Lorsqu’elle est plus productive, l’agriculture stimule la croissance économique   129 4.3 Compromettre la croissance et la création d’emplois sans améliorer la sécurité alimentaire à long terme   130 4.4 Organisations de producteurs et transition vers les chaînes d’approvisionnement modernes  132 4.5 Options pour la création ou la sortie d’une exploitation agricole au Kenya   133 4.6 Agriculture à plus fort rapport économique et opportunités d’emploi non agricole   137 4.7 Red Fox Ethiopia : Un travail salarié techniquement plus sophistiqué   138 4.8 Documentation des droits fonciers : Promotion de l’investissement et réduction du coût des transferts de terres   143 4.9 Programme du Mexique pour l’accélération des transferts intergénérationnels de terres  144 4.10 Technologies de l’information et de la communication : faire évoluer le flux de l’information agricole  147 4.11 L’enseignement agricole professionnel : un substitut médiocre à l’enseignement général  148 4.12 Innovations dans la vulgarisation agricole : prendre appui sur les agriculteurs pour améliorer la prestation des services   150 4.13 Aperçu du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA)  152 5.1 Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ?   166 5.2 Pourquoi les femmes gagnent-elles moins ? Ségrégation professionnelle dans le secteur des entreprises individuelles   171 xiv Contenu 5.3 Les petites et moyennes entreprises sont différentes des entreprises individuelles   173 5.4 La formation informelle est la norme pour les jeunes espérant exploiter une entreprise individuelle  176 5.5 Rwanda : Beaucoup de programmes d’appui aux entreprises individuelles, mais peu d’information sur les résultats   177 5.6 Nécessité d’une approche globale   178 5.7 Approche intégrée du développement des entreprises individuelles au Ghana   180 5.8 Affaiblissement de l’économie locale par la perpétuation du cycle des machingas à Dar es-Salaam    182 5.9 Regroupement des entreprises individuelles pour le bien de tous   184 5.10 Sources de crédit utilisées par les ménages pour démarrer une entreprise en Tanzanie  185 5.11 Des projets en faveur des petites entreprises rurales appuient les compétences et le développement des entreprises au Ghana et au Sénégal 192 5.12 Faire entrer une entreprise individuelle sur le marché international : Gahaya Links et les Paniers de la paix du Rwanda   198 5.13 Des associations d’entraide pour réduire l’isolement et l’exploitation   199 F3.1 Banques rurales au Ghana : Atteindre les clients mal desservis par les autres banques  208 F3.2 Utilisation de la technologie : introduire des services financiers sûrs dans de nouveaux marchés au Kenya et en Inde   209 F3.3 Intégrer les petits exploitants dans les chaînes d’approvisionnement afin d’améliorer leur accès aux services financiers   213 F3.4 Passer des prêts à responsabilité collective à des prêts à responsabilité individuelle : une innovation positive de microfinancement mise en œuvre aux Philippines   214 F3.5 Les AREC, AVEC, groupes d’entraide et COOPEC : des exemples de systèmes informels d’épargne et de crédit   216 F3.6 Le cas de villageoises du Mali : Assurer la sécurité alimentaire et financière grâce aux groupes d’épargne et de crédit   219 6.1 Quelle est la place des jeunes dans le paysage africain de l’emploi salarié ?   227 6.2 Limitations potentielles de la mesure du coût unitaire de la main-d’œuvre   230 6.3 L’Afrique présente-t-elle réellement un avantage en matière de coût de la main- d’œuvre  ?  234 6.4 Le prix élevé de l’inefficacité du port de Dar es-Salaam   243 6.5 Améliorer le transport terrestre par le renforcement de la coopération internationale et des réformes complètes des procédures : le projet pilote de postes-frontières à Malaba  245 6.6 Qui doit payer des pots-de-vin ? Combien ? Et cela a-t-il de l’importance ?   250 6.7 Connaissances, technologie et émergence de regroupements d’entreprises prospères Afrique  252 en  6.8 Pourquoi les zones économiques spéciales n’ont-elles pas réussi à se développer en Afrique, et quels enseignements peut-on en tirer pour l’avenir ?   254 6.9 Réformer les systèmes d’EFTP africains   257 6.10 L’État a-t-il un rôle à jouer dans la formation en entreprise ?   258 Contenu xv Figures A.1 La structure de la population d’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions  3 A.2 Au cours des deux dernières décennies, la part de l’agriculture dans le PIB s’est contractée en Afrique sans avoir été remplacée par le secteur manufacturier   4 A.3 Où travaillent les populations d’Afrique?    5 A.4 L’informel sera la norme en 2020   7 A.5 La (lente) transition de l’école au monde du travail   9 A.6 La création d’une famille débute plus tôt chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes  10 A.7 L’éducation façonne les possibilités : éducation par secteur d’emploi pour les jeunes de 15–24 ans et de 25–34 ans   11 A.8 Propriété foncière par tranche d’âge   15 A.9 Au même niveau de revenu, les politiques nationales produisent des niveaux d’inclusion financière différents  20 A.10 Part de l’emploi salarié dans l’emploi total : les jeunes par rapport à la population générale  21 1.1 La population africaine est jeune et le restera   30 1.2 La structure de la population de l’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions  31 1.3 Contrairement à celui d’autres régions, le nombre des jeunes de l’Afrique subsaharienne augmentera de façon spectaculaire dans un avenir proche   31 1.4 En Asie de l’Est, le taux de dépendance a changé rapidement ; en Afrique subsaharienne, il évolue, mais lentement   32 1.5 La diminution du taux de fécondité a stagné dans plusieurs pays africains   33 1.6 Le croissance miraculeuse de l’Afrique, 2005–12    34 1.7 Au cours des vingt dernières années, la part de l’agriculture dans le PIB s’est contractée en Afrique, mais le secteur manufacturier ne l’a pas remplacée   35 1.8 Les exportations représentent une plus petite part du PIB en Afrique qu’en Asie de l’Est et une part plus importante qu’en Asie du Sud, mais les pays africains, même riches, exportent des matières premières et non des produits manufacturés   36 1.9 En Afrique subsaharienne, la majorité des travailleurs des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure travaillent dans l’agriculture et les entreprises individuelles non agricoles   37 1.10 La croissance a diminué la part de l’agriculture dans l’emploi dans certains pays, mais pas dans d’autres   38 1.11 La plupart des emplois salariés se trouvent dans le secteur privé (mais pas dans les pays riches en ressources)   38 1.12 En Afrique, l’emploi salarié industriel n’a pas augmenté avec le PIB au même rythme que dans les pays exportateurs manufacturiers ayant des niveaux de revenu similaires  40 1.13 Où les 125 millions de nouveaux emplois seront-ils créés en Afrique ?   44 1.14 L’informel restera la norme dans une grande partie de l’Afrique subsaharienne   44 1.15 Même une croissance « spectaculaire » aura des effets limités sur la distribution de l’emploi dans un avenir proche   46 xvi Contenu F1.1 Emplois et satisfaction de la vie   50 F1.2 Les emplois sont les piliers du développement   51 2.1 Beaucoup de jeunes de 18 ans d’Afrique sont toujours aux études, mais la moitié est encore à l’école primaire   56 B2.1.1 Pourcentage des enfants qui travaillent   58 2.2 École et travail sont souvent combinés    59 2.3 La plupart des jeunes d’Afrique subsaharienne commencent par travailler pour leurs familles avant de devenir indépendants   60 B2.2.1 Transmission intergénérationnelle du secteur d’emploi dans cinq pays africains   61 2.4 Les jeunes tanzaniens des milieux urbains sont peu susceptibles d’évoluer entre les secteurs d’emploi au cours de leur vie active   62 2.5 Les transitions des jeunes vers un secteur d’emploi varient entre les milieux urbains et ruraux et entre les hommes et les femmes   63 2.6 Mobilité sectorielle chez les jeunes des zones urbaines de l’Ouganda   64 2.7 En Tanzanie, beaucoup de personnes exercent deux activités ou plus   64 2.8 Les jeunes occupent le plus souvent des emplois salariés occasionnels   65 2.9 Les réseaux personnels sont essentiels pour trouver un emploi salarié   65 2.10 La migration accroît la mobilité entre les secteurs de l’emploi   66 2.11 La création d’une famille débute plus tôt chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes  67 2.12 En prenant de l’âge, les jeunes s’engagent de plus en plus dans la vie citoyenne   69 3.1 Les taux d’achèvement de l’école primaire ont considérablement augmenté en Afrique subsaharienne, 1990–2011  76 3.2 Les jeunes Africains ont plus d’instruction que jamais, mais le niveau d’instruction moyen reste bas   77 3.3 Selon les prévisions, le niveau d’instruction devrait considérablement augmenter en Afrique subsaharienne  77 3.4 Niveaux de scolarité par secteur d’emploi   78 3.6 Relations entre la scolarité et l’emploi en fonction du genre et de l’urbanisation   79 3.5 Les salariés dotés de niveaux d’instruction plus élevés sont plus susceptibles d’avoir un emploi avec contrat   79 3.7 L’éducation est associée à des revenus plus élevés dans les entreprises individuelles   80 3.8 L’éducation est associée à des salaires plus élevés   81 3.9 Relation convexe entre les revenus et l’éducation : Scolarité et revenus en Afrique occidentale urbaine  83 3.10 La faible capacité en lecture dans les premières années est alarmante   86 3.11 À la fin de l’école primaire, de nombreux élèves ne maîtrisent même pas les compétences de base : résultats du SACMEQ 2007 pour les acquis en mathématiques et en lecture  86 3.12 Les élèves du secondaire en Afrique subsaharienne ont des résultats médiocres aux évaluations internationales comparables : résultats TIMSS pour les mathématiques, 2011  87 3.13 Les courbes d’apprentissage par âge sont plates en Guinée-Bissau   87 Contenu xvii 3.14 Les courbes d’apprentissage par niveau de scolarité sont plates : résultats à des tests dans des pays africains sélectionnés, par niveau de scolarité   88 B3.2.1 Proportion des élèves de 15 à 19 ans ayant achevé chaque année   90 3.15 Les compétences cognitives croissent lentement, surtout chez les plus pauvres   92 3.16 Les compétences comportementales prennent plus de temps à se développer que les compétences cognitives  94 3.17 Les rendements de la scolarité sont plus élevés pour ceux dotés de plus d’aptitudes : Rendements d’une année d’étude supplémentaire par quantile   99 3.18 Beaucoup de jeunes, en particulier d’Afrique de l’Ouest, ont été apprentis, tandis que l’EFTP est moins répandu   101 3.19 L’apprentissage s’adresse en priorité aux jeunes faiblement instruits   102 3.20 L’EFTP est orienté vers le travail salarié, tandis que l’apprentissage conduit à l’emploi aussi bien dans une entreprise individuelle que dans le secteur salarié   103 3.21 L’Afrique dispose d’un large éventail de fournisseurs privés de formations informelles, 2009  104 3.7.1 La formation en cours d’emploi dans les entreprises africaines varie selon les pays   106 B B3.7.2 La formation en cours d’emploi dans les entreprises africaines varie selon la taille et l’orientation vers l’exportation de l’entreprise, 2006    106 3.22 Le passage par l’apprentissage et l’EFTP présente de fortes différences entre les riches et les pauvres    108 3.23 Les hommes et les femmes suivent des types différents de formation professionnelle au Kenya  109 3.24 Les coûts de la formation et les frais de participation varient en fonction du type de formation au Kenya   111 B4.2.1 Une productivité totale des facteurs plus élevée a aidé les agriculteurs des États-Unis à compenser la baisse des termes de l’échange, 1975–2009   129 4.1 Les jeunes ne possèdent généralement pas de terres   131 F2.1 Impacts des transferts monétaires conditionnels combinés à des subventions pour les entreprises individuelles, ou des transferts monétaires conditionnels combinés à une formation au Nicaragua   162 B5.1.1 La plupart des personnes travaillant dans les entreprises individuelles en sont propriétaires B.5.1.2 La plupart des entreprises individuelles son des activités familiales   166 5.1 Les entreprises individuelles représentent une part importante de l’emploi non agricole dans les pays à revenu faible et intermédiaire   167 5.2 En Afrique, avec la désaffection de la main-d’œuvre pour l’agriculture, plus de personnes sont entrées dans les entreprises individuelles que dans l’emploi salarié privé  167 5.3 La plupart des entreprises individuelles sont des commerces   169 B5.2.1 Les revenus sont plus élevés dans les activités à dominance masculine que dans celles à dominance féminine  171 5.4 Les propriétaires d’entreprise individuelle plus jeunes ont tendance à être plus instruits que leurs aînés   172 5.5 Les propriétaires d’entreprise individuelle ont tendance à avoir plus de 25 ans   175 xviii Contenu F3.1 Pourcentage de la population de 15 ans et plus déclarant avoir eu recours à un mécanisme d’épargne au cours des 12 derniers mois   208 F3.2 Pourcentage des personnes ayant un compte dans une institution financière formelle  211 6.1 L’Afrique compte moins d’emplois salariés non agricoles que d’autres régions   225 6.2 L’emploi salarié se développe dans la plupart des pays d’Afrique   226 B6.1.1 La part des jeunes dans l’emploi salarié suit celle de la population générale   227 6.3 Les services constituent la majeure partie de l’emploi salarié non agricole ; dans le secteur manufacturier, les industries alimentaire et textile prédominent   227 6.4 Le secteur manufacturier salarié moderne africain continue de représenter une petite part de l’emploi   228 6.5 Les entreprises africaines exportent relativement peu   229 6.6 Les coûts unitaires de la main-d’œuvre chinoise sont restés inférieurs à ceux d’autres économies émergentes   230 6.7 La croissance de l’emploi salarié manufacturier a été variable parmi les pays africains   231 6.8 Sur la base des coûts unitaires de la main-d’œuvre, certains pays africains pourraient devenir compétitifs par rapport à d’autres économies    232 6.9 L’Afrique n’a pas un avantage salarial uniforme par rapport aux autres régions en développement   233 6.10 La productivité de la main-d’œuvre est particulièrement basse dans les pays africains à faible revenu   235 6.11 Les travailleurs africains n’ont pas accès au même équipement que leurs homologues des autres parties du monde   235 6.12 Les pays africains ont une productivité inférieure à celle des autres régions   236 6.13 Les résultats de l’Afrique sont médiocres pour les indicateurs de transport, d’eau et d’alimentation en électricité rapportés par les entreprises   238 6.14 Décomposition de la productivité de l’industrie textile    239 6.15 Le commerce transfrontalier est coûteux et lent en Afrique   240 6.16 Les entreprises africaines ont relativement peu recours au financement bancaire   246 6.17 La couverture des bureaux de crédit est généralement faible en Afrique   247 6.18 L’Afrique affiche les coûts officiels de création d’entreprise les plus élevés   249 6.19 Les coûts de création d’entreprise sont plus élevés dans les pays africains riches en ressources   249 F4.1 Tendances de la croissance économique et de l’emploi en Afrique du Sud   272 Tableaux BA.6.1 Augmentation en pourcentage des zones cultivées, de la main-d’œuvre agricole et de la production par employé en Afrique subsaharienne   14 A.1 Actions prioritaires à entreprendre maintenant pour s’attaquer au défi de l’emploi des jeunes  25 1.1 Les pays africains ont un taux d’emploi salarié inférieur à celui des pays de comparaison à forte croissance   40 B1.4.1 Élasticités de l’emploi par rapport à la croissance   42 Contenu xix 1.2 Croissance annuelle moyenne, par secteur et niveau de revenu des pays, 2005–20   43 1.3 Cadre du rapport   47 3.1 Tâches de développement, par âge   93 4.1 Prix de gros du maïs et du riz non traités dans quelques pays, moyennes, janvier à avril 2012   128 B4.2.1 Modification (en pourcentage) des prix de certains produits alimentaires aux États-Unis, 1960–2010    129 4.2 Les besoins varient en fonction des parcours dans l’agriculture   134 B4.6.1 L’emploi dans les chaînes d’approvisionnement maraîchères et florales en Afrique subsaharienne    137 5.1 Entreprises individuelles rurales versus urbaines    169 5.2 Sources de capital pour les entreprises individuelles : Démarrage et crédit de fonctionnement    172 7.1 Actions prioritaires à entreprendre maintenant pour s’attaquer au défi de l’emploi des jeunes   277 N.1 Standardized and Harmonized Household and Labor Force Surveys used in report analysis   282 N.2 Demographic and Health Survey Data Sets used in report analysis   283 Préface L’Afrique est aujourd’hui le continent le plus jeunes hommes et femmes des milieux ruraux jeune du monde. et semi-urbains luttent pour trouver des Alors que les populations vieillissent dans emplois mieux payés et des possibilités de sor- presque toutes les parties du globe, les jeunes tir – avec leurs familles – de la pauvreté. sont maintenant majoritaires dans de nom- Grâce à une analyse exhaustive de l’emploi breux pays africains. Qu’ils vivent dans les des jeunes en Afrique, ce rapport actualise villes et agglomérations d’une Afrique en urba- l’information sur la façon dont les pays créent nisation rapide ou dans des localités et villages des emplois et où ils le font, et examine l’avenir ruraux, qu’ils soient issus de la classe moyenne de nouvelles orientations prometteuses pour le ou de familles vulnérables vivant dans la pau- continent. Il se concentre sur la façon dont les vreté, une chose est certaine : ces jeunes ont décideurs politiques peuvent aider les jeunes à des attentes élevées, et les décideurs politiques intégrer le marché du travail et à s’insérer dans africains sont de plus en plus préoccupés par la l’emploi salarié moderne en pleine croissance manière d’y répondre. ainsi que dans d’autres opportunités écono- Aujourd’hui, l’emploi et les opportunités miques durables. Il aborde aussi des stratégies des jeunes sont systématiquement au sommet pour augmenter les revenus grâce à un accrois- de l’agenda du développement dans la plupart sement de la productivité dans le secteur infor- des pays du continent. mel, où de nombreux jeunes vont travailler Bien que les données sur l’emploi en dans un avenir proche. Afrique soient fragmentaires et souvent diffici- L’emploi des jeunes n’est pas un défi unidi- lement comparables entre pays, nous pouvons mensionnel. Il requiert une attention à la qua- néanmoins tirer de nombreux enseignements lité de l’éducation de base et de la formation des éléments disponibles. Contrairement à la pour améliorer la productivité des jeunes, tout perception traditionnelle, le chômage n’est en éliminant les obstacles actuels entravant les que l’un des nombreux problèmes auxquels les progrès dans l’agriculture, les entreprises indi- pays à faible revenu sont confrontés en Afrique. viduelles et le secteur salarié moderne. Au-delà du chômage, l’Afrique doit aborder le Lorsque les enfants ne savent ni lire ni sous-emploi : en absence de filets sociaux adé- écrire, ni effectuer des calculs élémentaires à quats, les jeunes sont contraints d’accepter des la fin de l’école primaire, ce manque de com- emplois mal payés à faible productivité pour pétences de base a de profondes répercussions pouvoir survivre. sur leur productivité à l’âge adulte. Lorsque Même si les jeunes des milieux urbains ont les jeunes ont peu accès à la terre et au cré- tendance à s’exprimer davantage sur leurs pro- dit, leurs rêves de devenir entrepreneurs ou blèmes et leurs attentes, et à être plus visibles d’avoir un emploi bien payé et gratifiant sont dans leur recherche d’emploi, des millions de compromis. Lorsque des étudiants obtiennent xxi xxii Préface un diplôme universitaire et des connaissances Tous ensemble, nous devons redoubler peu demandés par un marché de l’émploi d’efforts pour relever le problème primor- africain en rapide évolution, le temps et l’argent dial de l’emploi des jeunes, afin que ceux-ci investis dans leurs études ont en grande partie puissent profiter des opportunités sans cesse été vains, avec peu de perspectives de carrières plus nombreuses apparaissant sur le continent, intéressantes dans le secteur privé. tant dans l’industrie manufacturière destinée à J’espère que ce rapport aidera les pays afri- l’exportation que l’agriculture et l’agro-indus- cains à élaborer des stratégies adaptées pour trie à haute productivité ou les petites entre- résoudre le problème de l’emploi des jeunes, prises lucratives. et à investir les ressources nécessaires pour dis- L’avenir de l’Afrique dépendra fortement de poser de plus d’information sur leur efficacité. la façon dont elle gèrera ce défi. Makhtar Diop Vice-président de la Banque mondiale pour la Région Afrique Remerciements Ce rapport a été élaboré par une équipe diri- le rapport dans son ensemble tandis qu’Amy gée par Deon Filmer et Louise Fox, et com- Gautam était responsable de l’édition du prenant Karen Brooks, Aparajita Goyal, Taye Chapitre 4. La traduction de l’anglais en fran- Mengistae, Patrick Premand, Dena Ringold, çais a été assurée par JPD Systems. L’équipe Siddharth Sharma et Sergiy Zorya. Shubha remercie de leurs précieux apports et conseils Chakravarty, Florence Kondylis, Obert Pimhi- les nombreuses personnes, membres ou non dzai, Raju Singh et Erik von Uexkull ont aussi des services de la Banque mondiale, qui lui apporté leur précieuse contribution. L’équipe ont fait part de leurs commentaires lors de a travaillé en suivant les directives générales l’élaboration de ce rapport. Richard Damania, formulées par Shantanayan Devarajan et Mary Hallward-Driemeier, Margaret Grosh et Ritva Reinikka. Jorge Muñoz, Lena Nguyen et Ravi Kanbur ont effectué la revue des pairs. Thokozani Kadzamira ont fourni de l’assis- L’équipe demeure responsable de toute erreur tance à la recherche. Kelly Cassaday a édité ou omission. xxiii À propos des auteurs Deon Filmer Deon Filmer est économiste principal au Département de la recherche de la Banque mondiale et dans l’Unité de l’économie du développement humain du Département du développement humain de la Région Afrique. Il travaille sur des questions liées à l’emploi et aux compétences des jeunes, à la prestation de services, et à l’évaluation des impacts des politiques et programmes visant à améliorer les résultats en matière de développement humain. Il a passé plusieurs années dans le Département de la recherche de la Banque mondiale, où il a abordé des domaines tels que l’éducation, la santé, la protection sociale et l’analyse de la pauvreté. Il a publié de nombreux articles dans des journaux économiques de premier plan. Ses travaux récents comprennent des études de l’impact sur les résultats scolaires de programmes portant sur la demande ; du rôle de la pauvreté, de la perte des parents et du handicap dans les inégalités d’éducation ; des déterminants de l’efficacité de la prestation de services et l’évaluation des interventions visant à l’améliorer ; les déterminants du comportement en matière de fécondité ; et des tendances de la mortalité des adultes dans le monde. Il a été membre de l’équipe de base du Rapport sur le développement dans le monde 1995 : Travailleurs dans un monde en intégration et du Rapport sur le développement dans le monde 2004 : Mettre les services de base à la portée des pauvres. Il a également contribué au Rapport sur le développement dans le monde 2007 : Développement et générations futures. Il est titulaire d’un doctorat (PhD) et d’un master (MA) de la Brown University. Louise Fox Jusqu’à sa récente retraite de la Banque mondiale, Louise Fox y était économiste principale pour la Région Afrique. Pendant sa longue carrière à la Banque, elle a travaillé sur un large éventail de sujets. Ses spécialités comprenaient l’analyse de l’emploi et des marchés du travail, la pauvreté et les inégalités, et l’économie de la prestation des services sociaux, avec comme thème majeur les liens entre les politiques, les résultats et la réduction de la pauvreté. Avant son poste à la Région Afrique, le Dr Fox a travaillé pendant 13 ans sur des questions liées à l’ajustement du marché du travail, à la pauvreté et à la protection sociale dans les économies en transition, notamment la Chine, la Mongolie, les pays baltes et l’Europe de l’Est. Auparavant, elle a fait des recherches sur la pauvreté, les inégalités et les ajustements macroéconomiques en Amérique latine. Ses publications les plus récentes portent sur la réduction de la pauvreté et la croissance inclusive, l’économie poli- tique de la réduction de la pauvreté, et sur l’emploi, les marchés du travail et la réglementation du travail, tous en Afrique subsaharienne. Elle a également publié dans les domaines de la réforme des retraites, de la réforme des systèmes de protection de l’enfance, de la protection sociale, des dépenses publiques dans le secteur social et la réduction de la pauvreté, des ménages dirigés par des femmes et la protection de l’enfance, des politiques de stabilisation et la réduction de la pauvreté, des coûts sociaux des ajustements, et de l’histoire économique de la pauvreté et des inégalités au Brésil. Elle a un doctorat (PhD) de la Vanderbilt University. xxv xxvi À propos des auteurs Karen Brooks Karen Brooks est la directrice du Programme de recherche du GCRAI sur les politiques, les institutions et les marchés. Elle a travaillé pour la Banque mondiale pendant 20 ans. Pendant ses 10 dernières années de fonction, elle a géré des programmes analytiques et opérationnels pour le développement agricole et rural pour la Région Afrique. Elle a également beaucoup travaillé sur les régions Europe et Asie centrale, et Afrique ; respectivement sur des questions liées à la transition à partir de la planification centralisée, et sur l’investissement et l’agenda politique associés à l’enga- gement renouvelé en faveur de la croissance agricole. Avant de rejoindre la Banque mondiale, elle était professeure associée au sein du Département d’économie appliquée de l’université du Min- nesota. Elle a obtenu un doctorat (PhD) et un master (MA) d’économie à la Chicago University, où elle avait une bourse de la Fondation nationale des sciences. Aparajita Goyal Aparajita Goyal est économiste au sein de l’équipe Agriculture de la Région Afrique de la Banque mondiale. Elle a précédemment travaillé au sein du Département de l’agriculture et des services environnementaux, ainsi que du Groupe de recherche sur le développement de la Banque. Son travail s’est concentré sur les aspects microéconomiques du développement, avec un accent parti- culier sur l’innovation technologique dans l’agriculture, l’accès aux marchés et les droits de pro- priété intellectuelle. Ses travaux ont été publiés dans des journaux universitaires de premier plan ainsi que des médias grand public tels que Frontline, The Economist et le Wall Street Journal. Elle a précédemment travaillé pour ActionAid à Londres et la campagne Right to Food en Inde. Elle est titulaire d’un doctorat (PhD) en économie de l’université du Maryland et d’un master (MSc) en étude du développement de la London School of Economics. Taye Mengistae Taye Mengistae est économiste senior au sein du Département finances et secteur privé, dans l’équipe chargée de l’Afrique de l’Est et australe pour la Région Afrique de la Banque mondiale. Auparavant, il a travaillé avec le Groupe de recherche sur le développement de la Banque mondiale. Il a publié de nombreux articles dans des journaux économiques universitaires de premier plan. Son expérience des pays comprend l’Afrique du Sud, le Kenya, le Ghana, l’Éthiopie, la Zambie, l’Inde, la Chine et le Pakistan. Ses principaux domaines de recherche sont la mondialisation, la compétitivité des exportations, les flux de capitaux, l’innovation et l’éducation. Il est détenteur d’un doctorat (PhD) de l’université d’Oxford et d’un master de l’université de Leeds. Patrick Premand Patrick Premand est économiste senior au sein de l’Unité de l’économie du développement humain du Département du développement humain de la Région Afrique de la Banque mon- diale. Il travaille sur des questions liées à l’emploi et aux compétences des jeunes, à la nutrition et au développement des jeunes enfants, et à l’évaluation des impacts des politiques et programmes visant à améliorer les résultats en matière de développement humain. Il a précédemment travaillé au Bureau de l’Économiste en chef, Développement humain, et au sein de l’Équipe pauvreté de la Région Amérique latine et Caraïbes de la Banque mondiale. Il a un doctorat (PhD) et un master (MSc) de l’université d’Oxford. Dena Ringold Dena Ringold est économiste principale au sein de l’Équipe protection sociale de la Région Afrique de la Banque mondiale. Elle a 15 années d’expérience dans le développement humain à la Banque. Ses recherches portent notamment sur l’inclusion sociale des minorités, les filets de sécu- rité sociale, et la gouvernance. Avant de rejoindre la Région Afrique, elle a fait partie de l’équipe chargée du Rapport sur le développement dans le monde 2013 : Emplois, et a auparavant travaillé au Bureau de l’Économiste en chef, Développement humain. Dena Ringold a commencé sa carrière À propos des auteurs xxvii à la Banque mondiale dans la Région Europe et Asie centrale (ECA), où elle a travaillé sur des programmes analytiques et opérationnels, avec une attention particulière à la protection sociale et à la prestation locale de services en Europe centrale et du Sud-Est. Au sein de l’ECA, elle a aidé à lancer les premières analyses qualitatives et quantitatives de la Banque mondiale sur la minorité rom et à mettre en place le Fonds pour l’éducation des Roms. Elle a également travaillé sur la pro- tection sociale dans la Région Amérique latine et Caraïbes (LAC). En 2005, elle a bénéficié d’une bourse Ian Axford pour travailler sur les politiques publiques au ministère du Développement maori à Wellington en Nouvelle-Zélande. Elle est titulaire d’un master (MSc) en économie et gouvernement de la London School of Economics et d’une licence en histoire et science politique du Swarthmore College. Siddharth Sharma Siddharth Sharma est économiste au sein de l’Équipe finance et secteur privé de la Région Europe et Asie centrale de la Banque mondiale. Il a auparavant travaillé dans l’Équipe protection sociale de la Région Afrique et dans l’Équipe pauvreté de la Région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Ses recherches ont porté sur les marchés du travail, la productivité et les entreprises. Il a publié des articles académiques dans des journaux économiques de premier plan. Il a un doctorat (PhD) de l’université de Yale, ainsi qu’une licence (BA) et un master (MA) de l’université de Delhi. Sergiy Zorya Sergiy Zorya est économiste senior au sein de l’Équipe développement durable de la Région Asie de l’Est et Pacifique de la Banque mondiale. Il a auparavant travaillé dans le Département du développement agricole et rural (ARD) de la Banque. Il travaille sur des questions liées aux straté- gies et politiques rurales, aux prix alimentaires, à la gestion de la dépense publique et à la sécurité alimentaire dans le monde. Avant l’ARD, il a travaillé dans trois régions de la Banque : Europe et Asie centrale, Asie de l’Est et Pacifique et Afrique. Ses plus récents travaux concernaient le Soudan du Sud, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie. Il a obtenu un master (MA) en économie agricole à l’université agricole de Zhytomyr en Ukraine, et un doctorat (PhD) en économie agricole à l’uni- versité Georg-August de Göttingen, en Allemagne. Sigles et abréviations ACEC Association cumulative EPC Épargner pour le changement d’épargne et de crédit FAO Organisation des Nations AREC Association rotative d’épargne Unies pour l’alimentation et de crédit et l’agriculture (Food and AVEC Association villageoise Agriculture Organization) d’épargne et de crédit FCC Fonds commun de créances CECAM Caisse d’épargne et de crédit FIDA Fonds international de (Madagascar) développement agricole CFA Communauté financière G2P Gouvernement à personne africaine (Government to person) CGP Consultant en gestion de projet IFPRI Institut international de COOPEC Coopérative d’épargne et de recherche sur les politiques crédit alimentaires (International COTVET Council for TVET (Conseil Food Policy Research Institute) pour l’EFTP du Ghana) IIEP Institut international de CREO Comprehensive Review of planification de l’éducation Education Outcomes (l’examen (International Institute for complet des résultats scolaires) Educational Planning) CSAE Centre for the Study of IMF Institution de microfinance African Economies (le centre MICS Enquêtes en grappes à pour l’étude des économies indicateurs multiples (Multiple africaines de l’université Indicator Cluster Surveys) d’Oxford) MPME Micros, petites et moyennes DFCU Development Finance Company entreprises of Uganda Bank Limited NBSSI Bureau national des petites ECR Essai contrôlé randomisé industries (National Board for EDS Enquête démographique et de Small Scale Industries) santé OCDE Organisation de coopération EFP Enseignement et formation et de développement postscolaire économiques EFTP Enseignement et formation OHADA Organisation pour techniques et professionnels l’harmonisation en Afrique du EPAG Economic Empowerment of droit des affaires Adolescent Girls and Young OIT Organisation internationale du Women (Autonomisation travail économique des adolescentes et ONG Organisation non jeunes femmes) gouvernementale xxix xxx Sigles et abréviations ONUDI Organisation des Nations TIC Technologies de l’information Unies pour le développement et de la communication industriel TICTS Tanzania International PAA Programme d’apprentissage Container Terminal Services accéléré (opérateur d’un terminal à PDDAA Programme détaillé de conteneurs international en développement de l’agriculture Tanzanie) africaine TIMSS Étude des tendances PFGU Poste-frontière à guichet internationales en unique mathématiques et en sciences PIB Produit intérieur brut (Trends in International PME Petite et moyenne entreprise Mathematics and Science Study) PPTAS Programme de politiques TPA Tanzania Port Authority de transport en Afrique (Autorité des ports de subsaharienne Tanzanie) PROMER Projet de promotion de TVVP Technical and Vocational l’entrepreneuriat rural Vouchers Program (programme PTF Productivité totale des facteurs de chèques de formation R&D Recherche et développement technique et professionnelle) RAS Région administrative spéciale UNESCO Organisation des Nations Unies RNB Revenu national brut pour l’éducation, la science SACMEQ Consortium de l’Afrique et la culture (United Nations australe et orientale pour Educational, Scientific and le pilotage de la qualité de Cultural Organization) l’éducation (Southern and UNICEF Fonds des Nations Unies pour Eastern Africa Consortium l’enfance (United Nations for Monitoring Educational Children’s Fund) Quality) VIH/SIDA Virus de l’immunodéficience SEWA Self-Employed Women’s humaine/Syndrome Association (l’association des d’immunodéficience acquise femmes indépendantes) ZES Zone économique spéciale SfL Programme School for life TESDA Office de l’enseignement technique et de la formation professionnelle des Philippines (Technical Education and Skills Development Authority) TEVETA Technical, Entrepreneurial, Vocational Education and Training Authority (Malawi) (autorité de l’enseignement et de la formation technique, entrepreuneuriale et professionnelle) Abrégé L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne L ’Afrique subsaharienne vient d’ache- économique nationale « très mauvaise » ou ver l’une de ses meilleures décennies de « assez mauvaise » et 48 % en disent autant sur croissance depuis les années 1960. Entre leur situation économique personnelle (baro- 2000 et 2011, le produit intérieur brut (PIB) a mètre 2011–12, www.afrobarometer.org). enregistré une hausse de plus de 4,5 % par an L’incidence de la pauvreté a diminué avec en moyenne contre 2 % environ au cours des l’expansion des économies au sud du Sahara. La 20 années précédentes (Indicateurs du déve- croissance globale en Afrique subsaharienne n’a loppement dans le monde, années diverses). En toutefois pas été aussi inclusive des pauvres que 2012, la croissance du PIB régional était estimée dans d’autres régions. Chaque augmentation de à 4,7 %, ou 5,8 % si l’on exclut l’Afrique du Sud la consommation moyenne par habitant de 1 % (Banque mondiale 2013). Environ un quart des s’est accompagnée d’une réduction de 0,69 % pays de la région a enregistré une croissance de du niveau de pauvreté ; ailleurs dans le monde, 7 % ou plus et plusieurs pays africains sont cette réduction était en moyenne d’un peu plus parmi les pays qui enregistrent les croissances de 2 % (Banque mondiale 2013). La réduction les plus rapides dans le monde. Les perspectives de la pauvreté en Afrique a été moins impor- de croissance à moyen terme restent solides et tante, en partie parce que les sources de crois- devraient être soutenues par la reprise de l’éco- sance de nombreux pays sont essentiellement le nomie mondiale. pétrole, le gaz et l’exploitation minière et non En même temps, beaucoup d’Africains les secteurs à forte densité de main-d’œuvre tels demeurent insatisfaits de ce progrès écono- que l’agriculture ou l’industrie manufacturière. mique. Selon les dernières données d’Afroba- Les jeunes, qui ont des liens plus faibles avec le romètre, 65 % des personnes interrogées affir- monde du travail pour commencer, sont donc ment que les conditions économiques de leur doublement défavorisés. pays sont identiques, voire pires, que celles de Même si la génération actuelle des Africains l’année précédente ; 53 % jugent leur situation qui joignent la population active est la plus ins- 1 2 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne truite qu’il n’y ait jamais eu, beaucoup trouvent ne se réalisera que par une meilleure compré- que leurs perspectives d’emploi et de revenus hension des moyens de profiter de cet atout. diffèrent très peu de celles de leurs parents. Relever le défi de l’emploi des jeunes dans Dans certains pays, ces perspectives sont même toutes ses dimensions (démographique, éco- pires. nomique et sociale) et comprendre les forces à Les jeunes des zones urbaines ont exprimé l’origine du problème peut ouvrir des voies vers leur mécontentement. Les manifestations des conditions de vie meilleures pour les jeunes urbaines menées surtout par des jeunes poli- et de meilleures perspectives pour les pays où tiquement actifs, mais économiquement mar- ils vivent. ginalisés, se multiplient dans les capitales afri- Ce rapport s’attache en premier lieu à caines. La violence urbaine est due sans doute esquisser la dynamique du défi de l’emploi des à des facteurs plus généraux que la situation jeunes en Afrique subsaharienne aujourd’hui : de l’emploi (comme l’inégalité et l’exclusion). Cependant, le décalage entre les attentes des • La transition démographique, à l’origine de la forte augmentation de la popula- jeunes et les opportunités d’emploi peut y tion jeune qui émerge sur les marchés du contribuer. Naturellement préoccupés, parti- travail africains et qui, à long terme, peut culièrement à la lumière du Printemps arabe, stimuler la croissance économique et le les décideurs politiques de l’Afrique subsaha- développement. rienne font de l’emploi des jeunes une grande priorité. Tout en mettant l’accent sur la jeu- • Le rôle des ressources minérales — qui ont nesse urbaine, ils sont en quête de politiques façonné la structure de la récente croissance et de programmes susceptibles de réduire le économique sans réussir à augmenter les mécontentement de la jeunesse et de faciliter emplois salariés les plus convoités par les leur transition vers l’âge adulte, y compris vers jeunes. des emplois stables et productifs. • Le réservoir largement inexploité des Mais la jeunesse urbaine n’est que la partie opportunités dans le secteur agricole, à une la plus visible et audible du problème de l’em- époque caractérisée par les prix mondiaux ploi. La majorité des jeunes Africains conti- élevés des produits agricoles et la hausse de nuent de vivre dans des zones rurales ou des la demande locale et régionale en produits petites villes. Plus pauvres et moins instruits alimentaires. que leurs homologues des grandes villes, ces • L’expansion massive de l’accès à l’éduca- jeunes luttent également dans leur chemine- tion, qui ajoute de nombreuses années ment vers l’âge adulte, notamment pour trou- d’études, sans toutefois améliorer suffisam- ver un emploi stable et rémunérateur leur per- ment l’apprentissage, pendant l’enfance et mettant de prendre en charge une famille. Pour la jeunesse. les jeunes femmes, le chemin peut être particu- • Les aspirations des jeunes et des décideurs, lièrement ardu. En naviguant leur transition de axées sur le secteur de l’emploi salarié au l’école vers le monde du travail, elles peuvent détriment des possibilités plus immédiates se heurter à des normes sociales et autres obs- offertes par l’agriculture et les entreprises tacles qui limitent leur pouvoir de décision et individuelles.1 leurs choix en termes d’emplois. Le défi de l’emploi des jeunes en Afrique Reconnaissant que c’est le secteur privé qui peut sembler colossal, mais la jeunesse dyna- crée les emplois, le rapport analyse les obstacles mique de l’Afrique constitue aussi une unique qui se posent aux ménages et aux entreprises opportunité, en particulier aujourd’hui, en rai- dans leurs efforts pour relever le défi de l’em- son du vieillissement rapide des populations ploi des jeunes. Le rapport met essentiellement dans le monde. Les jeunes n’ont pas seulement l’accent sur la productivité (dans l’agriculture, besoin d’emplois ; ils en créent aussi. La main- dans les entreprises individuelles non agri- d’œuvre croissante de l’Afrique peut être un coles et dans le secteur des emplois salariés atout sur le marché mondial. Toutefois, cette modernes) — qui est indispensable pour des vision d’un avenir prometteur pour l’Afrique revenus plus élevés, plus stables et moins vul- L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 3 nérables. En réponse au dilemme des décideurs lation active africaine devrait concourir pour politiques, le rapport identifie les domaines ces emplois. Troisièmement, les concentra- spécifiques où l’action gouvernementale peut tions croissantes de travailleurs dans les zones réduire les obstacles à la productivité des urbaines peuvent être une source d’innovation ménages et des entreprises de manière à offrir et de croissance économique rapide (Banque de meilleures perspectives d’emploi aux jeunes, mondiale 2008). Les jeunes seront à la pointe à leurs parents et à leurs propres enfants. de ces développements. Enfin, en supposant que la fécondité continue à diminuer, la crois- sance rapide de la population active africaine La grande population de jeunes impliquera une augmentation du nombre en Afrique d’adultes en âge de travailler par rapport aux « personnes à charge » de l’ordre de 1 en 1985 à L’Afrique subsaharienne a aujourd’hui une environ 1,7 en 2050, offrant ainsi plus de marge opportunité sans précédent. La moitié de la pour l’épargne, l’investissement et une crois- population a moins de 25 ans. Entre 2015 et sance économique soutenue. Toutefois, cette 2035, il y aura chaque année 500.000 jeunes de transition démographique n’est pas automa- quinze ans de plus que l’année précédente. Pen- tique. Le fait que la baisse des taux de fécondité dant ce temps, la population dans le reste du est au point mort, ou n’a même pas commencé monde est ou sera bientôt vieillissante (Figure dans de nombreux pays africains demeure une A.1). La forte augmentation de la population préoccupation majeure. Mais il est aussi essen- jeune en Afrique est une opportunité au regard tiel que la population en âge de travailler ait les des faits suivants. Tout d’abord, les biens et possibilités d’être productive. services dans le monde ne peuvent pas être produits sans une main-d’œuvre en âge de travailler. L’Afrique subsaharienne et l’Asie du Croissance, emploi et population Sud peuvent être les principaux pourvoyeurs de active en Afrique—aujourd’hui et la main-d’œuvre mondiale, soit en produisant dans le futur les biens et services nécessaires dans la région, soit en envoyant de la main-d’œuvre dans les Malgré quinze années de croissance écono- régions qui en manquent. Deuxièmement, mique relativement rapide, avec une moyenne les salaires dans l’industrie manufacturière de plus de 4,5 % par an, la quasi-totalité des pays augmentent dans d’autres régions. La popu- africains continue de dépendre des matières Figure A.1  La structure de la population d’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions a. Afrique subsaharienne b. Asie du Sud c. Asie de l’Est et Pacifique 80+ 80+ 80+ 70–74 70–74 70–74 Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) 60–64 60–64 60–64 50–54 50–54 50–54 40–44 40–44 40–44 30–34 30–34 30–34 20–24 20–24 20–24 10–14 10–14 10–14 0–4 0–4 0–4 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 160 120 80 40 0 40 80 120 160 Populations en millions Populations en millions Populations en millions Masculin 2035 Masculin 2015 Féminin 2015 Féminin 2035 Source : Calculs des auteurs sur la base de: Nations Unies, Département des affaires économiques et sociales, 2011. 4 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne premières pour leurs exportations. L’incapa- rale au sujet du « chômage des jeunes », mais les cité de cette croissance à réduire la pauvreté Africains, dans leur majorité, ne peuvent sim- est frappante dans un certain nombre de pays, plement pas se permettre de rester oisifs. Très dont l’Angola, le Gabon et le Nigéria, qui sont peu de familles peuvent totalement prendre en riches en pétrole. Elle est également perceptible charge un jeune diplômé en recherche d’em- dans d’autres pays comme le Mozambique, la ploi. Ce n’est pas une coïncidence que le taux de Tanzanie et la Zambie. Les exportations de pro- chômage soit plus élevé parmi les jeunes diplô- duits manufacturés à fort coefficient de main- més des universités (issus pour la plupart du d’œuvre (la force qui sous-tend l’emploi et la sommet de la distribution des revenus). C’est transformation économique en Asie de l’Est) seulement dans les pays à revenu élevé, avec des sont loin de décoller en Afrique. En fait, la part filets sociaux plus importants, qu’un chômage du secteur manufacturier dans le PIB est plus considérable persiste, surtout chez les jeunes. faible en Afrique subsaharienne aujourd’hui (Le défi de l’emploi des jeunes étant configuré qu’elle ne l’était en 1980. Sur la même période de manière quelque peu différente dans les pays en Asie, elle a augmenté tant dans les pays à africains riches en ressources ou à revenu inter- faible revenu que dans ceux à revenu intermé- médiaire, le défi devra y être abordé différem- diaire (Figure A.2). ment ; voir Encadré A.2.) Pour mieux appréhender le défi de l’emploi Où les ressortissants d’Afrique subsaha- des jeunes dans ce contexte, nous commen- rienne trouvent-ils un emploi ? Environ 16 % çons par considérer où travaillent les Africains de ceux qui travaillent ont des « emplois sala- aujourd’hui (l’Encadré A.1 explique comment riés », c’est-à-dire des emplois pour lesquels ce rapport définit l’emploi). Contrairement à ils perçoivent un salaire régulier, et parfois la perception populaire, le chômage mesuré2 d’autres prestations complémentaires. Dans les dans les pays africains à faible revenu n’est que pays à faible revenu, ces emplois sont à peu près de 3 %. Même dans les pays à revenu intermé- équitablement répartis entre les secteurs public diaire (à l’exclusion de l’Afrique du Sud), le et privé, même si la part du secteur privé croît chômage est assez faible (Figure A.3). avec le revenu par habitant. Le secteur indus- Ces faibles taux de chômage peuvent sem- triel (minier, manufacturier et construction) bler paradoxaux étant donné l’inquiétude géné- représente moins de 20 % des emplois salariés  Figure A.2  Au cours des deux dernières décennies, la part de l’agriculture dans le PIB s’est contractée en Afrique sans avoir été remplacée par le secteur manufacturier a. Pays à revenu faible b. Pays à revenu intermédiaire, tranche inférieure 100 100 90 90 80 80 70 70 Pourcentage Pourcentage 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 Afrique subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Afrique subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Agriculture Industrie non manufacturière Industrie manufacturière Services, etc. Source : Indicateurs du développement dans le monde. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 5 Encadré A.1 Qu’est-ce qu’un « emploi » ? Dans l’évaluation des défis liés à l’emploi des jeunes, il est contribuer à la satisfaction globale d’un individu dans sa vie. important de savoir ce que signifie avoir un travail et être Tous les emplois ne permettent pas d’atteindre ces dimen- employé. Pour certains, avoir un emploi est synonyme d’avoir sions de bien-être : le type d’emploi, les conditions de tra- un salaire ou un poste rémunéré auprès d’un employeur. vail, le contrat, les avantages et la sécurité du travail sont Cependant, la plupart des emplois en Afrique ne sont pas autant d’éléments importants. Au-delà de la satisfaction structurés ainsi. Cette étude suit l’approche adoptée dans le personnelle, les emplois peuvent également contribuer à la Rapport mondial sur le développement de 2013 : emplois, cohésion sociale par plusieurs canaux : ils façonnent les iden- qui définit l’emploi comme « des activités génératrices de tités et les relations entre les individus, ils mettent les gens revenus réels ou imputés sous forme monétaire, ou en en relation les uns avec les autres à travers des réseaux. La nature, formels ou informels ». Le rapport note également répartition des emplois dans la société ainsi que les percep- que toutes les formes de travail ne peuvent être considérées tions sur ceux qui décrochent des opportunités, et pourquoi, comme des emplois — par exemple, les activités effectuées peuvent façonner les attentes et les aspirations de la popu- sans le consentement de l’employé ou en violation des droits lation pour l’avenir, le sentiment d’appartenance à la société humains fondamentaux. et la perception de l’équité. Tous ces aspects intrinsèques des Dans tous les pays, y compris ceux de l’Afrique subsaha- emplois sont particulièrement importants pour la jeunesse. rienne, les gens affirment que l’emploi a une importance qui va au-delà des revenus qu’il procure. Les emplois peuvent refléter l’identité, le statut et la confiance en soi ; ils peuvent Source : Banque mondiale, 2012. (environ 3 % du total des emplois). Les emplois Figure A.3  Où travaillent les populations d’Afrique? restants se trouvent dans les exploitations agri- coles familiales (62 %) ou les entreprises indi- Estimation de la structure de l'emploi en Afrique subsaharienne selon le type de pays, 2010 viduelles (22 %), qui ensemble peuvent être 100 décrites comme le secteur informel.3 Ces types 90 d’emplois, à savoir le travail sur une petite par- 80 celle, la vente de légumes dans la rue, la confec- 70 tion de vêtements à domicile, génèrent souvent Pourcentage du total peu de revenus, en partie parce que ces « entre- 60 prises » ont tendance à être de très petite taille 50 et n’impliquent généralement que la famille. 40 Cette structure de l’emploi perdurera- 30 t-elle ? Après tout, les pays pauvres en res- 20 sources créent des emplois privés rémuné- 10 rés à un rythme rapide, souvent plus rapide que la croissance du PIB. Les types d’emplois 0 Revenu faible Revenu Riche en Revenu Total créés dépendront en partie de la structure de intermédiaire- ressources intermédiaire- la croissance en Afrique. Les projections de tranche inférieure tranche supérieure 183 m 40 m 150 m 21 m 395 m croissance et d’emploi réalisées pour le présent rapport supposent que la croissance restera Agriculture Entreprises individuelles Services salariés Industrie salariés Sans emploi forte (5–6 % par an) et sera alimentée par les Source : Fox et coll., 2013. ressources naturelles de l’Afrique (minéraux et NB: Sur l’axe horizontal, les chiffres montrent la taille de la population active âgée de 15 à 64 ans dans chaque groupe. Les pays riches en ressources naturelles inclus sont l’Angola, le Tchad, la République agriculture). Le secteur minier ne devrait pas démocratique du Congo, la Guinée, le Nigéria, la République du Congo, le Soudan, le Soudan du Sud créer un très grand nombre d’emplois. L’aug- et la Zambie. 6 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré A.2 Le défi de l’emploi des jeunes est différent dans les pays riches en ressources et certains pays à revenu intermédiaire Les pays riches en ressources font face à des défis particuliers ture (Indonésie et Malaisie) ou les produits primaires non liés en matière d’emploi. Les rentes tirées des ressources natu- aux ressources (Chili) — grâce à des politiques macroécono- relles, si elles sont mal gérées, ont pour conséquence des taux miques, de commerce et d’investissements saines, ainsi que de change surévalués et des salaires réels non compétitifs. des stratégies de développement du capital humain et un Ces conditions entravent sérieusement la création d’emplois bon environnement des affaires (Gelb et Gramann 2012). dans les secteurs orientés vers l’exportation. Dans le même Les problèmes d’emploi des jeunes dans certains pays à temps, les quelques opportunités d’emplois très bien rému- revenu intermédiaire, comme l’île Maurice et l’Afrique du nérés dans le secteur des ressources naturelles encouragent Sud, ressemblent à la crise du chômage des jeunes vécue les jeunes à « attendre un emploi », un comportement qui hors de l’Afrique subsaharienne. En Afrique du Sud en par- peut biaiser les choix éducatifs et exacerber l’inadéquation ticulier, le chômage est élevé (25-40 %, selon la définition des compétences sur le marché du travail. Les rentes des utilisée), le chômage des jeunes est encore plus élevé, et le ressources peuvent aussi provoquer de sérieux problèmes de secteur informel très petit. Le défi est de réduire le chômage, gouvernance qui freinent la croissance de l’emploi. ce qui implique une compréhension de ses facteurs détermi- En revanche, si les pays gèrent bien leurs ressources nants. Même si les symptômes et certaines causes peuvent naturelles, ils peuvent amasser des ressources financières différer (par exemple, la réglementation du travail peut jouer pour soutenir des investissements judicieux dans le déve- un rôle beaucoup plus important dans ces pays plus dévelop- loppement humain, les infrastructures et la promotion de pés), certaines des solutions proposées dans ce rapport pour nouvelles sources de croissance économique. Les pays riches d’autres pays sont assez similaires à celles dont l’Afrique en ressources qui se démarquent par leurs économies en du Sud a besoin, par exemple des mesures pour accroître pleine croissance, comme le Chili, l’Indonésie et la Malaisie, la productivité agricole ou améliorer les compétences des ont diversifié leurs économies — pour aller vers la manufac- travailleurs. mentation des emplois salariés (en pourcentage un niveau toujours inférieur à celui des autres du total d’emplois) proviendra d’une diversifi- régions en développement. La part des emplois cation continue de la production et des expor- salariés dans le secteur des services devrait pas- tations, et d’une demande intérieure en services ser de 13 à 22 %. croissante à mesure que les revenus augmen- En d’autres termes, au cours des dix pro- tent. L’emploi dans le secteur des services va, chaines années, au mieux, seul un quart de la selon les prévisions, croître plus rapidement jeunesse d’Afrique subsaharienne trouvera un que l’emploi dans les secteurs industriels. emploi salarié, et seule une petite fraction de Comme par le passé, la plupart des emplois ces emplois seront des emplois « formels » dans non agricoles seront donc créés dans les ser- des entreprises modernes. La plupart des jeunes vices. Sur la base de ces hypothèses, les pro- finiront par travailler dans le même secteur que jections montrent que le nombre des emplois leurs parents — dans des exploitations agricoles salariés dans le secteur industriel connaîtra une et des entreprises individuelles (Figure A.4). hausse de 55 % au cours des dix prochaines Le défi de l’emploi est donc non seulement années. Le problème est que cette croissance de créer des emplois dans le secteur formel, commence d’une base si petite qu’elle est loin aussi importants soient-ils, mais aussi d’aug- de permettre d’absorber les millions de jeunes menter la productivité de près de 80 % de la qui joignent chaque année la population active. population active occupée qui sera dans le La base étant limitée, la part des emplois indus- secteur informel, et ainsi aborder le problème triels salariés dans l’emploi total n’augmentera du sous-emploi dans ce secteur. La forte aug- que de 3 à 4,5 % en Afrique subsaharienne, mentation de la population jeune en Afrique et L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 7 Figure A.4  L’informel sera la norme en 2020 cains l’espoir de sortir de l’emploi informel ? Emplois par secteur Bien au contraire. L’accroissement de la pro- ductivité des petites exploitations agricoles et 300 des entreprises individuelles est précisément ce 250 qui va permettre au secteur formel de se déve- Emplois (millions) 200 lopper et prospérer. Cela a été déterminant pour la transformation structurelle en Asie et 150 en Amérique latine, et c’est également la clé de 100 l’avenir de l’Afrique. 50 0 Agriculture Entreprises Services Industrie La transition des jeunes individuelles salariés salariés vers un emploi productif 2010 Nouveaux emplois en 2020 Source : Fox et coll., 2013. La jeunesse se caractérise par le fait qu’il s’agit Note: Le nombre projeté de nouveaux emplois crées d’ici à 2010 d’une période de transition (cf. Banque mon- est de 125 millions. diale 2006). Les jeunes quittent l’école pour le travail, et pour se lancer dans une carrière. la structure actuelle de l’économie impliquent Ils prennent de nombreuses décisions qui les que la majorité des travailleurs de cette généra- conduiront ou non à fonder une famille et à tion resteront dans le secteur informel durant vivre sainement (y compris décider d’opter la majorité de leur vie professionnelle. A long pour des comportements à risque tels que le terme, ces travailleurs (ou leurs enfants) évo- tabagisme et la consommation d’alcool). La lueront vers le secteur formel, tout comme plupart d’entre eux commencent aussi à assu- leurs homologues en Asie de l’Est et en Amé- mer les droits et devoirs de citoyen, comme rique latine. la participation aux élections. La question est L’importance accordée à l’augmentation de donc de savoir comment aider les jeunes à réa- la productivité dans le secteur informel peut liser ces transitions de façon à les mettre sur sembler inhabituelle au vu de la publicité faite la voie d’un emploi productif. Les problèmes sur le taux de chômage élevé des diplômés qui se posent aux jeunes — en particulier aux universitaires et la récente attention portée à jeunes femmes ou aux plus pauvres — durant la création d’emplois dans le secteur manu- ces transitions augmentent la difficulté de trou- facturier formel (Dinh et coll. 2012). Mais les ver un chemin vers la productivité (même s’il diplômés universitaires ne représentent qu’une est important d’assurer des emplois productifs part infime (environ 3–4 %) de la population pour tous les membres de la société, comme active, sont issus des ménages les plus riches, et expliqué dans l’Encadré A.4). continuent d’avoir les meilleures perspectives La transition de l’école vers le travail, ainsi d’emploi. La création d’emplois dans le sec- que celle entre les différents secteurs de l’em- teur formel est importante et doit être encou- ploi (entre l’agriculture et un emploi salarié ragée, mais la réalité est que même si les pays par exemple), est particulièrement difficile africains réussissaient à attirer une injection pour les jeunes Africains. Beaucoup n’ont pas extraordinaire d’investissements privés dans les moyens, les compétences, les connaissances les entreprises à forte densité de main-d’œuvre, ou les relations nécessaires pour convertir leurs cela ne devrait extraire qu’un petit nombre de études en un emploi productif. Il n’existe pas travailleurs du secteur informel dans un avenir non plus de voie structurée à suivre. Beaucoup proche (Encadré A.3). de jeunes combinent école et travail pendant Même s’il est réaliste de mettre l’accent sur plusieurs années (Figure A.5). Certains vont le rôle du secteur informel, cela signifie-t-il directement dans l’apprentissage ou des arran- que nous sommes pessimistes pour l’avenir de gements similaires, mais d’autres ne le font pas. l’Afrique ? Refusons-nous aux travailleurs afri- Des données provenant des régions urbaines 8 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré A.3 Que se passera-t-il au niveau de l’emploi si l’industrie manufacturière légère augmente de façon spectaculaire en Afrique ? Certains observateurs soutiennent que la structure de l’em- annuelle moyenne de l’emploi salarié dans l’industrie devrait ploi pourrait changer plus rapidement si l’Afrique réalisait doubler au cours de la décennie pour atteindre 12 % par un changement radical pour dévier de sa voie de croissance an, et le total des emplois salariés devrait augmenter de 6 % actuelle (Lin et Monga 2012 ; Dinh et coll. 2012). Quelles par an. perspectives d’emploi pourraient s’ouvrir à la jeunesse d’ici Cependant, au bout du compte, la structure de l’emploi 2020 si les pays africains reprenaient à leur compte les indus- ne devrait changer que très légèrement par rapport à celle tries et les emplois de l’Asie à compter de 2015, tout comme d’aujourd’hui. Les pays à faible revenu pourraient espé- les pays asiatiques tels que le Bangladesh, le Cambodge et le rer quelque 5 millions d’emplois salariés en plus par an, et Vietnam l’ont fait avec les industries et emplois du Japon et les pays à revenu intermédiaire tranche inférieure, environ de la Corée du Sud dans les années 1980 et 1990 ? 2 millions de nouveaux emplois salariés — un écart de 10 % Pour tester ces possibilités, nous avons simulé cette expé- par rapport au nombre total de nouveaux emplois dans ces rience récente de l’Asie dans les pays à faible revenu et à pays, soit un léger changement par rapport aux perspec- revenu intermédiaire tranche inférieure de l’Afrique.a Dans tives offertes aux nouveaux entrants. Ces gains modestes la simulation, l’élasticité de l’emploi salarié augmente de reflètent en partie la courte période utilisée pour la projec- 1,2 pour correspondre à l’élasticité historique des emplois tion (elle couvre cinq ans alors que le changement structurel salariés pour le Bangladesh, le Cambodge et le Vietnam. Cela au Vietnam s’est déroulé sur vingt ans). Ils reflètent égale- signifie que l’emploi dans le secteur industriel devrait croître ment la population active plus importante de l’Afrique et la plus rapidement de 20 % par rapport à la valeur ajoutée, base limitée à partir de laquelle le développement industriel ce qui implique une croissance à haute intensité de main- doit commencer. L’Afrique aura besoin de deux décennies au d’œuvre. La projection de croissance industrielle des pays moins pour changer suffisamment la structure de l’emploi à faible revenu et des pays à revenu intermédiaire tranche afin d’offrir des perspectives radicalement différentes à sa inférieure est également revue à la hausse, au taux de 10 % jeunesse, d’où l’importance de commencer le processus de par an sur la période 2015-2020. Ce chiffre est légèrement changement dès aujourd’hui. supérieur au taux de croissance industriel médian et moyen enregistré par le Bangladesh, le Cambodge et le Vietnam au cours de la dernière décennie (9,3 % par an). Source : Fox et coll., 2013. Si ce scénario « spectaculaire » pouvait se réaliser, les a. Les pays africains riches en ressources sont exclus de cette simulation, emplois salariés dans le secteur industriel augmenteraient car même les pays riches en ressources de l’Asie de l’Est n’ont pas réussi plus rapidement dans les pays à faible revenu et à revenu la transformation de l’emploi simulée ici. intermédiaire tranche inférieure de l’Afrique. La croissance de la Tanzanie montrent que certains jeunes tion professionnelle selon le sexe. Par exemple, font des petits boulots, avec un appui de leurs les jeunes femmes dans le secteur des entre- familles pour une période allant jusqu’à cinq prises individuelles travaillent surtout dans des ans, avant d’obtenir un emploi salarié ou de domaines restreints tels que la couture, même s’établir à leur propre compte (pour la plupart). si beaucoup d’autres professions pourraient De plus, les jeunes de la première génération être plus lucratives. qui quittent l’école et qui aspirent à des emplois salariés souffrent de leur manque d’antécédents familiaux dans l’emploi formel. Ils manquent Priorités pour aborder l’emploi de réseaux pour les aider à trouver un emploi. des jeunes Par rapport aux hommes, les jeunes femmes peuvent être particulièrement défavorisées par Pour comprendre les défis qui entravent la pro- d’autres dimensions de la transition, telles que ductivité et les revenus des jeunes, et orienter la la constitution d’une famille (Figure A.6). Les façon dont les politiques doivent être ciblées, normes sociales tendent à imposer une ségréga- le présent rapport examine les trois princi- L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 9 Encadré A.4 L’emploi des jeunes et l’emploi en général Un élément clé de l’amélioration des perspectives d’em- ture ou démarrer des entreprises individuelles ne réduisent ploi pour la jeunesse africaine est de comprendre et d’abor- généralement pas de telles occasions pour les adultes. Mais der les défis économiques globaux de l’Afrique. Pour cette les efforts pour promouvoir l’accès des jeunes au secteur raison, une grande partie de ce rapport sera axée sur l’identi- salarié moderne pourraient entraîner un déplacement des fication des politiques susceptibles d’accroître la productivité adultes évoluant dans le secteur. Une assistance aux jeunes de tous les emplois (dans l’agriculture, les entreprises indivi- peut avoir des avantages à long terme si elle les met sur une duelles non agricoles et le secteur salarié moderne). Le rap- trajectoire productive. Toutefois, les travailleurs âgés peuvent port identifie également les politiques prometteuses visant avoir des familles et autres personnes économiquement plus particulièrement les jeunes afin de les aider à mieux dépendantes qui comptent sur leur revenu. Il n’est pas clair réussir la transition vers un emploi plus productif dans cha- que le bien-être social soit amélioré en favorisant les jeunes cun de ces trois secteurs. travailleurs par rapport aux personnes plus âgées. Accroître L’importance accordée à la jeunesse dans ce rapport pose les possibilités pour tous les travailleurs, tout en aidant les la question de savoir s’il peut être socialement avantageux jeunes à franchir les obstacles qui leur sont spécifiques, est la de soutenir des politiques de l’emploi plus favorables à la stratégie recommandée par ce rapport. jeunesse qu’aux autres membres de la société. Des efforts spécifiques pour aider les jeunes à se lancer dans l’agricul- Source : Auteurs. Figure A.5  La (lente) transition de l’école au monde du travail a. Rural b. Urbain 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 15 18 21 24 27 30 33 15 18 21 24 27 30 33 Age Age Au travail Aussi bien au travail qu'à l'école A l'école Pas à l'école, pas au travail, à la recherche d'emploi Source : Analyse par les auteurs des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées. paux secteurs où les populations travaillent : ronnement des affaires. Ce cadre est décrit plus l’agriculture, les entreprises individuelles non en détails dans l’Encadré A.5. agricoles et l’emploi salarié moderne. Il établit Sur le plan du capital humain, le rôle de ensuite une distinction entre deux dimensions l’éducation de base domine les interventions qui façonnent le potentiel des jeunes à trouver dans l’ensemble des trois secteurs. Différentes des trajectoires vers un travail productif dans approches s’imposent pour renforcer les com- ces trois secteurs : le capital humain et l’envi- pétences postscolaires dans l’agriculture, les 10 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure A.6  La création d’une famille débute plus tôt chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes a. Femmes b. Hommes 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 15 20 25 30 35 15 20 25 30 35 Age Age Déjà eu un enfant Déjà marié Déjà eu des rapports sexuels Source : Analyse faite par les auteurs de données des enquêtes démographiques et de santé (28 pays). entreprises individuelles et le secteur salarié variation substantielle dans les profils éduca- moderne. Du côté de l’environnement des tifs des jeunes travailleurs dans chaque secteur affaires, accroître la productivité implique de (Figure A.7). L’évaluation de l’apprentissage au permettre aux agriculteurs d’accéder au finan- plan international montre que ces jeunes n’ont cement et de sécuriser leurs biens fonciers. pourtant pas les compétences pour être com- Dans le secteur des entreprises individuelles pétitifs sur le marché mondial. La scolarisation non agricoles, les services d’infrastructure et est différente de l’apprentissage. De grandes l’accès au financement ainsi qu’un espace de insuffisances dans la qualité de l’instruction fonctionnement joueront un rôle crucial. Pour signifient que l’effet de l’éducation sur la pro- stimuler l’emploi dans le secteur moderne ductivité est bien inférieur à son potentiel. La salarié, la réglementation et les infrastructures mauvaise qualité de l’éducation freine directe- commerciales seront importantes. ment la productivité et empêche les individus d’acquérir de nouvelles compétences. L’apprentissage à l’école primaire est sou- Capital humain : le rôle fondamental vent minimal : 80 % des élèves maliens en de l’éducation de base 3e année d’école primaire et plus de 70 % des élèves ougandais en troisième année d’école L’Afrique subsaharienne a connu une augmen- primaire sont incapables de lire un seul mot tation rapide du nombre d’enfants qui achèvent (Cloutier, Reinstadtler et Beltran 2011). Même l’école primaire, de 50 % environ en 1991 à les élèves qui achèvent leur cursus primaire ont 70 % en 2011. En moyenne, le jeune Ghanéen un faible niveau de compétences de base : 43 % ou Zambien est aujourd’hui plus scolarisé que des élèves de sixième année primaire en Tanza- la moyenne des citoyens français ou italiens en nie et 74 % au Mozambique n’ont pas dépassé 1960 (Pritchett 2013). La cohorte actuelle des le niveau des compétences de base en « calcul » jeunes en Afrique subsaharienne sera la plus tandis que 44 % au Mozambique n’ont pas scolarisée qu’il n’y ait jamais eu. l’aptitude de « lire pour comprendre » (Hungi Le niveau d’instruction influe sur les pers- et coll. 2010). Quelques années d’éducation de pectives d’emploi, comme en témoigne la base de qualité médiocre ne conféreront pas de L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 11 Encadré A.5 Cadre d’analyse de l’emploi des jeunes Les trois principaux secteurs d’emploi : Le secteur salarié moderne est composé de petites, moyennes et grandes entreprises qui embauchent en per- L’agriculture est le secteur qui concentre la grande majorité manence cinq employés ou plus. Il comprend également le des emplois en Afrique subsaharienne. L’agriculture occupe secteur public qui, dans certains pays, constitue une part plus de 70 % de la population active des pays à faible importante du secteur salarié moderne. Dans les pays à revenu et plus de 50 % dans les pays à revenu intermédiaire, faible revenu et à revenu intermédiaire tranche inférieure tranche inférieure d’Afrique. Les agriculteurs africains sont d’Afrique subsaharienne, près de la moitié des emplois essentiellement des petits exploitants qui consomment une salariés relève du secteur public. Dans ce rapport, l’accent grande partie de ce qu’ils produisent. Selon des récentes est mis uniquement sur le secteur privé, qui a le plus grand données d’enquêtes de ménages, on estime que la part potentiel de création d’emplois. de l’autoconsommation est de l’ordre de 50 % (contre 20–30 % en dehors de l’Afrique subsaharienne). Les deux dimensions qui ouvrent des trajectoires vers des Les entreprises individuelles ne sont pas formellement emplois productifs : ­ constituées en société, mais sont des entreprises non • Le capital humain — l’offre, ou les capacités, l’éducation, agricoles appartenant aux ménages. Elles comprennent les compétences, les liens familiaux, les réseaux et d’autres des travailleurs autonomes qui gèrent des entreprises qui caractéristiques ancrées dans un individu et qui lui per- embauchent parfois des membres de la famille, sans rému- mettent de trouver des opportunités d’être productif, nération, mais peuvent également employer de façon per- d’augmenter et de sécuriser ses revenus. manente jusqu’à cinq employés non membres de la famille. La grande majorité (70 %) des entreprises non agricoles • L’environnement des affaires — les facteurs hors du aujourd’hui relèvent purement de l’auto-emploi : seul le contrôle immédiat du travailleur et qui affectent la pro- propriétaire travaille dans l’entreprise individuelle. Près de ductivité (accès à la terre, capital et finance, infrastruc- 20 % de ces entreprises comprennent un autre membre de tures, technologie et marchés), ainsi que les politiques la famille, et seuls 10 % embauchent une personne exté- gouvernementales, les règlementations et programmes rieure à la famille. susceptibles d’influencer le choix de l’activité économique et la réalisation de l’activité. Figure A.7  L’éducation façonne les possibilités : éducation par secteur d’emploi pour les jeunes de 15–24 ans et de 25–34 ans a. Ages 15–24 b. Ages 25–34 100 100 80 80 60 60 Pourcentage Pourcentage 40 40 20 20 0 0 Agriculture Entreprises Salarié Salarié Agriculture Entreprises Salarié Salarié individuelles sans avec individuelles sans avec contrat contrat contrat contrat Pas d'éducation Primaire inachevé Primaire achevé Premier cycle secondaire achevé Second cycle secondaire achevé Post-secondaire Source : Analyse par les auteurs des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées. 12 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne gains de productivité si les élèves ne maîtrisent (offrant souvent des performances supérieures pas encore l’écriture et le calcul et ce, même si à moindre coût) ne doit pas être étouffé, mais les approches dites « d’éducation de la seconde plutôt encouragé et canalisé afin de donner à chance » offrent des possibilités de rattrapage. un plus grand nombre d’étudiants la possibilité Pour beaucoup, cependant, l’enseignement pri- d’apprendre. maire est le plus haut niveau de scolarité qu’ils Des améliorations au niveau de l’éducation pourront atteindre. Ces résultats sont d’autant de base permettront de jeter les fondements plus troublants qu’ils montrent que les élèves d’une meilleure productivité. Dans le même qui quittent l’école ont une base trop fragile temps, des actions complémentaires sont néces- pour acquérir ensuite des compétences plus saires pour améliorer l’environnement des spécialisées. affaires et développer le capital humain afin de Même les élèves qui arrivent dans le secon- maximiser les chances de succès des jeunes dans daire (ceux qui seront les plus susceptibles la transition vers des emplois rémunérateurs. d’aller vers le secteur salarié moderne) ne sont Ces mesures varient selon le secteur d’emploi, pas compétitifs au niveau mondial. Dans une comme nous le verrons prochainement. récente évaluation internationale des élèves en huitième ou neuvième année de scolarité (équivalent de la 4e ou 3e), 79 % des Ghanéens Accroître la productivité des et 76 % des Sud-Africains n’ont pas dépassé petits exploitants agricoles le plus bas niveau de compétences en mathé- matiques. À titre de comparaison, la moyenne L’agriculture peut et doit être un secteur d’op- internationale est de 25 % et les scores cor- portunités pour la jeunesse d’Afrique sub­ respondants pour les élèves indonésiens et saharienne. La demande croissante en produits jordaniens sont respectivement de 67 % et de alimentaires est le signe que l’offre peut tirer 45 %.4 Au-delà de ces compétences cognitives, profit d’un marché en pleine croissance. Et la de nombreux jeunes n’ont pas les compétences demande croissante ne se limite pas qu’aux comportementales et socio-émotionnelles, par- marchés intérieurs en pleine expansion en fois appelées « compétences douces », qui sont Afrique. Les cours mondiaux des denrées ali- nécessaires pour obtenir, conserver et être pro- mentaires sont à leur niveau le plus élevé depuis ductif dans un emploi. plusieurs décennies, et ils devraient rester élevés Aborder la question de ces lacunes d’appren- au moins pendant le reste de la décennie. tissage n’est pas aisé. Les enquêtes dans les écoles L’Afrique est bien placée pour produire pour révèlent de grosses failles dans la prestation des ce marché mondial important et potentielle- services. Par exemple, l’absentéisme des ensei- ment lucratif. Elle a des réserves abondantes gnants sur un jour donné était entre 16 et 20 % de terres et souvent d’eau, contrairement à au Kenya, au Sénégal et en Tanzanie ; les élèves d’autres régions. Si les jeunes peuvent avoir du primaire n’avaient que 2 à 3 heures environ accès à ces ressources et les utiliser en conjonc- d’apprentissage par jour (Indicateurs de Pres- tion avec des stratégies visant à rendre l’agri- tations des Services, www.SDIndicators.org). Il culture plus productive, les résultats pourraient est essentiel de réformer le cadre de redevabilité être transformateurs pour la génération de qui permet à cette performance médiocre de revenus et la croissance économique. Plus des persister. Une meilleure information sur la per- deux tiers des jeunes travaillant dans les zones formance doit être complétée par des approches rurales sont déjà employés dans l’agriculture, ciblées qui renforcent le rôle des personnes les et la plupart y resteront, même si le secteur non plus touchées : les élèves et leurs parents. Des agricole se développe très rapidement. mesures pour s’assurer que les enseignants sont Bien que l’agriculture soit la source la plus bien préparés à l’enseignement et soutenus dans immédiate de revenu et d’emploi pour un leurs tâches sont indispensables pour créer une grand nombre de jeunes, les efforts visant à équipe de professionnels très performants. Le accélérer la croissance agricole et à améliorer la développement des écoles privées en Afrique sécurité alimentaire en Afrique ont été concep- L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 13 tuellement distingués des efforts visant à créer beaucoup plus d’emplois non agricoles mieux des emplois pour les jeunes. Ces objectifs sont rémunérés pour tout le monde, surtout les pourtant complémentaires. Accroître les pers- jeunes. pectives des jeunes pour un travail productif en Comprendre pourquoi le secteur le moins milieu rural est sans doute le plus important productif est également le plus important en catalyseur pour permettre à l’Afrique de profi- termes d’emploi peut donner des pistes sur la ter de ses dividendes démographiques. façon dont les travailleurs agricoles peuvent La faible productivité agricole est le princi- augmenter leur productivité. Les petits agri- pal obstacle à surmonter. La productivité agri- culteurs peuvent être pris dans un piège qui cole reste plus faible en Afrique que dans toute les empêche de générer des revenus suffisants autre région du monde, et l’agriculture est le pour investir afin d’augmenter la production secteur le moins productif dans les économies et la productivité. La grande majorité des agri- africaines. Pourtant, la productivité globale culteurs africains travaillent sur des petites des facteurs, ainsi que des terres et du travail, parcelles, souvent dans des régimes fonciers a été en hausse dans l’agriculture africaine incertains. Ils ne peuvent pas profiter des éco- depuis les années 1990 (Fuglie et Rada 2013 ; nomies d’échelle (quand elles existent), des Nin-Pratt, Johnson et Yu 2012). Elle pourrait intrants agricoles modernes et de la mécanisa- encore augmenter avec la hausse du cours des tion. L’insuffisance des infrastructures rurales denrées alimentaires puisque la valeur de la (transport, électricité et irrigation) limite production pour la même quantité d’intrants les efforts des agriculteurs pour obtenir des augmentera. Mais ces indicateurs de produc- intrants abordables tels que les semences et les tivité sont bien en deçà des niveaux atteints engrais, vendre leur production de façon ren- dans d’autres régions au cours de leurs phases table ou exploiter de nouvelles terres agricoles. de croissance économique rapide. En effet, Le manque d’irrigation rend l’agriculture plus les pays africains ne suivent pas la trajectoire vulnérable aux aléas climatiques. d’autres régions où les gains de productivité Les faibles niveaux d’éducation et les pro- dans les exploitations agricoles, combinés blèmes de santé omniprésents (deux résultats à des revenus plus élevés et de meilleures de la médiocrité des prestations de services) opportunités non agricoles, ont entraîné un empêchent les agriculteurs d’accroître leur déplacement rapide de la main-d’œuvre hors propre productivité, et limitent aussi le nombre du secteur agricole. de migrants vers les zones où l’agriculture ou Les effets de la faible productivité agricole toute autre occupation pourrait être plus pro- vont bien au-delà des zones rurales et des ductive. Les jeunes ruraux ont des niveaux ménages agricoles. Un résultat souvent oublié d’instruction nettement inférieurs à leurs de la faible productivité agricole en Afrique homologues des villes. La prise en charge ou le est le prix élevé des denrées alimentaires sur le traitement de certaines maladies endémiques marché intérieur. Les prix locaux ne sont que ne sont pas coûteux à gérer et traiter, mais ces peu corrélés avec les prix mondiaux, surtout à domaines de la politique de santé font l’objet l’intérieur. Lorsque les prix sont élevés sur les d’une moindre attention en dépit de leur coût marchés intérieurs, ceci augmente le coût des élevé pour l’économie rurale. Les maladies, en denrées alimentaires et fait monter les salaires, plus de réduire la main-d’œuvre disponible des contribuant ainsi au manque de compétitivité ménages agricoles, peuvent épuiser l’épargne globale de l’Afrique. Des prix élevés sur le mar- quand les traitements sont coûteux et entraîner ché intérieur affectent les revenus réels de toute la vente de détresse d’actifs. la population, sauf les agriculteurs qui sont Pour que l’Afrique puisse accroître la pro- des vendeurs nets de denrées alimentaires et ductivité agricole suffisamment pour soutenir dont les coûts de production sont relativement la croissance globale et offrir des revenus plus faibles. Une plus grande productivité agricole élevés aux travailleurs du secteur, l’agriculture permettra de réduire les coûts des denrées ali- doit rapidement cesser d’être une activité de mentaires sur le marché intérieur et de créer dernier recours et de faible productivité pour 14 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne se transformer en secteur dont le dynamisme vaux agricoles à plein temps, (2) des travaux technique et les opportunités sont reconnus agricoles à temps partiel, combinés avec la (voir Encadré A.6 pour une analyse du lien gestion d’une entreprise individuelle pouvant entre productivité et emploi dans l’agricul- inclure la vente de services agricoles ou d’in- ture). En accordant une plus grande priorité à trants, ou (3) un travail salarié. Pour augmenter des programmes bien conçus d’investissement la productivité de ces trajectoires vers l’emploi public dans l’agriculture, en poursuivant les agricole, au moins quatre contraintes doivent progrès en matière de réformes de régulations être levées : les contraintes liées aux services et politiques et en augmentant l’attention por- financiers et au crédit, aux politiques foncières, tée à l’inclusion des jeunes, l’agriculture peut aux infrastructures et aux compétences. absorber le grand nombre de nouveaux deman- deurs d’emploi et offrir un travail intéressant Crédit et services financiers avec de grands avantages publics et privés. Parce qu’ils travaillent dans des environne- De façon générale, trois voies s’offrent aux ments à risques et manquent de garanties, les jeunes ruraux dans l’agriculture : (1) des tra- ménages ruraux sont confrontés à des diffi- Encadré A.6 La main-d’œuvre quitte-t-elle l’agriculture à mesure que la productivité augmente ? Si les exploitations agricoles de l’Afrique deviennent plus Tableau BA.6.1  Augmentation en pourcentage des zones grandes à mesure que la productivité augmente, les travail- cultivées, de la main-d’œuvre agricole et de la production par leurs seront-ils forcés à quitter le secteur et n’auront-ils nulle employé en Afrique subsaharienne part où aller ? Certains observateurs ont évoqué ce problème, 1960–2008 1990–2008 et les raisons sont compréhensibles. Dans d’autres parties du (% d’augmentation) (% d’augmentation) monde, la croissance de la productivité s’est accompagnée Zones cultivées  42 20 d’une augmentation de la taille des exploitations agricoles, une réduction de l’intensité en main-d’œuvre de la produc- Main-d’œuvre agricole 125 21 tion et le départ de travailleurs du secteur agricole. Production par employé  21  9 La dotation en terre et en main-d’œuvre de l’Afrique ainsi Source : Fuglie et Rada, 2013. que son histoire récente offrent des perspectives pour apai- ser ces craintes. Si la terre est disponible et les zones culti- vables toujours en expansion, l’augmentation de la taille des mondiale, un nombre limité de produits manufacturés non exploitations ne doit pas nécessairement entraîner un dépla- échangeables, un énorme potentiel de croissance en termes cement de la main-d’œuvre, surtout avec le coût élevé du de superficies et de rendements, et l’évolution des avantages capital pour investir dans la mécanisation. Comme le montre comparatifs dans les pays développés en faveur de produits le Tableau BA.6.1, entre 1960 et 2008, les superficies culti- et services à forte densité technologique. Le coût du capital vées en Afrique la main-d’œuvre agricole et la production en Afrique reste élevé, reflétant les faibles taux d’épargne, par employé ont augmenté malgré le grand nombre de tra- les coûts élevés liés à la pratique des affaires et la demande vailleurs par hectare. Ces dernières années, de 1990 à 2008, croissante en investissements d’infrastructure à forte densité le rythme de croissance de la main-d’œuvre a ralenti par rap- de capitaux. La part de l’agriculture dans le PIB africain (et la port à l’expansion des terres et la production par travailleur capacité d’absorption de main-d’œuvre) pourrait donc rester n’a cessé de croître. stable, voire croître plutôt que diminuer avec le développe- Les exploitations agricoles de l’Afrique peuvent aug- ment. Les réserves abondantes de bonnes terres, d’eau et menter en nombre, en taille et en productivité sans provo- de main-d’œuvre jeune et dynamique sont des atouts consi- quer un déplacement de la main-d’œuvre. L’expérience du dérables à un moment où l’économie mondiale a un besoin sous-continent avec un changement structurel au XXIe siècle urgent de plus de nourriture. Que l’Afrique puisse ou non n’est pas susceptible de reproduire celle d’autres régions à utiliser de manière productive ces actifs dépend de la réduc- des périodes précédentes. Le contexte actuel est caracté- tion des contraintes liées à l’accès à la terre et à la levée des risé par les prix élevés des denrées alimentaires à l’échelle obstacles à la croissance agricole identifiés dans ce rapport. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 15 cultés majeures pour obtenir du capital et des grammes pour renforcer leur capacité à servir crédits. Les institutions financières tradition- les jeunes. nelles ne trouvent pas rentable l’activité d’oc- troi de crédits agricoles. Un certain nombre Politiques foncières d’organisations non gouvernementales Des droits fonciers précaires et mal définis, et (ONG) et de banques innovent par la mise en les difficultés à louer ou utiliser autrement les place de nouveaux instruments et de nouvelles terres posent des problèmes aux jeunes dans institutions, dont certains semblent promet- le secteur agricole. Certains jeunes possèdent teurs. Créées au Niger en 1991, les associations des terres (bien que ce soit de petites parcelles), villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), où mais la propriété reste fortement concentrée les membres épargnent à intervalles réguliers chez les adultes plus âgés (Figure A.8). et prêtent des fonds suivant les conditions Le problème des droits fonciers précaires déterminées par le groupe, se sont répandues et mal définis peut être résolu en dressant dans 39 pays, essentiellement africains. Elles un inventaire des parcelles enregistrées et en offrent de vastes possibilités pour aider les améliorant le cadastre. Ce processus se révèle jeunes à épargner de l’argent afin de l’investir de plus en plus pratique grâce aux systèmes dans l’agriculture et d’accéder au crédit, tout d’information géographique (SIG). La sécu- en bénéficiant d’accompagnement et d’accès à rité des droits fonciers est aussi renforcée par l’information à travers un groupe. Les AVEC l’amélioration des procédures de délivrance de pourraient aider les jeunes des zones rurales à titres fonciers. Lorsque les agriculteurs savent se lancer dans l’agriculture et les secteurs non que leurs droits fonciers sont garantis, ils sont agricoles. plus susceptibles d’investir dans l’amélioration Divers dispositifs institutionnels et pro- de leurs terres. Une récente évaluation d’impact grammes d’incitation peuvent aussi améliorer d’un projet pilote d’enregistrement foncier au l’accès au crédit. Des exemples incluent diffé- Rwanda montre que le renforcement de la rentes formes de garanties (hypothèques mobi- sécurité des droits fonciers entraîne l’augmen- lières et autres), le crédit-bail (qui ne requiert tation des investissements dans l’amélioration aucune garantie, comme la « DFCU Leasing des terres de 9 % chez les agriculteurs et de Company » en Ouganda), la liaison du crédit et des services de vulgarisation agricole (s’atta- quant ainsi à de multiples contraintes en même temps, puisque les jeunes ont aussi besoin d’in- Figure A.8  Propriété foncière par tranche d’âge formations) et l’agriculture sous contrat (où le Pourcentage de propriétaires d’au moins une parcelle de terre 80 grossiste octroie des crédits pour l’acquisition 70 d’intrants). Aucune de ces innovations de la finance 60 rurale n’est réservée exclusivement aux jeunes. Ces derniers ne devraient pas non plus être 50 Pourcentage considérés comme un groupe isolé qui devrait 40 bénéficier de services financiers conçus spécia- lement pour eux. Les risques pris en travaillant 30 avec cette clientèle sont élevés, et le fait d’isoler 20 les jeunes d’un groupe de personnes plus vaste qui permet de partager les risques les rendrait 10 encore moins attractifs pour les institutions 0 financières. Une meilleure approche consiste à 15–19 20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 50–54 55–59 60+ soutenir un éventail d’innovations financières Age qui facilitent l’accès des petits exploitants agri- Tanzanie Ouganda Malawi coles et entrepreneurs ruraux. Au besoin, des nouveautés doivent être ajoutées à ces pro- Source : Analyse des données LSMS-ISA par les auteurs. 16 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 18 % chez les agricultrices (Ayalew Ali, Deinin- motorisée est peu dense. L’entretien des routes ger et Goldstein 2011). pavées est coûteux et, souvent, non financé. Une fois les terres enregistrées et les titres D’autre part, les routes sont susceptibles de fonciers délivrés, les marchés de location de devenir des outils de favoritisme politique terres peuvent se développer. Il a été démon- (Raballand et Macchi 2009). tré que les marchés de location de terres pro- meuvent l’agriculture à vocation commerciale Compétences au Ghana et encouragent le transfert de terres Étant donné leur faible niveau d’éducation aux petits exploitants agricoles au Soudan. En (Figure A.7), les jeunes des zones rurales revanche, les restrictions imposées aux marchés peuvent améliorer leur productivité à travers de location de terres freinent le développement une meilleure scolarisation. L’amélioration de des secteurs agricoles et non agricoles. Elles la productivité entraîne à son tour une hausse découragent les propriétaires terriens d’accep- de la demande de scolarisation, déclenchant ter des emplois dans le secteur non agricole de ainsi un cycle vertueux. Les résultats utilisés peur de perdre leurs terres. pour démontrer les effets secondaires de l’édu- L’industrie agricole peut augmenter la pro- cation proviennent généralement de l’agri- ductivité, et certaines régions d’Afrique, la culture : les agriculteurs apprennent de leurs savane guinéenne notamment, ont un énorme voisins agriculteurs, notamment des plus édu- potentiel de développement de l’agriculture qués, qui sont plus susceptibles d’adopter de commerciale sur de grandes et petites exploi- nouvelles technologies (Conley et Udry 2010 ; tations (Morris, Binswanger-Mkhize et Byer- Rosenzweig 2012). Tous ces effets s’observent lee 2009). Cependant, les grandes propriétés plus nettement chez les jeunes agriculteurs. foncières à vocation commerciale et l’industrie En plus de l’éducation de base, l’agricul- agricole peuvent susciter des controverses sur ture à forte productivité nécessite un certain le plan politique. Il est essentiel de résoudre les nombre de compétences spécifiques, notam- problèmes que constituent la part des grandes ment en matière de traitement, commercia- exploitations agricoles dans une structure sec- lisation, fonctionnement et réparation de torielle diversifiée, ainsi que la rémunération de machines, transport, logistique et contrôle de petits propriétaires en échange des terres mises qualité. Dans certains pays, des instituts de for- à disposition des grands exploitants commer- mation professionnelle agricole (dont certains ciaux. D’autres moyens de regroupement des sont associés à des universités) fournissent tra- petits exploitants, comme les associations de ditionnellement ces compétences. Ces instituts producteurs ou l’agriculture sous contrat, affichent des résultats mitigés, principalement pourraient être aussi des approches pratiques en raison du manque de liens entre la théorie, pour améliorer la productivité lorsqu’une l’enseignement magistral et le besoin d’une for- échelle de production plus grande contribue à mation pratique, sur le terrain. réduire les coûts. L’histoire des programmes de vulgari- sation agricole en Afrique est peu encoura- Infrastructures geante, principalement en raison du manque Dans certains cas, mais pas dans tous, les inves- de mesures incitatives et de redevabilité. tissements dans les infrastructures rurales De meilleurs résultats sont obtenus dans le peuvent avoir des taux de rendement extrê- cadre des nouveaux programmes qui autono- mement élevés. En général, ces investissements misent les agriculteurs en leur proposant un apparaissent dans des zones plus densément choix de fournisseurs et de services parmi un peuplées (Banque mondiale 2008), mais même éventail d’organismes publics, privés et non dans ce cas, les investissements doivent être gouvernementaux. Une autre approche, les évalués au cas par cas et non acceptés systé- écoles pratiques d’agriculture, implique des matiquement. Par exemple, les routes rurales méthodes d’apprentissage participatives, le pavées ne sont pas toujours un bon investisse- développement et la diffusion de technologies ment, surtout dans des zones où la circulation spécifiques, et semble remporter un véritable L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 17 succès, surtout dans le renforcement des capa- naux et locaux (vêtements d’occasion, articles cités des femmes. Les pépinières d’entreprises ménagers, légumes, œufs). Elles contribuent et les alliances rurales qui réunissent sociétés aussi au secteur industriel en transformant des commerciales et organisations de producteurs produits agricoles ou des ressources naturelles constituent d’autres moyens d’augmenter les en charbon, briques ou céréales transformées. revenus agricoles. Dans tous ces efforts, l’uti- Certaines exercent des activités artisanales telles lisation des technologies de l’information et de que la menuiserie, la couture, la confection, ou la communication peut favoriser et tirer profit la construction. de la participation des jeunes. Les entreprises individuelles vendent des biens et services à bas coût, principalement pour le marché local, qui manque d’un secteur Améliorer la productivité des de services moderne. En zones urbaines, les commerçants et les démarcheurs remplacent entreprises informelles non les commerces de proximité et les centres agricoles commerciaux. Les produits manufacturés de qualité médiocre fabriqués par ces entreprises, La majorité des personnes qui travaillent par exemple les briques et les meubles arti- hors du secteur agricole sont actives dans des sanaux, finissent par être remplacés par des entreprises individuelles informelles. Ce type biens de meilleure qualité produits localement d’entreprise est souvent un pilier d’un porte- (fabriques de briques et de meubles) ou impor- feuille diversifié de revenus. En réalité, de nom- tés. En conséquence, les entreprises manu- breux ménages sont engagés à la fois dans les facturières individuelles ne durent pas aussi secteurs agricoles et non agricoles (30 à 50 % longtemps que les entreprises individuelles de des ménages ruraux possèdent une entreprise prestation de services. individuelle informelle). En zones urbaines, de Historiquement, les entreprises individuelles nombreux ménages possédant une entreprise ont eu tendance à rester de très petite taille ou à ont un membre de la famille qui gagne un disparaître ; très peu deviennent des petites ou revenu salarial, une tendance qui est susceptible moyennes entreprises. Les données provenant de s’amplifier avec le temps (Fox et Sohnesen de l’Afrique de l’Ouest montrent que, même 2012). après dix ans d’exploitation, le capital de ces Bien que leur productivité soit relati- entreprises reste inchangé. La plupart d’entre vement faible, les entreprises individuelles elles ne recrutent jamais un autre employé. Les génèrent des revenus généralement plus éle- emplois qu’elles offrent, y compris à des jeunes, vés que ce que leurs propriétaires pourraient consistent donc à saisir une opportunité com- dégager dans le secteur agricole. La plupart merciale et à créer une nouvelle entreprise. des entreprises individuelles n’ont pas d’em- Malgré leur petite taille, les entreprises indi- ployé et constituent une activité indépendante viduelles constituent un instrument de réduc- pure. Peu ont un membre de la famille comme tion de la pauvreté en Afrique, avec la possi- main-d’œuvre supplémentaire et dix pour bilité de devenir un instrument encore plus cent seulement recrutent du personnel hors puissant. On les retrouve généralement dans de la famille. Certaines entreprises naissent des régions riches. Les ménages possédant en réponse à une opportunité commerciale des entreprises sont moins susceptibles d’être locale (comme l’augmentation de la demande pauvres et sont concentrés dans les quintiles d’un service), alors que d’autres sont créées du milieu de la distribution des revenus. Les parce que le ménage n’a pas d’autres moyens ménages ruraux tirent de leurs entreprises un de subsistance. revenu horaire plus élevé que celui de leurs Que font les entreprises individuelles ? Elles activités agricoles. En zones urbaines, certains vendent pour la plupart des services (coiffure, propriétaires d’entreprises individuelles ont réparation), ainsi que des biens de consom- des revenus plus importants que les salariés. mation produits sur les marchés internatio- En effet, à un même niveau d’éducation et de 18 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne compétences, la consommation des ménages Politique urbaine ruraux et urbains possédant une entreprise L’un des obstacles les plus souvent invoqués à individuelle en Afrique n’est pas différente de la productivité des entreprises individuelles est celle des ménages ayant un emploi salarié (Fox le manque d’accès à un espace de travail adé- et Sohnesen 2012). De plus, certains affirment quat et souvent le harcèlement légal et extra- aussi être « plus heureux » (Falco et coll. 2013). judiciaire par les autorités locales. L’insécurité La plupart des gouvernements continuent des locaux décourage l’entrée (la principale d’ignorer, négliger ou miner le potentiel de ce forme de croissance dans ce secteur) et l’inves- secteur. Les colporteurs et les vendeurs sont tissement dans l’entreprise. En intégrant la considérés comme une nuisance à bannir des croissance des entreprises individuelles dans les quartiers d’affaires des capitales. Les défenseurs processus de planification, les gouvernements de l’emploi formel reprochent aux entreprises peuvent favoriser le développement de ce sec- individuelles de ne pas offrir les avantages et teur au lieu de s’y opposer. Sans planification, la sécurité d’un emploi salarié. Pensant que les commerçants et vendeurs envahissent les trot- entreprises individuelles peuvent être transfor- toirs et les rues, entraînant leur encombrement mées en petites et moyennes entreprises (pour massif. Souvent, la situation dégénère en crise, lesquelles il existe une stratégie), les gouver- et les autorités ont recours à la police ou aux nements essaient de formaliser ces entreprises forces de sécurité pour « décongestionner » la informelles. Mais cette transformation se pro- ville. La politique d’expulsion étant rarement duit rarement, car ce n’est pas l’intention des permanente, le cycle tend à recommencer. Si propriétaires. Sans soutien, les entreprises les gouvernements avaient planifié la croissance individuelles tentent simplement de survivre. des entreprises individuelles et leur avaient En Tanzanie, la loi interdit l’exercice d’activi- alloué un espace adéquat dans les principales tés aux entreprises ne disposant pas de locaux zones de circulation piétonnière dans la ville, fixes (ce qui correspond à 80 % des entreprises la croissance de l’emploi et la stabilité sociale individuelles), ce qui n’empêche pas les gouver- auraient suivi. nements de collecter taxes et impôts auprès de Parallèlement à la planification, les déci- ces mêmes entreprises. deurs nationaux peuvent clarifier les droits En revanche, le Ghana, dont la tradition de propriété foncière dans les zones urbaines, commerciale remonte à l’époque précoloniale, donnant ainsi la latitude aux administrations incorpore explicitement les entreprises indi- locales d’allouer des espaces pour l’exercice viduelles dans ses documents de stratégie et des activités des entreprises individuelles. Les les institutions qui les appliquent. En 2006, le chevauchements des réglementations et des gouvernement a défini un objectif consistant responsabilités rendent l’application de la loi à « améliorer la productivité et les revenus/ difficile, quand elle existe. Par exemple, à Dar salaires… dans tous les secteurs de l’économie, es-Salaam, les administrations locales ne sont y compris l’économie informelle » (République pas habilitées à décider si les démarcheurs du Ghana 2006). Le « Trade Union Congress » peuvent utiliser les terres qui bordent les routes soutient le développement d’organisations nationales. Tout comme les marchés de loca- d’entreprises individuelles et leur intégration tion de terres peuvent faciliter l’accès aux terres dans les mécanismes de consultation entre le agricoles, elles peuvent aussi faciliter l’accès des gouvernement et le secteur privé. entreprises individuelles à un espace pour exer- Pour réaliser le potentiel du secteur des cer leurs activités. entreprises individuelles en matière de créa- Outre un espace protégé, les entreprises tion d’emplois productifs pour les jeunes, individuelles ont aussi besoin de services tels les stratégies nationales et les interventions que la sécurité, les installations sanitaires, locales doivent s’attaquer à trois domaines l’électricité, le transport et l’approvisionne- clés : le climat des affaires en zones urbaines, ment en eau. Pour la plupart, elles sont dis- l’accès aux services financiers et au crédit et les posées à payer pour ces services (et en réalité compétences. les paient) par le biais de taxes et d’impôts. Les L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 19 entreprises individuelles paient les taxes locales lancement d’une activité (Dupas et Robinson à un taux plus élevé que les grandes entreprises 2013). (Fox et Sohnesen 2012) mais ne reçoivent La nécessité d’assurer aux pauvres un accès souvent aucun service. Les entreprises indivi- aux services financiers est un problème courant. duelles disposent d’une marge de manœuvre Du fait des économies d’échelle, l’expansion très faible pour améliorer cette situation. Les des services bancaires formels (banques, ser- autorités locales ne sont pas redevables vis-à- vices d’épargne postale, institutions d’épargne vis des entreprises individuelles, parce qu’une formelles autres que les banques) s’accroît décentralisation politique inefficace et un généralement avec l’augmentation des reve- statut juridique ambigu privent ces entreprises nus et l’urbanisation (les banques vont là où se de participation à la gouvernance locale. trouve l’argent). Mais l’histoire ne s’arrête pas là en Afrique. Les données du FINDEX montrent Crédit et services financiers que, au même niveau de revenu par habitant, Parce qu’ils manquent d’accès aux sources les politiques nationales peuvent produire des de financement formelles, les jeunes peinent résultats très différents (Figure A.9). Les pays à mobiliser des capitaux pour créer et gérer à faible revenu et à revenu intermédiaire tels une entreprise. Le problème est exacerbé par que le Ghana, le Kenya et le Rwanda ont assuré le fait que les finances de l’entreprise et celles un meilleur accès aux services financiers que du ménage sont liées, de sorte que les dépenses d’autres pays africains et non africains à niveau irrégulières du ménage (frais de scolarité, de revenu égal. Ils y sont parvenus principale- réparations et autres) et les chocs externes ment en réduisant les coûts du service pour les (maladies) affectent aussi l’entreprise. Presque petits épargnants et les épargnants des régions tous les propriétaires d’entreprises indivi- reculées. duelles africaines aujourd’hui déclarent avoir Au Kenya, l’accès aux services bancaires créé leur entreprise grâce à des fonds propres a été amélioré grâce à l’usage novateur de la ou à des prêts contractés auprès d’amis et de technologie bancaire mobile. En développant parents. L’écrasante majorité des entreprises les services bancaires sans agence, la banque existantes n’ont obtenu aucun type de prêt mobile permet de maintenir les comptes à un au cours des 12 derniers mois. Une expansion coût relativement bas pour les épargnants et du crédit ne comblera pas nécessairement cet les emprunteurs. Aujourd’hui, environ la moi- écart, et peut même l’aggraver, comme l’ont tié de la population adulte kenyane utilise la montré des expériences récentes en Inde. Pour banque mobile. Au Rwanda, le gouvernement utiliser le crédit avec efficacité, un emprunteur a mis en place des incitations pour permettre doit être capable d’épargner régulièrement aux banques de développer des produits à pour rembourser le prêt. À cet effet, la mise en faible coût à l’usage des petits épargnants, et place d’un mécanisme d’épargne est essentielle. pour permettre aux ménages de recourir aux Le manque d’inclusion financière des banques. Ces incitations consistent en des paie- ménages en Afrique est à l’origine du pro- ments aux ménages via les banques, y compris blème de crédit auquel sont confrontées les les banques de micro-finance dont la clientèle entreprises individuelles. Non seulement les se recrute parmi les ménages à faible revenu.5 ménages manquent de sources de crédit, mais Le Ghana a mis en place un système de banques ils trouvent difficilement des lieux sûrs pour rurales pour traiter les paiements destinés aux protéger leur épargne. En conséquence, il leur cultivateurs de cacao. Aujourd’hui, ces banques est difficile d’accumuler des fonds pour lan- offrent des comptes à frais modiques dans les cer ou développer leur activité. Ce problème zones rurales. Le Ghana et le Rwanda encou- est particulièrement grave pour les jeunes et ragent tous les deux l’expansion des banques les femmes. Des recherches ont montré que mobiles pour améliorer l’accès aux services l’accès à un lieu sûr pour placer l’épargne est financiers. Les pays des unions monétaires de particulièrement important pour la capacité l’Afrique centrale et de l’Ouest (UEMOA et des femmes à constituer leur capital en vue du CEMAC) changent aussi leurs règlementations 20 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure A.9  Au même niveau de revenu, les politiques nationales produisent des niveaux d’inclusion financière différents 100 90 80 MUS MNG Personnes 25+ (pourcentage) 70 THA CHN 60 ZWE RSA 50 AGO 40 RWA KEN IND EGY NGA BWA 30 UGA SWZ GHA COM BFA GAB 20 10 COG SEN NER MLI TKM 0 350 3,500 PIB par habitant 2011 (en $EU courants) Pays de la zone CFA Autres pays de l'Afrique subsaharienne Reste du monde Tendance dans les pays Tendance dans les autres pays Tendance dans les pays de la zone CFA de l'Afrique subsaharienne du reste du monde Source : Présentation en tableau des données FINDEX par les auteurs. Note : Echelle logarithmique sur l’axe des x. pour favoriser davantage l’inclusion. Le Bénin, comprennent ces quatre types de formation. qui a encouragé la création d’institutions de Les programmes destinés aux entreprises indi- micro-finance, a été un précurseur dans ce viduelles existantes visent généralement leur groupe. expansion, par exemple à travers l’acquisition de compétences commerciales. Compétences La bonne nouvelle pour l’emploi des jeunes La formation peut souvent contribuer à ouvrir est que les programmes conçus pour facili- des trajectoires vers l’emploi des jeunes dans les ter l’entrée dans le secteur (par opposition entreprises individuelles. Les programmes de à ceux axés sur la croissance des entreprises formation (aussi bien pour l’entrée dans le sec- existantes) semblent avoir obtenu un certain teur que pour l’amélioration des revenus et de succès, de sorte que des modèles prometteurs la viabilité des entreprises existantes) sont les ont émergé. L’apprentissage et la formation en outils les plus couramment utilisés par les gou- entreprise peuvent aider les jeunes, à condition vernements et les bailleurs de fonds pour sou- que ces programmes soient étroitement liés aux tenir les entreprises individuelles, qu’ils ciblent signaux du marché. C’est la raison pour laquelle les jeunes ou pas. Les programmes offrent : les fournisseurs privés, les entreprises existantes (1) la formation technique dans un secteur notamment, constituent la meilleure source de spécifique (telle que la couture, la mécanique, ces formations. Les jeunes font souvent face à la boulangerie) ; (2) l’acquisition des compé- des contraintes multiples en termes de compé- tences commerciales ou l’éducation financière tences nécessaires pour se lancer dans le secteur (telle que la comptabilité de base ou la gestion des entreprises individuelles. Les programmes financière) ; (3) les compétences comporte- pilotes les plus prometteurs offrent des interven- mentales et personnelles ; ou (4) un mélange tions qui s’attaquent à ces multiples contraintes de ces compétences. Les programmes destinés (offrant ensemble des formations pour l’acqui- aux jeunes sont surtout axés sur l’acquisition sition de compétences comportementales, com- des compétences nécessaires pour se lancer merciales et/ou techniques, ou combinant la dans le secteur des entreprises individuelles et formation avec des mesures visant à s’attaquer L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 21 aux contraintes de crédit à travers les groupes Le secteur salarié moderne crée des emplois d’épargne, les subventions et d’autres moyens). à un rythme assez rapide en Afrique sub­ Bon nombre de ces programmes d’intervention saharienne — et généralement de manière plus « combinés » sont cependant coûteux, et n’ont rapide que la croissance du PIB. Le problème est pas encore passé à l’échelle en Afrique. que le secteur s’est développé à partir d’une base En général, en dépit du grand nombre de si limitée qu’il ne peut toujours pas recruter les programmes de formation, il n’existe que peu millions de jeunes arrivant chaque année sur le de données sur leur efficacité dans le secteur marché de l’emploi. Pour générer des emplois des entreprises individuelles en Afrique. Une à un rythme proportionnel à la croissance de la utilisation plus systématique d’évaluations population active, il ne fait aucun doute que les rigoureuses s’impose clairement, notamment entreprises exportatrices, avec leur potentiel de des évaluations d’impact qui mesurent les vente sur les marchés internationaux, devront résultats parmi les participants au programme être le moteur de la création d’emplois dans ce et les comparent avec un groupe témoin. Au secteur. Étant donné que la plupart des écono- minimum, les gouvernements doivent encou- mies africaines sont petites, l’accès aux marchés rager tous les programmes à réaliser le suivi de extérieurs est essentiel pour atteindre le poten- leurs résultats et à en rendre compte. Parallèle- tiel du secteur salarié moderne. Les possibilités ment, les gouvernements ne doivent pas néces- d’échanges internationaux sont vastes. Même sairement essayer d’offrir des formations direc- les services font l’objet d’échanges internatio- tement, mais plutôt concentrer leurs efforts sur naux, mais ils nécessitent aussi généralement des programmes qui facilitent le marché privé, un niveau de compétences relativement élevé par exemple en diffusant des informations sur qui manque toujours dans une bonne partie de des possibilités de formation ou en permettant l’Afrique subsaharienne. En outre, les effets du aux jeunes défavorisés d’accéder aux forma- commerce sur l’emploi vont au-delà des entre- tions déjà disponibles. prises exportatrices, car l’augmentation de la demande émanant du secteur des exporta- tions (intrants, biens de consommation et ser- Dynamiser le secteur moderne de l’emploi salarié pour le rendre plus compétitif Figure A.10  Part de l’emploi salarié dans l’emploi total : les jeunes par rapport à la population générale Bien qu’il soit restreint (16 % de la population active), le secteur de l’emploi salarié formel 100 représente le moteur de l’emploi et de la crois- 90 Emplois salariés/Emplois, âges 15–34 sance à moyen et long terme pour l’Afrique. 80 Aucun pays ne s’est développé sans que ce 70 secteur ne se soit devenu une part prépon- (pourcentage) dérante de l’emploi. C’est le secteur qui peut 60 exploiter les économies d’échelle et produire 50 pour l’exportation. Les effets multiplicateurs 40 de la création d’emplois salariés sur l’écono- 30 mie des ménages sont significatifs. La plupart des diplômés du secondaire aspirent à travail- 20 ler dans ce secteur. Lorsque ces aspirations 10 ne sont pas satisfaites, les risques d’instabilité 0 sociale et de violences politiques sont élevés. 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 Les jeunes d’Afrique n’ont certes aucun avan- Part salariale/Emplois, âges 15–64 tage particulier en termes d’emploi salarié (pourcentage) moderne, mais ils constituent toujours une Ligne à 45 degrés part importante de cet emploi lorsqu’il se Source : Analyse par les auteurs de données d’enquêtes de développe (Figure A.10). ménages et d’emploi. 22 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne vices) augmente les possibilités d’emploi dans matière d’infrastructures bloquent l’accès des d’autres parties de l’économie. entreprises aux services d’infrastructures, et il Qu’est-ce qui entrave le développement est peu probable que la construction de nou- des entreprises exportatrices en Afrique velles infrastructures résolve le problème sans aujourd’hui ? Clairement, le coût de transport l’amélioration des politiques et des institutions. transfrontalier de marchandises est prohibi- Inversement, l’amélioration des politiques, à tif dans la région, et il y a un besoin urgent l’instar des tarifs de l’électricité et de l’eau ou de meilleures infrastructures de transport, de des règlements routiers, peut permettre d’amé- procédures douanières facilitées et de passages liorer sensiblement les services et d’attirer le accélérés aux postes transfrontaliers intéri- secteur privé. eurs. Mais le principal obstacle au dévelop- Les financements onéreux ou limités pement en Afrique d’un secteur orienté vers empêchent les entreprises d’investir pour amé- l’exportation est la faible productivité. liorer la productivité et entravent la croissance Les causes sous-jacentes ne sont pas iden- des entreprises productives. Les banques en tiques à travers le continent, même si elles Afrique établissent des exigences élevées en ont des effets similaires. Dans certains pays, le matière de garantie et des primes de risques, coût des facteurs complémentaires à la main- en partie parce qu’elles ne disposent pas de sys- d’œuvre (électricité, transports terrestres, etc.) tèmes d’information sur la solvabilité suscep- est trop élevé. Dans d’autres, les formalités tibles d’aider les prêteurs à évaluer les clients bureaucratiques retardent l’accès des investis- potentiels. Ce problème peut être résolu par la seurs aux terres ou aux permis. Les coûts élevés réforme des politiques et de la règlementation. de l’intermédiation financière privent les entre- L’Afrique a aussi besoin d’améliorer et de faire prises et les entrepreneurs du capital nécessaire respecter les droits des créanciers, qui facilite- pour mettre en œuvre de bonnes idées. Dans ront l’octroi de prêts en garantissant la protec- de nombreux pays, la fragmentation des mar- tion des prêteurs en cas de défaut des emprun- chés locaux élimine la concurrence et réduit la teurs. L’amélioration des droits des créanciers pression sur l’augmentation de la productivité. et du respect des contrats permettra aussi aux Ces questions relatives au climat des affaires emprunteurs d’utiliser un large éventail d’actifs demeureraient un problème pour la produc- en garantie. tivité (et par conséquent l’emploi des jeunes) Dans les économies avancées, de nouvelles même si les entreprises produisaient unique- entreprises innovantes apparaissent et se déve- ment pour les marchés nationaux. loppent sans cesse, tandis que les entreprises Que faire pour améliorer la faible pro- existantes peu productives disparaissent. Ces ductivité de la main-d’œuvre en Afrique ? mouvements sont une importante source L’ensemble du climat des affaires entre en jeu de croissance de la productivité globale et de ici, avec quelques exceptions. Par exemple, les l’emploi dans le secteur salarié moderne. En règlementations du marché de l’emploi, consi- Afrique, ce processus est freiné non seulement dérées comme un élément déterminant de la par les contraintes financières qui pèsent sur productivité ailleurs, ne jouent pas un rôle cen- les entrepreneurs, mais aussi par des forma- tral en Afrique, sauf dans le cas de l’Afrique du lités d’entrée ou d’expansion contraignantes. Sud. Dans de nombreux pays, les règlementa- Des questions de gouvernance, à l’instar de la tions peuvent exister, mais elles sont rarement corruption dans l’octroi de permis d’exploita- appliquées. tion et autres autorisations, entravent aussi ce processus. Les infrastructures En bref, les obstacles à l’amélioration de la et le climat des affaires productivité en Afrique sont une combinai- Les infrastructures constituent un problème son de défaillances du marché et des pouvoirs majeur, mais la construction de nouvelles publics. Les défaillances des pouvoirs publics infrastructures n’est pas nécessairement la peuvent être difficiles à corriger (surtout solution. Les politiques et règlementations en lorsqu’elles nécessitent des politiques touchant L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 23 l’ensemble de l’économie comme la dérégle- deux problèmes semblent se poser. Les diplô- mentation ou la réforme de la tarification), et més du secondaire et du supérieur affirment leur rectification n’a pas toujours produit des avoir du mal à trouver un emploi en raison de résultats. Les intérêts particuliers à l’intérieur et l’absence de demande. Il y a une offre de main- à l’extérieur des gouvernements peuvent entra- d’œuvre bien plus abondante pour des emplois ver les réformes ou leur application. L’analyse peu qualifiés (ouvriers) que de main-d’œuvre du secteur de l’industrie légère en Éthiopie qualifiée et expérimentée pour des emplois tels montre que l’industrie du cuir pourrait créer que des ingénieurs mécaniciens et ingénieurs 90 000 emplois (elle compte actuellement de fabrication ou pour des emplois de bureau, 5 000 emplois). Pour atteindre ce potentiel, comme des comptables et des cadres. En même des analyses de la chaîne de valeur montrent temps, les employeurs demandent des auto- que le gouvernement doit supprimer une série risations pour importer une main-d’œuvre de contraintes d’ordre règlementaire, notam- qualifiée et expérimentée. Les diplômés à tous ment des restrictions commerciales, des pra- niveaux dépourvus d’une formation technique tiques anticoncurrentielles et la règlementation et d’une certaine expérience professionnelle financière qui affectent le secteur (Dinh et coll. (où ils peuvent acquérir et démontrer les com- 2012). L’ampleur de cette réforme signifie que pétences comportementales tout aussi valables) cela pourrait prendre un certain temps. sont confrontés à un marché du travail Une approche complémentaire consiste à saturé, traduisant aussi bien une inadéquation créer un environnement localisé — une zone « des aspirations » qu’une inadéquation des économique spéciale (ZES), par exemple, compétences. bénéficiant des infrastructures et de la dérè- Tout comme dans les secteurs de l’agricul- glementation nécessaires — dans laquelle les ture et des entreprises individuelles, une étape industries qui pourraient tirer profit de leur prioritaire pour résoudre ces problèmes dans proximité peuvent se regrouper et prospérer. le secteur salarié moderne consiste à assurer Le gouvernement fournit le terrain et les ser- une bonne éducation de base. Les compétences vices d’infrastructures opérationnels pour la fondamentales sont essentielles pour tous types ZES. Bien qu’en Chine cette approche ait attiré de travailleurs salariés, en partie parce qu’elles les investissements et le savoir-faire étrangers et facilitent ultérieurement l’acquisition de for- permis au pays de devenir un moteur de l’ex- mations complémentaires ou l’apprentissage portation des produits manufacturiers, elle n’a au travail. pas été appliquée avec succès en Afrique. Pour éviter de créer davantage de diplô- Outre une réflexion approfondie sur la més universitaires qui ne peuvent pas être conception et l’application de ces interven- embauchés, les politiques et les programmes tions, les décideurs doivent évaluer chacune d’enseignement supérieur devront aussi être d’elles en termes de risques de capture poli- orientés vers la demande du secteur privé. Le tique, qui a gravement nui à la politique financement des universités publiques devrait industrielle lorsqu’elle fut tentée récemment à comprendre une composante privée (surtout grande échelle en Afrique. Chaque subvention pour ceux qui peuvent payer), afin que les crée une rente. Les intérêts politiquement puis- signaux émanant du secteur privé puissent être sants, s’ils récupèrent ces rentes, résisteront aux reçus (Devarajan, Monga et Zongo 2011). Un efforts visant à les réduire, même si cette étape tel changement améliorera aussi l’équité en est nécessaire pour que les industries soient matière d’accès à l’enseignement supérieur, si le compétitives sur les marchés mondiaux. paiement des frais de scolarité est lié au niveau de revenu et n’est plus systématiquement gra- Compétences tuit. Ceux qui paient exigeront un bon rapport La demande des diplômés du secondaire est- coûts/bénéfices. elle tout simplement insuffisante dans le sec- L’expérience des programmes d’enseigne- teur salarié moderne en Afrique, ou y a-t-il une ment et de formation techniques et profession- inadéquation des compétences ? En fait, ces nels (EFTP) en Afrique subsaharienne est peu 24 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne encourageante. La formation professionnelle tunités auxquels les pays eux-mêmes font face secondaire et post-secondaire coûte au moins dans un monde globalisé. Le principal pro- trois fois plus que l’enseignement secondaire de blème de l’emploi réside dans le fait que la pro- base, mais n’offre pas une meilleure plateforme ductivité et les revenus sont faibles, tandis que vers les emplois du secteur privé. La formation les aspirations, surtout celles des jeunes, sont offerte par les programmes gouvernementaux élevées. Malgré les progrès enregistrés dans de n’est souvent pas adaptée aux besoins du sec- nombreux pays, la plupart des jeunes d’Afrique teur privé. aujourd’hui n’auront pas une transition facile Les gouvernements en Afrique sub­ et toute tracée vers un emploi à revenu assuré, saharienne doivent privilégier l’appui aux un des aspects essentiels de l’âge adulte. Toutes dimensions de biens publics dans l’EFTP, les parties prenantes (les gouvernements, les notamment l’information et l’assurance de la entreprises privées, les fournisseurs de forma- qualité. Pour promouvoir l’accès des jeunes tion privés, les organisations non gouverne- pauvres et défavorisés à la formation, les gou- mentales et les jeunes eux-mêmes) ont un rôle vernements doivent fournir une aide financière à jouer pour faciliter cette transition. pour leur formation dans le secteur public ou Pour réaliser des progrès, il faut adopter une dans le secteur privé. L’information sur les approche globale pour réduire les restrictions avantages d’options alternatives de formation sur le capital humain et l’environnement des peut aider les jeunes à aligner leurs choix de affaires qui empêchent le secteur privé de sai- formation sur les réalités du marché du travail. sir les opportunités et accroître la productivité Si les gouvernements soutiennent des options dans l’agriculture, les entreprises individuelles de formation spécifiques, ces options doivent et le secteur de l’emploi salarié moderne. Les mettre l’accent sur les compétences transver- gouvernements doivent avoir une vision glo- sales plutôt que sur les compétences spéci- bale de la manière dont il convient d’aborder la fiques à une entreprise ou à un emploi, car les situation, ils doivent « s’approprier » l’ensemble employeurs doivent déjà avoir une motivation de la problématique. pour le développement de ces dernières. Les On a souvent tendance à considérer que la programmes destinés aux jeunes défavori- formation aux compétences techniques et pro- sés combinant une formation avec des stages fessionnelles fournie par les gouvernements est semblent prometteurs, mais la faisabilité de leur la solution majeure. Mais cette mesure, en soi, passage à l’échelle en Afrique reste à prouver. ne s’attaquera pas aux problèmes les plus graves. Les pratiques de gestion visiblement mau- Les interventions des gouvernements doivent se vaises observées dans les entreprises africaines concentrer sur les biens publics, ces éléments qui suggèrent qu’il reste beaucoup à faire pour favoriseront l’augmentation de la productivité améliorer la productivité en investissant dans dans les activités économiques des ménages et la formation aux compétences commerciales et des entreprises. Des actions spécifiques peuvent de gestion, et peut-être même dans l’offre de lever les contraintes les plus importantes à conseils en gestion personnalisés. Les résultats court terme, telles que l’amélioration de l’accès d’évaluations de ces programmes sont mixtes des entreprises individuelles et des entreprises mais prometteuses, et les gouvernements modernes aux financements, l’amélioration de devraient envisager de les tester et les améliorer l’accès des jeunes à la propriété foncière et à à travers un pilotage prudent. la technologie pour accroître les revenus dans l’agriculture, la construction d’infrastructures de base permettant à toutes les entreprises d’être Instaurer une politique efficace plus productives, et l’ouverture de l’accès aux d’emploi des jeunes marchés régionaux pour permettre aux entre- prises d’élargir la portée de leurs produits. Le Le défi de l’emploi des jeunes en Afrique ne Tableau A.1 résume les actions prioritaires. peut pas être abordé à travers des solutions Il est également urgent d’entreprendre simples. C’est le reflet des défis et des oppor- d’autres actions visant à s’attaquer aux L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 25 contraintes mais qui n’auront des retombées des affaires nécessitera un effort soutenu, et il positives qu’à moyen terme. Par exemple, il faudra peut-être du temps pour que les inves- faudra du temps pour que les améliorations tisseurs réagissent. Mais les décideurs doivent urgentes à apporter à l’enseignement de base, être à la hauteur de ces défis urgents. Si l’on élément fondateur au développement de toutes n’agit pas immédiatement, les cohortes futures les autres compétences, se traduisent par l’ac- de jeunes n’auront peut-être jamais suffisam- croissement de la productivité et l’amélioration ment de trajectoires ouvertes vers un travail de l’emploi des jeunes. La réforme du climat productif. Tableau A.1  Actions prioritaires à entreprendre maintenant pour s’attaquer au défi de l’emploi des jeunes Actions requises maintenant pour Actions requises maintenant pour Domaine d’intervention affecter la cohorte actuelle de jeunes affecter les futures cohortes de jeunes Agriculture   1. Promouvoir les marchés de location de terres   1. Instaurer des systèmes efficaces de transactions et d’enregistrement foncier   2. Piloter des programmes de transfert intergénérationnel de terres   2. Passer à l’échelle les programmes de transfert intergénérationnel   3. Appuyer les services de vulgarisation agricole de qualité liés à la de terres demande (couvrant l’information et les compétences)   3. Intégrer les jeunes dans des interventions innovantes destinées   4. Lier le crédit agricole aux services de vulgarisation agricole à améliorer la productivité (organisation de producteurs, développement de l’élevage, irrigation et autres)   4. Développer les compétences à travers des améliorations rapides des systèmes éducatifs dans les zones rurales Agriculture et entreprises   5. Promouvoir les associations villageoises d’épargne et de crédit et individuelles les groupes d’entraide   6. Promouvoir l’inclusion financière pour les ménages   7. Utiliser les programmes de filets sociaux comme un vecteur de mise en œuvre d’interventions destinées aux jeunes défavorisés Entreprises individuelles   8. Développer une stratégie nationale visant l’expansion et la   5. Développer les compétences fondamentales à travers des productivité, en tenant compte de l’avis des jeunes et des améliorations rapides des systèmes éducatifs propriétaires d’entreprises individuelles   6. Répondre aux besoins en infrastructures des entreprises   9. Assurer aux entreprises individuelles l’accès à un espace de travail individuelles dans la planification du développement urbain et aux infrastructures à travers l’amélioration de la politique urbaine 10. S’appuyer sur des organisations non gouvernementales pour réaliser des interventions intégrées qui aident les jeunes défavorisés à se lancer dans le secteur en s’attaquant à des multiples contraintes (par ex. développer conjointement un ensemble de compétences ; ou développer des compétences tout en assurant un accès aux financements) salarié Secteur de l’emploi ­ 11. Réduire le coût des services d’infrastructures en assurant la qualité   7. Augmenter la quantité des services d’infrastructure moderne et l’efficience   8. Élargir les marchés régionaux des produits 12. S’attaquer aux goulots d’étranglement dans la logistique   9. Développer les compétences fondamentales à travers des 13. Réduire la corruption et le coût de démarrage d’entreprise améliorations rapides des systèmes éducatifs 14. Réformer l’enseignement et la formation techniques et 10. Améliorer l’accès au crédit à travers la réforme du secteur professionnels et instaurer des partenariats public-privé pour offrir financier des formations liées à la demande Mesures transversales 15. Augmenter la sensibilisation sur les possibilités et voies d’insertion 11. Promouvoir le développement de la petite enfance et la nutrition vers les activités indépendantes, surtout pour les jeunes femmes pour établir une base plus solide pour l’acquisition ultérieure des compétences 16. Envisager l’éducation de la deuxième chance pour les compétences de base 12. Développer les compétences comportementales (envisager des réformes au sein du système éducatif) 13. Réduire les taux de fécondité pour réduire la taille des cohortes futures de jeunes (à travers l’amélioration de l’éducation des filles, l’amélioration de la santé maternelle et infantile, l’amélioration de l’accès à la planification familiale) 14. Collecter de meilleures données sur l’emploi, et développer des analyses plus solides sur les contraintes, les priorités et les opportunités des pays en matière d’emploi 26 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Ces priorités ne constituent, bien entendu, Notes qu’un guide général. S’attaquer au défi dans un   1. Les entreprises individuelles sont pour la plu- pays donné nécessitera une analyse spécifique part composées de travailleurs indépendants (cf. au pays. Le cadre d’analyse proposé dans le pré- Encadré A.5). sent rapport, le diagnostic général qu’il pose,   2. Défini comme le fait de n’avoir aucun emploi pendant au moins sept jours et d’être active- ainsi que les données et résultats qu’il rassemble ment à la recherche d’emploi (OIT 1982). pour illustrer les approches réussies ou promet-   3. Les entreprises individuelles sont définies dans teuses, fournissent la base d’une telle analyse et l’Encadré A.5. indiquent les orientations politiques à suivre.   4. Les élèves du niveau 2 au Botswana et ceux du Mais une analyse spécifique au pays est néces- niveau 9 en Afrique du Sud ont subi des tests saire pour s’attaquer aux problèmes locaux qui ce qui correspond à neuf années de scolarité ; entourent des questions importantes : qu’est- au Ghana les élèves du Form 2 des Junior High ce qui freine l’augmentation des revenus dans School ont été testés, ce qui correspond à huit l’agriculture, les entreprises individuelles et le années de scolarité. secteur de l’emploi salarié moderne ? Pourquoi  5. Une approche similaire a été utilisée en est-ce difficile pour les jeunes de démarrer Mongolie. des entreprises individuelles et d’y effectuer un travail productif ? Pourquoi les investisse- Références Ayalew Ali, Klaus Deininger et Markus P. Goldstein. ments privés dans les entreprises à forte main- 2011. “Environmental and Gender Impacts of d’œuvre n’affluent-ils pas pour augmenter Land Tenure Regularization in Africa: Pilot Evi- le nombre d’emplois salariés proposés ? Que dence from Rwanda.” Document de recherche de peuvent et doivent faire le gouvernement, les politique de la Banque mondiale no 5765. Wash- ington, DC. ONG et autres acteurs du secteur privé pour réduire les contraintes auxquelles les jeunes Banque mondiale. 2006. World Development Report 2007: Development and the Next Generation. font face dans la gestion de la transition vers Washington, DC. un emploi productif ? Banque mondiale. 2008. World Development Des données de meilleure qualité et en Report 2009: Reshaping Economic Geography. plus grande quantité constituent la base d’une Washington, DC. bonne analyse spécifique à chaque pays. Les Banque mondiale. 2013. “Africa’s Pulse: An Analysis données existantes sur l’emploi sont actuel- of Issues Shaping Africa’s Economic Future,” Vol- lement éparses et souvent de mauvaise qua- ume 7, avril. http://www.worldbank.org/content/ lité (voir la discussion dans Fox et Pimhidzai dam/Worldbank/document/Africa/Report/ 2013). L’intensification de l’expérimentation Africas-Pulse-brochure_Vol7.pdf. des interventions prometteuses, avec des éva- Cloutier, Marie-Hélène, C. Reinstadtler et Isabel Beltran 2011. “Making the Grade: Assessing luations d’impact rigoureuses, constitue aussi Literacy and Numeracy in African Countries.” une base fondamentale pour parvenir à une DIME Brief. Banque mondiale, Washington, DC. meilleure compréhension, fondée sur des http://go.worldbank.org/15Y7VXO7B0. preuves, des approches potentiellement les plus Conley, T. and C. Udry. 2010. “Learning about a efficaces. New Technology: Pineapple in Ghana.” American Le défi de l’emploi des jeunes est au fond Economic Review 100(1): 35–69. étroitement aligné avec le défi de la croissance Devarajan, Shantayanan, Célestin Monga et Tertius inclusive, définie comme non seulement une Zongo. 2011. “Making Higher Education Finance croissance partagée avec les segments les plus Work for Africa.” Journal of African Economies 20 (supplément 3): iii133–iii154. pauvres de la société, mais aussi dans laquelle la vitalité des jeunes est mobilisée et récompensée. Dinh, Hinh T., Vincent Palmade, Vandana Chandra et Frances Cossar. 2012. Light Manufacturing in Pour les pays africains qui relèveront ce défi, les Africa: Targeted Policies to Enhance Private Invest- avantages se renforceront mutuellement. Le ment and Create Jobs. Washington, DC: Banque dividende démographique produira des résul- mondiale. tats et la prospérité de l’Afrique s’accroîtra et Dupas, Pascaline et Jonathan Robinson. 2013. sera partagée. “Savings Constraints and Microenterprise Devel- L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 27 opment: Evidence from a Field Experiment in Hungi, Njora, Demus Makuwa, Kenneth Ross, Kenya.” American Economic Journal: Applied Mioko Saito, Stéphanie Dolata, Frank van Cap- Economics 5(1): 163–92. pelle, Laura Paviot et Jocelyne Vellien. 2010. Falco, Paolo, William F. Maloney, Bob Rijkers et “SACMEQ III Project Results: Pupil Achieve- Mauricio Sarrias. 2013. “Heterogeneity in Sub- ment Levels in Reading and Mathematics.” jective Wellbeing: An Application to Occupa- Document de travail no 1. Southern Africa tional Allocation in Africa.” Document CEDE Consortium for Measuring Educational Qual- no 2013-01. Disponible sur http://ssrn.com/ ity (SACMEQ), Harare. http://www.sacmeq.org/ abstract=2229328 or http://dx.doi.org/10.2139/ downloads/sacmeqIII/WD01_SACMEQ_III_ ssrn.2229328. Results_Pupil_Achievement.pdf. Fox, Louise, Alun Thomas, Cleary Haines et Jorge Morris, Michael, Hans Binswanger-Mkhize et Huerta Munoz. 2013. “Africa’s Got Work to Do: Derek Byerlee. 2009. Awakening Africa’s Sleeping Employment Prospects in the New Century.” Giant: Prospects for Commercial Agriculture in the Document de travail FMI, Fonds monétaire Guinea Savannah Zone and Beyond. Washington, international, Washington, DC. DC: Banque mondiale. Fox, Louise et Ana Maria Oviedo. Forthcom- Nin-Pratt, A., M. Johnson et B. Yu. 2012. “Improved ing. “Employment Protection and Job Growth Performance of Agriculture in Africa South in African Manufacturing.” Journal of African of the Sahara: Taking Off or Bouncing Back?” Economies. Document de travail IFPRI no 01224. Institut international de recherche sur les politiques ali- Fox, Louise et Obert Pimhidzai 2013. “Different mentaires (IFPRI), Washington, DC. Dreams, Same Bed: Collecting, Using, and Inter- preting Employment Statistics in Sub-Saharan OIT (Organisation internationale du travail). Africa—The Case of Uganda.” Policy Research 1982. “Resolution Concerning Statistics of Document de travail no 6436. Banque mondiale, the Economically Active Population, Employ- Washington, DC. ment, Unemployment, and Underemployment.” Adopté lors de la 13e conférence internationale Fox, Louise et Thomas Pave Sohnesen. 2012. des Statisticiens du travail, Genève. “Household Enterprises in Sub-Saharan Africa: Why They Matter for Growth, Jobs, and Liveli- Organisation des Nations Unies, Département des hoods.” Document de recherche de politique affaires économiques et sociales, Division de la no 6184. Banque mondiale, Washington, DC. population. 2011. World Population Prospects: The 2010 Revision. http://esa.un.org/wpp/Excel- Fuglie, Keith O. et Nicholas E. Rada. 2013. Data/population.htm. “Resources, Policies, and Agricultural Productiv- ity in Sub-Saharan Africa.” Economic Research Pritchett, Lant. 2013. The Rebirth of Education. Report no 145368. Département américain de Center for Global Development. Washington, l’Agriculture, Economic Research Service, DC. Washington, DC. Raballand, Gaël et Patricia Macchi. 2009. “Trans- Gelb, Alan et Sina Grasmann. 2010. “How Should port Prices and Costs: The Need to Revisit Oil Exporters Spend Their Rents?” Center for Donors’ Policies in Transport in Africa.” Bureau Global Development. Document de travail for Research and Economic Analysis of Develop- no 221. Disponible à l’adresse : http://ssrn.com/ ment. Document de travail n 190. http://ipl.econ. abstract=1660570 ou http://dx.doi.org/10.2139/ duke.edu/bread/papers/working/190.pdf. ssrn.1660570. Rosenzweig, Mark R. 2012. “Microeconomic Ghana, République du. 2006. Document de stra- Approaches to Development: Schooling, Learn- tégie pour la réduction de la pauvreté 2006. ing, and Growth.” Journal of Economic Perspec- National Development Planning Commission. tives 24(3): 81–96. IMF Country Report 06/225, IMF, Washington, DC, juin. Chapitre 1 Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique Deux tendances convergent en Afrique, avec des d’autres régions, principalement en Asie de l’Est. effets potentiellement profonds sur le mode de En Afrique, l’industrie en est à ses balbutiements. croissance future de l’économie africaine et sur les Pour se développer, il lui faut du temps et un envi­ endroits où elle générera des emplois. En premier ronnement favorable en matière de politiques. Les lieu, stimulées par les cours élevés des principaux États doivent également exploiter les possibilités produits d’exportation, les économies africaines plus immédiates d’emplois productifs dans l’agri­ ont renoué avec la croissance, après une pause de culture et les entreprises individuelles*. Le présent plusieurs décennies. La production passe dans une rapport évalue les défis et opportunités spécifiques grande mesure de l’agriculture aux services, vers liés à l’emploi des jeunes dans les exploitations lesquels s’oriente lentement l’emploi. En second agricoles, les entreprises individuelles non agri­ lieu, d’ici quelques générations, la rapide crois­ coles et le secteur salarié moderne. Il examine sance démographique africaine aura alimenté le ces questions et les interventions possibles à la plus vaste réservoir mondial de personnes en âge lumière de deux types d’obstacles restreignant la de travailler, dont la majorité sera des jeunes. Ces productivité des jeunes dans ces secteurs : ceux liés tendances indiquent que la structure de l’emploi au capital humain et ceux liés à l’environnement continuera d’évoluer en Afrique, mais que cette des affaires. transformation sera lente. Tant économiquement que socialement, l’Afrique aurait avantage à orienter l’énergie de sa population active jeune vers des emplois plus productifs. Le défi est de taille et requiert une Les entreprises individuelles sont des activités non *  attention immédiate, mais il peut être relevé. agricoles sans personnalité morale, appartenant à des ménages. Du point de vue de l’emploi, elles sont en L’industrie — en particulier le secteur manufac­ général composées d’un indépendant (le propriétaire de turier orienté vers l’exportation — s’est avérée l’entreprise) travaillant seul ou avec l’aide de membres de une source dynamique d’emplois salariés dans la famille. 29 30 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Population africaine en âge de la forme de la pyramide restera la même dans travailler : très jeune et en croissance un futur proche, avec juste plus de personnes à rapide chaque âge. Ces tendances démographiques suggèrent L’âge médian africain est de 18 ans — 7 ans de qu’au cours des prochaines années, le nombre moins que celle de l’Asie du Sud, la deuxième des jeunes entrant dans la vie active augmentera région la plus jeune du monde (Figure 1.1). en Afrique. Selon les estimations des Nations En d’autres termes, une bonne moitié de la Unies pour l’Afrique subsaharienne�, le nombre population africaine est âgée de moins de des 15 à 24 ans devrait y atteindre 193 millions 18 ans. L’Afrique restera la région la plus jeune en 2015, 295 millions en 2035 et 362 millions en du monde au cours des prochaines décennies, 2050 (Figure 1.3). Entre 2015 et 2035, quelque et la différence d’âge avec les autres régions va se 5 millions de jeunes atteindront chaque année creuser. Selon les prévisions des Nations Unies, leurs 15 ans. Avec cette rapide augmentation, l’âge moyen en Afrique n’atteindra que 21 ans l’Afrique diffère radicalement du Moyen-Orient en 2035 et 24 ans en 2050. À ce moment-là, la et de l’Afrique du Nord, où l’accroissement de médiane sera de plus de 35 ans dans d’autres cette tranche s’est stabilisé, et même de l’Asie de régions du monde et de presque 45 ans en Asie l’Est, dont les chiffres sont dominés par la Chine de l’Est et Pacifique. et où la taille de la cohorte devrait chuter de 350 En Afrique, la structure de la population est millions en 2010 à 225 millions en 2050.1 En une pyramide avec une base large et un sommet Asie du Sud, elle devrait augmenter, puis se sta- très aigu (Figure 1.2). Cette large base corres- biliser et commencer ensuite à diminuer dans pond à « l’explosion démographique de la jeu- un avenir proche. nesse » en Afrique (le continent compte deux fois plus de jeunes de 15 ans que de personnes de 35 ans). Dans d’autres régions du monde, La jeunesse africaine peut- la structure est plus renflée, reflétant une dis- elle constituer un avantage tribution plus uniforme des groupes d’âge. Le profil démographique de l’Asie du Sud est économique ? le plus proche de celui de l’Afrique, tandis qu’en Asie de l’Est et Pacifique, la pyramide est La population active de l’Afrique, jeune et inversée, avec plus de personnes âgées que de croissante, mérite une attention particulière jeunes. Les prévisions suggèrent qu’en Afrique, pour diverses raisons, ne serait-ce que parce qu’une population semblable a été le fer de Figure 1.1  La population africaine est jeune et le restera lance de la transformation économique qu’a connue la région Asie de l’Est et Pacifique 50 entre 1965 et 1990. Au cours de cette période, 45 la population en âge de travailler y avait prati- 40 quement doublé (passant de 541 à 1 039 mil- lions). Plus important encore, le nombre des Âge médian (années) 35 30 « personnes à charge » (les 0 à 14 ans et 65 ans 25 et plus) n’avait augmenté que de 143 millions 20 (de 437 à 580 millions). Si en 1965, la région 15 comptait à peine plus d’un adulte en âge de tra- vailler par personne à charge, en 1990, ce rap- 10 port était passé à deux pour un (Figure 1.4). Au 5 cours des mêmes années, le produit intérieur 0 brut (PIB) par habitant en Asie de l’Est et Paci- Afrique Asie Moyen-Orient Amérique Asie de l’Est Europe et subsaharienne du Sud et Afrique latine et et Pacifique Asie centrale fique a augmenté d’environ 1 300 dollars EU à du Nord Caraïbes 3 300 dollars EU. Une analyse transnationale de 2015 2035 2050 la relation entre les taux de croissance et l’évo- Source : Sur base de Nations Unies : 2011. lution de la structure de la population a attri- Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 31 Figure 1.2  La structure de la population de l’Afrique subsaharienne est différente de celle d’autres régions a. Afrique subsaharienne b. Asie du Sud c. Asie de l’Est et Pacifique 80+ 80+ 80+ 70–74 70–74 70–74 Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) Groupes d’âge (en années) 60–64 60–64 60–64 50–54 50–54 50–54 40–44 40–44 40–44 30–34 30–34 30–34 20–24 20–24 20–24 10–14 10–14 10–14 0–4 0–4 0–4 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 160 120 80 40 0 40 80 120 160 Populations en millions Populations en millions Populations en millions Masculin 2035 Masculin 2015 Féminin 2015 Féminin 2035 Source : Sur base de Nations Unies, 2011. Figure 1.3  Contrairement à celui d’autres régions, le nombre des jeunes de l’Afrique subsaharienne augmentera de façon spectaculaire dans un avenir proche 400 350 Population des 15 à 24 (millions) 300 250 200 150 100 50 0 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 1950 2010 2050 Asie de l’Est et Pacifique Europe et Asie centrale Amérique latine Moyen-Orient et Asie du Sud Afrique subsaharienne et Caraïbes Afrique du Nord Source : Sur base de Nations Unies, 2011. Estimates Projections Note : Chaque barre correspond à une estimation ou une projection du nombre des 15 à 24 ans, pour une année, avec un intervalle de cinq ans. bué entre un tiers et la moitié de la croissance habitant augmente. Le deuxième facteur était économie de l’Asie de l’Est aux changements l’augmentation continue de la population en démographiques (Bloom et Williamson, 1998 ; âge de travailler par rapport à l’ensemble de Bloom, Canning et Malaney, 2000). la population, une conséquence de la baisse Certains avancent que le « dividende démo- rapide de la fécondité. Avec moins de personnes graphique » de l’Asie de l’Est a transformé à charge, les adultes en âge de travailler peuvent l’économie à l’aide de deux grands facteurs. Le accroître leur épargne, et éventuellement la premier a été la disponibilité accrue de la main- convertir en investissements productifs qui, à d’œuvre. Plus de travailleurs signifie plus de leur tour, stimulent la croissance économique. production, et lorsqu’il y a plus de travailleurs Pour que l’Afrique produise un dividende par rapport à la population, la production par démographique, il ne lui suffit pas de disposer 32 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 1.4  En Asie de l’Est, le taux de dépendance a changé rapidement ; en Afrique L’explosion démographique de la jeunesse subsaharienne, il évolue, mais lentement en Afrique ne ralentira toutefois qu’à condition que les taux de fécondité baissent de manière 2,5 nettement plus rapide et systématique. Dans les années 1970, le taux de fécondité en Asie et travailler/non en âge de travailler Rapport population en âge de 2,0 en Amérique latine était identique à celui de l’Afrique d’aujourd’hui, mais il baisse beau- coup plus lentement dans l’Afrique actuelle 1,5 qu’à l’époque dans ces régions (Bongaarts et Casterline, 2013). Un point plus important à signaler est peut-être que les taux de fécondité 1,0 ne diminuent pas de façon uniforme dans toute l’Afrique ; en fait, ils ont stagné dans plusieurs 0,5 pays (Figure 1.5). 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 2030 2040 2050 Même avec une structure de la population changeant rapidement, le dividende démo- Afrique subsaharienne Moyen-Orient et Afrique du Nord graphique n’est pas automatique. Après tout, Amérique latine et Caraïbes Asie du Sud comme le montre la Figure 1.4, l’Asie de l’Est Asie de l’Est et Pacifique n’est pas la seule région où la structure de la Source : Sur base de Nations Unies, 2011. population ait changé. En Amérique latine, le Note : La population en âge de travailler comprend les personnes de15 à 64 ans ; la population non en âge de travailler est composée des personnes de 0 à 14 ans et de 65 ans et plus. rapport entre la population en âge de travail- ler et les personnes à charge est passé de 1,1 en 1970 à 1,9 en 2010. En Asie du Sud, il a aug- menté de 1,2 en 1975 à 1,8 en 2010. d’une large population en âge de travailler : les Deux différences importantes permettent taux de fécondité doivent baisser. À moins que d’expliquer pourquoi en Asie du Sud et en le nombre de personnes à charge par adulte en Amérique latine, l’évolution de la structure de âge de travailler ne baisse rapidement, les avan- la population ne s’est pas traduite par un divi- tages potentiels des changements dans la struc- dende démographique. Premièrement, le taux ture de la population ne se concrétiseront pas. d’augmentation a été nettement plus lent dans L’évolution rapide du rapport entre les deux ces régions qu’en Asie de l’Est (où le rapport a groupes (illustrée dans la Figure 1.4) a joué un augmenté de 1,1 en 1970 à 1,8 en 1990). Deu- rôle capital dans l’essor de la productivité en xièmement, comme relevé dans une analyse du Asie de l’Est et Pacifique (Bloom et Williamson, dividende démographique faisant autorité, les 1998). pays d’Asie de l’Est disposaient « des institu- Historiquement, les baisses de la mortalité tions politiques, économiques et sociales ainsi infantile ont précédé les diminutions de la que des politiques qui leur ont permis de réa- fécondité — une séquence qui entraîne une liser le potentiel de croissance engendré par la véritable explosion démographique de la jeu- transition » (Bloom et Williamson, 1998). nesse (habituellement suivie d’une baisse de la Une récente analyse a mis en évidence la population des jeunes, une fois que le nombre menace économique que représentent pour des naissances chute). En Afrique, la mortalité l’Afrique une population croissante, un taux infantile a diminué de façon spectaculaire au d’épargne peu élevé et une faible productivité, cours des vingt dernières années, même si cer- qui pourraient limiter le dividende démogra- « Mon père n’a tains pays africains affichent toujours les taux phique (Eastwood et Lipton, 2011). Un envi- jamais travaillé. les plus élevés du monde. Au cours d’environ la ronnement économique favorable à l’inves- Il a passé toute première décennie de ce siècle, le taux de mor- tissement et à la croissance, dans lequel la sa vie dans cette talité des moins de 5 ans a baissé de 160 à 70 au population active, avec ses larges cohortes de plantation dont Bénin, de 219 à 129 au Burkina Faso, de 166 à jeunes, peut entrer et trouver des emplois pro- il a héritée. » 88 en Éthiopie, de 189 à 112 au Malawi, de 274 ductifs, est essentiel pour que la main-d’œuvre Tanzanie à 127 au Niger et de 151 à 90 en Ouganda.2 croissante de l’Afrique ait un effet positif sur Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 33 le développement économique et social. La Figure 1.5  La diminution du taux de fécondité a stagné dans plusieurs pays section suivante examine plus en détail les africains types d’emplois qui existent et sont suscep- 9 tibles d’exister en Afrique, car l’emploi dans son ensemble est une condition préalable à 8 l’emploi des jeunes (voir Encadré 1.1). Comme 7 l’expose le Chapitre 2, les voies permettant aux jeunes d’accéder à des emplois productifs sont 6 Taux de fécondité peu claires et limitées. Les chapitres suivants 5 abordent l’éventail des politiques qui seront nécessaires pour améliorer ces voies d’accès. 4 3 Qu’est-ce qu’un emploi et où 2 la plupart des Africains en 1 trouvent-ils un ? 0 1950–55 1960–65 1970–75 1980–85 1990–95 2000–05 Pour évaluer les défis de l’emploi des jeunes Nigéria Afrique du Sud Botswana Afrique subsaharienne en Afrique, il faut commencer par détermi- Tanzanie Niger Kenya ner ce que signifie le fait d’avoir un emploi. Source : Nations Unies 2011. Pour beaucoup de gens, il s’agit d’occuper un poste salarié chez un employeur. En Afrique, la majeure partie du travail n’est pas structurée de Encadré 1.1 cette façon. La présente étude suit l’approche adoptée dans le Rapport sur le développement dans le monde 2013 : Emplois, qui définit les L’emploi des jeunes et l’emploi dans son ensemble emplois comme des « activités qui génèrent Pour améliorer les opportunités d’emploi des jeunes Africains, il est un revenu réel ou imputé, monétaire ou en essentiel de comprendre et de prendre en charge les défis écono- nature, formel ou informel » (Banque mon- miques globaux du continent. C’est pourquoi une grande partie de diale, 2012e). Cette définition englobe les l’exposé porte sur l’identification des politiques susceptibles d’accroître activités économiques au sein des ménages, à la productivité de tous les emplois, tant dans l’agriculture que dans les temps plein ou partiel, telles que l’agriculture entreprises individuelles non agricoles et le secteur salarié moderne. de subsistance, indépendamment du fait que Le rapport identifie également des politiques prometteuses visant spé- quelque chose soit ou non vendu. Le rapport cifiquement à aider les jeunes à mieux réussir la transition vers des note également que toutes les formes de travail emplois à plus forte productivité dans chacun de ces trois secteurs. ne peuvent pas être considérées comme des L’accent mis sur les jeunes amène la question de savoir s’il est socia- emplois, par exemple, les activités effectuées lement bénéfique de soutenir des politiques d’emploi favorisant les jeunes au détriment d’autres membres de la société. Des efforts par- contre la volonté du travailleur ou celles qui ticuliers pour aider les jeunes à se lancer dans l’agriculture ou à créer violent les droits de l’homme fondamentaux. une entreprise individuelle ne réduisent généralement pas ces oppor- Dans de nombreux pays, y compris tunités pour les adultes, mais peuvent avoir un effet préjudiciable sur d’Afrique, les gens déclarent que l’importance l’emploi des adultes dans le secteur salarié moderne. D’un côté, l’assis- des emplois va au-delà du revenu qu’ils pro- tance aux jeunes peut avoir des avantages à long terme si elle les met curent (voir Note thématique 1). Les emplois sur une voie productive. De l’autre, les travailleurs plus âgés peuvent peuvent être porteurs d’une identité, d’un sta- avoir des familles et d’autres personnes à charge dépendant de leurs tut et de confiance en soi ; ils peuvent contri- revenus. Aucun argument clair ne permet de penser que le bien-être buer à la satisfaction qu’une personne a de sa social sera amélioré en remplaçant ces travailleurs plus âgés par de vie. Certains emplois contribuent plus que jeunes travailleurs. La stratégie prônée par le présent rapport consiste donc à accroître les opportunités pour tous les travailleurs, tout en d’autres à ces dimensions de bien-être. Le type aidant les jeunes à surmonter les obstacles qui leur sont propres. d’emploi, les conditions de travail, le contrat, les avantages, la santé et la sécurité au travail 34 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne « Nous entrent tous en ligne de compte. Les emplois personnes étrangères au ménage peuvent, dans travaillons influencent également la cohésion sociale en certains cas, être occasionnellement employées. façonnant l’identité des personnes et les rela- La grande majorité (70 %) des entreprises non principalement tions qui les lient, et en les rassemblant en agricoles africaines sont aujourd’hui des acti- comme sous- réseaux. La répartition des emplois au sein de vités composées uniquement d’un indépen- traitants pour les la société et la perception de qui a accès aux dant gérant lui-même l’entreprise individuelle usines textiles… opportunités et pourquoi peuvent façonner les dont il est propriétaire. Environ 20 % de ces Tout le village vit attentes et les aspirations des personnes pour entreprises occupent un membre du ménage, des revenus tirés l’avenir, leur sentiment de prendre part à la et 10 % seulement ont recruté quelqu’un en société et leur perception de l’équité. Tous ces dehors de celui-ci. de la broderie, aspects intrinsèques de l’emploi sont particu- Le secteur salarié moderne comprend de la confection lièrement importants pour les jeunes. les petites, moyennes et grandes entreprises de smocks et de En Afrique, la grande majorité du travail se employant au moins cinq travailleurs de l’agriculture, que trouve dans l’agriculture. Celle-ci y occupe plus manière permanente. Il englobe également le nous pratiquons de 70 % de la population active dans les pays secteur public qui, dans certains pays, repré- lorsque nous à faible revenu et plus de 50 % dans les pays à sente une part importante du secteur salarié revenu intermédiaire de la tranche inférieure. moderne. Dans les pays africains à faible revenu n’avons pas Les agriculteurs africains sont majoritairement et à revenu intermédiaire de la tranche infé- de travail. » de petits exploitants qui consomment une part rieure, environ la moitié des emplois salariés Madagascar importante de leur production. Des données se trouvent dans le secteur public. Le présent tirées d’enquêtes récentes auprès des ménages rapport se concentre sur le secteur privé, où le indiquent que la part consommée avoisine potentiel de croissance de l’emploi est le plus 50 % contre 20 à 30 % en dehors de l’Afrique important. (Losch, Freguin- Gresh et White, 2013). D’autres travaillent dans des entreprises individuelles, à savoir des entreprises non Croissance, emplois et la constituées en société, non agricoles, détenues par des ménages. Elles comprennent les tra- population active en Afrique — vailleurs indépendants gérant une affaire où aujourd’hui et demain des membres du ménage peuvent travailler sans être rémunérés, et où un petit nombre de Depuis 2000, l’Afrique a connu plus d’une décennie de croissance économique, la plus longue période d’expansion continue enre- Figure 1.6  Le croissance miraculeuse de l’Afrique, 2005–12 gistrée en plus de 50 ans. Jusqu’à la crise éco- nomique mondiale de 2008–2009, le PIB de 8,0 l’Afrique a affiché une croissance relativement 7,0 rapide, en moyenne de 5 % par an, et la crois- 6,0 sance a repris en 2010 (Figure 1.6). Entre 1998 Croissance du PIB réel (%) 5,0 et 2008, les pays exportateurs de produits miné- 4,0 raux ont connu une augmentation exception- 3,0 nellement forte de leurs PIB, et 22 pays non 2,0 producteurs de pétrole ont même affiché une 1,0 croissance moyenne de 4 % ou plus (Chuhan- 0,0 Pole et Angwafo, 2011). Le flux des capitaux –1,0 privés vers l’Afrique dépasse aujourd’hui celui de l’aide étrangère. La structure de la produc- –2,0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 tion a donc changé : la part du PIB générée par Pays en développement (hors Chine) Afrique subsaharienne (Afrique du Sud) l’agriculture se contracte, tandis que celle de Afrique subsaharienne l’industrie et des services augmente. En 2010, Source : Banque mondiale, 2012a. la part de l’agriculture dans le PIB est tom- bée à 30 % dans les pays à faible revenu et à Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 35 Figure 1.7  Au cours des vingt dernières années, la part de l’agriculture dans le PIB s’est contractée en Afrique, mais le secteur manufacturier ne l’a pas remplacée a. Pays à revenu faible b. Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure 100 100 90 90 80 80 70 70 Pourcentage Pourcentage 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 1990 2010 Afrique subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Afrique subsaharienne Asie du Sud Asie de l’Est et Pacifique Agriculture Industrie (hors secteur manufacturier) Secteur manufacturer Services Source : Banque mondiale, différentes années. 16 % dans les pays à revenu intermédiaire de la à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. tranche inférieure, alors que celle des secteurs Les exportations de produits manufacturés de l’industrie et des services a augmenté. n’ont tiré la croissance que dans un seul pays Les moteurs de cette croissance ont été, africain : Maurice. L’Afrique est si loin derrière d’une part, les réformes des politiques écono- l’Asie de l’Est qu’il lui faudra du temps pour miques, rendues nécessaires par les mesures peu combler son retard. judicieuses prises par le passé, et d’autre part, la hausse des cours des matières premières, qui a Structure de l’emploi amélioré les termes de l’échange (Devarajan et dans les pays africains Fengler, 2013). Ces deux facteurs ont permis à la La dépendance de l’Afrique vis-à-vis des expor- demande intérieure, en particulier de construc- tations de matières premières, de l’aide inter- tion et de services du secteur privé, de stimuler nationale et de la demande intérieure, en tant la croissance. L’impressionnante trajectoire de que sources de croissance, n’a pas conduit à une croissance de l’Afrique a toutefois largement transformation majeure de l’emploi (Figure suivi les cours des produits de base, et les 1.9 ; voir Encadré 1.2 pour une explication de exportations africaines restent encore concen- la façon dont sont obtenues les estimations de trées sur les matières premières. À l’opposé, l’emploi). Bien que la part de l’agriculture dans c’est la rapide progression des exportations de le PIB ait considérablement diminué, presque produits manufacturés qui a permis à l’Asie 60 % de la population active de l’Afrique décla- de l’Est de réaliser son dividende démogra- raient toujours, en 2010, l’agriculture comme phique. Au cours des deux dernières décennies, principale activité économique. la part du secteur manufacturier dans le PIB a Ce résultat n’est pas totalement inattendu : de fait chuté en Afrique, alors qu’elle progres- la transformation de la main-d’œuvre s’opère sait dans les pays asiatiques à faible revenu et toujours après celle de la production (il faut à revenu intermédiaire de la tranche inférieure plus de capital par travailleur pour employer (Figure 1.7). Aujourd’hui, la part des produits des gens dans des emplois plus productifs). La manufacturés dans les exportations de mar- combinaison de la part importante de la main- chandises est de 30 % en Afrique, contre 50 % d’œuvre agricole et de la croissance constam- en Amérique latine (une autre région riche en ment faible de la productivité agricole aide à ressources) et 60 % en moyenne dans les pays expliquer la persistance des faibles revenus et de 36 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 1.8  Les exportations représentent une plus petite part du PIB en Afrique qu’en Asie de l’Est et une part plus importante qu’en Asie du Sud, mais les pays africains, même riches, exportent des matières premières et non des produits manufacturés Afrique subsaharienne Asie de l’Est et Pacifique Asie du Sud Exportations de biens et services (% du PIB) Exportations de biens et services (% du PIB) Exportations de biens et services (% du PIB) 100 100 100 90 90 90 80 80 80 70 70 70 60 60 60 50 50 50 40 40 40 30 30 30 20 20 20 10 10 10 0 0 0 1990 1995 2001 2005 2011 1990 1995 2001 2005 2011 1990 1995 2001 2005 2011 Afrique subsaharienne Asie de l’Est et Pacifique Asie du Sud Exportations de produits manufacturés Exportations de produits manufacturés Exportations de produits manufacturés (% des exportations de marchandises) (% des exportations de marchandises) (% des exportations de marchandises) 100 100 100 90 90 90 80 80 80 70 70 70 60 60 60 50 50 50 40 40 40 30 30 30 20 20 20 10 10 10 0 0 0 1990 1995 2001 2005 2011 1990 1995 2001 2005 2011 1990 1995 2001 2005 2011 Pays à faible revenu Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure Source : Banque mondiale, différentes années. la pauvreté en Afrique. Les données confirment Dans les pays dont la croissance rapide ne que le chômage reste bas, sauf dans les pays à dépendait pas largement des ressources miné- revenu intermédiaire de la tranche supérieure, rales, l’emploi a suivi la production en s’éloi- et en particulier en Afrique du Sud, où il reste gnant de l’agriculture, le secteur affichant la obstinément élevé (voir Note thématique 4). plus faible productivité, pour se tourner vers La décennie de croissance africaine n’a pas l’industrie et les services, des secteurs à plus été « sans emploi », mais les modèles de crois- forte productivité. Ces pays ont vu l’emploi sance de l’emploi différaient d’un pays à l’autre. salarié non agricole dans le secteur privé La croissance s’est éloignée de l’agriculture dans progresser à un rythme rapide, qui a sou- certains pays : le Ghana, le Nigéria, l’Ouganda, vent dépassé celui de la croissance du PIB. La le Rwanda et la Tanzanie, par exemple, ont tous majeure partie de la croissance de l’emploi sala- enregistré une forte croissance de l’emploi sala- rié (public et privé) a eu lieu dans le secteur rié et dans les entreprises individuelles (Figure des services en pleine expansion, tandis que la 1.10). Les pays exportateurs de minéraux, tels croissance dans l’industrie à haute intensité de que le Cameroun et le Mozambique, ont connu main-d’œuvre a été lente, en raison du déve- une croissance de l’emploi, mais peu ou pas de loppement limité de la manufacture destinée à transformation de sa structure, bien que la l’exportation. création d’emplois non agricoles au Nigéria au En 2010, le secteur privé créait la plupart des cours des dix dernières années montre qu’une emplois salariés identifiés en Afrique (Figure diversification est possible dans un pays afri- 1.11). Une grande partie de la croissance de cain exportateur de pétrole. l’emploi salarié a eu lieu dans l’emploi non Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 37 contractuel, tel que le travail à la journée ou Figure 1.9  En Afrique subsaharienne, la majorité des travailleurs des pays à l’emploi temporaire. Souvent appelé « emploi faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure travaillent dans l’agriculture et les entreprises individuelles non agricoles salarié informel », il représente environ la moi- tié de l’emploi salarié non agricole en Afrique. Estimation de la structure de l'emploi en Afrique par type de pays, 2010 Malgré la récente création d’emplois salariés 100 dans le secteur privé, la part de l’emploi salarié 90 reste faible à travers l’Afrique, en partie parce 80 que le secteur public a supprimé de nombreux 70 emplois dans les années 1980 et 1990 (Fox et 60 % du total Gaal, 2008). Si dans les années 1960 et 1970, 50 la majeure partie de l’emploi salarié non agri- 40 cole relevait essentiellement du secteur public, 30 cette tendance s’est inversée dans les pays sans 20 richesse en ressources naturelles au cours de 10 leur récente poussée de croissance. Elle s’est, 0 par contre, maintenue dans les économies dont Pays à Pays à revenu Pays riches Pays à revenu Total la croissance est due à l’accroissement de l’ex- faible revenu intermédiaire de la en ressources intermédiaire de la des pays tranche inférieure tranche supérieure traction de minéraux : l’État distribue une par- 183 40 150 21 395a tie des bénéfices tirés de ces ressources sous la Population active (millions) forme d’emplois dans le secteur public. Celui- Agriculture Entreprises indivduelles Emplois salariés Emplois salariés Chômage ci continue de fournir la plupart des emplois dans les services dans l’industrie salariés dans les pays riches en ressources, parce que l’incitation du secteur privé à créer des Source : Fox et coll., 2013. Note : Sur l’axe horizontal, les chiffres représentent la taille de la population active de chaque groupe. emplois y reste faible (Encadré 1.3). La classification des pays est basée sur le revenu national brut (RNB) par habitant, tiré de Banque mon- diale : différentes années. Voir Encadré 1.2 pour une explication sur la détermination des estimations L’emploi non agricole privé a connu sa de l’emploi et la classification des pays. croissance la plus rapide dans le secteur des a. Les chiffres ne correspondent pas au total pour des questions d’arrondi. entreprises individuelles, car les ménages ruraux et urbains ont utilisé leurs revenus supplémentaires pour lancer leurs propres ne prennent en compte que l’emploi princi- affaires (Figure 1.10). Les données présentées pal, alors qu’en fait une part importante de la ici peuvent sous-estimer la croissance du sec- population active (jusqu’à 50 % dans certains teur des entreprises individuelles, parce qu’elles pays) a deux activités économiques (emplois) Encadré 1.2 Comment nos estimations de l’emploi sont-elles établies ? Les données sur la structure de l’emploi en Afrique sont dif- la taille de la main-d’œuvre a été établie à l’aide des projec- ficiles à obtenir. Beaucoup de pays ne les rassemblent pas tions de la population en âge de travailler réalisées par les régulièrement, elles ne sont souvent publiées que longtemps Nations Unies et d’un taux d’activité. Les pays ont été grou- après leur collecte et, dans certains cas, seules les agrégats pés selon leur revenu : un faible revenu correspond à un RNB sont publiés. Quelle que soit la façon dont elles sont publiées, par habitant inférieur à 1 000 dollars EU, un revenu intermé- leur qualité laisse souvent à désirer (Fox et Pimhidzai, 2013). diaire de la tranche inférieure à un RNB par habitant compris Pour nos estimations, toutes les sources possibles de don- entre 1 000 et 4 000 dollars EU, et un revenu intermédiaire nées ont été consultées pour avoir au moins une idée de de la tranche supérieure à un RNB par habitant dépassant la structure de l’emploi dans chaque pays au cours de la 4 000 dollars EU. Les pays riches en ressources ont été esti- période 2000–2010, à titre de référence. Nous avons été més dans un groupe séparé. La Figure 1.9 montre la distri- capables de le faire pour 28 pays d’Afrique sur 47, couvrant bution de référence par groupe de pays, estimée à l’aide de ainsi 73 % de la population active. Nous avons attribué aux cette méthode pour 2010. autres pays une répartition de la main-d’œuvre déterminée à partir des moyennes des pays similaires. Pour chaque pays, Source : Fox et coll., 2013. 38 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 1.10  La croissance a diminué la part de l’agriculture dans l’emploi dans cratique populaire lao, où le revenu annuel par certains pays, mais pas dans d’autres habitant dépasse à peine 1 000 dollars EU, 50 % 20 ou plus de la population active travaille tou- Évolution en points de pourcentage 15 jours dans l’agriculture, une moyenne proche 10 de celle des pays africains à revenu intermé- de la part de l’emploi 5 diaire de la tranche inférieure (Tableau 1.1). 0 La différence est que ces pays d’Asie de l’Est –5 affichent une productivité agricole plus élevée, –10 qui les a aidés à réduire la pauvreté rurale à des –15 niveaux nettement inférieurs à ceux des pays –20 africains. Même si l’Afrique et ces pays d’Asie –25 de l’Est ont la même part de la population Nigéria Rwanda Ghana Ouganda Tanzanie Sénégal Côte d’Ivoire active travaillant dans l’agriculture, la crois- Agriculture Emploi salarié privé Entreprises individuelles et moyennes sance constamment faible de la productivité Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). agricole empêche la population active africaine de réduire la pauvreté au même rythme que ses homologues asiatiques (FMI, 2012). Le sec- Figure 1.11  La plupart des emplois salariés se trouvent dans le secteur privé (mais teur des entreprises individuelles est également pas dans les pays riches en ressources) important dans tous les pays de comparaison à 100 faible revenu, en particulier au Bangladesh, le plus pauvre d’entre eux. 90 Part de l’emploi salarié public dans La faible part de la population active 80 employée dans l’industrie privée est ce qui l’emploi salarié total (%) 70 rend la structure de l’emploi si différente dans 60 les pays à faible revenu et à revenu intermé- 50 diaire de la tranche inférieure en Afrique par 40 rapport aux pays en croissance rapide d’Asie ou 30 d’Amérique latine (Tableau 1.1). Tous les pays 20 de comparaison, à l’exception de la République 10 démocratique populaire lao et de la Mongolie, 0 ont une plus grande part de leurs populations Pays à Pays à revenu Pays riches Pays à revenu Moyenne actives dans les emplois salariés industriels, faible revenu intermédiaire de la en ressources intermédiaire de la pondérée tranche inférieure tranche supérieure parce qu’ils comptent un nombre élevé d’em- (y compris plois manufacturiers. L’importance des rentes l’Afrique du Sud) minières dans l’accroissement du revenu par Source : Fox et coll., 2013. habitant des pays africains à revenu intermé- diaire de la tranche inférieure contribue clai- rement à cette différence. L’extraction des res- ou plus sur une période de 12 mois. En par- sources ne génère pas de nombreux emplois, et ticulier en milieu rural, où vit encore la majo- les profits énormes tirés des ressources natu- rité de la population africaine, un ménage peut relles peuvent créer une structure économique mentionner son entreprise individuelle en tant défavorable à l’industrie privée à haute intensité qu’activité secondaire, après son exploitation de main-d’œuvre (Gelb, 2010). Les économies agricole (Fox et Sohnesen, 2012). de la République démocratique populaire lao et de la Mongolie, toutes deux exportatrices de Structure de l’emploi en Afrique minéraux, présentent des structures similaires comparée à celles d’autres régions à celles des pays africains riches en ressources La part de la population active travaillant dans (Figure 1.12). Même dans ce cas, les pays afri- l’agriculture n’est pas anormalement élevée en cains avec des niveaux élevés d’exportation de Afrique, en particulier dans les pays à faible minéraux se distinguent parce qu’ils ont encore revenu. Au Vietnam et en République démo- moins d’emplois salariés dans l’industrie que Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 39 Encadré 1.3 Le défi de la diversification de la production et de l’emploi dans les pays riches en ressources : exemples tirés de l’Afrique centrale Si le débat sur l’existence et la nature de ce qu’on a appelé la sance économique. Une des principales préoccupations est « malédiction des ressources » reste animé, il y a néanmoins de garantir la cohérence entre les politiques encourageant peu de doute que l’emploi des jeunes est confronté à des le développement du capital humain, notamment les pro- défis particuliers dans les pays très riches en ressources miné- grammes spécifiques en faveur de l’emploi des jeunes, et rales. S’ils ne sont pas judicieusement gérés, les bénéfices celles promouvant l’investissement public dans l’infras- tirés des ressources entraînent une surévaluation des taux de tructure et les secteurs productifs. En Afrique centrale, par change et des salaires non concurrentiels. Ces deux résul- exemple, les examens de la dépense publique de la Guinée tats pénalisent le développement des secteurs échangeant équatoriale et du Gabon ont révélé la trop grande impor- des biens autres que les ressources minérales, en particulier tance accordée aux investissements dans l’infrastructure lorsque le capital humain ou les infrastructures productives physique par rapport au capital humain (Banque mondiale, d’un pays n’ont pas été améliorés à l’aide de la richesse 2010, 2012c). En dépit du chômage élevé des jeunes diplô- tirée de ses ressources. Les secteurs traditionnels de biens més, les entreprises actives dans les secteurs économiques ou de services exportables, notamment l’agriculture orientée émergents ont des difficultés à trouver du personnel qua- vers l’exportation, peuvent rapidement se contracter, tandis lifié, démontrant ainsi que les compétences apportées par qu’en même temps, les industries basées sur l’extraction des le système éducatif ne conviennent pas réellement aux ressources naturelles créent peu de nouvelles opportunités efforts visant à promouvoir de nouvelles activités écono- d’emploi rémunéré. miques (Banque mondiale, 2012d, 2013). Les restrictions La plupart des travailleurs se retrouvent devant peu de arbitraires imposées à l’emploi des étrangers peuvent égale- choix. Soit ils retournent à l’agriculture de subsistance à faible ment constituer un obstacle important aux affaires, et même productivité, soit ils migrent vers des zones urbaines, où ils lorsque des expatriés sont employés, trop peu d’efforts restent souvent sous-employés. Les quelques opportunités sont déployés pour transférer leur expertise aux nationaux. d’emplois fortement rémunérés — dans le secteur des res- Des entrepreneurs étrangers réalisent souvent des projets sources naturelles et le secteur public (où la croissance est ali- d’investissement public à grande échelle en faisant très peu mentée par les bénéfices tirés des ressources) — contribuent appel à la main-d’œuvre locale, même pour les activités à instaurer un modèle où les jeunes choisissent d’attendre nécessitant un faible niveau de qualification qui pourraient obstinément un poste dans ces secteurs et développent un employer des jeunes de la région à court terme. Un examen refus des autres formes d’emploi. L’espoir de décrocher un des programmes en faveur de l’emploi des jeunes au Came- « emploi de bureau » dans le secteur public fausse les choix roun a révélé qu’ils abordent un large éventail de problèmes éducatifs des jeunes et crée un vaste groupe de diplômés spécifiques mais manquent de cohérence, et qu’ils ne sont dont les compétences ne sont pas adaptées aux besoins du pas clairement intégrés avec les politiques générales visant à secteur privé. lever les obstacles à la croissance et à l’emploi (Banque mon- Les richesses tirées des ressources naturelles s’accom- diale, 2012b). pagnent souvent d’importants déficits dans l’environnement Les pays riches en ressources qui réussissent en dehors de institutionnel qui freinent la croissance de l’emploi dans le l’Afrique, tels que le Chili et la Malaisie, ont placé les compé- secteur privé. Lorsqu’un revenu issu des ressources naturelles tences et l’éducation au cœur de leurs stratégies de diversifi- est disponible, l’incitation aux réformes du climat des affaires cation (Gelb, 2010). Plutôt que de « choisir les gagnants » et est réduite et le secteur public joue un rôle excessif dans de subventionner des secteurs spécifiques, ces pays ont uti- l’activité économique. lisé de façon stratégique les revenus tirés de leurs ressources Le côté positif de l’histoire est que les pays dotés d’impor- naturelles pour identifier les contraintes pesant sur les com- tantes ressources naturelles disposent de moyens financiers pétences et s’y attaquer, en étroite collaboration avec le sec- substantiels à investir dans le développement humain, l’in- teur privé. Cette approche a permis de promouvoir efficace- frastructure et la promotion de nouvelles sources de crois- ment la diversification économique et l’emploi des jeunes. ces deux pays asiatiques. Les ressources natu- Le manque d’emplois dans le secteur manu- relles n’entraînent toutefois aucune fatalité, facturier destiné à l’exportation n’est pas le seul comme le montrent les bonnes performances facteur qui distingue l’Afrique. Comme dit plus de la Bolivie dans le secteur manufacturier haut, la population active croît nettement plus orienté vers l’exportation. vite en Afrique qu’en Asie ou en Amérique latine, 40 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Tableau 1.1  Les pays africains ont un taux d’emploi salarié inférieur à celui des pays de comparaison à forte croissance (% de l’emploi) Emploi salarié Niveau de revenu et Entreprises région ou pays Tous Industrie Services individuelles Agriculture Total Revenu faible Afrique subsaharienne 12,3 2,3 10,0 18,3 69,4 100 Bangladesh 25,7 10,8 14,9 27,7 46,6 100 Cambodge 23,3 11,1 12,2 21,0 55,7 100 Pays à revenu intermédiaire de la tranche Afrique subsaharienne 13,9 2,0 11,9 31,1 55,1 100 Bolivie 43,0 12,6 30,4 28,1 28,9 100 RDP lao 13,5 5,4 8,1 19,0 67,5 100 Mongolie 39,3 5,9 33,4 16,0 44,7 100 Nicaragua 43,9 13,3 30,6 22,9 33,2 100 Philippines 48,7 12,6 36,1 19,5 31,8 100 Vietnam 31,8 14,3 17,5 19,1 49,1 100 Source : Fox et coll., 2013. rendant ainsi encore plus difficile la transfor- celle du Sénégal au cours de la dernière décen- mation de la structure de l’emploi. Par exemple, nie (2,1 % contre 3,1 % par an), chaque dollar parce que la croissance de la population active investi dans la création d’emplois manufactu- du Vietnam n’atteignait que les deux tiers de riers à haute intensité de main-d’œuvre aura un effet plus important sur la structure de l’emploi (mesurée en part de la population active) au Figure 1.12  En Afrique, l’emploi salarié industriel n’a pas augmenté avec le PIB au Vietnam qu’au Sénégal. En d’autres termes, par même rythme que dans les pays exportateurs manufacturiers ayant des niveaux de rapport au Vietnam, le Sénégal a besoin de 50 % revenu similaires d’investissements supplémentaires dans le sec- 20 teur manufacturier, simplement pour amener Part de l’emploi salarié industriel dans l’emploi total (%) sa part de l’emploi dans l’industrie au niveau de 18 SWZ celle du Vietnam en 2008. 16 En fin de compte, après une décennie de VNM 14 NIC croissance et de création d’emplois, la majo- BOL rité de la population active de l’Afrique tra- 12 PHI vaille toujours dans son secteur le moins pro- BGD KHM 10 ductif — l’agriculture — dont la productivité STP doit encore subir la substantielle amélioration 8 observée dans les économies non africaines en 6 LAO KEN forte croissance. Pour créer des emplois plus LSO MNG MWI productifs, l’Afrique reste confrontée au double 4 RWA COM GHA LBR SEN défi d’accroître la productivité de son agricul- CMR 2 NGA COG AGO ture et de diversifier l’emploi en dehors de ce COD TCD CIV 0 NER SLE BFA secteur. 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 4 500 PIB par habitant, 2010 (dollars EU courant) À quoi l’Afrique peut-elle s’attendre Afrique subsaharienne, pays à faible revenu et à revenu Pays de comparaison dans le futur ? intermédiaire de la tranche inférieure La forte croissance de l’Afrique au début de la Source : Banque mondiale, différentes années, pour le PIB ; Fox et coll., 2013, pour la structure de présente décennie a nourri l’espoir qu’à la fin l’emploi en 2010. des années 2010, la majeure partie de sa popula- Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 41 tion vivra dans des pays avec un revenu (RNB) séries de projections de l’emploi pour étudier « Nous avons par habitant supérieur à 1 000 dollars EU, ce ces questions. Premièrement, nous avons envi- tous les deux que la Banque mondiale définit comme un sagé ce qui pourrait se produire si la crois- commencé à « revenu moyen » (Banque mondiale, 2012a). sance restait robuste, maintenant sa tendance exercer ce métier Actuellement, presque 60 % de la population actuelle. Ensuite, nous avons projeté ce qui arri- active travaille dans des pays à faible revenu, verait à l’emploi si l’Afrique connaissait un scé- [production et y compris ceux classés dans la catégorie des nario de croissance « spectaculaire », résultant tissage de la soie] pays riches en ressources, et une telle évolution d’un essor du secteur manufacturier orienté à l’âge de huit ans. serait donc importante. vers l’exportation. (Pour des informations sur Nous n’avions Comment cette forte croissance continue les données et les méthodes utilisées pour les pas d’autre pourrait-elle influencer le nombre et le type projections de l’emploi, voir Encadré 1.4.) Les choix ; c’est notre des emplois offerts aux Africains d’ici 2020 ? sections qui suivent présentent les hypothèses Et qu’adviendrait-il de l’emploi si la croissance sur lesquelles reposent ces scénarios et l’image héritage, et nous était encore plus forte ? Nous avons réalisé deux de l’emploi qui en résulterait. sommes fiers de perpétuer cette tradition. » Madagascar Encadré 1.4 Comment nos projections de l’emploi sont-elles établies ? Pour la projection de la distribution de l’emploi à travers tiques. On estime en revanche que les élasticités de l’emploi les secteurs, la première étape a consisté à effectuer, pour dans les services de l’Afrique sont légèrement supérieures chaque pays, des projections de la croissance économique à celles de l’Asie. L’élasticité de l’emploi dans l’industrie est par secteur. Celles-ci ont été obtenues sur la base des pro- nettement plus basse pour les pays riches en ressources que jections de superficie et de rendement pour les produits pour ceux à faible revenu, en raison de l’importance de l’ex- agricoles, ainsi que des projections des références sectorielles ploitation minière dans le premier groupe et de la prévalence sous-jacentes, telles que la consommation d’électricité, de la production à haute intensité de main-d’œuvre dans l’utilisation de ciment, le transport routier et ferroviaire, les le second. Les élasticités du secteur agricole sont négatives télécommunications et les séjours en hôtel pour les autres pour l’Afrique du Sud et les pays à revenu intermédiaire, secteurs. parce qu’ils ont perdu des emplois agricoles au cours de la Les élasticités sectorielles de l’emploi par rapport à la dernière décennie, contrairement à la période précédente croissance ont été déterminées et appliquées. Pour produire (Kapsos, 2005) et aux pays à revenu intermédiaire asiatiques. les estimations de la croissance de l’emploi entre 2010 et Enfin, les élasticités de l’emploi ont été appliquées aux 2020, nous avons consulté 1) les estimations de l’élasticité taux de croissance projetés pour estimer l’emploi par secteur sectorielle calculées pour certains pays africains, sur la der- pour chaque pays jusqu’en 2020. Étant donné que les esti- nière décennie ; 2) les estimations calculées pour des pays mations des élasticités varient considérablement d’un pays asiatiques de comparaison sélectionnés, depuis le début des à l’autre, l’estimation médiane a été ajustée dans certains années 1990 jusqu’à la fin des années 2000 ; et 3) les esti- pays sur la base de la structure économique et des perfor- mations calculées pour les pays africains pour lesquels au mances futures projetées du pays. Par exemple, l’élasticité moins deux points de données de bonne qualité pouvaient de l’emploi par rapport à la croissance du secteur industriel être obtenus sur l’emploi et les comptes nationaux. À l’aide en Sierra Leone a été ajustée en dessous de la médiane des de ces données, nous avons déterminé une série d’élasticités pays à faible revenu, parce que la croissance explosive pré- sectorielles médianes pour chaque groupe de pays, secteur vue dans ce secteur viendra de l’accroissement de l’extrac- et type d’emploi non agricole (voir Tableau B1.4.1). Les élasti- tion du minerai de fer, qui n’exige pas une main-d’œuvre cités de l’industrie et des services des pays à revenu intermé- abondante. Pour « fermer » le modèle, le taux de chômage diaire sont comparables aux autres estimations. Pour les pays a été maintenu constant pour les pays à faible revenu et à à faible revenu, les élasticités de l’industrie de l’Afrique sont revenu intermédiaire de la tranche inférieure, et l’entièreté nettement inférieures à celles de l’Asie (Bangladesh, Cam- de l’emploi projeté non affecté à l’industrie et aux services bodge et Vietnam), parce que la croissance de l’industrie a a été attribuée à l’agriculture. Cette opération est en accord été nettement plus génératrice d’emplois dans les pays asia- avec le rôle d’activité économique de repli que joue actuel- (suite) 42 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 1.4 (suite) lement l’agriculture pour la plupart des ménages, mais elle étant la valeur résiduelle. Le scénario de référence résul- implique que les estimations de l’emploi pour l’agriculture tant ne montre qu’une légère baisse du chômage dans ces dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire de pays. Les estimations détaillées de l’emploi des pays ont été la tranche inférieure ne sont pas basées sur les élasticités agrégées par groupes de pays. Le résultat final est présenté ré­ de la croissance. Dans les pays à revenu intermédiaire, la dans la Figure 1.14. main-d’œuvre a été attribuée à chaque secteur, le chômage Tableau B1.4.1  Élasticités de l’emploi par rapport à la croissance a.  Nos paramètres d’élasticité Revenu intermédiaire Revenu de la tranche intermédiaire supérieure de la tranche Riches en (hors Afrique Secteur Faible revenu inférieure ressources du Sud) Afrique du Sud Agriculturea −0,8 −1,0 Salariés dans l’industrie 0,9 0,8 0,6 0,6 0,5 Non salariés dans l’industrie 0,7 0,6 0,7 0,3 0,3 Salariés dans les services 0,8 0,8 0,8 0,7 0,5 Non salariés dans les services 0,8 0,9 0,7 0,6 0,5 b.  Pays de comparaison Asie 1990–2010 OIT, SSA, 1990–2003b Revenu faible et Revenu intermédiaire Vietnam, Cambodge, Indonésie, intermédiaire de la de la tranche Secteur Bangladesh Philippines tranche inférieure supérieure Agriculture 0,3 0,3 0,7 0,1 Salariés dans l’industrie 1,2 0,4 0,6 0,8 Non salariés dans l’industrie 1,1 0,4 0,6 0,8 Salariés dans les services 0,7 0,7 0,8 0,7 Non salariés dans les services 0,7 0,7 0,8 0,7 a. L’emploi agricole ferme le modèle pour les pays à faible revenu, à revenu intermédiaire de la tranche inférieure et riches en ressources. b. Données tirées de Kapsos, 2005. Source : Fox et coll., 2013. Note : Les pays riches en ressources sont ici l’Angola, la Guinée, le Nigéria, la République démocratique du Congo, la République du Congo, le Soudan, la République du Sud Soudan, le Tchad et la Zambie. Scénario de base : la croissance forte et dans les pays à faible revenu et à revenu inter- constante se poursuit médiaire de la tranche inférieure devrait res- Dans ce premier scénario, les principales ter forte, à environ 5 % par an, stimulée par sources de croissance en Afrique restent les l’augmentation des facteurs de production mêmes au cours de la prochaine décennie que (terres et main-d’œuvre) et l’amélioration de celles de la précédente, entraînant une crois- la productivité du travail (due à une utilisa- sance constante dans les différents groupes tion accrue des intrants et à un meilleur accès de pays (Tableau 1.2). La croissance agricole aux marchés). Cette croissance entraînera une Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 43 Tableau 1.2  Croissance annuelle moyenne, par secteur et niveau de revenu des pays, 2005–20 pourcentage Estimations Projections 2005–10 2010–15 2015–20 Groupe de PIB Agri- PIB Agri- PIB Agri- pays réel culture Industrie Services réel culture Industrie Services réel culture Industrie Services Faible revenu 6,5 4,8 6,6 7,7 6,2 5,0 7,9 6,2 6,4 5,8 7,3 6,2 Revenu intermédiaire 4,4 4,1 4,9 4,5 5,5 4,1 9,9 4,0 5,9 4,7 6,9 5,8 de la tranche inférieure Revenu intermédiaire de la tranche 3,3 3,9 3,4 3,2 4,9 4,3 6,6 4,4 5,8 4,9 7,1 5,4 inférieure, hors Ghana Riches en 6,8 7,5 3,1 11,9 6,8 6,5 4,6 9,5 6,4 6,4 3,7 8,5 ressources Afrique du Sud 3,6 2,5 2,3 4,1 3,1 2,1 2,2 3,5 3,2 3,2 1,3 3,8 Autre revenu intermédiaire 3,0 1,5 1,5 4,8 4,6 3,2 4,7 5,1 4,5 4,7 4,1 4,9 de la tranche supérieure Source : Fox et coll., 2013. Note : Voir Encadré 1.4 pour une explication de la manière dont les projections de l’emploi sont établies et les pays sont classés. hausse des revenus réels des exploitants agri- (la croissance du secteur public étant financée coles, étant donné que la demande de denrées par les rentes minières). Les pays à revenu inter- alimentaires de l’Afrique devrait rester élevée médiaire de la tranche supérieure devraient à l’échelle régionale et internationale et main- continuer de se remettre de la dépression qui tenir les prix à leurs niveaux réels actuels. La a suivi la crise financière de 2007–2008. Ils croissance industrielle projetée dans les pays à devraient diversifier leurs exportations dans les faible revenu et à revenu intermédiaire de la services, stimulant ainsi ce secteur. tranche inférieure résulte de la combinaison Une hypothèse clé à la base de cet opti- de nouveaux projets miniers et de l’augmenta- misme est que l’Afrique ne subira pas d’autre tion de la production manufacturière destinée choc économique majeur dû à des sources inté- au marché intérieur, mais sans accroissement rieures ou extérieures tel qu’une autre récession significatif des exportations de produits manu- mondiale majeure ébranlant la demande des facturés. Certains pays dotés de projets miniers produits d’exportation africains, l’éclatement devraient afficher une très forte croissance d’un conflit régional ou une catastrophe cli- industrielle : 19 % par an pour le Ghana, avec matique prolongée dans la région. Sans ces le démarrage de la production pétrolière ; 17 % chocs, les pays africains pourraient réaliser une par an pour le Libéria, grâce à l’extraction de décennie de croissance avec une moyenne de minerai de fer ; et une croissance industrielle 4,5 à 6 % par an, soit légèrement plus que celle moyenne supérieure à 50 % en Sierra Leone, réalisée pendant la période 2005–2010, qui a également due à l’extraction de minerai de fer. connu le choc subi par les marchés financiers Lorsque ces pays sont exclus de leurs groupes mondiaux. respectifs, le schéma des taux de croissance Les Figures 1.13 et 1.14 présentent les s’aplatit. Les pays riches en ressources, dont la réponses initiales aux questions relatives au principale exportation devrait rester les miné- nombre et au type des emplois que cette sorte raux non transformés, se distingueront par une de croissance pourrait créer. L’emploi salarié plus forte croissance dans le secteur des services industriel devrait augmenter grâce à une diver- 44 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 1.13  Où les 125 millions de nouveaux emplois seront-ils créés en Afrique ? a. Emplois par secteur b. Distribution projetée des nouveaux arrivants par secteur, 2010–20 300 4 % d’emplois salariés dans l’industrie 21 % 250 d’emplois salariés dans les services 37 % Emplois (millions) 200 d’emplois agricoles 150 100 50 38 % 0 d’emplois dans les Agriculture Entreprises Emplois Emplois entreprises individuelles individuelles salariés dans salariés dans les services l’industrie et coll., en Source : Fox Emplois 2010 2013. Nouveaux emplois en 2020 Note : Voir Encadré 1.4 pour une explication de la manière dont les projections de l’emploi sont établies et les pays sont classés. Figure 1.14  L’informel restera la norme dans une grande partie de l’Afrique 25 % seulement du total des emplois occupés subsaharienne par les nouveaux entrants sur le marché du Projection de la structure de l’emploi en Afrique, par type de pays, 2020 travail (certains d’entre eux remplaceront les 100 travailleurs sortant de la population active). En 90 d’autres termes, au mieux un jeune Africain sur quatre trouvera un emploi salarié, et seule une 80 petite partie de ces emplois seront des emplois 70 « formels » dans des entreprises modernes. Le 60 taux de chômage devrait rester peu élevé dans % du total 50 les pays à faible revenu et à revenu intermé- 40 diaire de la tranche inférieure, et devrait légè- rement baisser dans les pays à revenu intermé- 30 diaire de la tranche supérieure, à condition que 20 des taux de croissance élevés soient réalisés. 10 Le secteur des entreprises individuelles 0 devrait créer plus d’emplois que le secteur sala- Pays à Pays à revenu Pays riches Pays à revenu Tous les faible revenu intermédiaire de la en ressources intermédiaire de la pays rié, pour atteindre 45 % des nouveaux emplois tranche inférieure tranche supérieure nets et employer 37 % des nouveaux entrants 248 52 200 23 523 grâce à la création d’entreprises. Ce secteur Population active (millions) se nourrit de la demande de biens et services Agriculture Entreprises individuelles Emplois salariés Emplois salariés Chômage engendrée par la croissance de l’emploi et des dans les services dans l’industrie revenus dans les secteurs de l’emploi salarié et Source : Fox et coll., 2013. Note : Voir Encadré 1.4 pour une explication de la manière dont les projections de l’emploi sont agricole, si bien qu’une croissance équilibrée établies et les pays sont classés. est nécessaire pour réaliser cette partie des projections. Parce que la majorité des nouveaux emplois sification modérée continue de la production devraient être créés dans les pays actuellement et des exportations, toutefois moins rapide- classés dans la catégorie des pays à faible revenu ment que l’emploi dans les services, étant (comme la République démocratique du donné que le secteur minier ne créera pas un Congo et l’Éthiopie), le secteur agricole restera grand nombre d’emplois directs. D’ici 2020, important pour la création d’emplois. Contrai- les emplois rémunérés et salariés représente- rement aux autres secteurs, dans l’agriculture, ront 29 % des nouveaux emplois nets, mais les projections pour les nouveaux emplois Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 45 (dans les pays à faible revenu et à revenu inter- Cette méthode introduit clairement une sur­ médiaire de la tranche inférieure) ne s’appuient estimation dans les résultats de McKinsey. pas sur la demande de main-d’œuvre : elles représentent plutôt la main-d’œuvre qui ne Scénario du changement trouve pas d’emploi salarié ou ne crée pas une « spectaculaire » : essor dans le secteur entreprise (Encadré 1.4). Le nombre absolu des manufacturier d’exportation à haute personnes travaillant dans l’agriculture devrait intensité de main-d’œuvre augmenter d’environ 33 millions. Comme Existe-t-il un meilleur scénario pour les emplois environ 70 % des personnes qui sortiront de africains ? Le scénario que nous venons de pré- la population active travaillent actuellement senter est déjà optimiste en ce sens qu’il est basé dans l’agriculture, le nombre réel de nouveaux sur une croissance soutenue partout en Afrique, entrants que ce secteur doit absorber est de mais n’est pas fondé sur un changement radical plus de 62 millions, soit environ 38 % des nou- de la donne éloignant l’Afrique de sa trajectoire veaux entrants. Une croissance plus forte dans de croissance actuelle. Certains observateurs d’autres secteurs pourrait faire légèrement bais- soutiennent que si l’Afrique accroissait la pro- ser ce nombre, mais il est peu probable que la duction de son secteur manufacturier léger, population active travaillant dans l’agriculture diminue au cours de la prochaine décennie, car destiné à l’exportation et à haute intensité de les jeunes à la recherche d’un emploi n’auront main-d’œuvre, de façon aussi spectaculaire simplement pas d’autre choix. Toutefois, si que les pays de comparaison à forte croissance l’agriculture africaine réalise son potentiel, les d’Asie, la structure de l’emploi pourrait chan- emplois agricoles seront plus productifs et plus ger plus rapidement (Lin et Monga, 2012 ; rémunérateurs qu’aujourd’hui. Dinh et coll., 2012). Lorsque la croissance de Bien que les projections impliquent une l’emploi manufacturier était à son apogée au forte croissance dans l’emploi non agricole, la Bangladesh, au Cambodge et au Vietnam, ces structure de l’emploi projetée, présentée dans la pays affichaient des taux de croissance annuels Figure 1.14, n’est pas très différente de la struc- de 10 % ou plus dans leurs secteurs industriels ture actuelle, reprise dans la Figure 1.9. L’em- et créaient des emplois salariés industriels à un ploi agricole diminuera dans toutes les catégo- rythme encore plus rapide. ries de pays, mais la part des emplois salariés En quoi la structure de l’emploi serait-elle industriels dans l’emploi total ne passera que différente si les pays africains à faible revenu et de 2,3 à 3,2, moins que dans d’autres régions en à revenu intermédiaire de la tranche inférieure développement, parce que ces emplois croissent modifiaient leurs politiques et investissements à partir d’une base très limitée. pour réaliser des performances comparables ? Comment ces estimations se situent-elles Quelles perspectives d’emploi s’ouvriraient- par rapport à d’autres présentées dans la litté- elles aux jeunes de ces pays en 2015–2020 si rature ? Une récente étude de McKinsey sou- l’Afrique rattrapait les industries manufactu- tient que l’Afrique créera quelque 122 millions rières et les emplois de l’Asie de l’Est à partir d’emplois au cours des 10 prochaines années et de 2015, à peu près de la manière dont d’autres que presque la moitié d’entre eux seront sala- pays d’Asie de l’Est ont rattrapé les industries et riés (Fine et coll., 2012). Pourquoi les prévisions emplois du Japon et de la République de Corée pour l’emploi de McKinsey sont-elles considé- dans les années 1980 et 1990 ? rablement plus optimistes que celles présentées Pour tester les éventuelles implications pour ici, à savoir 30 millions de nouveaux emplois l’emploi d’un changement « spectaculaire » en salariés au cours de la prochaine décennie ? La Afrique, nous avons simulé cette récente expé- principale différence est que nous utilisons des rience asiatique pour les pays africains à faible données et projections spécifiques à l’Afrique revenu et à revenu intermédiaire de la tranche pour prévoir le profil de l’emploi, alors que inférieure.4 Dans cette simulation, nous avons l’équipe de McKinsey utilise les données des élevé l’élasticité de l’emploi salarié à 1,2 pour pays en développement en forte croissance et qu’elle corresponde à celle estimée historique- des marchés émergents d’autres continents.3 ment pour le Bangladesh, le Cambodge et le 46 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 1.15 Même une croissance « spectaculaire » aura des effets limités sur la distribution de l’emploi dans un avenir proche Scénario Scénario Scénario Scénario initial alternatif initial alternatif 16 100 Emplois salariés dans l’industrie, 14 90 80 12 70 % du total (millions) 10 60 8 50 6 40 30 4 20 2 10 0 0 Pays à Pays à revenu 248 248 52 52 faible revenu intermédiaire de la Pays à faible revenu Pays à revenu tranche inférieure intermédiaire de la tranche inférieure Scénario Emplois supplémentaires initial dans le scénario alternatif Population active (millions) Agriculture Entreprises individuelles Emplois salariés Emplois salariés dans les services dans l’industrie Chômage Source : Fox et coll., 2013. Note : Voir Encadré 1.4 pour une explication de la manière dont les projections de l’emploi sont établies et les pays sont classés. Vietnam — ce qui signifie que l’accroissement 2 millions dans les pays à revenu intermédiaire de l’emploi dans le secteur industriel serait de de la tranche inférieure, un accroissement de 20 % plus rapide que celui de la valeur ajoutée, 10 % du total des nouveaux emplois n’intro- ce qui suppose une croissance fortement créa- duisant qu’un faible changement dans les pers- trice d’emplois. La projection de la croissance pectives des nouveaux entrants. industrielle pour les pays à faible revenu et à Ces modestes gains découlent en partie de revenu intermédiaire de la tranche inférieure a la courte période utilisée pour les projections elle aussi été rehaussée à 10 % par an pour la (5 ans seulement) alors que le changement période 2015–2020. Ce chiffre est légèrement structurel a pris 20 ans au Vietnam. Ils reflètent supérieur aux taux de croissance médians et aussi la population active plus importante et la moyens de l’industrie enregistrés au Bangla- base plus limitée à partir de laquelle le déve- desh, au Cambodge et au Vietnam au cours loppement industriel démarrerait. Il faudra au des dix dernières années (9,3 % par an). La moins deux décennies à l’Afrique pour modi- Figure 1.15 compare les structures de l’emploi fier suffisamment la structure de l’emploi pour pour le scénario initial et le scénario alternatif. offrir à ses jeunes des perspectives fondamenta- Si le scénario alternatif pouvait se réaliser, lement différentes, d’où l’importance de lancer l’emploi salarié industriel croîtrait beaucoup maintenant le processus de changement. plus rapidement dans les pays africains à faible revenu et à revenu intermédiaire de la tranche inférieure. Le taux annuel moyen de croissance Cadre du rapport de l’emploi salarié industriel doublerait au cours de la décennie pour atteindre 12 % par Partant de la réalité des jeunes en Afrique — an, et celui de l’emploi salarié total s’élèverait la taille de leur cohorte et les événements qui à 6 % par an. Pourtant, même dans ce cas, la façonnent leurs vies au cours des nombreuses structure de l’emploi serait sensiblement la transitions qu’ils ont à vivre — le présent rap- même. Le nombre des nouveaux emplois sala- port analyse les perspectives d’emploi et les riés pourrait grimper à environ 5 millions par expériences des jeunes et examine les moyens an dans les pays à faible revenu et à environ de créer des voies d’accès au travail productif. Opportunités et défis pour l’emploi des jeunes en Afrique 47 Tableau 1.3  Cadre du rapport vail. Le Chapitre 3 porte sur les compétences, Trois secteurs Deux dimensions une question qui touche tous les secteurs de • Agriculture • Capital humain l’emploi, en mettant l’accent sur celles qui sont • Entreprises individuelles • Environnement des affaires essentielles pour l’emploi productif et sur les non agricoles moyens de les acquérir. Ce chapitre évalue le • Emploi salarié moderne rôle de la scolarité dans l’éducation et l’appren- tissage, et décrit le large éventail des apprentis- sages et autres formes de formation qui déve- À l’aide d’un cadre analytique simple, il offre loppent les compétences en dehors de l’école. une compréhension systématique et détail- lée des défis associés à l’accroissement de la Notes productivité, des revenus et de l’efficacité des 1. Les estimations pour l’Asie de l’Est et Pacifique transitions de la jeunesse, ainsi que des inter- (hors Chine) sont de 115 millions de jeunes ventions prometteuses qui permettraient de les de 15 à 24 ans en 2015 et de 101 millions en relever (Tableau 1.3). Nous nous concentrons 2050. La taille de cette cohorte a commencé à sur les trois secteurs où des accroissements de diminuer en 2010 (comme ce fut le cas pour la la productivité auraient le plus d’importance : Chine). l’agriculture, les entreprises individuelles non Les chiffres sont basés sur les rapports finaux 2.  agricoles et le secteur salarié moderne. des enquêtes démographiques et de santé (EDS) (www.measuredhs.com). Nous distinguons deux types de contraintes McKinsey a fondé ses estimations sur les don- 3.  restreignant la capacité des jeunes à trouver des nées relatives à la Corée, l’Indonésie, la Malai- voies d’accès au travail productif dans ces trois sie, le Mexique, le Pakistan, les Philippines, la secteurs : République arabe d’Égypte, la Thaïlande et la 1. Le capital humain : les aptitudes, l’éducation, Turquie. Les pays africains riches en ressources ont été 4.  les compétences, les relations familiales, les exclus de cette simulation parce que même en réseaux, les croyances et d’autres traits de Asie de l’Est, cette catégorie de pays n’a pas réa- caractère propres à une personne, qui lui lisé le type de transformation de l’emploi simulé permettent de trouver des opportunités ici. d’être productive, d’accroître son revenu et d’assurer sa sécurité financière. Références 2. L’environnement des affaires  : les facteurs Banque mondiale. 2010. “Equatorial Guinea échappant au contrôle immédiat d’un tra- Public Expenditure Review.” Banque mondiale, vailleur, qui affectent la productivité (accès à Washington, DC. la terre, au capital et au financement ; infras- –––––. 2012a. Africa’s Pulse 6 (octobre). Banque tructures ; technologie ; marchés), ainsi que mondiale, Washington, DC. les politiques, règlements et programmes –––––. 2012b. “Employment in Cameroon: Stock gouvernementaux qui peuvent affecter le Take of Programs, Assessment of Existing Gaps and Opportunities, and Proposed Next Steps.” choix d’une activité économique et la façon Banque mondiale, Washington, DC. dont elle est menée. –––––. 2012c. “Gabon Public Expenditure Review: Les chapitres 4, 5 et 6 abordent successive- Better Management of Public Finance to Achieve ment chacun des secteurs (agriculture, entre- Millennium Development Goals.” Banque mondiale, Washington, DC. prises individuelles et emploi salarié moderne dans le secteur privé). Ils examinent en profon- –––––. 2012d. « Gabon : Rapport sur la croissance et l’emploi. » Banque mondiale, Washington, deur l’influence des contraintes liées à l’envi- DC. ronnement des affaires et au capital humain –––––. 2012e. Rapport sur le développement dans sur la capacité des jeunes à trouver des emplois le monde 2013 : Emplois. New York : Oxford productifs, et décrivent la manière d’y remédier. University Press. Le Chapitre 2 aborde les transitions qui –––––. 2013. “Economic Growth in Equatorial Gui- caractérisent la jeunesse, en particulier celles nea: Paths to Inclusiveness and Sustainability.” qui se chevauchent depuis l’école jusqu’au tra- Banque mondiale, Washington, DC. 48 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne –––––. Diverses années. Indicateurs du développe- saharienne, entretenir la croissance dans un ment dans le monde. Washington, DC : Banque climat mondial d’incertitude.” FMI, Washington, mondiale. DC. Bloom, David E. et Jeffrey Williamson. 1998. Fox, Louise et Melissa S. Gaal. 2008. “Working “Demographic Transitions and Economic out of Poverty: Job Creation and the Quality of Miracles in Emerging Asia.” World Bank Econo­ Growth in Africa.” Banque mondiale, Washing- mic Review 12 (3): 419–55. ton, DC. Bloom, David E., David Canning et Pia N. Mala- Fox, Louise et Obert Pimhidzai. 2013. “Different ney. 2000. “Population Dynamic and Economic Dreams, Same Bed: Collecting, Using, and Growth in Asia.” Population and Development Interpreting Employment Statistics in Sub- Review 26 (supplément): 257–90. Saharan Africa: The Case of Uganda.” Policy Bongaarts, John et John Casterline. 2013. “Fertility Research Working Paper 6436, Banque mondiale, Transition: Is Sub-Saharan Africa Different?” Washington, DC. Population and Development Review 38 (supplé- Fox, Louise et Thomas Sohnesen. 2012. “Household ment 1): 153–68. Enterprises in Sub-Saharan Africa: Why They Chuhan-Pole, Punam et Manka Angwafo. 2011. Matter for Growth, Jobs, and Livelihoods.” Policy Yes Africa Can: Success Stories from a Dynamic Research Working Paper 6184, Banque mondiale, Continent. Washington, DC : Banque mondiale. Washington, DC. De Wolf, Stefan, Yves Rolland Rakotoarisoa, Fox, Louise, Alun Thomas, Cleary Haines et Jorge Laurence Vanpaeschen et Honoré Rabekoto. Huerta Munoz. 2013. “Africa’s Got Work to Do: 2008. Madagascar : Le grand livre des petits Employment Prospects in the New Century.” métiers — Portraits of daily life professions. Document de travail du FMI, Fonds monétaire Belgique : Snoek Publishers. international, Washington, DC. Devarajan, Shantayanan et Wolfgang Fengler. 2013. Gelb, A. 2010. “Economic Diversification in “Africa’s Economic Boom: Why the Pessimists Resource-Rich Countries.” Document pré- and the Optimists Are Both Right.” Foreign paré pour la conférence Ressources naturelles, Affairs (mai-juin) : 68–81. finances et développement : défis d’hier et d’au- jourd’hui, Banque centrale d’Algérie et Institut Dinh, Hinh T., Vincent Palmade, Vandana Chandra du FMI, Alger, 4–5 novembre. et Frances Cossar. 2012. “Light Manufacturing in Africa: Targeted Policies to Enhance Private Kapsos, Stephen. 2005. “The Employment Intensity Investment and Create Jobs.” Agence française de of Growth: Trends and Macroeconomic Deter- développement et Banque mondiale, Washing- minants.” Economic Strategy Paper 2005/12, ton, DC. Organisation internationale du travail, Genève. Eastwood, Robert et Michael Lipton. 2011. “Demo- graphic Transition in Sub-Saharan Africa: How Lin, Justin Yifu et Célestin Monga. 2012. “Solving Big Will the Economic Dividend Be?” Population the Mystery of African Governance.” New Studies 65 (1) : 9–35. Political Economy 17 (5): 659–66. Fine, David, Arend van Wamelen, Susan Lund, Losch, Bruno, Sandrine Freguin-Gresh et Eric Armando Cabral, Mourad Taoufiki, Norbert Thomas White. 2013. Structural Transformation Dörr, AchaLeke, Charles Roxburgh, Jörg and Rural Change Revisited. Washington, DC : Schubert et Paul Cook. 2012. “Africa at Work: Job Banque mondiale. Creation and Inclusive Growth.” McKinsey Glo- Nations Unies. 2011. Révision 2010 des Perspectives bal Institute, Washington, DC. de la population mondiale. New York : Nations FMI (Fonds monétaire international). 2012. “Per­ Unies, Département des affaires économiques et spectives économiques régionales : Afrique sub­ sociales, Division de la population. Emplois : plus qu’un simple revenu NOTE THématique 1 Q u’il soit ou non rémunéré, un emploi et/ou de sexe différents, avec lesquelles ils représente presque toujours plus qu’un n’auraient jamais eu de contact ou partagé simple revenu. Il touche à la fois le sen- d’informations. Par exemple, une étude sur les timent profond d’identité d’une personne et travailleurs de différentes origines ethniques la façon dont elle est perçue par la société. Le dans le secteur du café au Rwanda a montré type d’emploi qu’elle occupe a une puissante que les interactions sur le lieu de travail sont influence sur le bien-être social et le développe- associées à de meilleures attitudes vis-à-vis ment économique de la personne. Le Rapport d’une collaboration surmontant les clivages sur le développement dans le monde 2013 : ethniques et à moins de méfiance (Tobias et « [Dans mon Emplois aborde ces thèmes en détail et sert de Boudreaux, 2011). travail,] je base au bref exposé qui suit. Les emplois dans l’agriculture peuvent eux aussi relier les gens à travers des réseaux. rencontre Des études menées au Ghana et en Ouganda beaucoup de Valeur des emplois montrent la façon dont les exploitants agricoles gens, j’apprends reliés à travers des réseaux peuvent obtenir des à m’exprimer et Partout dans le monde, les gens considèrent leur informations et accroître leur productivité. Au à entretenir des emploi comme plus qu’une tâche ou un revenu. Ghana, des producteurs d’ananas ont ajusté communications L’emploi contribue à déterminer la position et leur utilisation d’engrais en fonction des expé- l’identité d’un individu dans la société, ainsi riences heureuses ou malheureuses de leurs personnelles. » que la satisfaction qu’il retire de sa vie (Banque voisins. Les nouveaux cultivateurs d’ananas Ghana mondiale, 2012). Dans une enquête menée en sont plus susceptibles d’effectuer des chan- Sierra Leone en 2012, 90 % des répondants esti- gements sur la base des informations reçues maient que leur emploi était un peu ou abso- d’autres cultivateurs, mettant ainsi en évidence lument significatif (Hatløy et coll., 2012). De le potentiel des interactions en milieu de tra- même, les jeunes interrogés dans le cadre d’une vail et de l’apprentissage par l’exemple (Udry étude qualitative réalisée au Ghana déclaraient et Conley, 2004). En Ouganda, une récente apprécier les emplois leur permettant d’acqué- expérience randomisée a étudié l’effet des rir de nouvelles connaissances et compétences réseaux sur la productivité, en appariant des ou d’entrer en relation avec d’autres personnes producteurs de coton pour stimuler l’échange à travers des réseaux sociaux (Anarfi, Anyi- d’information. Les paires ont été encoura- doho et Verschoor, 2008). Le type d’emploi, de gées à discuter des activités, des problèmes et contrat, d’avantages, de sûreté et de sécurité au des solutions de l’exploitation agricole et à se travail influence toutes ces perceptions du bien- fixer un objectif d’amélioration des cultures. être. Ces faits expliquent peut-être pourquoi les Les producteurs ayant participé au projet, en mesures de la satisfaction au travail sont plus particulier les femmes, ont nettement amélioré faibles en Afrique subsaharienne que dans leur productivité. La mise en relation d’agri- d’autres régions pour tous les types d’emplois – culteurs n’appartenant pas aux mêmes cercles agriculture, entreprises individuelles et secteur sociaux a aidé à faire circuler des informations salarié moderne (voir Figure F1.1). qui n’auraient, autrement, jamais été partagées En plus de leur contribution au statut, à (Vasilaky, 2010). l’autonomisation, à l’identité et au bien-être, Si les emplois peuvent relier les gens à tra- les emplois (y compris les emplois non rému- vers des réseaux, ils peuvent aussi exclure. nérés) connectent les gens à travers des réseaux. Presque partout en Afrique, la majorité des Ils les mettent en relation avec d’autres per- gens trouvent un emploi grâce à leurs rela- sonnes d’origine, d’appartenance ethnique tions avec des amis, des membres de la famille 49 50 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure F1.1  Emplois et satisfaction de la vie 50 45 40 35 Pourcentage 30 25 20 15 Pays à revenu élevé Amérique latine et Caraïbes 10 Europe et Asie centrale 5 Asie de l’Est et Pacifique Moyen-Orient et Afrique du Nord 0 Asie du Sud Emplois salariés Activités Afrique subsaharienne indépendantes, Activités Chômage non agricoles indépendantes, agricoles Source : Banque mondiale, 2012, sur base de Gallup, 2009, 2010. Note : Le schéma montre la part des répondants qui accordent à leur vie actuelle une note de 7 ou plus sur une échelle de 10 et qui prévoient qu’elle vaudra 8 ou plus dans cinq ans. et d’autres connaissances. Dans l’enquête être influencées par le fait que leurs parents sur les emplois réalisée en Sierra Leone en ont ou non un emploi et par le type d’emploi 2012, 75 % des répondants considéraient leur qu’ils occupent. De la frustration et même des emploi comme important pour établir des troubles sociaux peuvent apparaître lorsque contacts avec les autres (Hatløy et coll., 2012). l’éducation et l’effort ne sont pas récompensés Les réseaux peuvent toutefois avoir des consé- ou lorsque les gens perçoivent la répartition des quences sociales négatives lorsqu’ils excluent les emplois comme injuste. Dans de nombreux personnes et les groupes qui n’ont pas ces rela- pays d’Afrique, les gens, les jeunes en parti- tions. L’étude de cas d’un groupe de tisserands culier, ont l’idée reçue que l’emploi salarié est d’Ilorin, une ville de la partie yoruba musul- préférable aux autres types d’emploi, y compris mane de l’ouest du Nigéria, et d’un groupe de dans les entreprises individuelles et l’agricul- fabricants de chaussures et de vêtements d’Aba, ture, si bien que le manque d’emplois salariés une ville de la partie igbo chrétienne de l’est du peut provoquer des tensions sociales. L’emploi Nigéria, a montré que l’arrivée accrue de pro- salarié, surtout en milieu urbain, est perçu ducteurs a renforcé le recours aux relations et comme plus lucratif et sûr et d’un statut plus les tensions sociales. Les producteurs les plus élevé. Par exemple, pour les jeunes interrogés pauvres n’avaient ni fournisseurs réguliers ni dans le cadre d’une étude qualitative menée au réseaux de crédit, et dépendaient principale- Libéria, seul l’emploi salarié pouvait être consi- ment des clients de leur propre village (Mea- déré comme un « emploi », à l’exclusion de gher, 2011). toutes les autres formes de moyens d’existence et d’activités professionnelles (Banque mon- diale, 2013). Dans une étude similaire réalisée Emplois et aspirations en Sierra Leone, les jeunes estimaient qu’un « emploi » désigne un poste stable et salarié. La répartition des emplois au sein d’une société Ils avaient une estime particulière pour les peut affecter les attentes et les aspirations. emplois de bureau, souvent qualifiés d’emplois Lorsque les enfants et les adolescents se fixent de « gentleman britannique ». Les postes dans des buts pour l’avenir, leurs aspirations peuvent l’enseignement et les soins infirmiers sont aussi Note thématique 1 51 souvent considérés avec respect. Dans beau- Figure F1.2  Les emplois sont les piliers du développement coup de cas, les jeunes qualifient d’« emplois déshonorants » les emplois occasionnels infor- Emplois reliés mels offrant de faibles revenus journaliers. aux marchés Emplois Emplois dans mondiaux les villes respectueux de Les emplois salariés ne sont toutefois pas l’environnement fonctionnelles toujours les plus convoités. Suivant le contexte, les opportunités disponibles et les caractéris- tiques de la jeunesse, la réalité peut être plus DÉVELOPPEMENT complexe. Au Ghana, l’emploi salarié n’est Emplois pour Emplois donnant pas nécessairement préféré aux autres types les pauvres un sentiment NIVEAU COHÉSION d’equité d’emploi (Falco et coll., 2012). En fait, les pro- DE VIE PRODUCTIVITÉ SOCIALE priétaires d’entreprises informelles employant Emplois Emplois autonomisant reliant à des d’autres personnes sont nettement plus heu- les femmes réseaux reux que ceux qui travaillent dans le secteur Emplois ne Emplois privé formel. Les jeunes expliquent que le sta- faisant pas peser façonnant tut social, l’autonomie et le revenu associés aux le fardeau sur EMPLOIS l’identité sociale les autres activités indépendantes les incitent à préférer celles-ci. Un étudiant de 22 ans a expliqué Source : Banque mondiale, 2012. qu’« au Ghana, on ne gagne pas grand-chose en travaillant pour quelqu’un. On peut se faire nettement plus en étant à son propre compte qu’en travaillant pour quelqu’un d’autre » ductifs. La troisième est la cohésion sociale : les (Anarfi, Anyidoho et Verschoor, 2008). Un sociétés prospèrent à mesure que les emplois jeune sans emploi reprend le même mes- créent un sentiment d’opportunité et amènent sage : « Il n’y a rien de mieux que de travail- des personnes d’origines ethniques et sociales ler [à son propre compte]. Ça me donne l’idée différentes à travailler ensemble. qu’un jour, je pourrai travailler dur et, si pos- Lorsqu’on étudie les emplois du point de sible, créer ma propre entreprise et employer vue de leur potentiel de participation à ces d’autres personnes ». Des jeunes interrogés en résultats, il apparaît clairement que certains Zambie ont exprimé des sentiments similaires ; emplois contribuent davantage au dévelop- ceux occupant des emplois salariés ont signalé pement que d’autres (Figure F1.2). Pour les qu’ils exerçaient des activités informelles com- responsables des politiques, le nombre des plémentaires pour arrondir leurs fins de mois, emplois n’est, par conséquent, pas seul à avoir parce qu’ils étaient mal payés et que leur sécu- de l’importance, leur qualité et leur contribu- rité d’emploi était limitée (PREM Poverty tion au développement d’un pays en ont éga- Reduction Group, 2008). lement. Comme mentionné plus haut, les gens accordent de la valeur aux emplois en fonction des revenus et avantages qu’ils procurent, ainsi Emplois et développement que de leur contribution à l’estime de soi et au bonheur. Mais certains emplois ont des effets L’effet transformationnel de l’emploi sur plus étendus sur la société. Les emplois occupés les individus et la société s’exerce dans trois par des femmes peuvent changer la façon dont dimensions (Banque mondiale, 2012). La pre- les ménages investissent dans l’éducation et la mière est le niveau de vie : la pauvreté diminue santé des enfants. Les emplois exercés dans les à mesure que les gens se taillent un chemin villes amènent une plus grande spécialisation pour sortir de leurs difficultés, en particulier et un échange d’idées, rendant ainsi d’autres dans les pays où la redistribution a une portée emplois plus productifs. Enfin, dans les envi- limitée. La deuxième est la productivité : l’effi- ronnements perturbés, les emplois peuvent être cacité augmente à mesure que les travailleurs un facteur de paix et de cohésion sociale (voir s’améliorent et passent à des emplois plus pro- Encadré F1.1). 52 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré F1.1 Emploi, conflits et violence : y a-t-il un lien ? Les risques de violence et de tensions sociales associés à trouvent pas de preuves de la relation entre le chômage des l’insatisfaction des jeunes d’Afrique par rapport à la qualité jeunes et les conflits armés. Les éléments de preuve restent et à la disponibilité des emplois ont suscité des inquiétudes donc mitigés (Cramer, 2010). dans les médias et le débat public. Toutefois, les liens entre Dans l’ensemble, lorsque le chômage est élevé ou que les l’emploi, les conflits et la violence ne sont pas immédiats. opportunités d’emploi sont limitées, la violence et les tensions Nous ne disposons que de preuves limitées et contradictoires résultent probablement d’une accumulation de facteurs de de ces liens dans les pays en développement. En général, la risque, tels que l’exclusion, la perception des opportunités et littérature suggère que les relations entre les conflits, la vio- la dynamique familiale, plutôt que de la situation de l’emploi lence et la situation de l’emploi sont indirectes et peuvent à elle seule. Par exemple, les jeunes peuvent se tourner vers s’exprimer à travers des canaux tels que l’identité et la dyna- des gangs ou d’autres groupes violents pour compenser leur mique sociale (Cramer, 2010). manque d’attaches dans la vie économique et sociale. Une La littérature reliant la criminalité au chômage provient étude longitudinale des jeunes menée en Équateur a révélé principalement des pays développés et ne prouve aucun lien que les membres de gangs impliqués dans la drogue et les systématique entre le chômage et un comportement violent. armes les avaient rejoints « parce qu’ils étaient à la recherche Des études menées au Royaume-Uni et aux États-Unis ont du soutien, de la confiance et de la cohésion – du capital relié le chômage des jeunes aux crimes contre les biens, social – que, selon eux, leurs familles ne leur offraient pas, et notamment les cambriolages et les vols de véhicules (Bell et à cause du manque d’opportunités offertes par le contexte Blanchflower, 2010). Les éléments probants concernant les local » (Moser, 2009). De même, une analyse réalisée aux crimes violents sont plus faibles. Les études sur le chômage États-Unis a observé que les gangs fournissent aux jeunes les et les conflits présentent des résultats plus cohérents, et bien revenus, le respect et les attaches sociales qu’ils sont inca- que le rapport de cause à effet soit difficile à établir, il en res- pables de trouver dans des emplois, en particulier en raison sort que de mauvaises performances économiques, y compris des opportunités limitées existant dans des villes telles que le chômage des jeunes, peuvent être associées à des conflits Chicago et New York, qui ont perdu des emplois manufactu- (Collier et Sambanis, 2005 ; Urdal, 2004). D’autres études ne riers stables (Padilla, 1992). Les points de vue des individus et de la confiance et l’engagement civique peuvent faire société sur les emplois coïncident souvent, mais plus pour le développement que les autres. pas toujours. Les emplois offrant une rémuné- Les emplois particulièrement bons pour le ration et des avantages importants peuvent développement varient en fonction du niveau être convoités par les individus, mais avoir de développement, de la démographie, des res- moins de valeur pour la société lorsqu’ils sont sources et des institutions de chaque pays. Par soutenus par des transferts gouvernementaux exemple : ou des règlementations restrictives et minent • Dans les pays agricoles, la plupart des habi- ainsi les revenus ou les opportunités d’emploi tants vivent en milieu rural et travaillent d’autres personnes. À cause d’écarts de ce type, dans l’agriculture. Il est donc essentiel de des emplois apparemment équivalents pour un rendre les petites exploitations agricoles individu peuvent avoir des effets différents sur viables, parce que les taux de pauvreté sont la société. Les emplois bons pour le développe- élevés. Une meilleure productivité agricole ment sont ceux qui ont le plus de valeur pour peut favoriser le développement de l’emploi la société, en tenant compte non seulement de en dehors des exploitations. Parallèlement, leur valeur pour ceux qui les occupent, mais les emplois urbains reliés aux marchés aussi de leurs répercussions potentielles – posi- mondiaux participent au dynamisme des tives ou négatives – sur les autres. Les emplois villes. qui réduisent la pauvreté, relient l’écono- • Dans les pays touchés par des conflits, le mie aux marchés mondiaux ou favorisent la problème le plus immédiat est de soutenir Note thématique 1 53 la cohésion sociale. L’emploi des anciens des distorsions, qui entravent la création combattants ou des jeunes susceptibles d’emplois dans les villes et les chaînes de d’être entraînés dans la violence est parti­ valeur mondiales et ne comprennent pas des culièrement important. Dans la mesure où mécanismes de protection et d’expression il nécessite une main-d’œuvre abondante des travailleurs vulnérables, qu’ils soient ou et peut prospérer même dans un médiocre non salariés. environnement des affaires, le secteur de la • Les priorités. Parce que certains emplois construction peut s’avérer utile. contribuent plus au développement que • Dans les pays en voie d’urbanisation, d’autres, il est nécessaire d’identifier les l’accroissement de la productivité agricole emplois bons pour le développement dans libère des gens pour le travail dans les villes. le contexte particulier du pays. Les poli- Les emplois offerts aux femmes, habituel- tiques doivent éliminer ou neutraliser les lement dans l’industrie manufacturière imperfections du marché et les défaillances légère, peuvent profiter aux ménages. Les institutionnelles qui empêchent le secteur principales priorités sont d’éviter la con- privé de créer davantage d’emplois bons gestion urbaine et de permettre au pays pour le développement. d’élever la valeur de ses produits et services. • Dans les pays riches en ressources, les recettes Références Anarfi, John Kwasi, Nana Akua Anyidoho et Arjan en devises peuvent être substantielles, mais Verschoor. 2008. « The Economic Empowerment leur abondance peut compromettre la of Young People in Ghana. » Rapport préparé compétitivité des autres activités et encou­ pour la Banque mondiale, Washington, DC. rager la création d’emplois soutenus par Banque mondiale. 2012. Rapport sur le développe­ des transferts. Les emplois favorisant une ment dans le monde 2013 : Emplois. Washington, diversification des exportations peuvent DC : Banque mondiale. avoir d’importantes retombées en matière –––––. 2013. Understanding Youth Violence: Cases de développement. from Liberia and Sierra Leone. Washington, DC : Banque mondiale. Le rôle des pouvoirs publics consiste en fin Bell, David et David Blanchflower. 2010. « Youth de compte à veiller à la mise en place de condi- Unemployment: Déjà vu? » Série de documents tions propices à une forte croissance menée par de discussion 4705, Institut d’études du travail, le secteur privé, à comprendre pourquoi il n’y Bonn. a pas davantage d’emplois bons pour le déve- Collier, Paul et Nicholas Sambanis. 2005. Under­ loppement, et à éliminer ou atténuer les obs- standing Civil War. Vol. 1: Africa. Washington, tacles empêchant la création d’un nombre plus DC : Banque mondiale. important de ces emplois. Le Rapport sur le Cramer, Christopher. 2010. « Unemployment and développement dans le monde 2013 : Emplois Participation in Violence. » Document de réfé- rence pour le Rapport sur le développement dans préconise une démarche à trois niveaux pour le monde 2011 : Conflit, Sécurité et Développe­ les politiques : ment, Banque mondiale, Washington, DC. Falco, Paolo, William F. Maloney, Bob Rijkers et • L  es éléments fondamentaux. Parce que les Mauricio Sarrias. 2012. « Heterogeneity in Sub- emplois s’améliorent avec le développe- jective Well-Being: An Application to Occupa- ment, il est nécessaire de créer un cadre tional Allocation in Africa. » Policy Research des politiques propice à la croissance. Working Paper 6244, Banque mondiale, Cette tâche requiert la stabilité macro­ Washington, DC. doi: 10.1596/1813-9450-6244. économique, un environnement favorable Hatløy, Anne, Tewodros Kebede, Huafeng Zhang et à l’activité économique, des investissements Ingunn Bjørkhaug. 2012. « Perceptions of Good dans le capital humain et la primauté du Jobs: Port Loko and Freetown, Sierra Leone. » Document de référence pour le Rapport sur le droit, y compris le respect des droits de développement dans le monde 2013, Banque mon- l’homme. diale, Washington, DC. •  Les politiques de l’emploi. Ces politiques Meagher, Kate. 2011. « Informal Economies doivent éviter les interventions introduisant and Urban Governance in Nigeria: Popular 54 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Empowerment or Political Exclusion? » African Udry, Christopher et Timothy G. Conley. 2004. Studies Review 54 (2): 47–72. « Social Networks in Ghana. » Discussion Paper Moser, Caroline O. N. 2009. Ordinary Families, 888, Economic Growth Center, Yale University, Extraordinary Lives: Assets and Poverty Reduc­ New Haven, CT. tion in Guayaquil, 1978–2004. Washington, DC: Urdal, Henrik. 2004. « The Devil in the Demogra- Brookings Institution Press. phics: The Effect of Youth Bulges on Domestic Padilla, Felix M. 1992. The Gang as an American Armed Conflict, 1950–2000. » Social Develop- Enterprise. Piscataway: Rutgers University Press. ment Paper 29740. Banque mondiale, Washing- ton, DC. PREM Poverty Reduction Group. 2008. « The Economic Empowerment of Young People in Vasilaky, Kathryn. 2010. « As Good as the Networks Zambia. » Rapport 51431, Banque mondiale, They Keep? Expanding Farmer’s Social Networks Washington, DC. Using Randomized Encouragement in Rural Uganda. » New Haven, CT: Yale University. Tobias, Jutta M. et Karol C. Boudreaux. 2011. Processed. « Entrepreneurship and Conflict Reduction in the Post-Genocide Rwandan Coffee Industry. » Journal of Small Business & Entrepreneurship  24 (2). Chapitre 2 La jeunesse : le temps des transitions La jeunesse est, par définition, une période de vée en milieu urbain que rural. La migration transitions multiples — de l’école, au travail, à peut constituer une chance de modifier ces ten- travers des comportements à risque, à la consti- dances et d’accroître sensiblement les revenus, tution d’une famille et à l’exercice de la citoyen- mais la migration pour des raisons d’emploi est neté. Façonnées par les opportunités offertes à (de manière assez surprenante) faible en Afrique. chaque individu ainsi que par les normes sociales Pour les jeunes femmes, la transition entre l’école et les aspirations développées pendant l’enfance et et le travail à haute productivité comporte des l’adolescence, ces transitions ont des conséquences défis supplémentaires. Les opportunités des durables. Pour les jeunes, le chemin menant de femmes sont souvent restreintes par les normes l’école à une activité dans l’agriculture, l’entre- sociales associées à la responsabilité familiale, prise individuelle ou l’emploi salarié peut être à leur pouvoir de décision, au caractère accep- particulièrement long. En milieu rural, les jeunes table des activités économiques, et à la crainte du peuvent travailler pendant un certain temps dans harcèlement. Étant donné ces défis, la question l’exploitation agricole de leurs parents avant de pertinente à se poser en matière de politiques est créer leur propre exploitation ou leur entreprise comment aider les jeunes à trouver et à emprun- individuelle. En zone urbaine, ils peuvent quit- ter des voies d’accès à l’emploi. ter la population active pendant un ou deux ans pour ensuite passer plusieurs années à recher- Les divers pays et institutions définissent cher un emploi salarié sans en trouver aucun. différemment la jeunesse. De manière générale, Ils peuvent également travailler dans l’affaire pour les Nations Unies, la jeunesse regroupe les familiale pour acquérir de l’expérience et épar- 15 à 24 ans ; pour l’Union africaine, il s’agit des gner en vue de démarrer leur propre entreprise 15 à 35 ans ; et de nombreux pays d’Afrique individuelle ou d’investir dans une exploitation subsaharienne utilisent leurs propres défini­ agricole. Une fois que les jeunes commencent à tions (comme la tranche d’âge de 15 à 40 ans travailler dans un secteur (que ce soit dans l’agri- au Mali ou de 15 à 30 ans au Kenya). Dans le culture, une entreprise individuelle ou un emploi présent rapport, nous ne définissons pas la salarié), ils ont tendance à y rester, même si la jeunesse comme une tranche d’âge spécifique. mobilité intersectorielle est légèrement plus éle- Nous mettons plutôt l’accent sur ​​ le fait que 55 56 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne la jeunesse est une période de transitions, de et le manque d’accès au financement pour l’école au travail, à travers des comportements poursuivre des études supérieures ou démar­ à risque, à la constitution d’une famille et à rer une affaire. Ces défaillances sont examinées l’exercice de la citoyenneté (Banque mondiale, en profondeur dans ce rapport. Permettre aux 2006). Nous présentons des données pour les jeunes de mieux gérer ces transitions, notam­ différentes tranches d’âge au cours desquelles ment en développant des voies d’accès à des ont lieu ces transitions (le plus souvent entre emplois plus productifs et mieux rémunérés, 15 et 24 ans et entre 25 et 34 ans). Nous utili­ est le défi majeur de la promotion de l’emploi sons généralement le terme « jeunes adultes » des jeunes en Afrique subsaharienne. pour le groupe le plus âgé afin de le distinguer du groupe le plus jeune. Les transitions vécues par la jeunesse ont Transition des jeunes des conséquences durables. Le stade auquel un à partir de l’école jeune quitte le système éducatif et commence à travailler est clairement un facteur détermi­ Plus de 80 % des enfants de 12 ans vont à l’école nant pour son niveau de compétences et sa car­ dans le monde en développement. Comme on rière professionnelle, mais le stock de capital peut s’y attendre, ce nombre diminue avec humain d’un individu est également constitué l’âge, jusqu’à ce qu’il ne reste que peu de jeunes par son expérience professionnelle antérieure. aux études à l’âge de 24 ans. En Afrique sub­ Une longue période de chômage initial ou un saharienne, cette transition est lente. Environ premier emploi n’offrant pas d’opportunités 50 % des jeunes de 18 ans vont toujours à d’apprentissage et de croissance peuvent l’école, dont la moitié encore au primaire (Fig­ affecter la productivité future d’un individu. De ure 2.1). Sur les 16 % de jeunes de 24 ans aux même, les décisions en matière de santé et de études, près des trois quarts sont encore dans le famille prises pendant l’adolescence et au début secondaire ou le primaire. Ainsi, par rapport à de l’âge adulte peuvent avoir des effets à long leurs nombreux condisciples qui n’ont jamais terme sur la santé et la carrière d’un individu. fréquenté l’école ou l’ont quittée à un âge pré­ L’adolescence étant une période de déve­ coce, beaucoup d’Africains arrêtent leurs études loppement critique, y compris pour les aux alentours de vingt ans, sans avoir acquis compétences socioémotionnelles, les chocs beaucoup d’instruction ou de compétences. économiques ou de santé survenant pendant cette période peuvent avoir des conséquences à long terme. Figure 2.1  Beaucoup de jeunes de 18 ans d’Afrique L’expérience professionnelle est importante sont toujours aux études, mais la moitié est encore à l’école primaire non seulement parce qu’elle est nécessaire pour une maîtrise des compétences, mais également 100 % de la cohorte d’âge encore aux études parce qu’elle affecte les attentes, les objectifs et 90 la confiance des adolescents. Dans certains con­ 80 textes (essentiellement dans les pays à revenu 70 élevé où l’emploi salarié est la norme pour un 60 premier emploi), un chômage prolongé pen­ 50 dant la jeunesse peut affecter la santé physique 40 et mentale, et a été relié au stress, à la dépres­ 30 sion et à la maladie, plus tard dans la vie (Lund­ 20 berg et Wuermli, 2012). 10 Différents types de défaillances du marché 0 ou de l’État peuvent entraver ces transitions. 12 15 20 25 30 34 À titre d’exemple, on peut citer les rigidités du Âge (ans) marché de l’emploi qui allongent la transition Primaire ou moins Secondaire Postsecondaire entre l’école et le travail, l’insuffisance d’infor­ Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi har- mation sur les risques associés à certains choix, monisées (voir annexe). La jeunesse : le temps des transitions 57 Pour beaucoup trop de jeunes Africains, ce de 24 ans, probablement parce qu’ils passent à décalage entre l’âge et le niveau scolaire dénote un travail à plein temps. une utilisation inefficace des années d’enfance Comme le montre cet exposé, pour beau­ et d’adolescence, qui devraient être consacrées coup de personnes, la transition entre l’école et à l’apprentissage en classe. Une grande partie le travail ne suit pas une progression nette de du début de l’âge adulte, qui devrait être inves­ l’école au diplôme, puis au travail. La transi­ tie dans l’apprentissage sur le lieu de travail et tion est souvent floue (école et travail se che­ l’acquisition d’expérience, est plutôt utilisée vauchent, ou les études sont interrompues au pour achever les études. profit du travail et ensuite reprises), de sorte En plus de la lente progression scolaire, une que les politiques visant uniquement les per­ entrée à l’école exceptionnellement tardive sonnes sortant juste de l’école peuvent ne pas et des interruptions dans la scolarité contri­ être suffisantes. buent à ce résultat. Les jeunes obtiennent leurs Pour beaucoup de jeunes d’Afrique sub­ diplômes à un âge avancé, même s’ils n’ont pas saharienne, la transition à partir de l’école passé suffisamment d’années à l’école. Com­ commence relativement tôt. Même si dans prendre pourquoi ces échecs sont endémiques la plupart des pays en développement, cette est essentiel à l’élaboration d’une politique transition peut commencer à n’importe quel d’appui à l’emploi des jeunes. Une scolarité moment entre 12 et 24 ans, elle s’accélère longue mais insuffisante peut résulter des après 18 ans, pour franchir la barre des 50 % mêmes facteurs qui empêchent en premier au début de la vingtaine. En revanche, plus de lieu de nombreux enfants de fréquenter l’école 20 % des jeunes Africains de 15 ans sont déjà ou les obligent à la quitter à un âge précoce, à exclusivement au travail (en ne comptant pas savoir la mauvaise qualité de l’enseignement, ceux qui travaillent tout en fréquentant l’école). les difficultés d’accès et le manque de ressources L’incidence du travail exclusif augmente ensuite financières. rapidement : à 20 ans, elle est nettement supé­ Une autre question essentielle est de savoir rieure à 50 % et atteint 75 % à 25 ans. dans quelle mesure le fait que des enfants ou Parce qu’un nombre important de ceux qui des jeunes commencent à travailler à un âge atteignent l’âge de travailler ont déjà travaillé où ils devraient être à l’école est la cause d’une pendant leurs études, 70 % des jeunes Africains scolarité longue mais insuffisante. Le travail achèvent leur transition vers le travail à 18 ans. des enfants est courant en Afrique (Encadré Avec l’âge, la part de ceux travaillant exclusive­ 2.1), et des preuves solides indiquent qu’il ment devient de plus en plus importante. est associé à une fréquentation scolaire et un L’incidence de la combinaison des études et niveau d’instruction plus faibles. Pour certains d’un travail est particulièrement élevée dans enfants, le travail met définitivement fin à la l’agriculture, où près de 90 % des jeunes vont scolarité, alors qu’ils sont encore très jeunes. à l’école tout en travaillant dans l’exploitation Pour d’autres enfants ou jeunes, les effets du familiale. Dans ce cas, les jeunes peuvent avoir travail prématuré peuvent être moins extrêmes, moins d’opportunités de quitter le secteur mais malgré tout restrictifs. Certains enfants agricole. interrompent leurs études pour exercer un À l’autre extrémité du spectre, la transition travail intermittent. D’autres ont une activité entre l’école et le travail semble excessivement suffisamment « légère » pour leur permettre longue pour certains jeunes. Quelque 17 % des de fréquenter l’école, qui retarde néanmoins jeunes de 26 ans et 10 % de ceux de 34 ans ne leur progression d’un niveau à l’autre. En effet, travaillent pas. Ces chiffres ne varient pas en les enquêtes auprès des ménages montrent fonction du genre, si bien qu’un plus faible qu’un pourcentage non négligeable de jeunes taux de participation de la population active travaillent et vont à l’école ; jusqu’à 45 % des féminine n’est sans doute pas une explication jeunes de 15 ans peuvent se retrouver dans cette suffisante. Certaines de ces personnes peuvent catégorie (Figure 2.2). Cette combinaison de être dans une phase temporaire de chômage travail et d’école devient moins fréquente avec entre deux emplois. Cette situation n’est l’âge, descendant à environ 10 % chez les jeunes probablement pas non plus la principale 58 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 2.1 Travail des enfants en Afrique subsaharienne De nombreux enfants africains de 5 à 14 ans exercent l’une les actifs des ménages et l’accès au financement, à la terre ou l’autre sorte de travail. Par rapport à d’autres régions, ou à d’autres ressources nécessitent plus de travail de la part l’Afrique subsaharienne a le taux le plus élevé de travail des des membres du ménage (Banque mondiale, 2012b). enfants (Banque mondiale, 2012b). Le travail des enfants est généralement associé à des Les pires sortes de travail des enfants leur sont clairement retards dans l’accumulation de capital humain, et il a été préjudiciables et incluent toutes les formes d’esclavage, ser- démontré qu’il réduit le niveau d’instruction et la fréquenta- vitude, enrôlement militaire, trafic et exploitation, recrute- tion scolaire (Beegle, Dehejia et Gatti, 2009). Au-delà de son ment ou offre d’enfants à des fins de prostitution, de por- impact négatif sur la scolarité, il existe moins de preuves que nographie ou d’autres activités illicites. Les formes extrêmes le travail des enfants laisse des « cicatrices » à long terme. de travail des enfants causent des cicatrices physiques et Les conséquences à long terme du travail des enfants sur psychologiques qui, à leur tour, affectent la capacité d’ap- l’aptitude à exercer des activités plus productives ou sur leur prentissage et les revenus futurs. Par exemple, en Ouganda, bien-être restent peu claires. En Tanzanie, le travail pendant le phénomène des enfants-soldats a eu un effet corrosif sur l’enfance augmente la probabilité que 10 à 13 ans plus tard, le capital humain, en éloignant les enfants de l’école et en les garçons soient impliqués dans l’agriculture, et pousse les générant des niveaux élevés de détresse psychologique, en filles vers le travail domestique et le mariage précoce (Beegle particulier chez ceux qui ont côtoyé le plus de violence (Blatt- et coll., 2008). Le travail des enfants a toutefois été égale- mann et Annan, 2010). ment associé à une probabilité accrue d’obtention d’un La plupart des enfants ont d’autres formes d’occupa- emploi salarié, qui peut être associé à un niveau de vie plus tions, telles que le travail agricole parallèle à l’école (surtout élevé (Beegle, Dehejia et Gatti, 2009). dans les ménages agricoles) ainsi que la réalisation de tâches domestiques, la vente, la mendicité et certains types de tra- vaux manufacturiers. Les dernières Enquêtes en grappes à Figure B2.1.1  Pourcentage des enfants qui travaillent indicateurs multiples (MICS) ont récolté des données sur le travail des enfants. Elles définissent le travail des enfants Cameroun chez les 5 à 11 ans comme le fait d’exercer i) des activités Tchad économiques (travail, rémunéré ou non, pour quelqu’un ne République démocratique faisant pas partie du ménage, ou dans l’affaire familiale, l’ex- du Congo ploitation agricole ou la vente ambulante) pendant au moins Éthiopie 1 heure au cours des 7 jours précédant l’enquête ; ou ii) des Guinée-Bissau activités domestiques (également décrites comme des tâches Nigéria ménagères) pendant au moins 28 heures par semaine. Parmi les 12 à 14 ans, seuls ceux ayant exercé une activité écono- Sierra Leone mique pendant 14 heures ou plus ou effectué des travaux Swaziland domestiques pendant 28 heures ou plus au cours des 7 jours précédant l’enquête sont considérés comme engagés dans Togo le travail des enfants. Sur base de ces définitions, le travail 0 20 40 60 80 100 des 5 à 11 ans se situe habituellement entre 40 et 60 %, tan- Pourcentage dis que celui des 12 à 14 ans est généralement plus proche 5–11 ans 12–14 ans de 20 % (Figure B2.1.1). Dans les deux groupes d’âge, les Sources : Rapports des Enquêtes en grappes à indicateurs résultats de ces enquêtes montrent que la majorité des multiples (MICS), diverses années (autour de 2010). Disponible sur : www.childinfo.org. enfants travaille « pour l’affaire familiale » dans le secteur Note : Le travail des enfants est défini : a) pour les 5 à 11 ans, comme une activité économique menée pendant au moins 1 heure soit agricole soit non agricole. par semaine ou le travail domestique effectué pendant au moins 28 Le travail des enfants a tendance à être plus fréquent heures par semaine ; b) pour les 12 à 14 ans, comme une activité économique menée pendant au moins 14 heures par semaine ou dans les ménages pauvres. Les enfants des ménages plus le travail domestique effectué pendant au moins 28 heures par nantis peuvent, dans certains cas, exercer un travail lorsque semaine. La jeunesse : le temps des transitions 59 Figure 2.2  École et travail sont souvent combinés trentaine, n’ont pas encore commencé à travail­ 100 ler et sont éventuellement à la recherche d’un 90 emploi salarié. Les données des enquêtes auprès 80 des entreprises montrent que la majorité de ces emplois sont obtenus à travers les réseaux % de la cohorte d’âge 70 60 sociaux, au grand désavantage de ceux dont les 50 réseaux sont limités (voir le commentaire sur la 40 Figure 2.9 plus loin dans ce chapitre). 30 20 10 Transition des jeunes 0 vers le monde du travail 15 20 25 30 34 Âge (ans) À mesure qu’ils se mettent à moins travailler Travaille et pas aux études Travaille et aux études pour leurs familles et plus pour eux-mêmes Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi har- (Figure 2.3), les jeunes quittent l’activité fami­ monisées (voir annexe). liale pour voler de leurs propres ailes. La grande majorité s’installe à son compte. Au début de la trentaine, plus de 60 % des hommes et 70 % des explication de la transition tardive vers le femmes travaillent pour eux-mêmes. Le travail travail, étant donné le faible taux d’emplois pour quelqu’un d’autre augmente légèrement salariés chez les jeunes. L’identification des avec l’âge, pour atteindre environ 30 % chez les groupes les plus susceptibles de connaître une hommes et 20 % chez les femmes. telle difficulté à entrer dans le monde du travail Étant donné la lente transformation de doit être une priorité. la structure de l’emploi, la plupart des gens Les politiques traditionnelles relatives à la finissent par travailler dans le même type transition entre l’école et le travail font souvent d’activité économique que leurs parents, même appel à des interventions et autres stratégies après qu’ils sont devenus économiquement visant la diffusion d’informations en vue de indépendants (Encadré 2.2). En partie à cause mettre en rapport les demandeurs d’emploi et de la lente propagation de l’éducation dans les les employeurs, mais leur pertinence est limi­ zones rurales et des faibles chances d’entrer tée en Afrique. Comme abordé plus en détail dans des secteurs non agricoles, les hommes dans la section suivante, même si la majorité nés dans des ménages dont le père était agri­ des jeunes travaillent déjà à 20 ans, la plupart culteur ont tendance à le devenir eux-mêmes. n’ont pas encore quitté l’entreprise ou l’ex­ Ceux nés dans des ménages dont le père avait ploitation agricole familiale. À 18 ans, près de un travail non agricole ont, eux, tendance à se 70 % des jeunes travailleurs sont occupés dans retrouver dans le secteur non agricole, habi­ l’agriculture. À 24 ans, près de 60 % de ceux qui tuellement parce qu’ils ont grandi dans un travaillent le font toujours dans l’exploitation milieu urbain où ils ont eu de meilleures pos­ agricole, et environ 25 % sont employés dans sibilités d’éducation et d’emploi non agricole. une entreprise individuelle non agricole ou ont Des données sur les zones urbaines d’Afrique l’une ou l’autre forme d’activité indépendante. de l’Ouest, recueillies en 2001–2002, montrent Ce n’est que pour les jeunes au milieu de la que plus de 60 % des travailleurs indépendants vingtaine ou plus que les emplois salariés repré­ avaient des pères travailleurs indépendants sentent une part significative (plus de 15 %) du (Pasquier-Doumer, 2013). total des emplois. Les quelques données longitudinales dis­ Ces politiques traditionnelles relatives à ponibles pour l’Ouganda et les zones urbaines la transition entre l’école et le travail peuvent de la Tanzanie montrent qu’une fois que les néanmoins être plus pertinentes pour ceux qui, individus s’engagent dans un certain type de entre le milieu de la vingtaine et le début de la travail (agriculture, entreprise individuelle, 60 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 2.3  La plupart des jeunes d’Afrique subsaharienne commencent par travailler pour leurs familles avant de devenir indépendants a. Hommes ruraux b. Femmes rurales 100 100 80 80 % de la cohorte d’âge % de la cohorte d’âge 60 60 40 40 20 20 0 0 15 20 25 30 34 15 20 25 30 34 c. Hommes urbains d. Femmes urbaines 100 100 80 80 % de la cohorte d’âge % de la cohorte d’âge 60 60 40 40 20 20 0 0 15 20 25 30 34 15 20 25 30 34 A travaillé pour la famille A travaillé pour quelqu’un d’autre A travaillé à son propre compte (au cours des 12 derniers mois) (au cours des 12 derniers mois) (au cours des 12 derniers mois) Source : Sur la base des données de l’Enquête démographique et de santé (EDS) dans 35 pays pour les femmes et 28 pays pour les hom- mes (dernières données disponibles). (Voir annexe). emploi salarié non agricole), peu passent à une mier emploi était un emploi salarié, seuls 20 % autre sorte d’emploi. Les données d’un panel l’ont quitté pour une entreprise individuelle national représentatif ougandais montrent (Figure 2.4). La même enquête révèle que ceux que dans l’ensemble, 61 % des jeunes de 20 à dont le premier emploi était dans le secteur des 29 ans économiquement actifs en 2005 avaient entreprises individuelles (indépendant ou tra­ le même type d’emploi cinq ans plus tard, avec vailleur familial) avaient également tendance à une persistance particulièrement forte dans y rester. La transition qui détermine le type de l’agriculture (73 %). Quoique moindre, la per­ travail qu’exercera un jeune s’opère donc essen­ sistance dans les entreprises individuelles et tiellement lorsque celui-ci quitte l’école et pas l’emploi salarié est néanmoins élevée (autour en raison d’une mobilité ultérieure.2 de 50 %). Les femmes étaient plus suscep­ tibles de rester dans le même type d’emploi Entrée dans les trois secteurs d’emploi au cours des deux périodes, essentiellement Étant donné les transitions relativement faibles parce qu’elles ont plus tendance à rester dans entre les secteurs, l’entrée dans le premier type l’agriculture.1 Dans les villes de Tanzanie, des de travail est capitale. On sait toutefois peu de données sur l’historique de l’emploi recueillies choses sur la manière dont les jeunes transitent auprès de répondants âgés de 20 à 39 ans en vers les trois principaux secteurs d’emploi. Les 2005 ont montré que parmi ceux dont le pre­ données d’enquêtes transversales utilisées dans La jeunesse : le temps des transitions 61 Encadré 2.2 Transmission intergénérationnelle des activités en Afrique La tendance des jeunes à exercer la même activité que leurs agricole, ces chiffres ne sont pas nettement inférieurs parents est profondément enracinée. Une étude couvrant à ceux des générations précédentes. La transmission inter- cinq pays africains révèle un fort taux de transmission des générationnelle est également importante dans l’emploi activités de père en fils. Le fils d’un agriculteur a beaucoup non agricole (Figure B2.2.1, volet b). En Côte d’Ivoire, 93 % plus de chances de devenir agriculteur que de quitter l’agri- des enfants nés dans les années 1960 de parents non- culture (Figure B2.2.1, volet a). À Madagascar, 87 % des agriculteurs finissent dans le secteur non agricole, contre fils de paysans nés dans les années 1960 étaient eux aussi 89 % en Guinée, 73 % au Ghana, 69 % à Madagascar et agriculteurs au début de leur vie active, tout comme 72 % 61 % en Ouganda. Dans l’ensemble, ces chiffres dénotent en Ouganda, 70 % en Guinée, 69 % au Ghana et 64 % une mobilité intergénérationnelle limitée. en Côte d’Ivoire. En dépit du déclin structurel de l’emploi Figure B2.2.1  Transmission intergénérationnelle du secteur d’emploi dans cinq pays africains a. Probabilité que les fils d’agriculteurs b. Probabilité que les fils nés de parents non agriculteurs restent des agriculteurs restent dans le secteur non agricole 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 Côte d’lvoire Ghana Guinée Madagascar Ouganda Côte d’Ivoire Ghana Guinée Madagascar Ouganda Fils né entre 1930 et 1939 Fils né entre 1940 et 1949 Fils né entre 1950 et 1959 Fils né entre 1960 et 1969 Source : Sur la base de Bossuroy et Cogneau, 2013. le présent rapport ne permettent pas de dis­ grande majorité des adolescents qui travaillent tinguer les parcours individuels et masquent le font dans l’agriculture (Figure 2.5) : à 15 ans, donc les différences dans les transitions existant sur les 60 % de jeunes qui travaillent, près de entre les cohortes et en leur sein. Les données 90 % sont dans l’agriculture. La proportion longitudinales de la Tanzanie ou de l’Ouganda de ceux qui travaillent en dehors de ce secteur qui suivent les individus au cours du temps en augmente régulièrement avec l’âge, en grande donnent en revanche un aperçu. Les données partie parce que les jeunes qui quittent l’école qualitatives de groupes de discussion rassem­ à des niveaux plus élevés entrent dans des sec­ blant des jeunes africains aident à compléter le teurs non agricoles. Dans les zones rurales, où tableau. Comme indiqué, la manière dont les des possibilités d’éducation limitées empêchent jeunes opèrent les grands choix déterminant les jeunes de rester très longtemps à l’école, leur transition vers un emploi stable n’est pas l’agriculture emploie plus de 90 % des 15 à évidente à comprendre. Ce qui est clair, c’est 16 ans, tandis qu’environ 80 % des 24 ans et que les voies de passage et les contraintes dif­ plus restent dans l’agriculture (même si certains fèrent selon le type d’activité concerné ainsi qui déclarent l’agriculture comme occupation que le lieu de résidence et le sexe de l’individu. principale exercent également une activité non Comme indiqué précédemment, la tran­ agricole). Les femmes qui travaillent sont plus sition vers l’agriculture commence tôt. La susceptibles que les hommes de travailler dans 62 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 2.4  Les jeunes tanzaniens des milieux urbains sont peu susceptibles vaillent dans une entreprise individuelle et d’évoluer entre les secteurs d’emploi au cours de leur vie active très peu ont un emploi salarié ; à 24 ans, ils sont près de 20 % dans les entreprises indivi­ 100 duelles et un peu plus de 10 % à être salariés ; et à 34 ans, ces chiffres tournent respectivement 90 autour de 30 et 20 % (Figure 2.5). À la sortie 80 de l’école, tout comme les hommes, les femmes 70 qui ne sont pas dans l’agriculture ont beaucoup % des jeunes 60 plus de chances de travailler dans une entre­ 50 prise individuelle que d’obtenir un emploi salarié. Des données longitudinales issues des 40 Employé milieux urbains tanzaniens montrent que de 30 salarié Indépendant nombreuses femmes entrent dans ce secteur 20 en commençant par apporter leur aide dans Travailleur familial 10 une entreprise individuelle avant de fonder 0 Chômeur leur propre entreprise. Les mêmes données Entrée comme montrent que d’autres femmes n’entrent dans chômeur Entrée comme Hors de la population travailleur familial Entrée comme active les entreprises individuelles qu’après une indépendant Entrée comme travailleur salarié longue période de recherche d’un emploi sala­ rié, ou faute d’en avoir trouvé un à leur goût ou aussi bien rémunéré que dans une entreprise individuelle (Falco et coll., 2012). Source : Prieto et coll., 2013. Note : L’échantillon comprend les jeunes de 20 à 39 ans dans la population active en 2005. Parce qu’il est fondé sur l’occupation prin­ cipale, qui affiche une importante persistance, ce tableau global masque les changements intervenant sous la surface. Tant dans le sec­ l’agriculture et, contrairement à ces derniers, teur des entreprises individuelles que dans leur probabilité d’y rester ne diminue pas beau­ l’agriculture, les jeunes peuvent commencer à coup avec l’âge. Une raison pour laquelle tant travailler avec leurs parents et ensuite acquérir de femmes restent dans l’agriculture est le fait leur propre parcelle ou démarrer leur propre qu’elles quittent l’école plus tôt, de sorte que les affaire. Dans les zones aussi bien rurales qu’ur­ opportunités d’emploi sont fixées de manière baines, les emplois multiples sont fréquents. beaucoup plus précoce pour elles que pour les Un jeune peut commencer dans l’agriculture hommes. et exercer ensuite une activité non agricole en Bien que l’agriculture soit une activité tant que second emploi. Même les jeunes sala­ essentiellement rurale, les jeunes et les adultes riés peuvent avoir commencé avec des travaux des villes secondaires et des zones périurbaines occasionnels et évolué vers un emploi salarié déclarent également travailler dans le sec­ plus stable, ou avoir économisé suffisamment teur agricole. Par exemple, près de 50 % des pour démarrer leur propre entreprise. D’après 20 à 29 ans des zones urbaines de l’Ouganda les données d’une enquête sur l’emploi en déclaraient, en 2010, l’agriculture comme leur Tanzanie, à 25 ans, près de la moitié des jeunes emploi principal, et au moins 60 % d’entre eux ayant un emploi avaient en plus une activité étaient entrés dans le secteur cinq ans aupara­ économique secondaire (Figure 2.7). La pro­ vant. Les jeunes des zones urbaines sont néan­ babilité d’avoir plusieurs sources d’emploi est moins moins susceptibles de rester dans l’agri­ beaucoup plus élevée en milieu rural. Cette culture, qui leur sert souvent de tremplin pour diversification permet de réduire les risques démarrer une affaire non agricole (Figure 2.6). liés à l’exploitation d’une ferme ou d’une entre­ Tout comme les adultes, les jeunes sont plus prise individuelle et à faire face aux variations susceptibles de travailler dans une entreprise saisonnières des revenus et des opportunités individuelle que dans un emploi salarié. À d’emploi. La probabilité plus élevée de sources 19 ans, un peu plus de 5 % des jeunes tra­ d’emploi multiples en milieu rural suggère éga­ La jeunesse : le temps des transitions 63 Figure 2.5  Les transitions des jeunes vers un secteur d’emploi varient entre les milieux urbains et ruraux et entre les hommes et les femmes a. Dans l’ensemble 100 90 80 % de la cohorte d’âge 70 60 50 40 30 20 10 0 15 18 21 24 27 30 33 b. Rural c. Urbain 100 100 90 90 80 80 % de la cohorte d’âge % de la cohorte d’âge 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 15 18 21 24 27 30 33 15 18 21 24 27 30 33 d. Femmes e. Hommes 100 100 90 90 80 80 % de la cohorte d’âge % de la cohorte d’âge 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 15 18 21 24 27 30 33 15 18 21 24 27 30 33 Agriculture Entreprise individuelle Salarié Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). lement que la mobilité peut y être plus impor­ d’entre eux n’ont pas directement obtenu un tante que ne l’indiquent les données sur l’acti­ emploi salarié (20 %, Figure 2.4). Parmi ceux vité économique principale. qui en avaient un, 69 % sont toujours salariés, Les jeunes trouvent particulièrement dif­ 26 % sont devenus des indépendants et 4 % se ficile d’accéder à l’emploi salarié moderne. sont retrouvés au chômage. Moins de la moi­ L’historique de l’emploi des jeunes des milieux tié des quelques jeunes salariés ont un contrat. urbains de la Tanzanie montre que la plupart Seuls quelque 20 % des adolescents africains 64 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 2.6  Mobilité sectorielle chez les jeunes des zones urbaines de l’Ouganda Secteur d’emploi en 2010 par rapport au secteur d’emploi en 2005 70 60 50 Pourcentage 40 30 20 10 0 Agriculture, Propriétaire d’une entreprise Travailleur familial Employé salarié, Chômeur ou hors de 2005 (33 %) individuelle, 2005 (17 %) (entreprise individuelle), 2005 (22 %) la population active, 2005 (15 %) 2005 (13 %) Agriculture, Propriétaire d’une entreprise Travailleur familial (entreprise familiale), Employé salarié, Chômeur ou hors de la population active, 2010 familiale, 2010 2010 2010 2010 Source : Sur la base de l’enquête d’emploi harmonisée du panel ougandais (voir annexe). Figure 2.7  En Tanzanie, beaucoup de personnes de ­chômage avant d’obtenir un emploi stable. exercent deux activités ou plus Selon les données longitudinales, l’âge moyen 60 de sortie de l’école était de deux ans inférieur à celui de l’entrée dans la population active, % de la cohorte d’âge ayant 50 suggérant ainsi que même ceux qui n’avaient des emplois multiples 40 pas déclaré être entrés dans la population active en tant que chômeurs (par exemple, à la 30 recherche d’un emploi salarié) ont été inactifs 20 ou ont exercé de petits boulots de très courte 10 durée (Bridges et coll., 2013). La plupart de ceux qui avaient déclaré une longue période 0 de chômage (sans travail et à la recherche d’un 15 20 25 30 34 emploi) n’ont pas fini par obtenir un emploi Âge (ans) salarié. Seuls 25 % de ceux qui n’étaient plus au Urbains Tous Ruraux chômage au moment de l’enquête en avaient Source : Sur la base de l’enquête d’emploi harmonisée en Tanza- trouvé un ; les autres travaillaient dans le sec­ nie, 2005 (voir annexe). teur des entreprises individuelles (en tant que membre de la famille ou indépendant). La durée moyenne du chômage avant le passage salariés en ont un, contre près de 50 % des au travail indépendant était proche de 4,5 ans. jeunes au milieu de la vingtaine et environ Passer 4,5 ans à espérer un emploi salarié en 60 % des trentenaires (Figure 2.8). Les jeunes finissant par s’installer à son propre compte, occupent le plus souvent des emplois salariés c’est long pour chercher du travail avant de réa­ occasionnels, éventuellement à temps partiel liser que « l’informel est la norme ». La durée ou saisonniers. Les arrangements sont souvent moyenne de chômage chez ceux qui étaient verbaux et de très courte durée. entrés dans la population active en tant que Le désir d’un emploi salarié peut entraîner chômeurs et avaient finalement réussi à trouver la jeunesse urbaine dans de longues et infruc­ un emploi salarié, était de 5,5 ans. Les jeunes tueuses recherches. En Tanzanie, les jeunes commençant leur vie active en tant que chô­ citadins ont déclaré être restés longtemps en meurs ont généralement un niveau d’études marge de la population active ou en situation plus élevé et sont issus de familles plus nan­ La jeunesse : le temps des transitions 65 Figure 2.8  Les jeunes occupent le plus souvent des Figure 2.9  Les réseaux personnels sont essentiels emplois salariés occasionnels pour trouver un emploi salarié 100 Famille/amis % des jeunes ayant un emploi Annonce publique/ 80 salarié avec un contrat publicité Bureau de placement privé 60 Bureau de placement public 40 Travaux scolaires 20 Le candidat s’est présenté 0 Autre 15 20 25 30 34 0 10 20 30 40 50 60 70 Âge (ans) % des employeurs ayant pourvu Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi har- les postes récents avec chacune monisées (voir annexe). des méthodes Source : Sur la base des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises (statistiques agrégées à partir des enquêtes réalisées en Angola, au Botswana, au Burundi, au Cameroun, ties. Ceux qui ont vécu de longues périodes en Gambie, en Guinée, en Mauritanie, en Namibie, au Niger, en Ouganda, en République démocratique du Congo, au Rwanda, de chômage n’ont pas été pénalisés au niveau au Swaziland, en Tanzanie en 2006–07) des revenus. Si quelqu’un réussit à trouver un emploi salarié, même une longue recherche d’emploi peut finalement s’avérer payante, Les réseaux ne sont pas importants que mais les chances de trouver un emploi salarié dans le secteur salarié. Dans une enquête sont minces (Bridges et coll., 2013). menée au Ghana, la plupart des jeunes ont L’importance des réseaux et des contacts est cité les réseaux comme importants pour obte­ l’une des raisons pouvant rendre la recherche nir n’importe quel type de travail. Les jeunes d’un emploi salarié frustrante pour les jeunes. hommes ont mentionné que des amis leur Dans tous les pays africains, la plupart des gens parlaient des opportunités d’emploi, en parti­ obtiennent un emploi grâce aux contacts de la culier dans le petit commerce, la vente ambu­ famille et des amis, en particulier dans le cas des lante, l’agriculture, la pêche et la construction. emplois salariés modernes. Près de 60 % des Les jeunes femmes ont tendance à obtenir des entreprises interrogées dans 14 pays signalent références de membres de la famille pour des avoir pourvu leur poste le plus récent à travers emplois dans des entreprises individuelles, des contacts avec « la famille ou des amis » appartenant souvent à d’autres membres de la (Figure 2.9). Pour diverses raisons, notamment famille. la difficulté d’obtenir des informations sur les caractéristiques des jeunes en matière de Trouver un emploi grâce à la migration travail et la nécessité de disposer d’une main- L’urbanisation est en train d’altérer profondé­ d’œuvre fiable, les employeurs préfèrent faire ment l’Afrique. Même si la part de la popula­ appel à leurs contacts pour recruter. Les jeunes tion vivant en milieu urbain reste nettement citadins qui ont participé à des discussions de inférieure à celle dans le reste du monde, l’ur­ groupe au Kenya se sont plaints qu’un contact banisation s’est accélérée en Afrique au cours personnel dans le même groupe ethnique, un des deux dernières décennies. pot-de-vin ou les deux étaient exigés pour sim­ Selon les données de recensements effectués plement obtenir que quelqu’un regarde leur CV dans 42 pays d’Afrique subsaharienne, en 2010, dans une entreprise privée, même pour ceux deux cinquièmes de la population urbaine dotés d’une formation postsecondaire (Banque vivaient dans des grandes villes d’au moins mondiale, 2012a). Tant que les entreprises dis­ 1 million d’habitants, et deux autres cinquièmes poseront d’un vaste réservoir de candidats au dans des petites villes de moins de 250 000 per­ recrutement, ce comportement n’est pas près sonnes (Dorosh et Thurlow, 2013). La part de de changer. la population vivant en milieu urbain devrait 66 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne passer de 39 % en 2010 à 57 % en 2060 (Sim­ Les Africains ont tendance à migrer au sein kins, 2013). Contrairement à la croyance popu­ de leur pays d’origine (Sander et Maimbo, laire, la fécondité (et non la migration) consti­ 2003 ; McKenzie, 2007 ; Simkins, 2013). La tue le moteur de la croissance démographique migration en Afrique subsaharienne pro­ urbaine en Afrique. Après un ralentissement vient rarement de l’extérieur de la région, et la entre les années 1960 et 1990, la migration vers migration internationale à l’intérieur de celle-ci les zones urbaines a augmenté ces dernières est limitée à une poignée de pays « attractifs », années, mais ne devrait représenter qu’environ tels que le Kenya, le Nigéria et l’Afrique du 30 % de la croissance démographique urbaine Sud (Simkins, 2013). La plupart des migra­ entre 2010 et 2060 (Simkins, 2013). tions à l’intérieur des pays se produisent pour L’urbanisation peut être bénéfique si elle des raisons qui ne sont pas directement liées à crée des effets d’agglomération capables d’être l’emploi, notamment l’éducation, le mariage une source de croissance et de transforma­ ou la fuite devant un conflit ou l’insécurité. Les tion structurelle à long terme. En Afrique, elle déplacements locaux, en particulier, sont sou­ n’a pas encore produit beaucoup de ces effets vent motivés par le mariage. Les déplacements bénéfiques. L’absence de secteur manufactu­ plus lointains, au-delà des limites des districts, rier, qui en est l’une des raisons, est examinée sont plus susceptibles d’être liés au travail. Une au Chapitre 1. Dans les pays à faible revenu, les grande partie de la migration a lieu entre zones effets d’agglomération bénéfiques sont le plus urbaines ou d’une zone rurale à l’autre. La souvent observés avec le développement de migration saisonnière entre zones rurales est l’industrie et non des services, alors que ceux- courante dans certains pays, tels que le Niger, ci dominent l’économie des villes africaines. où elle peut concerner jusqu’à un tiers de la Là où ces avantages se manifestent dans des population (Simkins, 2013). groupes de services, tels que les technologies Une étude récente menée à Kegera en Tan­ de l’information, ceux-ci exigent généralement zanie donne une idée des schémas migratoires des niveaux d’instruction supérieurs à ceux et de leurs conséquences sur la mobilité liée à existant dans la plupart des pays africains. Les l’emploi. L’étude a suivi des individus âgés de forces d’agglomération sont donc faibles en 0 à 11 ans entre 1991 et 1994 dans la région Afrique, et la densité démographique du conti­ à prédominance rurale de Kagera en Tanzanie nent reste basse (Banque mondiale, 2008). En (De Weerdt et Kutka, 2013). Vingt ans plus tard, même temps, les taux de croissance urbaine en 2010, 56 % de ces personnes vivaient tou­ sont très élevés et difficiles à gérer dans cer­ jours dans le même village ou un village voisin, taines capitales. 18 % avaient déménagé dans un village de la même région, 9 % dans une zone urbaine de la même région et 8 % dans une autre région. Figure 2.10  La migration accroît la mobilité entre les secteurs de l’emploi La raison principale de la migration des jeunes était le mariage (35 %), suivi de la scolarisa­ Situation de l’emploi en 2010, par localisation 60 tion (16 %), de la recherche d’emploi (15 %) en 1991–94 à Kagera en Tanzanie et du travail (10 %). Une grande partie de la 50 % d’individus de 0 à 11 ans migration relevait de la mobilité pour l’em­ 40 ploi. Alors que 57 % des jeunes âgés de 18 à 32 ans en 2010 qui n’avaient pas quitté le village 30 étaient restés dans l’agriculture, seuls 30 % de 20 ceux qui avaient migré dans une ville voisine 10 et 3 % de ceux qui étaient partis pour la capi­ tale étaient encore dans l’agriculture (Figure 0 2.10). Les jeunes citadins avaient trois fois École Agriculture Travail Emploi salarié Employé Non employé plus de chances d’occuper un emploi salarié et indépendant occasionnel deux fois moins de chances d’avoir un emploi Village Ville Cité indépendant non agricole. Cette mobilité était Source : De Weerdt et Kutka, 2013. aussi associée à de fortes augmentations de la La jeunesse : le temps des transitions 67 consommation. Entre 1991 et 2010, les revenus tabagisme ou la consommation d’alcool. Elle des jeunes restés au village ou partis dans une est aussi la période où les jeunes découvrent ville proche avaient respectivement augmenté l’activité sexuelle et peuvent commencer à de 70 % et 91 % ; ceux des jeunes installés dans fonder une famille (Figure 2.11) (De Walque, une ville de la région avaient grimpé de 150 % ; 2014). C’est également le moment où les gens et ceux des jeunes vivant dans une grande ville commencent à s’engager dans la société en tant avaient été multipliés par 300 % (De Weerdt et que citoyens. Kutka, 2013). La plupart de ces gains étaient liés au fait d’avoir quitté l’agriculture. Prendre des risques de santé De toute évidence, la croissance urbaine et la Le tabagisme est l’une des principales causes migration des campagnes vers les villes peuvent de décès évitables dans le monde, et la jeunesse constituer un puissant moteur de transforma­ est le moment où l’on est le plus susceptible de tion de la structure de l’emploi. Pour être sûr développer une dépendance. Moins de 10 % des que l’infrastructure économique soit à même garçons de 13 à 15 ans fument la cigarette dans de soutenir la croissance à la fois de la popu­ la plupart des pays africains, sauf dans la pointe lation autochtone et des migrants, une planifi­ sud — Botswana, Namibie et Afrique du Sud cation et des investissements prospectifs seront (Warren et coll., 2009). Ce taux de consomma­ toutefois nécessaires dans le cadre d’une straté­ tion de tabac est l’un des plus bas du monde en gie de développement globale. développement, mais le risque de dommages ne doit malgré tout pas être sous-estimé. En effet, à mesure que les pays s’enrichissent, ils Transitions parallèles : ont tendance à passer par un stade de préva­ Les choix influençant la santé, lence du tabagisme (Eriksen, Mackay et Ross, la constitution d’une famille et 2012). L’étape suivante est celle où cette préva­ l’engagement civique lence commence à grimper en flèche. Le virus de l’immunodéficience humaine/ Certaines décisions prises et habitudes acquises syndrome de l’immunodéficience acquise au cours de l’adolescence ont des conséquences (VIH/SIDA) et les grossesses précoces sont les pour le reste de la vie. L’adolescence est le deux principaux dangers liés à l’activité sexuelle moment où la plupart des gens commencent des adolescents, et les deux pèsent lourd en à prendre le contrôle de leurs propres décisions Afrique. L’Afrique subsaharienne est la région et comportements. C’est également le temps la plus sévèrement touchée par le VIH. Selon de l’expérimentation, où les jeunes peuvent des données d’enquêtes recueillies entre 2006 s’engager dans des activités à risque comme le et 2011, le taux de fécondité (naissances pour Figure 2.11  La création d’une famille débute plus tôt chez les jeunes femmes que chez les jeunes hommes a. Femmes b. Hommes 100 100 % de la cohorte d’âge % de la cohorte d’âge 80 80 60 60 40 40 20 20 0 0 15 20 25 30 35 15 20 25 30 35 Âge (années) Âge (années) A déjà eu un enfant A déjà été marié(e) A déjà eu des rapports sexuels Source : Analyse des données de l’enquête démographique et de santé pour 28 pays (dernières données disponibles). (Voir annexe). 68 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 1000 femmes) en fonction de l’âge était supéri­ sition se produit plus tard chez les hommes. eur à 100 chez les jeunes femmes de 15 à 19 ans, Alors que plus de la moitié des femmes sont dans tous les pays d’Afrique subsaharienne, à mariées à 20 ans, la majorité des hommes ont l’exception du Rwanda, et supérieur à 150 en plutôt tendance à rester célibataires avant 25 Guinée, au Lesotho, à Madagascar, au Malawi, ans et à ne se marier que vers la fin de la ving­ au Mali, au Mozambique, au Tchad et en Zam­ taine ou le début de la trentaine. bie — des taux parmi les plus élevés des régions Les décisions concernant l’emploi et la en développement (Nations Unies, 2007). constitution d’une famille sont liées. La déci­ En concevant les politiques de prévention sion de fonder une famille est souvent prise des comportements à risque chez les adoles­ une fois que les moyens de la soutenir sont cents, il est important de considérer leurs liens assurés, ce qui peut expliquer les mariages plus avec les autres transitions de la jeunesse. Par tardifs chez la plupart des hommes. La relation exemple, le stress et les problèmes de santé est particulièrement évidente chez les femmes. mentale étant associés à une activité sexuelle En moyenne, celles qui sont économiquement à risque et à l’abus de substances chez les actives sont plus à même de décider de retarder jeunes, le stress engendré par l’inactivité ou leur mariage, planifier les naissances plus tard l’insatisfaction professionnelle accroît la proba­ dans la vie et avoir moins d’enfants que celles bilité d’adoption de comportements à risque. qui ne le sont pas. Par exemple, en Asie et en De même, il est également de plus en plus Amérique latine, l’emploi des femmes dans le évident que la fréquentation scolaire diminue secteur textile a été relié à des mariages plus tar­ l’activité sexuelle et les grossesses chez les ado­ difs et à une moindre fécondité (Amin et coll., lescentes. Grâce à des incitations à fréquenter 1998 ; McLeod et coll., 2005). Inversement, il l’école offerte aux élèves, en cours de scolari­ est prouvé (même si c’est essentiellement dans sation ou ayant abandonné leurs études, une les pays développés) que la maternité diminue subvention inconditionnelle ciblant les jeunes la participation de la main-d’œuvre féminine femmes malawites (de 13 à 22 ans) a réussi à (Bloom et coll., 2009). En Afrique, où la plupart faire augmenter taux de scolarisation ainsi et des emplois se trouvent dans les exploitations à provoquer une baisse des mariages préco­ agricoles ou les entreprises individuelles, la ces, des grossesses, de l’activité sexuelle, et des nature de la relation entre l’emploi et la consti­ comportements sexuels à risque chez ces ado­ tution d’une famille peut être différente. Le lescentes (Baird et coll., 2010). Toujours dans mariage ou la maternité précoces empêchent la même optique, une étude réalisée au Kenya moins les jeunes femmes de travailler qu’ils ne a observé que la réduction des frais de scolarité les piègent dans des activités à faible producti­ (par la prise en charge des uniformes) avait fait vité au sein du ménage. baisser les taux d’abandon scolaire, les mariages Même si les principaux déterminants de la précoces et les grossesses chez les adolescentes fécondité sont essentiellement économiques, (Duflo et coll., 2006). La scolarité n’est toutefois les politiques publiques ont un rôle à jouer en pas le seul facteur. L’étude menée au Malawi a soutenant la constitution de familles saines, également observé d’importantes réductions de étant donné que les contraintes financières ou l’activité sexuelle, des grossesses et des mariages le manque d’information peuvent amener les chez les adolescentes qui avaient bénéficié de jeunes parents africains à sous-investir dans transferts monétaires « inconditionnels » (non le planning familial ou la santé maternelle. liés à la fréquentation et aux résultats scolaires) Les grossesses précoces, qui peuvent avoir un (Baird et coll., 2011). impact négatif important sur la santé tant de la mère que de l’enfant, doivent être une pré­ Fonder une famille occupation particulière pour les responsables En plus de commencer à travailler, fonder une des politiques. La manière dont les jeunes famille est l’une des décisions les plus impor­ parents investissent dans leurs enfants aura un tantes prises au cours de la jeunesse. À 25 ans, grand impact sur le bien-être des générations près de 80 % des Africaines sont mariées et ont futures. Les interventions qui peuvent prépa­ au moins un enfant (Figure 2.11).3 Cette tran­ rer les jeunes à cette transition ont de plus en La jeunesse : le temps des transitions 69 plus fait leurs preuves (voir un résumé dans politiques reflètent une compréhension des Banque mondiale, 2003). Par exemple, l’apport types d’emplois auxquels les jeunes aspirent de micronutriments et l’enrichissement des et peut-être même éclairent ces aspirations. La aliments destinés aux enfants et aux jeunes perception générale que les jeunes se bornent à femmes, avant et pendant la grossesse, sont attendre des emplois prisés dans les entreprises connus pour améliorer le poids à la naissance a peut-être un certain fond de vérité, mais elle et le développement ultérieur de l’enfant, tout a peu de chance d’être vraie pour la majorité comme les transferts monétaires conditionnels des jeunes Africains, essentiellement ruraux et pour l’utilisation des services de santé préven­ peu instruits. Certaines études montrent que tive. D’autres interventions, telles que les cam­ dans les pays à faible revenu, les jeunes sont pagnes d’information sur la santé reproductive, avant tout intéressés par les emplois qui leur la maternité sans risque et la santé infantile garantissent au moins un revenu de base et une semblent prometteuses. sécurité d’emploi (Wietzke et McLeod, 2012). D’autres suggèrent toutefois que les aspira­ Exercer sa citoyenneté tions de la jeunesse africaine sont plus hété­ En plus de la participation au débat citoyen rogènes en matière d’emploi. Cette complexité sur les importantes questions sociales, rend d’autant plus importante l’existence de économiques et autres, la citoyenneté implique canaux civiques permettant aux jeunes de des droits et des obligations, tels que le droit de s’exprimer. Si ces derniers ne sont pas à même vote, que les jeunes Africains exercent en grand de s’engager en tant que citoyens, leur frustra­ nombre (Figure 2.12). La jeunesse est égale­ tion de ne pas être entendus peut susciter une ment le moment où les individus commen­ instabilité économique et sociale. Les organisa­ cent à s’exprimer en tant que citoyens à travers tions civiques peuvent également élargir l’accès d’autres moyens, tels que la participation à des des jeunes aux opportunités économiques, en réunions communautaires, le rassemblement mettant à leur disposition une meilleure infor­ en vue de soulever certaines questions ou la mation et en animant des réseaux. Ce type participation à des manifestations. Des don­ d’action peut être particulièrement important nées d’une enquête de 2008 montrent qu’au pour les groupes précédemment exclus (tels cours de l’année précédente, entre 60 et 70 % que les femmes) et les jeunes issus de milieux des jeunes africains de 20 à 30 ans avaient par­ défavorisés. ticipé à au moins une de ces activités.4 L’engagement civique des jeunes est néces­ saire pour que les pouvoirs publics prennent Défis liés à la transition des effectivement en compte leurs idées et aspi­ femmes vers l’emploi rations dans la formulation des politiques. Il est particulièrement pertinent pour que les Les opportunités d’emploi sont plus restreintes pour les jeunes femmes que pour les jeunes hommes. Les premières sont moins suscep­ Figure 2.12  En prenant de l’âge, les jeunes s’engagent de plus en plus dans la vie citoyenne tibles de pouvoir non seulement quitter le sec­ teur agricole, mais aussi d’obtenir un emploi 100 salarié. Les opportunités d’emploi des femmes % de la cohorte ayant voté aux dernières élections 80 sont limitées à la fois par le fait qu’elles ont tendance à quitter l’école plus tôt, mais aussi 60 par les contraintes sexospécifiques associées 40 aux choix qu’elles font par rapport au mariage et à la maternité. Les possibilités d’emploi des 20 femmes peuvent également être limitées par la 0 ségrégation professionnelle, les normes sociales 18 20 22 24 26 28 30 32 34 ou la crainte du harcèlement sexuel. Âge (années) Source : Afrobaromètre, 2008. 70 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne En Afrique, beaucoup de jeunes femmes l’exploitation minière et le transport, tan­ doivent décider si et comment elles entreront dis que les femmes travaillent surtout dans le sur le marché de l’emploi, et, en même temps, commerce de détail, l’éducation, la santé et le si et quand elles auront des enfants. Pour travail social. En répartissant la main-d’œuvre certaines, le mariage et la maternité (ou le d’une manière qui est loin d’être optimale, cette mariage précoce) peuvent représenter un ségrégation a des effets potentiellement impor­ moyen d’échapper à la pauvreté en comp­ tants sur la productivité globale et la croissance tant sur le soutien économique d’un homme. économique. Les enquêtes sur l’emploi réalisées Même si une récente analyse indique que les en Afrique observent avec persistance une con­ jeunes femmes africaines sont mères plus tard centration des femmes dans les secteurs à faible que dans les générations précédentes, leurs rémunération et faible productivité. Par exem­ taux de fécondité restent nettement supérieurs ple, l’enquête sur l’emploi du Libéria a révélé à ceux des autres régions (Sneeringer, 2009). En que les femmes sont sous-représentées dans les Afrique, 25 % des femmes de 15 à 19 ans ont secteurs en expansion tels que l’exploitation déjà eu un premier enfant ou sont enceintes.5 minière, l’industrie manufacturière, la con­ À 20 ans, l’âge moyen du premier emploi, elles struction ou les services (LISGIS, 2011). Même ont déjà la charge de jeunes enfants. si au cours des 20 dernières années, les femmes Une fois confrontées à la responsabilité de ont enregistré des avancées en entrant dans le la garde d’enfants, les jeunes femmes sont limi­ secteur des services, elles restent à la traîne dans tées dans leurs options professionnelles. Elles l’industrie (OIT, 2012). Lorsqu’elles s’installent peuvent choisir de ne pas travailler, de travailler à leur propre compte, elles ont encore toujours moins d’heures qu’elles ne l’auraient fait autre­ tendance à le faire dans des secteurs moins ment, ou d’opter pour des activités offrant productifs, à prédominance féminine. Dans des horaires flexibles et un travail à domicile. l’agriculture, les parcelles exploitées par les Au Libéria, 41 % des jeunes femmes, contre femmes sont très souvent utilisées pour des cul­ 31 % des femmes adultes et seulement 11 % tures vivrières moins rentables, alors que celles des jeunes hommes, citent les responsabilités des hommes sont consacrées à des cultures de familiales comme raison de leur « inactivité » rente (voir Banque mondiale, 2011, Ch. 5). Ces (Ruiz Abril, 2008). Une enquête sur l’utilisation schémas sont renforcés par le fait que la forma­ du temps menée en Guinée a conclu que les tion offerte aux femmes est souvent concentrée femmes, en particulier, ne peuvent augmenter sur des métiers moins lucratifs, à prédominance le nombre d’heures consacrées à un emploi féminine, tels que l’artisanat, la couture et la salarié en raison de leurs obligations de soins coiffure (voir Fox et coll., 2011, Chapitre 3). aux enfants (Bardasi et Wodon, 2009). Lorsque Les normes sociales déterminent forte­ peu de possibilités d’aide leur sont offertes à ment les opportunités d’emploi des femmes. cet égard, la nécessité de trouver des formules Les attentes en matière de responsabilité de flexibles pousse les femmes vers un travail la garde des enfants, de mobilité et de trans­ informel compatible avec la garde des enfants, port ainsi que de choix professionnels jouent « Pour les tel que celui qu’elles peuvent trouver dans les toutes un rôle. Lorsque les femmes choisissent entreprises individuelles. L’expérience des pays de travailler en dehors de leur domicile, la len­ femmes, la développés montre que même si le travail à teur des moyens de transport leur fait souvent distance devient temps partiel est souvent une bonne solution perdre beaucoup de temps, et elles en sont donc un obstacle pour les femmes en quête de flexibilité, il peut réduites à des opportunités d’emploi proches en raison du souvent les piéger dans des emplois de moindre de chez elles (Uteng, 2011). Le manque de manque de vélos qualité, même lorsque cette flexibilité n’est plus possibilité de décider pour elles-mêmes limite et du mauvais nécessaire (Banque mondiale, 2011). également leurs options. Dans un groupe de Tout comme dans les autres régions en discussion de Bombouaka au Togo, les jeunes œil associé aux développement, la ségrégation fondée sur le femmes disaient qu’un mari pouvait opposer femmes roulant genre est manifeste dans toute l’Afrique sub­ son veto à un emploi exigeant des déplacements à bicyclette. » saharienne. Les hommes sont concentrés dans de sa femme en dehors du village (Petesch et Tanzanie l’industrie manufacturière, la construction, Caillava, 2012). La jeunesse : le temps des transitions 71 Les responsabilités domestiques et de garde le Rwanda et la République démocratique du « Quand j’étais des enfants ainsi que les préoccupations au Congo a relevé des taux élevés de menaces, à la recherche sujet de leur réputation et de leur sécurité harcèlement et violences tels que les coups, le rendent les déplacements des femmes plus dif­ dépouillement et même le viol, dans les groupes d’un emploi (de ficiles. Selon une jeune femme d’Ezinyathini de commerçants à prédominance féminine secrétaire) ici à en Afrique du Sud, « si une femme part pour (Brenton et coll., 2011). Une étude sur les com­ Mombassa, je me quelques jours, les gens commencent à commé­ merçantes transfrontalières du Libéria a révélé suis rendue dans rer sur son compte. La norme est que la femme en 2007 qu’en plus des difficultés habituelles, une certaine reste chez elle pour élever ses enfants et s’occu­ telles que les droits de douane élevés, le manque entreprise, et per de sa maison ». Dans ce même village, une d’information sur le marché et le manque de autre explique : « mes parents ne me permet­ capitaux, les femmes mentionnaient également lorsque j’ai traient jamais d’aller ailleurs. Ils pensent que des taux élevés de harcèlement sexuel et de viol. montré mon je tomberais enceinte et couvrirais de honte le L’enquête a également noté que les femmes dossier au nom de la famille » (Petesch et Caillava, 2012). étaient plus susceptibles que les hommes de se patron, il m’a Une jeune femme instruite peut éventuelle­ réunir ou de former des groupes pour le trans­ dit que c’était ment occuper un emploi distant, par exemple port conjoint des marchandises, afin de réduire OK, mais que je en tant qu’enseignante. les coûts, d’améliorer la sécurité et de résoudre Le harcèlement sexuel peut également collectivement les différends avec les autorités devais d’abord affecter les choix professionnels des femmes. frontalières (ONU-Femmes, 2012). accepter de sortir Des statistiques nationales représentatives sont avec lui. Dans difficiles à obtenir sur la prévalence du harcè­ tous les bureaux lement sexuel, mais des enquêtes ciblées ont Faciliter les transitions entre où je suis passée, montré que la perception du risque de harcè­ l’école et l’emploi, et entre les j’ai trouvé des lement par les patrons et autres autorités figure secteurs d’emploi en bonne place parmi les facteurs influençant patrons qui se les choix professionnels des femmes. Selon des Selon toute vraisemblance, au cours des 10 pro­ comportaient de évaluations qualitatives menées au Libéria et chaines années, la plupart des jeunes d’Afrique la même façon. » au Rwanda en prévision de programmes de subsaharienne qui trouveront un emploi reste­ Kenya  formation professionnelle, les jeunes femmes ront dans les mêmes secteurs que la génération disent préférer les emplois indépendants ou précédente, avec toutefois une certaine expan­ les industries à prédominance féminine par sion du secteur des entreprises individuelles, crainte du harcèlement sexuel.6 Des enquêtes en particulier dans les villes de marché et les ont révélé des sentiments similaires chez les zones rurales proches des agglomérations. La femmes entrepreneures de Tanzanie (Holla, transition entre l’école et l’emploi restera non Leonard et Wilson, 2010). De mauvaises expé­ structurée et souvent lente pour ces jeunes. riences avec des enseignants (échangeant de L’agriculture est la passerelle vers le travail et, bonnes notes contre des faveurs sexuelles, par pour beaucoup, elle deviendra leur secteur exemple) peuvent réduire la volonté de par­ d’emploi pour la vie. Sans une amélioration ticiper aux programmes de formation. Les de la productivité et des revenus agricoles, risques de harcèlement sont particulièrement l’ensemble de l’économie en milieu rural, où élevés chez les femmes travaillant au domicile continue de vivre la majorité de la population, d’autres personnes, où l’absence de collègues connaîtra une récession et une contraction des et la dépendance vis-à-vis de l’employeur pour options ouvertes aux jeunes. le logement et la nourriture peuvent rendre les Une fois que les jeunes commencent à tra­ travailleuses particulièrement vulnérables à la vailler, que ce soit dans l’agriculture, les entre­ violence physique et sexuelle, au non-paiement prises individuelles ou l’emploi salarié, ils ont des salaires, aux restrictions de déplacement et tendance à rester dans le même secteur, avec au travail forcé (dans des cas extrêmes). une mobilité intersectorielle légèrement plus Les commerçants transfrontaliers sont élevée en milieu urbain que rural. La migra­ aussi très vulnérables. Une récente étude sur tion offre une opportunité de changer ces les commerçants travaillant à la frontière entre tendances et d’accroître les revenus de façon 72 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne substantielle. Pour les jeunes femmes, la tran­ ———. 2011.“Cash or Condition ? Evidence from sition de l’école à un travail très productif a Cash Transfer Experiment.” Quarterly Journal of Economics 126 (4) : 1709–53. comporte des défis supplémentaires. La suite de ce rapport identifie des moyens de soutenir Bardasi Elena et Quentin Wodon, 2009.“Work­ les jeunes durant ces transitions, en les do­ tant ing Long Hours and Having No Choice: Time Poverty in Guinea.” Document de travail consa­ de compétences qui leur seront utiles où qu’ils cré à la recherche sur les politiques 4961, Banque travaillent (Chapitre 3) et en veillant à ce que mondiale, Washington, DC. l’environnement des affaires et leur capital Beegle Kathleen, Rajeev H. Dehejia et Roberta humain soient propices à une productivité Gatti. 2009.“Why Should We Care about Child élevée dans l’agriculture (Chapitre 4), les entre­ Labor? The Education, Labor Market, and Health prises individuelles (Chapitre 5) et le secteur Consequences of Child Labor.” Journal of Human salarié moderne (Chapitre 6). Resources 44 (4) : 871–89. Beegle Kathleen, Rajeev H. Dehejia, Roberta Gatti et Sofya Krutikova, 2008.“The Consequences Notes of Child Labor: Evidence from Longitudinal 1. Sur base de l’analyse des données de l’enquête Data in Rural Tanzania.” Document de travail nationale en panel de l’Ouganda. consacré à la recherche sur les politiques 4677, 2. L’étude est basée sur l’enquête en panel des Banque mondiale, Washington, DC. doi : ménages urbains, qui a recueilli des informa­ 10 159/1813-9450-4677 tions sur les emplois antérieurs (Bridges et coll., Blattman Chistopher et Jeannie Annan, 2010.“The 2013). Consequences of Child Soldiering.” Review of 3. Le pourcentage de femmes ayant un enfant peut Economics and Statistics 92 (4) : 882–98 inclure des femmes célibataires. Bloom David E., David Canning, Gunther Fink et 4. Sur base de l’analyse des enquêtes du Cycle 4 de Jocelyn E. Finlay, 2009.“Fertility, Female Labor l’Afrobaromètre (Afrobaromètre, 2008) dans 20 Force Participation, and the Demographic pays africains : Afrique du Sud, Bénin, Botswana, Dividend.” Journal of Economic Growth 14 (2) : Burkina Faso, Cap-Vert, Ghana, Kenya, Lesotho, 79–101. Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mozam­ Bossuroy Thomas et Denis Cogneau, 2013.“Social bique, Namibie, Nigeria, Ouganda, Sénégal, Mobility in Five African Countries.” Review of Tanzanie, Zambie et Zimbabwe. Income and Wealth 59 : s84-110. doi : 10.1111/ 5. Moyenne des dernières enquêtes démogra­ roiw.12037 phiques et de santé en Afrique subsaharienne, Brenton Paul, Celestin Bashinge Bucekuderhwa, pour lesquelles cet indicateur est disponible. Caroline Hossein, Shiho Nagaki et Jean Baptiste Sur base des calculs effectués à l’aide de DHS Ntagoma, 2011.“Risky Business: Poor Women StatCompiler. Cross-Border Traders in the Great Lakes Region 6. Au Libéria, 20 % des personnes ayant dit pré­ of Africa.” Africa Trade Policy Notes 11, Banque férer l’emploi indépendant ont mentionné mondiale, Washington, DC. comme raison le fait d’éviter le harcèlement Bridges Sarah, Louise Fox, Alessio Gaggero et sexuel (Ruiz, 2008). Trudy Owens, 2013.“Labour Market Entry and Earnings: Evidence from Tanzanian Retrospec­ Références tive Data.” Document de référence présenté à la Afrobaromètre, 2008. Cycle 4 des enquêtes Afro­ conférence du CSAE sur le développement éco­ baromètre. http://www.afrobarometer.org/. nomique en Afrique, Oxford University, mars. Amin Sajeda, Ian Diamond, Ruchira T. Naved et De Walque Damien, ed. 2014. Risking Your Health: Margaret Newby, 1998.“Transition to Adult- Causes, Consequences, and Interventions to Pre- hood of Female Garment-Factory Workers in vent Risky Behaviors. Washington, DC, Banque Bangladesh”. Studies in Family Planning 29 (2) : mondiale. 185–200 De Weerdt Joachim et Andreas Kutka, 2013.“Urba­ Baird Sarah, Ephraim Chirwa, Craig Mcintosh et nization and Youth Employment in Tanzania: Berk Ozler, 2010.“The Short-Term Impacts of Preliminary Analysis.” Document de référence, a Schooling Conditional Cash Transfer Pro­ Banque mondiale, Washington DC. gram on the Sexual Behavior of Young Women.” Dorosh Paul et James Thurlow, 2013.“Agriculture Health Economics 19 (1) : 55-68. doi : 10.1002 and Small Towns in Africa.” Agricultural Econo- /hec.1569. mics 44 (4–5) : 449-59. doi : 10.1111/agec.12027 La jeunesse : le temps des transitions 73 Duflo Esther, Pascaline Dupas, Michael Kremer Petesch P. et Rodriguez Caillava I., 2012.“Voices of et Samuel Sinei, 2006.“Education and HIV/ Young Villagers in Sub-Saharan Africa.” Docu­ AIDS Prevention: Evidence from a Randomized ment de référence, Banque mondiale, Washing­ Evaluation in Western Kenya.” Document de ton DC. travail consacré à la recherche sur les poli­ Ruiz Abril, Maria Elena, 2008.“Liberia : Girls tiques 4024, Banque mondiale, Washington, DC. Vulnerability Assessment.” Gouvernement du Eriksen Michael, Judith Mackay et Hana Ross, Libéria, Nike Foundation et Banque mondiale, 2012. The Tobacco Atlas. 4e édition, Atlanta : Washington, DC. https://docs.google.com/ American Cancer Society. document/d/1FvEgQNMsZHVfMLYxfp62DUly 8nY1850lh2vGmiYHk_0/edit? hl=en_US&pli=1. Falco Paolo, William F. Maloney, Bob Rijkers et Sander Cerstin et Samuel Munzele Maimbo, Mauricio Sarrias, 2012.“Heterogeneity in Sub­ 2003.“Migrant Labor Remittances in Africa: jective Well-Being: An Application to Occupa­ Reducing Obstacles to Developmental tional Allocation in Africa.” Document de travail Contributions.” Document de travail 64 de la consacré à la recherche sur les politiques 6244, région Afrique, Banque mondiale, Washington, Banque mondiale, Washington, DC. doi : DC. 10.1596/1813-9450-6244. Simkins Charles, 2013.“Urbanization in Africa Fox Louise, Katie Kibbuka, Jorge Huerta Munoz and Its Relation to the Demographic Dividend.” et Thomas Pave Sohnesen, 2011.“Small Is Big: Document de référence pour l’étude régionale Development of the Household Enterprise Sec­ sur les dividendes démographiques en Afrique, tor in Ghana; a Quantitative Look at Household Banque mondiale, Washington, DC. Enterprises.” Banque mondiale, Washington, DC. Sneeringer Stacy E., 2009.“Fertility Transition in Holla Alaka, Sibomana Leonard et Wema Wil­ Sub-Saharan Africa: A Comparative Analysis son, 2010.“The Secret Lives of Economically of Trends in 30 Countries.” DHS Comparative Empowered Women: Qualitative Evidence on Reports 23, ICR Macro, Calverton, MD. Sensitive Issues from Female Entrepreneurs in Nations Unies, 2007.“Age-Specific Fertility Rate.” Dar es Salaam.” Banque mondiale, Washington, Nations Unies, Division des statistiques, New DC. York. http://data.un.org/Data.aspx?q=fertility+ rates&d=GenderStat&f=inID%3a13 OIT (Organisation internationale du travail), 2012. Tendances mondiales de l’emploi des femmes, ONU-Femmes, 2012. Breaking the Cycle of Vio­ 2012. Genève : OIT. lence and HIV in Liberia. http://www.unwomen. org/en/news/stories/2011/12/breaking-the-cycle- LISGIS (Institut libérien de la statistique et des of-violence-and-hiv-in-liberia. services de géoinformation). 2011.“Report on Uteng Tanu Priya, 2011.“Gender and Mobility in the Liberia Labor Force Survey 2010.” LISGIS, the Developing World.” Document de référence Monrovia. pour le Rapport sur le développement dans le Lundberg Mattias et Alice Wuermli, eds. 2012. monde 2012 : Égalité des genres et développement, Children and Youth in Crisis: Protecting and Pro- Banque mondiale, Washington, DC. http:// moting Human Development in Times of Econo- siteresources.worldbank.org/INTWDR2012/ mic Shocks. Washington, DC : Banque mondiale. Resources/7778105-1299699968583/7786210- 1322671773271/uteng.pdf McKenzie David, 2007.“A Profile of the World’s Young Developing Country Migrants.” Discus­ Warren Charles W., Samira Asma, Juliette Lee, sion Paper 2948 de l’IZA, Institute for the Study Veronica Lea et Judith Mackay, 2009. Global of Labor, Bonn. Tobacco Surveillance System: The GTSS Atlas. Atlanta, GA : CDC Foundation. McLeod D., R. Ramirez, M. Davalos et W. Gruben. Wietzke Frank-Borger et Catriona McLeod, 2005.“Apparel Jobs: Ladder Up or Poverty Trap?” 2012.“Jobs, Well-Being, and Social Cohesion: Article présenté lors de la rencontre de l’Asso­ Evidence from Value and Perception Surveys.” ciation d’économie de l’Amérique latine et des Document de référence pour le Rapport sur le Caraïbes en 2005, Paris, 27–29 octobre. développement dans le monde 2013, Banque mon­ Pasquier-Doumer Laure, 2013. Intergenerational diale, Washington, DC. https://openknowledge. Transmission of Self-Employed Status in the worldbank.org/bitstream/handle/10986/12138/ Informal Sector: A Constrained Choice or Better WDR2013_bp_Jobs_Wellbeing_SocialCohesion Income Prospects? Evidence from Seven West Banque mondiale, 2003. Rapport sur le développe- African Countries. Journal of African Economies ment dans le monde 2004 : Mettre les services de 22 (1): 73–111. doi: http://jae.oxfordjournals. base à la portée des pauvres. New York : Oxford org/content/early/2012/07/31/jae.ejs017. University Press. 74 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne ———. 2006. Rapport sur le développement dans ———. 2012a.“Kenya at Work: Energizing the le monde 2007 : Développement et générations Economy and Creating Jobs.” Kenya Economic futures. New York : Oxford University Press. Update 7 (décembre). ———.2008. Rapport sur le développement dans le ———. 2012b. Rapport sur le développement dans monde 2009 : Repenser la géographie économique. le monde 2013 : Emplois. New York : Oxford New York : Oxford University Press. ­University Press. ———. 2011. Rapport sur le développement dans le monde 2012 : Égalité des genres et développement. New York : Oxford University Press. Chapitre 3 Compétences pour l’emploi productif Le renforcement du capital humain est un élé- dispense un apprentissage et des compétences ment critique de l’agenda des politiques pour réels. Il est également prioritaire d’identifier et l’emploi des jeunes en Afrique. Même si, à elle renforcer les compétences socioémotionnelles et seule, la formation ne suffira pas pour accroître comportementales contribuant à la productivité, et améliorer l’emploi des jeunes (comme expli- notamment celles exigées par les employeurs, et qué ailleurs dans ce rapport, les politiques visant de rassembler de meilleures données pour éclai- à renforcer l’environnement des affaires sont rer les programmes visant spécifiquement à amé- essentielles), l’éducation reçue et les compétences liorer les compétences nécessaires pour l’emploi acquises par les jeunes peuvent étendre l’éven- des jeunes. Les pouvoirs publics doivent égale- tail des opportunités d’emploi auxquelles ils ont ment garder à l’esprit qu’il existe un marché accès, ainsi que les revenus qu’ils sont susceptibles privé dynamique de la formation, et éviter d’y d’obtenir. Les compétences influencent fortement introduire des distorsions inappropriées. L’inter- le secteur où les gens travaillent et combien ils vention des pouvoirs publics doit s’attacher en gagnent. Un problème crucial est que dans toute priorité à fournir de l’information et à faciliter l’Afrique, l’accroissement rapide de la scolarisa- l’accès des jeunes défavorisés (tels que les jeunes tion et des niveaux d’instruction ont eu lieu aux femmes ou les plus pauvres) aux formations exis- dépens de la qualité, contribuant ainsi à une tantes, ainsi qu’à veiller à la disponibilité d’offres grave pénurie des compétences nécessaires pour de formation de meilleure qualité. En présence de l’emploi productif. Celles-ci comprennent les marchés actifs de la formation, les interventions compétences cognitives de base et de plus haut publiques doivent être sélectives, axées sur les per- niveau, les compétences comportementales et formances et fondées sur des preuves. socioémotionnelles, les compétences techniques ou professionnelles, et les compétences en affaires. Les faibles niveaux d’instruction et les com- Pour faciliter l’entrée, améliorer la produc- pétences limitées compliquent la transition vers tivité, et augmenter les revenus dans toute la l’emploi et restreignent la mobilité profession- gamme des emplois dans l’agriculture, les entre- nelle des jeunes Africains. L’éducation et les prises individuelles et le secteur salarié moderne, compétences leur ouvrent des voies d’accès à la principale priorité est d’accroître la qualité l’emploi productif. Le niveau de scolarité est de l’enseignement et de s’assurer que celui-ci un bon indicateur de l’occupation future d’une 75 76 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 3.1  Les taux d’achèvement de l’école primaire ont considérablement personne, tandis que la qualité de l’enseigne- augmenté en Afrique subsaharienne, 1990–2011 ment a de l’importance pour la productivité. En Afrique, il y a plus d’enfants scolarisés que Guinée-Bissau jamais. Toutefois, à cause de la qualité généra- Mali lement médiocre de l’enseignement dispensé, Guinée cette scolarité a des effets relativement faibles Tchad sur la productivité, les revenus et la réduction Niger de la pauvreté. Des améliorations rapides de Burkina Faso la qualité de l’enseignement dispensé à l’école Bénin sont cruciales pour accroître la productivité et Éthiopie les revenus des jeunes Africains. Mozambique Malawi Mauritanie Scolarité, niveau d’instruction République centrafricaine et travail Angola Madagascar Par rapport à l’objectif du Millénaire pour le Togo développement fixé pour l’éducation (« don- Côte d’Ivoire ner à tous les enfants, garçons et filles, partout Gambie dans le monde, les moyens d’achever un cycle Burundi complet d’études primaires »), l’Afrique sub- Sénégal saharienne a fait des progrès remarquables. Ouganda La part des enfants achevant l’école primaire Rwanda y est passée de 51 % en 1990 à 70 % en 2011. République démocratique du Congo Certains pays ont réalisé des progrès excep- Tanzanie tionnels (Figure 3.1). Le Burkina Faso, l’Éthio- Guinée équatoriale pie, Madagascar, le Malawi, la Mauritanie, le Cameroun Mozambique, le Niger et le Tchad ont plus que doublé leurs taux d’achèvement de l’école pri- Cap-Vert maire ; le Bénin, la Guinée, la Guinée-Bissau et Lesotho le Mali ont plus que triplé les leurs. Ces résultats République du Congo rivalisent avec ceux des pays affichant les plus Ghana fortes augmentations historiques, tels que la Swaziland République de Corée, et dépassent largement Namibie les résultats habituels de la plupart des pays en Afrique du Sud développement depuis 1960 (Clemens, 2004). Zambie Aujourd’hui, un jeune Ghanéen ou Zambien Kenya moyen a un niveau d’instruction plus élevé Botswana qu’un Français ou un Italien moyen en 1960 (Pritchett, 2013). Afrique subsaharienne Néanmoins, ces améliorations sont par- Asie du Sud ties d’une base très limitée, et l’achèvement de Moyen-Orient et Afrique du Nord l’école primaire en Afrique subsaharienne est Amérique latine et Caraïbes encore en retard par rapport à celui d’autres Asie de l’Est et Pacifique régions. Le niveau d’instruction des jeunes qui intègrent aujourd’hui la population active afri- 0 20 40 60 80 100 caine est supérieur à celui de n’importe quelle Pourcentage génération précédente, mais il reste globale- 1990 2011 ment faible. Presque 60 % des 15 à 24 ans n’ont Source : Banque mondiale, diverses années. achevé que l’école primaire (Figure 3.2). Dans Compétences pour l’emploi productif 77 Figure 3.2  Les jeunes Africains ont plus d’instruction que jamais, mais le niveau d’instruction moyen reste bas a. 15–24 ans b. 25–34 ans 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 Toutes Femmes Hommes Ruraux Urbains Toutes Femmes Hommes Ruraux Urbains catégories catégories Sans instruction Primaire inachevé Primaire achevé Secondaire inachevé Secondaire achevé Enseignement supérieur Source : Sur la base des enquêtes démographiques et de santé réalisées dans 30 pays (voir annexe). Figure 3.3  Selon les prévisions, le niveau d’instruction devrait considérablement augmenter en Afrique subsaharienne a. Hommes b. Femmes 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 2010 2015 2020 2025 2030 2010 2015 2020 2025 2030 Sans instruction Enseignement primaire Enseignement secondaire Enseignement supérieur Source : Sur la base des données de l’International Institute for Applied Systems Analysis. le groupe le plus susceptible d’avoir définitive- Les plus jeunes générations ont des chances ment quitté l’école (les 25 à 34 ans), 30 % n’ont de faire mieux. Grâce aux récents progrès dans aucune instruction, 21 % n’ont achevé qu’une la scolarisation, les nouvelles cohortes devraient partie de l’enseignement primaire, et 14 % l’ont atteindre des niveaux d’instruction considéra- terminé. Environ 35 % ont continué au-delà de blement plus élevés que les précédentes : en l’école primaire, et 19 % sont allés au-delà du fait, elles seront la cohorte dotée du plus haut premier cycle de l’enseignement secondaire. Le niveau jamais obtenu en Afrique. D’ici 2020, les niveau d’instruction est plus élevé en milieu projections montrent que plus de la moitié des urbain, même si plus de 40 % des jeunes de 25 hommes de 15 à 24 ans auront atteint l’ensei- à 34 ans n’y ont pas achevé le premier cycle de gnement secondaire et que les femmes franchi- l’enseignement secondaire. ront ce seuil en 2025 (Figure 3.3). Ces projec- 78 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne tions dépendent évidemment des politiques à élevé, même si environ la moitié n’a même pas venir et ne sont qu’une indication préliminaire achevé l’école primaire. des résultats réels. De plus, l’accroissement L’achèvement des études primaires ou des de l’accès à l’enseignement s’est produit aux études supplémentaires ne devient la norme dépens des acquis, comme on le verra plus loin. chez les jeunes adultes que dans le secteur sala- rié. Presque 65 % des salariés de 15 à 24 ans Scolarité et secteur d’emploi ont achevé l’école primaire. Étant donné que les Les liens entre le niveau d’instruction et le jeunes qui restent plus longtemps à l’école sont secteur d’emploi sont très clairs. La plupart plus susceptibles d’entrer dans le secteur sala- des personnes qui n’achèvent jamais l’école rié, la part des jeunes adultes (25 à 34 ans) qui primaire travaillent dans l’agriculture. Celles ont achevé l’école primaire et sont employés qui ont fréquenté l’école primaire ou le pre- dans ce secteur atteint plus de 80 %. Les salariés mier cycle de l’enseignement secondaire tra- sont nettement plus susceptibles d’avoir fait des vaillent dans des entreprises individuelles non études secondaires ou supérieures : les 25 à 34 agricoles, tandis que celles dotées d’un niveau ans salariés sont près de deux fois plus suscep- d’instruction plus élevé ont plus de chances tibles d’avoir achevé l’enseignement secondaire d’entrer dans le secteur salarié moderne. que les travailleurs indépendants. Étant donné la forte influence de la sco- Les salariés ayant un niveau d’instruction larité sur le secteur où les gens travaillent, le plus élevé sont également plus susceptibles profil d’instruction des salariés est très diffé- d’avoir un emploi avec contrat, ce qui montre rent de celui des travailleurs des secteurs de qu’ils exercent un travail salarié moderne plus l’agriculture et des entreprises individuelles en formel (Figure 3.5). Près de 70 % des salariés Afrique. La grande majorité des jeunes et des n’ayant pas fait d’études primaires travaillent jeunes adultes travaillant dans l’agriculture n’a sans contrat, contre moins de 40 % de ceux jamais achevé l’école primaire. Près de 80 % ayant fréquenté le deuxième cycle de l’ensei- des 25 à 34 ans travaillant dans l’agriculture gnement secondaire. n’ont pas dépassé l’école primaire, quand ils Dans chaque secteur, les relations entre l’ont achevée, et 40 % n’ont aucune instruction la scolarité et l’emploi sont généralement (Figure 3.4). Le niveau d’instruction des jeunes similaires pour les divers sous-groupes de la et des jeunes adultes travaillant dans les entre- population, avec deux différences principales. prises individuelles n’est que légèrement plus Premièrement, les femmes sont nettement Figure 3.4  Niveaux de scolarité par secteur d’emploi a. 15–24 ans b. 25–34 ans 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 Agriculture Entreprises Emploi salarié Agriculture Entreprises Emploi salarié individuelles individuelles non agricoles non agricoles Sans instruction Primaire inachevé Primaire achevé 1er cycle secondaire achevé 2e cycle secondaire achevé Postsecondaire Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). Compétences pour l’emploi productif 79 plus susceptibles de travailler dans le secteur Figure 3.5  Les salariés dotés de niveaux d’instruction plus élevés sont plus des entreprises individuelles non agricoles à susceptibles d’avoir un emploi avec contrat mesure que leur niveau d’instruction aug- 100 mente, ce qui indique que l’éducation aide les femmes à sortir de l’agriculture (Figure 3.6). 80 Deuxièmement, dans les zones urbaines, la Pourcentage participation au secteur salarié commence à 60 des niveaux d’instruction plus bas, en raison du plus vaste réservoir de jeunes instruits exis- 40 tant ainsi que de la plus grande disponibilité d’emplois ouverts aux travailleurs relativement 20 peu qualifiés dans le secteur salarié moderne. 0 Le niveau d’instruction croissant des Sans instruction Primaire Primaire Secondaire Secondaire Post inachevé achevé inachevé achevé secondaire travailleurs modifiera-t-il le profil de Sans contrat Avec contrat l’emploi ? Le profil de l’emploi pourrait évoluer si les Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). tendances actuelles des niveaux d’instruction et des secteurs d’emploi persistent en Afrique. L’Afrique est bien positionnée pour connaître tant d’emplois indépendants et salariés (en « L’éducation un déplacement important des travailleurs Ouganda). Les prévisions en matière d’emploi garantit un du secteur agricole vers les entreprises indivi- du Chapitre 1 suggèrent que même un secteur meilleur emploi duelles, ainsi qu’un accroissement de l’emploi salarié moderne en développement ne peut et une vie dans le secteur salarié moderne. absorber les nouvelles cohortes de jeunes. La L’analyse des tendances passées dans plupart de ceux-ci créeront néanmoins leur stable ». Togo quatre pays (Al-Samarrai et Bennell, 2007) propre emploi. En conséquence, une part crois- indique qu’une part croissante des diplômés sante des travailleurs agricoles et les entreprises de l’enseignement secondaire travaille en tant individuelles non agricoles devrait avoir des qu’indépendants (au Malawi, en Tanzanie niveaux de scolarité plus élevés. et au Zimbabwe, par exemple), sauf là où la L’évolution du profil de l’emploi ne se pro- croissance économique a conduit à la création duira pas automatiquement. Il faudra encore d’un nombre substantiellement plus impor- des années d’une scolarisation transmettant Figure 3.6  Relations entre la scolarité et l’emploi en fonction du genre et de l’urbanisation a. Par genre b. Urbains/ruraux 70 70 60 60 50 50 Pourcentage Pourcentage 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Sans Primaire Primaire 1er cycle 2e cycle Post Sans Primaire Primaire 1er cycle 2e cycle Post instruction inachevé achevé secondaire secondaire secondaire instruction inachevé achevé secondaire secondaire secondaire achevé achevé achevé achevé Femmes salariées Salariés ruraux Hommes salariés Salariés urbains Hommes dans les entreprises individuelles non agricoles Ruraux dans les entreprises individuelles non agricoles Femmes dans les entreprises individuelles non agricoles Urbains dans les entreprises individuelles non agricoles Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). 80 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne « J’ai toujours des compétences réelles pour que les jeunes adultes), mais aussi à une productivité et à des été contraint acquièrent les compétences nécessaires pour revenus plus élevés. Par conséquent, en plus de par le fait de ne induire un tel changement. La recherche a faciliter l’accès à l’emploi dans les entreprises pas avoir été à suggéré que des niveaux plus élevés d’études individuelles non agricoles et le secteur salarié et de compétences cognitives sont associés à la moderne, l’éducation est également essentielle l’école… Je ne croissance économique (Hanushek et Woess- pour s’attaquer au défi politique de l’augmen- veux pas que mann, 2012) ainsi qu’à l’emploi d’une part tation de la productivité des travailleurs à tra- mes enfants plus importante de jeunes dans le secteur sala- vers tous les secteurs d’emploi. vivent la même rié moderne non agricole (Lee et Newhouse, Le niveau d’instruction des membres des chose que moi ». 2012). Si l’accroissement du niveau d’instruc- ménages est un déterminant fort de leurs Madagascar tion n’est pas associé à une plus grande accu- niveaux de vie. Les ménages où les adultes mulation de compétences, la scolarisation aura ont atteint des niveaux de scolarité plus hauts un effet limité sur la croissance globale et la ont des niveaux de consommation par per- composition de l’emploi. La demande sur le sonne nettement plus élevés que ceux dont marché du travail doit également être prise les membres ont fait moins d’études. Cette en compte. L’économie devra générer de nou- différence décrite plus haut reflète en partie velles opportunités d’emploi pour utiliser les la sélection des travailleurs dans les secteurs connaissances et les compétences acquises par d’emploi. les jeunes. Comme souligné tout au long de ce Une recherche considérable menée dans rapport, les politiques de développement du le secteur agricole indique que, à des niveaux capital humain ne peuvent à elles seules relever d’actifs comparables, les agriculteurs ayant le défi de l’emploi des jeunes ; des améliora- fréquenté l’école primaire ont tendance à réa- tions sont également nécessaires dans l’envi- liser des bénéfices plus élevés que ceux qui ne ronnement des affaires. l’ont pas fait. Les agriculteurs éduqués sont généralement les premiers à adopter de nou- La scolarité accroît la productivité et velles semences et pratiques de gestion des sols, les revenus de nouveaux engrais, et de nouvelles races de La scolarité est associée non seulement au sec- bétail (voir, par exemple, Welch, 1970 ; Huff- teur dans lequel travaillent les jeunes (et les man, 1977 ; Besley et Case, 1993 ; Foster et Rosenzweig, 1995 ; Abdulai et Huffman, 2005). Les avantages fournis par l’éducation sont particulièrement marqués dans les environne- Figure 3.7  L’éducation est associée à des revenus plus élevés dans les entreprises ments soumis à un changement technologique individuelles rapide (Foster et Rosenzweig, 2010). Les agri- 180 culteurs plus éduqués sont plus susceptibles 160 d’adopter les premiers de nouvelles techniques Augmentation en pourcentage 140 agricoles, soit parce qu’ils disposent au départ 120 de plus d’information sur ces techniques, soit 100 parce qu’ils sont capables d’apprendre plus rapidement que les agriculteurs moins éduqués 80 exposés à la même information. La scolarité 60 améliore la capacité d’apprendre tout au long 40 de la vie. L’introduction de nouvelles techno- 20 logies est une opportunité d’apprentissage qui 0 révèle la complémentarité entre la scolarité et Ghana Rwanda Tanzanie Ouganda l’adoption de nouvelles technologies rentables. Primaire inachevé Primaire 1 cycle secondaire er 2 cycle secondaire e Postsecondaire En dehors de l’agriculture, le lien entre Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). l’éducation et les revenus est également fort Note : la Figure montre les revenus nets moyens (chiffre d’affaires moins dépenses par mois), par niveau d’instruction, pour un échantillon de propriétaires indépendants d’entreprises individuelles (par dans les secteurs des entreprises individuelles rapport aux propriétaires d’entreprises individuelles sans instruction). et de l’emploi salarié. La Figure 3.7 montre que Compétences pour l’emploi productif 81 des niveaux d’instruction plus hauts chez les Figure 3.8  L’éducation est associée à des salaires plus élevés propriétaires d’entreprises individuelles sont 250 associés à des revenus plus élevés au Ghana, Incrément en pourcentage au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda. La 200 Figure 3.8 montre l’accroissement moyen des 150 salaires associé à des niveaux croissants d’ins- truction, en comparant les travailleurs salariés 100 de chacun de ces niveaux aux travailleurs sans instruction, pour un échantillon de neuf pays 50 africains. Dans les deux figures, les différentiels 0 de revenus sont ajustés en fonction de l’âge, du Cameroun Côte Ghana Kenya Malawi Mozam- Rwanda Sierra Ouganda genre, et du milieu rural ou urbain du travail- d’Ivoire bique Leone leur. Ces figures ne doivent pas être interprétées Primaire inachevé Primaire achevé comme représentant les « rendements de l’édu- 1er cycle secondaire achevé, 2e cycle secondaire inachevé 2e cycle secondaire achevé cation », elles reflètent simplement l’association Postsecondaire entre l’éducation et les revenus, et peuvent ne Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir annexe). pas entièrement prendre en compte d’autres Note : Élaboré à partir d’une régression logarithmique des salaires horaires par niveau d’éducation, ajustée en fonction de l’âge, du genre, et du milieu rural ou urbain du lieu de travail. La Figure montre facteurs confondants (l’Encadré 3.1 traite des les différentiels par niveau d’éducation des salaires horaires des salariés (par rapport aux travailleurs difficultés de l’estimation des rendements de sans instruction). La variable dépendante est ln(salaire/nombre d’heures) utilisant l’information des sept derniers jours. Les salaires ont été ajustés en fonction de l’indice local des prix à la consommation l’éducation). (2005 = 100) et de la parité du pouvoir d’achat. Les variables explicatives incluent les variables nomi- nales correspondant aux niveaux d’éducation énumérés ci-dessus, dont la variable nominale « sans instruction » a été exclue. Le salaire moyen des personnes sans instruction ayant été normalisé à zéro, Les revenus ont tendance à peu les salaires ne sont pas représentés en valeur absolue, mais par rapport à ceux des travailleurs sans instruction. Les travailleurs sont âgés de 20 à 64 ans. augmenter avec seulement quelques années d’enseignement primaire Un examen des taux de rendement de l’édu- maires gagnent beaucoup plus que ceux sans cation dans plusieurs pays en développement instruction. L’incrément de revenus associé à conclut que le taux moyen de rendement d’une l’achèvement de l’école primaire varie de 25 % année supplémentaire d’éducation est d’envi- au Ghana à 46 % au Rwanda. Les faibles dif- ron 9 % (Banerjee et Duflo, 2005). En d’autres férentiels de revenus associés aux bas niveaux termes, six années d’enseignement primaire d’éducation constituent un problème grave, produisent un incrément de presque 70 %. parce que la plupart des jeunes occupés dans le Même si les Figures 3.7 et 3.8 ne représentent secteur des entreprises individuelles n’ont pas pas nécessairement des estimations des taux de achevé l’école primaire.2 rendement de l’éducation (Encadré 3.1), elles Dans le secteur salarié, les travailleurs montrent néanmoins une association entre les n’ayant pas achevé l’école primaire gagnent revenus et l’éducation nettement plus faible légèrement plus (10 à 25 % en moyenne) que que celle documentée dans d’autres pays en ceux sans instruction, et la différence n’est sou- développement. Quelques années d’éducation vent même pas statistiquement significative (au de base semblent rapporter des gains de pro- Ghana, au Mozambique et en Sierra Leone).3 ductivité nettement moindres en Afrique que En revanche, les travailleurs salariés qui ont dans d’autres régions. achevé leurs études primaires gagnent systéma- Par exemple, les propriétaires d’entreprises tiquement plus que ceux sans instruction. Les individuelles qui n’ont pas achevé l’école pri- salaires des personnes ayant achevé l’école pri- maire ne gagnent pas beaucoup plus que ceux maire dépassent généralement de plus de 20 % sans instruction, indiquant ainsi que seuls des ceux des travailleurs sans instruction ; l’écart gains minimes de productivité sont associés va même jusqu’à 52 % au Cameroun. Les tra- à quelques années d’enseignement primaire vailleurs salariés ayant achevé le deuxième cycle (Figure 3.7).1 de l’enseignement secondaire gagnent généra- En revanche, les propriétaires d’entreprises lement 100 à 150 % de plus que ceux qui n’ont individuelles qui ont achevé leurs études pri- pas reçu d’instruction. 82 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.1 Estimation des rendements de l’éducation Lorsqu’il existe des différences intrinsèques entre les indivi- liés à l’offre ont influencé les niveaux de scolarité, indépen- dus les plus et les moins instruits, la relation observée entre damment de facteurs confondants tels que l’aptitude. Une les revenus et les niveaux d’éducation cesse d’être une indi- conclusion surprenante est que les rendements de la sco- cation fiable de l’impact causal de la scolarité sur les reve- larité estimés à partir de ces expériences naturelles ne sont nus et la productivité. Par exemple, lorsque les plus instruits pas beaucoup plus faibles que les estimations non ajustées. disposent d’une aptitude innée supérieure à la moyenne, Même si les méthodes quasi expérimentales fondées sur des les différences de revenus constatées entre les personnes « expériences naturelles » ou d’autres techniques écono- ayant des niveaux d’instruction élevés et bas reflètent en métriques n’arrivent pas à éliminer tous les biais résultant partie cette aptitude. Une personne dotée d’une aptitude des variables omises, les estimations, généralement élevées, moyenne et une autre disposant d’une aptitude supérieure à issues de ces études rigoureuses font qu’il est beaucoup plus la moyenne ne peuvent s’attendre à obtenir le même résultat difficile de rejeter l’idée que la scolarité conduit à des gains dans les mêmes études. De même, lorsque les plus instruits de revenus importants. sont plus susceptibles d’être issus de milieux favorisés, les Les pays développés ont produit un vaste ensemble d’es- rendements de l’éducation mesurés peuvent être surestimés, timations des rendements ajustés de l’éducation. Les études dans la mesure où ils englobent les rendements du milieu utilisent tout un éventail de techniques économétriques pour familial. Dans le secteur salarié, ils peuvent également reflé- corriger les problèmes susmentionnés. Les estimations issues ter le cercle des relations sur les marchés du travail, notam- d’études menées dans les pays en développement ont ten- ment parce que les recommandations de membres de la dance à être plus élevées que celles des pays développés, famille semblent particulièrement importantes pour l’obten- mais les pays en développement offrent rarement des possi- tion d’un emploi dans les pays en développement. bilités d’utiliser des données de panel ou d’expériences natu- Les préoccupations concernant le biais résultant de relles pour identifier les effets causaux. L’un des exemples les l’omission de facteurs ou d’effets de sélection ont motivé un plus cités concerne l’impact d’un programme de construc- domaine entier de la recherche à se concentrer sur la mesure tion d’écoles en Indonésie (Duflo, 2001). L’étude a bénéfi- de l’impact causal de l’éducation sur les revenus. Une cié du fait que le programme, lancé en 1974, a nettement approche consiste à prendre en compte les facteurs omis accru les chances de scolarisation des enfants appartenant dans les estimations en introduisant des variables de rem- à différentes cohortes et régions. En examinant les salaires placement (variables « proxys ») dans une analyse de régres- en 1995, l’étude a constaté des rendements de l’éducation sion (par exemple, en utilisant les mesures des compétences allant de 6,8 à 10,6 %, à peu près similaires à ceux constatés cognitives pour obtenir une approximation de l’aptitude dans des études précédentes. Un examen récent des taux de innée). Cette approche ne peut toutefois pas s’appliquer à rendement de l’éducation dans de multiples pays a montré tous les facteurs omis. C’est pourquoi certaines des études que le taux moyen de rendement d’une année supplémen- les mieux considérées ont choisi d’exploiter des exemples taire d’éducation était de presque 9 % (Banerjee et Duflo, d’« expériences naturelles » où les politiques ou les facteurs 2005). Les revenus augmentent plus l’enseignement postsecondaire sont associés à rapidement lorsque le niveau des incréments de revenus encore plus élevés, d’instruction dépasse l’école primaire même si peu de personnes dans le secteur des Contrairement aux gains de revenus limités entreprises individuelles accèdent à ce niveau associés à quelques années d’éducation de base, d’instruction.4 les revenus et les salaires augmentent plus rapi- Ces tendances descriptives concordent avec dement lorsque la scolarité s’étend au-delà du des analyses économétriques plus solides des primaire. Pour les propriétaires d’entreprises questions d’auto-sélection inhérentes à l’esti- individuelles, l’incrément de revenus associé à mation des rendements de l’éducation (Fasih l’achèvement du premier cycle de l’enseigne- et coll., 2012), en particulier en Afrique et dans ment secondaire varie d’environ 35 % au Ghana le secteur des entreprises individuelles.5 Une et en Tanzanie, à environ 60 % au Rwanda et en analyse de sept villes d’Afrique de l’Ouest a Ouganda. Le deuxième cycle du secondaire et mis en évidence de fortes associations entre Compétences pour l’emploi productif 83 Figure 3.9  Relation convexe entre les revenus et l’éducation : Scolarité et revenus en Afrique occidentale urbaine a. Entreprises individuelles b. Emploi salarié privé 1,200 2,500 1,000 Revenus horaires (francs CFA) Revenus horaires (francs CFA) 2,000 800 1,500 600 1,000 400 500 200 0 0 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 Années de scolarité Années de scolarité Lomé Ouagadougou Cotonou Niamey Bamako Abidjan Dakar Source : Kuepie, Nordman et Roubaud, 2009, à partir des enquêtes 1-2-3 sur l’emploi et les revenus en Afrique occidentale urbaine. Reproduit avec l’autorisation des auteurs. Note : Dans l’étude, les entreprises individuelles sont définies comme « des unités de production sans identité fiscale ou statistique, ni comptabilité formelle », étiquetées par les auteurs comme « secteur informel ». Nous utilisons le terme « entreprises individuelles » pour des raisons de cohérence avec la terminologie employée dans ce rapport. l’éducation et les revenus dans les entreprises vont de 10 à 15 %, ceux associés à une année individuelles, ainsi qu’un accroissement des supplémentaire d’enseignement primaire ne incréments de revenus entre les niveaux d’édu- sont que de 3 à 10 % (Bigsten et coll., 2000 ; cation (Figure 3.9 ; Kuepie, Nordman et Rou- Schultz, 2004). Ici aussi, les modèles sont en baud, 2009). Cette étude a notamment conclu accord avec des analyses économétriques plus que les rendements marginaux pour une année solides de l’accroissement des rendements de supplémentaire d’enseignement post-primaire l’éducation, notamment en Afrique occidentale sont plus élevés que ceux associés à une année urbaine (Figure 3.9). supplémentaire d’enseignement primaire. Comme le montre la Figure 3.8, les salariés Les rendements de l’éducation varient ayant achevé le deuxième cycle de l’enseigne- avec le niveau d’instruction ment secondaire gagnent 30 à 155 % de plus Les rendements de l’éducation varient avec le que ceux sans instruction. L’enseignement temps, étant donné que les parts relatives de postsecondaire est associé à un supplément de la population sans instruction, avec un niveau revenu de 70 à 200 % par rapport à l’absence d’instruction primaire ou secondaire évoluent. de scolarité. Comme dans le secteur des entre- Dans d’autres régions du monde, ces chan- prises individuelles, l’incrément de revenus gements ont souvent été accompagnés d’une est nettement plus élevé pour les plus hauts baisse de l’incrément de revenus associé aux niveaux d’éducation (Teal, 2010 ; Soderbom, diplômes d’études primaires ou secondaires. Teal et Harding, 2006 ; Bigsten et coll., 2000). En Inde par exemple, en 1994, l’incrément On estime, par exemple, qu’au Kenya, chaque salarial pour un diplômé de l’enseignement année d’études supplémentaire augmente les primaire était de 50 % par rapport à une per- revenus de 3 % chez ceux qui n’ont que 1 à 7 sonne sans instruction ; en 2010, il était tombé années d’études, de 9 % chez ceux qui ont de 8 à 30 %. L’incrément salarial pour un diplômé à 11 années d’études, et de 24 % chez ceux qui universitaire par rapport à un diplômé du deu- ont 12 années ou plus (Soderbom, Teal et Har- xième cycle du secondaire était de 10 % en 1994 ding, 2006). Une analyse conclut que si les gains contre 36 % en 2010. Des changements analo- de revenus associés à une année supplémen- gues se sont produits dans d’autres pays d’Asie taire d’enseignement secondaire ou supérieur du Sud (Nayar et coll., 2012). En Amérique 84 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne latine, entre le milieu des années 1990 et la fin nouveaux élèves l’acquisition des compétences des années 2000, l’incrément salarial associé à fondatrices dont ils ont besoin. l’achèvement de l’enseignement secondaire par La scolarité vise à développer un assorti- rapport au primaire a systématiquement baissé ment de compétences, notamment la lecture, (par exemple, d’environ 40 % à environ 30 % l’écriture et le calcul, ainsi que des compétences au Brésil et au Pérou), tandis que l’incrément cognitives, socioémotionnelles et comporte- associé aux diplômes de l’enseignement supé- mentales de plus haut niveau. Les compétences rieur a augmenté (Aedo et Walker, 2012). façonnées par le système éducatif expliquent Toutes choses étant égales par ailleurs, en partie l’augmentation des revenus associée à la part croissante de la population africaine une scolarité plus longue. Le fait qu’en Afrique, ayant achevé l’école primaire devrait exercer quelques années de scolarité ne confèrent une pression à la baisse sur l’incrément de qu’une petite augmentation des revenus s’ex- revenus lié à la scolarité. Toutefois, toutes les plique par la qualité médiocre de l’éducation autres choses ne sont pas forcément égales. Les de base ainsi que par d’autres facteurs liés à rendements de l’éducation dépendent de la l’ensemble de l’économie, allant au-delà du qualité de l’enseignement et des compétences système éducatif. En outre, la tendance à l’aug- qu’il dispense, comme décrit dans le reste de mentation du rendement marginal de l’édu- ce chapitre. Les rendements dépendent égale- cation en Afrique suggère que la productivité ment de la demande sur le marché du travail. croît plus rapidement à des niveaux d’éduca- La productivité des travailleurs dotés d’un tion plus élevés, ce qui concorde avec l’idée que niveau de scolarité donné déterminera avec les compétences peuvent se compléter mutuel- quelle efficacité celui-ci se traduira en revenus lement et que « les compétences acquises à une dans l’environnement économique particulier étape accroissent la productivité des investis- où ils exercent leurs compétences. Les Cha- sements aux étapes ultérieures » (Cunha et pitres 4, 5 et 6 abordent les façons d’améliorer Heckman, 2007). Le problème fondamental est les opportunités d’emploi et l’environnement qu’à cause de la qualité médiocre des systèmes des affaires au niveau de la demande sur le mar- d’éducation de base, de nombreux enfants afri- ché du travail. cains n’acquièrent jamais les compétences qui constituent les fondations d’une vie productive. Cette section examine comment les com- Construire des fondations : pétences sont développées par le système édu- compétences cognitives, catif, au cours de la petite enfance et à travers d’autres voies d’apprentissage et possibilités de socioémotionnelles et formation. Les compétences améliorant la pro- comportementales ductivité peuvent être classées comme suit :6 L’emploi productif nécessite de nombreux • Les compétences cognitives de base, telles que types de compétences. Des systèmes éducatifs la lecture, l’écriture et le calcul ; médiocres contribuent à des graves lacunes • Les compétences cognitives de plus haut dans deux ensembles clés de compétences : niveau, telles que la capacité de résolution les compétences cognitives et les compétences de problèmes ou l’analyse critique ; socioémotionnelles et comportementales. Ces • Les compétences comportementales et socioé- lacunes peuvent empêcher les jeunes d’exploi- motionnelles (aussi appelées compétences ter pleinement leur potentiel. Les compétences douces ou compétences de vie), comprenant cognitives, socioémotionnelles et comporte- un large éventail de compétences, telles que mentales constituent les fondements de l’acqui- les compétences sociales, l’autodiscipline, sition de compétences cognitives et techniques la confiance en soi, et le caractère de niveau supérieur à travers l’enseignement consciencieux ; formel, la formation ou la formation en cours • Les compétences techniques ou profes­ d’emploi. Il est urgent d’améliorer la qualité sionnelles, souvent spécifiques à chaque de l’enseignement de base pour garantir aux profession ; Compétences pour l’emploi productif 85 nentes, à travers un enseignement formel sup- • Les compétences en affaires, telles que les compétences entrepreneuriales, les compé- plémentaire, la formation informelle, la for- tences en gestion et littératie financière. mation en cours d’emploi ou d’autres moyens d’apprentissage. Les antécédents des systèmes éducatifs sont catastrophiques en Afrique en ce qui concerne Les systèmes éducatifs de l’Afrique ne la production de ces compétences, y com- pris cognitives. Si la qualité de l’éducation ne transmettent pas les compétences de s’améliore pas rapidement, la productivité et base essentielles les revenus resteront faibles, un problème qui L’amélioration rapide de la scolarisation et du se posera avec d’autant plus d’acuité que les niveau d’instruction s’est indubitablement pro- nouvelles générations d’Africains entreront duite au détriment de la qualité de l’enseigne- à l’école et seront diplômées en plus grand ment. Des données empiriques confirment que nombre. Sans une amélioration substantielle de de mauvais résultats d’apprentissage — à savoir la qualité de l’enseignement, les avantages que quelques années d’études de médiocre qualité, les diplômés du primaire et du premier cycle produisant des élèves sachant à peine lire, écrire du secondaire peuvent espérer récolter sur le et compter — entravent la capacité de l’édu- marché du travail vont certainement diminuer cation à accroître la productivité, même dans à mesure qu’un nombre croissant de diplômés les économies africaines affichant de bonnes rejoindront la population active. Ces résultats performances. Des évaluations des acquis en peuvent être atténués dans une certaine mesure, Afrique montrent que la plupart des élèves du par des améliorations urgentes du système édu- primaire n’ont pas une connaissance de base catif, visant à permettre aux jeunes de dévelop- de la lecture à la fin de la deuxième ou de la per des compétences accroissant réellement la troisième année. Dans plusieurs pays, une pro- productivité. L’éducation n’est évidemment portion très importante des élèves du primaire qu’un point de départ ; les diplômés auront sont illettrés. Par exemple, en 3e primaire, plus aussi besoin d’un environnement économique de 80 % des élèves maliens et plus de 70 % des et des affaires où utiliser leurs compétences de élèves ougandais sont incapables de lire un manière productive. mot unique (Figure 3.10). Les enquêtes auprès La pertinence de l’éventail des compétences des ménages mesurant les capacités de lecture contribuant à la productivité peut varier selon et calcul confirment ces résultats troublants. le secteur d’emploi et d’une occupation à En Tanzanie, par exemple, une évaluation des l’autre. Par exemple, la combinaison de compé- acquis des élèves menée en 2011 a révélé que tences requises pour la productivité dans l’em- 70 % des élèves sortent de deuxième année ploi salarié dépendra de la complexité du tra- sans atteindre les normes fixées pour le calcul vail. Plus le travail est complexe, plus le niveau à ce niveau (Uwezo Tanzanie, 2011). Des éva- des compétences cognitives a de l’importance. luations réalisées au Kenya et en Ouganda ont Le raisonnement analytique est une exigence révélé des insuffisances similaires dans les com- absolue pour les professeurs et les scientifiques, pétences cognitives des élèves. mais l’est moins pour les travailleurs débutants Même les jeunes qui finissent leurs études ou « semi-qualifiés ». Les compétences tech- primaires ont un faible niveau de compétences niques et professionnelles sont indispensables de base. Une évaluation régionale menée en dans les emplois techniques. D’autres caracté- 2007 dans le cadre du Consortium de l’Afrique ristiques de la personnalité comme « l’ouver- australe et orientale pour le pilotage de la qua- ture à l’expérience » et « l’agréabilité » ont lité de l’éducation (SACMEQ) a révélé que démontré leur importance dans certaines car- 43 % des élèves de sixième primaire en Tan- rières (Cobb-Clark et Tan, 2010). La première zanie et 74 % au Mozambique n’avaient pas étape n’en reste pas moins une éducation de dépassé le niveau des « compétences de base base d’une qualité suffisante pour donner aux en calcul », tandis que 44 % au Mozambique jeunes des bases leur permettant d’acquérir étaient incapables de « lire et comprendre » plus tard un éventail de compétences perti- (Figure 3.11). Les résultats du premier cycle 86 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 3.10  La faible capacité en lecture dans les premières années est alarmante a. Élèves incapables de lire un seul mot b. Élèves incapables de lire au moins dans un paragraphe simple 45 mots par minute 90 90 80 80 70 70 60 60 Pourcentage Pourcentage 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Ghana Libéria Sénégal Gambie a a ia ali al al bie a an ny nd ér g g M m né né Ke Gh Lib ga Ga Sé Sé Ou 3e année Fin de 2e année Fin de 3e année 5e année 6e année Sources : Cloutier, Reinstadtler et Beltran, 2011 ; Gove et Cvelich, 2010. Note : Ces résultats ne concernent que les élèves qui ont poursuivi leurs études. Ceux qui les ont abandonnées (qui auraient obtenu des résultats encore plus bas à ces évaluations) ont été exclus de ces calculs. Les nombreux jeunes ayant abandonné l’école primaire et dépour- vus des connaissances les plus élémentaires, notamment en lecture et en calcul, sont en grande partie ceux qui trouveront un emploi dans l’agriculture et les entreprises individuelles. Figure 3.11  À la fin de l’école primaire, de nombreux élèves ne maîtrisent même pas les compétences de base : résultats du SACMEQ 2007 pour les acquis en mathématiques et en lecture a. Mathématiques b. Lecture Tous Tous Zambie Malawi Malawi Zambie Namibie Lesotho Lesotho Afrique du Sud Ouganda Ouganda Mozambique Mozambique Zanzibar Namibie Afrique du Sud Zimbabwe Zimbabwe Botswana Botswana Seychelles Swaziland Zanzibar Tanzanie Maurice Seychelles Kenya Kenya Tanzanie Maurice Swaziland 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 Pourcentage Pourcentage Niveau préliminaire, émergent et de base en calcul Niveau préliminaire, émergent et de base en lecture (niveaux 1, 2 et 3) (niveaux 1, 2 et 3) Compétences fondamentales en calcul (niveau 4) Lecture et compréhension (niveau 4) Compétences solides et plus (niveaux 5, 6, 7 et 8) Interprétation et plus (niveaux 5, 6, 7 et 8) Source : Hungi et coll., 2010. du SACMEQ (en 2003) étaient généralement au dernier cycle (en 2011) d’évaluations de similaires. l’apprentissage à l’échelle mondiale, l’Étude Au-delà de l’école primaire, les acquis des des tendances internationales en mathéma- élèves restent préoccupants. Le Botswana, le tiques et en sciences (TIMSS — Trends in Ghana et l’Afrique du Sud ont tous participé International Mathematics and Science Study). Compétences pour l’emploi productif 87 Figure 3.12  Les élèves du secondaire en Afrique tions et des graphiques de base »), un objectif subsaharienne ont des résultats médiocres aux peu ambitieux si on tient compte de l’année à évaluations internationales comparables : résultats TIMSS pour les mathématiques, 2011 laquelle ce test était administré. (La moyenne internationale est de 25 % ; le résultat était de Rép. de Corée 67 % pour les élèves indonésiens et de 45 % Moyenne pour les élèves jordaniens.) internationale Les enfants scolarisés acquièrent trop lente- Malaisie ment des compétences. Les acquis accumulés Chili en une année sont trop faibles. Les enquêtes auprès des ménages incluant des mesures de Jordanie compétences similaires pour tous les enfants, Botswana quelle que soit l’année d’études dans laquelle Indonésie ils sont, illustrent ce phénomène. Les courbes Afrique d’apprentissage montrent la lenteur avec du Sud laquelle les enfants scolarisés acquièrent des Ghana compétences. Une étude réalisée en Guinée- Bissau, qui évaluait les compétences de base en 100 80 60 40 20 0 20 40 60 80 100 lecture et calcul en fonction de l’âge des enfants % des élèves (Figure 3.13), montre que seule la moitié des < 400 (faible) 400–625 (intermédiaire élevé) enfants de huit ans reconnaissent les chiffres, et > 625 (avancé) que moins de la moitié des enfants de neuf ans Source : Mullis et coll., 2012. reconnaissent les lettres de l’alphabet (Boone Note : Élèves évalués en huitième année au Ghana et en neu- et coll., 2013). Les acquis en lecture et calcul ne vième année au Botswana et en Afrique du Sud. s’améliorent que très lentement avec l’âge. Un jeune moyen de 16 ans est encore incapable de Parmi les élèves de huitième année (Ghana) lire un paragraphe et de soustraire un nombre et de neuvième année (Botswana et Afrique à un chiffre d’un nombre à deux chiffres. Ces du Sud) évalués, 79 % des Ghanéens et 76 % courbes d’apprentissage plates sont largement des Sud-Africains n’avaient pas dépassé le plus répandues : 351 écoles ont été visitées dans bas niveau de maîtrise référencé en mathéma- le cadre de l’étude réalisée en Guinée-Bissau, tiques (Figure 3.12).7 En d’autres termes, tous et dans seulement six d’entre elles, un élève ces élèves n’avaient pas atteint le seuil mini- moyen arrivait à lire un paragraphe tandis mal de maîtrise (« une certaine connaissance que dans aucune, il n’arrivait à multiplier ou des nombres entiers et décimaux, des opéra- diviser. Figure 3.13  Les courbes d’apprentissage par âge sont plates en Guinée-Bissau a. Acquis en lecture b. Acquis en calcul 8 Un élève moyen Un élève moyen 12 Un élève moyen Un élève moyen Un élève moyen Un élève moyen de 11 ans peut de 14 ans peut de seize ans peut de 11 ans de 14 ans peut de 16 ans ne 7 reconnaître reconnaître des reconnaître et 10 ne peut pas additionner peut pas Résultat au test de lecture Résultat au test de calcul 6 des lettres, mais mots, mais a du comprendre des additionner deux chiffres, soustraire un pas des mots mal à les mots, mais ne deux chiffres mais pas nombre à un 8 5 comprendre peut pas lire un un nombre chiffre d’un Moins de paragraphe La moitié à deux chiffres nombre à deux 4 la moitié des 6 seulement et un chiffres élèves de neuf des élèves nombre à 3 ans peuvent de huit ans 4 un chiffre reconnaître des peut reconnaître 2 les chiffres lettres de l’alphabet 2 1 0 0 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 Âge (ans) Âge (ans) Source : Boone et coll., 2013. Reproduit avec l’autorisation des auteurs. 88 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Les courbes d’apprentissage sont plates non très lente. Les élèves les moins performants au seulement pour les compétences de base en premier cycle du secondaire (25e percentile) lecture, écriture ou calcul, mais aussi pour une ont à peu près les mêmes performances que la série d’autres compétences cognitives, telles que personne médiane (50e percentile) n’ayant que les langues, les mathématiques et la résolution quelques années d’école primaire. Ces consta- de problèmes. La Figure 3.14 illustre comment tations concordent avec les résultats d’une les compétences en résolution de problèmes autre analyse utilisant les données TIMMS sont associées au niveau de scolarité dans des pour produire les courbes d’apprentissage, très échantillons provenant du Ghana, du Malawi plates au Ghana (Pritchett, 2013). Elles le sont et de l’Afrique du Sud. Les courbes d’apprentis- également pour les compétences de résolution sage du Ghana montrent que le niveau médian de problèmes au Malawi et en Afrique du Sud des compétences de résolution de problèmes (Figure 3.14). Dans l’ensemble, au Malawi, est plus élevé pour les personnes ayant une plus pour un niveau de scolarité donné, les com- longue scolarité. Toutefois, l’augmentation est pétences en résolution de problèmes varient Figure 3.14  Les courbes d’apprentissage par niveau de scolarité sont plates : résultats à des tests dans des pays africains sélectionnés, par niveau de scolarité a. Ghana b. Malawi Résultats normalisés des tests (écarts-types) Résultats normalisés des tests (écarts-types) 2.0 2.0 1.5 1.5 1.0 1.0 0.5 0.5 0.0 0.0 –0.5 –0.5 –1.0 –1.0 –1.5 –1.5 Aucun Quelques Primaire Premier Deuxième Enseigne- Aucun Primaire Premier Deuxième années cycle du cycle du ment cycle du cycle du primaires secondaire secondaire supérieur secondaire secondaire 25e percentile 50e percentile 50e percentile c. Afrique du Sud Résultats normalisés des tests (écarts-types) 2.0 1.5 1.0 0.5 0.0 –0.5 –1.0 –1.5 5 6 7 8 9 10 11 12 Année d’études Niveau 2/3 Niveau 3/4 (ancré sur la 8e année) Sources : Calculs tirés de l’enquête 2004 du Ghana sur les conditions de vie, du groupe témoin du pilote Zomba au Malawi et de l’enquête nationale 2008 sur la dynamique des revenus en Afrique du Sud. Note : Les résultats normalisés des tests diffèrent et ne peuvent être comparés entre les pays. En Afrique du Sud, des tests différents ont été administrés à des niveaux scolaires différents ; les résultats aux deux tests sont ancrés sur la 8e année. Compétences pour l’emploi productif 89 fortement entre les élèves, tandis que l’accu- chance. Celle-ci peut aider le nombre impor- mulation des compétences au cours de la sco- tant des jeunes travailleurs ayant déjà aban- larité stagne autour d’un niveau généralement donné leurs études, mais elle est potentielle- bas. Les écoles africaines ne transmettent pas ment coûteuse et a eu un succès mitigé (voir efficacement les compétences de base en calcul Encadrés 3.2 et 3.3). ou en lecture/écriture, et encore moins d’autres Pour que les écoliers actuels et futurs compétences cognitives telles que la résolution puissent travailler de façon productive à l’avenir, de problèmes et l’analyse critique. il est prioritaire de s’attaquer immédiatement aux lacunes de l’apprentissage dans l’enseigne- Des compétences cognitives médiocres ment de base. Il ne sera pas facile d’améliorer la contribuent à des résultats médiocres qualité de celui-ci. Les enquêtes dans les écoles en matière d’emploi révèlent des failles considérables dans la pres- Parce que les rendements de la scolarité tation des services. Par exemple, l’absentéisme dépendent considérablement de la qualité de des enseignants est de l’ordre de 16 à 20 % au l’éducation (Card, 1999), ceux de l’éducation cours d’un jour donné au Kenya, au Sénégal et de base resteront faibles tant que de nouvelles en Tanzanie ; les élèves du primaire de ces pays cohortes de jeunes entreront dans la popula- ne bénéficient que de 2 à 3 heures d’apprentis- tion active avec un niveau de scolarité plus sage par jour.10 Il est capital de réformer le cadre élevé, mais des compétences toujours limitées. de redevabilité qui permet à ces mauvaises Des études cherchant à isoler le rendement des performances de persister (Banque mondiale, compétences cognitives des autres effets que 2003 ; Bruns, Filmer et Patrinos, 2011). Une la scolarité pourrait avoir sur les revenus ont meilleure information sur les performances montré une forte corrélation — y compris en doit être accompagnée d’approches ciblées Afrique.8 Par exemple, une étude approfondie renforçant la participation des personnes les des salariés au Ghana a observé que les compé- plus affectées : les élèves et leurs parents. Des tences cognitives ont des effets positifs impor- mesures pour s’assurer que les enseignants sont tants sur les salaires. Une étude antérieure des bien préparés à donner leurs cours et soutenus salariés urbains au Kenya et en Tanzanie a pro- dans leurs tâches sont indispensables pour créer duit des résultats similaires (Glewwe, 2002). un cadre de professionnels très performants. Des données récentes du Kenya décrivent la Les connaissances des enseignants et leur com- chaîne causale reliant la scolarité aux compé- portement constituent la pierre angulaire d’un tences cognitives puis aux résultats en matière enseignement et d’un apprentissage de qualité. d’emploi.9 À l’âge adulte, les diplômés du Le développement des écoles privées en Afrique secondaire obtenaient des résultats aux tests de (offrant des performances supérieures souvent vocabulaire et de raisonnement sensiblement à moindre coût) ne doit pas être étouffé, mais meilleurs que les non-diplômés comparables. plutôt encouragé et canalisé afin de donner à Les résultats aux tests étaient plus élevés de plus d’élèves la possibilité d’apprendre. De telles 0,6 écart-type, ce qui constitue un effet impor- stratégies devraient être déployées en même tant. Au milieu de la vingtaine, les personnes temps que les efforts visant à s’assurer que les ayant achevé leurs études avaient environ 50 % enfants sont préparés à l’apprentissage lorsqu’ils de chance en moins d’exercer une activité indé- entrent à l’école. pendante peu qualifiée que celles qui ne les avaient pas terminées, et elles avaient environ Les enfants acquièrent des 30 points de pourcentage de plus de se retrou- compétences cognitives et ver dans l’emploi formel. socioémotionnelles limitées avant Comment les pays africains peuvent-ils d’entrer à l’école résoudre le problème de l’accumulation limi- Déjà avant l’entrée à l’école, on observe des tée des compétences cognitives ? Pour ceux qui signes de retard cognitif chez les enfants afri- ont abandonné leurs études, en particulier les cains. Des données de la République démocra- travailleurs plus jeunes, une option consiste à tique du Congo, du Nigéria, de la Sierra Leone améliorer l’accès à l’éducation de la deuxième et du Togo montrent que les jeunes enfants 90 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.2 Une deuxième chance d’éducation pour les jeunes Africains De nombreux jeunes d’Afrique n’ont pas achevé l’enseigne- sont : 1) les programmes d’apprentissage accéléré ; 2) les pro- ment de base et sont dépourvus de compétences en lecture, grammes d’enseignement non formel ; et 3) les programmes écriture et calcul. Au cours de l’année scolaire se terminant d’équivalence. Bien que l’éducation non formelle des adultes 2010, on a estimé qu’en Afrique subsaharienne, 23 % et les programmes transmettant des compétences tech- (31 millions) des 132 millions d’enfants en âge d’école pri- niques, professionnelles et de vie soient parfois qualifiés de maire (5 à 14 ans) n’allaient pas à l’école ou n’y étaient programmes d’éducation de la deuxième chance, ce rapport pas inscrits.a Une grande partie des enfants ne fréquentent les considère séparément. jamais l’école (28 % des jeunes de 25 à 34 ans n’y sont jamais Les programmes d’apprentissage accéléré (PAA) offrent entrés). Beaucoup de ceux qui réussissent à y aller aban- aux enfants et aux jeunes une possibilité de rattrapage en donnent après seulement quelques années (Figure B3.2.1). une courte période (Mattero, 2010). Ils font appel à des Comme le montrent les tests des acquis scolaires, lorsque la méthodes intenses et souples ou à des horaires particuliers pour achever le programme scolaire plus rapidement que Figure B3.2.1  Proportion des élèves de 15 à 19 ans ayant dans l’enseignement classique et aider les jeunes à réintégrer achevé chaque année le système d’enseignement primaire ou secondaire formel. Ces programmes sont courants dans les pays où la scola- 100 rité des enfants a été interrompue par des conflits armés ou d’autres types de bouleversements sociaux : 80 République du Soudan du Sud. Les PAA offrent une édu- •   cation de base à ceux qui n’ont pas eu l’occasion d’aller Pourcentage 60 à l’école pendant la guerre civile. Les huit années du pri- maire sont réduites à quatre. Ces programmes font partie 40 d’un large système d’éducation alternative qui atteint plus de 165 000 élèves (pour la plupart de 12 à 18 ans), soit à 20 peu près autant que les élèves de quatrième primaire des écoles de l’ensemble du pays (Gouvernement du Soudan 0 du Sud, 2011). 0 2 4 6 8 10 Sierra Leone. Le programme Complementary Rapid Edu- •   Année d’études cation Programm for Schools, mis en œuvre dans trois districts, a réduit le programme scolaire traditionnel et Burkina Faso Sénégal Éthiopie appliqué des stratégies pédagogiques particulières pour Rép. dém. du Congo Malawi Ouganda permettre aux enfants de 10 à 16 ans d’accomplir en trois Source : Sur la base des données de l’enquête démographique et de santé, ans maximum le cycle primaire de six ans. sauf pour la République démocratique du Congo qui est basée sur l’Enquête Nord du Ghana. Le programme School for Life, décrit •   en grappes à indicateurs multiples. dans l’Encadré 3.3, a été mis en œuvre pour faire face à un manque d’enseignants dans les zones où le taux qualité de l’enseignement est médiocre, la scolarité formelle d’alphabétisation des 12 à 18 ans n’était que de 5 %. Le n’est pas une garantie que les élèves disposeront des compé- programme a recruté des enseignants bénévoles ayant tences de base en lecture, écriture et calcul. quelques années d’instruction secondaire à leur actif et Les données concernent 2010 ou 2011 (http://econ. leur a offert de modestes incitations ainsi qu’une brève worldbank.org/projects/edattain). Les programmes d’éduca- formation initiale pour donner cours aux jeunes non tion de la deuxième chance offrent la possibilité de rame- scolarisés. ner vers l’école les enfants en âge scolaire et de doter les jeunes des compétences de base en lecture, écriture et calcul Les programmes d’enseignement non formel offrent aux requises pour un emploi productif. Ils permettent aux indi- jeunes une instruction équivalente à l’éducation formelle, en vidus d’achever leur cursus primaire ou secondaire général, se concentrant sur les besoins d’apprentissage essentiels et soit en remplaçant l’enseignement formel, soit en offrant des les compétences de base telles que la lecture, l’écriture, l’ex- « passerelles » permettant d’y retourner (Mattero, 2010). pression orale, le calcul et la résolution de problèmes (Delors, Les principaux types de programmes de la deuxième chance 1996). Les programmes d’enseignement non formel vont (suite) Compétences pour l’emploi productif 91 Encadré 3.2 (suite) de quelques mois à plusieurs années et sont offerts à temps taux d’abandon scolaire des filles au cours de l’année aca- plein ou partiel. Ils sont normalement dispensés en face à face démique 2010–2011 ont été de 52 % dans les PAA contre dans des établissements scolaires formels et des centres d’ap- environ 20 % dans les écoles formelles (Gouvernement du prentissage, mais ils peuvent également être délivrés en ligne Soudan du Sud, 2011). Les résultats sont meilleurs pour les (e-learning) ou par la radio. Les écoles communautaires sont garçons, avec seulement 5 % d’abandon dans les PAA contre un exemple bien connu de programmes d’enseignement non environ 25 % dans les écoles formelles. En Zambie, les élèves formel en Afrique. En Zambie, les écoles communautaires des écoles communautaires ont obtenu de bons résultats aux accueillent des étudiants de 14 ans et plus, qui sont vulné- tests des acquis en mathématiques et en anglais par rapport rables, orphelins ou incapables d’assumer les coûts associés aux élèves des écoles publiques. Les élèves qui fréquentaient à la scolarisation formelle. Au Mali, les écoles communau- les écoles communautaires au Mali ont obtenu de meilleurs taires destinées initialement aux adultes ont été ouvertes aux résultats aux examens de fin d’études que leurs homologues enfants ruraux pour leur offrir six années d’enseignement pri- des écoles publiques (DeStefano et coll., 2006). maire. En Érythrée, dans le cadre de l’éducation de base pour Les études indiquent que les coûts par apprenant tous (les filles, en particulier), un programme d’Enseignement peuvent être plus élevés dans les programmes de la deu- élémentaire complémentaire appuyé par l’UNICEF a fourni xième chance que dans les écoles publiques traditionnelles un enseignement non formel aux enfants et jeunes (de 10 à (Tableau B3.2.1), mais l’information limitée sur les résul- 14 ans) qui n’ont pas eu la chance d’achever un programme tats finaux rend difficile l’évaluation de leur rapport coût- scolaire primaire de cinq ans. efficacité. Beaucoup plus de données seraient nécessaires Les programmes d’équivalence sont des programmes pour comprendre la façon dont ces programmes peuvent d’enseignement non formel délivrant des qualifications équi- rentablement développer les compétences et accroître la valentes à celles obtenues dans l’enseignement formel. Ils productivité et les revenus des jeunes. ciblent les jeunes qui ont abandonné leurs études primaires ou secondaires et leur décernent des diplômes certifiant que Tableau B3.2.1  Coût par élève dans les programmes le titulaire a démontré son aptitude à lire, écrire, penser et d’éducation de la deuxième chance et les écoles publiques formelles calculer au niveau pour lequel le diplôme est octroyé (Boe- sel, Alsalam et Smith, 1998). L’admission, l’âge, le lieu et le Coût annuel par Pays et type d’enseignement élève (dollars EU) rythme des programmes d’équivalence peuvent varier, de même que leur mode d’enseignement, qui peut être en face- Ghana à-face ou à distance. School for Life 39 Les preuves systématiques de l’efficacité des programmes Écoles publiques 27 de la deuxième chance sont assez limitées et mitigées. En Mali Sierra Leone, les élèves inscrits aux PAA ont invariablement obtenu de meilleurs résultats que ceux des écoles tradition- Écoles communautaires 47 nelles, avec un taux de réussite de 91 % aux tests des acquis Écoles publiques 30 de niveau primaire. Au secondaire, les élèves ont progressé Zambie à des taux similaires (Nicholson, 2006). Pour les élèves ins- Écoles communautaires 39 crits au programme School for Life du Ghana, le retour vers le système formel est proche de 90 % (DeStefano et coll., Écoles publiques 67 2006). Par contre, en République du Soudan du Sud, les Source : DeStefano et coll., 2006. a. UNESCO 2012. acquièrent des compétences cognitives plus que d’autres. Par exemple, l’accumulation lentement qu’espéré (Figure 3.15). Des retards des compétences cognitives pendant la petite sont déjà perceptibles à 36 mois et s’accentuent enfance est liée au statut socioéconomique des à mesure que les enfants grandissent (Naudeau ménages. Le niveau de compétences cognitives, et coll., 2010). Certains enfants acquièrent telles que le langage réceptif et la mémoire, sont néanmoins des compétences plus rapidement moins bons chez les enfants issus des ménages 92 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.3 Programme School for Life d’éducation de la deuxième chance au nord du Ghana School for Life (SfL) offre un cycle d’alphabétisation de locales, pour permettre aux élèves d’assurer leurs tâches neuf mois dans leur langue maternelle à des enfants de 8 à quotidiennes ; et la formation se déroule, après les heures 14 ans. Le programme scolaire vise à satisfaire aux exigences de cours, dans les salles de classe de l’école primaire, afin de des trois premières années du système scolaire formel et à maintenir un lien avec l’enseignement formel. assurer la transition des participants vers le système formel La portée du programme est large et croissante. Environ après l’obtention de leur diplôme. Les facilitateurs (béné- 800 facilitateurs ont desservi 20 000 apprenants dans 17 dis- voles choisis par la communauté) reçoivent une formation tricts en 2012–13, contre 10 000 apprenants dans 9 districts initiale intensive de trois semaines, complétée par des ate- l’année précédente. La grande majorité des participants liers et une formation de suivi. Les communautés fournissent achèvent le programme — le taux d’obtention des diplômes leurs propres enseignants ou facilitateurs, qui savent lire et a été de 97 % en 2011–12 — et la plupart rejoignent le écrire dans la langue de la communauté. Celle-ci est utili- système scolaire formel (90 % de la cohorte 2011–12 sont sée à la fois pour l’alphabétisation et l’enseignement, et la entrés à l’école primaire après avoir quitté SfL). communauté est activement impliquée. Le calendrier et les horaires scolaires sont flexibles et adaptés aux conditions Sources : CREATE, 2010 ; DfID, 2012. Figure 3.15  Les compétences cognitives croissent lentement, surtout chez les plus pauvres a. République démocratique du Congo b. Nigéria 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 35 40 45 50 55 60 35 40 45 50 55 60 Âge (mois) Âge (mois) c. Sierra Leone d. Togo 100 100 80 80 Pourcentage Pourcentage 60 60 40 40 20 20 0 0 35 40 45 50 55 60 35 40 45 50 55 60 Âge (mois) Âge (mois) Plus pauvres 40 % Plus riches 20 % Source : Sur la base des données de l’Enquête en grappes à indicateurs multiples (MICS) 4. Note : Les graphiques montrent la proportion des répondants capables d’effectuer deux des trois tâches suivantes : identifier ou nommer au moins 10 lettres de l’alphabet ; lire au moins quatre mots populaires simples ; nommer et reconnaître les symboles de tous les chiffres de 1 à 10. Compétences pour l’emploi productif 93 plus pauvres que chez ceux issus des ménages Tableau 3.1  Tâches de développement, par âge plus aisés. En outre, l’écart dans les compé- Âge Période de la vie Tâches de développement tences cognitives observé entre les pauvres et les 0–1 Petite enfance Établir (sécuriser) des relations d’attachement non-pauvres se creuse avec l’âge. De tels résul- 1–3 Petite enfance Apprendre à explorer et à communiquer tats sont uniformément observés dans toute la 3–5 Petite enfance Apprendre à maîtriser ses propres pensées, région, comme le montrent des études menées comportements et émotions notamment à Madagascar et au Mozambique 6–12 Moyenne enfance Apprendre et raisonner, développer des compé- ainsi que dans d’autres parties du monde.11 tences de résolution des problèmes interperson- Les retards dans le développement de la petite nels et sociaux enfance peuvent affecter les personnes durant 13+ Adolescence et début de l’âge adulte Acquérir de l’autonomie (renégocier les relations), former l’identité, fixer et atteindre des objectifs toute leur vie, notamment en limitant la pré- Source : Wuermli et coll., 2012. paration à la scolarité et en ralentissant l’accu- mulation des compétences à l’école (Shonkoff et Phillips, 2000). De multiples facteurs contribuent à la len- stressantes telles que les conflits ou d’autres teur de l’acquisition des compétences durant chocs peuvent aussi provoquer des troubles du la petite enfance. La nutrition en est un, mais comportement et affecter le développement les pratiques parentales et la stimulation sont socioémotionnel, en entraînant de la dépres- aussi très importantes. Une mauvaise nutrition sion, de l’anxiété ou un manque d’estime de durant la petite enfance peut entraver l’accu- soi. Les pratiques parentales et la stimulation mulation des compétences cognitives12 et affec- psychosociale contribuent à façonner ces ter les compétences en lecture ou en résolution compétences socioémotionnelles, comme l’a de problèmes à l’âge adulte (Maluccio et coll., démontré un programme préscolaire récent au 2009). Les pratiques parentales et la stimulation Mozambique, dont les enfants participants ont psychosociale façonnent elles aussi les compé- fait preuve d’une plus grande maturité émo- tences cognitives et socioémotionnelles. Les tionnelle, y compris en matière de maîtrise de programmes encourageant en même temps la soi (Martinez, Naudeau et Pereira, 2012). stimulation et la nutrition se sont avérés plus efficaces que ceux ne visant que l’améliora- Les compétences socioémotionnelles tion de la nutrition. Ils accroissent également et comportementales sont une partie les compétences et les revenus à l’âge adulte négligée des compétences nécessaires (Grantham McGregor et coll., 2007 ; Gertler à la productivité et coll., 2013). Au Mozambique, un récent pro- Les compétences socioémotionnelles et com- gramme préscolaire a conduit à des gains dans portementales soutiennent et complètent les la préparation à l’école et à des améliorations compétences cognitives pour améliorer la pro- dans une série de compétences cognitives. Des ductivité, mais sont souvent négligées. Les com- effets similaires sur les compétences de la petite pétences socioémotionnelles se développent au enfance ont été relevés dans d’autres pays en cours de la petite et moyenne enfance. Les com- développement pour des interventions centrées pétences sociales sont consolidées par l’aug- sur l’amélioration des pratiques parentales mentation des interactions et la socialisation et la stimulation, à travers des visites à domi- à l’école et dans les communautés (Lundberg cile, des centres communautaires ou des écoles et Wuermli, 2012). À l’adolescence, les jeunes maternelles.13 affinent leurs compétences sociales, deviennent La petite enfance est également un moment de plus en plus autonomes, et se forgent une critique pour le développement des compé- identité (voir Chapitre 2). En fonction du tences socioémotionnelles et comportemen- contexte dans lequel ils vivent, notamment des tales, notamment celles requises dans la for- attentes sociales de leur entourage, les adoles- mation de relations, la communication ou cents donnent forme à leurs aspirations et se la socialisation et la maîtrise de ses propres fixent des objectifs. En même temps, ils vivent comportements et émotions (Tableau 3.1 ; de profondes évolutions socio­ émotionnelles Lundberg et Wuermli, 2012 ; Tubbs et McCoy, qui peuvent ébranler leur confiance en eux ou 2012 ; Aber et Jones, 1997). Les expériences leurs capacités à se maîtriser eux-mêmes, et les 94 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 3.16  Les compétences comportementales attitudes ou des aspirations. Elles sont quel- prennent plus de temps à se développer que les quefois liées à des traits de personnalité tels compétences cognitives que les « big five » : l’extraversion, la stabilité 70 émotionnelle, l’agréabilité, la conciencieusité Résultat en % au niveau de l’adulte moyen et l’ouverture à l’expérience. Ces traits peuvent 60 continuer à évoluer à l’âge adulte (Roberts et 50 Mroczek, 2008). 40 Des compétences socioémotionnelles et comportementales comme la maîtrise de soi 30 ont été associées au niveau d’instruction, et il 20 a été démontré que des qualités telles que la confiance en soi, les compétences sociales ou la 10 stabilité émotionnelle affectent les résultats en 0 matière d’emploi (Heckman, Stixrud et Urzua, 10–11 12–13 14–15 16–17 18–21 22–25 26–30 2006). En fait, la recherche qualitative et les Âge (ans) enquêtes auprès des employeurs de divers pays Compétences cognitives Maturité psychosociale africains montrent qu’ils cherchent des jeunes Source : Steinberg et coll., 2009. Reproduit avec la permission travailleurs dotés de compétences douces. des auteurs Au Botswana, les employeurs disaient être à la recherche de travailleurs ayant des compé- tences telles que « l’honnêteté, l’engagement rendre vulnérables à la dépression, à l’anxiété et la capacité de travailler dur, la fiabilité et la ou aux comportements à risque (Lundberg et ponctualité, des capacités de communication, Wuermli, 2012). Longtemps après l’acquisi- et l’esprit d’équipe » (Banque mondiale, 2012a). tion des aptitudes cognitives, les compétences Au Lesotho, les employeurs classent les compé- socioémotionnelles et comportementales tences douces (les « caractéristiques person- restent malléables, reflétant les nombreux nelles appropriées ») parmi les plus difficiles à changements et transitions caractéristiques trouver chez des employés potentiels. Parmi les de l’adolescence. Les compétences cognitives compétences douces qu’ils recherchent lors du sont largement acquises avant l’âge de 15 ans, recrutement de spécialistes ou de travailleurs alors que de nombreuses compétences com- qualifiés, les employeurs considèrent « la ponc- portementales ne le sont qu’entre 15 et 30 ans tualité et la fiabilité » ainsi que « l’honnêteté (Figure 3.16). et la fiabilité » comme les plus importantes.14 La psychologie étudie depuis longtemps les En Sierra Leone, des discussions de groupe ont domaines du comportement humain. Dans révélé que les jeunes sont perçus comme man- la pratique, les compétences socioémotion- quant des« attitudes professionnelles » requises nelles et comportementales sont utilisées pour dans l’emploi formel, telles que la ponctualité désigner un large ensemble de « compétences et la capacité de suivre les instructions (Peeters douces » ou « compétences de vie », qui en est et coll., 2009). arrivé à englober un mélange de compétences Les compétences comportementales ainsi que de caractéristiques individuelles comptent également dans les entreprises indi- moins bien définies telles que les compé- viduelles pour de nombreuses raisons, en par- tences sociales, la maîtrise de soi, la capacité ticulier la dépendance de l’entreprise vis-à-vis à se fixer des objectifs, l’initiative personnelle, des compétences de son propriétaire, qui en est l’orientation vers la réussite, la proactivité, le également souvent l’unique travailleur (Cha- sens de l’organisation, la pratique délibérée ou pitre 5). En Afrique du Sud et au Zimbabwe, la confiance en soi. Parfois, les compétences par exemple, « l’esprit d’entreprise » du pro- comportementales comprennent également priétaire, mesuré par l’initiative personnelle des compétences de vie liées à l’évitement des (proactivité et persistance) et l’orientation vers comportements à risque, ainsi que des mesures la réussite (sens des responsabilités dans son plus générales de bien-être psychologique, des propre travail, capacité de relever des défis et Compétences pour l’emploi productif 95 de se fixer des objectifs personnels), est associé compétences cognitives peut être relativement de manière positive à la réussite dans l’exploi- plus élevée, même si les compétences douces tation d’une petite entreprise.15 En Ouganda, comptent également (Almlund et coll., 2011). un lien similaire a été établi entre l’initia- Pour les emplois salariés, deux caractéristiques tive personnelle et la réussite des entreprises personnelles semblent avoir, en particulier, un (Koop, De Reu et Frese, 2000, cité dans Krauss fort pouvoir prédictif des performances au et coll., 2005). Une autre étude a souligné com- travail et des salaires : le caractère conscien- ment le « caractère délibéré » des propriétaires cieux (souci du travail bien fait, tendance à être d’entreprise est lié à la réussite. Les exemples organisé, responsable et travailleur) et la stabi- concernent le rôle des compétences en matière lité émotionnelle. Presque toutes ces données de « planification bien conçue et proactive » en proviennent des pays développés, bien que des Namibie, en Afrique du Sud et au Zimbabwe constatations analogues commencent à être (Frese et coll., 2007) et de la « pratique délibé- faites dans les pays en développement. Une rée » (des activités contrôlées par la personne récente étude menée au Pérou montre que les elle-même, intensives et répétées démon- compétences cognitives et la persévérance, une trant une envie d’acquérir des connaissances) compétence comportementale, ont des effets en Afrique du Sud (Unger et coll., 2009). La similaires sur les revenus dans l’emploi salarié maîtrise de soi — une compétence compor- (Encadré 3.4). tementale soutenue par des capacités cogni- Dans l’ensemble, les compétences socio­ tives — semble également avoir une influence émotionnelles et comportementales sont impor- importante sur l’épargne et l’investissement tantes pour la productivité. Elles peuvent être des propriétaires d’entreprises individuelles au façonnées durant la petite enfance, par l’édu- Kenya (Dupas et Robinson, 2013). cation, ainsi que par une série d’expériences et Malgré l’importance reconnue des compé- de programmes à l’adolescence et à l’âge adulte. tences comportementales, on ne connaît pas L’efficacité relative des différentes approches de encore très bien celles qui comptent le plus développement de ces compétences doit être ni dans quelle mesure chacune est nécessaire mieux comprise et constitue un domaine qui pour les différents secteurs et occupations. Aux mérite une attention des politiques. États-Unis, de nouvelles recherches suggèrent que les compétences comportementales n’ont La scolarité peut contribuer au pas toutes la même importance pour les diffé- rents types d’emploi ou les tâches relativement développement des compétences peu qualifiées. Par exemple, la sociabilité (ou socioémotionnelles et « extraversion ») a des rendements plus élevés comportementales dans le secteur des services, en particulier dans Le lien entre l’éducation et les compétences les emplois liés à la vente, que dans le travail comportementales est complexe. Ces der- manuel non qualifié (Almlund et coll., 2011 ; nières sont en partie associées aux résultats en Fletcher, 2012). matière d’emploi à cause de leur effet positif L’importance relative des compétences sur le niveau d’instruction, ainsi que sur les comportementales et cognitives n’est pas non compétences cognitives que celui-ci implique. plus bien établie. Fondamentalement, de nom- Les compétences comportementales telles que breuses compétences comportementales et la persévérance ou l’initiative personnelle sont cognitives sont liées entre elles. Par exemple, positivement corrélées avec la réussite scolaire. la capacité de maîtriser son comportement Il est possible que des personnes intrinsèque- ou ses émotions dépend aussi des capacités ment plus consciencieuses poursuivent de cognitives. La recherche suggère que pour des plus longues études et affichent de meilleures tâches moins complexes, telles que celles asso- performances dans leur travail (Almlund et ciées à un travail relativement « peu qualifié », coll., 2011). De récents travaux sur la Chine le rôle des compétences comportementales ont observé une association positive entre les peut être comparativement plus important. compétences comportementales et le niveau Pour les tâches plus complexes, la part des d’instruction, même après la prise en compte 96 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.4 Rendement des compétences comportementales dans l’emploi salarié : le cas du Pérou Une enquête auprès des micro- et petites entreprises du de persistance dans son intérêt). L’étude a mesuré ces com- Pérou a observé que les employeurs cherchent des travail- pétences dans le cadre d’une enquête auprès de ménages leurs dotés d’un ensemble de compétences. Environ la moitié qui a recueilli des informations sur divers sujets, notamment des entreprises avaient déclaré que leur principal problème une série d’autres caractéristiques individuelles et familiales. de recrutement était le manque de travailleurs qualifiés ou L’analyse de ces données révèle que les mesures des com- compétents (dans ce cas, les « qualifications » et « compé- pétences cognitives peuvent être corrélées avec les revenus. tences » faisaient référence aux compétences cognitives et Une augmentation d’un écart-type dans le langage récep- techniques perçues). En même temps, environ 40 % des tif, le calcul, la mémoire ou l’expression verbale a été asso- employeurs citaient le manque de compétences telles que ciée à un accroissement de 9 à 18 % des revenus horaires. l’éthique professionnelle, la capacité à travailler en équipe, Les compétences comportementales ont également été la persévérance, l’adaptabilité, l’esprit d’initiative et d’autres associées à des revenus plus élevés. Les travailleurs ayant compétences socioémotionnelles. D’autres données issues un écart-type supplémentaire pour la facette persévérance des services nationaux de la fonction publique montrent du grit gagnaient 13 % de plus, ceux ayant un écart-type qu’en plus des compétences cognitives, les employeurs de plus pour trois des cinq grands traits de la personnalité recherchent des traits de caractère tels que l’éthique profes- (extraversion, stabilité émotionnelle et ouverture à l’expé- sionnelle, la fiabilité et les relations interpersonnelles — quel rience) gagnaient 8 % de plus. Toutes les compétences com- que soit le niveau d’instruction atteint. Les résultats sug- portementales ne sont pas nécessairement corrélées positi- gèrent également que les compétences comportementales vement avec les revenus. Un écart-type supplémentaire pour peuvent être plus importantes pour les moins instruits. la « coopération — agréabilité » était associé à 10 % de L’étude a également entrepris de mesurer directement revenus en moins. l’offre des compétences. En plus des mesures traditionnelles La scolarité et les compétences aussi bien cognitives telles que la durée de la scolarité, l’étude a appliqué toute que comportementales affectent les revenus de multiples une gamme d’instruments standardisés spécifiquement manières, tant directes qu’indirectes. Lorsque le rôle de conçus. L’Échelle de vocabulaire en images Peabody a été chaque facteur est évalué en tenant compte des autres, la utilisée pour mesurer le vocabulaire réceptif (la capacité à durée de la scolarité, les années d’expérience professionnelle comprendre des mots spécifiques). Des tests cognitifs sup- et les compétences cognitives ont toutes des effets significa- plémentaires ont été conçus pour mesurer l’aptitude verbale, tivement positifs. Ce résultat suggère que les compétences la mémoire et les compétences en calcul ou résolution de cognitives mesurées influencent nettement plus les revenus problèmes. Les compétences socioémotionnelles ont été que le nombre d’années d’instruction en soi, indiquant ainsi mesurées à l’aide de tests de caractéristiques personnelles que c’est ce qui est appris à l’école qui a le plus d’importance. liées à des comportements, rapportées par les individus eux- Les compétences comportementales qui influent considéra- mêmes. Les mesures ont été réalisées à l’aide des échelles blement sur les revenus (même en tenant compte de la sco- utilisées pour les big five (ouverture à l’expérience, carac- larité, de l’expérience et des compétences cognitives) sont tère conscienceux, extraversion, agréabilité, stabilité émo- la stabilité émotionnelle et la persévérance. La persévérance tionnelle) considérés en psychologie comme représentatifs compte autant que les compétences cognitives. Un écart- des différences dans les grands traits de personnalité (et les type supplémentaire soit pour la compétence cognitive soit comportements associés), ainsi que le grit, le terme anglais pour la persévérance conduit à une augmentation similaire intraduisible utilisé pour désigner un trait de personnalité des revenus (respectivement de 8 % et 9 %). plus précis correspondant à l’inclinaison, la motivation ou la détermination d’une personne à atteindre des objectifs à long terme (en faisant preuve de persévérance dans l’effort et Source : Banque mondiale, 2011b. des compétences cognitives (Glewwe, Huang et élémentaire ou même maternelle qui enri- Park, 2011). chissent l’environnement d’apprentissage pré- Les systèmes éducatifs ont la possibilité coce peuvent avoir ultérieurement des effets de développer des compétences autres que durables, en agissant de manière positive sur cognitives. Des recherches menées aux États- les compétences comportementales et socio­ Unis suggèrent que les programmes de l’école émotionnelles (Almlund et coll., 2011). Une Compétences pour l’emploi productif 97 attention accrue à la transmission des com- tales peuvent également être envisagées. Elles pétences comportementales par l’école peut peuvent toutefois nécessiter des compromis prendre différentes formes, notamment des requérant une prise de décision sur les priori- méthodes pédagogiques et l’adoption de com- tés, mais elles ne peuvent en aucun cas se faire portements en milieu scolaire appropriés, y au détriment des améliorations à apporter compris de la part des enseignants. d’urgence pour assurer l’acquisition des com- La scolarité peut transmettre des compé- pétences de base en lecture/écriture et calcul. tences comportementales de plusieurs façons. Ce type de réformes pourrait être plus perti- Tout d’abord, la réussite scolaire augmente nent pour les années secondaires et supérieures, l’estime de soi et confère un plus grand senti- où les conflits directs potentiels avec d’autres ment d’autodétermination, comme le montre matières peuvent être plus limités. Étant donné les recherches effectuées auprès de diplômés le peu de preuves de l’efficacité de ces approches du secondaire et du supérieur aux États-Unis.16 et de l’importance de leur mise en œuvre dans Deuxièmement, les méthodes d’enseignement des contextes locaux, elles devraient être intro- et d’apprentissage peuvent influencer les com- duites à titre expérimental et testées de manière pétences comportementales. Les approches rigoureuse avant d’être déployées à plus grande pédagogiques encourageant la participation, échelle. les activités de groupe et l’exploration déve- En dehors de l’enseignement, d’autres loppent chez les élèves des schèmes mentaux approches plus spécifiques semblent promet- différents de ceux engendrés par les méthodes teuses pour toucher les jeunes et développer basées sur le « par cœur ». Troisièmement, l’ex- leurs compétences comportementales. Elles périence de la scolarité et les habitudes acquises comprennent des interventions ciblées dans des à l’école ont de l’importance. Un absentéisme situations d’après conflit (Encadré 3.5). L’inté- des enseignants de l’ordre de 20 %, peu ou pas gration des compétences comportementales sanctionné, a été constaté dans plusieurs pays dans des programmes plus complets d’emploi d’Afrique (Banque mondiale, 2003).17 L’exposi- des jeunes peut également améliorer ces com- tion des élèves à un tel environnement a toutes pétences (Encadré 3.6). Le Chapitre 5 (sur les les chances de leur donner le sentiment que la entreprises individuelles) et le Chapitre 6 (sur ponctualité (l’une des compétences recherchées le secteur salarié moderne) examinent dans par certains employeurs) n’est pas importante. quelle mesure les programmes visant à incul- Il existe peu de données sur la manière quer des compétences comportementales sont dont l’enseignement confère des compétences efficaces pour améliorer les résultats en matière socioémotionnelles et comportementales, d’emploi. notamment les compétences douces deman- dées par les employeurs. Le système éducatif Les compétences se renforcent pourrait être mis à profit pour transmettre mutuellement davantage de compétences comportementales Un nombre croissant de recherches montre et atteindre un grand nombre d’enfants et de comment les compétences cognitives et socio­ jeunes. Les politiques visant à améliorer la émotionnelles se renforcent mutuellement dès qualité de l’enseignement — par exemple, en la petite enfance (Helmers et Patnam, 2011). réduisant l’absentéisme des enseignants et en Les compétences cognitives telles que la lecture, améliorant leur comportement — pourraient l’écriture et le calcul constituent les bases de également contribuer à améliorer les compé- l’acquisition de compétences techniques et de tences comportementales des élèves à travers compétences cognitives de plus haut niveau plus un effet de démonstration. Des approches tard dans la vie, que ce soit à travers l’enseigne- pédagogiques plus interactives et fondées sur ment formel, la formation ou un apprentissage le travail en groupe, par exemple, peuvent en cours d’emploi. Les compétences cognitives faciliter l’acquisition de compétences à la fois de base sont nécessaires pour pouvoir assimiler cognitives et comportementales. Des réformes des concepts plus avancés, et de meilleures com- des programmes d’études visant explicitement pétences de base réduisent les coûts d’investisse- à améliorer les compétences comportemen- ments supplémentaires dans la formation. 98 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.5 Développer les compétences socioémotionnelles et comportementales dans des situations post-conflit Les enfants exposés à des violences, comme le viol ou le participation à la vie communautaire et une intégration réus- meurtre, peuvent développer des troubles tels que la dépres- sie dans des activités éducatives ou d’emploi, et des relations sion ou l’anxiété, qui sont susceptibles de mener à des pro- positives avec les pairs, la famille et la communauté ». blèmes de comportement. En Sierra Leone, où la longue La conception de l’intervention pilote en Sierra Leone guerre civile a eu de profondes conséquences psychosociales, s’est appuyée sur des méthodes qualitatives rigoureuses une intervention visant à renforcer l’état de préparation des pour s’assurer que les modules de formation et la stratégie jeunes (Youth Readiness Intervention) met l’accent sur la ​​ res- d’intervention soient culturellement adaptés à la situation et tauration des compétences liées à la gestion de la colère, aux puissent être délivrés par des prestataires locaux. Un essai relations interpersonnelles et à la détermination d’objectifs. contrôlé randomisé est en cours pour tester l’efficacité de Elle cible des groupes de jeunes, appelés à se réunir toutes l’intervention. Même s’il doit encore être tenté à grande les semaines pendant deux mois. Son but est d’« accroître les échelle, et si les résultats en matière d’emploi restent à capacités d’adaptation, les bonnes habitudes de santé et les analyser, ce type de modèle bien conçu de développement compétences de vie telles que la détermination d’objectifs et des compétences socioémotionnelles et comportementales une auto-efficacité positive ; réduire les stratégies d’adap- est un exemple d’interventions potentielles qui pourraient tation inappropriées, telles que les comportements sexuels être intégrées plus systématiquement dans les programmes à haut risque et la toxicomanie ; diminuer la détresse liée d’emploi des jeunes. aux traumatismes, notamment l’agressivité, les symptômes dépressifs, l’isolement social et de faibles compétences inter- Source : Tiré de Centre FXB pour la santé et les droits de l’homme personnelles; [et] augmenter la sociabilité, notamment la (2012) y compris la citation. Encadré 3.6 Pour comprendre comment les compétences se renforcent mutuellement, on peut constater Promouvoir les compétences que les rendements en matière de productivité socioémotionnelles et comportementales des investissements effectués dans la poursuite de la scolarité sont plus importants lorsque les Au Malawi et en Ouganda, des programmes d’emploi axés sur l’autonomisation et les compétences de vie des femmes ont amélioré compétences fondamentales sont plus solides. le bien-être psychosocial et réduit les comportements à risque (Ban­ La Figure 3.17 présente les cas du Ghana, du diera et coll., 2013 ; Cho et coll., 2013). En Ouganda, un programme Kenya, de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie. intégrant une formation aux compétences techniques et de vie a Plus les aptitudes des individus sont faibles, entraîné une augmentation de près de 50 % de l’habitude d’utiliser plus les rendements de la scolarité ont tendance des préservatifs et une réduction de 29 % de la probabilité de devenir à être bas — le phénomène étant le plus mar- mère (Bandiera et coll., 2013). Des impacts positifs sur les comporte- qué au Kenya et en Tanzanie. Cette constata- ments ont été observés dans les programmes mis en œuvre en Tan- tion suggère que les plus grands avantages de zanie et en Ouganda en vue d’accroître l’initiative personnelle et de l’éducation vont aux personnes qui démarrent développer l’esprit d’entreprise (Glaub, 2009 ; Berge et coll., 2011). Ces résultats concordent avec d’autres obtenus en dehors de l’Afrique. avec le plus d’aptitude ou les meilleures com- Dans des pays aussi divers que le Chili, la Jordanie, le Nicaragua et pétences de base. le Pérou, des programmes similaires ont produit des diplômés dotés Les compétences cognitives de base sous- d’une plus grande estime de soi, d’une plus forte autonomisation, tendent également le développement des com- d’une bonne santé mentale ou d’attitudes positives vis-à-vis de l’avenir pétences en affaires, souvent particulièrement (Carneiro, Galasso et Ginja, 2010 ; Valdivia, 2011 ; Macours, Premand faibles chez les jeunes et les femmes (Xu et Zia, et Vakis, 2013 ; Premand et coll., 2012 ; Groh et coll., 2012).a 2012). Une étude des entreprises individuelles a. Ces effets sont corroborés par l’évaluation en cours du programme de formation au Ghana a révélé que les propriétaires les plus destiné à la jeunesse Juventud y Empleo en République dominicaine. Les données instruits sont plus susceptibles de tenir une préliminaires indiquent des effets significatifs sur les attentes par rapport à l’avenir, comptabilité écrite. Seuls 23 % des proprié- la satisfaction au travail et les attitudes de recherche d’emploi. taires d’entreprise individuelle qui n’ont pas achevé l’enseignement de base tiennent des Compétences pour l’emploi productif 99 Figure 3.17  Les rendements de la scolarité sont base. Une mesure plus directe de cet effet est plus élevés pour ceux dotés de plus d’aptitudes : l’interaction entre le niveau d’instruction et Rendements d’une année d’étude supplémentaire par quantile l’efficacité des interventions visant à renforcer les compétences en affaires. En Tanzanie, un 22 programme offrant une formation en affaires 20 18 à de petits entrepreneurs a eu des impacts plus 16 importants chez les participants ayant obtenu % de rendement 14 12 des résultats plus élevés à des tests cognitifs 10 initiaux en mathématiques (Bjorvatn et Tun- 8 godden, 2010). 6 4 Les compétences cognitives de base com- 2 plètent également ​​ l’apprentissage en cours 0 Q10 Q25 Q50 Q75 Q90 d’emploi des salariés, notamment l’apprentis- Quantile sage basé sur l’application d’instructions. Bien que les travailleurs instruits puissent en partie Kenya Tanzanie Ghana Afrique du Sud être formés aux spécifications et procédures de travail à l’aide d’instructions écrites détaillées Source : Fasih et coll., 2012. Reproduit avec la permission des auteurs. et complexes, une telle formation est rare en Afrique, où les capacités de lecture sont faibles. Au Ghana, au Kenya et au Zimbabwe, 80 % des comptes, contre 52 % de ceux qui l’ont terminé entreprises étudiées ont déclaré n’utiliser que (Fafchamps et coll., 2011). De faibles compé- rarement la documentation technique ou les tences en affaires sont observées même dans les manuels de procédure (Biggs, Shah et Srivas- entreprises plus formelles. D’après un sondage tava, 1995). Une étude récente menée au Ghana auprès des propriétaires de petites et moyennes a constaté que, dans un travail impliquant la entreprises au Ghana, seuls 27 % des chefs manipulation d’argent, les travailleurs plus d’entreprise tiennent des registres (Mano et instruits étaient plus susceptibles d’acquérir coll., 2012). Partout dans le monde, les connais- des compétences en mathématiques tout en sances financières sont associées à des niveaux travaillant (Aslam et Lehrer, 2012). Peut-être d’instruction plus élevés (Xu et Zia, 2012). en raison de la complémentarité entre l’éduca- Une autre étude réalisée au Ghana a mesuré tion de base et la formation en cours d’emploi, un ensemble de pratiques commerciales chez les entreprises d’Afrique (comme d’autres par- les propriétaires d’entreprise individuelle, en ties du monde) sont plus susceptibles d’offrir demandant si « le chef d’entreprise tient une une formation formelle en cours d’emploi aux comptabilité, a un budget écrit, a des objectifs travailleurs plus instruits (Rosholm, Nielsen et de vente, visite les entreprises concurrentes Dabalen, 2007). pour observer leurs prix, demande aux clients Au-delà de la complémentarité entre les existants s’ils sont intéressés par d’autres pro- compétences de base et les compétences en duits ». Le nombre des pratiques de gestion affaires, il devrait être possible d’intégrer une adoptées par les propriétaires de micro- et formation à l’entrepreneuriat ou une initiation petites entreprises variait sensiblement, mais aux pratiques financières dans les programmes les résultats pour les pratiques commerciales scolaires. La question de savoir si le système prédisaient assez bien les performances des scolaire peut efficacement fournir ces compé- entreprises (Fafchamps et Woodruff, 2012). tences reste toutefois ouverte. Certains pays L’adoption de meilleures pratiques de gestion développés ont tenté d’inclure la formation à était significativement plus élevée chez les l’entrepreneuriat dans l’enseignement primaire répondants dont les résultats aux différents ou tertiaire (voir Rosendahl Huber, Sloof et van tests cognitifs étaient les meilleurs. Praag, 2012 pour les efforts à l’école primaire ; Bien qu’elles ne soient pas enseignées à Oosterbeek, van Praag et Ijsselstein, 2008 pour l’école, les compétences en affaires sont corré- les efforts dans l’enseignement supérieur). lées avec l’éducation, parce qu’elles sont rare- En Tunisie, un pays à revenu intermédiaire, ment acquises sans compétences cognitives de la formation à l’entrepreneuriat a été introduite 100 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne dans le programme universitaire et a conduit à d’institutions publiques et privées, et chaque des modifications dans les compétences com- type de formation conduit généralement à un portementales (Premand et coll., 2012). Les type d’emploi (entreprises individuelles non premières données sur un programme pilote agricoles ou secteur salarié moderne). d’éducation aux pratiques financières délivré Deux des formes les plus courantes de for- par les écoles au Brésil indiquent quelques mation suivies par les jeunes sont l’appren- impacts positifs : 59 % des élèves qui ont béné- tissage et l’EFTP. L’apprentissage est le type ficié du programme ont épargné, contre 55 % de formation le plus répandu, en particulier dans le groupe témoin, et les connaissances sur en Afrique de l’Ouest. Les données d’enquête l’épargne ont augmenté (Bruhn et coll., 2013). détaillées sur l’apprentissage sont limitées, mais Des efforts similaires sont en cours dans cer- dans cinq pays disposant de données compa- tains pays africains (par exemple, dans l’ensei- rables, 20 % des jeunes adultes de 24 à 35 ans gnement secondaire ougandais). Un problème ont été apprentis (Figure 3.18), avec des varia- important est le fait que les compétences douces tions entre les pays allant de 6 % en Ouganda à ne sont pas nécessairement les mêmes pour 35 % au Ghana. l’emploi indépendant et l’emploi salarié, ce qui L’inscription à l’EFTP formel, délivré dans requiert de porter une attention minutieuse à des salles de classe et menant à un diplôme offi- l’élaboration et à l’efficacité des programmes. ciel après deux ou trois années, reste faible dans toute l’Afrique. Dans l’ensemble, environ 4 % des jeunes de 25 à 34 ans ont, à un moment Développement des compétences ou un autre, fréquenté l’EFTP formel,18 et 1 % seulement y sont actuellement.19 L’EFTP néces- grâce à la formation postscolaire site habituellement au moins quelques années d’études secondaires, et la majorité des jeunes Dans toute l’Afrique, un large éventail d’ins- n’ont pas les qualifications générales requises titutions offre une formation aux compé- pour s’inscrire dans un institut technique ou tences nécessaires à l’emploi non agricole. Cet professionnel. ensemble d’institutions et de programmes peut La prévalence de l’apprentissage au Ghana être décrit comme un marché, dans la mesure est bien documentée (voir, par exemple, où il rassemble ceux qui fournissent la forma- Atchoarena et Delluc, 2001 ; Frazer, 2006 ; tion et ceux qui en demandent. La formation Monk, Sandefur et Teal, 2008). Une enquête de informelle est la norme. La majorité des forma- 2006 sur le marché du travail urbain a révélé tions sont offertes par des prestataires privés, et qu’un tiers des répondants de 16 à 65 ans avait les offres varient en prix et qualité. L’investisse- bénéficié d’une forme ou l’autre de formation ment public dans la formation doit être justifié (Monk, Sandefur et Teal, 2008). L’apprentissage dans le cadre de ce marché existant, sur la base était de loin la forme la plus courante (55 % d’une analyse approfondie de la valeur ajoutée avaient été apprentis), suivi par la formation et de son rapport coût-efficacité. formelle en cours d’emploi dans une entre- prise (25 %), et par la formation profession- Voies de passage de la formation vers nelle formelle (16 %). Une précédente étude les secteurs d’emploi menée au Ghana avait estimé que l’apprentis- Quatre grands types de formation délivrent sage traditionnel ou informel fournissait 80 à aux jeunes des compétences nécessaires à l’em- 90 % de l’ensemble de la formation aux com- ploi en dehors de l’agriculture : l’apprentissage, pétences de base, tandis que les établissements l’enseignement et la formation techniques et publics de formation n’en délivraient que 5 à professionnels (EFTP) publics officiels, l’EFTP 10 % (Atchoarena et Delluc, 2001). Le Ghana privé informel et formel (« formel » signifiant compte jusqu’à quatre apprentis informels par intégré dans le système d’enseignement officiel ; élève d’un centre formel de formation public « informel » extérieur au système d’enseigne- ou privé (Darvas, 2012 ; Haan et Serrière, 2002 ; ment officiel), et des programmes autonomes. Monk, Sandefur et Teal, 2008). L’apprentissage La formation est dispensée par un mélange est également répandu dans le reste de l’Afrique Compétences pour l’emploi productif 101 Figure 3.18  Beaucoup de jeunes, en particulier d’Afrique de l’Ouest, ont été apprentis, tandis que l’EFTP est « J’ai toujours moins répandu été limité par a. A été apprenti b. A fréquenté un institut d’EFTP le fait de ne Côte d’Ivoire Cameroun pas avoir été à Côte d’Ivoire l’école… Je ne Ghana Ghana veux pas que mes enfants Mozambique Rwanda vivent la même Malawi chose que moi ». Sierra Leone Rwanda Madagascar Sénégal Tanzanie Sierra Leone Ouganda Tanzanie Ouganda Moyenne Moyenne 0 10 20 30 40 0 10 20 30 40 Part (%) Part (%) Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées, dernières données disponibles (voir annexe). de l’Ouest, notamment au Bénin et en Côte fonctionnent avec peu de soutien ou de super- d’Ivoire (BAD et OCDE, 2008). vision des pouvoirs publics. Beaucoup de pres- L’apprentissage traditionnel peut aussi être tataires privés informels ne sont pas enregistrés la forme dominante de formation pour les (Banque mondiale, 2003), et ils sont nombreux professions non agricoles en Afrique de l’Est. à fonctionner à très petite échelle. Ces micro­ Au Kenya, les inscriptions dans l’apprentissage prestataires proposent des formations courtes traditionnel délivré par des maîtres-artisans et intensives, basées sur un programme d’études sont beaucoup plus élevées que dans l’EFTP conçu par eux-mêmes, et délivrent éventuel- formel.20 Une petite enquête menée auprès de lement des certificats (Johanson et Gakuba, 350 entreprises informelles de Dar es-Salaam 2011). Il est difficile d’évaluer leur portée. Les a constaté que plus de la moitié des opérateurs enquêtes auprès des ménages interrogent rare- avaient des apprentis, en moyenne deux par ment les répondants sur ​​la formation autre que entreprise (Nell et Shapiro, 1999). l’apprentissage, la formation en cours d’emploi À côté de l’apprentissage traditionnel et de ou l’EFTP formel. Une récente étude de suivi l’EFTP formel, un large éventail de prestataires des cohortes de diplômés du secondaire et de privés propose divers types de formation aux l’université suggère que le recours à la forma- compétences. Les prestataires privés d’une for- tion postscolaire privée pourrait être en aug- mation professionnelle informelle (en d’autres mentation (Al Samarrai et Bennell, 2007). termes, une formation extérieure au système L’apprentissage (ainsi que d’autres types de officiel d’enseignement) comprennent des ins- formation informelle) s’adresse généralement tituts privés à but lucratif et des entreprises, des aux personnes qui ont au mieux terminé l’école organisations non gouvernementales (ONG), primaire, tandis que l’EFTP formel est orienté et des organisations communautaires. Même vers les individus ayant au moins fréquenté le si la distinction avec les maîtres-artisans enca- secondaire (Figure 3.19). Par exemple, parmi drant l’apprentissage peut être floue, la grande les jeunes adultes ougandais de 25 à 34 ans qui majorité des fournisseurs de formations pro- avaient suivi un apprentissage, 95 % n’avaient fessionnelles informelles sont autofinancés et pas dépassé l’école primaire. Une étude menée 102 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 3.19  L’apprentissage s’adresse en priorité aux jeunes faiblement instruits a. Anciens apprentis b. Diplômés de l’EFTP Côte d’Ivoire Côte d’Ivoire Ghana Ghana Rwanda Rwanda Sierra Leone Sierra Leone Tanzanie Tanzanie Ouganda Ouganda Moyenne Moyenne 0 20 40 60 80 100 0 20 40 60 80 100 Pourcentage Pourcentage Niveau inférieur au primaire Primaire Premier cycle du secondaire Secondaire ou plus Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées, dernières données disponibles (voir annexe). au Ghana a révélé que l’apprentissage était environ 49 % de plus par an en étant indépen- principalement délivré par des personnes dants qu’en travaillant comme salariés, malgré ayant au maximum fréquenté le premier cycle un niveau d’instruction et un âge légèrement de l’enseignement secondaire (Monk, Sande- inférieurs.22 Relativement peu de jeunes tra- fur et Teal, 2008). Presque tous les inscrits dans vailleurs s’engagent dans le secteur des entre- l’EFTP avaient étudié au-delà du primaire. prises individuelles après avoir été dans l’EFTP Le type de formation suivie détermine assez formel. Seuls 6 % des 25 à 34 ans travaillant étroitement le futur secteur d’emploi. L’appren- dans les entreprises individuelles ont fréquenté tissage est principalement une voie d’accès au un institut d’EFTP (Figure 3.20). La part des travail dans une entreprise individuelle, étant travailleurs salariés sortis de l’EFTP formel est donné que les apprentis sont plus susceptibles beaucoup plus élevée (17 %). de devenir des indépendants. En revanche, l’EFTP formelle est essentiellement un chemin Apprentissage et formation privée vers l’emploi salarié. informelle L’expérience de formation des travailleurs La distinction est assez floue entre l’apprentis- diffère donc selon les secteurs d’emploi. Pour sage et la formation privée informelle (deux les jeunes adultes de 25 à 34 ans travaillant dans des formes les plus répandues de formation des le secteur des entreprises individuelles, l’ap- jeunes). L’un et l’autre englobent une gamme prentissage est la forme la plus commune de de services offerts par des prestataires privés. formation postscolaire : 32 % ont été appren- En Afrique, l’apprentissage a majoritaire- tis à l’un ou l’autre moment, contre 30 % des ment lieu dans de petites entreprises infor- jeunes adultes dans le secteur salarié moderne melles, sous la férule d’un maître-artisan ou et 13 % dans le secteur agricole (Figure 3.20).21 d’une autre personne relativement qualifiée. Le rendement de l’apprentissage peut être Des arrangements privés sont passés entre particulièrement élevé dans les entreprises l’apprenti et la personne qui offre une for- individuelles. Une étude menée au Ghana a mation pratique en cours d’emploi, pour une observé que les anciens apprentis gagnaient durée allant de quelques semaines ou mois à Compétences pour l’emploi productif 103 Figure 3.20  L’EFTP est orienté vers le travail salarié, tandis que l’apprentissage conduit à l’emploi aussi bien dans une entreprise individuelle que dans le secteur salarié a. Apprentissage b. EFTP Côte d’Ivoire Côte d’Ivoire Ghana Ghana Rwanda Rwanda Sierra Leone Sierra Leone Tanzanie Tanzanie Ouganda Ouganda Moyenne Moyenne 0 10 20 30 40 50 60 0 10 20 30 40 50 60 Pourcentage Pourcentage Agriculture Entreprise individuelle Emploi salarié Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées, dernières données disponibles (voir annexe). trois ou quatre ans. Beaucoup d’apprentis- tissage, la durée déclarée était en moyenne de sages renforcent les capacités techniques dans 3,3 mois ; pour les mécaniciens auto la forma- un nombre limité de professions tradition- tion avait duré plus de trois mois contre trois nelles ou artisanales, telles que la ferronnerie, semaines seulement pour la coiffure (Cho et la menuiserie, la mécanique ou la couture. Si coll., 2013). En revanche, dans des pays comme certains délivrent une certification, la plupart la Côte d’Ivoire ou le Ghana, où l’institution de ne le font pas. L’apprenti peut éventuellement l’apprentissage est mieux établie, celui-ci peut être dédommagé ou percevoir un petit revenu durer plusieurs années et être difficile à quitter. tout en apprenant. L’offre de formation informelle privée est Dans un programme d’apprentissage au assez large en Afrique. De nombreux four- Malawi, les maîtres-artisans étaient essen- nisseurs de microformations développent tiellement concentrés dans les secteurs de la leurs propres programmes d’enseignement, charpenterie et menuiserie (19 %), la couture commercialisent leurs services et offrent un (18 %), la mécanique automobile (11 %), la mélange de formation théorique et appliquée fabrication et soudure (11 %). Au Rwanda, une à des personnes rassemblées en petits groupes. part importante de la formation en apprentis- Au Rwanda, par exemple, 97 % de l’ensemble sage observée était concentrée dans la couture des fournisseurs de formations sont privés et (Johanson et Gakuba, 2011). recueillent 90 % des inscriptions (Figure 3.21 ; La durée de l’apprentissage peut varier Johanson et Gakuba, 2011). Presque la moitié considérablement. Beaucoup de jeunes ne des structures de formation privées appar- passent que quelques mois en apprentissage. tiennent à des individus, et l’autre à des associa- Au Rwanda, 56 % des propriétaires d’entre- tions et coopératives. Un peu plus de la moitié prises individuelles ayant été apprentis décla- des prestataires sont des fournisseurs de micro- raient l’avoir été pendant moins d’un mois formations, tels que des associations, des coo- (Johanson et Gakuba, 2011). Au Malawi, chez pératives ou des centres de formation, comp- les participants à un programme d’appren- tant un maximum de 12 inscrits. Au Rwanda, 104 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 3.21  L’Afrique dispose d’un large éventail de fournisseurs privés de formations informelles, 2009 a. Établissements de formation au Rwanda b. Inscriptions à la formation professionnelle au Rwanda Fournisseurs privés Public Public de microformations Semi-public Fournisseurs privés Semi-public de microformations Grands Grands fournisseurs fournisseurs privés de privés de formations formations Source : Johanson et Gakuba, 2011. même si la microformation privée n’accueille dans la formation. Lorsque les bénéficiaires de que 8 % des apprenants, le total de ses inscrip- ces subventions étaient inscrits dans l’EFTP tions dépasse néanmoins celui de l’ensemble de privé formel, la formation durait sensiblement la formation professionnelle publique formelle plus longtemps, parfois jusqu’à deux ans (Hicks (Figure 3.21). En Tanzanie, les établissements et coll., 2011). de formation privés, notamment les organi- sations confessionnelles et les ONG, délivrent EFTP formel environ les trois quarts des diplômes profes- L’EFTP formel est une filière parallèle à l’en- « Pendant de sionnels, même si la majorité de ces institutions seignement général secondaire ou tertiaire. Il longues années, ne fonctionnent pas au maximum de leur capa- répond au besoin de compétences techniques j’ai travaillé cité (Cojocaru, 2011).23 intermédiaires ou avancées. Les exigences à comme apprenti Tout comme l’apprentissage, les pro- l’entrée comprennent souvent l’achèvement et devais suivre grammes de formation informels sont sou- des études primaires ou secondaires. Les par- les maçons… vent concentrés dans un ensemble limité de ticipants à l’EFTP formel sont donc sensible- J’ai dû attendre domaines. Au Kenya, par exemple, les jeunes ment plus instruits que ceux des autres types mes 30 ans bénéficiaires d’un programme de bons de for- de formation postscolaire. pour obtenir mation professionnelle se sont principalement Au Nigéria, les collèges techniques du niveau mon permis. » inscrits à une formation informelle en couture secondaire forment des artisans et des maîtres- (37 %), mécanique (18 %), coiffure (9 %), artisans, essentiellement dans les métiers tech- Madagascar. conduite automobile (7 %) et maçonnerie niques traditionnels (électriciens, mécaniciens (6 %) (Hicks et coll., 2011). Au nord de l’Ou- auto et maçons). Au niveau tertiaire, les ins- ganda, les groupes de jeunes admissibles à un tituts professionnels (écoles polytechniques) programme de transferts en espèces ont choisi produisent des techniciens, des spécialistes et des formations fortement concentrées dans des ingénieurs. La formation professionnelle quelques métiers : couture (38 %), menuiserie axée sur les affaires est également répandue. (24 %), ferronnerie (13 %), coiffure (8 %), et Près de la moitié des diplômés des écoles poly- affaires ou gestion (5 %).24 techniques recherchent des qualifications en La durée de la formation informelle peut comptabilité, études commerciales, marketing, être assez courte. Au nord de l’Ouganda, grâce banque et finance (Banque mondiale, 2011a). à une subvention en espèces, les jeunes enga- Au Rwanda, les écoles techniques secondaires gés dans la formation informelle pendant une préparent les étudiants à entrer sur le marché moyenne de 321 heures sur deux ans ont pu du travail à peu près au même niveau que les augmenter à 560 heures leur investissement diplômés du deuxième cycle de l’enseignement Compétences pour l’emploi productif 105 secondaire. Les centres de formation profes- peuplées et les plus demandeuses de formation sionnelle préparent les diplômés de l’ensei- (le Ghana et la Zambie en sont des exemples). gnement de base ou ceux qui ont abandonné En plus de l’EFTP préparant à l’emploi, la les études, à entrer sur le marché du travail formation formelle en cours d’emploi payée (Banque mondiale, 2011a). par l’employeur peut également être une source Plusieurs types d’entités non étatiques de compétences techniques ou professionnelles. délivrent également une formation technique Près de 30 % des entreprises africaines offrent et professionnelle, notamment des instituts une formation formelle en cours d’emploi, un privés à but lucratif, des entreprises et des taux comparable à celui des autres régions en ONG. Les données sur la part du secteur privé développement (Encadré 3.7). dans l’EFTP formel sont toutefois rares, et les enquêtes auprès des ménages demandent rare- ment aux personnes interrogées de préciser Interventions de l’État et marché si elles ont suivi des cours dans un établisse- de la formation postscolaire ment d’EFTP public ou privé.25 Des études indiquent néanmoins que le secteur privé est Les États du monde entier sont actifs dans le un fournisseur d’EFTP préparant à l’emploi, développement des compétences, mais avant déjà important et le devenant de plus en plus. de concevoir les politiques publiques, il est Dans certains pays, la majorité des participants essentiel de justifier l’intervention des pou- aux formations sont inscrits dans des institu- voirs publics. Étant donné le large éventail des tions non étatiques. À titre d’exemple, la for- formations déjà offertes par le secteur privé, la mation non étatique représente les deux tiers justification de l’investissement public dans des de l’EFTP au Mali, 90 % en Tanzanie et 82 % programmes spécifiques n’est pas évidente. En en Zambie. Les instituts techniques privés gha- principe, les interventions publiques doivent néens accueillent près de six fois plus d’appre- être fondées sur des « défaillances du marché » nants que les instituts publics (Haan, 2001 pour clairement identifiées et pesées par rapport aux la Tanzanie ; Atchoarena et Esquieu, 2002 pour « défaillances de l’État ». le Mali ; Kitaev, 2003 pour le Ghana et la Zam- Les défaillances du marché en matière de bie). Une étude récemment menée en Éthiopie développement des compétences prennent estime à 30 à 50 %, le pourcentage des élèves de des formes spécifiques, qui peuvent toutes l’EFTP inscrits dans des établissements privés entraîner un sous-investissement dans la for- (Shaorshadze et Krishnan, 2013). Un récent mation (voir l’analyse dans Almeida, Behrman rapport de la Banque mondiale, basé sur des et Robalino, 2012 ; Banque mondiale, 2011a). statistiques de 33 pays de la région, a observé Elles peuvent être regroupées en quatre grandes que le secteur privé représente actuellement catégories : près de 35 % des effectifs de l’EFTP formel (Mingat, Ledoux et Rakotomalala, 2010). les imperfections du marché du travail, telles 1.  Par rapport aux établissements publics, les que les « externalités dues au débauchage », fournisseurs privés de formations ont tendance qui font perdre les avantages d’une forma- à mettre l’accent sur les compétences profes- tion à l’entreprise qui a formé un employé sionnelles « légères » telles que les affaires, le lorsque celui-ci rejoint une autre entre- commerce et les services, vraisemblablement prise ; ou des défauts d’information et de en raison de l’importance des coûts associés à signalement qui empêchent un employé l’enseignement de compétences plus orientées potentiel de faire efficacement connaître vers l’industrie. En Ouganda, par exemple, les son niveau de compétence à un employeur fournisseurs privés se concentrent sur les qua- éventuel ; lifications de bureau et diverses compétences les imperfections des marchés du crédit qui 2.  en affaires, qui ne nécessitent qu’un d’investis- rendent ardue l’obtention de financements sement limité (Haan, 2001). Les fournisseurs pour payer la formation ; privés ont également tendance à être concen- les problèmes de coordination se posant, par 3.  trés dans certaines régions, souvent les plus exemple, lorsque les employés et les entre- 106 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.7 La formation en cours d’emploi varie en fonction des pays et des types d’entreprise, et n’est pas ouverte à tous Aux États-Unis, entre un quart et la moitié du capital humain entreprises montrent qu’en moyenne, environ 30 % des est accumulé grâce à la formation en cours d’emploi (Heck- entreprises du secteur formel africain fournissent des forma- man, Lochner et Taber, 1998). Même dans les pays en déve- tions (Figure B3.7.1), légèrement moins que la moyenne des loppement (notamment africains), beaucoup d’entreprises pays à revenus faible et intermédiaire. En Afrique, le pour- offrent des formations à leurs employés. Les estimations centage des entreprises formant leurs employés varie entre issues des enquêtes de la Banque mondiale auprès des 15 % et 30 % dans la plupart des pays, mais peut atteindre 50 % dans certains (comme le Botswana, le Malawi et le Figure B3.7.1  La formation en cours d’emploi dans les Rwanda). entreprises africaines varie selon les pays Les variations des taux de formation en cours d’emploi en Afrique ne semblent pas liées au niveau des revenus République dém. du Congo par habitant. Dans la mesure où les enquêtes auprès des Liberia entreprises ont tendance à se concentrer sur les entreprises Érythrée formelles, « officiellement enregistrées », et négligent ainsi souvent les entreprises informelles, une partie de la variation Niger République peut provenir des différences dans la part des entreprises centrafricaine immatriculées. Dans la plupart des pays du monde, l’inci- Sierra Leone dence de la formation dans les entreprises est fortement Malawi liée aux caractéristiques de celles-ci, telles que la taille et Madagascar l’orientation vers l’exportation. Les petites entreprises sont moins susceptibles d’offrir une formation formelle à leurs Togo employés. Il en est de même des entreprises non exporta- Mali trices. Cette tendance est également confirmée en Afrique Burkina Faso (Figure B3.7.2). Ainsi le volume de la formation en cours Rwanda d’emploi peut être plus élevé dans les pays africains dotés Tchad d’entreprises plus grandes ou plus orientées vers l’extérieur. Lesotho Figure B3.7.2  La formation en cours d’emploi dans les Bénin entreprises africaines varie selon la taille et l’orientation vers Côte d’Ivoire l’exportation de l’entreprise, 2006 Cameroun 80 Cap-Vert République % d’entreprises offrant une formation formelle du Congo 60 Angola Maurice 40 Botswana Gabon 20 Afrique subsaharienne Tous 0 s ) 9) 9) s s 0+ te ce ce à9 à1 0 10 20 30 40 50 60 u 10 tri tri To 0 5 rta rta s( (2 s( Pourcentage de po po ite s ne an ex Ex t Pe en Gr Employés ayant bénéficié Entreprises offrant une n No oy M d’une formation formelle formation formelle Entreprises Source : Sur la base des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises. Source : Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises (moyenne Note : Les pays sont classés en fonction du PIB par habitant. des pays africains couverts par l’enquête en 2006). (suite) Compétences pour l’emploi productif 107 Encadré 3.7 (suite) Les entreprises offrant une formation en cours d’emploi Le contenu de la formation en cours d’emploi comprend ne forment pas tous leurs employés. Comme le montre la vraisemblablement des aspects spécifiques à l’entreprise. Figure B3.7.2, les entreprises africaines offrant une forma- À Dar es-Salaam, les employés ayant déjà travaillé dans tion en cours d’emploi le font rarement pour plus de la moi- une autre entreprise avaient presque autant de chances tié de leur personnel, peut-être à cause des faibles niveaux de recevoir une formation formelle en cours d’emploi que d’instruction. Comme dans le reste du monde, les travail- ceux qui en étaient à leur premier emploi (De Beyer, 1990), leurs africains dotés de plus d’instruction et de compétences indiquant ainsi que la formation était, au moins en partie, sont nettement plus susceptibles de bénéficier d’une forma- spécifique à l’entreprise actuelle. La formation en cours tion formelle en cours d’emploi. Une enquête de 1980 sur d’emploi est également spécifique à la technologie utilisée la formation formelle dans les entreprises de Dar es-Salaam dans l’entreprise. en Tanzanie et de Nairobi au Kenya a observé que les travail- L’employé type est plus susceptible de recevoir une for- leurs manuels non qualifiés et semi-qualifiés avaient nette- mation pratique en cours d’emploi que de suivre des cours ment moins de chances de bénéficier d’une formation for- en salle de classe payés par l’employeur. Les enquêtes auprès melle de la part de leur employeur actuel que les employés des entreprises au Kenya et en Zambie ont trouvé qu’au qualifiés travaillant dans la production, les bureaux et la sur- cours des 12 mois précédant l’enquête, les formes d’ap- veillance (De Beyer, 1990). Des enquêtes menées au Kenya prentissage les plus courantes chez les travailleurs étaient et en Zambie en 1995 ont révélé que les travailleurs sans les « instructions d’un superviseur ou d’un collègue » et « le éducation formelle ne recevaient pas de formation en cours fait de regarder les autres ou d’apprendre par soi-même » d’emploi (Rosholm, Nielsen et Dabalen, 2007). (Rosholm, Nielsen, et Dabalen, 2007). Les cours payés par Il existe peu de données sur le contenu de la formation l’employeur étaient moins fréquents et presque aussi peu en cours d’emploi dans les entreprises africaines ou sur la probables que la formation dans une école ou un institut façon dont elle diffère de la formation qu’un jeune deman- technique ou professionnel. deur d’emploi peut recevoir dans un institut de formation. prises doivent faire des investissements qui ou un mauvais choix de formation peuvent ne sont rentables que si les deux parties s’y justifier une intervention publique. Les États engagent, et qui peuvent amener chacune doivent reconnaître l’existence d’un marché de des parties à refuser de faire le premier pas ; la formation et éviter d’y introduire des distor- 4.  l’information limitée au niveau individuel, sions inopportunes. Dans l’ensemble, il existe qui peut conduire à des investissements deux grands axes pour l’intervention de l’État : trop limités ou excessifs dans certains types 1) fournir de l’information et faciliter l’accès de développement des compétences. à la formation et 2) intervenir pour assurer la disponibilité de possibilités de formation de Ces différentes formes de défaillances meilleure qualité. Ces deux axes sont abordés du marché constituent autant de justifica- tions générales de l’intervention des pouvoirs plus loin. publics, mais leur prévalence doit être soi- gneusement évaluée dans les contextes natio- Faciliter l’accès à la formation naux spécifiques. Elles donnent également des Les politiques publiques doivent faciliter l’ac- indications sur les types d’activités susceptibles cès aux possibilités de formation existantes, y de bénéficier de l’appui du secteur public. Par compris celles disponibles sur le marché privé. exemple, les contraintes de crédit peuvent jus- Une stratégie consiste, par exemple, à fournir tifier les politiques visant à améliorer l’accès de l’information ou des incitations aux jeunes à la formation ; des informations limitées ou qui ont le moins accès à la formation, en com- inexactes au niveau individuel ayant entraîné mençant par les membres des ménages les plus un sous-investissement dans la formation pauvres, les femmes et les habitants des zones 108 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne rurales. La fourniture d’une meilleure informa- femmes qui parviennent à suivre une forma- tion sur les opportunités d’emploi et de forma- tion technique ou un apprentissage informels tion peut commencer à l’école. ont tendance à se retrouver dans des secteurs Les opportunités existantes de formation très encombrés, comme la couture ou la coif- ne sont pas accessibles à tous de manière égale fure, où la demande est limitée. En Ouganda, (Figure 3.22). Les tendances de la participation 91 % des heures de formation suivies par les aux formations en fonction des catégories de femmes non impliquées dans le programme revenu montrent que les contraintes financières Youth Opportunities concernaient la couture réduisent l’accès à la formation des ménages les (Blattman, Fiala et Martinez, 2011). Au Kenya, plus pauvres. Chez les jeunes issus des ménages les cours les plus populaires pour les femmes du quintile supérieur de revenu, 11 % ont, à étaient la couture, la coiffure et les progiciels, un moment ou à un autre, fréquenté l’EFTP et et pour les hommes les formations leur per- 2,7 % y sont actuellement inscrits. Par contre, mettant de devenir mécaniciens, chauffeurs ou dans le quintile inférieur de revenu, ces taux maçons (Figure 3.23). sont respectivement de 1,6 % et 0,1 %. Cette Les jeunes des zones rurales ont également inégalité d’accès à la formation vaut tout autant moins accès à la formation, étant donné qu’un pour la formation professionnelle formelle que plus grand nombre de fournisseurs sont situés pour l’apprentissage informel : 25 % des jeunes en milieu urbain et que la distance jusqu’aux du quintile supérieur sont passés par l’appren- centres de formation constitue un obstacle. tissage et 7,6 % y sont actuellement contre En Afrique subsaharienne, 25 % des jeunes respectivement 7,3 % et 2,5 % des jeunes du urbains de 15 à 34 ans sont passés par l’appren- quintile inférieur. tissage contre seulement 11 % de ceux vivant Les femmes ont, elles aussi, un accès limité en milieu rural. Au Kenya, les femmes sont aux possibilités de formation, et lorsqu’elles nettement plus susceptibles que les hommes de en bénéficient, l’offre porte souvent sur ​​ un citer la proximité des possibilités de formation nombre limité de professions. Les femmes sont comme un facteur déterminant (50 % et 43 %, moins susceptibles que les hommes d’être dans respectivement), indiquant ainsi que les parti- l’EFTP ou l’apprentissage formels (voir aussi cipantes sont beaucoup plus limitées géogra- Atchoarena et Delluc, 2002). Dans la région, phiquement que leurs homologues masculins 18 % des 15 à 34 ans ont été en apprentis- (Hicks et coll., 2011). sage contre seulement 12 % des femmes.26 Les En présence de contraintes financières ou autres restreignant l’accès à la formation, les politiques peuvent faciliter l’accès des jeunes à Figure 3.22  Le passage par l’apprentissage et l’EFTP présente de fortes différences la formation, en particulier les femmes et les entre les riches et les pauvres pauvres. Les interventions offrant des incita- tions financières ciblées en vue d’accroître la 30 participation à la formation se sont avérées 25 utiles. Dans le nord de l’Ouganda, un pro- gramme octroyant d’importants transferts en Pourcentage des jeunes 20 espèces à des groupes autocréés a fait passer de (de 15 à 34 ans) 15 % à 74 %, la proportion des jeunes inscrits 15 à une formation professionnelle, et les béné- 10 ficiaires se sont également engagés dans des formations plus intensives. Des possibilités de 5 formation existaient déjà dans la communauté, mais les jeunes participants au projet n’avaient, 0 jusque là, pas beaucoup pu en profiter. Même si Actuellement inscrits Actuellement en Passés par l’EFTP Passés par dans l’EFTP apprentissage l’apprentissage les jeunes intégrés au programme n’étaient pas Quintiles obligés de suivre des formations, la plupart ont 1er (plus pauvres) 2e 3e 4e 5e (plus riches) choisi de dépenser une grande partie de leurs Source : Sur la base des enquêtes de ménages et d’emploi harmonisées (voir Annexe). subventions monétaires dans une formation Compétences pour l’emploi productif 109 avant de démarrer une entreprise. Cette consta- Figure 3.23  Les hommes et les femmes suivent des types différents de formation tation montre que des programmes aidant à professionnelle au Kenya financer l’accès à la formation pourraient être 60 efficaces. Parmi ceux qui n’avaient reçu aucune 50 subvention (le groupe témoin), certains ont pu Pourcentage des jeunes s’offrir une formation sur leurs propres deniers, 40 (de 15 à 34 ans) mais pour une durée beaucoup plus courte. Sur les 15 % de personnes ayant suivi une forma- 30 tion en dehors du programme, seuls 6 % l’ont 20 payée. Les programmes de « bons de formation » 10 peuvent être efficaces lorsque les bénéfi- ciaires ont la possibilité de choisir un four- 0 Couture Liée aux Informatique Beauté Compétences Autres nisseur de formations privé. Au Kenya, le véhicules en affaires programme  Technical and Vocational Training Voucher a offert aux jeunes des bons d’une Hommes Femmes valeur d’environ 460 dollars EU pour les Source : Hicks et coll., 2011. encourager à s’inscrire (Hicks et coll., 2011). Les bénéficiaires les plus proches des écoles privées étaient plus susceptibles de suivre une Bien que ces programmes n’aient pas encore formation que ceux qui en étaient plus éloi- été déployés à grande échelle et nécessiteraient gnés. Parmi les bénéficiaires, une moitié choisie vraisemblablement une identification préalable de manière aléatoire a reçu un bon ne pouvant des fournisseurs admissibles, ils pourraient être utilisé que dans un établissement profes- s’avérer efficaces, compte tenu de la grande sionnel public (étatique), tandis que l’autre a diversité des fournisseurs existants. reçu un bon à utiliser dans un institut privé ou Il devrait également être possible d’envi- public.27 Le choix et l’accès élargis aux presta- sager des interventions fournissant des infor- taires privés ont accru l’utilisation de la forma- mations sur l’emploi et les possibilités de for- tion : 69 % des personnes ayant reçu les bons mation en vue d’aider les jeunes à décider des restreints ont suivi une formation profession- formations qu’ils souhaitent entreprendre. La nelle contre 79 % de celles disposant de bons recherche au Kenya a montré que les jeunes sans restriction. Les bénéficiaires des bons non ont des perceptions erronées des rendements restreints étaient également plus susceptibles de la formation professionnelle (y compris des d’achever leur formation. idées fausses sur les métiers qui procurent les Les programmes de bons de formation revenus les plus élevés) et que ces perceptions peuvent également avoir un effet sur les four- sont fortement teintées de sexisme (Hicks et nisseurs et stimuler l’offre de formation dis- coll., 2011). À cet égard, il y a un rôle à jouer ponible. Au Kenya, le vaste programme Jua pour les interventions visant à accroître la Kali, qui délivrait des bons aux travailleurs participation à la formation grâce à des infor- du secteur informel, n’a pas seulement amé- mations permettant une meilleure adéquation lioré l’accès à la formation, il a aussi favorisé entre les participants et les formations. Au l’émergence de nouveaux fournisseurs de for- Kenya, les jeunes ont modifié leurs choix de mations pertinentes pour le secteur des entre- formation après avoir reçu des informations prises individuelles, tels que des maîtres-arti- sur les rendements réels du marché du travail, sans (voir Encadré 3.8 ; Adams, 2001 ; Johanson notamment sur les différences dans les revenus et Adams, 2004). Au Kenya, les données tirées attendus des métiers dominés par les hommes d’un programme pilote à petite échelle de bons (électricien par exemple) et les femmes (cou- de formation indiquent que les programmes ou turière par exemple), et après avoir regardé des écoles ayant accueilli les bénéficiaires des bons vidéos inspirantes sur des mécaniciennes auto étaient nettement plus susceptibles d’étendre qui ont réussi. En particulier, la mise à dispo- leurs offres de cours (Hicks et coll., 2011). sition d’informations a amené un plus grand 110 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 3.8 possibilités de formation, recueillies à l’aide des enquêtes auprès des ménages ou auprès des Le programme de bons de formation Jua Kali fournisseurs de formations. Les écoles pour- du Kenya raient également fournir des informations sur les opportunités d’emploi et de formation. Au milieu des années 1990, le Programme Jua Kali du Kenya (terme swahili signifiant « soleil ardent », utilisé pour désigner le secteur Intervenir pour assurer de meilleures informel où les gens travaillent souvent en plein air, sous le soleil) a offert des bons de formation aux entreprises individuelles exploitant options de formation de petits ateliers de fabrication ou de réparation. Les participants Les États ayant souvent échoué à promouvoir admissibles devaient payer 10 % du coût de la formation et rece­ - le développement des compétences, les inter- vaient des bons pour couvrir le reste. Les bons ont eu un résultat positif ventions visant les « défaillances du marché » sur l’offre, majoritairement des ONG et des maîtres-artisans du secteur doivent être évaluées par rapport aux risques de informel. Ces fournisseurs ont développé de nouveaux programmes « défaillances de l’État » dans fourniture de for- adaptés aux besoins des bénéficiaires des bons et les ont délivrés à mations ou de subventions de formation. Les des moments convenant aux horaires de travail des participants. Les déficiences des interventions publiques com- institutions publiques ont manifesté peu d’intérêt pour une adapta- prennent en général des problèmes dans l’éla- tion de leurs programmes traditionnels en vue de répondre à cette boration des politiques, la gouvernance et les nouvelle source de demande (Adams, 2001). Dans sa phase pilote, le programme Jua Kali a réussi à étendre l’offre et à réduire le coût de dispositions institutionnelles, principalement la formation pour les travailleurs du secteur informel. La formation a liés à la redevabilité, ainsi qu’un manque d’adé- de toute évidence eu un effet positif sur les revenus des participants quation entre la justification de l’intervention et renforcé les capacités des associations Jua Kali locales chargées de de l’État et la façon dont les pouvoirs publics la distribution des bons. Lorsque le programme a été déployé à plus interviennent dans la pratique (par exemple les grande échelle, des problèmes de gouvernance ont engendré des tentatives limitées pour intégrer efficacement coûts administratifs élevés (Adams, 2001 ; Riley et Steel, 2000). Au le rôle de l’information). Les exemples d’insti- début des années 1990, le Ghana a offert un programme de bons tutions inefficaces abondent. La formation est similaire aux entreprises du secteur informel, mais a échoué, en grande souvent délivrée de manière fragmentée par un partie, à cause de faiblesses dans la commercialisation et la distribution grand nombre de ministères, dans un contexte des bons (Johanson et Adams, 2004). manquant de redevabilité, ce qui crée d’impor- Source : Reproduit à partir de Adams, Johanson de Silva et Razmara, 2013. tantes inefficacités et distorsions. De nombreux systèmes d’EFTP sont inefficaces, et le fait de subventionner leur offre de formation, dont la qualité est semblable ou inférieure à celle qui nombre de femmes, surtout les jeunes et les est largement disponible dans le secteur privé, filles plus instruites, à opter pour des forma- introduit des distorsions sur le marché. Au tions à des métiers traditionnellement réservés vu de cette situation, l’intervention publique aux hommes. doit non seulement être fondée sur une bonne Ce manque d’information est connu depuis compréhension des défaillances du marché, longtemps, mais les politiques publiques ont mais aussi mettre l’accent sur l’efficacité et la rarement réussi à aborder la question à grande qualité de la prestation des services. Chaque échelle. De nombreux programmes d’emploi fois qu’une offre ou un financement public est visent à améliorer l’information sur le mar- envisagé, l’efficacité des institutions concernées ché du travail, mais la plupart se concentrent et la qualité du service rendu exigent une atten- presque exclusivement sur les fournisseurs de tion particulière. formations formelles et l’emploi salarié. Mal- Étant donné le grand nombre d’établis- gré le manque de preuves et de tests approfon- sements de formation et le large éventail des dis existant pour ces approches, le coût de la fournisseurs privés, le prix et la qualité de la for- mise à disposition de l’information est faible et mation proposée aux jeunes Africains varient l’impact potentiel élevé. Les pouvoirs publics énormément. En présence de marchés de la pourraient systématiquement diffuser et com- formation actifs, les interventions publiques muniquer des données relatives aux revenus doivent être sélectives, axées sur les perfor- des emplois sur le marché du travail ou aux mances et fondées sur des données probantes. Compétences pour l’emploi productif 111 Estimer le coût de la formation Figure 3.24  Les coûts de la formation et les frais de Tant les coûts de la formation que la part des participation varient en fonction du type de formation au Kenya coûts supportés par les participants varient largement selon les types de formation, même s’il est difficile d’obtenir des données systé- Apprentissage matiques sur le sujet. Les données du Kenya illustrées dans la Figure 3.24 donnent une idée Formation informelle des tendances des coûts de la formation.28 Les à des compétences données concernent l’EFTP formel (EFTP postsecondaire, National Youth Service post- Établissements secondaire, Youth Polytechnics post-primaire) confessionnels ainsi que la formation informelle dispensée par les institutions confessionnelles, les four- EFTP postsecondaire nisseurs privés d’EFTP ou l’apprentissage. Les formel coûts de la formation vont de 113 dollars EU pour l’EFTP privé le moins cher ou 204 dol- EFTP postsecondaire formel lars EU pour l’apprentissage, à 1 942 dollars EU (National Youth Service) pour le National Youth Service ou 1 704 dollars EFTP EU pour l’EFTP privé le plus cher. La part à postprimaire formel charge des participants va de l’ensemble des (Youth Polytechnics) Formation en cours coûts (dans l’EFTP privé ou l’apprentissage) d’emploi offert par à rien (National Youth Service). La valeur des le programme d’autonomisation bons octroyés par le programme de bons de des jeunes formation technique et professionnelle était 0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 d’environ 460 dollars EU, un montant calculé Coût (dollars EU) par les concepteurs du programme pour « suf- fire à couvrir complètement (ou presque) les Fourchette Fourchette des coûts des frais frais de scolarité des programmes de formation de participation professionnelle tant publics que privés » (Hicks Source : Franz, 2011. et coll., 2011). Note : Coût et frais de participation approximatifs en dollars EU. Les données recueillies au Kenya reflètent trois tendances dans les coûts de la forma- tion, qui semblent également communes dans • L’apprentissage informel figure souvent parmi « Même si la les options de formation les moins onéreuses. formation était d’autres pays : Aucun paiement n’est parfois exigé. Parmi gratuite, je • L’EFTP formel est très coûteux. Au Ghana, les propriétaires rwandais d’entreprises n’aurais en fait le coût de l’EFTP par élève est environ cinq individuelles formés par apprentissage, pas le temps d’y fois supérieur à celui de l’enseignement seuls 40 % ont eu à payer des frais (Johan- son et Gakuba, 2011). participer, car primaire et près de trois fois celui du deu­ xième cycle secondaire, soit à peu près les je ne peux me moyennes internationales, où les coûts de Mesure de la qualité et de l’efficacité permettre de l’EFTP atteignent deux à trois fois ceux de la formation perdre le peu du secondaire (Adams et coll., 2009). Au La qualité des différents fournisseurs de for- de revenus que Mozambique, l’EFTP coûte quatre fois plus mations est rarement mesurée directement. je dois gagner que l’école secondaire (Fox et coll., 2012). Une enquête auprès de ces fournisseurs au chaque jour • coût de la formation privée varie consi- Le Kenya a trouvé peu de différences dans la pour survivre. » dérablement. Dans le nord de l’Ouganda, qualité observable, entre les fournisseurs de Tanzanie par exemple, le coût médian de la forma- formations publics, privés formels et privés tion privée va de 24 à 444 dollars EU, selon informels (Hicks et coll., 2011). Lorsque des le type de formation (Blattmann, Fiala et jeunes ont reçu des bons pour suivre une for- Martinez, 2011). mation professionnelle, ils ont marqué une 112 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne légère préférence pour les centres de formation ne suivent pas le pourcentage des participants publics (56 %) par rapport aux fournisseurs achevant la formation. Toutefois, lorsque les privés (44 %). Les instructeurs des institutions données sont disponibles, il est courant de publiques étaient plus susceptibles d’avoir constater que 25 à 50 % des participants ne achevé des études secondaires et supérieures, vont pas jusqu’au bout de leur formation. Des mais leurs profils étaient à bien des égards simi- taux d’abandon élevés ne sont pourtant pas laires dans toutes les institutions (ils avaient, inévitables (Encadré 3.9). par exemple, la même expérience pratique). La part des inscrits qui obtiennent leur Les différences dans les infrastructures sem- diplôme dans un programme de formation blaient également limitées. Les établissements (en d’autres termes, le terminent et réussissent urbains et privés formels étaient plus suscep- l’examen final) est souvent déclarée comme tibles d’avoir des toilettes modernes et l’élec- très faible. Par exemple, au Malawi, les taux de tricité que leurs homologues publics, ruraux et réussite aux examens d’artisanat et d’artisanat informels, mais leur capital pédagogique par avancé sont inférieurs à 70 %. Pour les métiers, étudiant était comparable. le taux de réussite est plus proche de 50 %, et Les données systématiques sur la qualité il est encore plus bas (de l’ordre de 10 à 20 %) des établissements d’EFTP sont difficiles à dans les métiers plus complexes, comme la rassembler. Les indicateurs clés de qualité de mécanique et l’électricité (Banque mondiale, la formation comprennent la fréquentation, 2013). En outre, en raison des contraintes aux- les taux d’abandon et les taux de réussite. Une quelles elles sont confrontées, les jeunes filles plus grande fréquentation entraîne un meilleur ont tendance à afficher des taux d’abandon apprentissage (Bjorvatn et Tungodden, 2010), encore plus élevés (Cho et coll., 2013). et des programmes de bonne qualité mènent à Un autre indicateur de qualité est la pro- moins d’abandons. De nombreux prestataires babilité d’obtenir un emploi après le diplôme. Encadré 3.9 Des mesures incitatives peuvent-elles améliorer la qualité de la formation et la participation ? Les enquêtes auprès des bénéficiaires mettent régulièrement concours et compétitions. Toutes ces mesures ont contribué à en évidence de sérieux problèmes de qualité de la forma- atteindre un taux de rétention supérieur à 95 % et un taux de tion. Par exemple, une évaluation qualitative du projet Youth fréquentation de 90 %. Empowerment au Kenya a constaté que la qualité de la mise Les incitations à fournir une formation de bonne qualité en œuvre des différents modules de formation variait consi- peuvent également améliorer la fréquentation. Dans un pro- dérablement et que ces différences avaient joué un rôle clé gramme de développement des compétences en affaires en dans l’évaluation des modules par les participants et les déci- Tanzanie, la fréquentation, des évaluations subjectives de la sions d’abandon (KEPSA, 2012). qualité des cours, et les connaissances déclarées par les par- Les taux d’abandon peuvent être limités par la motiva- ticipants eux-mêmes ont été plus élevées lorsque l’enseigne- tion des participants et des fournisseurs. Au Libéria, le Pro- ment était assuré par des formateurs professionnels (Berge et gramme d’autonomisation économique des adolescentes coll., 2011). Une évaluation qualitative de la formation aux et jeunes femmes (EPAG — Economic Empowerment of compétences de vie dans le cadre du projet Youth Employ- Adolescent Girls and Young Women) a utilisé des stratégies ment du Libéria a identifié des différences de qualité impor- innovantes pour assurer une participation élevée et la qualité tantes parmi les formateurs communautaires (Banque mon- de la formation (Banque mondiale, 2012b). Les participantes diale et République du Libéria, 2012). Dans le programme ont signé un formulaire d’engagement, ont reçu de petites EPAG, les fournisseurs des formations ont été motivés par allocations conditionnées à la fréquentation, ont bénéficié de des primes à la performance, et des inspections fréquentes et services gratuits de garde d’enfants et ont été regroupées en inopinées de contrôle de la qualité de la formation ont égale- petites équipes encadrées par des mentors. En plus de ces ment contribué à rendre le programme de formation efficace mesures incitatives, les stagiaires ont participé à une série de (Banque mondiale, 2012b). Compétences pour l’emploi productif 113 Encadré 3.10 L’évaluation d’impact pour enrichir la base des données probantes sur les programmes d’emploi pour les jeunes Les évaluations d’impact fournissent des preuves rigoureuses Les évaluations d’impact sont souvent effectuées sur des de l’efficacité d’un programme, en estimant les effets de projets pilotes, avec pour résultat que le déploiement à plus celui-ci sur les résultats finaux à l’aide de l’estimation du grande échelle et l’accessibilité financière ultime des pro- scénario contrefactuel (les résultats qu’auraient obtenus les grammes évalués restent parfois sujets à discussion, même bénéficiaires du programme s’ils n’y avaient pas participé ; lorsque les résultats sont positifs. En outre, des résultats posi- voir Gertler et coll., 2010). Le signe distinctif des évaluations tifs semblables peuvent ne pas être généralisables à d’autres d’impact solides est qu’elles s’assurent que l’estimation du contextes. Malgré ces réserves, les évaluations d’impact scénario contrefactuel est crédible (que la seule différence fournissent des informations essentielles sur les chances de entre les groupes expérimentaux et témoins est la participa- réussite d’un programme. Quand des programmes déployés tion au programme). à grande échelle sont rigoureusement évalués, les résultats La randomisation (ou assignation aléatoire) est la méthode fournissent des preuves de leur efficacité dans des conditions privilégiée de l’évaluation d’impact. Elle génère des groupes réelles. expérimentaux et témoins complètement comparables, en Peu d’interventions visant à soutenir les jeunes travailleurs allouant les prestations d’un programme de façon aléatoire en Afrique ont fait l’objet d’évaluations d’impact au cours du (par exemple, par tirage au sort) aux individus, ménages ou temps (Betcherman, Olivas et Dar, 2004 ; Cho et Honorati, communautés admissibles. Les évaluations d’impact peuvent 2012). Les impacts d’un petit nombre de programmes ciblant adopter d’autres méthodes, même si celles-ci nécessitent les travailleurs indépendants ont été évalués entre 2002 et habituellement des hypothèses supplémentaires (souvent 2012, et quelques études récentes sont venues s’y ajouter, invérifiables). La plupart des évaluations d’impact nécessitent mais il est indispensable de disposer de plus d’évaluations des données de référence ainsi qu’un groupe de comparai- d’impact de bonne qualité. Elles devraient spécifiquement son solide, et elles ont intérêt à être conçues avant la mise évaluer les meilleures façons de concevoir les programmes en œuvre des programmes pour assurer que les données de d’emploi des jeunes (notamment les meilleures composantes référence soient collectées et que des groupes de comparai- à combiner), le rapport coût-efficacité de ces programmes à son valides soient identifiés. grande échelle, et leurs effets d’équilibre général. Une étude menée au Nigéria en 2008 (Billetoft, En plus de la réalisation d’un suivi plus systé- 2010), par exemple, a estimé que moins de 30 % matique des résultats en matière d’emploi chez des diplômés polytechniciens obtenaient un les diplômés, des évaluations d’impact sont emploi rémunéré dans leur domaine de com- nécessaires pour pouvoir comparer les résul- pétence après la fin de leurs études. Les diplô- tats en matière d’emploi chez les diplômés à un més polytechniciens des filières techniques ou scénario contrefactuel, ainsi que pour détermi- scientifiques s’en sortaient toutefois mieux que ner le rapport coût-efficacité en comparant les ceux des filières plus générales orientées vers coûts aux impacts mesurés. Dans l’ensemble, des emplois de « col blanc ». Une étude des on dispose de peu de données probantes en diplômés de l’EFTP public de la Tanzanie a Afrique pour orienter les programmes spéci- révélé en 1996 que seulement 14 % trouvaient fiques visant à améliorer les compétences. La du travail après leur diplôme (Fluitman, 2001). construction de cette base d’information est Des études menées au milieu des années 1990 urgente et prioritaire (Encadré 3.10). au Mali et à Madagascar estimaient les taux Compte tenu du large éventail des forma- d’emploi à, respectivement, 44 % et 45 %, un à tions proposées par le secteur privé, le finan- trois ans après l’obtention du diplôme (Johan- cement public ou la fourniture directe de la son et Adams, 2004). En Ouganda, si les deux formation doit être sélectif, axé sur les perfor- tiers des diplômés de l’EFTP travaillaient, seuls mances et fondé sur des éléments probants. Les 31 % avaient un emploi « permanent » (Johan- pouvoirs publics doivent pouvoir justifier la son et Adams, 2004). valeur ajoutée de leur intervention sur le mar- 114 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne ché des compétences, et doivent être sûrs de ne Les « marchés » de la formation sont actifs pas remplacer des formations déjà disponibles en Afrique, au niveau de l’apprentissage privé dans le secteur privé. En outre, les objectifs du dans le secteur des entreprises individuelles, financement ou de la fourniture d’une for- de la formation en cours d’emploi dans le sec- mation doivent être clairs ; il est particulière- teur salarié moderne, et d’autres canaux. Dans ment important de préciser s’il s’agit d’ouvrir ce contexte, le rôle des pouvoirs publics est des voies d’accès à l’emploi productif dans les de fournir aux jeunes de l’information sur les entreprises individuelles ou dans le secteur choix de formation et professionnels, et d’amé- salarié. liorer l’accès aux possibilités de formation exis- tantes, en particulier pour les groupes défavori- sés, notamment les femmes et les pauvres. Conclusion : Un agenda pour les La portée de l’intervention directe de l’État compétences de la jeunesse sur le marché de la formation est plus limi- tée. L’engagement du secteur public doit être Ce chapitre a examiné des aspects de l’agenda justifié par des raisons clairement identifiées pour les compétences de la jeunesse à travers et être fondé sur des éléments probants. Les les trois secteurs d’emploi : l’agriculture, les Chapitres 4 à 6 examinent ces éléments pour entreprises individuelles et le secteur salarié chaque secteur et identifient les interventions moderne. L’action politique la plus urgente et approches plus prometteuses qui méritent est d’assurer que les enfants et les jeunes un investissement public. Il est clairement acquièrent les compétences fondamentales à nécessaire de disposer dans tous les domaines travers un enseignement de base de qualité. Les de davantage d’éléments probants sur les performances abyssales des systèmes éducatifs approches efficaces d’amélioration des résultats dans toute l’Afrique entraînent une faible pro- en matière d’emploi des jeunes, y compris des ductivité des travailleurs, et le manque de com- évaluations rigoureuses. pétences fondatrices empêche les jeunes d’en Le Chapitre 4 aborde la portée et les prio- acquérir d’autres et de réaliser pleinement leur rités de la formation aux compétences dans le potentiel. Il est prioritaire et urgent d’amélio- secteur agricole. L’EFTP agricole traditionnel rer substantiellement la qualité de l’enseigne- et la vulgarisation ont enregistré des résultats ment afin qu’il en résulte une réelle acquisition mitigés. De nouveaux modèles de prestation de connaissances et de compétences dans les de services, autonomisant les agriculteurs et cohortes de plus en plus nombreuses des jeunes leur permettant de faire des choix au sein d’un qui entreront dans le monde du travail au cours éventail de fournisseurs, semblent toutefois des dix prochaines années. Le développement prometteurs. Ils comprennent les fermes-écoles de la petite enfance et la nutrition doivent éga- participatives ainsi que des modèles menés par lement être activement encouragés pour veiller les bénéficiaires pour la prestation des ser- à ce que les enfants soient mieux préparés à vices de vulgarisation, l’acquisition de compé- apprendre lorsqu’ils entrent à l’école. tences et l’amélioration de l’accès des jeunes à Au-delà des compétences cognitives et l’information. techniques, l’emploi productif exige toute une Le Chapitre 5 examine les données relatives variété d’autres compétences. Les compétences à l’efficacité de la formation destinée au secteur comportementales et socioémotionnelles sont des entreprises individuelles. Les jeunes sont souvent négligées. Plus d’attention doit être souvent confrontés à de multiples contraintes accordée à l’identification et au développement lors du démarrage d’une activité. Les pro- des compétences comportementales qui contri- grammes cherchant à développer un seul type buent à la productivité, en particulier celles que de compétences à la fois (par exemple unique- les employeurs recherchent. Les systèmes édu- ment les compétences techniques, en affaires catifs peuvent être utilisés pour transmettre des ou comportementales) ont eu des impacts limi- compétences comportementales, et celles-ci tés. Des interventions « intégrées » délivrant, pourraient devenir une composante des pro- en même temps, un ensemble de compétences grammes d’emploi des jeunes. complémentaires sont plus prometteuses. Les Compétences pour l’emploi productif 115 « interventions combinées » offrant une forma- faveur de l’environnement des affaires dans les tion intégrée aux compétences couplée à une secteurs de l’agriculture, des entreprises indivi- assistance à l’accès au capital de démarrage sont duelles et salarié moderne. particulièrement prometteuses. Enfin, la for- mation informelle délivrée par des prestataires Notes privés est la norme dans le secteur des entre- 1. Il n’y a qu’au Ghana que les travailleurs indépen- prises individuelles, de sorte que les pouvoirs dants dotés d’une instruction primaire incom- publics ont la possibilité de faire appel à des plète gagnent nettement plus (20 %) que les ONG et à des prestataires privés pour soutenir travailleurs indépendants non instruits. les jeunes, sur la base de modèles axés sur la 2. La récente explosion des taux de scolarisa- tion et d’achèvement du primaire en Afrique demande et fondés sur les performances. ne peut expliquer les faibles différentiels de Le Chapitre 6 émet des recommandations l’accroissement des revenus. L’essentiel de cette pour les politiques de développement des com- explosion a eu lieu à la fin des années 2000, pétences dans le secteur salarié moderne. Dans lorsque les cohortes correspondant à l’ensemble, l’expérience de l’EFTP a été déce- l’augmentation des inscriptions n’étaient pas vante. Les États africains devraient se concen- encore arrivées sur le marché du travail. trer sur le soutien des aspects de bien public 3. Au Ghana, le salaire moyen des travailleurs de l’EFTP, notamment à travers l’assurance de dotés d’une éducation primaire incomplète était la qualité et l’information, et ils devraient faci- inférieur à celui des travailleurs sans instruction, liter l’accès à la formation des jeunes pauvres mais la différence n’était pas statistiquement et défavorisés. La formation professionnelle significative. 4. Les tendances générales d’accroissement des post-scolaire ne doit être fournie par l’État que revenus valent aussi bien pour les hommes de manière sélective, sur la base d’un ciblage que pour les femmes, et pour les milieux aussi minutieux et de modèles axés sur la demande bien urbains que ruraux. Au Rwanda, en Tan- reliant les employeurs et les fournisseurs de for- zanie et en Ouganda, les différences de revenus mations. Lorsque les États décident de soutenir ont tendance à être en moyenne plus élevées et des options de formation spécifiques, celles-ci plus abruptes chez les femmes. Au Rwanda et devraient mettre l’accent sur des compétences en Ouganda, elles sont plus élevées en milieu transversales plutôt que spécifiques à une urbain, tandis qu’au Ghana et en Tanzanie, elles entreprise ou à un emploi, que les employeurs le sont plus dans les zones rurales. ont déjà normalement intérêt à fournir eux- 5. Voir Aromolaran (2006) ; Rankin, Sandefur et mêmes. Les programmes destinés aux jeunes Teal (2010). Par exemple, Rankin, Sandefur et défavorisés qui intègrent des stages et des for- Teal (2010) trouvent des preuves de convexité dans les rendements de l’éducation chez les tra- mations sont également prometteurs, mais le vailleurs indépendants urbains au Ghana et en défi consiste à les rendre rentables. Tanzanie, avec de faibles rendements moyens. Dans l’ensemble, aussi bien l’instruction Soderbom, Teal et Harding (2006) trouvent des que les compétences ont de l’importance. Le fonctions convexes pour les revenus au Ghana point de départ pour relever le défi de l’emploi et en Tanzanie. Ils suggèrent que la « convexité des jeunes est l’amélioration du capital humain pourrait en partie expliquer pourquoi la rapide à travers l’offre d’éducation et la possibilité expansion de l’éducation en Afrique a généré pour les jeunes d’acquérir les compétences aussi peu de croissance, alors que l’expansion nécessaires à un emploi productif. Il ne s’agit était concentrée sur les niveaux inférieurs de toutefois que d’un point de départ. Pour que les l’éducation ». Comme le constate Teal (2010), jeunes puissent avoir accès à des emplois plus « les rendements de l’éducation, mesurés à la fois par des macrofonctions de production et des nombreux et de meilleure qualité, les pouvoirs microfonctions de revenus, sont les plus élevés publics ne peuvent plus se contenter de seule- chez ceux dotés des niveaux d’instruction plus ment les former. Les politiques visant l’envi- élevés ». Il soutient que « la croissance a été plus ronnement économique et des affaires ont un étroitement liée à l’investissement dans le capi- rôle essentiel à jouer, et les Chapitres 4 à 6 exa- tal physique que dans l’éducation, et que cela minent les rôles respectifs des politiques visant pourrait refléter le fait que l’éducation est plus à développer les compétences et de celles en précieuse quand elle est rattachée à la technolo- 116 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne gie, qui nécessite des compétences plus élevées ». 15. Voir Krauss et coll. (2005), qui ont étudié Voir aussi Moll (1996) ; Appleton, Hoddinott et un échantillon de propriétaires d’entreprises Krishnan (1999) ; Schultz (2004) et Lassibille et employant une moyenne de sept personnes. Tan (2005). Toutes étaient actives depuis plus d’un an, la 6. Cette classification est purement indicative, et de moitié avait commencé avec moins de 1 000 dol- nombreuses compétences sont interconnectées. lars EU, et 37 % étaient informelles. Krauss et ses Par exemple, la maîtrise de soi est une compé- co-auteurs ont mesuré la réussite des entreprises tence comportementale qui s’appuie également à l’aide de leur croissance ou de leur nombre sur l’aptitude cognitive. d’employés. Ils ont trouvé que des compétences 7. Des élèves de « form-two » au Botswana et de telles que l’orientation vers l’acquisition de «  grade nine » en Afrique du Sud ont été testés, connaissances, l’orientation vers l’autonomie, des niveaux correspondant à neuf années de sco- l’orientation vers la compétitivité, l’orientation larité ; au Ghana, des élèves de cinquième ont vers l’innovation, l’orientation vers la prise de été testés, ce qui correspond à huit années de risques sont moins fortement associées à la réus- scolarité. site des entreprises que l’esprit d’entreprise et 8. D’autres études révèlent que les différences dans l’orientation vers les résultats. un ensemble de compétences cognitives expli- 16. Heckman, Stixrud et Urzua (2006). L’échelle de quent une partie des revenus. Voir par exemple, Rotter mesure le degré de contrôle que les indi- Glewwe (1991) au Ghana ; Moll (1998) pour les vidus pensent avoir sur ​​leur vie. compétences informatiques en Afrique du Sud ; 17. www.sdindicators.org. Denny, Harmon et O’Sullivan (2003) pour la 18. Le reste de cette discussion concerne les jeunes lecture/écriture fonctionnelle ; Boissière, Knight adultes de 25 à 34 ans, parce que les individus et Sabot (1985) au Kenya et en Tanzanie ; Heck- plus jeunes peuvent être encore scolarisés et que man et Vytlacil (2000) aux États-Unis ; ou Azam, des résultats les prenant en compte ne reflé- Chin et Prakash (2010) en Inde. teraient pas correctement l’apprentissage ou 9. Ozier (2010) est basé sur le fait qu’au Kenya, l’expérience de l’EFTP. la probabilité d’admission dans une école 19. Au Ghana, seuls 12,7 % des élèves poursui­ se­condaire publique augmente fortement pour vant leurs études au-delà du premier cycle du un résultat proche de la moyenne nationale à secondaire s’inscrivent dans un établissement l’examen normalisé de huitième année. L’effet d’EFTP (Banque mondiale, 2009). Ce faible taux causal de la scolarité est estimé en comparant d’inscription s’explique en partie par une capa­ ceux dont les résultats se situent juste en des- cité limitée : 5 % seulement des élèves du pre- sous de la moyenne nationale avec ceux dont les mier cycle du secondaire peuvent espérer trouver résultats se situent juste au-dessus. une place dans un établissement public d’EFTP. 10. Voir www.sdindicators.org. Lorsqu’on englobe la capacité de l’EFTP privé, 11. Pour Madagascar, voir Fernald et coll. (2011) ; ce taux passe à 7,2 %. Au Nigéria, moins de 1 % pour le Mozambique, voir Naudeau et coll. des inscriptions dans l’enseignement supérieur (2010) ; pour d’autres parties du monde, voir concerne un institut technique et environ 20 % Paxson et Schady (2007) ; Case, Lubotsky et Pax- une école polytechnique plus avancée (Banque son (2002). mondiale, 2011b). Les centres de formation pro- 12. Walker et coll. (2007) ; Engle et coll. (2007). fessionnelle du Rwanda accueillent un peu plus Voir aussi la série de The Lancet consacrée de 10 000 stagiaires, dont environ 4 700 dans les à la malnutrition maternelle et infan- centres de formation publics, un nombre très tile , http://www.thelancet.com/series/ modeste par rapport aux quelque 260 000 élèves maternal-and-child-undernutrition. inscrits dans le secondaire (Banque mondiale, 13. Pour les visites à domicile, voir Attanasio et 2011a). coll. (à paraître) ; Macours et coll. (à paraître). 20. On estime que 100 000 jeunes sont inscrits dans Pour les centres communautaires, voir Marti- l’EFTP formel et 150 000 dans l’apprentissage nez, Naudeau et Pereira (2012). Pour les écoles traditionnel (Franz, 2011). maternelles, voir Attanasio et Vera-Hernandez 21. D’autres études ont observé des tendances (2004) ; Behrman, Cheng et Todd (2004) ; similaires. Au Nigéria, on estime que plus de Berlinski, Galiani et Gertler (2006) ; Berlinski, la moitié des exploitants de petites entreprises Galiani et Manacorda (2008). ont acquis leurs compétences dans le secteur 14. Voir Banque mondiale, Lesotho skills and informel, auprès de maîtres-artisans ou de employment survey (2011). formateurs chevronnés (Billetoft, 2010). Au Compétences pour l’emploi productif 117 Rwanda, 25 % des propriétaires d’entreprises 28. Ces coûts ne comprennent pas les coûts individuelles déclarent avoir été formés en d’opportunité, qui peuvent être importants apprentissage (Johanson et Gakuba, 2011). pour une formation de longue durée. 22. Frazer, 2006 constate que la formation en apprentissage augmente la productivité d’un Références individu dans l’entreprise actuelle, mais pas Abdulai, Awudu et Wallace E. Huffman. 2005. dans une autre. Les individus sont néanmoins “The Diffusion of New Agricultural Technolo- enclins à financer un apprentissage, parce qu’ils gies: The Case of Crossbreeding Technology in peuvent engranger le rendement de cette for- Tanzania.” American Journal of Agricultural mation spécifique s’ils réussissent à obtenir Economics 87 (3): 645–59. un capital pour démarrer leur propre activité Aber, Lawrence et Stephanie Jones. 1997. “Indica- et reproduire la technologie et la pratique des tors of Positive Development in Early Childhood: affaires de l’entreprise qui les a formés. Seul le Improving Concepts and Measures.” In Indica- capital limite les apprentis et les empêche de tors of Children’s Well-being, sous la conduite de devenir des entrepreneurs. Robert Hauser, Brett Brown et William Prosser, 23. Dans le nord de l’Ouganda, parmi les jeunes qui 395–427. New York: Russell Sage Foundation. avaient reçu des transferts en espèces pour payer Adams, Arvil V. 2001. “Assessment of the Jua Kali leur formation dans le cadre du programme Pilot Voucher Program.” Banque mondiale, Youth Opportunity, 33 % avaient choisi de se Washington, DC. former auprès d’artisans locaux et 32 % dans Adams, Arvil V., Harold Coulombe, Quentin des institutions de formation informelles. Au Wodon et Setarah Razmara. 2009. “Education, Nigeria, le volume de la formation informelle Employment, and Earnings in Ghana.” In Ghana: dépasse de loin celui de l’EFTP formel. En dépit Job Creation and Skills Development, Vol. 2. de sa durée limitée et de sa qualité variable, la Washington, DC: Banque mondiale. formation informelle est très recherchée (Billet- Adams, Arvil V., Sara Johansson de Silva et Setareh oft, 2010, 185). Le Kenya dispose également d’un Razmara. 2013. Improving Skills Development in éventail de fournisseurs de formations privés the Informal Sector: Strategies for Sub-Saharan remarquablement large et diversifié (Hicks et Africa. Direction in Development Series. Wash- coll., 2011 ; Franz, 2011). ington, DC: Banque mondiale. 24. Les jeunes qui n’ont pas reçu de transferts en Aedo, Christian et Ian Walker. 2012. Skills for the espèces ont choisi un mélange de formations 21st Century in Latin America and the Carib- légèrement différent. De courtes formations bean. Washington, DC: Banque mondiale. doi: commerciales et à la gestion (27 %) ou à l’agro- 10.1596/978-0-8213-8971-3. industrie et à l’exploitation agricole (7 %) Almeida, Rita, Jere Behrman et David Robalino, étaient les plus fréquentes. eds. 2012. The Right Skills for the Jobs? Rethinking 25. Dans les statistiques fondées sur les enquêtes Training Policies for Workers. Washington, DC: auprès des ménages utilisées dans ce chapitre, Banque mondiale. par exemple, il n’est pas possible de déterminer Almlund, Mathilde, Angela Lee Duckworth, James la part des fournisseurs publics et privés dans J. Heckman et Tim Kautz. 2011. “Personality Psy- les inscriptions à l’EFTP, ni même de savoir avec chology and Economics.” IZA Discussion Paper certitude si les chiffres correspondent à l’EFTP 5500, Institut d’études du travail, Bonn. à la fois public et privé ou à l’EFTP public Al-Samarrai, Samer et Paul Bennell. 2007. “Where uniquement. Has All the Education Gone in Sub- Saharan 26. Une récente étude de la formation au Malawi Africa? Employment and Other Outcomes estime qu’au cours des 10 dernières années, among Secondary School and University Leav- l’inscription des filles à l’apprentissage se situait ers.” Journal of Development Studies 43 (7): entre 21 % et 35 % de celle des garçons (Banque 1270–300. mondiale, 2013). Appleton, Simon, John Hoddinott et Pramila 27. Même si le programme concernait essentielle- Krishnan. 1999. “The Gender Wage Gap in Three ment les « filières industrielles », il permettait African Countries.” Economic Development and aux étudiants de s’inscrire à des cours plus aca- Cultural Change 47 (2): 289–313. démiques (par exemple, une formation en infor- Aromolaran, Adebayo B. 2006. “Estimates of matique) et de couvrir les frais jusqu’au niveau Mincerian Returns to Schooling in Nigeria.” du cursus industriel moyen de deux ans. Oxford Development Studies 34 (2): 265–92. 118 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Aslam, Monazza et Kim Lehrer. 2012. “Learning by Term Review.” Banque mondiale, Washington, Doing: Skills and Jobs in Urban Ghana.” Docu- DC. ment de travail CSAE 2012-15, Centre for the Banque mondiale. 2003. World Development Report Study of African Economies (CSAE), Oxford. 2004: Making Services Work for Poor People. New Atchoarena, David et Andre Delluc. 2001. “Revis- York: Oxford University Press. iting Technical and Vocational Education in ———. 2009. Ghana: Job Creation and Skills Devel- Sub-Saharan Africa.” Rapport de la Banque opment. Vol. 1: Main Report. Washington, DC: mondiale, Institut international de planification Banque mondiale. de l’éducation (IIPE), Paris. ———. 2011a. “Challenges and Options for Tech- ———. 2002. “Revisiting Technical and Vocational nical and Post-Basic Education in South Africa.” Education in Sub-Saharan Africa: An Update Banque mondiale, Washington, DC. on Trends, Innovations, and Challenges.” Insti- tut international de planification de l’éducation ———. 2011b. “Raising Productivity and Reducing (IIPE) et Organisation des Nations Unies pour the Risk of Household Enterprises.” Étude-pays l’éducation, la science et la culture (UNESCO), pour le Ghana, Note d’orientation, Banque Paris. mondiale, Washington, DC. Atchoarena, David et Paul Esquieu. 2002. “Private ———. 2012a. “Botswana: Policy Note 2: Labor Technical and Vocational Education in Sub- Market Signals on Demand for Skills.” Banque Saharan Africa: Provision Patterns and Policy mondiale, Région Afrique, Département du Issues.” Institut international de planification de développement humain, Washington, DC. l’éducation (IIPE) et Organisation des Nations ———. 2012b. “Preliminary EPAG Midline Report: Unies pour l’éducation, la science et la culture Economic Empowerment of Adolescent Girls (UNESCO), Paris. and Young Women (EPAG) Project in Liberia.” Attanasio, Orazio et Marcos Vera-Hernández. 2004. Banque mondiale, Washington, DC. “Medium- and Long-Run Effects of Nutrition ———. 2013. “The Skills Development System in and Child Care: Evaluation of a Community Malawi.” Banque mondiale, Washington, DC. Nursery Program in Rural Colombia.” Work- ing Paper EWP04/06, Institute for Fiscal Studies, ———. Différentes années. Indicateurs du déve­ University College, London. loppement dans le monde. Washington, DC: Banque mondiale. http://wdi. worldbank.org. Attanasio, Orazio, Emla Fitzsimons, Sally Grantham-McGregor, Costas Meghir et Marta Behrman, Jere, Yingmei Cheng et Petra Todd. 2004. Rubio-Codina. À paraître. “Stimulation and “Evaluating Preschool Programs When Length of Childhood Development in Colombia: The Exposure to the Program Varies: A Nonparamet- Impact of a Scalable Intervention.” Institute for ric Approach.” Review of Economics and Statistics Fiscal Studies, University College, London 86 (1): 108–32. Azam, Mehtabul, Aimee Chin et Nishith Prakash. Berge, Lars Ivar Oppedal, Kjetil Bjorvatn et Ber- 2010. “The Returns to English-Language Skills til Tungodden. 2011. “Human and Financial in India.” IZA Discussion Paper 4802, Institut Capital for Microenterprise Development: Evi- d’études du travail, Bonn. dence from a Field and Lab Experiment.” NHH Department of Economics Discussion Paper BAD (Banque africaine de développement) et 1/2011, Chr. Michelsen Institute (CMI), Bergen. OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques). 2008. Perspec- Berlinski, Samuel, Sebastian Galiani et Marco tives économiques en Afrique 2008. Paris : BAD et Manacorda. 2008. “Giving Children a Better Start OCDE. Doi : 10.1787/aeo-2008-en. in Life: Preschool Attendance and School-Age Profiles.” Journal of Public Economics 92 (5–6): Bandiera, Oriana, Robin Burgess, Narayam Das, 1416–40. Selim Gulesci, Imran Rasul et Munshi Sulaiman. 2013. “Can Basic Entrepreneurship Transform Berlinski, Samuel, Sebastian Galiani et Paul Gertler. the Economic Lives of the Poor?” IZA Discussion 2006. “The Effect of Pre-Primary Education on Paper 7386, Institut d’études du travail, Bonn. Primary School Performance.” Working Paper WP06/04, Institute for Fiscal Studies, University Banerjee, Abhijit V. et Esther Duflo. 2005. “Growth College, Londres. Theory through the Lens of Development Eco- nomics.” In Handbook of Economic Growth, sous Besley, Timothy et Anne Case. 1993. “Modeling la conduite de Philippe Aghion et Steven N. Technology Adoption in Developing Countries.” Durlauf, 473–52. Amsterdam: Elsevier. American Economic Review 83 (2): 396–402. Banque mondiale et République du Liberia. 2012. Betcherman, Gordon, Karina Olivas et Amit Dar. “Community Works Life Skills Training Assess- 2004. “Active Labor Market Programs: New Evi- ment: Youth, Employment, Skills Project Mid- dence from Evaluations with Particular Attention Compétences pour l’emploi productif 119 to Developing and Transition Countries.” Docu- Vol. 3, sous la conduite d’Orley Ashenfelter et ment de synthèse sur la protection sociale 04012, David Card, 1802–59. Amsterdam: Elsevier. Banque mondiale, Washington, DC. Carneiro, Pedro, Emanuela Galasso et Rita Ginja. Biggs, Tyler, Manju Shah et Pradeep Srivastava. 2010. “The Impact of Providing Psycho-Social 1995. “Technological Capabilities and Learning Support to Indigent Families and Increasing in African Enterprises.” Rapport technique 288, Their Access to Social Services: Evaluating Chile Banque mondiale, Washington, DC. Solidario.” Evaluation report, University College, Bigsten, Arne, Anders Isaksson, Mans Soderbom, London. Paul Collier, Albert Zeufack, Stefan Dercon, Case, Anne, Darren Lubotsky et Christina Paxson. Marcel Fafchamps et Jan Willem. 2000. “Rates of 2002. “Economic Status and Health in Child- Return on Physical and Human Capital in Afri- hood: The Origins of the Gradient.” American ca’s Manufacturing Sector.” Economic Develop- Economic Review 92 (5): 1308–34. ment and Cultural Change 48 (4): 801–27. Centre FXB pour la santé et les droits de l’homme. Billetoft, Jorgen. 2010. “Labor Market Trends and 2012. “Building Youth Readiness: An Integrated Skills Development.” In Putting Nigeria to Work: Approach to Promoting Healthy Functioning A Strategy for Employment and Growth, sous la among War-Affected Youth in Sierra Leone.” conduite de Volker Treichel, 167–202. Washing- Université de Harvard, Cambridge, MA. ton, DC: Banque mondiale. Cho, Yoonyoung et Maddalena Honorati. 2012. Bjorvatn, Kjetil et Bertil Tungodden. 2010. “Teach- “Entrepreneurship Programs in Developing ing Business in Tanzania: Evaluating Participa- Countries: A Meta Regression Analysis.” Docu- tion and Performance.” Journal of the European ment de travail consacré à la recherche sur les Economic Association 8 (2–3): 561–70. politiques 6202, Banque mondiale, Washington, DC. Blattman, Christopher, Nathan Fiala et Sebastian Martinez. 2011. “Can Employment Programs Cho, Yoonyoung, Davie Kalomba, Ahmed Mushfiq Reduce Poverty and Social Instability? Experi- et Victor Orozco. 2013. “Gender Differences in mental Evidence from a Ugandan Aid Program.” the Effects of Vocational Training: Constraints Columbia University, New York. on Women and Drop-Out Behavior.” Document de travail consacré à la recherche sur les poli- Boesel, David, Nabeel Alsalam et Thomas M. Smith. tiques 6545, Banque mondiale, Washington, DC. 1998. Research Synthesis: Education and Labor Market Performance of GED Recipients. Washing- Clemens, Michael. 2004. “The Long Walk to School: ton, DC: U.S. Department of Education, janvier. International Education Goals in Historical Per- spective.” CGD Document de travail 37, Centre Boissiere, M., J. B. Knight et R. H. Sabot. 1985. de développement global, Washington, DC. “Earnings, Schooling, Ability, and Cogni- tive Skills.” American Economic Review 75 (5): Cloutier, Marie-Hélène, C. Reinstadtler et Isabel 1016–30 Beltran. 2011. “Making the Grade: Assessing Literacy and Numeracy in African Countries.” Boone, Peter, Ila Fazzio, Kameshwari Jandhyala, DIME Brief, Banque mondiale, Washington, DC. Chitra Jayanty, Gangadhar Jayanty, Simon http://go.worldbank.org/15Y7VXO7B0. Johnson, Vimala Ramachandrin, Filipa Silva et Zhaoguo Zhan. 2013. “The Surprisingly Dire Cobb-Clark, Deborah A. et Michelle Tan. 2010. Situation of Children’s Education in Rural West “Noncognitive skills, occupational attainment, Africa: Results from the CREO Study in Guinea- and relative wages” Labour Economics 18 (1): Bissau (Comprehensive Review of Education 1–23. Outcomes).” NBER Working Paper 18971, Cojocaru, Alexandru. 2011. “Tanzania: Skills and National Bureau of Economic Research, Cam- the Informal Sector.” Banque mondiale, Wash- bridge, MA. ington, DC. Bruhn, Miriam, Luciana de Souza Leão, Arianna CREATE (Consortium for Research on Educational Legovini, Rogelio Marchetti et Bilal Zia. 2013. Access, Transitions, and Equity). 2010. “Comple- “Financial Education and Behavior Formation: mentary Education and Access to Primary Large-Scale Experimental Evidence from Brazil.” Schooling in Northern Ghana.” CREATE Ghana Banque mondiale, Washington, DC. Policy Brief 2, September. http://www.create-rpc Bruns, Barbara, Deon Filmer et Harry Anthony .org/pdf_documents/Ghana_Policy_Brief_2.pdf. Patrinos. 2011. Making Schools Work: Cunha, Flavio et James Heckman. 2007. “The Tech- New Evidence on Accountability Reforms. nology of Skill Formation.” American Economic Washington, DC: Banque mondiale. doi: Review 97 (2): 31–47. 10.1596/978-0-8213-8679-8. Darvas, Peter. 2012. “Demand and Supply of Tech- Card, David. 1999. “The Causal Effect of Education nical and Vocational Skills in Ghana.” Banque on Earnings.” In Handbook of Labor Economics, mondiale, Washington, DC. 120 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne De Beyer, Joy. 1990. “The Incidence and Impact Fasih, Tazeen, Geeta Kingdon, Harry Anthony on Earnings of Formal Training Provided by Patrinos, Chris Sakellariou et Mans Soderbom. Enterprises in Kenya and Tanzania.” Economics 2012. “Heterogeneous Returns to Education in of Education Review 9 (4): 321–30. the Labor Market.” Document de travail consacré De Wolf, Stefan, Yves Rolland Rakotoarisoa, à la recherche sur les politiques 6170, Banque Laurence Vanpaeschen et Honoré Rabekoto. mondiale, Washington, DC. 2008. Madagascar: Le grand livre des petits Fernald, Lia C. H., Ann Weber, Emanuela Galasso métiers: Portraits of Daily Life Professions. et Lisy Ratsifandrihamanana. 2011. “Socioeco- Belgium: Snoek Publishers. nomic Gradients and Child Development in a Very Low Income Population: Evidence from Delors, Jacques. 1996. Learning: The Treasure Madagascar.” Developmental Science 14 (4): Within. Rapport à l’UNESCO de la Commis- 832–47. sion internationale sur l’éducation pour le XXIe siècle Paris: Organisation des Nations Unies pour Fletcher, Jason M. 2012. “The Effects of Personality l’éducation, la science et la culture. Traits on Adult Labor Market Outcomes: Evi- dence from Siblings.” IZA Discussion Paper 6391, Denny, Kevin J., Colm P. Harmon et Vincent Institut d’études du travail, Bonn. O’Sullivan. 2003. “Functional Literacy, Edu- cational Attainment, and Earnings: A Multi- Fluitman, Fred. 2001. “Working, But Not Well: Country Comparison.” School of Economics, Notes on the Nature and Extent of Employment University College, Dublin. Problems in Sub-Sahara Africa.” ITC Occasional Paper, International Training Centre, Organisa- DeStefano, Joseph, Audrey-Marie Schuh Moore, tion internationale du travail, Turin. David Balwanz et Ash Harwell. 2006. “Meet- ing EFA: Reaching the Underserved through Foster, Andrew D. et Mark R. Rosenzweig. 1995. Complementary Models of Effective Schooling.” “Learning by Doing and Learning from Others: EQUIP 2 Working Paper, U.S. Agency for Inter- Human Capital and Technical Change in Agri- national Development and Academy for Educa- culture.” Journal of Political Economy 103 (6): tion Development, Washington, DC. 1176–209. ———. 2010. “Microeconomics of Technology DfID (Department for International Develop- Adoption.” Yale University, Economic Growth ment, UK). 2012. “School for Life ‘Literacy for Center, New Haven, CT. Change.’” DFID Annual Review (December). Fox, Louise, Lucrecia Santibañez, Vy Nguyen Duflo, Esther. 2001. “Schooling and Labor Mar- et Pierre André. 2012. “Education Reform in ket Consequences of School Construction in Mozambique: Lessons and Challenges.” Banque Indonesia: Evidence from an Unusual Policy mondiale, Washington, DC. Experiment.” American Economic Review 91 (4): 795–813 Franz, Jutta. 2011. “Realizing the Youth Dividend in Kenya through Skills for the Informal Sector: Dupas, Pascaline et Jonathan Robinson. 2013. Institutional Assessment of Skills Development “Savings Constraints and Microenterprise and Youth Employment Promotion Programmes Development: Evidence from a Field Experiment and Projects.” Banque mondiale, Washington, in Kenya.” American Economic Journal: Applied DC. Economics 5 (1): 163–92. Frazer, Garth. 2006. “Learning the Master’s Trade: Engle, Patrice, Maureen Black, Jere Behrman, Apprenticeship and Human Capital in Ghana.” Meena Cabral de Mello, Paul Gertler, Lydia Journal of Development Economics 81 (2): Kapiriri, Reynaldo Martorell, Mary Young et 259–98. the International Child Development Steering Frese, Michael, Stephanie I. Krauss, Nina Keith, Group. 2007. “Strategies to Avoid the Loss of Susanne Escher, Rafal Grabarkiewicz, Siv Tonje, Developmental Potential in More Than 200 T. Luneng, Constanze Heers, Jens Unger et Million Children in the Developing World.” Christian Friedrich. 2007. “Business Owners’ The Lancet 369 (9557): 229–42. Action Planning and Its Relationship to Business Fafchamps, Marcel et Christopher Woodruff. Success in Three African Countries.” Journal of 2012. “Identifying and Relaxing Constraints to Applied Psychology 92 (6): 1481–98. Employment Generation in Small-Scale African Gertler, Paul, James Heckman, Rodrigo Pinto, Enterprises.” Université d’Oxford. Arianna Zanolini, Christel Vermeersch, Susan Fafchamps, Marcel, David McKenzie, Simon Quinn Walker, Susan M. Chang et Sally Grantham- et Christopher Woodruff. 2011. “When Is Capital McGregor. 2013. “Labor Market Returns to Early Enough to Get Female Microenterprises Grow- Childhood Stimulation: A 20-Year Follow-up to ing? Evidence from a Randomized Experiment in an Experimental Intervention in Jamaica.” NBER Ghana.” Document de travail CSAE2011-11, Cen- Working Paper 19185, National Bureau of Eco- tre for the Study of African Economies, Oxford. nomic Research Cambridge, MA. Compétences pour l’emploi productif 121 Gertler, Paul, Sebastian Martinez, Patrick Premand, Heckman, J., L. Lochner et J. Taber. 1998. “Explain- Laura B. Rawlings et Christel M. J. Vermeersch. ing Rising Wage Inequality: Explorations with a 2010. Impact Evaluation in Practice. Washington, Dynamic General Equilibrium Model of Earn- DC: Banque mondiale. ings with Heterogeneous Agents.” Review of Economic Dynamics 1 (1): 1–58. Glaub, Matthias E. 2009. Training Personal Initiative to Business Owners in Developing Countries: A Heckman, James A., Jora Stixrud et Sergio Urzua. Theoretically Derived Intervention and Its Evalu- 2006. “The Effects of Cognitive and Noncogni- ation. Ph.D. thesis, Université Justus-Liebig, tive Abilities on Labor Market Outcomes and Giessen. Social Behavior.” Journal of Labor Economics 24 (3): 411–82. Glewwe, Paul, Qiuqiong Huang et Albert Park. 2011. “Cognitive Skills, Non-Cognitive Skills, and Heckman, James et Edward Vytlacil. 2000. “Identi- the Employment and Wages of Young Adults in fying the Role of Cognitive Ability in Explaining Rural China.” Article présenté à la réunion annu- the Level of and Change in the Return to School- elle de l’Agricultural and Applied Economics ing.” Review of Economics and Statistics 83 (1): Association, 24–26 juillet, Pittsburgh. 1–12. Glewwe, Paul. 1991. “Schooling, Skills, and the Helmers, Christian et Manasa Patnam. 2011. “The Returns to Government Investment in Educa- Formation and Evolution of Childhood Skill tion: An Exploration Using Data from Ghana.” Acquisition: Evidence from India.” Journal of Living Standards Measurement LSM76, Banque Development Economics 95 (2): 252–66. mondiale, Washington, DC. Hicks, Joan Hamory, Michael Kremer, Isaac Mbit ———. 2002. “Schools and Skills in Developing et Edward Miguel. 2011. “Vocational Education Countries: Education Policies and Socioeco- Voucher Delivery and Labor Market Returns: nomic Outcomes.” Journal of Economic Literature A Randomized Evaluation among Kenyan 40 (2): 436–82. Youth.” Rapport au Fonds espagnol d’évaluation d’impact Phase II, Banque mondiale, Washing- Gove, Amber et Peter Cvelich. 2010. “Early Read- ton, DC. ing: Igniting Education for All: A Report by the Huffman, Wallace E. 1977. “Allocative Efficiency: Early Grade Learning Community of Practice.” The Role of Human Capital.” Quarterly Journal Research Triangle Institute, Research Triangle of Economics 91 (février): 59–79. Park, NC. Hungi, Njora, Demus Makuwa, Kenneth Ross, Grantham-McGregor, Sally, Yin Bun Cheung, San- Mioko Saito, Stéphanie Dolata, Frank van tiago Cueto, Paul Glewwe, Linda Richter et Bar- Cappelle, Laura Paviot et Jocelyne Vellien. 2010. bara Strupp. 2007. “Developmental Potential in “SACMEQ III Project Results: Pupil Achieve- the First Five Years for Children in Developing ment Levels in Reading and Mathematics.” Countries.” The Lancet 369 (9555): 60–70. Document de travail 1, Consortium de l’Afrique Groh, Matthew, Nandini Krishnan, David australe et orientale pour le pilotage de la qualité McKenzie et Tara Vishwanath. 2012. “Soft Skills de l’éducation (SACMEQ), Harare. http://www or Hard Cash? The Impact of Training and Wage .sacmeq.org/downloads/sacmeqIII/WD01_ Subsidy Programs on Female Youth Employment SACMEQ_III_ Results_Pupil_Achievement.pdf. in Jordan.” Document de travail consacré à la Johanson, Richard et Theogene Kayiranga Gakuba. recherche sur les politiques 6141, Banque 2011. “Rwanda: Training for the Informal Sec- mondiale, Washington, DC. tor.” Banque mondiale, Washington, DC. Haan, Hans Christian et Nicholas Serrière. 2002. Johanson, Richard K. et Avril V. Adams. 2004. Skills “Training for Work in the Informal Sector: Fresh Development in Sub-Saharan Africa. Washington, Evidence from West and Central Africa.” Centre DC: Banque mondiale. international de formation, Organisation inter- nationale du travail, Turin. KEPSA (Kenya Private Sector Alliance). 2012. “Beneficiary Assessment of Kenya Youth Haan, Hans Christian. 2001. “Training for Work in Empowerment Project (KYEP) Training and the Informal Sector: Fresh Evidence from East- Internship Component.” KEPSA, March. ern and Southern Africa.” Centre international Kitaev, Igor, avec des contributions de J. Glover, de formation, Organisation internationale du A. Melomey, Th. Coleman et B. Kaluba. 2003. travail, Turin. “Phase II: Synthesis of Main Findings from Two Hanushek, Eric A. et Ludger Woessmann. 2012. Case Studies Carried out in Ghana and Zambia “Do Better Schools Lead to More Growth? on Private Technical and Vocational Education Cognitive Skills, Economic Outcomes, and and Training (TVET).” Institut international de Causation.” Journal of Economic Growth 17 (4): planification de l’éducation (IIPE) et UNESCO, 267–321. Paris. 122 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Koop, Sabine, Tamara De Reu et Michael Frese. bique.” Banque mondiale et Save the Children, 2000. “Sociodemographic Factors, Entrepreneur- Washington, DC. ial Orientation, Personal Initiative, and Envi- Mattero, Minna. 2010. “Second Chance Education ronmental Problems in Uganda.” In Success and for Out-of-School Youth: A Conceptual Frame- Failure of Microbusiness Owners in Africa: A Psy- work and Review of Programs.” Banque mon- chological Approach, sous la conduite de M. Frese, diale, Washington, DC. 55–76. Westport, CT: Quorum. Mingat, Alain, Blandine Ledoux et Ramahatra Krauss, Stefanie I., Michael Frese, Christian Fried- Rakotomalala. 2010. Developing Post-Primary rich et Jens M. Unger. 2005. “Entrepreneurial Education in Sub-Saharan Africa: Assessing the Orientation: A Psychological Model of Success Financial Sustainability of Alternative Pathways. among Southern African Small Business Own- Washington, DC: Banque mondiale. ers.” European Journal of Work and Organiza- tional Psychology 14 (3): 315–44. Moll, Peter G. 1996. “The Collapse of Primary Schooling Returns in South Africa, 1960–90.” Kuepie, Mathias, Christophe J. Nordman et Fran- Oxford Bulletin of Economics and Statistics 58 (1): cois Roubaud. 2009. “Education and Earnings 185–209. in Urban West Africa.” Journal of Comparative Economics 37 (3): 491–515. ———. 1998. “Primary Schooling, Cognitive Skills Lassibille, Gerard et Jee-Peng Tan. 2005. “The et Wages in South Africa.” Economica 65 (258): Returns to Education in Rwanda.” Journal of 263–84. African Economies 14 (1): 92–116. Monk, Courtney, Justin Sandefur et Francis Teal. Lee, Jean N. et David Newhouse. 2012. “Cognitive 2008. “Does Doing an Apprenticeship Pay Off? Skills and Youth Labor Market Outcomes.” Evidence from Ghana.” Document de travail Document de référence pour le Rapport sur le CSAE2008-08, Centre for the Study of African développement dans le monde 2013: Emplois. Economies, Oxford. Banque mondiale, Washington, DC. Mullis, Ina V.S., Michael O. Martin, Pierre Foy et Lundberg, Mattias et Alice Wuermli, eds. 2012. Alka Arora. 2012. TIMSS 2011 International Children and Youth in Crisis: Protecting and Results in Mathematics. TIMSS & PIRLS Interna- Promoting Human Development in Times of tional Study Center, Lynch School of Education, Economic Shocks. Washington, DC: Banque Boston College, Chestnut Hill, MA et Associa- mondiale. doi: 10.1596/978-0-8213-9547-9. tion internationale pour l’évaluation du rende- ment scolaire (IEA) Secrétariat IEA, Amsterdam, Macours, Karen, Patrick Premand et Renos Vakis. Pays-Bas. 2013. “Demand Versus Returns? Pro-Poor Tar- geting of Business Grants and Vocational Skills Naudeau, Sophie, Sebastian Martinez, Patrick Training.” Document de travail consacré à la Premand et Deon Filmer. 2010. “Cognitive recherche sur les politiques 6389, Banque mon- Development among Young Children in Devel- diale, Washington, DC. oping Countries.” In No Small Matter: The Impact of Poverty, Shocks, and Human Capital Macours, Karen, Patrick Premand, Norbert Schady Investment in Early Childhood Development, sous et Renos Vakis. À paraître. “Experimental Evi- la conduite de Harold Alderman, 9–50. Washing- dence from an Early Childhood Parenting ton, DC: Banque mondiale. Intervention in Nicaragua.” Banque mondiale, Washington, DC. Nayar, Reema, Pablo Gottret, Mitra Pradeep, Gordon Betcherman, Yue Man Lee, Indhira Maluccio, John A., John Hoddinott, Jere R. Behr Santos, Mahesh Dahal et Maheshwor Shrestha. man, Reynaldo Martorell, Agnes R. Quisumbing 2012. “More and Better Jobs in South Asia.” et Aryeh D. Stein. 2009. “The Impact of Improv- South Asia Development Matters Report 66229, ing Nutrition during Early Childhood on Edu- Banque mondiale, Washington, DC. cation among Guatemalan Adults.” Economic Journal 119 (537): 734–63. Nell, Marian et Janet Shapiro. 1999. “Traditional Apprenticeship Practice in Dar es Salaam: A Mano, Yukichi, Alhassan Iddrisu, Yutaka Yoshino Study.” Rapport de consultance rédigé pour et Tetsushi Sonobe. 2011. “How Can Micro and GTZ/VETA, GTZ/VETA, Dar es-Salaam. Small Enterprises in Sub-Saharan Africa Become More Productive? The Impacts of Experimental Nicholson, Sue. 2006. “Accelerated Learning Pro- Basic Managerial Training.” World Development grams in Post Conflict Settings: A Discussion 40(3):458–68. Paper.” Save the Children US, Westport, CT. Martinez, Sebastian, Sophie Naudeau et Victor Oosterbeek, Hessel, Mirjam van Praag et Auke Pereira. 2012. “The Promise of Preschool in Ijsselstein. 2008. “The Impact of Entrepreneur- Africa: A Randomized Impact Evaluation of ship Education on Entrepreneurship Competen- Early Childhood Development in Rural Mozam- cies and Intentions: An Evaluation of the Junior Compétences pour l’emploi productif 123 Achievement Student Mini-Company Program.” Shaorshadze, Irina et Pramila Krishnan. 2013. IZA Discussion Paper 3641, Institut d’études du “Technical and Vocational Education and Train- travail, Bonn. ing in Ethiopia.” Document de travail, Inter- Ozier, Owen. 2010. “The Impact of Secondary national Growth Centre, London School of Schooling in Kenya: A Regression Discontinuity Economics, février. Analysis.” Groupe de recherche sur le développe- Shonkoff, Jack P. et Deborah Phillips, eds. 2000. ment, Banque mondiale, Washington, DC. From Neurons to Neighborhoods: The Science of Paxson, Christina et Norbert Schady. 2007. “Cog- Early Childhood Development. Washington, DC: nitive Development among Young Children National Academy Press. in Ecuador: The Roles of Wealth, Health, and Söderbom, Måns, Francis Teal et Alan Harding. Parenting.” Journal of Human Resources 42 (1): 2006. “The Determinants of Survival among 49–84. African Manufacturing Firms.” Economic Devel- Peeters, Pia, Wendy Cunningham, Gayatri Acharya opment and Cultural Change 54 (3): 533–55. et Arvil Van Adams. 2009. “Youth Employment South Sudan, Government of, Ministry of General in Sierra Leone: Sustainable Livelihood Oppor- Education and Instruction. 2011. Education Sta- tunities in a Post-Conflict Setting.” Banque mon- tistics for the Republic of South Sudan: National diale, Washington, DC. Statistical Booklet, 2011. Juba. Premand, Patrick, Stefanie Brodmann, Rita Steinberg, Laurence, Elizabeth Cauffman, Jenni- Almeida, Rebekka Grun et Mahdi Barouni. 2012. fer Woolard, Sandra Graham et Marie Banich. “Entrepreneurship Training and Self- Employ- 2009. “Are Adolescents Less Mature Than Adults? ment among University Graduates: Evidence Minors’ Access to Abortion, the Juvenile Death from a Randomized Trial in Tunisia.” Document Penalty, and the Alleged Apa ‘Flip-Flop.’” Ameri- de travail consacré à la recherche sur les poli- can Psychologist 64 (7): 583–94. tiques 6285, Banque mondiale, Washington, DC. Teal, Francis. 2010. “Higher Education and Eco- Pritchett, Lant. 2013. The Rebirth of Education: nomic Development in Africa: A Review of From 19th-Century Schooling to 21st-Century Channels and Interactions.” Document de travail Learning. Washington, DC: Brookings Institu- CSAE2010-25, Centre for the Study of African tion Press. Economies, Oxford. Rankin, Neil, Justin Sandefur et Francis Teal. 2010. Tubbs, Carly et Dana Charles McCoy. 2012. “Early “Learning and Earning in Africa: Where Are the Childhood Development: An Introduction.” Returns to Education High?” Document de travail In Children and Youth in Crisis: Protecting and CSAE2010-02, Centre for the Study of African Promoting Human Development in Times of Eco- Economies, Oxford. nomic Shocks, sous la conduite de Mattias Lund- Riley, Thyra A. et William F. Steel. 2000. “Kenya berg et Alice Wuermli, 106–15. Washington, DC: Voucher Programme for Training and Business Banque mondiale. Development Services.” In Business Development UNESCO (Organisation des Nations Unies pour Services: A Review of International Experience, l’éducation, la science et la culture). 2012. EFA sous la conduite de Jacob Levitsky, ch. 12. Lon- Global Monitoring Report: Youth and Skills: Put- don: Intermediate Technology Publications. ting Education to Work. Paris: UNESCO. Roberts, Brent W. et Daniel Mroczek. 2008. “Per- Unger, Jens M., Nina Keith, Christine Hilling, sonality Trait Change in Adulthood.” Current Michael M. Gielnik et Michael Frese. 2009. Directions in Psychological Science 17 (1): 31–35. “Deliberate Practice among South African Small Rosendahl Huber, Laura, Randolph Sloof et Mirjam Business Owners: Relationships with Education, van Praag. 2012. “The Effect of Early Entrepre- Cognitive Ability, Knowledge, and Success.” Jour- neurship Education: Evidence from a Random- nal of Occupational and Organizational Psychol- ized Field Experiment.” IZA Discussion Paper ogy 82 (1): 21–44. 6512, Institut d’études du travail, Bonn. Uwezo Tanzania. 2011. “Are Our Children Learn- Rosholm, Michael, Helena Skyt Nielsen et Andrew ing? Annual Learning Assessment Report.”Uwezo Dabalen. 2007. “Evaluation of Training in Afri- Tanzanie, Dar es-Salaam. http://www.uwezo.net/ can Enterprises.” Journal of Development Eco- wp-content/uploads/2012/08/ TZ_2011_Annual- nomics 84 (1): 310–29. Assessment-Report.pdf. Schultz, T. Paul. 2004. “Evidence of Returns to Valdivia, Martin. 2011. “Training or Technical Schooling in Africa from Household Surveys: Assistance? A Field Experiment to Learn What Monitoring and Restructuring the Market for Works to Increase Managerial Capital for Female Education.” Journal of African Economies 13 Microentrepreneurs.” Grupo de Análisis para el (supplement 2): ii95–148. Desarrollo (GRADE), Lima. 124 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Walker, Susan P., Theodore D. Wachs, Julie Meeks dren and Youth in Crisis: Protecting and Promot- Gardner, Betsy Lozoff, Gail A. Wasserman, ing Human Development in Times of Economic Ernesto Pollitt et Julie A. Carter. 2007. “Child Shocks, sous la conduite de Mattias Lundberg et Development: Risk Factors for Adverse Out- Alice Wuermli, 29–102. Washington, DC: Banque comes in Developing Countries.” The Lancet 369 mondiale. (9556): 145–57. Xu, Lisa et Bilal Zia. 2012. “Financial Literacy Welch, F. 1970. “Education in Production.” Journal around the World: An Overview of the Evidence of Political Economy 78 (1): 35–59. with Practical Suggestions for the Way Forward.” Wuermli, Alice, Rainer K. Silbereisen, Mattias Lun- Document de travail consacré à la recherche sur dberg, Michele Lamont, Jere R. Behrman et Larry les politiques 6107, Banque mondiale, Washing- Aber. 2012. “A Conceptual Framework.” In Chil- ton, DC. Chapitre 4 L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes Africains D’un point de vue conceptuel, les efforts pour d’offrir un travail constructif, avec d’importants accélérer la croissance agricole et améliorer la avantages tant publics que privés. sécurité alimentaire ont souvent été dissociés des efforts visant à créer des emplois pour les jeunes. Jadis premier secteur de la plupart des éco- S’il persiste, ce cloisonnement préjudiciable va nomies du monde, l’agriculture a vu son rôle limiter l’aptitude de l’Afrique à récolter les fruits diminuer à mesure que les économies accu- de son dividende démographique. Le secteur mulaient la richesse, les innovations technolo- agricole, qui est déjà le plus grand employeur en giques et les connexions dues au commerce qui Afrique, est le moyen le plus immédiat de cata- ont stimulé la diversification et le changement lyser la croissance économique et l’emploi des structurel. L’accélération de la croissance dans jeunes. Pour réaliser ce potentiel, il doit rapi- les secteurs non agricoles a attiré suffisamment dement cesser d’être une occupation de dernier de main-d’œuvre pour entraîner un déclin de recours à faible productivité pour devenir une la part de l’emploi dans l’agriculture. Ce dépla- réelle opportunité d’emploi techniquement dyna- cement de la main-d’œuvre est dû au fait que mique. Pour autant que la mise en œuvre accélé- d’une part, des gains de productivité dans les rée de programmes bien conçus d’investissement exploitations agricoles ont permis de dégager public dans l’agriculture bénéficie d’une plus de la main-d’œuvre (facteurs d’incitation) grande priorité, que des progrès soutenus soient et que d’autre part, des opportunités de pro- réalisés dans les réformes des réglementations ductivité et de revenus plus élevés ont attiré la et politiques, et que de nouvelles mesures soient main-d’œuvre en dehors de ces exploitations spécifiquement axées sur l’intégration des jeunes, (facteurs d’attraction).1 l’agriculture sera à même d’absorber les grands L’Afrique ne suit toutefois pas cette trajec- nombres de nouveaux demandeurs d’emploi et toire. Dans de nombreux pays africains, les 125 126 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne revenus générés par l’extraction des ressources l’Afrique, la croissance de la productivité agri- naturelles et par les secteurs urbains de la cole devra provenir d’une plus large utilisation construction et des services ont contribué à des technologies plus avancées qui ont fonc- accroître le produit intérieur brut (PIB) sans tionné ailleurs : amélioration des semences, pour autant attirer de grands nombres de tra- des cultivars et variétés, des méthodes de vailleurs issus de l’agriculture. Même dans les culture, des pratiques de conservation et de hypothèses optimistes, les effectifs de la cohorte l’équipement. Au cours des dix dernières des jeunes Africains intégrant actuellement la années, un plus grand nombre d’agriculteurs population active devraient dépasser le nombre ont commencé à adopter ces technologies en susceptible d’être absorbé par l’emploi dans Afrique,2 quoiqu’à un rythme moins rapide l’industrie manufacturière et les services (voir que dans d’autres régions. Les investissements Chapitre 1). Au cours des prochaines décennies, et réformes des politiques récemment enga- les jeunes continueront à consacrer leur énergie gés en Afrique peuvent catalyser une adoption et leurs talents à l’agriculture, à l’intérieur ou à plus rapide, mais les niveaux d’investissement, proximité de l’exploitation agricole où ils sont le rythme de la mise en œuvre et la qualité des nés (Proctor et Lucchesi, 2012). La question programmes ne sont pas encore suffisants pour cruciale est de savoir comment les jeunes Afri- générer un grand changement de productivité. cains et leurs pays peuvent bénéficier de l’em- ploi dans l’agriculture. La réponse dépendra du fait que les pouvoirs publics adoptent ou non L’agriculture : une opportunité des politiques et des décisions d’investissement potentielle avec des possibilités capables d’éliminer les obstacles à la producti- de croissance vité agricole. Les raisons de la lenteur de la croissance L’opportunité que constitue l’agriculture pour de la productivité agricole en Afrique sont l’Afrique subsaharienne apparaît clairement connues. Les systèmes de culture basés sur le dans les échanges commerciaux de la région. La blé et le riz irrigué, qui ont enregistré des gains valeur des marchés africains des produits ali- de productivité spectaculaires en Asie du Sud mentaires devrait augmenter de 313 milliards et de l’Est, ne conviennent pas à la plupart des de dollars EU en 2010 à 1 000 milliards de dol- environnements au sud du Sahara. La com- lars EU en 2030 (Banque mondiale, 2013). En plexité de l’agroécologie et l’extrême diver- 2003, les importations alimentaires dépassaient sité des systèmes de production de l’Afrique largement les exportations et ont depuis conti- requièrent un effort de recherche comparable nué à croître. La croissance des importations a à celui entrepris ailleurs dans le monde, mais été imputée, à des degrés divers, à l’incapacité l’Afrique commence à peine à inverser des de la production agricole à faire face à la crois- décennies de négligence et de sous-investisse- sance démographique (ce qui est incorrect, ment dans la recherche agricole. Il faudra du étant donné que la production par habitant a temps pour que des effets positifs se fassent augmenté au cours de cette période), au chan- véritablement sentir. Les conséquences de la gement climatique et à d’autres facteurs liés à faible productivité de l’agriculture africaine l’offre. Celle-ci a certainement de l’importance, sont également bien connues. Elle est en partie mais le point fondamental est qu’en raison de la responsable des prix alimentaires élevés prati- rapide croissance de la population, des revenus qués dans une grande partie de l’Afrique, où et de l’urbanisation, la demande de produits l’achat des produits alimentaires de base peut alimentaires importés augmente plus rapide- représenter jusqu’à la moitié des dépenses des ment que l’offre des denrées de substitution consommateurs (OCDE et FAO, 2012). Les prix produites localement. élevés des denrées alimentaires entravent égale- Une croissance rapide de la demande pro- ment la compétitivité en augmentant le coût de duits alimentaires en crée des opportunités la main-d’œuvre. pour les fournisseurs. Par exemple, l’urbani- Entretemps et jusqu’à ce qu’il existe une sation peut être une bonne affaire pour l’agri- recherche spécifique aux environnements de culture locale. Les modèles de peuplement plus L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 127 denses observés à mesure que les communautés Encadré 4.1 rurales grandissent et fusionnent3 contribuent à réduire les coûts de commercialisation des producteurs agricoles de l’arrière-pays et à Les femmes et les filles : une force majeure accroître la rentabilité des investissements dans au sein de la population active agricole de la transformation des produits bruts. D’autre l’Afrique part, la croissance de la demande n’est pas limi- tée aux seuls marchés intérieurs en expansion Les femmes et les filles africaines travaillent dans l’agriculture en tant de l’Afrique. Les prix alimentaires mondiaux qu’exploitantes de leurs propres terres, travailleuses non rémunérées dans l’exploitation familiale, ou travailleuses rémunérées dans d’autres ont atteint leur plus haut niveau depuis des exploitations et entreprises agricoles. Elles sont impliquées aussi bien décennies, et à moins que les politiques rela- dans la culture que l’élevage, aussi bien de subsistance qu’à caractère tives aux biocarburants ne soient substantielle- commercial. ment modifiées, ils devraient rester élevés pen- Dans les pays en développement, les femmes représentent en dant au moins le reste de la décennie. moyenne 43 % de la main-d’œuvre agricole. Ce chiffre oscille entre Les opportunités générées par cette demande environ 20 % en Amérique latine et 50 % dans certaines parties de locale et internationale croissante de produits l’Afrique et de l’Asie. Dans certains pays d’Afrique subsaharienne, la alimentaires devraient être aussi variées que part des femmes dans la population active agricole a significativement l’agriculture africaine elle-même. De manière augmenté au cours des dernières décennies, en raison des conflits, du générale, l’agriculture est un secteur utilisant virus de l’immunodéficience humaine/syndrome d’immunodéficience une main-d’œuvre faiblement productive et acquise (VIH/SIDA), de la migration et de la diversification des moy- ens de subsistance, même si les données régionales masquent nombreuse, mais elle est aussi exceptionnelle- d’importantes différences. La part des femmes dans la main-d’œuvre ment hétérogène. Même dans les pays dévelop- agricole va de 36 % en Côte d’Ivoire et au Niger, à plus de 60 % au pés, l’agriculture est suffisamment hétérogène Lesotho, au Mozambique et en Sierra Leone (FAO, 2011). Une ten- pour que l’on se pose des questions sur ce qui dance régionale ressort toutefois clairement : c’est généralement le constitue une exploitation agricole. En Afrique, membre masculin du ménage agricole qui va le premier exercer une chaque exploitation se situe quelque part le activité non agricole (Fox et Sohnesen, 2012). long de larges spectres définis par la taille des exploitations, l’intensité de capital, l’utilisation des technologies mécaniques et biologiques, et le degré de commercialisation. La première États-Unis et dans la région de la mer Noire condition pour créer des opportunités valables (Tableau 4.1). Si les producteurs locaux deve- pour les jeunes dans l’agriculture africaine naient plus compétitifs, ils pourraient conqué- est d’approfondir la connaissance du secteur rir les marchés intérieurs et régionaux en plein en identifiant les variations dans les activités, essor. Des mesures permettant de réduire les les actifs et les compétences cachées derrière coûts de production (telles que la diffusion les moyennes. Cette tâche exige une attention de technologies améliorées) et de commercia- rigoureuse et constante à la problématique du lisation (telles que des investissements dans genre, étant donné l’importance des femmes et les transports et les infrastructures) peuvent des filles dans la main-d’œuvre agricole afri- accroître la rentabilité et réduire les coûts des caine (Encadré 4.1). denrées alimentaires. Même dans les pays relati- L’agriculture africaine pourra tirer avantage vement bien connectés aux marchés mondiaux, de l’évolution des marchés locaux et nationaux, l’augmentation de la production locale peut dans les segments de la structure agricole qui faire baisser les prix alimentaires, étant donné ont été sous-développés dans le passé, mais ont que les cours internationaux ne sont pas direc- aujourd’hui la possibilité de se développer. Par tement répercutés sur les prix du marché local exemple, dans de nombreuses capitales afri- (Minot, 2011). La baisse des prix alimentaires caines, le riz est deux fois plus cher que dans est non seulement profitable aux consomma- les pays exportateurs asiatiques. Le prix du teurs, mais elle tempère aussi les exigences sala- maïs, le principal aliment de base en Afrique riales dans le secteur non agricole, ce qui attire orientale et australe, est de 30 à 40 % supérieur de nouveaux investissements dans l’industrie aux prix d’exportation en Afrique du Sud, aux manufacturière et les services. Les nouveaux 128 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Tableau 4.1  Prix de gros du maïs et du riz non traités dans quelques pays, moyennes, janvier à avril 2012 Maïs Riz Prix de gros Prix de gros Marché (dollars EU par tonne) Marché (dollars EU par tonne) Afrique Éthiopie 390 Bénin 1 055 Kenya 393 Burkina Faso 738 Malawi 400 Madagascar 593 Mozambique 378 Mali 690 Rwanda 318 Mozambique 865 Afrique du Sud 293 Niger 850 Tanzanie 334 Sénégal 810 Togo 453 Togo 1 097 Ouganda 334 Ouganda 1 368 Zimbabwe 300 Référence internationale Référence internationale Inde 378 Région de la mer Noire 267 Thaïlande 556 États-Unis 276 Vietnam 434 Source : Système mondial d’information et d’alerte rapide de la FAO. investissements créent des emplois, alimentant Les dirigeants africains qui élaborent ainsi un cercle vertueux (Encadré 4.2). aujourd’hui des stratégies pour l’agriculture La façon dont les pays choisiront d’accroître doivent être conscients du fait que les circons- leur productivité agricole déterminera si le tances auxquelles ils sont confrontés sont pas- cercle vertueux se maintiendra dans le temps, sablement différentes de celles qui ont façonné avec des effets positifs pour les jeunes et l’en- les expériences traditionnelles de développe- semble de l’économie, ou s’il n’aura qu’une ment et de changement structurel. L’agriculture durée limitée. Avec la croissance de la demande africaine se développe dans un contexte de prix de produits alimentaires, la productivité totale alimentaires mondiaux élevés, de potentiel de des facteurs devra augmenter pour conserver croissance des superficies et des rendements, des prix alimentaires réels abordables et main- de quantités réduites de produits manufactu- tenir la capacité de créer des emplois4. À moins rés non échangeables et d’évolutions de l’avan- qu’une attention particulière ne soit accordée tage comparatif dans le monde développé en aux interventions véritablement capables de faveur des services et produits à haute intensité soutenir la productivité, telles que la recherche technologique (Losch, Fréguin-Gresh et White, agronomique, le développement des compé- 2012). Dans ce contexte, si les agriculteurs afri- tences agricoles et l’adoption de nouvelles et cains modifient la technologie qu’ils utilisent meilleures variétés, la croissance de la produc- et leurs gammes de produits, la part de l’agri- tion résultera d’une utilisation accrue d’in- culture dans le PIB africain pourrait être plus trants achetés, tels que les engrais et les produits élevée que jamais ou même s’accroître avec le agrochimiques. La croissance de la production développement. En outre, le coût du retrait de résultante peut être rapide pendant une courte la main-d’œuvre du secteur agricole semble période, pour autant que les intrants stimulent avoir augmenté au fil du temps à travers le les rendements, mais elle sera coûteuse, aug- monde, et constitue un autre facteur indiquant mentera le prix réel des aliments et, en fin de que l’expérience de l’Afrique peut être diffé- compte, érodera les gains potentiels des pro- rente (Timmer et Akkus, 2008). Au cours des ducteurs, des consommateurs et de la société 50 dernières années, le point où convergent les en général (Encadré 4.3). salaires dans l’agriculture et dans l’emploi non L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 129 Encadré 4.2 Lorsqu’elle est plus productive, l’agriculture stimule la croissance économique Malgré les différences dans le contexte mondial et les condi- Figure B4.2.1  Une productivité totale des facteurs plus élevée tions économiques nationales, les effets de l’agriculture sur a aidé les agriculteurs des États-Unis à compenser la baisse des l’économie des États-Unis au cours des 45 dernières années termes de l’échange, 1975–2009 peuvent fournir des enseignements utiles pour l’Afrique, au 1,8 moment où tant de jeunes sont prêts à intégrer la population 1,6 active agricole. Entre années 1960 et 2005, les États-Unis ont 1,4 produit plus de denrées agricoles de base à des coûts plus bas 1,2 1,0 Indice que jamais. Les prix réels de la plupart des produits agricoles 0,8 ont diminué de 20 à 50 % (voir Tableau B4.2.1). Même si le 0,6 coût des aliments augmentait partout dans le monde, la plu- 0,4 part des prix alimentaires de 2010 étaient encore inférieurs 0,2 (en dollars EU constants) à ceux de 1960. Pour l’ensemble de 0,0 l’économie, ces faibles prix réduisaient le coût de la transfor- 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 mation des produits alimentaires de base en une multitude Productivité totale des facteurs (1992 = 1) de denrées de consommation (une activité génératrice de Termes de l’échange (prix des produits agricoles/prix nouveaux emplois). Les prix bas permettaient aux consom- des intrants agricoles) (1990–1992 = 1) mateurs de dépenser plus pour des articles autres que la Source : Bureau exécutif du Président des Etats-Unis, 2011 nourriture. La productivité agricole plus élevée a contribué à une croissance généralisée des revenus aux États-Unis. Même lorsque les prix de leurs produits diminuaient, les leurs moyens de subsistance. Alors que les prix agricoles réels agriculteurs et les autres travailleurs agricoles maintenaient diminuaient et que le coût des intrants et des facteurs de des États-Unisis production augmentait, les agriculteurs « Farming a et Tableau B4.2.1  Modification (en pourcentage) des prix de d’autres pays développés parvenaient encore good job because à réaliser des certains produits alimentaires aux États-Unis, 1960–2010 gains (de même que les salariés agricoles) en is where leur it accroissant I can Période Blé Maïs Sucre Bœuf productivité. Ils utilisaient plus efficacement les intrants et get food to modifiaient leurs gammes de produits. Aux États-Unis, entre eat 1960–2005 –43 –52 –19 –23 and live 1975 et 2010, la productivité totale des facteurs well. » a augmenté 2006–2010 8 41 50 22 de 2,2 % par an, une croissance faibleLiberia par rapport aux 1960–2010 –24 –18 24 –10 normes historiques, mais suffisante pour maintenir la renta­ Source : Pink Sheets, Banque mondiale. bilité (voir Figure B4.2.1). agricole a été atteint à des stades de plus en plus la productivité totale des facteurs. Entre 2006 tardifs de l’évolution des économies prospères, et 2008, lorsque les pouvoirs publics africains suggérant peut-être qu’à l’échelle mondiale, ont commencé à accorder une plus grande l’industrie devient de moins en moins capable attention à l’agriculture,4 la croissance des ren- d’absorber la main-d’œuvre. dements a dépassé celle de la superficie, et la Des tendances raisonnablement optimistes productivité totale des facteurs a augmenté. Ces récentes indiquent que les sources de la crois- récents développements suggèrent que, si les sance agricole en Afrique pourraient être en pouvoirs publics intensifiaient et maintenaient train de changer. Entre 1960 et 2008, la super- leurs efforts pour accroître la productivité des ficie cultivée a augmenté plus rapidement que facteurs, ils pourraient obtenir des prix plus les rendements (Fuglie, 2011). Quelque 40 % bas pour les consommateurs, des revenus plus de l’amélioration des rendements provenaient élevés pour les agriculteurs et des opportunités d’une plus grande utilisation d’intrants ache- d’emploi valables dans l’agriculture pour les tés et les 60 % restants de changements dans jeunes. 130 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.3 Même ainsi, les groupes de discussion ont émis des messages contradictoires en ce qui concerne l’attrait de l’agriculture en tant que Compromettre la croissance et la création moyen de subsistance, et leurs perceptions d’emplois sans améliorer la sécurité variaient considérablement à travers l’Afrique. alimentaire à long terme Parmi les trois grandes catégories d’emploi (emploi non agricole rémunéré, emploi non Depuis 2008, plusieurs pays africains ont mis en place des pro- agricole non rémunéré et emploi dans l’agri- grammes de subventions encourageant les agriculteurs à utiliser des culture), « l’agriculture familiale » était l’emploi engrais dans leurs cultures vivrières, sans pour autant les inciter à uti- liser des variétés plus productives et de meilleures pratiques de ges- souhaitable le plus fréquemment cité. Pourtant, tion. Les agriculteurs ont par conséquent consacré une bonne partie à l’exception d’un groupe de femmes du nord de leurs terres aux cultures vivrières, au détriment de cultures à fort du Darfour, aucun des groupes de discussion rapport économique et à plus haute intensité de main-d’œuvre, frein- d’Afrique du Sud, du Soudan ou du Togo n’a ant ainsi le rythme de la création d’emplois et l’augmentation de la mentionné les activités agricoles comme un productivité dans l’agriculture. Dans certains cas, la production des bon emploi (Petesch et Caillava, 2012). Dans cultures vivrières a brièvement augmenté, pour ensuite retomber bru- les mêmes grandes catégories, l’agriculture était talement, une fois que la distribution coûteuse (et souvent politisée) citée comme « pire emploi », juste après les des engrais subventionnés a pris fin. Les premières données suggèrent emplois illicites et antisociaux. Les entretiens que, même pendant la période de subvention, les rendements obte- des groupes de discussion avec des jeunes issus nus pour les variétés utilisées étaient nettement plus bas que prévu. Beaucoup de choses peuvent être faites pour améliorer la production de milieux urbains indiquent que l’agriculture des cultures vivrières sans pour autant compromettre la croissance n’est pratiquement jamais mentionnée en tant et la création d’emplois. La leçon à tirer de ces expériences est que que « meilleur emploi ». Pour attirer les jeunes, l’utilisation des engrais doit s’inscrire dans un programme plus vaste l’agriculture devra donc être plus dynamique et visant à stimuler les gains de productivité et à encourager la diversi- plus attrayante qu’elle ne l’est actuellement, et fication vers des produits à fort rapport économique et plus haute les jeunes devront en avoir une impression plus intensité de main-d’œuvre. positive (IDS, 2012). Les exploitations agricoles offrant des opportunités intéressantes devront être très différentes de celles que connaissent la Reconnaître l’opportunité que plupart des jeunes Africains. représente l’agriculture pour les jeunes Modèles d’utilisation des terres, taille des exploitations et rentabilité Beaucoup de jeunes méconnaissent les oppor- Les exploitations agricoles que de nombreux tunités et le dynamisme potentiel de l’agricul- jeunes Africains connaissent depuis leur ture d’aujourd’hui. Interrogés sur les meilleurs enfance sont de petite taille, exigent un travail et les pires moyens de gagner leur vie dans éreintant et sont peu mécanisées. leurs communautés, de jeunes Africains ruraux Les propriétés de un à deux hectares pré- répartis en 32 groupes de discussion ont rare- dominent et les outils les plus courants sont « L’agriculture la houe et la machette (Nagayets, 2005). Selon est un bon ment mentionné l’agriculture comme « meil- leur emploi » (même si elle n’était pas consi- les données de la Banque mondiale pour trois emploi parce pays, la possession de terres augmente avec dérée comme le pire). Pour les participants, les que j’y trouve de bons emplois étaient ceux qui étaient assortis l’âge de l’agriculteur (Figure 4.1), mais la taille quoi me nourrir d’un bon salaire et de considération, deux moyenne des parcelles, même chez les agricul- et bien vivre. » caractéristiques qui ne sont généralement pas teurs plus âgés, reste souvent largement infé- Libéria associées à l’agriculture dans les conditions que rieure à un hectare. les jeunes Africains connaissent le mieux. Ils Ce modèle d’utilisation des terres se décrivaient les mauvais emplois comme ceux retrouve, que les terres soient rares ou abon- qui procurent des revenus limités et incertains, dantes, quelles qu’en soient les raisons. Là où et qui sont physiquement préjudiciables, exi- les peuplements sont denses et les terres rares, geants ou illicites. comme au Rwanda et au Malawi, les proprié- L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 131 tés par ménage et par travailleur sont de petite Figure 4.1  Les jeunes ne possèdent généralement pas de terres taille et s’amenuisent avec la croissance démo- 80 graphique. Dans ces conditions, l’investisse- ment dans l’irrigation, l’utilisation d’intrants 70 % possédant au moins une parcelle achetés, les variétés améliorées, les cultures à 60 fort rapport économique, les doubles et triples récoltes, la culture en terrasses et autres pra- 50 tiques peuvent accroître la productivité des 40 terres et les revenus. Les investissements facili- tant l’accès aux marchés accroissent la demande 30 de produits agricoles et réduisent leur coût de transport. La rentabilité de l’intensification 20 augmente et d’autres investissements de ce type 10 sont réalisés. Pourquoi les exploitations agricoles sont- 0 elles donc si petites dans les zones où les terres 15–19 20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 50–54 55–59 60+ sont abondantes, comme dans la majeure par- Âge (années) tie de l’Afrique ? La taille des exploitations agri- Tanzanie Ouganda Malawi coles est souvent limitée à la superficie qu’un Source : Sur base des données de l’Étude sur la mesure des niveaux de vie — Enquêtes intégrées sur ménage est capable de cultiver manuellement, l’agriculture parce que les machines sont chères, ne peuvent être acquises sans financement et peuvent être difficiles à posséder et utiliser de manière col- une large zone géographique, confirment l’exis- lective. La traction animale permet de cultiver tence d’une relation inverse entre le rendement de plus grandes surfaces, mais la trypanoso- du maïs et la taille des exploitations, étayant miase et d’autres maladies animales limitent ainsi l’hypothèse avancée dans des études l’utilisation des animaux de trait dans de nom- antérieures que les petites exploitations sont breuses parties de l’Afrique. souvent productives dans le contexte africain Dans d’autres cas, la terre peut être abon- et que les petits exploitants ne négligent pas dante, mais pratiquement impossible à acqué- nécessairement les économies d’échelle (Larson rir en raison d’ambiguïtés dans les possibilités et coll., 2012). Historiquement, la production de négocier la terre à travers l’achat, la vente, primaire de denrées de base n’a pas enregistré la location, l’héritage, l’attribution selon les une augmentation des rendements d’échelle, règles traditionnelles, et l’hypothèque (Banque et les petits exploitants qui constituent volon- mondiale, 2012b). Lorsque les contraintes tairement des groupes de producteurs peuvent pesant sur les opérations des marchés fonciers réaliser des économies d’échelle, par exemple, augmentent le coût de l’accès à de nouvelles dans la commercialisation de leurs produits et terres, un jeune atteignant l’âge adulte peut se l’accès à l’information (voir Encadré 4.4 ; Mor- contenter de cultiver une partie de sa propriété ris, Binswanger-Mkhize et Byerlee, 2009) familiale de naissance au lieu d’acquérir une La taille idéale des exploitations est toutefois nouvelle parcelle. Il n’est pas rare que la frag- une question économique et non de principe « Si vous n’avez mentation continue des petites propriétés per- ou d’idéologie. Lorsque des coûts de produc- qu’un petit siste parallèlement à l’acquisition de grandes tion peuvent être facilement divisés, les petits étendues par des investisseurs extérieurs, aussi terrain pour huit exploitants le feront aussi bien, sinon mieux, bien nationaux qu’étrangers. que les autres. Lorsque les coûts ne sont pas personnes, tout Une troisième considération est que, dans divisibles pour quelque raison que ce soit, les le monde ne peut certains cas, les petites exploitations agricoles à petits exploitants seront défavorisés, mais res- pas manger. » haute intensité de main-d’œuvre peuvent être teront très nombreux. Dans ce cas, les pro- Madagascar économiquement adaptées, efficaces et ren- grammes facilitant des ajustements de la taille tables. De récentes preuves empiriques, tirées des exploitations ou abordant la question des d’un ensemble hétérogène de données couvrant coûts indivisibles seront utiles. 132 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.4 marchés locatifs sont peu développés, les agri- culteurs âgés conservent souvent le contrôle sur des propriétés qui pourraient être gérées plus Organisations de producteurs et transition efficacement par des agriculteurs plus jeunes, innovants et dynamiques (Encadré 4.5). vers les chaînes d’approvisionnement Une plus grande fluidité des marchés fon- modernes ciers offrirait aux jeunes de meilleures possibili- Des alliances productives rurales peuvent réunir les organisations de tés de pratiquer une agriculture plus productive producteurs et les acheteurs commerciaux en vue d’accroître les revenus et plus exigeante en matière de gestion. Mainte- et l’emploi grâce à la participation aux chaînes d’approvisionnement nant que les transformateurs et les consomma- modernes. Ces alliances ont montré leur capacité à élever les revenus teurs urbains exigent la qualité et la traçabilité agricoles et à accroître l’emploi rural, en particulier pour les travailleurs des produits agricoles et que des changements agricoles et les femmes travaillant dans les activités d’après récolte dans les conditions météorologiques mettent à (Banque mondiale, 2012a). Les agriculteurs ont également bénéficié mal les règles empiriques traditionnellement des opportunités d’emploi générées par des partenariats public-privé améliorant la productivité agricole. Par exemple, un modèle efficace appliquées dans le cycle agricole, l’agriculture en Amérique latine, qui visait à accroître la compétitivité le long de requiert un niveau de gestion plus sophisti- la chaîne de valeur du manioc (production, transformation et utilisa- qué. Les jeunes sont bien placés pour acquérir tion), a collaboré avec des groupements et coopératives d’agriculteurs et exercer une expertise de gestion et peuvent (entre autres) et a finalement étendu la formation et les emplois pour le faire de diverses façons, mais la perspicacité les agriculteurs dans l’agro-industrie du manioc. de gestion d’un agriculteur est aussi indivisible qu’un tracteur. Chacun de ces aspects engendre Source : Banque mondiale, 2012a. des pressions économiques en faveur d’une fusion des très petites exploitations en des uni- tés de plus grande taille, ou du développement de nouveaux réseaux de producteurs en vue Fournir aux jeunes Africains les de partager les coûts. C’est pourquoi une plus exploitations dont ils ont besoin grande fluidité des marchés fonciers, en parti- Même lorsque les petites exploitations sont culier de la location, est essentielle pour qu’une manifestement efficientes, leur productivité nouvelle génération d’agriculteurs africains agricole ne peut augmenter si la main-d’œuvre puisse tirer parti des opportunités émergeant familiale s’y multiplie. Le revenu qu’un ou deux dans l’agriculture. Les organisations de produc- hectares peuvent générer est rarement suffisant teurs pourraient être amenées à innover dans la pour sortir tous les membres d’un ménage de prestation de services de gestion, un domaine la pauvreté. Pour que la productivité agricole et dans lequel elles n’ont pas été actives dans le les revenus augmentent, les jeunes doivent être passé. en mesure d’acquérir plus de terres et doivent Lorsque les dotations en facteurs et les également pouvoir quitter leur exploitation caractéristiques de la technologie et des mar- familiale de naissance pour d’autres formes chés impliquent que la taille optimale des d’emploi. exploitations soit supérieure à celle observée Bien que la mobilité vers l’extérieur de dans la réalité, les limitations des marchés des l’agriculture ait été faible en Afrique, la plu- capitaux et fonciers font peser un lourd far- part des terres appartiennent aujourd’hui à des deau d’inefficacité sur les populations rurales. agriculteurs vieillissants, malgré l’importante Même si tous les petits exploitants n’ont pas cohorte des nouveaux entrants potentiels. Les nécessairement les compétences ou le goût du obstacles aux transferts intergénérationnels des risque requis pour gérer une centaine d’hec- terres sont particulièrement coûteux lorsque tares, beaucoup pourraient vraisemblablement les terres sont rares ou que les jeunes ont des exploiter cinq à dix hectares, s’ils avaient accès difficultés à acquérir des parcelles pour com- aux machines nécessaires et, en particulier, si mencer à les cultiver eux-mêmes. Lorsqu’il des investissements publics étaient réalisés n’existe pas de pensions de vieillesse et que les dans les infrastructures pour leur permettre L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 133 de rendre l’agriculture plus profitable. Si les Encadré 4.5 exploitations agricoles de taille moyenne fai- saient partie des options accessibles aux jeunes et étaient connues pour exiger des compé- Options pour la création ou la sortie d’une tences de base en lecture et en calcul, les jeunes exploitation agricole au Kenya seraient nettement plus motivés à poursuivre leur scolarité et à acquérir ces compétences. Les Les jeunes du Kenya ont beaucoup de difficultés à s’établir en tant exploitations agricoles de taille moyenne ne qu’exploitants agricoles. Selon un vaste échantillon national composé de participants au Projet pour la productivité agricole et les agroentre- peuvent apparaître qu’à condition que les mar- prises au Kenya, les personnes dont l’activité économique principale chés fonciers soient plus actifs. est l’agriculture ont, en moyenne, une bonne cinquantaine d’années. Le fait que l’expansion de la taille des exploi- Dans la plupart des cas, elles sont également le principal décideur de tations agricoles en Afrique pourrait entraîner l’exploitation agricole. un déplacement de la main-d’œuvre, alors que Les hommes qui s’identifient principalement comme des agri- la démographie exige précisément que l’agri- culteurs ont en général cette activité comme première occupation, culture en absorbe peut être préoccupant. Dans et leurs épouses travaillent dans le ménage et sur l’exploitation, et certaines parties du monde où la taille des ne gagnent pas grand-chose à l’extérieur de celle-ci. Les femmes qui exploitations agricoles est passée de très petite s’identifient principalement comme des agricultrices peuvent ou non (deux hectares ou moins) à moyenne (5 à 100 avoir dans leur ménage un homme adulte dont le salaire contribue hectares), la main-d’œuvre a souvent été dépla- aux revenus de celui-ci. Les agricultrices dont le ménage comprend un homme adulte salarié se débrouillent très bien dans l’agriculture cée. Un tel déplacement ne doit pas nécessaire- et même, la plupart du temps, mieux que les hommes. En revanche, ment avoir lieu en Afrique, où des terres sous- les femmes célibataires qui gèrent des exploitations agricoles ont, en utilisées peuvent être mises en production. moyenne, près de 10 ans de plus que les autres agriculteurs, et leurs L’Afrique peut encore se développer aux marges revenus sont les plus faibles. Ces femmes conservent probablement le extensives des exploitations, sans empiéter sur contrôle de leurs terres parce que le coût de leur possession est bas les zones forestières. Lorsque la superficie et grâce à l’absence d’impôt foncier et qu’elles n’ont pas d’autre moyen l’emploi peuvent se développer simultané- de continuer à se nourrir pendant leurs vieux jours. Cette information ment, les exploitations agricoles de plus grande suggère que les femmes âgées et les jeunes agriculteurs à la recherche taille ne doivent pas nécessairement avoir une de terres pourraient bénéficier de programmes facilitant les transferts intensité de main-d’œuvre inférieure à celle des de terres intergénérationnels, tout en offrant l’une ou l’autre forme petites exploitations. Toutefois, lorsque la taille de filet social aux propriétaires fonciers âgés. des exploitations augmente grâce à une conso- Source : Torkelsson, 2012. lidation de terres déjà cultivées et est accompa- gnée d’une subvention en capital réduisant le coût de la mécanisation, comme ce fut le cas au Brésil, les exploitations agricoles de plus grande taille risquent de déplacer la main-d’œuvre. La diminution actuelle de la taille moyenne des Lorsque le changement résulte d’un passage à exploitations agricoles africaines est un indi- une technologie et à des marchés requérant de cateur préoccupant du fait que les contraintes plus solides compétences de gestion, les exploi- pesant sur les marchés fonciers sont déjà en tants agricoles autrefois indépendants peuvent train de nuire aux perspectives des jeunes et se devenir des travailleurs salariés ou de petits renforcent (Djurfeldt et Jirström, 2013). planteurs travaillant dans des propriétés de plus grande taille, techniquement plus sophis- tiquées. Les effets sur l’emploi de la modifica- Parcours d’emploi dans tion de la taille des exploitations dépendent l’agriculture pour l’avenir donc de la dotation en facteurs sur un marché donné et des forces déclenchant le changement. Les jeunes qui se tourneront vers l’agriculture Les conditions de l’Afrique offrent de vastes pour y trouver un emploi sont familiarisés opportunités d’augmentation à la fois de la avec l’agriculture traditionnelle, mais compte taille moyenne des exploitations et de l’emploi. tenu des changements en cours dans le sec- 134 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Tableau 4.2  Les besoins varient en fonction des parcours dans l’agriculture pays africains suggèrent plusieurs approches Besoin de Besoin de Besoin de qui semblent prometteuses. Type d’emploi terre capital compétences Temps plein sur la propriété familiale existante Aucun Moyen Moyen Parcours 1 : Emploi à temps plein sur la Temps plein sur une nouvelle propriété Élevé Élevé Élevé propriété familiale existante Temps partiel combiné avec une entreprise Faible Moyen Élevé Pour les jeunes qui n’ont pas d’autre option, individuelle (transformation, la solution par défaut consiste à rester sur la commercialisation, ventes de services) propriété familiale et à simplement en culti- Travail salarié en dehors de l’exploitation Aucun Aucun Moyen ou élevé ver une partie, essentiellement en subdivisant familiale une parcelle déjà petite. D’autres choisissent de ne pas partir. Dans ce cas, beaucoup peuvent s’attendre à hériter d’une partie de la terre, mais teur, leurs années de travail seront vraisem- lorsque des frères et sœurs sont dans la même blablement assez différentes de celles de leurs situation, la taille de leur propriété sera petite. parents. L’appui dont ils auront besoin pour Ces jeunes ont besoin de capitaux et de com- réussir sera lui aussi différent. Quatre grands pétences pour tirer le meilleur parti de leurs parcours d’emploi seront offerts aux jeunes petites exploitations grâce à une agriculture à agriculteurs : continuer à exploiter la propriété plus fort rapport économique. Ceux qui envi- familiale, mais avec une combinaison différente sagent ce parcours pour leur avenir peuvent d’activités ; créer leur propre exploitation sur toutefois être peu enclins à investir dans des de nouvelles terres ; combiner l’agriculture compétences, dans la mesure où ils n’auront avec un autre emploi à temps partiel ; ou tra- pas le loisir de les exercer tant que la généra- vailler en tant que salarié sur des exploitations tion de leurs parents conservera le pouvoir de commerciales de taille moyenne ou grande. décision. Même si ces quatre parcours de base couvrent Les familles dans cette situation peuvent se de nombreuses options, la diversité de l’agri- retrouver dans des situations de plus en plus culture africaine amènera certains jeunes à être difficiles, où des jeunes se sentent frustrés et en confrontés à d’autres choix. Par exemple, les veulent à leurs aînés de maintenir leur contrôle jeunes des zones pastorales font face à une com- sur les ressources. Avec des conseils et un enca- binaison différente de défis et d’opportunités. drement, les familles pourraient néanmoins Les besoins de terres, de capitaux et de retourner la situation à leur avantage en gérant compétences varient en fonction des quatre le ménage comme une entreprise dotée d’un parcours de base d’emploi dans l’agriculture portefeuille d’activités. Beaucoup de ménages (Tableau 4.2). Les deux premiers parcours exercent déjà différentes petites activités basées (emploi à temps plein sur la propriété familiale sur les ressources naturelles (vente d’œufs et existante et exploitation à temps plein d’une de volaille, transformation du manioc ou de nouvelle propriété) sont les plus répandus. céréales, collecte de roseaux, fabrication de Parmi les ménages interrogés en 2008 dans briques) en complément de leur activité agri- neuf pays africains, à la question concernant le cole principale. La différence est ici que le moyen le plus courant pour les jeunes d’obte- ménage adopte une approche stratégique per- nir des terres, 51 % ont répondu l’héritage de mettant à la petite exploitation familiale d’évo- terres déjà cultivées, 16 % l’obtention de terres luer et de subvenir aux besoins de plusieurs non cultivées précédemment, 9 % la location générations et familles. À cet égard, le Par- ou l’emprunt et 12 % l’achat de terres (Proctor cours 1 ressemble au Parcours 3, mais l’accent et Lucchesi, 2012). est mis sur une agriculture à temps plein dans Pour que chacun de ces parcours puisse le cadre d’une entreprise familiale diversifiée, devenir une source d’emplois plus productive, intégrant plusieurs générations. les décideurs politiques devront faire appel à Dans ce parcours, les compétences et le tra- toute une série d’approches afin d’améliorer vail de plusieurs jeunes adultes membres du l’acquisition de terres, de capitaux et de compé- ménage permettraient une spécialisation. S’il tences par les jeunes. Les expériences de divers existe une demande de main-d’œuvre, ceux L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 135 capables de gagner un salaire en dehors de l’ex- commerce. Pour permettre la participation de ploitation pourraient le faire, allégeant ainsi les jeunes de ce type, la génération des parents doit contraintes financières du ménage. Ceux dotés considérer l’exploitation agricole comme une d’une aptitude suffisante pour gérer une agri- entreprise. culture à plus fort rapport économique pour- raient acquérir les compétences spécifiques Parcours 2 : Emploi à temps plein sur requises en suivant des cours de faible durée une nouvelle propriété ou des formations ciblées. Certaines techno- Un deuxième groupe de jeunes parviendra à logies plus avancées, telles que les pratiques quitter l’exploitation agricole de leur enfance et de conservation du sol, exigent un important à créer une nouvelle propriété, distincte, idéa- investissement en main-d’œuvre en périodes lement plus grande que celle qu’ils ont quittée. de pointe, et un ménage comptant plusieurs Les jeunes les plus susceptibles de mener à bien jeunes adultes devrait être en mesure de réaliser une telle entreprise sont probablement ceux le travail requis. dotés d’une certaine expérience de l’agriculture « Deux [de nos Ainsi, lorsque de jeunes adultes sont occu- et appartenant, par conséquent, aux tranches enfants] sont eux pés dans l’exploitation agricole de leur nais- les plus âgées de la « jeunesse ». Ils devraient aussi devenus des sance, un changement dans la gestion de l’en- aussi potentiellement dégager les rendements agriculteurs… les treprise familiale peut rendre cette occupation les plus élevés à travers un accroissement de la autres ont choisi plus gratifiante pour les individus et la famille. productivité. Ces jeunes agriculteurs auraient La mise en commun de revenus non agricoles, le plus besoin de terres, de capitaux de démar- une autre voie. une évolution de la technologie agricole vers rage et de services de conseil ou de formation C’est mieux que des produits à plus fort rapport économique pour les aider à surmonter les défis techniques nous n’ayons pas et plus commerciaux, et la mobilisation de la et de gestion. Sans assistance, peu de jeunes tous la même main-d’œuvre familiale en périodes de pointe agriculteurs seront en mesure de rassembler profession. De devraient permettre aux petites exploita- les éléments nécessaires à l’établissement d’une cette façon, tions d’absorber les jeunes adultes de manière nouvelle exploitation agricole. nous pouvons constructive. Un accent sur des programmes Les nouvelles propriétés peuvent être situées nous aider les de vulgarisation ciblant les ménages en tant dans les localités où les jeunes vivent déjà et sur uns les autres. » qu’entreprises et ne se bornant pas à offrir des des terres nouvellement ouvertes à la culture Madagascar conseils techniques et économiques sur les grâce à une clarification de la propriété et du cultures ou l’élevage pourrait aider ce groupe. cadastre, à la conversion de terres marginales La vision esquissée ci-dessus d’une petite ou de pâturages, ou à un investissement public exploitation familiale évoluant à mesure que dans l’irrigation et l’amélioration des terres. les jeunes adultes deviennent économiquement Dans d’autres cas, les nouvelles propriétés actifs fournit une perspective importante pour peuvent être plus éloignées, nécessitant ainsi la compréhension conceptuelle de l’emploi des une réinstallation. jeunes. Par exemple, une jeune fille membre La réinstallation est souvent source de d’un ménage de ce type et ayant également controverses. L’expérience tant dans le monde bénéficié du programme Opportunités pour qu’en Afrique atteste de l’importance d’une les jeunes du Fonds d’action sociale du nord de stricte observance du caractère volontaire de la l’Ouganda peut avoir acquis des compétences prise de décision des participants, d’une sélec- professionnelles de coiffeuse (voir la discus- tion rigoureuse, d’une information exhaus- sion au Chapitre 3). Elle peut considérer son tive de toutes les parties prenantes, de services activité de coiffeuse comme principale, tout en d’appui efficaces aux nouveaux arrivants, et détenant des parts dans une petite entreprise d’investissements adéquats dans l’infrastruc- agricole (pour autant que ses revenus aient été ture. Une évaluation de plusieurs décennies de en partie consacrés à des investissements dans soutien public à la réinstallation en Indonésie l’exploitation) et en y travaillant de manière a produit des résultats mitigés à négatifs. Les occasionnelle en périodes de pointe. Sa sécu- améliorations des revenus et de l’accès aux ser- rité économique serait assurée à la fois par les vices publics des colons étaient contrebalancées revenus de l’exploitation agricole et de son par les résultats décevants de la production 136 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne « Mon premier agricole, la dégradation de l’environnement et travail salarié régulier. La plupart du temps, emploi était le ressentiment des autochtones à l’égard des il est relativement mal payé et requiert très un travail sous nouveaux arrivants (Banque mondiale, 2012a). peu de qualifications. Peu de jeunes aspirent contrat, payé Les résultats préliminaires d’un programme à devenir des journaliers agricoles peu quali- de réforme agraire assistée par le marché au fiés. Pour les plus pauvres, cependant, même 300 dollars Malawi semblent, en revanche, plus positifs s’il n’est pas attirant, un travail rémunéré est [libériens] par (Chirwaa, 2008). Lorsque les jeunes vivant préférable à pas de travail du tout. Un qua- jour… Je ne dans une région peuvent obtenir un accès à trième groupe de jeunes devrait donc exercer l’aimais pas. des terres au sein ou à proximité de leur com- un travail salarié, formel ou informel, dans les Je le faisais munauté, cette approche est clairement plus grandes exploitations agricoles commerciales uniquement simple. Lorsqu’une réinstallation est nécessaire, ou dans la transformation et les services. Ces pour l’argent, les leçons tirées de l’expérience doivent être soi- jeunes doivent acquérir des compétences pour travailler dans gneusement pesées. réaliser une série de tâches et utiliser l’équi- l’exploitation pement. Au minimum, pour le travail de base de quelqu’un Parcours 3 : Agriculture à temps le moins qualifié, ils doivent être en bonne d’autre… Je partiel combinée avec des entreprises santé pour résister à des conditions de travail me suis forcé individuelles souvent épuisantes. Ce type de travail salarié pourrait s’inscrire dans les stratégies de subsis- pour pouvoir Un troisième groupe de jeunes peut être consti- tué d’agriculteurs indépendants à temps par- tance décrites plus haut, en combinaison avec manger… Je le d’autres activités, ou pourrait constituer une fais toujours. tiel, exploitant leurs propriétés ou contribuant aux activités familiales comme décrit dans option temporaire jusqu’à ce que de meilleures C’était mon opportunités se présentent. le Parcours 1, et disposant d’un capital suffi- premier Tous les emplois salariés ne sont pas mal sant pour s’établir en tant que prestataires de emploi. » Libéria services, commerçants ou travailleurs salariés payés ou peu qualifiés. Certaines très grandes occasionnels. L’agriculture à plus fort rapport entreprises, tant dans la production primaire économique fera un usage plus intensif des que dans la transformation, demandent un services et créera des emplois pour ceux qui éventail de compétences dépendant de la seront en mesure de les fournir (Encadré 4.6). sophistication technique du processus de pro- La demande de transport, de protection des duction et des types de machines utilisées. Un cultures, de services vétérinaires, de pratiques nombre croissant de conducteurs, d’opérateurs de culture mécanisées et de conseils peut être de machines, de mécaniciens, de techniciens satisfaite par de jeunes hommes et femmes des tests de qualité, et d’autres professionnels disposant du capital et des compétences néces- seront nécessaires à l’avenir et ces emplois saires pour démarrer une petite entreprise. Ces sont habituellement mieux payés que la main- jeunes gens pourraient ne pas avoir un capital d’œuvre journalière non qualifiée. Par exemple, suffisant pour acquérir une gamme complète Red Fox Ethiopia, une entreprise de floriculture de machines agricoles, mais être néanmoins de la banlieue d’Addis-Abeba, attire la main- capables d’offrir des services rémunérés en d’œuvre des zones rurales et des villes avoisi- achetant ou en louant avec un choix limité des nantes et offre le transport jusqu’au lieu de tra- équipements. Ces jeunes devraient également vail, des assurances vie et maladie, ainsi qu’une avoir les compétences spécifiques pour fournir cafétéria subventionnée (Encadré 4.7). les services et maintenir les machines. Parcours 4 : Travail salarié en dehors de Éliminer les principales l’exploitation familiale contraintes pesant sur les Le caractère saisonnier de l’agriculture crée capitaux, les terres et les une demande de travail salarié à temps partiel compétences en périodes de pointe, même dans les petites exploitations. Les structures agricoles hété- Les contraintes pesant sur l’acquisition de rogènes comptant un nombre important de capital, de terres et de compétences entravent grandes exploitations offrent également du les progrès des jeunes dans les quatre par- L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 137 Encadré 4.6 Agriculture à plus fort rapport économique et opportunités d’emploi non agricole Les effets sur le marché du travail de l’agriculture à plus La transformation des aliments destinés aux marchés fort rapport économique ont été étudiés dans plusieurs locaux est un autre domaine de croissance pour l’emploi pays d’Afrique. En 1985, les cultures agricoles à fort rap- rural. À mesure que de nouvelles villes se multiplient dans port économique ne représentaient que 14 % des expor- le cadre d’une urbanisation in situ, la demande de denrées tations de produits agricoles et alimentaires en provenance alimentaires transformées augmente, en même temps que des pays africains ; en 2005, elles avaient grimpé à 30 % et l’investissement dans la transformation. Une plus grande créé entretemps de nombreux emplois. À Madagascar, les attention à la sécurité alimentaire dans les politiques pub- exportateurs de légumes s’approvisionnent en produits pri- liques devrait améliorer la situation des travailleurs dans les maires auprès d’environ 10 000 petits producteurs sous con- usines de transformation, étant donné que les conditions trat. Dans d’autres cas, la production de produits primaires qui garantissent des produits sûrs contribuent également à a été verticalement intégrée avec de grandes exploitations améliorer l’hygiène et la sécurité. Les barèmes salariaux et agricoles, comme dans le cas des exportations de tomates les conditions de travail réglementaires ne peuvent être fixés et de haricots au Sénégal ; et les emplois créés concernaient à un niveau tellement haut qu’il étouffe l’investissement, éli- les salariés travaillant dans les unités de transformation et mine des emplois et réduit la demande de production pri- de conditionnement. Le Tableau B4.6.1 présente plusieurs maire. La hausse des importations de produits alimentaires exemples d’emplois créés dans les chaînes d’exportation hor- en Afrique depuis 2003 reflète le sous-développement de la ticoles. L’horticulture est généralement à forte intensité de capacité locale de transformation des aliments. Y remédier main-d’œuvre et efficace pour réduire la pauvreté, en par- permettrait de créer des emplois et d’accroître la rentabilité ticulier chez les femmes. de l’investissement dans l’agriculture primaire. Tableau B4.6.1  L’emploi dans les chaînes d’approvisionnement maraîchères et florales en Afrique subsaharienne Nombre de salariés Année de dans l’agro-industrie Pourcentage de Pays Produit l’enquête maraîchère femmes employées Cameroun Bananes 2003 10 000 — Côte d’Ivoire Bananes et ananas 2002 35 000 — Kenya Fleurs 2002 40 000–70 000 75 Fruits et légumes 2002 2 000 000 Sénégal Tomates cerises 2006 3 000 60 Haricots verts 2005 12 000 90 Afrique du Sud Fruits d’arbres à 1994 283 000 53 feuilles caduques Ouganda Fleurs 1998 3 300 75 Zambie Fleurs 2002–03 2 500 35 Légumes 2002–03 7 500 65 Source : Maertens, Minten et Swinnen, 2009. Note : — = non disponible. cours d’emploi dans l’agriculture. Pour créer ture jusqu’au climat peu favorable à l’investis- des opportunités proportionnelles au nombre sement rural, fait également partie intégrante des jeunes qui auront besoin d’un emploi, ces de l’amélioration de la productivité agricole contraintes doivent être éliminées ou allé- et de la création d’emplois, mais étant donné gées, comme nous l’expliquerons plus loin. que ces contraintes ne sont pas spécifiques aux La suppression d’autres obstacles, allant du opportunités destinées aux jeunes, elles ne manque de recherche agricole et d’infrastruc- sont pas abordées ici. 138 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.7 Red Fox Ethiopia : Un travail salarié techniquement plus sophistiqué Red Fox Ethiopia a été créé en 2003 par un entrepreneur Red Fox contrôle de bout en bout la chaîne d’appro- allemand doté d’une longue expérience dans la floricul- visionnement grâce à sa propre société d’importation, ses ture. L’entreprise produit et exporte plus de 150 variétés de services de transport et ses réseaux de distribution sur le jeunes plantes non racinées, principalement vers la France, marché international. L’entreprise importe ses engrais et l’Allemagne, l’Italie et les États-Unis. En 2009, elle a exporté autres intrants chimiques et trouve localement ses matéri- 127 millions de boutures pour une valeur de 10 millions de aux d’emballage et sacs en plastique. L’existence d’un réseau dollars EU. de clients bien établi permet à l’entreprise d’enregistrer des L’entreprise a démarré sur 8 hectares à Koka, à 95 km commandes à l’avance et de produire en conséquence, ce d’Addis-Abeba. La superficie cultivée a augmenté graduel- qui minimise les déchets et les risques de fluctuation des prix. lement jusqu’à atteindre 35 hectares en 2009, et la société Red Fox envisage de renforcer son leadership sur le est en train d’acquérir des terres supplémentaires pour marché et de consolider son expertise spécifique dans la arriver à 65 hectares. Red Fox emploie 1  300 travailleurs, production de jeunes plantes non racinées. Elle prévoit dont 450 sont embauchés sur une base saisonnière pour des également de se diversifier dans la production de fruits, en pé­ riodes de trois à quatre mois. Des professionnels expatriés partenariat avec une autre entreprise disposant de la con- gèrent actuellement l’exploitation, mais les propriétaires ont naissance et de l’expérience de cette filière. l’intention de les remplacer progressivement et en douceur par des professionnels locaux. Source : Sutton et Kellow, 2010. Services financiers nir plus actifs commercialement. Étant donné L’accès des petits exploitants au capital et au l’importance du financement et la taille consi- crédit est un problème permanent analysé dérable de la clientèle potentielle, les banques depuis des décennies.5 Comme partout ailleurs, et les organisations non gouvernementales les petits agriculteurs d’Afrique travaillent (ONG) continuent à expérimenter des inno- dans des environnements à risque, considérés vations, afin de surmonter les obstacles à la comme coûteux à desservir par les institutions prestation de services financiers soutenables financières. La plupart d’entre eux disposent de destinés à de grands nombres de petits exploi- garanties limitées ou non utilisables et de peu tants. Quelques-uns de ces nouveaux produits d’expérience des services financiers. Les inter- et services sont brièvement présentés ci-après. ventions publiques passées visant les marchés Bon nombre des innovations évoquées sont du crédit ont fait naître une culture où le non- encore en phase de test. Leurs résultats et leur paiement des prêts agricoles n’entraîne que soutenabilité à grande échelle sont donc encore des sanctions mineures pour l’emprunteur. inconnus. Elles méritent néanmoins une atten- Tous ces défis rencontrés par les institutions tion particulière afin d’identifier, reproduire et financières qui cherchent à servir les petits étendre les approches réussies. exploitants concernent également les jeunes agriculteurs et sont aggravés par leur manque Institutions et organisations d’expérience. Tout le monde n’est pas en Divers acteurs offrent des services financiers, mesure d’accéder au crédit, même si de nom- notamment les institutions financières ban- breux agriculteurs peuvent bénéficier d’un plus caires et non bancaires, les assureurs et les large éventail de services financiers, tels que fournisseurs de services de paiement. Comme les assurances et les transferts monétaires. Les les banques commerciales ont souvent une petits agriculteurs, en particulier lorsqu’ils sont présence limitée dans les zones rurales, des jeunes, ont toutefois besoin de capitaux pour institutions alternatives, telles que des groupes adopter les technologies et obtenir les terres d’entraide, des associations et coopératives et l’équipement qui leur permettront de deve- d’épargne et de crédit, sont apparues pour com- L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 139 bler cette lacune et faire face à la fois au risque de pesant sur l’accès à la technologie mécanique, crédit (généralement plus élevé dans l’agricul- peu d’entreprises ont opté pour cette solution. ture que dans les autres secteurs) et aux risques Les besoins à la fois de financement et d’in- covariants propres à l’agriculture, tels que les formation des jeunes agriculteurs peuvent être risques climatiques, les organismes nuisibles et résolus en associant le crédit agricole à des ser- les épidémies, etc. (voir Note thématique 3). vices de vulgarisation, une approche suivie par « Vous pouvez BASIX Social Enterprise Group, une institution avoir autant Accès au crédit de promotion des moyens de subsistance basée d’idées novatrices L’acceptation de formes alternatives de garan- en Inde. Créé initialement pour octroyer du que vous voulez, tie, telles que des hypothèques mobilières, des microcrédit aux populations rurales pauvres, vous ne pouvez récépissés d’entrepôt et les futures récoltes, peut BASIX offre maintenant aux ménages ruraux rien faire si vous faciliter le marché du crédit. L’acte uniforme de des services financiers et des conseils pour la ne parvenez pas l’OHADA6 relatif aux transactions garanties, en gestion des entreprises de culture et d’élevage. à obtenir un prêt vigueur dans 17 pays d’Afrique subsaharienne, Près de 1 000 prestataires de services travaillent de la banque. a été modifié à la fin de l’année 2010 afin de dans plus de 25 000 villages de l’Inde dans le C’est difficile permettre aux emprunteurs de mettre un large cadre du programme. La recherche menée d’en obtenir un, éventail d’actifs en garantie, y compris des récé- par BASIX a montré que les agriculteurs pré- car il faut des pissés d’entrepôt et des biens mobiliers tels que fèrent les interventions réduisant les coûts et les risques à celles améliorant les rendements, garanties. C’est des machines, de l’équipement ainsi que des qui nécessitent plus d’investissement. La com- dur. » Rwanda créances restant entre les mains du débiteur (AgriFin, 2012). Toutefois, même lorsque le binaison des services financiers et de l’informa- cadre réglementaire permet la mise en garan- tion ou de l’accompagnement permet à l’ins- tie, les actifs peuvent ne pas être intéressants titution financière d’identifier les produits les pour diverses raisons, et les pratiques bancaires plus demandés, tels que l’épargne, les transferts nécessitent un certain temps d’adaptation. monétaires et les assurances, préférés au crédit Le crédit-bail offre également aux jeunes (IFPRI et Banque mondiale, 2010, Fiche 13). agriculteurs un certain soulagement, car il n’exige pas ou moins de garanties que les prêts Subventions en général. La plupart des crédits-baux ruraux Les subventions de contrepartie peuvent pro- sont financiers (contrairement aux contrats mouvoir l’emploi et l’employabilité chez les de location-exploitation). Le prix de l’actif est jeunes.8 De nombreux États et partenaires amorti et le preneur à bail peut l’acquérir à au développement utilisent les subventions prix réduit au terme de la période contractuelle de contrepartie dans diverses sortes de pro- (IFPRI et Banque mondiale, 2010, Fiche 6). Le grammes, notamment les efforts visant à pro- crédit-bail de la DFCU en Ouganda est un mouvoir les technologies améliorées, à donner exemple intéressant : il a fourni plus de 4 mil- aux agriculteurs la capacité d’avoir recours lions de dollars EU d’équipement agricole en à des prestataires de services, à renforcer les crédit-bail en 2002, pour des articles tels que liaisons avec les entreprises privées à l’aide des décortiqueuses de riz, de l’équipement de partenariats productifs, et à fournir une de transformation des produits laitiers et de infrastructure rurale destinée à un usage com- broyage du maïs. À Madagascar, en 2002–03, mun (AgriFin 2012). Les systèmes de subven- la CECAM7 a octroyé des crédits-baux à des tion comportent des risques bien connus de microentreprises rurales pour plus de 2,8 mil- détournement et d’accaparement par les élites, lions de dollars EU, avec une moyenne de et leur succès dépend fondamentalement de 945 dollars EU par contrat (Kloeppinger-Todd, leur conception, notamment de règles transpa- Nair et Mulder, 2004). Les personnes engagées rentes de participation, de freins et contrepoids sur les Parcours 2 et 3, qui ont besoin de nou- dans le suivi au niveau local, et d’exigences veaux équipements pour démarrer leur entre- claires en matière de comptabilité et d’audit. prise, bénéficieraient tout particulièrement du L’encouragement de l’épargne devrait consti- crédit-bail. Malgré les avantages potentiels évi- tuer un élément clé des subventions accordées dents qu’elle offre pour atténuer les contraintes à titre individuel. L’Afrique a une vaste expé- 140 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne rience des programmes de subvention, mais le service M-PESA au Kenya a transformé les peu d’entre eux ont porté spécifiquement sur services bancaires en milieu rural. Il permet les besoins des jeunes. Au Sri Lanka, le pro- aux utilisateurs de transférer de l’argent en gramme Gemi Diriya alloue une partie de son toute sécurité à l’aide de leur téléphone mobile, Fonds pour les moyens de subsistance à des sans avoir à disposer d’un compte bancaire. subventions uniques de 46 à 92 dollars EU Prévu initialement pour permettre aux salariés visant à générer des revenus et à aider les clients d’envoyer de l’argent à leurs familles dans les à démarrer une activité économique sans avoir zones rurales, M-PESA permet maintenant aux à prendre le risque d’un prêt (Banque mon- clients de payer des factures (services publics, diale, 2007b). Les jeunes sont l’un des groupes frais de scolarité et autres), de rembourser des cibles du programme. Un peu plus de 10 % des prêts et de payer des primes d’assurance et participants sont des jeunes démunis (Banque de microassurance. Une nouvelle fonction de mondiale, n.d.). M-PESA permet aux entreprises de payer leurs employés. Au Kenya, Equity Bank a récemment Ententes contractuelles offert à tous les utilisateurs de M-PESA la pos- Certaines ententes avec les petits exploitants sibilité d’ouvrir un compte d’épargne et d’uti- offrent un préfinancement des intrants et liser M-PESA pour déposer et retirer des fonds des circuits de commercialisation assurés. (IFPRI et Banque mondiale, 2010, Fiche 8). Les Au Mozambique, au Rwanda, en Tanzanie et jeunes sont particulièrement prompts à adop- en Zambie, Rabo Development (une filiale de ter les innovations basées sur les téléphones Rabobank) fournit des services de gestion et mobiles quand ils y ont accès. une assistance technique aux institutions finan- L’utilisation de la biométrie est à l’étude cières qui, à leur tour, financent les chaînes dans le contexte des marchés du crédit dans d’approvisionnement comportant toute une les pays où il n’existe pas de systèmes d’iden- série de clients agricoles. Les participants com- tification unique (ce qui complique le repérage prennent des agriculteurs commerciaux, des des emprunteurs défaillants récidivistes par les agriculteurs peu présents commercialement et banques). L’identification biométrique per- un groupe intermédiaire d’agriculteurs aspi- met aux prêteurs de refuser de nouveaux prêts rant à se développer sur le plan commercial. aux défaillants connus et d’en accorder à des Rabo s’attache particulièrement à favoriser emprunteurs considérés comme responsables. l’accès au financement de ce dernier groupe, Une expérience menée au Malawi a établi une par le biais de l’agriculture sous contrat dans relation entre des taux de remboursement le cadre d’accords financiers limitant le risque plus élevés et l’utilisation de la numérisation de non-paiement ou la vente parallèle.9 Le pro- des empreintes digitales chez des cultivateurs jet DrumNet du Kenya teste à titre pilote une de paprika (IFPRI et Banque mondiale, 2010, approche similaire de la chaîne d’approvision- Fiche 9). Les instruments biométriques qui nement, visant à promouvoir les prêts agri- permettent de réduire les coûts d’identifica- coles auprès de 3 000 agriculteurs des filières tion des emprunteurs et diminuent les taux de de l’horticulture et des oléagineux. Les risques non-paiement peuvent améliorer l’accès aux de non-paiement sont réduits par l’utilisation clients difficiles à desservir. Il est peu probable de virements bancaires pour effectuer des paie- que de telles mesures soient adoptées unique- ments directs sans numéraire aux fournisseurs ment pour promouvoir l’emploi des jeunes, d’intrants, une fois que le produit a été livré aux mais elles constituent néanmoins un autre acheteurs (IFPRI et Banque mondiale, 2010, exemple illustrant la façon dont des mesures Fiche 14). rendant la croissance agricole plus aisée ont des effets positifs spécifiques significatifs pour les Virements et paiements électroniques jeunes. Les technologies électroniques et mobiles amènent rapidement les services bancaires Assurance dans les zones rurales (lorsque l’environne- Des innovations sont également en cours dans ment réglementaire le permet). Par exemple, le secteur de la microassurance. L’Organisation L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 141 internationale du travail (OIT) estime que la Ceux-ci ne doivent pas être considérés en tant microassurance a pratiquement doublé en que groupe distinct bénéficiaire de services Afrique entre 2006 et 2009, à partir d’une base financiers conçus spécialement pour lui. Les initiale très limitée. La microassurance diffère risques inhérents à cette clientèle sont élevés de l’assurance traditionnelle en étant acces- et le fait de la séparer d’un réservoir plus large sible à travers des canaux de confiance mais pour répartir les risques la rendrait encore innovants et en offrant des primes faibles, des moins attrayante pour les institutions finan- produits simples, une flexibilité dans le paie- cières. Au lieu de cela, toute innovation en ment des primes et un règlement rapide des matière de financement facilitant la couverture réclamations. Par exemple, plus de 11 000 pro- durable des petits exploitants agricoles et des ducteurs kényans de maïs, dont certains possé- entrepreneurs ruraux devrait être soutenue. daient à peine une quarantaine d’ares, ont pu Si nécessaire, des fonctions supplémentaires souscrire des polices d’assurance couvrant des pourraient être ajoutées pour permettre à ces pertes importantes lors de sécheresses ou des programmes d’aider les jeunes. pluies excessives. De même, en Inde, BASIX et un assureur commercial proposent aux petits exploitants une assurance contre les intempé- Des politiques foncières profitant ries, basée sur un indice de précipitations, afin à la jeunesse d’améliorer leur accès au crédit. Les paiements sont effectués lorsque les précipitations enre- Parmi les nombreux aspects de l’administra- gistrées par les stations météorologiques locales tion des terres qui requièrent une attention dépassent un seuil donné. Les contrats d’assu- particulière en Afrique, les deux qui comptent rance garantissent le remboursement des prêts le plus pour les jeunes entrant sur le marché (IFPRI et Banque mondiale, 2010, Fiche 9). du travail sont l’amélioration de la sécurité de la propriété foncière et l’assouplissement des Garantie des prêts contraintes sur la location. La redistribution Les banques peu disposées à s’engager dans le des terres aura également une influence sur secteur de l’agriculture peuvent parfois être l’accès des jeunes à la terre. En général, les poli- incitées à le faire par des systèmes de garan- tiques et les mesures aidant les pauvres à accé- tie partielle protégeant leurs pertes en cas de der aux terres vont également aider les jeunes. non-paiement. L’Alliance pour une révolution Les prix alimentaires é​ levés et la flambée de verte en Afrique a mis en place une initiative de la demande de terres qui en résulte donnent financement novatrice au Kenya, au Mozam- un caractère d’urgence à l’amélioration de la bique et en Tanzanie. Elle offre des garanties gouvernance foncière pour tous les citoyens partielles, qui se traduisent par des taux d’inté- et à l’application de garanties appropriées rêt plus bas pour les prêts accordés aux petits pour protéger les droits fonciers des pauvres. exploitants. Depuis 2009, elle a ainsi fourni Lorsque les dispositions en matière de gou- 160 millions de dollars EU de financement aux vernance sont insuffisantes, les droits des uti- « Même pour petits agriculteurs. Le fonds Rabo de garantie lisateurs traditionnels peuvent être négligés ou un agriculteur, pour une agriculture durable de Rabobank violés, la consultation avec les communautés à émet des garanties de crédit partielles et four- sans éducation, propos des transactions à venir peut être limi- nit d’autres produits financiers pour atténuer tée et la transparence restreinte (IDS, 2012). vous pouvez les risques des intermédiaires financiers, leur Une administration foncière décentralisée oublier l’idée permettant ainsi d’offrir de meilleurs tarifs et peut autonomiser les communautés locales, d’une bonne conditions pour le financement commercial de accélérer les décisions en matière de gestion et production. » la croissance et de l’exportation de la produc- d’utilisation des terres (ce qui est vivement sou- Tanzanie tion agricole.10 haitable pour les personnes s’engageant dans les Parcours 1 et 2) et contribuer à clarifier les Financement rural ciblant les jeunes droits des propriétaires et des locataires dans le Aucune de ces innovations en matière de finan- contexte d’un accroissement de la demande de cement rural ne vise exclusivement les jeunes. terres.11 Différents modèles de décentralisation 142 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne sont possibles (voir Bruce et Knox, 2009, par (Kasanga et Kotey, 2001). Les terres périur- exemple). Leur succès dépend de leur concep- baines sont souvent en transition entre l’utilisa- tion, de leur mise en œuvre et des conditions tion agricole et non agricole. Elles conviennent locales en vigueur. bien pour produire des rendements élevés Le Cadre d’évaluation de la gouvernance dans l’horticulture intensive, l’aquaculture en foncière12 et les Directives volontaires pour bassins et l’élevage de porcs ou de volaille, mais une gouvernance responsable des régimes fon- ces activités nécessitent des investissements ciers applicables aux terres, aux pêches et aux importants. Les propriétaires de terres périur- forêts dans le contexte de la sécurité alimentaire baines ont souvent d’autres sources de revenus nationale13 ont été développés pour aider les et ont accès au système financier, de sorte qu’ils décideurs au niveau des pays et pour guider la sont, en principe, plus à même de réaliser les formulation des projets et politiques relatifs à la investissements nécessaires. Toutefois, ils ne s’y propriété foncière.14 Selon la Banque mondiale risqueront pas si leur droit de propriété ou la (2012b), durée de leur droit foncier est ambigu. «  des politiques foncières judicieuses peuvent préserver les moyens de subsistance des popula- Inventaire et enregistrement des droits fonciers tions très vulnérables en leur donnant accès à la individuels. Plusieurs pays font des progrès terre et à des opportunités de revenus, à travers dans la documentation formelle de la propriété le marché de la location ou la redistribution foncière individuelle. Fin 2012, le Rwanda avait des terres. Un enregistrement accéléré des terres délimité et enregistré l’entièreté des 10,5 mil- rend plus facile la location, qui facilite l’accès lions de parcelles du pays et avait enregistré et des pauvres à la terre… L’accès des pauvres à préparé des baux pour au moins 83 % d’entre la terre peut également être amélioré par la elles. Sur un total de presque un million de baux redistribution des terres agricoles sous-utilisées collectés en mars 2012, 7 % étaient réclamés par et non utilisées ». des femmes, 5 % par des hommes, 83 % par Les politiques et programmes visant à amé- des couples mariés et 1 % par d’autres entités liorer l’accès à la terre peuvent inclure des juridiques (Banque mondiale, 2012b). L’Éthio- dispositions spéciales en faveur des jeunes. pie a eu recours à un processus public participa- Quelques-unes d’entre elles sont décrites ci- tif pour délivrer des certificats pour plus de 25 après.15 millions de parcelles dans les zones rurales du pays, avec des avantages notables tels que « la Inventaire et enregistrement réduction des conflits, l’autonomisation des systématiques des terres femmes, un accroissement de l’investissement Quel que soit le parcours, l’enregistrement sys- individuel et communautaire, et une amé- tématique des terres est une condition préalable lioration de la sécurité » (Banque mondiale, à la création d’emplois dans l’agriculture. Des 2012b). Madagascar a délivré 75 000 certificats efforts importants sont en train de donner des analogues à des titres fonciers traditionnels ; la résultats pour différentes catégories de régimes Tanzanie a délivré environ 27 000 certificats de fonciers, mais à un rythme qui ne reflète pas droits coutumiers d’occupation dans deux dis- l’urgence du problème. tricts. Au Ghana, un programme pilote a enre- Seuls 10 % des terres occupées en Afrique gistré près de 10 000 parcelles dans des zones sont formellement enregistrées (Banque mon- périurbaines, et un programme similaire en diale, 2012b). Les terres appartenant à l’État Ouganda a enregistré 10 000 parcelles dans trois sont très nombreuses, mais même elles ne sont districts. Le Bénin, le Burkina Faso et la Côte pas totalement répertoriées, et l’utilisation et d’Ivoire ont testé divers plans fonciers ruraux en l’occupation à long terme par des particuliers tant que moyen d’établir les droits individuels ou des groupes rendent confuses les revendica- d’utilisation des terres. Bien que les méthodes tions de propriété et limitent l’investissement. utilisées aient été différentes, de même que le Par exemple, en 2000 au Ghana, l’État détenait succès enregistré, ces efforts ont beaucoup fait environ 40 % des terres urbaines et périur- pour établir les droits fonciers des petits exploi- baines, dont la plupart étaient sous-exploitées tants (Encadré 4.8). L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 143 Inventaire et enregistrement des terres com- Encadré 4.8 munales. Lorsque des dispositions juridiques reconnaissent le régime foncier coutumier et les terres communales, il peut être plus appro- Documentation des droits fonciers : prié d’enregistrer les terres communales plutôt Promotion de l’investissement et réduction que les propriétés individuelles. L’enregistre- du coût des transferts de terres ment des terres communales peut être une pre- mière étape importante dans l’établissement La littérature économique soutient depuis longtemps qu’un régime d’un accord avec un investisseur extérieur (qui foncier plus sûr favorise l’augmentation de l’investissement dans la générera des emplois au sein de la commu- terre. Des expériences en Éthiopie et au Rwanda semblent confirmer nauté) ou dans l’allocation d’une partie des cette hypothèse et également mettre en évidence des améliorations dans la gestion de l’environnement. D’autres évaluations suggèrent terres communales aux jeunes désireux de créer que l’investissement induit par les certifications des terres a accru de nouvelles exploitations. Comme souligné la production en Éthiopie d’environ 9 % (Deininger, Ali, et Alemu, dans une récente étude de la Banque mondiale 2011). Des améliorations de l’investissement et de la productivité ont (Banque mondiale, 2012b), l’enregistrement également été observées au Bénin, où les ménages participant à des peut être très lent lorsqu’aucun propriétaire plans fonciers ruraux ont planté davantage de cultures vivaces que communautaire n’est clairement identifié et ceux qui n’y participaient pas (Selod, 2012). La même documentation lorsque de nouvelles entités formelles doivent des droits renforçant le régime foncier peut également réduire le coût être créées. La délimitation des terres com- des transactions. En 2010, au Ghana et au Rwanda, le coût de trans- munales demande du temps et des ressources fert de la propriété a été réduit à moins de 1 % de la valeur du bien financières. L’enregistrement doit être accom- (Banque mondiale, 2010b). pagné de ressources pour la planification de l’utilisation des terres et la délimitation des res- sources des propriétés communes (telles que les pâturages). de ces programmes, et les terres appartenant à Inventaire des terres de l’État. L’étendue exacte l’État sous-utilisées constituent clairement une de la propriété foncière de l’État n’est pas vrai- source d’offre pour les jeunes prometteurs dans ment connue en Afrique, étant donné que la l’agriculture. plupart des terres n’ont pas encore été inspec- tées et enregistrées. Certains États, comme le Réformes des marchés de la location Ghana et l’Ouganda, ont commencé à dresser de terres un inventaire des terres leur appartenant. Les Pour les très pauvres, les paysans sans terres, les terres de l’État sous-utilisées ou mal utilisées jeunes ou les migrants, la location de terres est peuvent être vendues aux enchères au secteur une voie d’accès à l’emploi agricole et, éven- privé avec des formules combinant les opéra- tuellement, à la propriété foncière. Pour ceux teurs à grande échelle et les petites et moyennes qui suivent le Parcours 1 (peut-être dans l’es- exploitations agricoles dans des relations inno- poir d’acquérir des terres supplémentaires pour vantes, tout en évitant de priver de leurs droits étendre la propriété familiale) et le Parcours 2, les utilisateurs autochtones tels que les éleveurs la location est une approche réaliste pour accé- et les communautés de subsistance. Les occu- der à la terre. Dans le monde entier, des élé- pants à long terme peuvent être formellement ments prouvent que l’introduction de baux à (légalement) reconnus comme propriétaires long terme ou la certification des droits fon- (comme au Kenya), et la terre peut être mise à ciers peuvent accroître la location de terres,16 la disposition des agriculteurs pauvres en terres étant donné que les titulaires de droits formels (comme au Malawi), y compris des jeunes sont plus enclins à offrir une utilisation tempo- (pour le Kenya, voir République du Kenya, raire de leurs terres à d’autres personnes. À leur 2010 ; Banque mondiale, 2011 ; pour le Malawi, tour, les marchés de la location de terres fonc- voir Banque mondiale, 2004 ; Tchale, 2012). tionnant bien peuvent faciliter la mobilité de la Les personnes qui s’engagent dans le Par- main-d’œuvre, accroître l’efficacité en transfé- cours 2 sont les plus susceptibles de bénéficier rant des terres à des utilisateurs plus produc- 144 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.9 chés locatifs de l’Ouganda ont largement cessé de fonctionner dans les années 2000, en raison des plafonds stricts imposés à la location et Programme du Mexique pour l’accélération des contrôles sur l’expulsion des locataires. En des transferts intergénérationnels de terres Éthiopie, les restrictions affectant les marchés de la location de terres dans toutes les régions, Au Mexique, la plupart des terres étaient détenues en commun dans à l’exception de l’Amhara, ont non seulement le cadre d’accords fonciers ambigus, jusqu’aux réformes initiées dans réduit les possibilités d’une utilisation plus pro- les années 1990. De pesantes restrictions du transfert d’une généra- ductive des terres, mais ont également inhibé le tion à l’autre des droits sur les terres communes limitaient l’accès développement du secteur non agricole, étant des jeunes agriculteurs à la terre. Au début des années 2000, avec l’appui de la Banque mondiale et dans le cadre d’un ensemble plus donné que les personnes prenant un emploi large de réformes de l’administration des terres, le Gouvernement du non agricole estimaient qu’elles couraient un Mexique a lancé son programme en faveur des jeunes entrepreneurs risque élevé de perdre leur terre dans le cadre ruraux et du Fonds foncier (Programa para Jóvenes Emprendedores de la redistribution (Deininger et coll., 2003). Rurales y Fondo de Tierra) afin d’accélérer le transfert intergénéra- tionnel des terres. Ce programme a réussi à fournir aux jeunes agri- Réforme agraire culteurs dépourvus de terres, des crédits pour acquérir des terrains Les programmes de redistribution des terres communs sous-utilisés. Les jeunes ont été formés et ont reçu une peuvent avoir des effets profonds et positifs sur assistance technique pour le démarrage de leurs activités agricoles. les pauvres, mais leur succès dépend de manière Le programme a également aidé les propriétaires plus âgés qui trans- critique de leurs objectifs et de leur conception. féraient des terres aux jeunes agriculteurs, à accéder aux systèmes de protection sociale pour leur retraite. S’ils sont mis en œuvre à une échelle suffisante, ils peuvent changer la répartition des revenus et Source : FAO, FIDA et MIJARC, 2012. accroître les incitations et les opportunités d’in- vestissement pour les ménages pauvres. Si leur conception laisse à désirer, ils peuvent transférer des terres à des personnes mal préparées à leur tifs, augmenter l’égalité et renforcer la trans- exploitation et peuvent décourager l’investisse- formation structurelle. La location peut être ment en accroissant l’incertitude quant à une particulièrement utile pour faciliter le transfert redistribution future. Les personnes engagées intergénérationnel des terres tout en fournis- dans le Parcours 2 étant celles dont le besoin sant des revenus aux propriétaires âgés (Enca- de nouvelles terres est le plus élevé, elles auront dré 4.9). Les restrictions les plus courantes des le plus à gagner ou à perdre des approches de marchés locatifs, telles que les plafonds sur les redistribution. Le Malawi, l’Afrique du Sud prix de location ou les interdictions visant les et la Zambie fournissent des exemples d’ap- propriétaires absents, sont souvent introduites proches de redistribution des terres basées sur pour protéger les intérêts des petits exploitants, les enseignements tirés des programmes menés mais elles peuvent aussi avoir pour effet de blo- au Brésil. quer les terres dans des modèles d’utilisation inefficaces, fortement défavorables aux jeunes Le programme pilote de réforme agraire du utilisateurs potentiels (Deininger, 2003). Malawi. Le Malawi a récemment testé un pro- Les marchés de la location de terres ont gramme pilote de réforme agraire dans quatre encouragé l’agriculture commerciale au Ghana districts, où les terres sous-utilisées d’anciennes « Même pour et créé de nouvelles opportunités dans d’autres plantations de thé étaient mises à la disposition un agriculteur, parties de l’Afrique de l’Ouest (pour le Ghana, de petits exploitants souhaitant quitter des sans éducation, voir Amanor et Diderutuah, 2001 ; pour les zones densément peuplées et se réinstaller.18 vous pouvez autres parties de l’Afrique de l’Ouest, voir Calqué sur l’approche brésilienne de réforme oublier l’idée Estudillo, Quisumbing et Otsuka, 2001). Au foncière basée sur le marché, ce programme d’une bonne Soudan, les marchés de la location de terres pilote comportait trois éléments clés : 1) les production. » ont facilité le transfert de terres aux petits pro- communautés acquéraient volontairement les Tanzanie ducteurs (Kevane, 1996). En revanche, les mar- terres auprès de propriétaires immobiliers, de L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 145 l’État ou de donateurs privés ; 2) la réinstalla- 20 000 rands (environ 3 000 dollars EU). Ceux tion et le développement de l’exploitation com- qui pouvaient apporter une contribution plus prenaient le transport des colons, l’installation importante ou obtenir un prêt bancaire pou- d’un logement, et l’achat des intrants de base vaient recevoir de plus grandes propriétés et une et de services de conseil ; et 3) les terres redis- subvention pouvant aller jusqu’à 100 000 rands tribuées étaient inspectées et enregistrées ini- (environ 14 000 dollars EU). L’objectif était de tialement sous des titres de propriété collectifs, redistribuer 30 % des terres avant 2014, mais dans l’espoir que des titres individuels seraient en mars 2011, seuls 6,27 millions d’hectares octroyés ultérieurement sur demande des béné- (7,2 % des terres appartenant aux agriculteurs ficiaires. Un plafond fixant le montant maximal africains blancs) avaient été redistribués à des de la subvention qui pouvait être consacrée à agriculteurs noirs, et de nombreux bénéficiaires l’acquisition de terres améliorait le pouvoir de avaient du mal à les gérer correctement. Le pro- négociation des bénéficiaires face aux vendeurs gramme a connu un succès limité, car les terres des terres,19 et l’accès aux services de conseil allouées et le capital de démarrage n’étaient réduisait de façon significative le taux d’échec. pas accompagnés de services de conseil ou Même si le programme n’était pas axé expli- d’assistance technique. Ceux qui recevaient des citement sur l’attraction des jeunes, la plupart terres dans le cadre du programme n’étaient des participants étaient des jeunes. Ils préfé- pas autorisés à les subdiviser, même si l’abro- raient se réinstaller au sein ou à proximité de gation de cette interdiction avait été annoncée leur lieu d’origine, ce qui permettait de pré- à plusieurs reprises. Les bénéficiaires de petites server les liens socioculturels et d’être soute- parcelles étaient forcés d’intégrer des structures nus lorsqu’ils formaient des familles et avaient de groupe similaires aux exploitations agricoles besoin de liens avec les générations précédentes. collectives et connaissaient les difficultés de ges- Le programme a distribué en moyenne plus de tion interne habituelles à ce type de dispositifs. 1,5 ha à chacun des 15 142 ménages ruraux, augmenté les revenus agricoles des bénéficiaires Le projet de développement et d’appui de l’irri- de 40 % par an en moyenne entre 2005–2006 gation de la Zambie. Dans ce projet (approuvé et 2008–2009, et a eu des effets positifs sur les en 2011, avec un peu plus de 200 millions de communautés environnantes. dollars EU, toutes sources de financement confondues), les petits exploitants peuvent Le programme de réforme agraire en Afrique échanger des petites parcelles contre des pro- du Sud. Malgré une quinzaine d’années d’exis- priétés de 3 à 5 hectares, dans le cadre d’un sys- tence de programmes, l’Afrique du Sud a réa- tème plus vaste visant à réunir les petits pro- lisé peu de progrès dans la fourniture de terres ducteurs, les grands opérateurs commerciaux cultivables au nombre croissant de jeunes et les agriculteurs de taille moyenne dans un ruraux sans emploi.17 À la fin de l’apartheid espace partagé. La gestion des services d’irriga- en 1994, le nouveau gouvernement de sud- tion pour l’ensemble du système sera déléguée africain a introduit une réforme foncière, une dans le cadre d’un contrat de concession. Pour restitution et une redistribution des terres. Le veiller à ce que les revenus des agriculteurs des programme de redistribution était conçu pour petites et moyennes exploitations soient suffi- transférer des terres aux Sud-Africains histori- sants pour payer les droits d’irrigation, des ser- quement défavorisés souhaitant se lancer dans vices professionnels de gestion agricole seront l’agriculture, à l’aide de transactions passant disponibles pour apporter une assistance à la par le marché. Après des résultats décevants, production et à la commercialisation. La sélec- un nouveau programme initié en 2001 a alloué tion des petits exploitants bénéficiaires des des superficies et des subventions de démarrage parcelles de taille moyenne n’est pas encore déterminées en fonction de la contribution des achevée, de sorte que la distribution d’âge des bénéficiaires. Ceux dont la contribution était participants est inconnue, mais cette opportu- faible (et pour la plupart en nature) recevaient nité devrait susciter l’intérêt des jeunes dotés un lotissement de base et une subvention de d’une expérience dans l’agriculture. 146 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Amélioration des compétences ni testées de manière rigoureuse à plus grande échelle. Les enfants des milieux ruraux doivent aller à l’école et apprendre. Les agriculteurs plus Scolarisation et apprentissage instruits sont plus susceptibles d’adopter des Dans la mesure où la scolarisation renforce les intrants et des technologies agricoles modernes, compétences en lecture, écriture et calcul ainsi de faire un meilleur usage des intrants achetés que la capacité à traiter l’information agri- et de la main-d’œuvre, de choisir plus efficace- cole, un effet éducatif peut exister indépen- ment les technologies et de réagir rapidement damment de la conception des programmes aux évolutions des marchés ou aux catastrophes scolaires. Les rendements de ces compétences naturelles (Schultz, 1988). L’éducation de base sont particulièrement amplifiés dans un sec- peut considérablement améliorer l’efficacité de teur agricole en voie de modernisation, où la formation agricole. La relation entre l’édu- l’accès aux technologies avancées complète la cation et le développement agricole va dans compréhension de la manière de les utiliser. les deux sens : chacun renforce l’autre et la L’adoption de nouvelles technologies est une demande de scolarisation augmente à mesure décision d’investissement lorsque des coûts que les revenus ruraux s’accroissent. importants doivent être engagés pour obtenir Pour permettre aux jeunes Africains de de l’information et en apprendre plus sur les réussir dans les quatre parcours d’emploi dans performances d’une ou plusieurs nouvelles l’agriculture, l’école doit s’efforcer de mieux technologies, alors que les rendements sont transmettre les compétences de base qu’ils répartis dans le temps. En outre, l’adoption de requièrent. Elles impliquent au minimum la seulement une petite partie des nouvelles tech- lecture, l’écriture, le calcul et la capacité d’uti- nologies profitera aux agriculteurs. Compte liser les technologies numériques pour accéder tenu de la complexité et de l’incertitude aux- à l’information et l’interpréter (Encadré 4.10). quelles les agriculteurs sont confrontés, une Au-delà de ces bases, les compétences requises scolarisation efficace peut les aider à prendre pour les personnes engagées dans les Parcours 1 de meilleures décisions pour accroître la ren- et 2 peuvent être différentes de celles néces- tabilité de leurs exploitations. saires dans les Parcours 3 et 4. La plupart des Les rendements de l’éducation dans les agriculteurs, dont le niveau d’études dépasse zones rurales dépendent, en partie, du rythme à peine le primaire, devront avoir accès à des de l’innovation technologique dans l’agricul- services efficaces de vulgarisation agricole pour ture. Une abondante littérature a montré que perfectionner leurs compétences et transmettre les agriculteurs plus instruits sont les premiers clairement leurs besoins d’information et de à adopter de nouvelles semences, de nouvelles technologie aux prestataires de services. Enfin, pratiques de travail du sol, de nouveaux engrais un secteur agricole en croissance et en voie de et de nouvelles races et variétés (par exemple, diversification va créer des emplois exigeant des voir Welch, 1970 ; Huffman, 1977 ; Besley et compétences techniques et professionnelles de Case, 1993 ; Foster et Rosenzweig, 1996 ; Abdu- plus en plus avancées, dans des domaines allant lai et Huffman, 2005). De plus, avec un accès de la transformation et la commercialisation aux mêmes actifs, les agriculteurs ayant achevé jusqu’à la recherche agricole. des études primaires ont tendance à réaliser Cette section décrit les initiatives et les des profits plus élevés que ceux qui n’ont pas changements récents des « écoles de pen- été scolarisés, et cet effet est amplifié dans les sée » concernant les services d’éducation de environnements subissant des transformations base et agricole, la vulgarisation agricole et techniques rapides (Rosenzweig, 2010). La sco- d’autres modèles innovants de formation et larisation améliore donc l’apprentissage, et un de recherche et développement. Comme dans secteur agricole dynamique offre des possibili- le cas de certains des mécanismes de finance- tés d’appliquer les compétences acquises. ment évoqués précédemment, bon nombre de L’éducation a des effets de propagation ces programmes sont expérimentaux. Leurs lorsque les agriculteurs sans instruction ont la efficacité et soutenabilité n’ont été ni évaluées possibilité d’observer les choix et les résultats L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 147 Encadré 4.10 Technologies de l’information et de la communication : faire évoluer le flux de l’information agricole Pour les agriculteurs africains opérant dans un contexte de les prix et les conditions météorologiques en Colombie et en changement climatique et économique rapide, les éternelles Inde, n’ont pas réussi à produire un impact substantiel sur le questions de savoir quoi, comment et quand planter ont pris choix des cultures, les revenus ou les bénéfices (Camacho et une importance immense. De plus en plus de réponses peu- Conover, 2011 pour la Colombie ; Cole et Hunt, 2010 pour vent être trouvées grâce aux radios rurales, à la télévision, l’Inde). Ces constatations suggèrent que des expériences à Internet et aux services mobiles, qui offrent un éventail devraient être réalisées avec différents contenus et méthodes croissant d’information sur des technologies et pratiques de transmission. Une plus grande attention devrait être spécifiques, le changement climatique, la gestion des catas- accordée à la question distincte, potentiellement complexe et trophes, l’alerte précoce (pour la sécheresse, les inondations insuffisamment étudiée, de l’utilisation des TIC pour soute- et les maladies), les prix, la gestion des ressources naturelles, nir la production agricole et les technologies de production, l’efficacité de la production et l’accès aux marchés (Banque séparément de l’information relative à la commercialisation. mondiale, 2012a). Pour que les TIC plus récentes, telles que la téléphonie Les chercheurs testent rigoureusement l’efficacité des dif- mobile et Internet, transmettent l’information agricole de férentes technologies de l’information et de la communica- manière efficace, le contenu et le mode de transmission tion (TIC) pour atteindre les agriculteurs, en se concentrant doivent peut-être changer, mais que dire des utilisateurs principalement sur la transmission des informations de prix.a eux-mêmes ? On a fait grand cas de la prédisposition des La radio, un moyen de communication traditionnel avec les jeunes à adopter les TIC plus récentes, ainsi que de la capa­ agriculteurs, les a aidés à obtenir de meilleurs prix à la pro- cité des TIC (récentes et anciennes) à surmonter les obstacles duction en leur fournissant des informations sur les prix des à l’acquisition d’informations et de compétences, tels que produits de base. Des sites Internet offrant des informations la distance, l’incapacité à lire et à écrire, ou le coût de pro- sur les marchés agricoles (e-Choupals) en ont fait de même duction et de diffusion de l’information audiovisuelle. On a dans le Madhya Pradesh, en Inde. Les téléphones mobiles également beaucoup évoqué la capacité potentielle des TIC ont permis aux pêcheurs et aux acheteurs à terre du Kerala, interactives à fournir des recommandations agricoles adap- en Inde, de communiquer l’information sur l’offre et les prix, tées à la situation des agriculteurs individuels. Il n’en reste entraînant ainsi des profits plus élevés, des prix à la consom- pas moins que tout cela dépend largement de la capacité mation plus bas et moins de déchets. Chez les négociants en de l’utilisateur des TIC à formuler des questions pertinentes céréales du Niger, l’introduction de la téléphonie mobile dans grâce aux connaissances acquises dans de bonnes écoles deux marchés a réduit la variation des prix entre les deux, primaires, combinées à l’habitude d’imaginer des situations avec en fin de compte, de meilleurs profits pour les négo- mondiales différentes de celles déjà vécues. Comme déjà dit ciants, des prix plus bas pour les consommateurs et un bien- dans le Chapitre 3, la plupart des systèmes éducatifs africains être total accru. La téléphonie mobile a également réduit les ne délivrent pas une éducation de base de grande qualité, variations de prix en cours d’année pour les producteurs. même si la scolarisation est en hausse. Chez les jeunes des Les acteurs des secteurs public et privé s’intéressent zones rurales qui ne disposent pas de bases cognitives sur à l’utilisation des téléphones mobiles pour fournir de lesquelles s’appuyer, les avantages des TIC peuvent être plus l’information aux agriculteurs dans les pays en développe- lents à se faire sentir. ment. Une évaluation rigoureuse d’un programme a con- staté que les textos de Reuters Market Light n’avaient pas eu un solide effet sur les prix à la production ou l’utilisation a. Pour la radio et les prix à la production, voir Svensson et Yanagizawa, 2009 ; pour les stations Internet en Inde, voir Goyal, 2010 ; pour les des intrants chez les producteurs de cinq cultures dans le pêcheurs dans le Kerala, voir Jensen, 2007 ; pour les négociants au Maharashtra, en Inde (Fafchamps et Minten, 2012). Des Niger, voir Aker, 2008 ; et pour la couverture téléphonique et les varia- interventions similaires, visant à fournir de l’information sur tions des prix à la production, voir Aker et Fafchamps, 2010. de leurs voisins plus instruits. Ce type d’ap- diffusion parmi les agriculteurs des connais- prentissage social est généralement induit par sances sur la culture de l’ananas. Dans ce cas, les les comportements ou les résultats observés au expériences des producteurs et de leurs voisins fil du temps. Par exemple, au Ghana, l’appren- ont influencé la rentabilité et les taux d’adop- tissage social a joué un rôle important dans la tion (Conley et Udry, 2010) 148 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne « J’ai décidé de L’importance du travail des femmes dans doivent maîtriser le travail d’équipe, la com- me marier lorsque l’agriculture met clairement en évidence munication, la diligence, la créativité et l’entre- la femme de mon l’urgence d’améliorer l’accès des filles et des preneuriat. Dans beaucoup de cas, ces « com- père a refusé de femmes à l’éducation. La nécessité d’améliorer pétences douces » sont acquises par le biais du payer mes frais à la fois l’éducation de base et la formation pro- mentorat et des normes de performance éta- fessionnelle agricole des femmes rurales, ainsi blies dans un lieu de travail formel. de scolarité et le que leur accès aux services de vulgarisation est Avec l’augmentation de l’emploi non agri- seul travail que largement reconnue. cole formel, une plus large cohorte de jeunes j’ai pu trouver devrait pouvoir acquérir des compétences là-bas était dans Éducation postsecondaire comportementales de cette façon. l’agriculture. » dans l’agriculture L’infrastructure institutionnelle de l’ensei- Tanzanie En plus des emplois dans la production pri- gnement et de la formation agricoles supérieurs maire, un secteur agricole en croissance et en existe en Afrique depuis les années 1960, mais voie de diversification génère une demande de n’a pas été suffisamment renforcée au cours du main-d’œuvre qualifiée dans les zones rurales, temps pour répondre à l’énorme demande se tant pour lui-même qu’ailleurs. Les écoles pro- manifestant aujourd’hui. L’Afrique subsaha- fessionnelles agricoles qui existent en Afrique rienne compte maintenant plus de 200 uni- peuvent jouer un rôle constructif dans la for- versités publiques (contre 20 en 1960), dont mation de personnel qualifié pour les emplois environ une centaine enseigne l’agriculture et dans la transformation, la commercialisation, la gestion des ressources naturelles. Des univer- l’utilisation et la réparation des machines, le sités privées complètent cette capacité publique transport, la logistique et le contrôle de qua- (Banque mondiale, 2007a). Des institutions lité, pour autant que les étudiants soient suf- nationales et régionales beaucoup plus solides fisamment préparés pour pouvoir en profiter sont nécessaires pour former les futurs profes- (Encadré 4.11). sionnels et dirigeants dotés de compétences La quantité et la qualité du personnel tech- techniques et fonctionnelles appropriées nique et professionnel formé disponible dans Les femmes sont confrontées à des obstacles l’agriculture sont des facteurs critiques pour spécifiques pour accéder à l’éducation et à la le développement agricole, étant donné qu’un formation qui leur permettraient de mieux secteur en pleine transformation structurelle a réussir dans l’agriculture, tant comme agri- un besoin croissant de compétences. En plus de cultrices qu’entrepreneures, prestataires de leurs compétences techniques, les travailleurs services de vulgarisation ou dirigeantes dans la recherche et l’enseignement agricoles. Peu de femmes sont diplômées de programmes d’en- Encadré 4.11 seignement agricole, peu deviennent agents de vulgarisation agricole, et toutes sont la plupart L’enseignement agricole professionnel : du temps marginalisées au cours des manifes- tations, activités et programmes agricoles. Ces un substitut médiocre à l’enseignement général problèmes sont évidents, même si des données Pour combler les lacunes dans les compétences, de nombreux États détaillées par genre ne sont que sporadique- africains et leurs partenaires au développement se sont concentrés, ces ment disponibles ou tout simplement pas pro- dernières années, sur la formation agricole professionnelle, souvent au duites (Banque mondiale, 2009). Des efforts détriment de l’enseignement primaire, secondaire ou post­ secondaire. sont en cours pour renforcer la reconnaissance Le plus souvent, les tentatives pour remplacer l’enseignement général du rôle des femmes dans l’agriculture, pour par la formation professionnelle agricole ont échoué. Les rendements accroître le nombre des étudiantes dans les de cette formation ont, au mieux, été mitigés, en grande partie parce écoles et collèges agricoles, et pour allouer des que le niveau d’éducation de base des personnes qui l’entreprenaient ressources aux services de vulgarisation desti- et de leurs voisins, qui auraient pu s’inspirer de leur exemple, était nés aux agricultrices. Un programme innovant insuffisant pour leur permettre de faire usage de compétences spéci- fiques plus avancées. a été lancé en 2008 par le programme Égalité des genres et diversité du Groupe consulta- tif pour la recherche agricole internationale. L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 149 Ce programme en faveur des femmes afri- décentralisés, intégrés avec le secteur privé, caines dans la recherche et le développement coordonnés avec la recherche agricole et adap- agricoles vise à renforcer les compétences de tés aux contextes locaux. La vulgarisation est recherche et de leadership des femmes afri- considérée comme partie intégrante d’un plus caines dans le domaine de la science agricole, large système d’innovation. en les rendant à même de contribuer plus effi- Les services de vulgarisation agricole cacement, à l’aide de partenariats de mentorat, peuvent contribuer de manière significa- à un renforcement de leurs compétences scien- tive au succès des jeunes agriculteurs, mais la tifiques et un développement de leurs capacités conception de programmes efficaces reste une de leadership. question ouverte. Plusieurs approches ont été tentées et examinées dans des contextes diffé- Vulgarisation agricole rents, mais une évaluation rigoureuse s’avère La vulgarisation agricole est née de la néces- problématique (Davis, 2008). Par exemple, sité de répondre aux besoins d’information les approches participatives, fondées sur des des agriculteurs dans une multitude d’envi- groupes gagnent du terrain. Elles ont le poten- ronnements à travers le monde. Leurs besoins tiel nécessaire pour surmonter les obstacles à la étaient alors assez semblables à ceux des jeunes participation, favoriser l’inclusion et conduire Africains intégrant aujourd’hui la population à des services davantage axés sur la demande. active rurale et urbaine. Une bonne partie des De nombreux pays africains, comme le Kenya, enseignements tirés à propos des méthodes le Mozambique et l’Ouganda, offrent des ser- efficaces de vulgarisation peut être utilisée vices pluralistes (utilisant toute une variété de pour concevoir des services de conseil et des prestataires). programmes d’accompagnement pour les En plus du mode de prestation des services jeunes, tant dans l’agriculture que dans d’autres de vulgarisation, de nombreux autres facteurs domaines d’activité. influencent les résultats dans l’agriculture. Les Les premiers modèles de vulgarisation agri- effets de propagation sont difficiles à détec- cole étaient centralisés, publics et linéaires. ter ou à isoler. Des biais de sélection peuvent Dans le modèle de base, un agent de vulgari- apparaître, même dans des environnements sation formé parcourait une vaste région pour contrôlés, et des programmes fonctionnant transmettre des messages aux agriculteurs, bien à grande échelle peuvent être pervertis qui appliquaient ensuite les conseils reçus par le clientélisme et le favoritisme (Anderson pour améliorer leurs activités. Les lacunes de et Feder, 2004). Bien que la plupart des experts ce modèle sont apparues clairement au fil des conviennent que des services de conseil ou années, en particulier en Afrique. Les princi- de vulgarisation sont essentiels sous l’une ou pales concernaient le coût, la qualité et la per- l’autre forme, en particulier à la lumière des tinence. Les programmes de vulgarisation agri- défis auxquels sont confrontés les jeunes qui cole de conception classique sont désormais s’engagent dans l’agriculture en Afrique, la très rares, même si le terme est encore utilisé profession n’a pas encore une vision claire de la et appliqué aux approches non traditionnelles. meilleure approche à adopter pour la concep- Les programmes plus récents ­ permettent aux tion des programmes. agriculteurs de préciser les informations dont Les besoins de conseils et de formation ils ont besoin et de sélectionner le fournisseur propres à chaque parcours d’emploi dans (Encadré 4.12, voir Davis, 2008). La trans- l’agriculture peuvent déterminer l’approche mission de l’information est encore toujours qui fonctionnera le mieux. Par exemple, en reconnue comme un bien public, et l’État Éthiopie et en Ouganda, les programmes de assume une partie de son coût, en particu- formation à des compétences dans les cultures lier pour les petits exploitants agricoles et les d’exportation à fort rapport économique pauvres. Les conseils peuvent être fournis par (horticulture et floriculture, respectivement) des fonctionnaires, des conseillers privés, des produisent une main-d’œuvre pour ces sous- ONG ou les médias, en fonction des besoins secteurs exigeants. Les personnes engagées des agriculteurs. Les nouveaux systèmes sont dans les Parcours 3 et 4 (ayant un emploi 150 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.12 Innovations dans la vulgarisation agricole : prendre appui sur les agriculteurs pour améliorer la prestation des services La question de savoir si les services de vulgarisation agricole précédemment. Des petites incitations matérielles et socia- ont avantage à être fournis par le secteur public (le modèle les basées sur les performances étaient distribuées dans un traditionnel), le secteur privé ou une série de prestataires sous-ensemble de villages de traitement. continue de faire débat en raison des résultats mitigés obte- Les résultats de ces larges expériences pilotes indiquent nus avec le modèle traditionnel.a Cette incertitude a com- que les agricultrices peuvent être aussi bonnes que leurs pliqué les efforts entrepris pour généraliser l’adoption de homologues masculins pour transmettre une nouvelle tech- technologies agricoles améliorées et pour accroître la pro- ­ nologie à leurs pairs et les inciter à l’adopter. L’ajout d’une ductivité agricole. Les modèles de vulgarisation plus récents, communicatrice à un modèle centré sur les hommes de pres- qui sont menés par les agriculteurs et renforcent la qualité tation des services de vulgarisation peut ajouter de la valeur de la prestation des services à l’aide de mesures incitatives et modifier le nombre des bénéficiaires masculins et fémi- et d’autres innovations, s’avèrent plus efficaces que les nins. Les données relatives à l’utilisation d’incitations basées méthodes traditionnelles, mais peuvent, eux aussi, rencon- sur les performances suggèrent que la prestation des services trer des difficultés et des obstacles entravant leur efficacité. à la communauté est plus coûteuse pour les femmes meneu- L’impact des approches novatrices faisant appel aux agri- ses, étant donné qu’elles sont plus réactives aux incitations. culteurs pour améliorer les résultats de la vulgarisation agri- Enfin, bien que leurs performances soient équivalentes, et cole a été récemment évalué à grande échelle. Au Malawi et dans certains cas supérieures à celle des communicateurs au Mozambique, des essais contrôlés randomisés ont testé masculins, les communicatrices souffrent encore de discrimi- plusieurs modalités de mise en œuvre d’une diffusion des nation et sont considérées comme de moins bonnes ensei- pratiques agricoles par des pairs ou des meneurs. Dans les gnantes que les hommes. deux cas, les communautés désignaient des agriculteurs Dans l’ensemble, ces résultats suggèrent que les projets de pairs ou meneurs, qui étaient formés à l’utilisation des tech- développement plaçant l’adoption de nouvelles techniques niques de gestion durable des terres et chargés de les trans- agricoles au cœur de leur théorie du changement peuvent mettre à d’autres agriculteurs de leur village à travers des envisager de faire appel à des interventions d’agriculture démonstrations. inspirée par des pairs et des meneurs pour stimuler leurs Au Malawi, le statut social (pairs ou meneurs) et le genre rendements. Étant donné que les meneuses semblent réus- du communicateur étaient sélectionnés de manière aléatoire sir aussi bien que les meneurs à amener les agriculteurs à et une petite incitation matérielle basée sur les performances connaître et à adopter de nouvelles techniques, permettre était octroyée à un sous-ensemble des communicateurs. Le aux femmes d’assumer ce rôle peut non seulement accroître projet désignait des communicateurs « miroirs » dans des l’équité, mais aussi avoir une valeur ajoutée. Les incitations villages de contrôle pour permettre une approche contre- basées sur les performances peuvent être importantes pour factuelle. Au Mozambique, les agriculteurs « meneurs », en amener les femmes responsables à consacrer plus de temps majorité des hommes, avaient déjà été désignés par l’équipe et d’efforts au travail avec leur communauté. du projet dans tous les villages concernés, au moment de la collecte des données de référence. L’intervention avait formé a. Par exemple, Birkhaeuser, Evenson et Feder, 1991 n’ont détecté à la gestion durable des terres un sous-ensemble aléatoire aucune relation significative entre la prestation des services classiques de de ces « meneurs». Pour introduire une variation liée au vulgarisation et la productivité agricole en Afrique, tandis qu’Evenson, 2001 et Dercon et coll., 2009 ont identifié quelques succès. Anderson genre, une agricultrice meneuse avait été ajoutée à un et Feder, 2003 proposent une enquête organisationnelle pour identifier sous-ensemble aléatoire de villages de traitement, étant le modèle de vulgarisation (public ou privé) susceptible de produire les donné qu’il était impossible de rétrograder le meneur choisi meilleurs résultats. salarié à temps partiel ou plein) pourraient des adultes, tels que l’apprentissage expérien- tirer le plus de profit de ce type de formation. tiel » (Banque mondiale, 2012a). Une étude Pour celles engagées dans les Parcours 1 et 2, récente réalisée en Afrique de l’Est a constaté les fermes-écoles peuvent être utiles. Elles que ces écoles conviennent particulièrement existent dans de nombreux pays et appliquent bien aux femmes, aux personnes peu alpha- « une méthode participative d’apprentissage, bétisées et aux agriculteurs ayant des exploita- de développement technologique et de diffu- tions de taille moyenne. Les agriculteurs ayant sion, basée sur les principes de l’apprentissage fréquenté ces écoles obtiennent des résultats L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 151 significativement différents en ce qui concerne tion. L’approche alternative visant à trouver « Interrogé sur la valeur des cultures produite par unité de sur- un nouveau style de vulgarisation, unitaire ce qui diffère face, la valeur obtenue par tête de bétail et les et fortement structuré, largement applicable dans sa vie par revenus agricoles par habitant (Davis et coll., à tous, a peu de chances de produire de bons rapport à celle 2010). Pour les personnes engagées dans le Par- résultats. Dans la conception d’un agenda pour de la génération cours 1 qui adoptent une approche plus entre- les compétences des jeunes ruraux africains, il preneuriale de l’agriculture familiale, le passage faut distinguer les besoins des jeunes adultes de ses parents, à l’entreprise agricole familiale peut être assisté appartenant déjà à la population active, dont un des jeunes par des services d’appui au développement des l’éducation élémentaire est incomplète, et des gens a répondu : agroentreprises locales, fournissant des conseils enfants appelés à entrer plus tard sur le mar- “À l’époque, orientés vers l’entreprise. Bien que la presta- ché du travail. Pour les très jeunes, l’urgence est on faisait de tion et l’utilisation de ces services soient encore d’améliorer les écoles pour un meilleur appren- l’agriculture relativement neuves, les effets attendus pour les tissage. Les jeunes qui ont déjà dépassé l’âge de et c’est tout. agriculteurs et entrepreneurs à petite échelle la scolarité ont besoin d’une combinaison de Aujourd’hui, comprennent un accroissement des revenus programmes de remédiation à court terme nous faisons de ruraux (à la fois directs et dus à l’emploi) et pour la lecture, l’écriture et le calcul appliqués, l’agriculture, une amélioration de l’activité entrepreneuriale et d’un accès au mentorat, à l’apprentissage nous faisons à petite échelle (Banque mondiale, 2012a). Ces et à des flux d’information en temps oppor- des affaires et services pourraient également aider les jeunes à tun, éventuellement fournis à l’aide de médias combiner l’emploi indépendant avec une occu- beaucoup vont électroniques. pation agricole à temps partiel (Parcours 3). même à l’école”. » Les organisations de producteurs peuvent Tanzanie être un moyen très efficace de renforcer les Les programmes agricoles compétences et l’expertise entrepreneuriale délivrent trop peu, trop de leurs membres en améliorant l’accès aux conseils et à la formation. Une fois de plus, la lentement, pour faire face aux capacité de s’auto-organiser et de participer de besoins des jeunes Africains manière efficace à ces organisations exige une bonne éducation de base. Déjà en 2003, les chefs d’État africains se sont réunis à Maputo, au Mozambique, et se sont Priorités d’un agenda en faveur des engagés à accorder une attention renouvelée diverses compétences et des ressources à l’agriculture. La promesse a L’agenda visant à satisfaire les besoins de été faite dans le cadre du Programme détaillé compétences des jeunes Africains est vaste et de développement de l’agriculture africaine les ressources pour le mettre en œuvre sont (PDDAA) de l’Union africaine et du Nou- très restreintes. La priorité doit être accordée veau partenariat pour le développement de à l’amélioration de la qualité de l’enseigne- l’Afrique.20 Le cadre du PDDAA reconnaît ment fondamental et au maintien des jeunes qu’en raison de l’ampleur de l’agenda pour à l’école pendant suffisamment de temps pour l’agriculture, des points d’entrée multiples et qu’ils acquièrent les compétences de base. Les des investissements publics complémentaires programmes agricoles doivent être renforcés sont nécessaires dans plusieurs domaines dans l’enseignement supérieur pour produire (Encadré 4.13). une nouvelle génération de scientifiques et Avant la flambée des prix alimentaires en d’enseignants dans tous les domaines. Sur la 2008, l’engagement d’accroître les dépenses scène intermédiaire de la vulgarisation et de la publiques dans l’agriculture n’était pas large- sensibilisation, l’accent doit être mis en même ment respecté, mais entre 2003 et 2008, des temps sur la fourniture de ressources aux uti- études techniques ont été réalisées en vue de la lisateurs finaux de l’information, afin qu’ils conception d’un cadre pour le réinvestissement puissent chercher l’aide dont ils ont besoin, et dans l’agriculture au titre du PDDAA. Lorsque sur une évaluation minutieuse et un affichage la hausse des prix des denrées alimentaires a transparent de la satisfaction des utilisateurs réveillé l’attention des dirigeants mondiaux et par ­rapport aux différents canaux d’informa- africains, le cadre conceptuel était prêt pour 152 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 4.13 Aperçu du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) Les quatre piliers du PDDAA sont complémentaires. Le rentabilité permettent de constituer une épargne en vue des premier (la terre et l’eau) concerne la conception des pro- temps difficiles. grammes et des investissements nécessaires pour améliorer Enfin, le pilier de la technologie agricole traverse les trois l’administration des terres, la durabilité de leur utilisation et autres. L’agriculture moderne est fondée sur la science, et la gestion de l’eau à travers l’irrigation ainsi que la collecte et les producteurs, quel que soit leur niveau de sophistication, le stockage de l’eau. bénéficient de meilleurs systèmes pour la génération et la Le deuxième pilier identifie les investissements et les diffusion des technologies améliorées. Certaines de celles- réformes des politiques et réglementations nécessaires pour ci concernent l’utilisation de variétés et de races améliorées améliorer l’accès des petits exploitants aux marchés. Beau- dans la culture et l’élevage, afin de répondre à l’évolution de coup de ces interventions sont axées sur les infrastructures la demande et de la situation agroécologiques ou de per- rurales, notamment les routes, le transport ferroviaire et mettre aux producteurs de choisir le niveau de risque sou- l’énergie (tant en réseau que hors réseau), mais des mesures haité. D’autres mettent l’accent sur de nouveaux systèmes réglementaires importantes requièrent également une atten- de gestion et de rotation des cultures, pour réduire le coût tion, comme la réglementation du transport routier et les des intrants, améliorer la santé des sols et séquestrer le car- normes de sécurité alimentaire. Ces mesures visent à réduire bone en vue de flux de revenus supplémentaires. les coûts de commercialisation afin de rendre l’agriculture Le cadre du PDDAA est destiné à aider les pays et les plus rentable, tout en faisant baisser les prix alimentaires régions à améliorer la qualité de leurs planification et poli- pour les acheteurs nets afin d’accélérer la création d’emplois. tiques agricoles, et à les utiliser comme base pour le déploie- Le troisième pilier concerne les mesures qui rendront ment d’investissements dans le secteur. Le PDDAA offre un l’agriculture moins risquée pour ceux ayant une orientation appui politique, technique et financier aux pays et régions commerciale et renforceront la résilience des plus pauvres qui s’engagent dans ce processus, à travers un partenariat en cas de crise. La diversification, des produits d’assurance d’institutions africaines continentales et régionales collabo- abordables et des filets sociaux ruraux peuvent aider les rant avec d’autres parties prenantes, notamment la société personnes à gérer les risques, et les niveaux de revenus plus civile, le secteur privé, et les partenaires au développement élevés associés à la croissance de la productivité et de la de l’Afrique. compenser la négligence de longue date dont récemment proposé une initiative conjointe en ont souffert les biens et services publics essen- faveur de la création d’emplois pour les jeunes tiels. Le cadre ne reconnaît pas spécifiquement en Afrique. Toutes ces initiatives témoignent le caractère unique de la démographie africaine du niveau d’attention actuellement accordé à ni ne prévoit des dispositions particulières pour la question de l’emploi des jeunes (Proctor et les jeunes agriculteurs, mais ses caractéristiques Lunches, 2012). Chacune de ces organisations principales peuvent être enrichies afin d’abor- met également l’accent sur l’agriculture. der les problèmes propres à la jeunesse. Les efforts visant à atteindre les jeunes agri- En complément des composantes principa- culteurs africains peuvent donc faire appel à lement publiques du PDDAA, les investisseurs des ressources des secteurs public et privé, au privés locaux et internationaux manifestent niveau national et international, dans le cadre un intérêt croissant pour les opportunités d’initiatives stratégiques déjà en place. Aucune dans l’agriculture. L’Union africaine a fait de stratégie nouvelle ou distincte n’est donc néces- 2009–19 la Décennie pour le développement saire, mais si rien n’est fait, la lenteur actuelle de de la jeunesse en Afrique. L’Assemblée générale la mise en œuvre nuira aux jeunes et compro- des Nations Unies a appelé ses États membres mettra l’avenir de l’Afrique. Les engagements à préparer un examen et un plan d’action existants requièrent une très sérieuse atten- nationaux pour l’emploi des jeunes, et l’Union tion, ainsi qu’une amélioration de la qualité africaine, la Commission économique pour des dépenses publiques, des approches plus l’Afrique, la Banque africaine de développe- efficaces pour l’accroissement de la produc- ment et le Bureau international du travail ont tion alimentaire de base, plus d’attention à la L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 153 demande de produits de haute qualité émanant saires pour la commercialisation, la transfor- des classes moyennes urbaines en expansion, mation, l’approvisionnement en intrants et le des progrès continus dans les réformes des financement. Les politiques publiques régis- politiques et réglementations, et un renforce- sant le commerce, l’introduction de nouvelles ment de la qualité de l’information et du suivi. variétés, la concession de licences et les droits Une amélioration de la mise en œuvre des pro- de propriété intellectuelle, et la fiscalité offrent grammes publics accélérera l’investissement de faibles incitations aux producteurs et aux privé et multipliera les opportunités pour les innovateurs. jeunes. Une plus grande attention proactive Les agendas détaillés pour chacun de ces aux besoins spécifiques du vaste groupe des domaines n’entrent pas dans le cadre de ce cha- jeunes pourrait être nécessaire, mais elle serait pitre, mais l’avenir des jeunes gens africains est contreproductive sans des programmes géné- otage de l’écart profond séparant aujourd’hui raux plus efficaces. La mobilisation efficace des les engagements rhétoriques en faveur de l’agri- talents des jeunes augmentera la probabilité culture et l’attention réellement accordée à ce que le PDDAA et d’autres initiatives en cours secteur par les dirigeants africains. Les efforts atteignent leurs ambitieux objectifs. déployés pour s’attaquer aux contraintes pesant sur la terre, le capital et les compétences devront redoubler et s’accélérer, et des adaptations Exploitation du dividende devront être apportées aux programmes pour des jeunes dans l’agriculture les rendre sensibles aux besoins des jeunes. Même si les activités agricoles sont souvent L’agriculture, qui est déjà le plus gros exercées par les personnes âgées, les exigences employeur de l’Afrique, est en train d’évoluer du métier en matière d’énergie, d’innovation et et le grand nombre des jeunes qui s’y engagent de force physique le rendent particulièrement accélérera le rythme du changement. Les diri- approprié aux personnes de 24 à 45 ans, les geants africains reconnaissent que l’agriculture « jeunes en pleine maturité ». L’énergie, la créa- est une source de croissance, un instrument tivité et la force sont des attributs que les jeunes pour améliorer la sécurité alimentaire et un Africains possèdent en abondance. Pour les moyen de gérer les précieuses ressources natu- attirer, l’agriculture devra être rentable, compé- relles. À mesure que les décideurs découvriront titive et dynamique. Elle devra également l’être son potentiel d’absorption des très nombreux pour assurer sa croissance, améliorer la sécu- nouveaux demandeurs d’emploi et de généra- rité alimentaire et protéger un environnement tion d’un travail intéressant avec des avantages naturel fragile. Avec une plus grande priorité à publics et privés, ils accorderont encore plus la mise en œuvre de programmes bien conçus d’attention à l’agriculture. d’investissement public dans l’agriculture, des Cette attention sera nécessaire, parce que progrès soutenus dans les réformes des poli- la capacité du secteur à créer des emplois ne tiques et réglementations, et un modeste sur- pourra se matérialiser sans modifications dans plus d’attention à l’inclusion des jeunes dans les programmes publics. Les niveaux actuels la renaissance agricole de l’Afrique, le secteur d’investissement public sont insuffisants. La pourra profiter de son dividende démogra- qualité de l’investissement ne convient pas phique et le partager largement. pour assurer des rendements élevés. Trop d’efforts ont été consacrés à des mesures pal- Notes 1. Que la main-d’œuvre agricole d’une économie liatives à court terme, telles que la subvention ait augmenté ou diminué en valeur absolue, la des engrais, sans attention complémentaire ni part relative du secteur a diminué en raison des aux technologies améliorées et aux pratiques taux de natalité et de mortalité dans les zones de gestion ni aux investissements à long terme rurales, de la migration, et de la taille et de dans la recherche et les infrastructures. Le l’intensité de main-d’œuvre des secteurs qui se climat de l’investissement n’est toujours pas développaient plus rapidement que l’agriculture capable d’attirer les entreprises privées néces- (voir Timmer et Akko, 2008). 154 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 2. Par exemple, les agriculteurs cultivent des varié- énoncent des principes et des normes recom- tés améliorées modernes de cultures vivrières mandées à l’échelle internationale pour les pra- sur une surface estimée à environ 35 % de la tiques responsables. Elles constituent un cadre superficie totale cultivée, contre seulement 23 % que les acteurs peuvent utiliser pour élaborer en 1998 (Renown et Byerlee, 2010). leurs propres stratégies, politiques, législations 3. La productivité totale des facteurs agricoles et programmes, et qui permet aux autorités, au croît annuellement d’un peu plus de 3 % en secteur privé, à la société civile et aux citoyens Asie du Sud-Est et d’un peu moins de 3 % en de juger si les actions qu’ils proposent et celles Amérique du Sud. En Afrique subsaharienne, d’autres intervenants sont ou non des pratiques elle est, depuis 2000, supérieure à la moyenne acceptables. des quatre décennies précédentes, mais tou- 14. Une collaboration avec les Tables rondes sur les jours insuffisante pour être transformative. Les produits de base durables peut également aider à données étant très incomplètes, les estimations améliorer la façon dont les systèmes de produc- varient du simple au double : d’un peu moins tion des cultures satisfont aux critères environ- de 1 % à un peu plus de 2 % par an (voir Fuglie, nementaux et sociaux volontaires, notamment 2011 ; Nin-Pratt, Johnson et Yu, 2012). de la Table ronde pour un soja responsable, la 4. Après la flambée des prix alimentaires en 2007– Table ronde pour une huile de palme durable, 2008, les États ont commencé à fixer des objec- l’Initiative pour une meilleure canne à sucre tifs de croissance ambitieux pour l’agriculture. et toute une série de processus de certification À 8 à 10 %, ces taux dépassent l’objectif de 6 % forestière. fixé par l’Union africaine dans le Programme 15. Les sections suivantes s’appuient fortement sur détaillé de développement de l’agriculture Banque mondiale (2012b). africaine ainsi que les taux récemment obser- 16. Par exemple, en Chine, en Éthiopie, au Nicara- vés dans l’ensemble de la région (3,8 à 4,0 % ; gua, en République dominicaine et au Vietnam. Banque mondiale, 2012c). 17. Cette section est adaptée de Lahiff et Li (2012) ; 5. Cette section s’appuie fortement sur AgriFin Banque mondiale (2012b). (2012) ainsi qu’IFPRI et Banque mondiale 18. Adapté de Tchale (2012) ; Banque mondiale (2010). (2012b). 6. Organisation pour l’harmonisation en Afrique 19. Chaque famille recevait une subvention de du droit des affaires. 1 050 dollars EU, à gérer directement par le 7. Caisses d’épargne et de crédit agricole mutuels, bénéficiaire. Jusqu’à 30 % étaient destinés à une institution financière coopérative agricole. l’acquisition de terres, et le reste au transport, à 8. Cette section s’appuie sur Banque mondiale l’eau, au logement et au développement agricole. (2010a). 20. Voir http://www.nepad-caadp.net/. 9. IFPRI et Banque mondiale (2010), Fiche 4 ; voir aussi http://www.rabobank.com/content/pro- Références ducts_services/business_clients/professional- Abdulai, Awudu et Wallace E. Huffman. 2005. “The products/raboagrifund/index.jsp. Diffusion of New Agricultural Technologies: The Case of Crossbreeding Technology in Tanzania.” 10. Voir http://www.rabobank.com/content/ American Journal of Agricultural Economics 87 products_services/business clients/professional (3): 645–59. products/raboagrifund/index. jsp. 11. Pour un point de vue sur les questions d’équité AgriFin. 2012. “Making Finance Work for Africa: Policy Brief on Agricultural Finance in Africa.” soulevées par l’accroissement de l’intérêt mon- Rapport commandité par l’Union africaine, le dial pour les terres agricoles de l’Afrique, voir GIZ et le BMZ. Washington, DC. Deininger et Byerlee (2011). Aker, Jenny C. 2008. “Does Digital Divide or Pro- 12. Voir Deininger, Selod et Burns (2011) pour plus vide? The Impact of Cell Phones on Grain Mar- d’information sur cet outil relativement rapide kets in Niger.” Document de travail 154 du CGD, et innovant. Centre pour le développement mondial (CGD), 13. Approuvées en mai 2012 par le Comité sur la Washington, DC. sécurité alimentaire mondiale, les Directives Aker, Jenny C. et Marcel Fafchamps. 2010. “How volontaires recommandent des droits fonciers Does Mobile Phone Coverage Affect Farm-Gate sûrs et un accès équitable à la terre, à la pêche Prices? Evidence from West Africa. » Document et aux forêts en tant que moyen d’éradiquer la de travail, Tufts University, Département faim et la pauvreté, d’appuyer le développement d’économie et Fletcher School ; Centre pour le durable et de préserver l’environnement. Elles développement mondial (CGD) ; Université L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 155 d’Oxford, Center for the Study of African ———. 2012b. “Land Administration and Reform­ Economies. http://www. aeaweb.org/aea/ 2011 Scaling ing Sub-Saharan Africa: From Piloting to ­ conference/program/ retrieve.php?pdfid=629. Up.” Banque mondiale, Washington, DC. Amanor, Kojo S. et Maxwell K. Diderutuah. 2001. ———. 2012c. Indicateurs du développement “Share Contracts in the Oil Palm and Citrus Belt dans le monde 2012. Washington, DC. Banque of Ghana.” International Institute for Environ- mondiale. ment and Development, Londres. ———. 2013. « Growing Africa: Unlocking the Anderson, Mary, Dayna Brown et Isabelle Jean. Potential of Agribusiness. » Rapport AFTFP/ 2012. “Time to Listen: Hearing People on the AFTAI, Banque mondiale, Washington, DC. Receiving End of International Aid.” CDA Col- Besley, Timothy et Anne Case. 1993. “Modeling laborative Learning Project, Cambridge, MA. Technology Adoption in Developing Countries.” Anderson, Jock et Gershon Feder. 2003. “Rural American Economic Review 83 (2): 396-402. Extension Services.” Document de travail con- Birkhaeuser, Dean, Robert Evenson et Gershon sacré à la recherche sur les politiques 2976, Feder. 1991. “The Economic Impact of Agricul- Banque mondiale, Washington, DC. tural Extension: A Review.” Economic Develop- ment and Cultural Change 39 (3): 607–50. ———. 2004. « Agricultural Extension: Good Intentions and Hard Realities. » World Bank Bruce, John W. et Anna Knox. 2009. “Structures and Research Observer 19 (1): 41–60. Stratagems: Decentralization of Authority over Land in Africa.” World Development, numéro Banque mondiale, n.d. “Sri Lanka Community spécial sur les limites de la réforme foncière Development and Livelihood Improvement menée par l’État 37 (8) : 1360–69. Gemidiriya Project: Analysis of Youth Inclusion and Participation in Gemidiriya.” Banque Bureau exécutif du Président. 2011. « Rapport mondiale, Washington, DC. économique du Président 2011 ». Comité des conseillers économiques des États-Unis, ———. 2004. “Malawi Community-Based Washington, DC. RuralLand Development Project.” Document d’évaluation de projet, Banque mondiale, Camacho, Adriana et Emily Conover. 2011. “The Washington, DC. Impact of Receiving Price and Climate Informa- tion in the Agricultural Sector.” Document de ———. 2007. “Cultivating Knowledge and Skillsto travail IDB-WP-220, Banque interaméricaine Grow African Agriculture: A Synthesis of an de développement, Washington, DC. Institutional, Regional, and International Review, Chirwaa, Ephraim W. 2008. “Land Tenure, 2007.” Rapport n° 40997-AFR. Département Farm Investments, and Food Production in de l’agriculture et du développement rural et Malawi.” Document de synthèse 18, préparé Département du développement humain Région pour le Consortium du programme de recher- Afrique, Banque mondiale, Washington, DC. che sur l’amélioration des institutions en ———. 2007b. “South Asia: Livelihoods Learning: vue d’une croissance favorable aux pauvres Community-Managed Microfinance: A New (IPPG — Research Programme Consortium on Model from Sri Lanka.” Série 1, Note 5, Banque Improving Institutions for Pro-Poor Growth). mondiale, Washington, DC. Cole, Shawn et Stefan. Hunt. 2010. “Information, ———. 2009. Gender in Agriculture Sourcebook. Expectations, and Agricultural Investment: Evi- Washington, DC. Banque mondiale. dence from a Field Experiment in India.” Docu- ment de travail, Harvard University, Cambridge, ———. 2010a. “Designing and Implementing MA. Agricultural Innovation Funds: Lessons from Competitive Research and Matching Grant Proj- Conley, Timothy et Christopher Udry. 2010. ects.” Rapport 54857-GLB, Banque mondiale, “Learning about a New Technology: Pineapple Washington, DC. in Ghana.” American Economic Review 100 (1): 35–69. ———. 2010b. Doing Business 2011: Agir pour les entrepreneurs. Washington, DC. Banque Davis, Kristin. 2008. “Extension in Sub-Saharan mondiale. Africa: Overview and Assessment of Past and Current Models and Future Prospects.” Journal of ———. 2011. « Kenya Informal Settlements International Agricultural and Extension Educa- Improvement Project. » Document d’évaluation tion 15 (3): 15–28. de projet, Banque mondiale, Washington, DC. Davis, Kristin, Ephraim Nkonya, Edward Kato, ———. 2012a. Agricultural Innovation Systems: An Daniel A. Mekonnen, Martins Odendo, Richard Investment Sourcebook. Washington, DC. Banque Miiro et Jackson Nkuba. 2010. “Impact of mondiale. Farmer Field Schools on Agricultural Productiv- 156 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne ity, Poverty, and Farmer Empowerment in East Production, sous la conduite de Bruce L. Gardner Africa.” Document de synthèse IFPRI, Institut et Gordon C. Rausser, 573–628. Amsterdam : international de recherche sur les politiques ali- Elsevier. mentaires, Washington, DC. Fafchamps, Marcel et Bart Minten. 2012. “Impact Deininger, Klaus. 2003. Land Policies for Growth of SMS-Based Agricultural Information on and Poverty Reduction. Washington, DC. Banque Indian Farmers.” World Bank Economic Review mondiale. 26 (3): 383–414. Deininger, Klaus, Daniel A. Ali et Tekie Alemu. FAO (Organisation des Nations Unies pour 2011. “Impacts of Land Certification on Tenure l’alimentation et l’agriculture). 2011. Women Security, Investment, and Land Market Partici- in Agriculture: Closing the Gender Gap in Agri- pation: Evidence from Ethiopia.” Land Econom- culture. State of Food and Agriculture Report. ics 87 (2): 312–34. Rome : FAO. Deininger, Klaus et Derek Byerlee. 2011. “Rising Global Interest in Farm Land: Can It Yield FAO (Organisation des Nations Unies pour Sustainable and Equitable Benefits?” Banque l’alimentation et l’agriculture), FIDA (Fonds mondiale, Washington, DC. international de développement agricole) et MIJARC (Mouvement international de la jeu- Deininger, Klaus, Songqing Jin, Berhanu Adenew, nesse agricole et rurale catholique). 2012. “Facili- Samuel Gebre-Selassie et Mulat Demke. 2003. tating Access of Rural Youth to Agricultural “Market and Non-Market Transfers of Land in Activities.” Session pour la jeunesse du Forum Ethiopia: Implications for Efficiency, Equity, and des agriculteurs, Rome, 18 février. Nonfarm Development.” Document de recher- che sur les politiques 2992, Banque mondiale, Foster, Andrew D. et Mark R. Rosenzweig. 1996. Washington, DC. “Technical Change and Human-Capital Returns Deininger, Klaus, Harris Selod et Anthony Burns. and Investments: Evidence from the Green 2011. “The Land Governance Assessment Frame- Revolution.” American Economic Review 86 (4): work: Identifying and Monitoring Good Practice 931–53. in the Land Sector.” Série ARD, Banque mon- Fox, Louise et Thomas Pave Sohnesen. 2012. diale, Washington, DC. “Household Enterprises in Sub-Saharan Africa: Dercon, Stefan, Daniel O. Gilligan, John Hoddi- Why They Matter for Growth, Jobs, and Liveli- nott et Tassew Woldehanna. 2009. “The Impact hoods.” Document de travail pour la recherche of Agricultural Extension and Roads on Poverty sur les politiques 6184, Banque mondiale, Wash- and Consumption Growth in Fifteen Ethiopian ington, DC. Villages.” American Journal of Agricultural Eco- Fuglie, Keith. 2011. “Agricultural Productivity in nomics 91 (4): 1007–21. Sub-Saharan Africa.” In The Food and Financial De Wolf, Stefan, Yves Rolland Rakotoarisoa, Crises in Sub-Saharan Africa: Origins, Impacts, Laurence Vanpaeschen et Honore Rabekoto. and Policy Implications, sous la conduite de 2008. Madagascar : Le grand livre des petits David R. Lee et Muna Ndulo. Cambridge, MA : métiers – Portraits of Daily Life Professions. CABI. Heule, Belgique : Snoek Publishers. Goyal, Aparajita. 2010. “Information, Direct Access Djurfeldt, Agnes Andersson et Magnus Jirstrom. to Farmers, and Rural Market Performance in 2013. “Urbanization and Changes in Farm Size in Central India.” American Economic Journal: Sub-Saharan Africa and Asia from a Geographi- cal Perspective: A Review of the Literature.” Une Applied Economics 2 (3): 22–45. étude prospective du Conseil indépendant pour Huffman, Wallace E. 1977. “Allocative Efficiency: les sciences et les partenariats, Groupe consultatif The Role of Human Capital.” Quarterly Journal pour la recherche agricole internationale, Wash- of Economics 91 (Février) : 59–79. ington, DC. http://www IDS (Institut d’études de développement). 2012. .sciencecouncil.cgiar.org/fileadmin/templates “Young People and Agriculture in Africa.” /ispc/documents/Strategy_and_ Trends/2013 Bulletin IDS, numéro spécial 43 (6). /Foresight.Andersson.pdf. Estudillo, Jonna P., Agnes R. Quisumbing et Kei- IFPRI (Institut international de recherche sur les jiro Otsuka. 2001. “Gender Differences in Land politiques alimentaires) et Banque mondiale. Inheritance and Schooling Investments in the 2010. “Innovations in Rural and Agriculture Rural Philippines.” Land Economics 77 (1): Finance: Focus 18.” Washington, DC. 130–43. Jensen, Robert. 2007. “The Digital Provide: Infor- Evenson, Robert. 2001. “Economic Impacts of Agri- mation (Technology), Market Performance, and cultural Research and Extension.” In Handbook Welfare in the South Indian Fisheries Sector.” of Agricultural Economics. Vol. 1a: Agricultural Quarterly Journal of Economics 122 (3): 879–924. L’agriculture : un secteur d’opportunités pour les jeunes africains 157 Kasanga, Kasim et Nii Kotey. 2001. “Land Man- spective agricole 2012–2012. Annexe B, agement in Ghana: Building on Tradition Tableau B.1. Paris : OCDE ; Rome : FAO. and Modernity.” Institut international pour Petesch, Patti et Ines Rodriguez Caillava. 2012. l’environnement et le développement, Londres. “Voices of Young Villagers in Sub-Saharan Kevane, Michael. 1996. “Agrarian Structure and Africa.” Document de référence, Banque mon- Agricultural Practice: Typology and Application diale, Washington, DC. to Western Sudan.” American Journal of Agricul- Proctor, Felicity J. et Valerio Lucchesi. 2012. “Small- tural Economics 78 (1): 236–45. Scale Farming and Youth in an Era of Rapid Kloeppinger-Todd, Renate, Ajai Nair et Annabel Rural Change.” Institut international pour Mulder. 2004. “Leasing: An Underutilized Tool in l’environnement et le développement, Londres. Rural Finance.” Document de synthèse ARD 7, Renkow, Mitch et Derek Byerlee. 2010. “The Impact Banque mondiale, Washington, DC. of CGIAR Research: A Review of Recent Evi- Lahiff, Edward et Guo Li. 2012. “Land Redistri- dence.” Food Policy 35 (5) : 391–402. bution in South Africa: A Critical Review.” République du Kenya. 2010. “The Constitution of Document de travail pour l’étude « Land Kenya 2010.” National Council for Law Report- Administration and Reform in SSA », Banque ing, Nairobi. mondiale, Washington, DC. Rosenzweig, Mark. 2010. “MicroeconomicAp- Larson, Donald, Keijiro Otsuka, Tomoya Matsu- proaches to Development: Schooling, Learning, moto et Talip Kilic. 2012. “Should African Rural and Growth.” Journal of Economic Perspectives, Development Strategies Depend on Smallholder American Economic Association 24 (3): 81–96. Farms? An Exploration of the Inverse Productiv- ity Hypothesis.” Document de travail consacré Schultz, T. Paul. 1988. “Education Investments à la recherche sur les politiques 6190, Banque and Returns.” 1988. In Handbook of Develop- mondiale, Washington, DC. ment Economics, Vol. 1, sous la conduite de Hol- lis Chenery et T. N. Srinivasan, ch. 1, 543–630. Losch, Bruno, Sandrine Freguin-Gresh et Eric Amsterdam : Elsevier. Thomas White. 2012. Structural Transformation and Rural Change Revisited: Challenges for Late Selod, Harris. 2012. “Formalizing Rural Land Developing Countries in a Globalizing World. Rights in West Africa: Results from an Impact Série Forum africain du développement. Wash- Evaluation in Benin.” Document préparé pour ington, DC. Banque mondiale. la conférence “Terre et pauvreté 2012”, Banque mondiale, Washington, DC, 23–26 avril. Maertens, Miet, Bart Minten et Jo Swinnen. 2009. “Growth in High-Value Export Markets in Sutton, John et Nebil Kellow. 2010. An Enterprise Sub-Saharan Africa and Its Development Impli- Map of Ethiopia. Londres : International Growth cations.” Document de synthèse LICOS 245, Centre. Katholieke Universiteit, Leuven. Svensson, Jalcob et David Yanagizawa. 2009. “Get- Minot, Nicholas. 2011. “Transmission of World ting Prices Right: The Impact of the Market Food Price Changes to Markets in Sub-Saharan Information Service in Uganda.” Journal of the Africa.” Document de synthèse IFPRI 01059, European Economic Association 7 (2-3): 435–45. Institut international de recherche sur les poli- Tchale, Hardwick. 2012. “Pilot Redistributive Land tiques alimentaires, Washington, DC. Reform in Malawi: Innovations and Emerg- Morris, Michael, Hans Binswanger-Mkhize et ing Good Practices.” Document de travail pour Derek Byerlee. 2009. Awakening Africa’s Sleeping l’étude “Land Administration and Reform in Giant. Banque mondiale. Washington, DC. SSA”, Banque mondiale, Washington, DC. Nagayets, Oksana. 2005. “Small Farms: Current Timmer, Peter et Selvin Akkus. 2008. “The Struc- Status and Key Trends.” Fiche d’information tural Transformation as a Pathway out of préparée pour le Séminaire de recherche sur Poverty: Analytics, Empirics, and Politics.” les petites exploitations agricoles, Wye College, Document de travail 150, Centre pour le déve­ 26–29 juin. loppement mondial (CGD), Washington, DC. Nin-Pratt, Alejandro, Michael Johnson et Bingxin Torkelsson, Asa. 2012. “Sex Disaggregated Data on Yu. 2012. “Improved Performance of Agricul- Agriculture, Water, and Food Security: Lessons ture in Africa South of the Sahara: Taking Off or from Kenya.” Séminaire de la semaine mondiale Bouncing Back?” Document de synthèse IFPRI de l’eau sur les pratiques mondiales en matière 01224, Institut international de recherche sur les de promotion de l’égalité des genres dans le politiques alimentaires, Washington, DC. secteur de l’eau, Stockholm, 30 août. OCDE et FAO (Organisation des Nations Unies Welch, Finis. 1970. “Education in Production.” pour l’alimentation et l’agriculture). 2012. Per- Journal of Political Economy 78 (1): 35–59. NOTE Filets sociaux et voies d’accès THématique 2 à l’emploi productif L es filets sociaux sont des programmes qui tif à court et à moyen terme. L’intention est de visent à augmenter la consommation des permettre aux ménages pauvres de trouver des produits de base par les ménages et à facili- moyens pour augmenter leur productivité dans ter l’accès aux services sociaux essentiels (Grosh le secteur agricole, de diversifier leurs moyens et coll., 2008 ; Monchuk, 2014). Ils peuvent de subsistance ou de se lancer dans des entre- aussi aider les ménages à faire face à des chocs prises individuelles non agricoles. Les inter- tels qu’une crise économique, une sécheresse ventions productives complémentaires ciblant ou la maladie. La couverture des programmes les jeunes peuvent leur ouvrir la voie vers un de filets sociaux ciblant les ménages pauvres emploi productif aux moments critiques où et vulnérables se développe rapidement en ils terminent leurs études, entrent sur le mar- Afrique (Monchuk, 2014 ; Subbarao et coll., ché du travail ou exercent déjà à leur propre 2013 ; McCord et Slater, 2009). Les filets sociaux compte des activités faiblement productives. les plus courants comprennent les programmes En ce sens, les filets sociaux combinés avec ces de travaux publics et de transferts monétaires. composantes complémentaires ont la capacité Les participants aux programmes de travaux potentielle d’améliorer l’emploi productif pour publics ou travaux à haute intensité de main- la génération actuelle des jeunes. d’œuvre reçoivent de l’argent ou de la nourri- ture en échange d’un travail dans la construc- tion ou l’entretien de biens publics tels que les Avantages à court terme des infrastructures locales. Certains programmes programmes de filets sociaux de travaux publics à plus long terme garan- tissent un emploi temporaire aux pauvres à des Les pouvoirs publics africains ont largement moments critiques, tels que les saisons maigres recours aux programmes de travaux publics du cycle agricole. Les transferts monétaires pro- pour fournir des emplois à court terme. Ces curent un appui temporaire aux ménages dans programmes sont courants dans toute la leur lutte contre la pauvreté. Ces filets sociaux région et offrent habituellement des emplois traditionnels peuvent améliorer la productivité temporaires pour des périodes allant de à long terme à travers toute une série de canaux 10 jours à 6 mois.2 Par exemple, depuis 1995, (Alderman et Yemtsov, 2013). Par exemple, il le Fonds d’action sociale du Malawi a offert un a été démontré que les filets sociaux augmen- emploi temporaire à plus de 800 000 personnes tent le capital humain en améliorant la nutri- pendant une moyenne de 12 jours (Banque tion et l’accès à l’éducation et aux services de mondiale, 2011). Le Fonds d’action sociale de santé.1 Ces améliorations pour les enfants d’au- la Tanzanie octroie des transferts monétaires jourd’hui peuvent contribuer à une plus grande à travers des emplois à court terme dans le productivité des jeunes de demain. cadre d’un programme de travaux publics à Parce que les filets sociaux ciblent explicite- forte intensité de main-d’œuvre, qui a fourni ment les personnes pauvres ou vulnérables, ils un emploi pendant une moyenne de 75 jours atteignent souvent le noyau de la population à plus de 200 000 bénéficiaires depuis 2000 ayant des emplois à faible productivité, en parti- (Banque mondiale, 2010). Le programme de culier dans l’agriculture et les entreprises indivi- filets sociaux productifs de l’Éthiopie est un duelles. De nombreux États réalisent également exemple de programme de travaux publics de des interventions productives complémentaires plus longue durée. Les participants, qui peuvent à travers des programmes de filets sociaux, dans bénéficier du programme pendant maximum le but explicite de promouvoir l’emploi produc- cinq ans, travaillent pendant la saison maigre, 158 Note thématique 2 159 pour des projets de construction d’actifs com- de nouvelles activités, même si ce n’est pas leur munautaires à forte intensité de main-d’œuvre, objectif principal. Au Libéria, les participants tels que des structures pour la conservation des ont déclaré utiliser 14,2 % des revenus tirés sols et de l’eau. Le programme atteint plus de des travaux publics pour réaliser des investis- 7 millions de personnes et dispose d’un budget sements agricoles et non agricoles (Andrews annuel de près de 500 millions de dollars EU et coll., 2011). En Éthiopie, les bénéficiaires du (Gilligan, Hoddinott et Taffesse, 2009). programme de travaux publics étaient plus sus- Les programmes de travaux publics ont ceptibles de s’engager dans des activités com- des avantages à court terme bien documentés, merciales non agricoles et moins susceptibles de notamment pour les revenus des participants. travailler comme journaliers (Gilligan, Hoddi- Pour travailler pendant les heures requises par nott et Taffesse, 2009). Des éléments tirés d’une ces programmes à forte intensité de main- évaluation d’impact en Sierra Leone montrent d’œuvre, les bénéficiaires renoncent générale- que la participation à un programme « argent ment à d’autres opportunités génératrices de contre travail » a augmenté la participation à revenus (Subbarao et coll., 2013). Pour cette des groupes d’épargne informels, a donné lieu raison, les revenus des bénéficiaires augmen- à une accumulation d’actifs tels que du bétail tent généralement moins que les salaires réels et a favorisé la création de nouvelles entreprises qu’ils perçoivent (qui sont habituellement basés individuelles (Rosas et Sabarwal, 2013). sur les salaires estimés du marché local ou sur Les programmes de transferts monétaires un salaire minimum). L’Argentine a lancé un visent essentiellement à soulager la pauvreté programme de travaux publics en 2002, après de manière immédiate, et de solides éléments qu’une grave crise économique a fait exploser le probants documentent leurs effets à court chômage et la pauvreté. Les revenus nets (après terme sur la réduction de la pauvreté, l’amélio- déduction des revenus non générés par d’autres ration d’une série de résultats tels que la sécu- activités) ont été estimés à deux tiers des pres- rité alimentaire ou la nutrition, et l’utilisation tations offertes par le programme de travaux accrue des services de santé ou d’éducation publics pendant la crise et à seulement un tiers (voir l’analyse dans Fiszbein et Schady, 2009). de celles offertes après la dissipation de la crise Il y a également de plus en plus de signes que (Galasso et Ravallion, 2004). les bénéficiaires de transferts monétaires sont Dans les pays africains à faible revenu, prati- en mesure d’épargner et de s’engager dans des quement tout le monde travaille et très peu de activités plus productives, même si ces pro- personnes sont sans emploi (voir la discussion grammes n’ont pas été conçus dans cet objectif. au Chapitre 1). Dans ce contexte, les travaux Par exemple, au Malawi, les transferts moné- publics n’augmentent pas nécessairement l’em- taires ont facilité les investissements dans les ploi global de manière substantielle. En même actifs agricoles et le bétail et ont réduit la repré- temps, les programmes de travaux publics ont sentation des adultes dans la main-d’œuvre tendance à attirer une participation excessive, peu qualifiée (Covarrubias, Davis et Winters, malgré leurs bas salaires, et ils peuvent forte- 2012). Au Mexique, ils ont amené les ménages ment accroître les revenus des bénéficiaires. Peu ruraux pauvres à investir dans des actifs pro- d’évaluations mesurent les revenus nets résul- ductifs tels que des animaux d’élevage et des tant de la participation à des programmes de terres pour la production agricole, entraînant travaux publics en Afrique. ainsi une augmentation de 10 % des revenus Dans l’ensemble, les programmes de travaux agricoles (Gertler, Martinez et Rubio-Codina, publics sont les principaux programmes de 2011). Les bénéficiaires étaient également plus protection sociale fournissant un emploi tem- susceptibles de s’engager dans des entreprises poraire. Ils ne sont généralement pas conçus individuelles non agricoles, en particulier la pour favoriser l’emploi productif durable au- production d’artisanat pour la vente. delà de la participation des bénéficiaires au Une nouvelle génération de programmes de programme. Certaines données suggèrent que filets sociaux tente de maximiser plus explicite- les programmes de travaux publics classiques ment leur potentiel productif à court et moyen peuvent ouvrir des voies d’accès à l’emploi dans terme. 160 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Filets sociaux combinés à des gramme de renforcement des actifs des composantes productives ménages, afin de les aider à rendre leurs exploi- tations agricoles plus productives et à accroître explicites leur sécurité alimentaire à long terme. Ils obtiennent « au moins un des transferts ou Un nombre croissant de programmes de filets sociaux cherchent à créer les conditions pour services visant à accroître la productivité, que les bénéficiaires trouvent des voies d’accès à notamment l’accès au crédit, des services de des emplois plus productifs ou à des moyens de vulgarisation agricole, des transferts technolo- subsistance durables à court et moyen terme. giques (comme des conseils sur la production Les décideurs politiques commencent avec des cultures vivrières ou de rente, l’élevage et la capacité avérée des programmes de filet de la conservation des sols et de l’eau), et des sys- sécurité sociale à stabiliser la consommation tèmes d’irrigation et de collecte de l’eau » (Gil- des ménages et ajoutent des interventions pro- ligan, Hoddinott et Taffesse, 2009). ductives qui peuvent conduire à des emplois productifs durables pour la génération actuelle. Formation Par exemple, les « travaux publics combinés » De nombreux programmes de travaux publics offrent des services complémentaires tels que offrent également, pendant une courte durée, des liens avec les services financiers ou une for- des cours d’alphabétisation de base ou une mation à une série de compétences. Certains formation aux compétences nécessaires au ­ programmes de « transferts monétaires com- développement de micro-entreprises, à des binés » adoptent une approche similaire. compétences techniques ou à des compétences pour la vie. Dans le cadre du programme élargi Services financiers de travaux publics (Expanded Public Works Un nombre croissant de programmes de tra- Program) de l’Afrique du Sud, les bénéficiaires vaux publics visent à renforcer l’inclusion reçoivent chaque mois deux jours de formation financière ou à établir des liens avec d’autres à la lecture et au calcul, à des compétences pro- services intermédiaires. Les participants au fessionnelles et à des compétences en affaires. programme Vision Umurenge du Rwanda ont En Côte d’Ivoire, le programme de travaux reçu un accès à des comptes bancaires et ont publics mis en œuvre par l’Agence nationale été encouragés à épargner une partie de leurs des routes comprend une sensibilisation à des gains. Les bénéficiaires du programme de filets compétences de vie, une formation aux com- sociaux productifs de la Tanzanie peuvent pétences en affaires de base pour aider les par- participer à de petits groupes encourageant ticipants à créer une entreprise individuelle, et l’épargne communautaire, afin d’accroître leur une sensibilisation aux opportunités d’emploi capacité à épargner en vue de besoins et d’in- salarié pour aider les jeunes à se préparer à vestissements futurs. Une approche similaire rechercher un emploi de ce type. Au Libéria, est envisagée pour un programme de travaux la composante « travaux communautaires » publics au Mozambique. Un programme de du projet pour l’emploi et les compétences travaux publics en Côte d’Ivoire comprend une des jeunes prévoit 8 séances de formation aux composante qui stimule l’épargne en versant compétences de vie au cours des 40 jours du les paiements sur un compte bancaire (durant programme de travaux publics. Chacune de ces la phase pilote, le programme octroyait une séances dure deux à trois heures et est menée subvention de contrepartie aux participants qui par un formateur pour 25 stagiaires. La for- avaient épargné un certain montant). Pour une mation aux compétences de vie comprend six analyse plus détaillée des services financiers, sections principales : Ma communauté et moi, voir la Note thématique 3. Gagner ma vie, Gérer mon argent, Mon lieu de travail, Ma santé et Mon avenir. Capital Certains programmes offrent un paquet de Les participants au programme de travaux prestations, notamment des transferts moné- publics de l’Éthiopie sont associés au pro- taires combinés à un ensemble d’interventions Note thématique 2 161 productives complémentaires. Par exemple, le Les éléments prouvant l’efficacité des com- projet Targeting the Ultra-Poor ou Graduation posantes productives combinées à des pro- Model est actuellement testé dans dix pays à grammes de transferts monétaires sont, eux travers le monde, notamment l’Éthiopie et aussi, assez limités. Au Niger, des données de le Ghana (Hashemi et Montesquiou, 2011). suivi suggèrent que les bénéficiaires épargnent L’intervention cible les plus pauvres et offre une part importante de leurs revenus au sein un appui à la consommation de base similaire des groupes d’épargne créés par le programme. à un programme de filets sociaux. Elle facilite Au Cameroun, un nouveau programme de également l’épargne, transfère des actifs pour transferts monétaires encourage les bénéfi- permettre aux pauvres de s’engager dans des ciaires à participer à des activités de sensibilisa- activités agricoles à plus forte productivité tion et de formation afin de mieux connaître les (l’élevage, par exemple) ou de créer une entre- activités génératrices de revenu, de savoir com- prise individuelle, et fournit une formation ment accéder au microfinancement et d’acqué- aux compétences et une assistance technique rir des compétences en affaires. Des évaluations régulière aux bénéficiaires. L’objectif déclaré d’impact sont en cours dans les deux pays. de cette approche est d’aider les ménages à Bien que l’efficacité des interventions pro- sortir de l’extrême pauvreté grâce à un emploi ductives complémentaires n’ait pas été certifiée productif. en Afrique, des signes prometteurs se mani- festent ailleurs. Dans les zones rurales du Nica- ragua, une évaluation teste l’efficacité relative Les interventions de la combinaison d’un programme de trans- complémentaires ouvrent-elles ferts monétaires avec des subventions pour les la voie vers l’emploi productif entreprises individuelles ou avec une forma- pour les jeunes ? tion technique (voir Figure F2.1 ; Macours, Premand et Vakis, 2012). Deux ans après la fin Malgré leur potentiel d’accroissement de la du programme, les résultats montrent que la productivité et d’amélioration de l’accès à de subvention pour les entreprises individuelles a nouvelles opportunités d’emploi, peu d’éva- permis aux bénéficiaires des transferts moné- luations rigoureuses ont montré que les pro- taires de s’engager dans une activité indépen- grammes élargis de filets sociaux conduisent dante non agricole et a augmenté les profits des à l’emploi ou à des gains de productivité.3 entreprises individuelles, ainsi que les revenus En Éthiopie, les ménages ayant accès au pro- et la consommation en général. Le principal gramme de travaux publics et aux interven- effet de la formation technique délivrée aux tions complémentaires sont « plus susceptibles bénéficiaires des transferts monétaires a été d’assurer leur sécurité alimentaire, d’emprun- une augmentation des salaires dans les emplois ter à des fins productives, d’utiliser des tech- salariés privés. Mais dans l’ensemble, l’impact nologies agricoles améliorées et d’exercer moyen sur les revenus et la consommation n’a des activités indépendantes non agricoles » pas été significatif pour tous les bénéficiaires. (Gilligan, Hoddinott et Taffesse, 2009). Leurs Les premiers résultats des évaluations revenus augmentent et les ventes de détresse d’impact du Graduation Model indiquent éga- diminuent. Ailleurs en Afrique, les éléments lement des impacts productifs substantiels. probants sur les impacts productifs des pro- Par exemple, un programme ciblant les ultra- grammes de « travaux publics combinés » sont pauvres avec une combinaison d’importants limités, en particulier ceux relatifs à l’efficacité transferts d’actifs et d’une formation intensive a des modules de formation de courte durée et efficacement promu l’accès à l’emploi indépen- des liens avec les services financiers. Une éva- dant au Bangladesh. Cette intervention com- luation des alternatives de formation complé- binée a réussi à induire un passage de l’emploi mentaire ciblant les jeunes bénéficiaires d’un salarié agricole vers la petite entreprise, avec une programme de travaux publics est en cours de augmentation des revenus annuels de 36 % en réalisation en Côte d’Ivoire. moyenne (Bandiera et coll., 2012). Ces résultats 162 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure F2.1  Impacts des transferts monétaires conditionnels combinés à des subventions pour les entreprises individuelles, ou des transferts monétaires conditionnels combinés à une formation au Nicaragua a. Consommation et emploi b. Revenus et salaires 14 1 400 Taux de change en monnaie locale (cordobas) 12 1 200 10 1 000 8 800 % d’augmentation 6 600 4 400 2 200 0 0 –2 –200 –4 –400 Consommation Emploi indépendant Emploi salarié Revenus tirés de l’emploi Salaire des non agricole non agricole indépendant non agricole emplois privés Transferts monétaires conditionnels plus formation Transferts monétaires conditionnels plus subventions pour les entreprises individuelles Source : Macours, Premand et Vakis, 2012. Note : Les impacts sont mesurés par les différences entre les bénéficiaires et un groupe témoin. L’impact sur la consommation et l’accès à un emploi salarié non agricole n’est pas significatif pour les bénéficiaires du programme de « transferts monétaires conditionnels plus forma- tion », et celui sur l’accès à un emploi salarié non agricole et sur les salaires des emplois salariés dans le secteur privé ne l’est pas non plus pour les bénéficiaires du programme de « transferts monétaires conditionnels plus subvention pour les entreprises individuelles ». concordent avec les données recueillies pour 2013). L’efficacité de ces interventions complé- d’autres programmes similaires au Honduras, mentaires pour l’ouverture de telles voies doit au Pakistan et au Bengale-Occidental. encore être évaluée rigoureusement en Afrique, mais leur disposition à aider les personnes à « progresser » vers des moyens de subsistance Les filets sociaux en tant que plus productifs et plus stables mérite d’être vecteurs pour les interventions prise en compte dans le cadre des stratégies d’emploi inclusives. Plus d’attention devrait visant à améliorer les être accordée à des interventions productives perspectives d’emploi des jeunes ciblant les jeunes des ménages pauvres bénéfi- ciant de ces programmes. Les filets sociaux traditionnels n’ont pas pour but principal de promouvoir l’emploi pro- Notes ductif pour la génération actuelle des jeunes, 1. Les filets sociaux peuvent aussi générer des mais ils ont le potentiel pour le faire. Ces pro- externalités positives dans l’économie locale. grammes ciblent les ménages exerçant des 2. Voir Subbarao et coll. (2013) pour une ana- activités à faible productivité. À cet égard, les lyse. Par exemple, en 2008, le Libéria et la programmes de filets sociaux ont la capacité Sierra Leone ont déployé des programmes de réaliser des interventions complémentaires « argent contre travail » pour amortir les effets ouvrant des voies vers un emploi plus productif de la flambée des prix alimentaires (Wodon et Zaman, 2010). Dans sa première phase, le pro- pour les pauvres. Le ciblage des pauvres dans gramme en Sierra Leone a touché 16 000 béné- les interventions productives n’implique pas ficiaires, qui ont travaillé pendant environ nécessairement un compromis entre l’équité et 50 jours, entre six et huit heures par jour, sur l’efficacité : en fait, ce sont souvent les ménages des projets de réhabilitation des routes, de reboi- pauvres qui bénéficieraient le plus des interven- sement, de conservation des sols et de culture du tions productives (Macours, Premand et Vakis, riz et d’autres produits (Andrews et coll., 2012). Note thématique 2 163 Le programme mis en œuvre au Libéria a offert Entry-Level Entrepreneurship Transform the une moyenne de 40 jours de travail temporaire Economic Lives of the Poor?” Mimeo, London à 17 000 ménages, qui ont principalement réha- School of Economics. bilité des terres agricoles publiques et nettoyé Banque mondiale. 2010. “Project Paper on Second et déblayé des routes, des égouts et des espaces Additional Financing Credit in the Amount of publics (Andrews et coll., 2011). Le programme SDR 23.1 Million (US$35 Million Equivalent) a été ultérieurement étendu pour couvrir in Pilot Crisis Response Window Resources to 45 000 bénéficiaires. the United Republic of Tanzania for the Second Social Action Fund Project.” Banque mondiale, 3. Les transferts monétaires peuvent contribuer Unité de la protection sociale Région Afrique, à stimuler la croissance par d’autres voies que Développement humain, Washington, DC. leur impact direct sur les bénéficiaires (Alder- _________. 2011. “Implementation Status and man et Yemstov, 2013). Par exemple, des simu- Results of Malawi Third Social Action Fund lations suggèrent qu’ils ont également des effets (MASAF3) APL II (P110446).” Rapport ISR7009, productifs sur l’économie locale (Asfaw et coll., Banque mondiale, Washington, DC. 2012). Blattman, Christopher, Nathan Fiala et Sebastian 4. Des expériences pilotes octroyant des subven- Martinez. 2011. “Employment Generation in tions monétaires aux bénéficiaires ont eu de Rural Africa: Mid-Term Results from an Experi- larges impacts sur l’emploi et les revenus (voir mental Evaluation of the Youth Opportunities par exemple, Blattmann, Fiala et Martinez, Program in Northern Uganda”, Document de 2011). La façon dont les effets d’un programme synthèse 66523 sur la protection sociale, Banque de travaux publics peuvent être comparés à mondiale, Washington, DC. ceux d’un programme de transferts monétaires, Covarrubias, Katia, Benjamin Davis et Paul Win- d’un montant équivalent aux coûts de la main- ters. 2012. “From Protection to Production: d’œuvre et des investissements de ce programme Productive Impacts of the Malawi Social Cash de travaux publics, reste peu claire. Transfer Scheme” Journal of Development Effec- tiveness 4 (1): 50–77. Références Fiszbein, Ariel et Norbert Schady. 2009. Conditional Alderman, Harold et Rusla Yemstov. 2013. “How Cash Transfers: Reducing Present and Future Pov- Can Safety Nets Contribute to Economic erty. Washington, DC. Banque mondiale. Growth?” World Bank Economic Review. Galasso, Emanuela et Martin Ravallion. 2004. Andrews, Collin, Prospere Backiny-Yetna, Emily “Social Protection in a Crisis: Argentina’s Plan Garin, Emily Weedon, Quentin Wodon et Jefes y Jefas.” World Bank Economic Review 18 Giuseppe Zampaglione. 2011. “Liberia’s Cash (3): 367–99. for Work Temporary Employment Project: Gertler, Paul J., Sebastian W. Martinez et Marta Responding to Crisis in Low-Income, Fragile Rubio-Codina. 2011. “Investing Cash Transfers Countries.” Protection sociale et travail, Banque to Raise Long-Term Living Standards.” Ameri- mondiale, Washington, DC. can Economic Journal: Applied Economics 4 (1): 164–92. Andrews, Colin, Mirey Ovadiya, Christophe Ribes Ros et Quentin Wodon. 2012. “Cash for Works Gilligan, Daniel O., John Hoddinott et Alemayehu in Sierra Leone: A Case Study on the Design and Seyoum Taffesse. 2009. “The Impact of Ethiopia’s Implementation of a Safety Net in Response to Productive Safety Net Programme and Its a Crisis”, Document de synthèse 1216 sur la pro- Linkages” Journal of Development Studies 45 tection sociale, Banque mondiale, Washington, (10): 1684–706. DC. Grosh, Margaret, Carlo del Ninno, Emil Tesliuc Asfaw, Solomon, Silvio Daidone, Benjamin Davis, et Azedine Ouerghi. 2008. For Protection and Josh Dewbre, Alessandro Romeo, Paul Winters, Promotion: The Design and Implementation of Katia Covarrubias et Habiba Djebbari. 2012. Effective Safety Nets. Washington, DC. Banque “Analytical Framework for Evaluating the Pro- mondiale. ductive Impact of Cash Transfer Programmes Hashemi, Syed M. et Aude Montesquiou. 2011. on Household Behaviour? Methodological « Atteindre les plus pauvres : les leçons du Guidelines for the From Protection to Produc- modèle de progression », Note focus 69, du tion Project.” Document de travail 101, Centre CGAP, Groupe consultatif pour l’aide aux international des politiques pour une croissance pauvres, Washington, DC. inclusive, Brasilia. Macours, Karen, Patrick Premand et Renos Vakis. Bandiera, Oriana, Robin Burgess, Selim Gulesci, 2012. “Transfers, Diversification, and Household Imran Rasul et Munshi Sulaiman. 2012. “Can Risk Strategies: Experimental Evidence with 164 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Implications for Climate Change Adaptation.” Rosas, Nina et Shwetlena Sabarwal, 2013. “Public Document de travail consacré à la recherche sur Works as a Productive Safety Net in a Post- les politiques 6053, Banque mondiale, Washing- Conflict Setting? Evidence from a Randomized ton, DC. Evaluation of Sierra Leone’s Cash for Work Pro- _________. 2013. “Demand Versus Returns? Pro- gram.” Banque mondiale, Washington, DC. Poor Targeting of Business Grants and Voca- Subbarao, Kalanidhi, Carlo del Ninno, Colin tional Skills Training.” Document de travail Andrews et Claudia Rodriguez-Alas. 2013. consacré à la recherche sur les politiques 6389, “Public Works as a Safety Net: Design, Evi- Banque mondiale, Washington, DC. dence, and Implementation.” Banque mondiale, McCord, Anna et Rachel Slater. 2009. “Over- Washington, DC. view of Public Works Programmes in Sub- Wodon, Quentin et Hassan Zaman. 2010. “Higher Saharan Africa.” Overseas Development Institute, Food Prices in Sub-Saharan Africa: Poverty Londres. Impact and Policy Responses.” World Bank Monchuk, Victoria. 2014. Reducing Poverty and Research Observer 25 (1): 157–76. Investing in People: The New Role of Safety Nets in Africa. Washington, DC. Banque mondiale. Chapitre 5 Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles Malgré l’importance de l’emploi dans le secteur l’agriculture et de très petites entreprises non des entreprises individuelles et le solide potentiel agricoles, que nous appelons entreprises indivi- de croissance de celui-ci, peu de gouvernements duelles (voir Encadré 5.1). Avec l’accroissement reconnaissent que « l’informel sera la norme » ou de la richesse nationale, la population active mettent en œuvre des politiques et programmes africaine a commencé à se détourner de l’agri- efficaces pour aider la jeunesse à créer des entre- culture, mais n’a pas abandonné l’économie prises productives. Les jeunes qui n’ont pas suf- familiale. L’emploi dans les entreprises indivi- fisamment d’instruction pour un emploi salarié duelles augmente particulièrement vite dans reconnaissent le potentiel des entreprises indivi- la population qui n’a pas achevé des études duelles et s’efforcent souvent d’épargner et d’ac- secondaires, autrement dit la majorité des nou- quérir des compétences et un savoir-faire com- veaux entrants dans la population active afri- mercial en vue d’entrer et de réussir de manière caine, essentiellement jeune et en plein essor. durable dans ce secteur. Au moment où l’emploi Ces jeunes n’ont généralement pas un niveau « Je ne trouvais salarié commence juste à gagner du terrain, des d’instruction suffisant pour prétendre à un pas d’emploi stratégies nationales d’appui sont nécessaires emploi salarié, mais peuvent saisir les oppor- pour faciliter l’entrée dans le secteur des entre- tunités économiques offertes par le secteur des parce que prises individuelles, créer un environnement pour entreprises individuelles, sous la forme d’acti- je n’ai pas les rendre plus productives, et engranger les avan- vités soit à plein temps soit de complément à d’instruction. tages correspondants pour l’emploi des jeunes et l’agriculture dans le cadre d’une stratégie de Je n’ai donc pas la croissance économique. diversification des moyens d’existence. eu d’autre choix Dans les processus de développement des que de devenir Dans l’Afrique actuelle, la majeure partie autres régions du monde, les entreprises indi- indépendant. » de l’emploi des ménages à faible revenu pro- viduelles se sont déployées parallèlement à Tanzanie vient d’activités familiales. Elles comprennent l’industrie manufacturière à grande échelle. 165 166 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.1 Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ? Les entreprises individuelles sont des activités non agricoles Certains appellent les entreprises individuelles des microen- sans personnalité morale, appartenant à des ménages. Du treprises, mais cette dénomination n’est pas uniformément point de vue de l’emploi, elles sont en général composées utilisée (par exemple dans Grimm, Knorringa, et Lay, 2012). d’un indépendant (le propriétaire de l’entreprise) travaillant D’autres auteurs classent dans la catégorie des microentre- seul ou avec l’aide de membres de la famille. Le calcul de prises aussi bien l’emploi indépendant que des entreprises l’emploi dans le secteur des entreprises individuelles ne prend de plus grande taille (entre autres, des partenariats et des pas en compte l’éventuel personnel étranger à la famille, sociétés employant régulièrement des travailleurs). Dans le qui est classé dans la catégorie des travailleurs salariés. La présent rapport, seules les entreprises individuelles occupant majeure partie de l’emploi dans le secteur est constituée des travailleurs avec un contrat (moins de 4 % de l’ensemble des propriétaires eux-mêmes. Les travailleurs familiaux ne des entreprises) sont classées comme microentreprises. représentent que 11 % des emplois du secteur (hors travail- Certains désignent les entreprises individuelles sous le leurs salariés). Du point de vue de l’entreprise, les entreprises vocable d’entreprises informelles. L’Organisation interna- individuelles africaines actuelles suivent le même modèle. La tionale du travail (OIT) considère toute personne travaillant plupart correspondent strictement à l’activité d’un travailleur dans une activité sans personnalité morale occupant moins indépendant, et 10 % seulement emploient au moins un de cinq employés, comme appartenant au secteur de l’em- étranger à la famille (voir Figures B5.1.1 et B5.1.2). La crois- ploi informel (OIT, 1993 ; voir l’analyse de Fox et Pimhidzai, sance de l’emploi dans ce secteur implique donc essentielle- 2013). La dénomination « secteur informel » ignore tou- ment la création de nouvelles entreprises. tefois la nature familiale de ces entreprises, et la définition Les personnes occupées dans les entreprises individuelles de l’OIT ne fait pas de distinction entre le ménage (qui tire soit travaillent à leur propre compte (une autre façon de les profits de l’entreprise et en assume les pertes) et les tra- désigner les indépendants) soit sont des membres de la vailleurs salariés étrangers à la famille (qui sont payés pour famille apportant une contribution ou travaillant sans être accomplir une tâche mais ne sont supposés partager ni les payés (ils ne sont pas rémunérés en espèces sur une base profits ni les pertes). horaire ou au résultat, mais peuvent partager les bénéfices). Figure B5.1.1  La plupart des personnes travaillant dans les Figure B.5.1.2  La plupart des entreprises individuelles sont entreprises individuelles en sont propriétaires des activités familiales 100 90 80 Travailleurs 70 familiaux Pourcentage 11 % 60 50 40 30 20 Propriétaires 89 % 10 0 Indépendants Indépendants Avec 1 à 4 5 employés aidés par des employés ou plus travailleurs familiaux Source : Fox et Sohnesen 2012. Source : Fox et Sohnesen 2012. La croissance des entreprises individuelles en où l’emploi salarié non agricole a connu une Afrique n’a donc rien de surprenant (Figure croissance rapide, tels que le Bangladesh et le 5.1). Elles constituent encore une importante Cambodge. En Asie et en Amérique latine, les source d’emplois dans les pays à faible revenu entreprises individuelles ont largement per- Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 167 Figure 5.1  Les entreprises individuelles représentent une part importante de l’emploi non agricole dans les pays à revenu faible et intermédiaire 100 90 Part des entreprises individuelles dans 80 l’emploi non agricole (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 Afrique RDP du Bangladesh Cambodge Afrique Bolivie Vietnam Nicaragua Philippines Mongolie subsaharienne Laos subsaharienne Pays à faible revenu Pays à revenu intermédiaire de la tranche inférieure Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois harmonisées en Afrique subsaharienne (plus récentes données disponibles) et sur les enquêtes de ménages et d’emplois de pays d’autres régions (voir annexe). Figure 5.2  En Afrique, avec la désaffection de la main-d’œuvre pour l’agriculture, plus de personnes sont entrées dans les entreprises individuelles que dans l’emploi salarié privé 25 20 Changement en point de pourcentage dans 15 la contribution à l’emploi 10 5 0 –5 –10 –15 –20 –25 Nigeria Rwanda Ghana Ouganda Tanzanie Sénégal Côte d’Ivoire Agriculture Emploi salarié Entreprises individuelles Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois harmonisées (voir annexe). mis au surplus de main-d’œuvre de sortir de rité des nouveaux emplois non agricoles dans l’agriculture à la suite de l’amélioration de la la plupart des pays africains à revenus faible et productivité agricole. Dans les pays africains intermédiaire de la tranche inférieure, même à revenus faible et intermédiaire, où le secteur durant les périodes de forte croissance écono- salarié moderne n’a pas connu une croissance mique (Figure 5.2). Cette tendance devrait se assez rapide pour absorber tous ceux qui vou- maintenir. draient quitter l’agriculture, le secteur des Les entreprises individuelles représentent entreprises individuelles est plus vaste que dans pour les ménages un moyen important de sortir les pays de comparaison. Il a généré la majo- de la pauvreté. Dans plusieurs pays d’Asie, une 168 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne forte corrélation a été observée entre un revenu (ONG) et d’autres parties prenantes pourraient des entreprises individuelles rurales plus élevé lever les contraintes pesant sur la productivité et un niveau de pauvreté plus bas (Haggblade, et ouvrir à tous des opportunités d’emplois Hazell et Reardon, 2010 ; Lanjouw, Quizon et stables dans ce secteur. Sparrow, 2001). Le transfert de l’activité éco- Ce chapitre expose les opportunités et nomique primaire — notamment du travail défis auxquels sont confrontés les proprié- journalier — de l’agriculture vers l’entreprise taires d’entreprise individuelle dans l’Afrique non agricole a contribué de manière substan- d’aujourd’hui. Il examine pourquoi les jeunes tielle à réduire la pauvreté au Bangladesh et en ont souvent à se battre pour entrer dans le sec- Ouganda au cours de la dernière décennie (voir teur et décrit les politiques et programmes qui Inchauste et Olivieri, 2012 pour le Bangladesh ; pourraient modifier cette réalité et rendre le « Celui qui ne Fox et Pimhidzai, 2012 pour l’Ouganda). secteur plus productif. possède pas En Afrique, la plupart des stratégies des pou- une entreprise voirs publics négligent le secteur des entreprises non agricole individuelles, en partie parce que les décideurs Le secteur des entreprises reste inoccupé en savent probablement peu sur le secteur ou individuelles d’aujourd’hui pendant la sur son rôle dans la création d’emplois pour les majeure partie jeunes et l’appui à la croissance économique. Les entreprises individuelles ont pris une part de la saison Les politiques urbaines découragent souvent importante dans le récent déplacement de sèche, lorsque les activement les entreprises individuelles, en valeur ajoutée et d’emplois de l’agriculture tâches agricoles plaçant quantité d’obstacles devant les jeunes vers les services, étant donné que la majorité sont peu désireux de saisir les opportunités offertes par des entreprises individuelles sont commer- nombreuses. J’ai le secteur. Les jeunes ne disposent souvent ciales (Figure 5.3). En même temps, elles ont pas de la petite épargne nécessaire au lance- contribué à l’emploi dans le secteur industriel, donc lancé mon ment d’une activité professionnelle, et tant où elles sont actives dans la filière manufactu- entreprise de les banques que les organismes de microfi- rière (principalement dans la transformation vente de boissons nancement leur accordent rarement des prêts. des produits agricoles ou des ressources natu- gazeuses et Une petite entreprise de transformation ou de relles en produits tels que le charbon de bois, la alcooliques. » services peut nécessiter plus de capital qu’une farine, les toitures en chaume ou les briques) Tanzanie activité professionnelle, ainsi que des compé- et l’artisanat (fabrication de meubles sur tences techniques que les jeunes ayant précoce- mesure et ferronnerie, couture et confection, ment abandonné l’école peuvent ne pas avoir. ou construction). Dans le secteur des services, Lorsqu’ils ne les ont pas acquises à l’école ou les entreprises individuelles sont présentes dans par l’expérience, les jeunes peuvent également les services alimentaires (préparation et vente avoir besoin de développer des compétences en d’en-cas ou de plats), le transport, et les ser- affaires et comportementales. En résumé, il est vices aux personnes (coiffure pour les hommes difficile pour les jeunes de se frayer un chemin et les femmes). En partie grâce aux opportu- vers le secteur des entreprises individuelles. nités locales de transformation des produits Faciliter l’entrée dans le secteur des entre- agricoles, le secteur manufacturier est une prises individuelles et créer un environnement activité courante des entreprises individuelles permettant de le rendre plus productif consti- rurales. Même si les vendeurs de rue et les mar- tuent des défis majeurs pour les politiques. Des chés locaux sont les signes les plus visibles de recherches menées à travers l’Afrique et d’autres l’activité des entreprises individuelles, nombre régions montrent qu’ils peuvent être surmon- d’entre elles fonctionnent depuis le domicile tés, à condition de reconnaître le potentiel du de leur propriétaire. secteur. En transformant l’approche fragmen- Les entreprises individuelles survivent et tée du secteur des entreprises individuelles en se multiplient parce qu’elles proposent des une approche cohérente et coordonnée — avec marchandises et des services à bas prix, pour un fort accent sur des emplois stables pour la lesquels il existe une demande dans les écono- jeunesse — les pouvoirs publics, les bailleurs de mies en croissance mais moins développées, fonds, les organisations non gouvernementales ne disposant pas d’un secteur moderne des Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 169 Figure 5.3  La plupart des entreprises individuelles sont des commerces a. Femmes b. Hommes Mines/ressources naturelles/construction/énergie Mines/ressources naturelles/construction/énergie 4% 5% Autres services Autres services 15 % 24 % Secteur Secteur manufacturier manufacturier 26 % 27 % Vente en gros/au détail Vente en gros/au détail 46 % 54 % Source : Fox et Sohnesen 2012. services. Sur les marchés urbains, les échoppes ceptibles de mener leur activité à domicile ; et, des marchands itinérants et des entreprises dans les zones rurales dépourvues d’électricité, individuelles offrent des services proposés ils ne peuvent souvent pas fonctionner après le dans les magasins de dépannage et les centres coucher du soleil. commerciaux des pays riches. La demande de Les entreprises individuelles urbaines marchandises de moindre qualité fabriquées constituent presque toujours l’activité princi- par les entreprises individuelles s’éteint géné- pale de leurs propriétaires, et certains d’entre ralement à mesure que les revenus augmentent eux ont des affaires ou lignes d’activités mul- et que des produits de série ou de meilleure tiples. Lorsque les entreprises individuelles qualité arrivent sur le marché. C’est pourquoi sont une activité secondaire, l’activité princi- les services ont tendance à dominer le secteur pale est habituellement un travail salarié. Les et à persister plus longtemps que la fabrication. propriétaires urbains ont donc de longues Même si la part des entreprises individuelles heures de travail : 47 % d’entre eux font plus est plus importante dans l’emploi urbain, 60 % de 50 heures par semaine. Pratiquement tous des entreprises individuelles de l’Afrique sub- ceux qui ont de la main-d’œuvre rémunérée saharienne se trouvent là où vit la majorité se trouvent en zone urbaine. Les femmes sont de la population : dans les zones rurales. Les entreprises individuelles sont différentes dans Tableau 5.1  Entreprises individuelles rurales versus urbaines les zones rurales et urbaines (Tableau 5.1).1 Indicateur Urbaines Rurales Il est assez courant que des ménages ruraux Part des ménages possédant une entreprise individuelle 53 36 exploitent à la fois une entreprise individuelle et une ferme, pour des raisons soit de subsis- Part des entreprises individuelles constituant l’activité principale de leurs 82 42 propriétaires tance et de sécurité alimentaire soit commer- Part des propriétaires d’entreprise individuelle travaillant plus de 30 heures 79 45 ciales. La majorité de ces ménages considèrent par semaine leur entreprise individuelle comme une activité Part des propriétaires exploitant leur entreprise individuelle pendant au 69 61 secondaire. La plupart des entreprises indivi- moins 10 mois par an duelles rurales fonctionnent pendant au moins Part des propriétaires exploitant leur entreprise individuelle à domicile 30 43 10 mois par an, mais moins de 30 heures par Part des propriétaires d’entreprise individuelle de sexe féminin 55 47 semaine. Les propriétaires de ces entreprises ne Part des propriétaires d’entreprise individuelle utilisant une main-d’œuvre 8 11 peuvent souvent faire des affaires que le week­ salariée end, lorsque les marchés sont ouverts et que Source : Fox et Sohnesen, 2012, basé sur des données du Cameroun (2001), de la République du l’affluence est plus abondante. Ils sont plus sus- Congo (2009), du Ghana (2005), du Mozambique (2008), du Rwanda (2005) et de la Tanzanie (2005). 170 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne aussi actives que les hommes dans le secteur importants et génèrent des revenus nettement des entreprises individuelles urbaines, mais plus élevés. Par exemple, une étude des pro- elles sont légèrement sous-représentées dans les priétaires féminines d’entreprise individuelle zones rurales. Les types d’activités des femmes d’Accra au Ghana a trouvé des femmes « géné- et des hommes sont clairement différents. Par ratrices de profits élevés », qui réussissaient à exemple, les femmes sont plus susceptibles de avoir des bénéfices et un capital beaucoup plus faire de la couture, et les hommes des travaux importants que les femmes générant peu de de construction (Fox et Sohnesen, 2012). La profits, en travaillant pratiquement dans les conséquence de cette forme de ségrégation mêmes secteurs (Fafchamps et coll., 2011). basée sur le genre est que les femmes ont moins Les profits varient également selon les sec- tendance à travailler dans les secteurs où les teurs d’activité. Une analyse des données rela- salaires sont plus élevés (Encadré 5.2). tives à sept capitales d’Afrique de l’Ouest a L’éducation de base est une clé qui ouvre à la observé des profits mensuels allant de 70 dol- jeunesse la transition vers le secteur des entre- lars EU chez les petits commerçants à 107 dol- prises individuelles. Les personnes entrant dans lars EU chez les travailleurs de la construction le monde du travail avec une scolarité primaire (Grimm, Krüger et Lay, 2011). La même ana- complète sont les plus susceptibles de devenir lyse a trouvé de très hauts rendements du capi- propriétaires d’une entreprise individuelle, tal dans de nombreuses activités indépendantes et l’enseignement primaire est la principale et familiales, en particulier lorsque les niveaux possibilité formelle de développer des compé- d’investissement étaient faibles (Fafchamps et tences, que la plupart des jeunes s’engageant coll., 2011 ont identifié des taux tout aussi éle- actuellement dans le secteur des entreprises vés à Accra). Les rendements mensuels margi- individuelles auront jamais. Alors que 35 % naux du capital étaient estimés à environ 70 % des jeunes adultes (de 25 à 34 ans) travail- parmi celles disposant d’un capital estimé à lant dans le secteur agricole n’ont jamais été à moins de 150 dollars EU. Même si la plupart « Nous avons l’école, 79 % de ceux travaillant dans les entre- des entreprises signalent des contraintes de tous achevé nos prises individuelles non agricoles ont au moins capital, les rendements ne semblent pas aug- études primaires des bribes d’instruction. La majorité des pro- menter avec le niveau du capital social. et représentons la priétaires africains d’entreprise individuelle Les gens doivent épargner pour lancer une majorité de ceux n’ont pas d’instruction (un reflet du peu d’édu- entreprise individuelle, parce qu’il leur est qui traînent dans cation des générations plus âgées), mais leur pratiquement impossible d’obtenir un crédit. les rues. Nous niveau s’est élevé avec celui de la population En Afrique, les banques et les organismes de active en général. La Figure 5.4 montre que les microfinance accordent rarement des prêts aux n’arrivons pas à plus jeunes propriétaires sont beaucoup moins candidats créateurs d’entreprises. Presque tous trouver un emploi susceptibles de n’avoir aucune instruction que les propriétaires disent avoir lancé leur entre- parce qu’il y en a la génération de leurs parents. Toutefois, seuls prise avec leur propre épargne et un prêt ou un d’autres avec un 29 % des jeunes adultes (de 25 à 34 ans) occu- don de leur famille ou d’amis (Tableau 5.2). niveau d’études pés dans le secteur des entreprises individuelles Très peu ont demandé un prêt après le démar- supérieur. » ont dépassé l’école primaire, nettement moins rage de leur entreprise. Lorsque ces entreprises Tanzanie que les 59 % dans le secteur salarié moderne. ont accès à un quelconque service financier, celui-ci est généralement informel. Le crédit- fournisseur (prêt informel à taux d’intérêt L’entreprise : ses contraintes et élevé) est courant dans les entreprises com- ses opportunités merciales. Parmi les autres sources figurent les systèmes informels locaux tels que les associa- La structure des entreprises individuelles afri- tions rotatives d’épargne et de crédit ainsi que caines est assez hétérogène. Ainsi dans le sec- les associations villageoises d’épargne et de cré- teur commercial, si certaines sont très petites dit, qui mettent l’épargne en commun au sein et fonctionnent avec un capital humain ou d’un village et prêtent de petits sommes à court physique réduit, d’autres vendent des produits terme, souvent pour moins d’un an (voir Note de plus grande valeur, possèdent des stocks thématique 3). La microfinance n’a pas encore Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 171 Encadré 5.2 Pourquoi les femmes gagnent-elles moins ? Ségrégation professionnelle dans le secteur des entreprises individuelles La ségrégation basée sur le genre est courante chez les pro- Des données suggèrent que les hommes et les femmes priétaires d’entreprise individuelle. Tant les femmes que les ont des informations ou des attentes différentes au sujet hommes sont susceptibles de s’engager dans une activité de certaines entreprises. Au Kenya, une récente expérience indépendante, mais les premières se retrouvent beaucoup de bons de formation professionnelle a montré qu’avant plus souvent dans la couture ou la restauration (des activi- l’inscription, les hommes préféraient en grande majorité tés moins rémunératrices) et les seconds dans la menuise- les cours traditionnellement à « dominance masculine », rie, le travail des métaux ou la réparation (des activités plus tels que la mécanique automobile, tandis que les femmes rémunératrices). Par exemple, les propriétaires d’entreprise choisissaient presque exclusivement ceux à « dominance individuelle interrogés dans la zone d’ateliers Kassida de féminine », tels que la coiffure (Hicks et coll., 2011). Les Kampala en Ouganda ont indiqué que dans le travail des administrateurs du programme ont fourni, de manière métaux, les hommes dominent à peu près complètement les aléatoire, à la moitié des participants des informations sur activités de fabrication les plus rémunératrices, alors que plus les rendements réels de la formation, soulignant ceux plus de femmes se retrouvent dans le traitement de la ferraille, élevés des métiers à dominance masculine et utilisant des où les revenus sont plus faibles. L’un des secteurs les moins méthodes de « douce persuasion », telles qu’une vidéo rémunérateurs — la vente de boissons — est presque com- montrant des femmes mécaniciens automobiles, pour plètement dominé par les femmes. encourager les femmes à s’engager dans des métiers tra- Les raisons de cette ségrégation sont complexes. Elles en­­ ditionnellement réservés aux hommes. Parmi les femmes globent les normes sociales, le manque de modèles de femmes exposées à ces informations, la part des participantes travaillant dans des métiers traditionnellement réservés aux susceptibles d’exprimer une préférence pour un cours à hommes, et les contraintes de temps et d’argent, qui peuvent dominance masculine a augmenté de presque 9 points de être plus pesantes pour les femmes que pour les hommes. Par pourcentage, et celle des femmes susceptibles de s’y ins- exemple, des études en Asie du Sud et au Kenya ont observé crire a grimpé de 5 points de pourcentage. Les femmes que lorsque les femmes choisissaient de travailler en dehors plus jeunes et plus instruites étaient notamment plus de leur domicile, le temps non négligeable perdu en déplace- enclines à préférer les domaines dominés par les hommes. ment à cause de la lenteur des moyens de transport les limitait Cette expérience suggère que les efforts pour fournir de aux possibilités d’emploi proches de chez elles (Uteng, 2011; l’information et des encouragements sont potentielle- Gulyani, Talukdar et Jack, 2010). Quelle qu’en soit la raison, ment capables de réduire la ségrégation professionnelle et les femmes gagnent généralement moins que les hommes d’accroitre les revenus des femmes. dans les entreprises individuelles (Fox et Sohnesen, 2012). Figure B5.2.1  Les revenus sont plus élevés dans les activités à dominance masculine que dans celles à dominance féminine 400 $371 Revenus mensuels moyens (dollars EU) 350 $296 300 250 200 $148 150 $128 100 $86 50 0 Salons Traitement de la ferraille Restauration Fabrication métallique Électricité 90 % 24 % 98 % 4% 8% Part des femmes Source : Campos et coll., 2013. 172 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 5.4  Les propriétaires d’entreprise individuelle L’achèvement des études primaires est un plus jeunes ont tendance à être plus instruits que leurs déterminant clé du profil des profits des pro- aînés priétaires d’entreprise individuelle. Par rap- 35 port à l’absence d’instruction, quelques années d’écoles n’ajoutent rien aux revenus dans le Pourcentage de la cohorte d’âge 30 secteur des entreprises individuelles. Cet effet 25 nul reflète le fait que dans de nombreux pays 20 africains, quelques années d’enseignement pri- maire ne suffisent pas pour acquérir les com- 15 pétences de base telles que la lecture, l’écriture 10 et le calcul. Parce que 45 % des jeunes adultes du secteur des entreprises individuelles n’ont 5 pas terminé l’école primaire, leur manque de 0 compétences de base contribue à la faiblesse Sans Études Études Études de leurs revenus. Par contre, les jeunes qui ont instruction primaires primaires secondaires + incomplètes complètes achevé leurs études primaires et atteint des 15 à 24 ans 25 ans + niveaux fonctionnels en lecture, écriture et Source : Fox et Sohnesen, 2012. calcul peuvent avoir des revenus supérieurs de 40 %, en prenant en compte le secteur, l’empla- cement et d’autres caractéristiques (voir l’ana- atteint ce secteur, même pour les fonds de rou- lyse au Chapitre 3 ; Fox et Sohnesen, 2012). lement. Malgré les rendements élevés du capi- Même si certains de ces accroissements des tal, les propriétaires actuels, ceux qui n’ont pas revenus reflètent probablement aussi d’autres lancé une activité, et ceux qui ont clôturé leur caractéristiques des propriétaires ayant achevé activité signalent tous l’accès limité au capital leurs études primaires, ils suggèrent néan- comme le principal obstacle aux affaires. moins que les compétences de base acquises dans l’enseignement fondamental — telles que Tableau 5.2  Sources de capital pour les entreprises individuelles : Démarrage et la lecture, l’écriture et le calcul — sont impor- crédit de fonctionnement tantes pour la productivité des entreprises Source Hommes Femmes Tous individuelles. Les politiques et programmes de Capital de démarrage a développement confondent souvent les entre- Épargne personnelle 79,9 71,6 75,1 prises individuelles et les petites et moyennes Officielle ou formelle 1,3 0,8 1,0 entreprises (PME) ou les micros, petites et Famille ou amis 6,6 13,9 10,8 moyennes entreprises (MPME). Il s’agit d’une Microfinance, ONG, coopératives 1,3 1,3 1,3 erreur (l’Encadré 5.3 explique pourquoi). Mal- Informel 3,0 3,2 3,1 gré la très grande hétérogénéité des entreprises Autres 7,9 9,2 8,7 individuelles, une différence fondamentale Total 100,0 100,0 100,0 entre elles et les PME est que même si elles subsistent souvent pendant longtemps (plus de Crédit de fonctionnement b cinq ans), les entreprises individuelles ne sont Officiel ou formel 17,0 15,8 16,3 pas orientées vers la croissance de l’emploi (Fox Famille ou amis 39,9 43,0 41,7 et Sohnesen, 2012). Même lorsque leur pro- Microfinance, ONG, coopérative 28,7 21,4 24,7 ductivité s’améliore, elles croissent rarement Informel 10,3 13,1 11,9 au-delà du statut d’entreprise individuelle. Des Autres 4,0 6,6 5,5 données issues d’Afrique de l’Ouest montrent Total 100,0 100,0 100,0 que leur capital augmente rapidement pour Source : Fox et Sohnesen, 2012, enquêtes de ménages harmonisées de la Banque mondiale. atteindre un niveau stable, qui peut encore être Note : « Officiel ou formel » comprend les banques commerciales et les programmes publics. « Autres » regroupe les prêts des employeurs et autres prêts non spécifiés. « Informel » recouvre le même après 10 années de fonctionnement les crédits obtenus de clients ou de fournisseurs, les prêteurs informels, les associations rotatives (Grimm, Knorringa, et Lay, 2012). La plu- d’épargne et de crédit, les associations villageoises d’épargne et de crédit, ainsi que les coopératives d’épargne et de crédit. part des entreprises individuelles ne recrutent a. Comprend le Cameroun (2001), la République du Congo (2009), le Ghana (2005), le Rwanda (2005) et l’Ouganda (2005). jamais un autre travailleur (Fox et Sohnesen, b. Comprend le Ghana (2005), le Rwanda (2005), la Tanzanie (2005) et l’Ouganda (2005). 2012). Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 173 Encadré 5.3 Les petites et moyennes entreprises sont différentes des entreprises individuelles Les politiques et programmes encourageant la création Les relations entre l’entreprise et l’État en ce qui concerne d’entreprises placent souvent les entreprises individuelles l’immatriculation et le paiement des impôts dépendent en et les PME dans la même catégorie, généralement appelée partie des règles et pratiques de chaque pays. micros, petites et moyennes entreprises. Les entreprises individuelles et les PME présentent toutefois d’importantes Différences dans les conditions d’immatriculation et différences. d’imposition : Différences liées à leur emplacement : • Dans de nombreux pays, il est parfaitement légal d’exploi- ter une entreprise individuelle sans immatriculation ni • Les entreprises individuelles ne sont généralement pas licence d’exploitation. Les pouvoirs publics locaux peuvent installées dans un bâtiment (établissement) d’un quartier néanmoins exiger des entreprises individuelles qu’elles d’affaires ou d’une zone commerciale. Elles peuvent occu- obtiennent un permis ou une licence professionnelle, ou per régulièrement une échoppe dans un marché, être ins- soient enregistrées comme occupant d’une échoppe dans tallées à un endroit habituel, ou avoir lieu dans la maison un marché public. de leur propriétaire. Beaucoup n’ont pas d’emplacement • La plupart des pays exigent que les PME aient une licence fixe. d’exploitation et que le recrutement de leur personnel res- • Les PME opèrent, par contre, à partir d’un emplacement pecte le droit national du travail. En même temps, les PME fixe. Elles peuvent appartenir à une seule personne ou sont connues pour employer des travailleurs de manière avoir plusieurs propriétaires, mais elles ne fonctionnent informelle — c’est-à-dire sans acquitter les charges généralement pas à partir du domicile familial, et leurs sociales ni les inscrire au système d’assurance sociale obli- comptes ne sont pas confondus avec ceux du ménage. gatoire. Cette pratique reflète en partie la faible produc- Différences liées au nombre d’employés : tivité de la main-d’œuvre dans le secteur des PME, qui explique le faible niveau des salaires réels. • La plupart des entreprises individuelles n’engagent pas de main-d’œuvre. Différences dans l’accès aux services financiers : • Par définition, les PME occupent du personnel. La défini- tion de la taille des entreprises varie en fonction des effec- • Les entreprises individuelles confondent souvent les tifs, et en Afrique subsaharienne, une entreprise occupant finances du ménage et de l’entreprise. L’entreprise indi- 5 à 20 travailleurs est considérée comme petite, et une viduelle fait partie du portefeuille de génération des reve- entreprise de 21 à 50 employés comme moyenne. Toute- nus du ménage, au sein duquel les fonds vont et viennent fois, certaines études menées à l’échelle mondiale consi- entre l’entreprise individuelle et d’autres activités (telles dèrent comme petites les entreprises de moins de 250 que l’achat d’intrants agricoles). employés (voir par exemple, Ayyagari, Demirgüç-Kunt et • Les PME peuvent avoir une relation avec une banque ou Maksimovic, 2011). Les différences dans les critères de une institution de microfinance (en tant qu’épargnant classification conduisent souvent à des confusions dans les ou emprunteur), mais leur capital dépend de leur propre discussions sur les politiques. épargne et de celle de leur famille. Cet état de fait n’est pas simplement dû aux tences managériales sont souvent considérées restrictions d’accès au capital, il a de multiples comme un indicateur clé du potentiel entre- raisons. Tout d’abord, conformément à leur preneurial (De Mel, McKenzie et Woodruff, approche orientée vers la croissance, les PME 2012b ; Gelb et coll., 2009). ne démarrent généralement pas en tant qu’en- Deuxièmement, pratiquement toutes les treprise individuelle, mais plutôt en tant que entreprises individuelles ont comme clients des PME dotée dès le début de plus d’actifs et de ménages et non d’autres entreprises. Elles sont personnel. Déjà au départ, elles constituent un rarement connectées à des chaines de valeur type d’entreprise différent. Leurs propriétaires plus vastes. Une exception est le cas des grands ont prouvé qu’ils possèdent une compétence grossistes utilisant des réseaux informels de importante : la capacité de recruter et de gérer vente au détail, comprenant des entreprises un personnel étranger à la famille. Les compé- individuelles, pour la distribution à la clientèle 174 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne (par exemple, la vente de boissons en bouteilles l’exploitation agricole ou leur ménage, par ou de cartes de téléphones mobiles). En fonc- exemple), et n’ont donc pas de temps supplé- tion de l’emplacement et du secteur, le marché mentaire à consacrer à leur entreprise. Dans des produits des entreprises individuelles peut leur environnement incertain, abandonner être limité, avec une faible croissance. l’agriculture de subsistance pour consacrer plus Troisièmement, les entreprises individuelles de temps à l’entreprise peut s’avérer dangereux opèrent généralement dans des secteurs rela- pour le ménage. tivement faciles à pénétrer, ce qui les expose à Du point de vue de la création d’emplois, beaucoup de concurrence. Leur développement l’implication de ces différences est que l’emploi exigerait du capital et représenterait une grande s’accroît dans le secteur des entreprises indi- prise de risque. Les propriétaires d’entreprise viduelles non parce que celles-ci recrutent de individuelle disent travailler dur pour conser- jeunes demandeurs d’emploi, mais parce que ver leur clientèle et résister à la concurrence. des individus ou des ménages saisissent une Dans une étude réalisée en Afrique de l’Ouest, opportunité d’affaires et créent de nouvelles 60 % des entreprises individuelles ont signalé la entreprises. concurrence et le manque de clients comme des Même si les entreprises individuelles ne se menaces majeures pour leur existence (Grimm, transforment pas en PME, elles constituent Knorringa et Lay, 2012). souvent une bonne opportunité d’affaires en Quatrièmement, même si le marché de leurs Afrique. On les retrouve généralement dans produits présente un potentiel de croissance, les régions riches, et les ménages qui les pos- pour les propriétaires indépendants, l’expan- sèdent sont moins exposés à la pauvreté (ils sion de leur entreprise individuelle implique font généralement partie des quintiles intermé- le recrutement de personnel et des coûts de diaires) (Fox et Sohnesen, 2012). Des preuves gestion qu’ils ne souhaitent généralement pas plus solides, tirées de récentes données de panel assumer. Les entreprises individuelles peuvent récoltées dans quelques pays d’Afrique orien- prendre des apprentis, mais pas employer des tale et australe, indiquent que la création d’une salariés à temps plein. entreprise individuelle entraîne une croissance Cinquièmement, les entreprises indivi- plus rapide du revenu et de la consommation duelles opèrent dans un environnement à du ménage, quel que soit son niveau de richesse, risques, avec peu de possibilités de s’en proté- suggérant ainsi que les entreprises individuelles ger. Leurs activités relevant essentiellement du contribuent à réduire la pauvreté. commerce de détail, la survie des entreprises Pour de nombreux ménages ruraux, le individuelles dépend de la croissance des reve- revenu horaire produit par une entreprise nus, tant dans l’agriculture que dans le secteur individuelle est supérieur à celui tiré du secteur salarié. Cette dépendance implique que leurs agricole. Une des raisons de cet écart est qu’en revenus sont procycliques : un choc négatif Afrique subsaharienne, l’agriculture est encore sur le secteur agricole local peut également les très fortement dépendante des précipitations affecter. Toute expansion de leurs activités ne et provoque ainsi un sous-emploi saisonnier peut qu’accroître les risques. important. Une autre raison est que les agri- Sixièmement, en plus des risques com- culteurs utilisent encore des techniques de pro- merciaux, les entreprises individuelles sont duction très rudimentaires, qui les empêchent confrontées aux risques liés aux ménages. d’aller de l’avant. Dans les enquêtes, le risque commercial est Dans les zones urbaines, les propriétaires généralement cité comme le plus important, d’entreprise individuelle gagnent plus qu’ils ne même si les femmes ont tendance à signaler peuvent l’espérer dans un emploi salarié, soit des événements familiaux, tels qu’une maladie parce que leur faible niveau d’instruction et de dans la famille, comme une cause de sortie du compétences restreint leur accès à un emploi secteur des entreprises individuelles. De plus, salarié, soit parce que les salaires sont encore les entreprises individuelles séparent rarement bas en Afrique. Les propriétaires dont les reve- les comptes de l’entreprise de ceux du ménage. nus dépassent ceux d’un emploi salarié appar- Enfin, les propriétaires d’entreprise indi- tiennent en général aux quelque 10 % dispo- viduelle ont d’autres responsabilités (dans sant des compétences managériales nécessaires Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 175 pour recruter des employés (Fox et Sohnesen, Figure 5.5  Les propriétaires d’entreprise individuelle ont tendance à avoir plus 2012). Parmi les autres avantages cités par les de 25 ans propriétaires d’entreprise individuelle figurent 35 le fait d’être leur propre patron et la flexibilité 30 des horaires (Falco et coll., 2012). 25 Pourcentage 20 Obstacles à l’entrée des jeunes 15 dans le secteur des entreprises 10 individuelles 5 Les propriétaires d’entreprise individuelle ont 0 tendance à avoir entre 25 et 40 ans (Figure 5.5). 15–19 20–24 25–29 30–34 35–39 40–44 45–49 50–54 55–59 60–65 66+ Malgré leur niveau d’éducation plus élevé Âge (années) que celui de leurs aînés, les jeunes ont du mal Distribution des propriétaires Part de la tranche d’âge des à pénétrer le secteur des entreprises indivi- d’entreprise individuelle propriétaires d’entreprise individuelle duelles. De multiples obstacles se dressent Source : Fox et Sohnesen, 2012. devant eux, notamment le manque de capital ou d’épargne, l’insuffisance d’informations sur les marchés, notamment des intrants, l’absence d’un ensemble de compétences, telles que la sont pas une condition préalable au démarrage lecture, l’écriture, le calcul et les compétences d’une entreprise individuelle. Certaines profes- entrepreneuriales, comportementales et tech- sions (par exemple la construction, certaines niques. Le manque de capital apparaît souvent activités manufacturières, la réparation et les comme l’obstacle le plus important. À la sortie services aux personnes tels que la coiffure) de l’école, des jeunes peuvent espérer créer une requièrent des compétences techniques spé- entreprise, mais sans économies, la chose leur cifiques, et d’autres non, notamment le com- apparaît rapidement très difficile. merce (l’activité la plus courante). Les jeunes Beaucoup de jeunes, y compris ceux qui sont acquièrent ces compétences à travers la forma- encore étudiants, travaillent dans le secteur des tion ou l’apprentissage, plus souvent fournis entreprises individuelles, mais pas en tant que par des prestataires privés que par des institu- propriétaires. Ils contribuent par leur travail à tions publiques. Les États doivent reconnaître « Malgré les une affaire familiale sans percevoir de salaire que, tout comme l’emploi informel, la forma- difficultés ... en régulier. Cette expérience peut constituer une tion informelle des jeunes est normale dans le une journée de voie d’accès à un emploi durable dans le sec- secteur des entreprises individuelles. La plupart travail, je gagne teur (voir Chapitre 2). Le travail au sein d’une de ces formations se composent de cours privés autant qu’un affaire familiale peut procurer une précieuse et de périodes d’apprentissage, comme analysé fonctionnaire formation à des compétences en affaires ou en détail dans le Chapitre 3 et résumé dans en un mois. » techniques, et créer les réseaux informels néces- l’Encadré 5.4. Madagascar saires à la réussite. Ces jeunes peuvent égale- Deux questions liées à l’apprentissage ont ment gagner la confiance de leur famille, qui une incidence sur la capacité des jeunes à entrer pourrait éventuellement leur fournir le capital et à se maintenir dans le secteur des entreprises nécessaire au démarrage d’une entreprise. Les individuelles. Premièrement, les compétences études réalisées dans des capitales d’Afrique de apportées par l’apprentissage professionnel l’Ouest montrent une forte corrélation entre le sont souvent très étroites, limitées à une tech- fait d’avoir un parent indépendant et celui de nologie de production spécifique et difficiles à travailler soi-même comme indépendant (Pas- transposer dans une autre profession. Deuxiè- quier-Doumer, 2013). mement, le temps passé en apprentissage peut Une autre voie habituelle d’entrée des jeunes empêcher les jeunes de faire les économies dont dans le secteur est l’acquisition de compétences ils auront besoin pour appliquer leurs nouvelles et d’expérience. Les compétences techniques ne compétences dans leur propre entreprise. 176 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.4 La formation informelle est la norme pour les jeunes espérant exploiter une entreprise individuelle Les jeunes travaillant dans les entreprises individuelles sont les prestataires privés de formation informelle accueillent nettement plus susceptibles d’avoir suivi une formation plus de stagiaires que les établissements publics de forma- informelle aux compétences ou un apprentissage qu’une tion professionnelle formelle. formation professionnelle formelle. Parmi les 25 à 34 ans L’apprentissage, où un propriétaire d’entreprise expéri- employés dans les entreprises individuelles, 32 % ont été à menté (maître) transmet des compétences sur le lieu de tra- un moment ou à un autre en apprentissage, tandis que seule- vail, est de loin l’institution de formation la plus courante ment 6 % ont suivi une formation professionnelle formelle. et la plus importante. Les apprentis ont généralement au La formation informelle privée constitue la principale mieux un diplôme du premier cycle secondaire. La portée source de compétences techniques pour les entreprises indi- et le contenu de l’apprentissage sont fortement centrés sur viduelles. L’éventail des fournisseurs comprend des instituts un ensemble restreint de compétences techniques de base, à but lucratif et des entreprises, des ONG, des organisations telles que la couture, la menuiserie, la réparation des véhi- religieuses et communautaires, et des individus. La grande cules, ou la coiffure, qui sont appliquées principalement dans majorité de ces fournisseurs conçoivent leurs propres pro- le secteur des entreprises individuelles. En plus d’être propres grammes d’enseignement, s’autofinancent et fonctionnent à un secteur d’activité, ces compétences peuvent être spéci- à très petite échelle avec peu de surveillance ou de soutien fiques à la technologie utilisée par le maître (Frazer, 2006). de l’État. La formation est généralement courte et intensive Le système d’apprentissage hautement développé du Ghana et peut être sanctionnée par un certificat. Dans certains pays, est un bon exemple (Monk, Sandefur et Teal, 2008). En plus du capital et des compétences, une pourraient s’avérer efficaces à grande échelle, troisième barrière à l’entrée est le manque c’est-à-dire, au-delà du stade pilote à petite général d’information des jeunes sur les oppor- échelle. Toutefois, ce qui est clair c’est que, tunités du secteur des entreprises individuelles, même si les contraintes subies par les jeunes en particulier par rapport aux emplois salariés. dans le secteur sont spécifiques, en s’atta- Les jeunes participant à une enquête à petite quant aux multiples obstacles auxquels sont échelle réalisée en 2005 en Tanzanie urbaine confrontés tous les propriétaires d’entreprise ont dit être restés en moyenne cinq ans sans individuelle pour y entrer et y gagner leur vie, travail ou à exercer de petits boulots, tout en il est possible de générer de l’emploi productif cherchant un emploi salarié dans une entre- pour beaucoup de monde. La section suivante prise. Trois quarts des répondants avaient fini porte sur la façon dont les États et les décideurs comme indépendants (Bridges et coll., 2013). politiques peuvent soutenir l’emploi productif Ce temps de recherche pourrait-il être réduit pour le grand nombre de personnes qui vont par une meilleure information sur les possibi- passer leur vie professionnelle en dehors de lités d’emploi indépendant ou les programmes l’économie salariée, dans le secteur des entre- visant à aider les jeunes à entrer dans le secteur prises individuelles. des entreprises individuelles ? En bref, la réponse est que la majeure partie des projets publics et non gouvernementaux Création et maintien d’emplois mis en œuvre en Afrique pour aider les jeunes productifs dans les entreprises à entrer et à se maintenir dans le secteur des individuelles entreprises individuelles ont fourni peu de preuves sur les meilleurs moyens de faciliter Le secteur des entreprises individuelles s’est l’entrée et d’augmenter les revenus des entre- développé avec peu de soutien public. Les prises individuelles (l’Encadré 5.5 présente des politiques publiques l’ont négligé, à la fois en exemples tirés du Rwanda). En particulier, il n’aidant pas les jeunes à y entrer et en ne créant y a peu d’indications sur les interventions qui pas le climat des affaires nécessaire pour sou- Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 177 Encadré 5.5 Rwanda : Beaucoup de programmes d’appui aux entreprises individuelles, mais peu d’information sur les résultats En 2010, la Banque mondiale et les pouvoirs publics du reflètent en partie la fragmentation extrême de l’appui aux Rwanda ont inventorié les grands programmes publics et entreprises individuelles. Très courante dans les pays à faible non gouvernementaux visant à soutenir les entreprises indi- revenu, elle a pour conséquence que le total est inférieur à la viduelles, et ont ensuite organisé des groupes de discus- somme de ses parties. sion à travers le pays pour savoir comment les propriétaires Plusieurs organisations contactées lors de l’inventaire se d’entreprise individuelle percevaient ces programmes. La plu- sont plaintes que leurs produits n’avaient pas été repris. Les part des 7 programmes gouvernementaux identifiés ciblaient programmes destinés aux femmes ont noté que les attitudes les PME et non les entreprises individuelles, contrairement sociales contrôlant les activités des femmes ont entravé la à la majorité des 19 programmes des ONG, qui ciblait les participation. Certaines ONG ne fournissaient pas nécessai- entreprises individuelles et mettait l’accent sur la formation. rement un produit convenant à la majorité des clients ou Certains programmes des ONG combinaient une formation n’étaient pas soutenues par les politiques publiques. La for- et de petites subventions au démarrage d’une entreprise. mation peut s’avérer inefficace lorsqu’elle ne peut pas être Les programmes des ONG avaient tendance à soutenir des utilisée de façon productive. groupes spécifiques, tels que les femmes, les jeunes, les per- L’évaluation systématique d’un nombre important de ces sonnes vivant avec le VIH/SIDA ou autres, si bien que de nom- projets étant rare, il est difficile d’en mesurer l’efficacité. Cer- breuses personnes en étaient exclues. Peu de participants tains programmes sont même incapables de fournir des éva- avaient bénéficié d’un quelconque appui, mais ceux qui en luations des bénéficiaires ou des données élémentaires de avaient reçu l’avaient généralement apprécié. La plupart des suivi. Quelques-uns disposent néanmoins de quelques ren- programmes concernaient l’appui au démarrage d’une entre- seignements sur les résultats. Les programmes d’alphabéti- prise ; et les participants ont estimé qu’une assistance était sation ont des chiffres sur le nombre de femmes ayant réussi également nécessaire après le lancement de l’entreprise. le test. Un meilleur suivi et évaluation devrait aider l’État à Étant donné la multitude des entreprises individuelles identifier les programmes susceptibles d’être efficacement actives au Rwanda, la demande d’assistance est élevée, mais déployés à plus grande échelle, et à aider les ONG ou orga- le soutien est relativement modeste, car le financement est nismes impliqués à obtenir du financement pour le faire. limité, comme le signalent de nombreuses organisations non gouvernementales et de la société civile. Ces limitations Source : Banque mondiale et IPAR, 2012. tenir les revenus et la productivité. Les straté- leurs stratégies, bien qu’il soit prouvé qu’elles gies étatiques ont tendance à identifier les PME contribuent à la croissance, réduisent la pau- comme une source d’emplois, mais pas les vreté, et fournissent de meilleures opportunités entreprises individuelles. que d’autres occupations, telles que l’agricul- Le principal obstacle au soutien du secteur ture. Admettre que « l’informel est normal » est des entreprises individuelles est souvent un pré- le premier pas à franchir lors de l’élaboration jugé implicite à l’égard de ces entreprises ; elles de politiques et programmes efficaces visant à ne présentent pas nécessairement d’attrait pour aider les jeunes à créer des entreprises durables. les autorités publiques, qui les chassent même L’analyse du secteur et de ses multiples parfois des zones commerciales des capitales. La contraintes fait apparaître cinq domaines clés perception des entreprises individuelles comme où les politiques publiques peuvent efficace- indignes d’un appui public rend politiquement ment soutenir la création et la croissance des difficiles les efforts systématiques pour les sou- entreprises individuelles2 : tenir. Dans certains cercles de développement, les entreprises individuelles ont été critiquées • Les stratégies nationales qui reconnaissent les parce qu’elles n’offrent pas les revenus et les entreprises individuelles encouragent le sec- avantages de l’emploi salarié, de sorte que les teur et lui permettent de s’exprimer lors de autorités nationales hésitent à les inclure dans leur élaboration au niveau national et local ; 178 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne • Les politiques urbaines qui fournissent aux Stratégies nationales entreprises individuelles des lieux adéquats La politique de l’emploi, y compris pour les où travailler et commercialiser leurs pro- jeunes, est intégrée dans les stratégies natio- duits, ainsi que des services d’appui essen- nales de croissance. En Afrique, la plupart des tiels, tels que l’électricité, l’eau, l’assainisse- stratégies nationales reconnaissent explicite- ment et la sécurité ; ment que l’entreprise privée est le principal agent de la croissance économique et de la • Les politiques et programmes visant le sec- création d’emplois, mais elles se concentrent teur financier qui encouragent les presta- taires privés et les ONG à améliorer l’accès sur les exploitations agricoles, les PME et les des ménages aux services financiers, notam- grandes entreprises, malgré la part impor- ment l’épargne et le crédit ; tante occupée dans l’emploi par les entreprises individuelles et leur considérable potentiel de • L’appui aux programmes qui s’attaquent aux croissance. Le soutien national limité apporté multiples obstacles, soit en développant au secteur des entreprises individuelles en tant un ensemble de compétences (techniques, qu’agent de développement économique est commerciales et comportementales) soit en renvoyé aux pouvoirs publics régionaux ou combinant les compétences avec un capital ; locaux, qui excluent souvent les entreprises • L’appui aux programmes qui améliorent individuelles du développement local (Enca- l’accès aux marchés en intégrant les entre- dré 5.6). Des mécanismes ne sont pas mis en prises individuelles dans les chaînes de place pour organiser le secteur et permettre à valeur. ses composantes de se faire entendre, et les ins- Dans de nombreux cas, le soutien public titutions nationales ne disposent pas de canaux n’est nécessaire que pour faciliter l’entrée pour apporter un soutien aux entreprises indi- et encourager les initiatives privées desser- viduelles. Parce que les politiques nationales et vant déjà le secteur. Dans d’autres, le manque locales, les programmes et les projets suscep- d’information ou des défaillances du marché tibles de le soutenir ne sont pas conçus en gar- requièrent une intervention publique sous la dant le secteur à l’esprit, les pouvoirs publics forme d’une réglementation ou d’un appui ratent des occasions d’améliorer les revenus et financier ciblé. les perspectives des entreprises individuelles ainsi que d’encourager l’entrée dans le secteur de beaucoup de personnes qui pourraient en bénéficier. Les entreprises individuelles et les Encadré 5.6 emplois qu’elles offrent sont en fait invisibles aux yeux des décideurs politiques. Lorsqu’elles apparaissent sur l’écran radar Nécessité d’une approche globale des stratégies, les entreprises individuelles sont En 2007, Victor Tokman, l’un des pionniers de la recherche sur les considérées comme des entités appelées à se entreprises informelles, a publié un article fondateur, Moderniser le transformer en PME et à être « formalisées. » secteur informel (Tokman 2007). Il a observé que : En Tanzanie, une loi de 1972 interdisant les « il existe un vaste consensus autour de la nécessité d’accorder entreprises sans emplacement fixe est toujours de l’attention au secteur informel, en raison de son importance en vigueur. Cette loi rend de fait illégales plus pour l’emploi et la réduction de la pauvreté. Il y a également un de 80 % des entreprises individuelles (une nombre croissant de programmes visant à soutenir des activités situation que l’État ignore bien commodé- informelles similaires dans des contextes nationaux très divers … ment lorsqu’il s’agit de percevoir des taxes ou Toutefois, dans la mesure où il ne mène pas à une vision straté- des droits auprès des propriétaires d’entreprise gique commune, ce consensus est limité et entrave l’efficacité individuelle). L’objectif de la politique écono- des politiques mises en œuvre dans ce domaine. Même si elles mique nationale de 2008, à savoir « donner au sont souvent individuellement adéquates, faute d’une approche secteur informel les moyens de devenir formel plus globale, ces politiques sont insuffisantes et ont des effets afin de lui permettre d’accéder au financement, limités ». à la formation ou à tout autre service d’appui aux entreprises », va directement à l’encontre Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 179 du souhait spécifique des entreprises indivi- individuelles, le mouvement syndical du Ghana duelles de ne pas se transformer en employeur, leur a ouvert ses portes, en utilisant de jeunes mais de survivre et de procurer des revenus organisations telles que l’Association des com- suffisants au ménage. Il n’est pas évident de merçants du Ghana (qui, à l’époque, couvrait comprendre comment le secteur pourrait deve- principalement la ville d’Accra) pour permettre nir « formel » en se mettant à respecter la loi, à ce groupe économique important de se faire puisque celle-ci le rend virtuellement illégal. entendre. En 1996, le congrès des syndicats du Quoique favorables au secteur informel en Ghana a adopté une politique visant à encou- général, les stratégies de développement du rager l’organisation des entreprises et travail- Rwanda (Vision 2020 et la Stratégie de déve- leurs de l’économie informelle et à appuyer loppement économique et de réduction de la leur intégration dans les mécanismes organisés pauvreté) ne reconnaissent pas les entreprises de consultation entre l’État et le secteur privé. individuelles comme des acteurs économiques En plus de fournir des dispositifs de dialogue essentiels. Elles ne sont pas différenciées des au niveau stratégique, le développement des PME ou sont totalement exclues du soutien de associations d’entreprises individuelles aide à l’État (par exemple, la politique pour les PME améliorer les flux d’information et l’accès aux est limitée aux entreprises employant de la technologies et aux marchés, permettant ainsi main-d’œuvre). Le décalage entre les stratégies aux distributeurs nationaux et internationaux nationales du Rwanda et les caractéristiques d’intégrer des agents informels dans leurs du secteur crée un environnement des affaires chaînes de valeur. défavorable où les entreprises individuelles et leurs besoins spécifiques sont largement igno- Politiques urbaines et rés. Toutefois, le fait que les entreprises indivi- secteur des entreprises individuelles duelles sont légales au Rwanda autorise large- Les entreprises individuelles sont beaucoup ment l’État à élargir les politiques nationales plus courantes en milieu urbain, et les citadins pour les y intégrer spécifiquement. sont plus susceptibles d’identifier leur entre- « Les autorités Le Ghana, où les entreprises individuelles prise comme leur unique activité principale nous harcèlent et sont, depuis des années, englobées dans la stra- (même si les entreprises individuelles rurales confisquent nos tégie et les institutions nationales, constitue constituent une importante voie de sortie de biens. J’ai décidé un exemple positif de ce qui peut être réalisé l’agriculture, comme l’expliquent plus en détail d’ouvrir pendant (Encadré 5.7). Son riche passé d’économie les Chapitres 2 et 4). Le chômage et l’oisiveté la nuit. Je fais commerciale, remontant à l’époque précolo- des jeunes sont également plus fréquents dans des affaires niale, est l’une des raisons pour lesquelles le les villes. Le climat des affaires y est néanmoins pays dispose d’institutions publiques et privées lorsque l’État rarement favorable aux entreprises indivi- très développées pour soutenir les entreprises est endormi. duelles et même souvent hostile. La plainte la informelles. Par exemple, un objectif exposé plus fréquente concerne le manque d’espace C’est comme ça en détail dans le Document national de stra- où faire des affaires. D’autres plaintes portent que je parviens tégie pour la réduction de la pauvreté de 2006 sur la corruption à petite échelle des autorités à subvenir est d’« améliorer la productivité et les revenus/ chargées de l’application des règlements ou de aux besoins de salaires à travers l’égalité des chances pour les la collecte des impôts, et sur le manque de ser- ma famille. » hommes et les femmes dans tous les secteurs de vices tels que la sécurité. Tanzanie l’économie, y compris l’économie informelle » Les autorités urbaines ont cinq responsabi- (République du Ghana, 2006). Le Conseil natio- lités qui affectent l’entrée et la productivité des nal de la petite industrie (NBSSI — National entreprises individuelles : Board for Small Scale Industries) inclut explici- tement les travailleurs indépendants dans son • Contrôler l’utilisation de l’espace public mandat et a utilisé l’assistance technique et le (trottoirs, rues, parcs, etc.) ; financement de bailleurs de fonds pour tester • Élaborer et appliquer les règles d’utilisation sous forme pilote, affiner et déployer des pro- de l’espace privé (règlements de zonage) ; grammes élaborés localement pour soutenir ce • Fournir des services urbains pour soute- secteur. Au lieu de laisser de côté les entreprises nir le développement économique local, 180 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.7 Approche intégrée du développement des entreprises individuelles au Ghana La stratégie de développement du Ghana reconnaît explici­ certains cas, assister les autorités dans la gestion des mar- tement la contribution des entreprises individuelles à chés et la perception des droits et taxes correspondants. l’absorption de l’emploi, la croissance des revenus et le L’un des enseignements tirés des efforts entrepris par le développement économique local. La stratégie met de plus Ghana pour cibler plus vigoureusement le travail indépen- en plus l’accent sur le fait de permettre aux jeunes et aux dant des jeunes a été que trop d’initiatives étaient en cours, femmes d’acquérir les compétences et le capital dont ils ont avec trop peu de coordination, dans divers ministères et besoin pour réussir en tant qu’indépendants. L’approche programmes non gouvernementaux. En réponse, le minis- est soutenable parce qu’elle est décentralisée. Les pouvoirs tère de l’Emploi et de la Prévoyance sociale, avec l’appui de publics locaux soutiennent la croissance des entreprises indi- la Banque mondiale, a élaboré une stratégie nationale et viduelles parce qu’ils reconnaissent que leur survie politique un plan d’action pour les entreprises informelles. Le plan et la génération de recettes publiques dépendent d’une établissait un cadre national des politiques, identifiait les économie locale dynamique incluant les entreprises individu- domaines d’action stratégiques par ministère et organisme, elles. Au niveau national, les autorités collaborent avec les dans le cadre de leurs propres ressources et programmes, bailleurs de fonds pour fournir des programmes et politiques et prévoyait une coordination à travers le Comité natio- d’appui qui créent un cadre cohérent, diffusent les enseigne- nal pour l’économie informelle. Bien que le processus de ments tirés, et fournissent un financement ciblé. L’approche soumission du plan d’action au cabinet du ministre ait a été développée par phases depuis la fin des années 1990, été interrompu par les récentes élections, la validation en en grande partie à travers le Programme pour les entreprises consultation avec les principales parties prenantes a permis rurales du ministère du Commerce et de l’Industrie, avec un la diffusion de certains de ses messages et principes clés. Les financement du Fonds international pour le développement domaines suivants sont identifiés pour une action concertée agricole et de la Banque africaine de développement. coordonnée : et ­ Les centres locaux de conseil aux entreprises sont la pierre angulaire du système. Placés sous la supervision technique • Continuer à travailler avec les pouvoirs publics locaux à du Conseil national de la petite industrie (NBSSI — National l’amélioration des politiques et de l’environnement des Board for Small Scale Industries), ils bénéficient d’un appui affaires, en particulier le cadre juridique, réglementaire et financier des pouvoirs publics locaux (conseils municipaux fiscal ainsi que les mécanismes de dialogue ; ou de district). Le NBSSI prend financièrement en charge au • Réduire la vulnérabilité, notamment à l’aide d’infrastruc- maximum deux membres du personnel, dont les responsa- tures et de lieux sûrs pour les entreprises ; bilités comprennent le suivi et la liaison avec le NBSSI. Les • Améliorer l’accès aux services de financement et d’appui centres de conseil aux entreprises adaptent les projets et pro- aux entreprises ; grammes de l’État et des bailleurs aux fonds aux besoins des • Accroître la productivité et élargir l’accès aux marchés, en clients locaux, et aident à renforcer les capacités des associa- particulier par la modernisation du système d’apprentis- tions locales d’entreprises individuelles, petites et moyennes. sage et la normalisation du système des compétences et Ces associations ont plusieurs rôles importants : exprimer les qualifications ; besoins de leurs membres, organiser des formations, assurer • Utiliser la protection sociale pour réduire la vulnérabilité la liaison avec les autorités, diffuser l’information, et dans des ménages. notamment la voierie locale, l’éclairage Dans l’exécution de ces responsabilités, les des rues, les transports en commun et la autorités doivent maintenir l’équilibre entre de sécurité ; nombreux intérêts, et les propriétaires d’entre- • Contrôler les entreprises pour protéger les prise individuelle se plaignent du fait que leurs consommateurs (par exemple, s’assurer que intérêts ne sont pas traités de manière adéquate. les chauffeurs de taxi savent conduire, que Pour les entreprises individuelles, le manque les professionnels ont la formation requise, de lieux sûrs (un problème fréquemment et que les cuisines des restaurants respectent aggravé par le harcèlement, parfaitement légal l’hygiène) ; ou extralégal, par les autorités locales) retarde • Fixer et recouvrer les droits et recettes pour le démarrage de nouvelles activités, un handi- soutenir les activités locales. cap pour les jeunes en particulier. Dans une Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 181 enquête auprès des tailleurs et couturières de politique ou sportif qui attire les foules et capitales ouest-africaines, 43 % des entreprises accroît les problèmes de sécurité. Les autorités en activité depuis moins d’un an signalaient « décongestionnent » la ville en mobilisant la l’absence d’un emplacement adéquat pour police ou d’autres forces de l’ordre pour expul- leur entreprise comme un problème majeur ser les marchands du centre-ville et d’autres (Grimm, Knorringa et Lay, 2012). Ce pro- zones lucratives, en confisquant parfois leurs blème freine également le développement des marchandises et autres biens, ou en démolis- entreprises individuelles. Les conflits les plus sant leurs structures commerciales tempo- fréquents et violents ont lieu lorsque la police raires. L’expulsion est rarement permanente. est chargée de contrôler l’espace où les col- Les entreprises individuelles battent en retraite, porteurs et autres marchands tentent d’abor- mais bon nombre d’entre elles reconstituent der les clients potentiels. Ces conflits éclatent progressivement le capital nécessaire pour reve- habituellement parce que les autorités locales nir sur leur lieu de négoce, jusqu’à la prochaine ne parviennent pas à reconnaître l’importance expulsion. de ces petits négoces pour l’économie locale et L’expulsion par la force des petits mar- ne leur accordent pas un espace adéquat pour chands en dehors des zones lucratives où ils fonctionner. Les autorités locales ne tiennent réalisent leurs ventes est un exemple incon- pas toujours compte de la vitesse à laquelle les testable de l’échec des pouvoirs publics locaux entreprises individuelles peuvent se multiplier à apporter un soutien aux entreprises indivi- avec l’accroissement de l’urbanisation. Dans duelles (voir l’Encadré 5.8 pour un exemple tiré certains cas, les autorités ont tenté de mettre de la Tanzanie). Même si les autorités locales en place des marchés ou d’autres espaces de ne font qu’appliquer la loi, leurs interventions travail pour les entreprises individuelles, mais sont contreproductives : elles augmentent plus sans les consulter, de sorte que les lieux ainsi qu’elles ne réduisent la pauvreté et renforcent aménagés se sont avérés inadaptés. Des entre- le sentiment d’insécurité et de vulnérabilité des prises différentes ont des besoins différents. Les entreprises individuelles (comme le rapportent commerçants et les prestataires de services aux Lyon et Msoka, 2007 ; Liviga et Mekacha, 1998 ; personnes ont besoin de lieux entourés de cir- Sisya, 2005). « Je m’en culation piétonnière, non à l’extérieur des villes Des droits fonciers flous et contradictoires sortais bien mais dans des quartiers commerciaux centraux compliquent le problème de l’espace. À Dar es- avant que les (sur les trottoirs, en particulier dans des rues Salaam, les autorités locales ne sont pas autori- autorités locales réservées aux piétons), aux arrêts et terminus sées à appliquer leurs propres règles d’utilisa- ne déplacent de bus, près des grands carrefours, et à d’autres tion des terrains proches des routes nationales, le marché. endroits propices aux emplettes et aux transac- parce qu’elles n’en sont pas propriétaires (c’est Maintenant, tions commerciales. Les ateliers de réparation le ministère des Transports qui l’est). Les pou- et les activités manufacturières, telles que le voirs publics locaux sont donc tenus de respec- j’ai du mal à travail des métaux, doivent se regrouper pour ter les règles fixées par ce ministère et ne sont nourrir ma réaliser des économies d’agglomération et pas autorisés à définir et appliquer des règles famille et je n’ai partager la technologie, et les zones urbaines susceptibles de soutenir l’utilisation des terrains pas les moyens doivent leur fournir des sites appropriés. Par par les entreprises locales. Les régimes fonciers d’envoyer souci de commodité pour les travailleurs et les basés sur une combinaison de droit coutumier mes enfants à entreprises, la planification et l’attribution de et de droit commun limitent le développement l’école. » Rwanda l’espace dans les zones industrielles conçues de marchés fonciers efficaces et peuvent empê- pour les grandes entreprises peuvent inclure cher les entreprises individuelles d’obtenir des entreprises individuelles. des terrains. À Nairobi, les efforts pour établir Les villes qui n’arrivent pas à anticiper la un mode de tenure sûr pour les habitants des croissance des entreprises individuelles et à bidonvilles propriétaires d’entreprise indivi- identifier de manière proactive des lieux pour duelle sont compliqués par de multiples droits leurs activités entrent dans des cycles des- et conflits fonciers (Banque mondiale, 2013). tructeurs de « décongestion ». L’événement La mauvaise qualité des services urbains déclencheur est habituellement un événement ­ dont bénéficient les entreprises individuelles 182 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.8 Affaiblissement de l’économie locale par la perpétuation du cycle des machingas à Dar es-Salaam Dar es-Salaam a limité les lieux consacrés au petit négoce respect des réglementations relatives aux licences, à la fis- dans ses zones commerciales lucratives à loyer élevé. En dépit calité et autres, même si la plupart ne s’appliquent qu’aux des règlements de zonage leur interdisant de le faire, les pro- entreprises formelles. Les entreprises individuelles connais- priétaires d’entreprise individuelle s’installent aux abords de sent mal le code fiscal ou les exigences de l’immatriculation, ces zones en tant que vendeurs ambulants (machingas), et et n’ont personne à qui se plaindre. Beaucoup disent payer encombrent les trottoirs et les routes. La prolifération des voi- des sommes importantes à des fonctionnaires peu scrupu- tures, des piétons et des marchands, en particulier aux heu- leux pour éviter de voir leurs marchandises confisquées. res de pointe, dépasse la capacité de gestion des autorités En réponse à l’absence d’espace de marché, la ville de Dar municipales. Pour enrayer la congestion des villes causée par es-Salaam a récemment contracté un prêt pour construire les vendeurs et prestataires de services ambulants, les autori- un bâtiment de sept étages destiné aux marchands ambu- tés, en particulier de Dar es-Salaam, Arusha et Mwanza, lan- lants. Surnommé le « complexe des machingas », le projet cent régulièrement des opérations de « nettoyage », au cours a été estimé à 13 milliards de shillings tanzaniens (environ desquelles les vendeurs ambulants sont des cibles particulière- 13 millions de dollars EU), mais il ne répond pas aux besoins ment vulnérables. Confrontés à l’expulsion, certains opéra- des machingas, qui n’ont pas été consultés lors de sa concep- teurs d’entreprise individuelle abandonnent leur activité. tion. Entre autres problèmes, le bâtiment n’est pas équipé Les autorités locales déploient des forces disproportionnées d’ascenseurs pour le déplacement de la clientèle ou des pour chasser ceux qui restent. Les propriétaires d’entreprise marchandises. Il ne dispose d’aucune aire de stationnement individuelle citent le harcèlement par les autorités locales et pour les véhicules. Le bâtiment a été conçu pour offrir 10 les forces de l’ordre comme leur plus gros problème. Plus 000 espaces de travail (compartiments ou échoppes), mais de 60 % des 622 opérateurs interrogés dans le cadre d’une en fin de compte, seuls 6 500 ont été construits. Ce nombre étude déclaraient que l’expulsion forcée était leur plus vive plus restreint a élevé le coût moyen, obligeant ainsi les auto- expérience de l’intervention de l’État. La même étude recen- rités municipales à augmenter les loyers pour rembourser sait les pertes subies par les machingas en raison des poli- leur emprunt. Lorsque le complexe a ouvert ses portes, seul tiques locales d’expulsion et de réinstallation : capital phy- l’étage inférieur était occupé par des vendeurs, qui se sont sique (échoppe), fonds d’exploitation (amendes, confiscation ensuite plaints auprès des autorités du fait que les machi- des marchandises), clients et circuits d’approvisionnement ngas opérant sur le trottoir cassaient les prix. Finalement, (augmentation de la distance), et temps de négoce (peines les étages supérieurs ont été cédés à d’autres locataires, d’emprisonnement ou temps consacré à la reconstitution du qui appréciaient la situation en centre-ville et n’avaient pas capital pour reprendre l’activité). Des cycles répétés de pertes besoin d’avoir des marchandises sur place. Pendant ce temps, et difficultés causées par ces politiques accroissent la pau- le problème des machingas est resté sans solution. vreté et le dénuement des membres du ménage. Les fonctionnaires locaux soumettent également les entreprises individuelles à des inspections pour vérifier leur Source : Kweka et Fox, 2011. est un autre problème limitant leur producti- les droits encaissés, la sécurité et l’assainis- vité. La construction et l’entretien de marchés, sement peuvent ne pas être assurés comme où les marchands et prestataires de services se prévu. Avec l’accroissement de la demande de rassemblent pour vendre et les clients pour terrains urbains et de leur valeur, les promo- acheter, est l’un des services urbains les plus teurs pressent les pouvoirs publics locaux de importants pour les entreprises individuelles, fermer les marchés au lieu de rechercher des qui peuvent payer des droits pour s’y installer. solutions à plus haute densité, à usages mul- Dans la plupart des zones urbaines, les pou- tiples. Au bout du compte, les entreprises indi- voirs publics ne créent tout simplement pas viduelles perdent des clients. D’autres services ces marchés suffisamment vite pour suivre la clés qui peuvent affecter leur productivité sont croissance de la population. En outre, malgré le transport (empruntés par les propriétaires Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 183 d’entreprise individuelle pour se rendre sur concentrent plus sur la création de lieux où les marchés et par les clients pour atteindre les les entreprises individuelles peuvent opérer entreprises individuelles) et l’approvisionne- et moins sur le contrôle de l’espace dont elles ment en eau. doivent être exclues (Encadré 5.9). Il semblerait Une perception courante est que les entre- que les améliorations dans l’organisation des prises individuelles ne paient ni droits ni taxes, entreprises individuelles locales, facilitées par de sorte qu’elles ne méritent pas ces services. des agents de conseil aux entreprises recrutés Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. et gérés localement, auraient renforcé la com- L’analyse montre que, même si les entreprises munication entre les entreprises individuelles individuelles sont exonérées de l’impôt natio- et les fonctionnaires locaux élus. nal sur les sociétés ou de l’enregistrement auprès de l’administration de la taxe sur la Faciliter l’accès au crédit pour valeur ajoutée, la majorité d’entre elles paie le démarrage et le maintien des des taxes professionnelles locales d’un taux entreprises individuelles supérieur à celui des grandes entreprises (Fox Les entreprises individuelles ont besoin de et Sohnesen, 2012). Les droits, taxes et règle- capital pour lancer leurs activités et de fonds de ments locaux relatifs à l’utilisation des terres roulement pour les maintenir. La plupart ont sont signalés comme des sources de petite cor- du mal à obtenir du capital. Invariablement, les ruption, en particulier dans la police. Le non- enquêtes interrogeant les propriétaires d’entre- paiement du pot-de-vin exigé peut entraîner prise individuelle sur le principal obstacle au des représailles disproportionnées (telles que la confiscation des marchandises). Très souvent, démarrage ou au développement d’une acti- les propriétaires d’entreprise individuelle ne vité reçoivent en réponse le manque de capital connaissent même pas le tarif en vigueur ou (voir Fox et Sohnesen, 2012 ; Grimm, Krüger, et combien ils seraient appelés à payer, si bien que Lay, 2011). Au Mozambique, dans une enquête les fonctionnaires locaux corrompus peuvent auprès des propriétaires d’entreprise indivi- facilement en profiter. duelle qui avaient arrêté leur activité, 56 % Deux facteurs majeurs contribuent à l’envi- donnaient le manque de capital ou de liquidi- ronnement des affaires défavorable aux entre- tés comme principale raison (Fox et Sohnesen, prises individuelles dans les zones urbaines : 2013). les politiques et stratégies nationales excluant Incapables d’obtenir du capital auprès de les entreprises individuelles et le manque de sources officielles, ils utilisent leurs propres redevabilité des pouvoirs publics locaux vis- économies et des sources informelles de crédit à-vis des citoyens. Au Rwanda, les politiques pour répondre à leurs besoins (Encadré 5.10). nationales excluant les entreprises indivi- Un facteur de complication pour les entre- duelles et limitant strictement leurs emplace- prises individuelles est que les finances de ments dans les zones urbaines engendrent une l’entreprise et celles du ménage sont souvent indifférence à l’égard de leurs besoins au sein confondues, de sorte que les paiements effec- des autorités locales. Celles-ci considèrent que tués pour soulager les finances du ménage (les leur travail consiste à appliquer les règlements grosses dépenses, telles que les frais de scolarité nationaux en contrôlant les entreprises indivi- ou les réparations du domicile) peuvent entrer duelles, et non à soutenir leur développement. en concurrence avec la santé de la trésorerie de Au Ghana, la coopération entre les entreprises l’entreprise et potentiellement compromettre individuelles et les autorités locales est faible à sa viabilité. L’accès au crédit aiderait à équili- Accra, où ces dernières ne sont pas élues par brer ces besoins concurrents. L’écart entre les les citoyens. Elle est, par contre, meilleure en besoins et l’offre de crédit est encore plus pro- dehors de la capitale, où les autorités locales fond chez les jeunes qui cherchent à démarrer sont élues et où la responsabilité du dévelop- une entreprise individuelle. pement économique local a été décentrali- Le manque d’inclusion financière des sée. En dehors d’Accra, les autorités locales se ménages africains est à l’origine du problème 184 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.9 Regroupement des entreprises individuelles pour le bien de tous Dans la ville de Bechem au Ghana, la création d’un mini- Pour les entreprises : site industriel d’ateliers de travail des métaux, de réparation • Elles bénéficient d’un emplacement sûr ; automobile et de menuiserie a été rendue possible par un • Grâce au regroupement, elles ont plus facilité à obte- engagement national et une collaboration public-privé. Avant nir des services courants et à participer à des chaînes de le projet, ces ateliers étaient dispersés dans toute la ville, cer- valeur (en particulier lorsque des services d’appui financés tains occupaient des emplacements de choix en centre-ville. par un projet, tels que la formation ou le financement, La ville a fait des efforts pour obtenir un terrain approprié en sont disponibles sur place) ; dehors des zones les plus encombrées et pour l’aménager • L’accès aux services d’appui aux entreprises s’améliore, pour les entreprises individuelles, afin de permettre aux ate- parce que les fournisseurs de formation atteignent facile- liers de former des groupes améliorant leur productivité et ment les clients regroupés ; à la ville d’affecter les terrains de choix du centre-ville à des • L’accès à l’électricité, à l’eau, à l’assainissement et à la col- projets à haute densité de plus grande valeur. lecte des déchets est amélioré ; Le développement du projet, qui a nécessité de multiples • Les associations d’entreprises se renforcent. consultations avec les associations d’entreprises individuelles, a duré près de quatre ans, et l’ouverture a finalement eu Pour les autorités locales : lieu en 2012, avec 37 maîtres et 68 apprentis. Le reste de • Les activités que les pouvoirs publics locaux préfèrent l’espace se remplit à mesure que de nouvelles entreprises localiser en dehors du centre-ville, telles que le travail des emménagent. Le site fournit un espace de travail, l’électricité métaux, la menuiserie et la réparation des véhicules auto- et l’eau. Après l’ouverture du site, sept vendeurs de pièces mobiles, sont déplacées et regroupées ; détachées et des vendeurs de produits alimentaires (égale- • Les entreprises sont plus faciles à imposer et moins ment des entreprises individuelles) se sont installés dans le enclines à éviter les taxes, parce que les services publics sillage des principaux locataires pour fournir des services dont elles bénéficient leur permettent de voir à quoi sert d’appui. Des organisations offrant de la formation dans des l’argent. domaines tels que les compétences de base en ingénierie et en entretien des moteurs électroniques se sont également Pour les clients : rapprochées des propriétaires d’entreprise individuelle, qui • Les fournisseurs sont concentrés en un même endroit, leur permettent d’atteindre facilement une masse critique offrant ainsi un accès plus facile aux marchés tant régio- pour leurs services. naux que locaux. Lorsqu’ils comprennent une consultation préalable adé- quate et un aménagement approprié des installations, ces sites obtiennent des résultats mutuellement satisfaisants. Source : William Steel, communication personnelle (voir la Note thématique 3). La plupart de ces Même lorsqu’ils ont accès à une banque, ménages n’ont accès ni aux banques ni aux ins- les jeunes ont du mal à obtenir un prêt pour titutions de microfinance, tant pour l’épargne démarrer une entreprise. Les institutions afri- que pour le crédit. De nombreux ménages caines de microfinance, qui ciblent pourtant comptent sur les groupes d’épargne informels une population à plus faible revenu que les pour les aider à économiser pour leurs affaires banques, préfèrent elles aussi prêter à des sala- ou les urgences domestiques et à obtenir des riés pour accroître leurs chances de rembour- crédits à court terme lorsque ces économies sement. Certaines institutions de microfinance ne suffisent pas. Les jeunes ont commencé à prêtent aux ménages en demandant une garan- rejoindre ces groupes, et c’est une des raisons tie (comme les actifs des ménages) ou l’aval pour lesquelles plus de 25 % des jeunes des pays d’un parent ou ami salarié. Dans ce cas, un à revenu faible et intermédiaire de la tranche dépôt d’épargne initial est souvent requis. inférieure déclarent avoir épargné au cours des Les subventions sont-elles une option 12 derniers mois (données FINDEX). pour aider les jeunes à démarrer une entre- Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 185 Encadré 5.10 Sources de crédit utilisées par les ménages pour démarrer une entreprise en Tanzanie • Ma mère m’a fourni un capital de 250 shillings tanzaniens • J’ai commencé à vendre des aliments cuits et de la bière en 1986 et j’ai commencé en vendant une bière locale locale avec de l’argent emprunté localement (10 000 shil- appelée Wanzuki.a lings tanzaniens). Cette activité m’a permis de réunir un • J’ai démarré avec un capital de 50 000 shillings tanza- capital de 30 000 shillings tanzaniens. J’ai alors décidé de niens, que j’ai obtenu de mon père en avril 2007. changer d’activité en ouvrant un genge (échoppe de pro- • J’ai commencé avec un capital de 20 000 shillings tanza- duits frais). niens en 1994. Je l’ai obtenu grâce à la vente du maïs que • J’ai une épicerie où je vends de la bière et des boissons j’avais produit. gazeuses. J’ai débuté avec un capital initial de 200 000 • J’avais réuni un capital de 50 000 shillings tanzaniens à par- shillings tanzaniens, dont la moitié m’a été donnée par tir du salaire que je gagnais à l’époque où j’étais employé. ma mère et l’autre moitié a été fournie par la production • J’ai commencé avec un crédit fournisseur (mali kauli) pour agricole. vendre ma marchandise : 1 kg de sucre, 2 kg de riz, 1 litre • J’ai emprunté des denrées de base pour commencer la d’huile de cuisson, des feuilles de thé, du sel et le bois que vente d’aliments cuits : 3 kg de riz, 2 kg de viande, de je récoltais dans la brousse. l’huile de cuisson (un demi-litre), et du sel. J’ai obtenu un • J’ai commencé par louer une machine à coudre pour capital initial de 8 000 shillings tanzaniens de mon oncle, 5 000 shillings tanzaniens par mois en 2007. Je l’ai utilisée et j’ai décidé de me lancer dans l’élevage et la vente de jusqu’au moment où j’ai eu assez d’argent (120 000 shil- pintades. lings tanzaniens) pour acheter ma propre machine. • J’ai réuni un capital initial de 5 millions de shillings tanza- niens à partir de la vente de noix de cajou et des bénéfices de notre magasin. Nous avons alors pu acheter un broyeur. Source : Kweka et Fox, 2011. • Mon capital initial de 5 000 shillings tanzaniens m’a été a. La Wanzuki est une bière locale à base de miel et de levure. Du sucre, donné par mon mari, et j’ai commencé à vendre des des feuilles de thé et de la levure sont parfois utilisés quand le miel n’est légumes. pas disponible. prise lorsqu’ils ne sont pas considérés comme étaient assez à l’aise au regard des normes afri- solvables parce qu’ils n’ont pas suffisamment caines. Les subventions accordées à des entre- d’économies ou ne sont pas connus d’une ins- prises existantes du Sri Lanka ont contribué à titution d’épargne formelle ? En Afrique, la améliorer leur soutenabilité, mettant ainsi en plupart des projets pilotes menés par les ONG évidence les contraintes pesant tant sur l’accès pour aider à démarrer une activité utilisent au capital de démarrage que sur le fonction- plutôt les subventions que les prêts. Les sub- nement des entreprises (De Mel, McKenzie et ventions ont également été tentées en Asie du Woodruff, 2012b). Sud et en Amérique latine. Dans presque tous Le principal problème avec les programmes les cas, elles ont facilité l’entrée dans le sec- de subvention pilotes destinés à aider les jeunes teur. Mais jamais l’expérience ne s’est limitée à démarrer une entreprise est lié à la disponibi- à subventionner le capital de démarrage : de la lité des fonds : leur disponibilité n’est pas suf- formation à la gestion d’entreprise et des ser- fisante pour pouvoir accorder une subvention vices d’appui ou de la formation profession- de 100 dollars EU (plus ou moins la subvention nelle ont toujours été fournis en complément. moyenne utilisée dans les programmes pilotes) D’autres expériences ont utilisé des subven- aux quelque 5 millions de jeunes Africains tions de contrepartie accompagnées d’une for- censés lancer chaque année une entreprise au mation financière pour encourager les jeunes cours des 10 prochaines années. Et même si à épargner en vue de se constituer un capital la chose était abordable, qu’adviendrait-il des de démarrage. Ces approches ont également adultes souhaitant démarrer une entreprise ? eu des résultats positifs, mais les groupes cibles Il pourrait être politiquement difficile de les 186 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne exclure. En Tanzanie, la participation de l’État pour les entreprises individuelles d’Afrique aux programmes de subventions à l’appui de la restent limitées. La plupart opèrent à petite création d’entreprises s’est soldée par un mau- échelle, ne recueillent pas de données sur les vais ciblage, suggérant que les pouvoirs publics taux d’abandon ou d’obtention des diplômes, devraient faire preuve de prudence dans ce et sont incapables de suivre les résultats, a for- domaine (Kweka et Fox, 2011). Une stratégie tiori pour un groupe de comparaison. Même plus large consisterait à étendre l’inclusion les programmes à plus grande échelle n’ont financière (en particulier en matière d’épargne) pas systématiquement documenté leurs succès en réduisant les coûts des services financiers (ou échecs). L’analyse des données d’enquêtes et en améliorant la gamme des produits dis- auprès des ménages portant sur les revenus des ponibles pour le démarrage des entreprises entreprises individuelles est intéressante pour individuelles. déterminer les rendements spécifiques de la formation, pour plusieurs raisons : Que doivent faire les • Les données des enquêtes auprès des ménages reflètent mal la participation aux gouvernements pour aider les programmes de formation, en particulier jeunes à se doter des compétences pour les types les plus fréquents d’appren- nécessaires dans le secteur des tissage ou de formation privée. entreprises individuelles ? • Le produit lui-même est très hétérogène, même au sein d’un secteur donné ou pour Qu’ils ciblent ou non les jeunes, les pro- une compétence particulière. grammes de formation constituent l’inter- • La majorité des propriétaires des entreprises vention la plus courante des pouvoirs publics individuelles existantes n’ont participé à et des bailleurs de fonds, visant à soutenir les aucune formation, et aucune formation entreprises individuelles — à la fois en facili- n’est requise pour démarrer une entreprise, tant l’entrée dans le secteur et en améliorant par exemple, commerciale. Une formation les revenus.3 Ils fournissent une formation est, par contre, nécessaire pour intégrer des « Avec un technique à des métiers spécifiques (tels que la secteurs spécifiques, qui procurent souvent petit peu de couture, le travail des métaux ou la boulange- des revenus plus élevés (réparation auto- formation, mon rie), des compétences en affaires ou financières mobile, travail des métaux). L’effet de la (comme des principes de base en comptabilité formation et celui d’autres caractéristiques avenir sera ou en gestion monétaire), des compétences personnelles, non mesurées, associées au meilleur. Au lieu comportementales et de la vie courante, ou une de simplement choix du secteur sont toutefois tellement combinaison de compétences. Les programmes imbriqués que les rendements de la forma- ressemeler des ciblant spécifiquement les jeunes sont essentiel- tion sont difficiles à déterminer. chaussures, lement centrés sur les compétences nécessaires je voudrais pour intégrer le secteur et peuvent inclure les • De nombreuses personnes qui ont suivi une formation ne mettent pas en pratique commencer à quatre types de compétences citées plus haut. les compétences qu’elles ont acquises, pour en fabriquer. » Les programmes destinés aux entreprises indi- diverses raisons, notamment l’incapacité à Ouganda viduelles existantes ont tendance à se concen- financer une entreprise. trer sur les compétences en affaires nécessaires pour consolider ou développer une entreprise, Des évaluations plus systématiques et minu- en vue d’améliorer les revenus et la producti- tieuses sont donc nécessaires, en particulier des vité. L’aspect positif pour l’emploi des jeunes, évaluations d’impact mesurant les résultats au c’est que les programmes conçus pour faciliter sein des participants aux programmes et d’un l’entrée semblent avoir eu un certain succès groupe de comparaison adéquat (Chapitre 3, (plus que ceux visant les entreprises existantes) Encadré 3.9). Seuls quelques programmes et qu’il existe donc quelques modèles positifs. conçus pour encourager l’emploi indépendant Malgré le grand nombre des programmes ont été soumis à une évaluation d’impact au de formation, les preuves de leur efficacité cours de la dernière décennie. Un plus grand Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 187 nombre d’évaluations d’impact de qualité formation informels ou d’apprentissage trans- devraient être réalisées, notamment des études mettent un ensemble limité de compétences visant spécifiquement à déterminer les meil- techniques (par exemple, en couture, menuise- leures façons de concevoir des programmes rie, mécanique ou coiffure). On a peu d’infor- d’emploi pour les jeunes (et en particulier, mation sur les modalités les plus efficaces et les meilleures composantes à combiner et les sur la meilleure façon de les promouvoir pour organismes les plus efficaces pour la mise en s’assurer qu’elles améliorent effectivement les œuvre des programmes), la rentabilité de ces compétences et la productivité. programmes lorsqu’ils sont déployés à grande Les données des enquêtes auprès des échelle, et leurs effets sur l’équilibre général de ménages montrent une association entre l’ap- l’économie. prentissage privé et un accroissement de l’em- Malgré le peu de données probantes, les ploi et des revenus — par exemple, au Nigé- informations tirées de récentes évaluations ria, au Rwanda et en Tanzanie (Van Adams, d’impact et autres études constituent un point Johansson de Silva et Razmara, 2013). Au de départ pour orienter les politiques et identi- Ghana, l’apprentissage produit un rendement fier des approches prometteuses pour aider les dans certaines activités, telles que la construc- jeunes à intégrer le secteur des entreprises indi- tion, en particulier dans les zones rurales, mais viduelles et à y rester. Cette section examine les pas dans d’autres activités, telles que la cou- données relatives à l’efficacité de trois grands ture (Fox et Sohnesen, 2012). L’apprentissage types de formation : compétences techniques, est également rentable pour les travailleurs qui compétences en affaires et compétences com- effectuent un stage dans une entreprise qu’ils portementales. Elle conclut que les programmes quittent ensuite pour créer leur propre affaire. combinant des interventions multiples — dif- Ces anciens apprentis reproduisent fondamen- férents types de formation ou bien de la forma- talement la technologie et les pratiques de ges- tion avec un capital — marchent mieux que les tion de cette entreprise, mais en tant que tra- programmes n’offrant qu’un seul type d’inter- vailleur indépendant (Frazer, 2006). Ils gagnent vention. Toutefois, aucune des interventions annuellement environ 49 % de plus que ceux combinées n’a été déployée à grande échelle et qui restent employés dans l’entreprise. Même si leur coût est un problème. Enfin, nous exami- les diplômés de l’école primaire sont le groupe nons ce que les données limitées suggèrent en le plus susceptible de suivre un apprentissage, ce qui concerne le rôle potentiel des autorités les rendements de celui-ci semblent supérieurs et des politiques publiques dans le développe- chez ceux ayant fait moins d’études, suggérant ment des compétences en vue d’améliorer la ainsi que l’apprentissage peut tout aussi bien productivité et la soutenabilité des entreprises transmettre des compétences techniques aux individuelles. personnes sans instruction de base. Les revenus « Notre des employés sans instruction formelle sont propriétaire Développer des compétences plus élevés de 50 % lorsque ceux-ci ont suivi un avait un atelier techniques apprentissage (Monk, Sandefur et Teal, 2008). de menuiserie Comme déjà dit ici et dans le Chapitre 3, la La seule évaluation d’impact d’un pro- et je passais forme la plus populaire de formation pour gramme d’apprentissage en Afrique porte sur devant lui tous les entreprises individuelles est la formation une expérience pilote à petite échelle qui faisait les jours en technique dispensée à travers l’apprentissage et partie d’un programme national d’apprentis- allant à l’école. d’autres types de formation privée extérieurs sage au Malawi. Ce pilote visait 1 900 jeunes au système éducatif formel. La formation à faible revenu ayant abandonné l’école. La J’ai commencé informelle est très hétérogène. Il peut aussi bien grande majorité (84 %) n’avait pas dépassé le à m’y arrêter s’agir de quelques mois de formation en cours primaire. Des maîtres-artisans (propriétaires pour jouer et d’emploi avec le propriétaire qualifié d’une de leur entreprise individuelle) avaient été le propriétaire entreprise individuelle ou de plusieurs années sélectionnés par la Technical, Entrepreneurial, m’a petit à d’apprentissage ; elle peut combiner un ensei- Vocational Education and Training Authority petit initié gnement théorique avec une formation sur le (TEVETA — l’autorité de l’enseignement et de au métier ». lieu de travail. Bon nombre des programmes de la formation technique, entrepreuneuriale et Madagascar 188 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne professionnelle) pour former les participants à stimuler la création et la productivité des entre- des métiers tels que la maçonnerie, la réparation prises individuelles ? Les informations relatives de véhicules, la couture et la coiffure. L’appren- aux programmes transmettant uniquement des tissage s’étendait sur une moyenne de 3,3 mois, compétences financières ou des compétences géné- y compris une semaine de formation aux com- rales en affaires sont mitigées. Très peu d’études pétences en affaires et de la vie courante. Parmi ont été réalisées en Afrique (voir McKenzie et les participants, 63 % avaient été jusqu’au bout Woodruff, 2012).5 de leur apprentissage et un petit nombre avait La littératie financière de base est la compé- reçu un capital de démarrage. Le coût par par- tence en affaires la plus fondamentale pour les ticipant était estimé à 800 dollars EU. Les par- entreprises individuelles (voir l’analyse de Xu ticipants étaient encouragés à créer leur propre et Zia, 2012). Elle peut englober de nombreux entreprise au terme de l’apprentissage. Aucune concepts, mais pour les entreprises indivi- amélioration n’a été observée dans les résultats duelles des pays à faible revenu, elle comprend en matière d’emploi ou les rendements à court les connaissances financières les plus élémen- terme, même si la formation a effectivement taires, la capacité à comprendre les aspects développé des compétences et amélioré les pra- financiers de l’entreprise et l’aptitude à accéder tiques de gestion (Cho et coll., 2012).4 aux services financiers. On observe des inégali- tés considérables en matière de littératie finan- Développer la littératie financière et cière. En moyenne, les femmes et les personnes les compétences en affaires moins instruites obtiennent systématique- Des données suggèrent que la littératie finan- ment des résultats plus bas aux tests de litté- cière et les compétences générales en affaires ratie financière. Des connaissances financières sont limitées chez les propriétaires d’entreprise médiocres peuvent contribuer à limiter l’accès individuelle. Selon une enquête de 2008 auprès au système financier formel, en particulier des micro-, petites et moyennes entreprises bancaire. de Zambie, seuls 27 % d’entre elles avaient Il existe très peu de données sur l’influence des comptes financiers à jour (FinMark Trust, que les interventions de renforcement de 2011). Dans un échantillon de tailleurs et cou- la littératie financière dans les pays à faible turières du Ghana, 17 % seulement disaient revenu peuvent avoir sur les revenus des entre- tenir une quelconque forme de registres finan- prises individuelles ou la capacité des jeunes ciers, seuls 7 % déclaraient avoir consacré de à intégrer ce secteur. Des évaluations de cer- l’argent à la commercialisation de leurs services tains programmes génériques sont en cours au cours de l’année précédente, et seulement (notamment au Ghana, en Afrique du Sud et 30 % notaient leur magasin comme très bien en Ouganda), mais les résultats ne sont pas organisé (Karlan, Knight et Udry, 2012). Dans disponibles. Une étude menée en Indonésie a un échantillon de clients de la microfinance en constaté qu’une formation à la littératie finan- Tanzanie (dont la plupart étaient des PME et cière n’avait eu, dans l’ensemble, aucun effet non des entreprises individuelles), deux tiers sur la promotion de l’épargne chez les partici- tenaient des registres, mais seulement la moitié pants, bien que des effets aient été détectés chez avait des activités de marketing pour attirer des ceux ayant, au départ, les plus bas niveaux de clients (Berge, Bjorvatn et Tungodden, 2011). connaissances financières (Cole, Sampson et Le fait que beaucoup des propriétaires d’en- Zia, 2011 ; Xu et Zia, 2012, 27). treprise individuelle fonctionnent sans littéra- La formation aux compétences générales tie financière ni compétences en affaires donne en affaires va de programmes pratiques très à penser que les jeunes n’en ont pas besoin pour élémentaires à des programmes de formation entrer dans le secteur. Toutefois, l’absence de théorique plus sophistiqués, conçus pour aider ces compétences peut limiter la soutenabilité et les petites entreprises à se développer (sou- la productivité des entreprises, notamment de vent appelés programmes de services d’aide celles gérées par des jeunes. La formation aux au développement des entreprises). L’un des compétences financières et en affaires peut-elle problèmes de ces programmes est qu’ils visent Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 189 généralement les PME, et non les types d’en- tées. Même si les évaluations indiquent que treprises que l’on retrouve dans le secteur des la formation à la gestion d’entreprise a fait entreprises individuelles africaines. Souvent, évoluer leurs pratiques de gestion, elle a rare- ils ciblent les clients de la microfinance, impli- ment amélioré la productivité ou la survie des quant que d’autres obstacles, tels que le capital entreprises individuelles. Parmi les change- de démarrage et l’accès à un espace de travail, ments dans les pratiques et les connaissances ont déjà été aplanis. Pour ces raisons, il est de gestion des entrepreneurs, on peut noter important d’examiner l’information croissante l’enregistrement des ventes et de l’argent pré- sur ce genre de formation, afin de déterminer levé pour les besoins du ménage (entreprises s’il est applicable à l’emploi des jeunes dans les individuelles au Pakistan) ; la conservation entreprises individuelles africaines. de traces des retraits de l’entreprise, le réin- Plusieurs programmes testés sous forme vestissement des bénéfices dans l’entreprise et pilote dans d’autres régions ont facilité l’en- l’innovation dans les affaires (entreprises indi- trée des jeunes dans le secteur des entreprises viduelles et PME au Pérou) ; l’amélioration individuelles, mais ils étaient conçus pour des pratiques de gestion chez les participants des personnes plus instruites, et non pour les au programme Créez et améliorez votre entre- jeunes ayant à peine fréquenté l’école primaire, prise (entreprises individuelles au Sri Lanka) ; qui constituent le groupe cible en Afrique. et la séparation des dépenses personnelles et En Tunisie, la formation pratique à la gestion de l’entreprise, la tenue de registres comp- d’entreprise et l’accompagnement fournis tables et le calcul formel des revenus (entre- à des étudiants universitaires ont augmenté prises individuelles et PME en République leur engagement dans l’emploi indépendant, dominicaine).7 même si l’impact a été faible en valeur abso- Les programmes plus « intensifs » ont des lue (Premand et coll., 2012).6 Cette formation impacts un peu plus importants. Ainsi au a également amélioré les compétences com- Pérou, une formation intensive personnalisée portementales et en affaires. En revanche, une à la gestion d’entreprise destinée aux clients de formation approfondie à la gestion d’entre- la microfinance (dont la plupart avaient des prise et à la littératie financière n’a eu aucun entreprises plus grandes que les entreprises effet significatif sur la création d’entreprises individuelles) a amélioré les pratiques de ges- en Bosnie-Herzégovine, au sein d’un échantil- tion d’entreprise et les résultats, alors qu’une lon où 85 % des participants avaient terminé formation théorique simple n’avait eu aucun leurs études secondaires (Bruhn et Zia, 2011). impact (Valdivia, 2011). La règle voulant que Dans un contexte à plus faible revenu, un « plus, c’est mieux » ne s’applique toutefois programme intitulé Créez et améliorez votre pas toujours. En République dominicaine, une entreprise, destiné à des femmes urbaines du approche pratique qui enseignait les règles de Sri Lanka de 25 à 45 ans ayant achevé leurs base de la prise de décision financière a été études secondaires, a accru la probabilité de comparée à une approche plus formelle axée lancer une entreprise (De Mel, McKenzie et sur les principes fondamentaux de la compta- Woodruff, 2012a). Au Pakistan, une forma- bilité financière. La totalité des effets du pro- tion de huit jours à la gestion d’entreprise, qui gramme était due à la formation pratique. Tant ciblait les nouveaux clients de la microfinance en République dominicaine qu’au Pakistan, les nettement moins instruits, n’a eu aucun effet visites de suivi n’ont eu aucun impact addi- sur la création d’entreprises chez les ménages tionnel (Drexler, Fischer et Schoar, 2010 pour qui n’en exploitaient pas une au départ (Giné la République dominicaine ; Giné et Mansouri, et Mansuri, 2011). Des études visant à évaluer 2011 pour le Pakistan). l’intégration de la formation à l’entrepreneuriat Les changements dans les pratiques de ges- dans l’enseignement secondaire sont en cours tion d’entreprise ne se traduisent pas toujours en Ouganda. par des améliorations de la productivité ou de Les données sur la formation générale à la la survie des entreprises. Dans les études men- gestion d’entreprise destinée aux entreprises tionnées ci-dessus (République dominicaine, individuelles existantes sont encore plus limi- Pakistan, Pérou, Sri Lanka), les changements 190 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne dans les pratiques de gestion d’entreprise des entreprises individuelles, de sorte qu’il est n’avaient donné lieu à aucune augmentation peut-être préférable de chercher à obtenir des quantifiable des ventes, des revenus, des béné- résultats en matière de durabilité plutôt que de fices ou de l’emploi. Au Pakistan, certains effets croissance. Les études suggèrent également que avaient pu être mesurés chez les hommes et, au les compétences ne sont pas nécessairement le Pérou, certains impacts avaient été observés seul obstacle ni même une contrainte incon- durant les mois particulièrement mauvais, mais tournable. Compte tenu de la dépense que dans l’ensemble, il y a peu de preuves que la représentent ces programmes, tant pour leurs formation améliore les performances des entre- prestataires que pour leurs bénéficiaires, il n’est prises. Au Ghana, un programme offrant aux peut-être ni judicieux ni réalisable d’étendre entreprises de confection existantes une for- ce type de programmes aux entreprises indivi- mation aux compétences en affaires ainsi qu’un duelles. Il conviendrait, au minimum, de réali- appui n’avait pas abouti à un accroissement ser une analyse plus minutieuse de leur rapport des bénéfices, malgré des améliorations à court coût-efficacité. terme dans les pratiques de gestion d’entreprise (Karlan, Knight et Udry, 2012). Développer les compétences de la vie Il existe une exception à cette tendance en courante pertinentes dans le monde du Afrique subsaharienne, mais pas issue des entreprises individuelles. Selon une évalua- travail tion réalisée en Tanzanie, un programme de Des compétences socioémotionnelles ou com- formation intensive et de haute qualité à la portementales limitées ou même des aspira- gestion d’entreprise, visant les PME clientes tions peu ambitieuses peuvent empêcher les de la microfinance (ayant déjà des employés) entrants potentiels de détecter et saisir des avait accru de 29 % les bénéfices chez les opportunités dans le secteur des entreprises hommes, mais n’avait eu aucun effet sur ceux individuelles. Entre autres, ce manque de com- des femmes. Cet effet résultait principalement pétences ou d’aspirations peut rendre difficile de l’expansion des entreprises, mais aussi l’entrée des jeunes dans le secteur ou leur par- d’une meilleure gestion des employés. Dans ticipation aux interventions conçues pour les ce cas, le simple octroi d’un prêt plus impor- aider à surmonter les obstacles à l’entrée, telles tant aux clients n’améliorait pas les résultats que la formation aux compétences ou un capi- (Berge, Bjorvatn et Tungodden, 2011).8 Il n’est tal. Parce que les compétences comportemen- toutefois pas évident que ce type de formation tales sont encore malléables chez les jeunes, intensive aurait porté des fruits, même chez divers programmes se sont avérés efficaces les hommes, s’il avait été destiné aux proprié- dans ce domaine. Le changement des menta- taires d’entreprise individuelle (ni que ceux-ci lités et des attitudes des jeunes (en particulier auraient eu le temps de participer à ce type de des jeunes femmes) semble les aider à passer programme). au secteur des entreprises individuelles. Une De toute évidence, l’hétérogénéité des résul- évolution des compétences comportementales tats dans les différents environnements suggère peut faire partie des avantages de l’apprentis- qu’il reste encore beaucoup à apprendre sur le sage ou d’autres types de formation en cours renforcement des capacités de gestion d’entre- d’emploi. prise, tant en ce qui concerne la façon de pro- Les jeunes femmes sont confrontées à des céder que le public cible. Les impacts positifs défis spécifiques à l’entrée dans le secteur des suggèrent que le manque de compétences en entreprises individuelles (voir Chapitre 2), et affaires peut être un obstacle dans certains envi- certaines données indiquent qu’une formation ronnements et que des interventions peuvent aux compétences comportementales, combi- améliorer les pratiques et, dans certains cas, les née à un appui social, peut les aider à les sur- résultats des entreprises. En même temps, les monter, en leur transmettant des compétences, résultats confirment que les entreprises orien- influençant leurs attitudes à l’égard de l’avenir tées vers la croissance sont rares dans le secteur ou libérant leurs aspirations. Intégrées dans un Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 191 programme plus large, ces composantes par- l’emploi et les revenus chez les adolescentes, ticulières peuvent réduire les comportements dont la plupart avaient plus ou moins fait des à risque ou les grossesses précoces chez les études secondaires (Banque mondiale, 2012). femmes et leur permettre d’élaborer un plan Le paquet de formation combinant les com- pour entrer dans le secteur des entreprises indi- pétences en affaires et comportementales a été viduelles, malgré leur jeunesse. plus efficace pour faciliter l’engagement dans Parce que la formation aux compétences l’emploi indépendant que celui combinant comportementales fait souvent partie d’un les compétences techniques et comportemen- programme plus large, on dispose de peu de tales.10 Le coût direct par participant était de preuves que les programmes axés exclusive- 1 221 dollars EU pour la formation aux com- ment sur le renforcement des compétences com- pétences en affaires et comportementales, pour portementales peuvent améliorer les résultats en une augmentation moyenne des revenus men- matière d’emploi. Toutefois, les programmes suels de 75 dollars EU (115 %). visant à améliorer les compétences comporte- Les projets en faveur des entreprises rurales mentales en même temps que d’autres compé- du Fonds international de développement tences semblent prometteurs. agricole (FIDA), actifs dans plusieurs pays afri- cains et axés sur la demande de financement, Développer un ensemble de ont fourni une formation technique privée en vue d’améliorer la productivité et la soutena- compétences complémentaires bilité des entreprises existantes et d’aider les Les jeunes sont souvent confrontés à de mul- nouveaux arrivants à démarrer une entreprise tiples obstacles liés à leurs compétences au (Encadré 5.11). Bien qu’aucune évaluation moment d’entrer dans le secteur des entre- d’impact ne soit disponible, des études de suivi prises individuelles. Les programmes cher- des bénéficiaires au Ghana suggèrent que les chant à développer une compétence à la fois deux objectifs ont pu être atteints à un coût très peuvent avoir un impact limité, mais l’infor- réduit. Même si le projet visait spécifiquement mation tirée des programmes pilotes renfor- la croissance de l’emploi par l’expansion des çant simultanément un ensemble de compétences entreprises, la majorité des nouveaux emplois complémentaires semble plus prometteuse. Ces ont été créés à travers l’engagement dans l’em- programmes comprennent des « interven- ploi indépendant. tions combinées » offrant une formation à des compétences comportementales, en affaires et techniques dans le cadre d’un forfait complet Combiner les compétences d’interventions. et l’accès au capital Par exemple, en Ouganda, le BRAC a délivré Étant donné la multiplicité des obstacles à une formation aux compétences comportemen- l’entrée dans le secteur des entreprises indi- tales et techniques, destinée aux adolescentes viduelles, les interventions combinées offrant de 14 à 20 ans.9 Il a accru l’emploi de 32 %, une formation aux compétences et un capital principalement à travers l’engagement dans sont également prometteuses. l’emploi indépendant, tout en transmettant Pour stimuler le développement écono- des compétences de la vie courante et réduisant mique et l’emploi dans le nord de l’Ouganda les comportements à risque (Bandiera et coll., après la cessation des hostilités, un programme 2012). Le coût unitaire direct était de 18 dol- a octroyé à des groupes de jeunes des sub- lars EU par adolescente admissible, soit envi- ventions monétaires à utiliser comme capital ron 85 dollars EU par adolescente participant d’investissement et pour la formation profes- au programme. sionnelle. Il a eu des répercussions importantes Au Libéria, un programme destiné aux ado- et durables sur l’emploi et les revenus des lescentes et jeunes femmes combinait des com- participants, en particulier masculins.11 Leurs pétences soit techniques et comportementales revenus réels mensuels ont augmenté de soit en affaires et comportementales. Le pro- 17 785 shillings ougandais (environ 9,88 dol- gramme s’est avéré très efficace pour accroître lars EU) après deux ans et de 19 878 shillings 192 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.11 Des projets en faveur des petites entreprises rurales appuient les compétences et le développement des entreprises au Ghana et au Sénégal Le Fonds international de développement agricole (FIDA) de conseil en entrepreneuriat et 13 centres de technologie soutient des projets en faveur des petites entreprises rurales ruraux dans 24 districts, pour un coût de 30 millions de dol- qui transmettent des compétences et d’autres ressources aux lars EU, financé par le FIDA, la Banque africaine de déve- populations rurales, en particulier les femmes et les jeunes, loppement, l’État du Ghana et les contributions des bénéfi- pour les aider à créer et développer des entreprises locales ciaires du projet (dont 62 % étaient des femmes). Près de la génératrices de revenus et d’emplois en dehors des exploi- moitié (47 %) des participants ont déclaré avoir augmenté tations agricoles. Ces projets peuvent comprendre les com- leurs bénéfices grâce à de meilleures pratiques d’enregistre- posantes suivantes : ment et de comptabilité, et 37 % ont dit avoir amélioré leurs compétences de gestion et de marketing. Après une forma- • Des centres de conseil en entrepreneuriat fournissant un tion technique à des métiers spécialisés, tels que le traite- ensemble de services d’aide au développement des entre- ment de l’huile de palme, la production de tissu teint noué prises, notamment des séminaires d’orientation pour les et de batik, et la fabrication de produits en cuir et de savon, entreprises, une formation axée sur les compétences au 22 000 nouvelles entreprises ont été créées, dont 63 % niveau communautaire, une formation à la gestion des dirigées par des femmes. Environ 15 % des nouvelles entre- petites entreprises, des cours d’alphabétisation et de prises ont ensuite cessé leur activité faute d’un marché, de calcul, et des services d’information et d’orientation. fonds de roulement ou de matières premières, parce que leur • Des centres de technologie ruraux apportant un appui matériel de travail était tombé en panne, ou pour des raisons aux maîtres-artisans, soutenant la formation traditionnelle personnelles telles qu’un déménagement dans une autre par l’apprentissage, promouvant et diffusant les technolo- région. Environ 4 300 prêts ont été décaissés par les banques gies, produisant et réparant l’équipement technologique rurales et les IMF participantes, et 87 % de ces prêts ont destiné aux entreprises individuelles et micro-entreprises été remboursés. La participation des banques et des IMF à la rurales. composante de crédit a toutefois été faible en raison de l’in- • Des services financiers ruraux, offerts en collaboration solvabilité supposée des entreprises nouvellement créées (les avec les institutions financières participantes, comprenant motifs habituels de cette faible participation sont examinés une ligne de crédit ouverte en vue d’une rétrocession aux dans la Note thématique 3.) Des sous-comités chargés des petites entreprises rurales, et une formation des institu- micro-entreprises, mis en place au sein des autorités locales, tions financières participantes en vue de la prestation de aident à maintenir les avantages du projet (voir Encadré services financiers aux groupes vulnérables. 5.7). Bien que la deuxième phase ait spécifiquement visé la • Un soutien aux organisations d’entreprises individuelles et croissance de l’emploi à travers l’expansion des entreprises, micro-entreprises rurales comprenant un appui aux asso- la plupart des nouveaux emplois ont été créés par l’emploi ciations professionnelles locales en vue de l’établissement indépendant dans une nouvelle entreprise (parfois après un et du renforcement de partenariats, et un soutien à un apprentissage rémunéré). Ce résultat renforce l’hypothèse groupe de travail sur le développement des entreprises en que le ciblage des nouvelles entreprises constitue la voie la vue de la formulation de politiques applicables aux entre- plus prometteuse pour la création d’emplois. prises individuelles et micro-entreprises. Le Projet de promotion de l’entrepreneuriat rural En Afrique, le FIDA a mis en œuvre des projets en faveur (PROMER) du Sénégal, lancé par le FIDA en 2006, visait à des petites entreprises rurales au Ghana, à Madagascar, au réduire la pauvreté rurale en encourageant et consolidant Rwanda et au Sénégal. Les impacts et les défis des projets du les entreprises individuelles et micro-entreprises rurales Ghana (mis en œuvre depuis le plus longtemps) et du Séné- rentables, capables d’offrir des emplois stables. Il cherchait gal sont présentés ci-dessous. à renforcer et professionnaliser l’entrepreneuriat rural et à Le Projet en faveur des petites entreprises rurales du améliorer l’environnement politique, juridique et institution- Ghana a été mis en œuvre en deux phases entre 1993 et nel global de ces entreprises. Pour ce faire, il fournissait une 2012. Au cours de la deuxième phase (2003–2012), il a col- combinaison de financement et de formation à des compé- laboré avec le Conseil national de la petite industrie (NBSSI) tences techniques et en affaires. Sa population cible était et la Fondation GRATIS (Ghana Regional Appropriate Tech- composée de jeunes et de femmes de 18 à 35 ans des zones nology Industrial Service) afin de mettre en place 53 centres rurales, pauvres, sans emploi et non scolarisés, qui exploi- (suite) Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 193 Encadré 5.11 (suite) taient déjà une entreprise ou souhaitaient en créer une. La plus. Les apprentis formés de manière informelle par le formation aux compétences techniques concernait principa- boulanger ont ouvert 20 entreprises à leur propre compte et lement les agroentreprises, notamment de transformation ont créé 84 emplois. alimentaire, mais a également profité à 700 entrepreneurs D’autres entreprises rurales n’ont pas remporté autant de des secteurs du traitement des métaux, de la fabrication succès. Certaines ont développé des produits qui ont eu du d’équipement, du textile et de l’habillement, ainsi que du succès sur les marchés ruraux, mais pas dans les villes, en rai- contrôle de l’hygiène et de la qualité. La formation à la ges- son des coûts élevés du transport, d’un mauvais marketing tion a été délivrée à environ 500 entrepreneurs. Le projet a ou d’une qualité insuffisante. La plupart des entrepreneurs coûté 10 milliards de francs CFA entre 2006 et 2013. ont signalé avoir eu des difficultés à maintenir la qualité et Le PROMER a aidé à créer 240 entreprises, à en consoli- une production continue. Les entreprises rurales avaient du der 665 autres, à créer 3 750 emplois et à apprendre à lire à mal à trouver un emplacement urbain où présenter leurs 458 personnes. Il faut habituellement trois à cinq ans pour produits, illustrant ainsi le problème des obstacles multiples. que les entreprises réalisent pleinement leur potentiel, et le Les foires commerciales ont joué un rôle majeur dans l’in- fait de trouver une niche dans l’économie peut être essen- troduction de certains produits ruraux sur un marché plus tiel pour leur réussite. Grâce à ce projet, un boulanger s’est, étendu, en particulier les meubles, et ont attiré de meilleurs par exemple, lancé dans la production de pain traditionnel, contrats qui ont conduit à une modeste création d’emplois. un produit pour lequel la demande est forte dans les zones périurbaines et que les boulangeries modernes ne fabriquent Sources : FIDA, 2011 ; ministère de l’Agriculture du Sénégal, 2011. ougandais (11 dollars EU) après quatre ans, grées les plus prometteuses sont celles s’atta- soit une augmentation de, respectivement, quant à des contraintes multiples, telles que le 49 % et 41 % par rapport au groupe témoin. développement d’un ensemble de compétences La subvention moyenne était de 374 dollars EU ou la combinaison de compétences avec un (673 026 shillings ougandais) par membre des accès amélioré au capital et à l’espace urbain.12 groupes, avec un rendement estimé à 35 à 39 %. Les compétences comportementales et en Un autre programme pilote mis en œuvre affaires sont les plus indiquées pour ces paquets dans le nord de l’Ouganda délivrait aux d’interventions intégrées. Deuxièmement, il femmes très pauvres une formation de quatre n’est pas clair que les propriétaires d’entreprise jours aux compétences en affaires, une sub- individuelle existants aient besoin de plus de vention de démarrage de 150 dollars EU par formation pour améliorer leur productivité ou personne et un suivi régulier par des agents leur soutenabilité. La plupart des opérateurs communautaires qualifiés. Le programme a ne mentionnent pas les compétences (tech- conduit à une forte augmentation des revenus niques ou en affaires) comme leur principal de 98 %, ou 6,50 dollars EU par mois. Le pro- problème. Ils sont beaucoup plus susceptibles gramme s’est avéré particulièrement efficace de citer le besoin de financement ou de clients pour les femmes les plus pauvres. L’assistance (accès aux marchés, informations sur le mar- technique supplémentaire apportée par le suivi ché ou espace de travail). Mais lorsque la for- a eu peu d’impact supplémentaire (Blattmann mation technique ou à la gestion d’entreprise et coll., 2013). Le coût du programme s’élevait est proposée à un coût faible ou nul, la parti- à 688 dollars EU par bénéficiaire. cipation est importante. Les études de suivi Ces résultats ont deux implications princi- prévues dans le programme Jua Kali au Kenya pales pour la conception de programmes visant (Chapitre 3, Encadré 3.7) et le programme du à faciliter l’emploi productif des jeunes dans le FIDA au Ghana (Encadré 5.11) suggèrent que secteur des entreprises individuelles. Première- les participants peuvent tirer des avantages des ment, pour faciliter l’entrée, les stratégies inté- formations techniques basées sur la demande 194 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne et dispensées par des entités privées. En ce qui être surmontés grâce à des initiatives telles que concerne la formation à la gestion d’entreprise, des bons (voir Encadré 3.7 pour le programme les résultats en matière de productivité sont Jua Kali du Kenya) ou des subventions moné- difficiles à déterminer, en particulier pour les taires destinées à des groupes de jeunes (le propriétaires d’entreprise individuelle. programme Youth Opportunities au nord de l’Ouganda ; Blattmann et coll., 2013). Rôle des pouvoirs publics dans le Le manque d’information conduit non seu- développement des compétences lement à un sous-investissement dans la forma- Le rôle des politiques publiques dans le déve- tion, mais aussi à un investissement dans des loppement des compétences des jeunes en vue types de formation qui ne sont pas optimaux. d’un emploi productif dans le secteur des entre- Le manque d’information peut également prises individuelles doit être soigneusement contribuer à fausser les aspirations, les attentes examiné. L’accumulation d’éléments prouvant et les attitudes des jeunes à l’égard de l’emploi que le développement des compétences peut indépendant. Dans ce contexte, les pouvoirs faciliter l’entrée et accroître les revenus dans publics ont clairement un rôle à jouer dans la ce secteur, et que la productivité dépend d’un diffusion d’une meilleure information sur les ensemble de compétences, ne constitue pas un options de formation existantes et les oppor- argument déterminant en faveur du finance- tunités d’emploi. Par exemple, des informa- ment ou de la prestation de la formation aux tions sur les possibilités de formation ou les compétences par les pouvoirs publics. Tous revenus associés aux différents métiers peuvent les types de formation ne sont pas rentables et influencer le choix des femmes en matière de l’offre du secteur privé est habituellement très formation. Comme décrit dans l’Encadré 5.2, diversifiée. Les pouvoirs publics doivent donc au Kenya, les jeunes avaient une percep- évaluer et justifier avec soin le fait d’éventuelle- tion erronée des rendements de la formation ment financer ou dispenser de manière directe professionnelle. des types spécifiques de formation. Pour ce Il y a peu d’arguments justifiant la fourni- faire, les défaillances du marché doivent être ture directe par les pouvoirs publics des types identifiées et pesées par rapport aux risques de formation aux compétences techniques élé- de « défaillance des pouvoirs publics » dans la mentaires déjà délivrés par des prestataires pri- prestation ou le financement de la formation. vés. Les pouvoirs publics ne doivent pas intro- Si les jeunes n’ont pas les moyens de duire des distorsions supplémentaires dans les financer leur formation, les pouvoirs publics marchés de la formation. Les tentatives pour peuvent être appelés à les aider. Les jeunes issus limiter ou réglementer de manière excessive des ménages les plus pauvres sont ceux qui ont les nombreux petits fournisseurs de formation le moins accès à la formation. Par exemple, les se sont avérées inefficaces et doivent être évi- jeunes du quintile le plus riche de la distribu- tées. Les prestataires privés fournissent toute- tion des revenus sont trois fois plus suscep- fois rarement d’autres compétences pourtant tibles de suivre un apprentissage que ceux du intéressantes, telles que les compétences com- quintile le plus pauvre (Chapitre 3). Le genre a portementales ou en affaires. Des politiques également un poids considérable dans la parti- publiques peuvent encourager la transmission cipation à la formation et la sélection des types de ces compétences complémentaires, qui sont de formation. Les femmes sont moins suscep- particulièrement intéressantes dans le secteur tibles de suivre une formation et, quand elles des entreprises individuelles (l’élaboration le font, elles choisissent souvent celles portant de programmes pédagogiques est l’une des sur une gamme limitée de compétences, telles options possibles). que la couture ou le tissage. Dans ce contexte, Dans l’ensemble, les pouvoirs publics ont des politiques publiques visant à faciliter l’in- un rôle plus approprié à jouer dans le finance- clusion peuvent être mises en place. Les inter- ment que dans la prestation de la formation. Ils ventions des pouvoirs publics ont montré que peuvent se servir du secteur privé, notamment les obstacles financiers à la formation peuvent des ONG, pour délivrer les modèles les plus Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 195 prometteurs. L’éventail des formations four- • Axer les programmes destinés aux jeunes sur nies par les prestataires privés est très diversifié, la transition vers le secteur des entreprises de même que leur contenu, leur durée et leur individuelles non agricoles. Ces programmes qualité. Vu le manque de données sur l’offre semblent être les plus efficaces pour facili- complète des formations privées, il est difficile ter l’entrée dans ce secteur, notamment de vérifier si le prix des formations est ou non ceux donnant aux jeunes la possibilité de un bon indicateur de leur qualité. Lorsque les quitter l’agriculture. On dispose de moins pouvoirs publics financent la formation, ils d’information sur la manière d’accroître devraient sérieusement envisager de passer avec revenus de ceux qui exploitent déjà des les ­ les prestataires privés des contrats fondés sur le entreprises individuelles. Les politiques rendement, tenus par des résultats à atteindre visant à faciliter l’entrée sont plus suscep- ou au minimum des indicateurs clés de qualité. tibles de produire les revenus et gains de Par exemple, le programme destiné aux adoles- productivité les plus élevés. centes de l’EPAG (Projet d’autonomisation éco- • Adopter une approche fondée sur des données nomique des adolescentes et jeunes femmes du empiriques et sur les leçons tirées de l’expé- Libéria) a obtenu un taux d’abandon inférieur rience. Il convient au minimum d’encou- à 5 % grâce à des éléments d’une conception rager tous les programmes à suivre et à innovante, qui ont assuré à la formation une documenter leurs résultats. Ce suivi doit participation et une qualité élevées (voir Banque être effectué par les organisations de pres- mondiale, 2012 et Encadré 3.7). Les fournis- tataires et non à l’aide de processus bureau- seurs de formation étaient encouragés par des cratiques et onéreux d’immatriculation et primes de performance, et le programme pré- de certification. Dans l’ensemble, le rôle voyait de fréquentes visites de contrôle surprise des pouvoirs publics dans le développe- pour vérifier la qualité de la prestation. ment des compétences nécessaires au sec- teur des entreprises individuelles doit être Stratégies nationales sélectif, axé sur les performances et basé sur pour les compétences des données empiriques. Comme évoqué De nombreux États élaborent des stratégies plus haut, les combinaisons de prestations nationales pour les compétences, mais ils ne se et les interventions intégrées semblent les concentrent, trop souvent, que sur les marchés plus prometteuses, même si de nombreuses formels du travail et de la formation. Beaucoup questions de conception restent ouvertes, en de ces stratégies ne reconnaissent ni l’impor- particulier en ce qui concerne leur déploie- tance du secteur des entreprises individuelles ment à grande échelle, leur coût et leur non agricoles, ni la prévalence des presta- rentabilité. Pour trouver des interventions taires privés et l’existence des marchés de la rentables et susceptibles d’être déployées formation. à plus grande échelle, les pouvoirs publics Les stratégies pourraient identifier les doivent donc adopter une approche fondée domaines où des défaillances, telles qu’un sur les leçons tirées de l’expérience pour la défaut d’information, existent dans le marché conception, les tests pilotes et l’évaluation de la formation destinée aux entreprises indivi- des modèles. Les données examinées dans duelles et envisager le rôle que des programmes ce chapitre peuvent guider le choix initial et politiques publics pourraient y jouer, en gar- des modèles. dant à l’esprit les remarques faites plus haut. Les • Encourager la réalisation d’interventions pouvoirs publics pourraient également utiliser « combinées » s’attaquant à des obstacles ces stratégies pour fournir des informations multiples. Ces interventions comprennent sur les besoins du marché et les bonnes façons des programmes offrant des formations d’approcher la multitude des bailleurs de fonds aux compétences comportementales, et ONG actifs dans ce domaine. Lors de l’éla- techniques ou en affaires dans le cadre de boration de ces stratégies, les pouvoirs publics paquets complets de prestations ou de pro- peuvent envisager les options suivantes : grammes combinant la formation aux com- 196 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne pétences avec une amélioration de l’accès Accès aux marchés et voix au capital. • Expérimenter le financement de la formation Les propriétaires d’entreprise individuelle déterminé par la demande. Ces expériences actuels et potentiels mentionnent le médiocre devraient inclure l’utilisation de techniques accès aux marchés des intrants et des produits ayant produit des résultats dans d’autres comme une sérieuse contrainte. Même si les programmes, telles que les bons. approches classiques de développement du secteur privé considèrent comme inévitable • Accorder la priorité à l’assistance financière l’exclusion des entreprises individuelles de cer- et aux programmes ciblant les pauvres et les femmes. Le ciblage des pauvres et des tains marchés et des grandes chaînes de valeur, femmes doit être une priorité pour des de récentes recherches contestent cette idée. Les raisons d’efficacité et d’équité. De récentes entreprises individuelles pourraient participer évaluations d’impact ont constaté que aux chaînes de valeur internationales si elles les programmes destinés aux pauvres et parviennent à créer des associations de produc- aux femmes peuvent produire des rende- teurs et si les marchés peuvent être structurés ments élevés (Macours, Premand et Vakis, pour les intégrer. Une récente étude du Moni- 2013). Toutefois, les programmes simple- tor Group met en évidence la manière dont de ment offerts « à la demande » peuvent ne nouveaux modèles commerciaux imaginatifs pas atteindre les pauvres ou les femmes. visant « la base de la pyramide » réussissent En effet, ces groupes peuvent ne pas sou- à intégrer les entreprises individuelles, dans haiter y participer et sont plus susceptibles des pays à faible revenu d’Afrique subsaha- de ne pas disposer des réseaux sociaux en rienne (Kubzansky, Cooper et Barbary, 2011). facilitant l’accès. Pour concevoir des pro- Trois modèles commerciaux distincts ont été grammes inclusifs atteignant les pauvres et identifiés : les femmes, des efforts explicites sont néces- • Distribution par des points de vente infor- saires, ainsi qu’une attention particulière aux mels : Dans ce modèle, une entreprise obstacles auxquels ceux-ci sont confrontés à s’ouvre un accès au marché en exploitant l’entrée dans le secteur des entreprises indi- (et parfois améliorant) des circuits de dis- viduelles et pour obtenir un rendement adé- tribution et de vente informels, afin de quat. Des programmes pilotes tels que celui commercialiser ses produits à travers une du BRAC en Ouganda (ciblant les femmes) multitude fragmentée ou non organisée de doivent être encouragés en tant que moyens petits marchands. d’identifier les approches les plus efficaces et • Production sous contrat : Dans ce modèle, les plus susceptibles d’être déployées à plus une entreprise achète un produit directe- grande échelle. ment auprès d’un grand nombre de petits • Financer l’élaboration d’un programme producteurs sous contrat rassemblés dans pédagogique et de matériel didactique pour des chaînes d’approvisionnement, la plu- la transmission des compétences de base en part du temps rurales. Elle organise la affaires dans les langues locales et l’intégra- chaîne d’approvisionnement par le haut tion de la formation aux compétences dans les et procure à ses fournisseurs les intrants, programmes d’enseignement et de formation. les spécifications, la formation et le crédit Dans le cadre de cet effort, l’utilisation de nécessaires ; en contrepartie, ces derniers lui modules existants, testés et évalués dans le livrent les quantités convenues de produits contexte local, doit être encouragée.13 de spécialité, à un prix équitable et garanti. • Envisager de fournir aux élèves des écoles pri- • Approvisionnement direct : Dans les sys- maires et à leurs parents des informations sur tèmes d’approvisionnement direct, une les opportunités économiques existant dans le entreprise contourne les intermédiaires secteur des entreprises individuelles et sur les traditionnels en se fournissant directement types de formation qui ont obtenu les meil- auprès de vastes réseaux de producteurs à leurs résultats. faible revenu, souvent après leur avoir dis- Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 197 pensé la formation nécessaire pour qu’ils approvisionner leurs chaînes de valeur en tant « Mon principal puissent satisfaire aux normes de qualité et que sous-traitants. problème autres spécifications. Les jeunes sont bien placés pour participer est la rude à ce genre d’initiatives. Ils adoptent plus faci- Le premier modèle, dirigé par le produc- concurrence, lement les nouvelles méthodes et technologies teur, est sans doute le plus connu. Il a, entre aggravée par introduites par les grandes compagnies dans le autres, été utilisé par Coca-Cola, Bayer, les secteur des entreprises individuelles. Tel a été les clients qui opérateurs de téléphonie mobile ou le système paient en retard en particulier le cas dans les chaînes de valeur M-PESA de services monétaires par téléphone ou pas du tout, de la téléphonie mobile et des transactions mobile. À l’aide de méthodes de distribution notamment monétaires mobiles, où beaucoup de jeunes ont très simples, ces compagnies ont réussi à for- les autorités décroché leur premier emploi en tant que ven- ger des liens avec des entreprises individuelles deurs de temps de communication ou de télé- du sous-comté, afin d’exploiter de vastes circuits commer- ciaux de petits marchands pour commerciali- phones à carte. De manière générale, les pou- dont le défaut ser leurs produits ou services. Kottoh (2008) voirs publics n’ont pas joué un rôle direct dans de paiement a observé qu’au Ghana, la multiplication des la mise en place de ces initiatives qui requièrent m’a contraint ventes de crédits de téléphonie mobile réa- une expertise du secteur privé. Néanmoins, ils à licencier. » lisées par des colporteurs pour le compte de peuvent leur apporter un appui en encoura- Ouganda MTN, Vodafone et autres géants des télécom- geant les partenariats et le financement de l’as- munications rapporte aux entreprises indivi- sistance technique et du capital-risque initial duelles des revenus supérieurs à la moyenne, par les bailleurs de fonds, ainsi qu’en mettant en tout en profitant à ces grandes compagnies. En place un environnement favorable. Ainsi, l’État formant de petits commerçants à devenir ses a été un partenaire clé dans le déploiement de agents dans les zones urbaines et périurbaines l’initiative des Paniers de la paix au Rwanda du Kenya, M-PESA a rapidement conquis une (Encadré 5.12). De même, la subvention condi- part dominante du marché national des trans- tionnelle octroyée par le Département pour le ferts et transactions monétaires par téléphonie développement international du Royaume-Uni mobile. a aidé à développer M-PESA, avec l’appui de la Les deuxième et troisième modèles sont banque centrale du Kenya. dirigés par l’acheteur, dans la mesure où celui- ci aide à organiser la chaîne de valeur de façon à Associations ce que les producteurs puissent avoir accès à un Les associations d’entreprises individuelles marché plus important ou plus sûr. Pour que sont indispensables au bon développement ces modèles puissent être appliqués, les entre- du secteur. En effet, parce qu’ils sont des mil- prises individuelles productrices doivent être lions à exploiter autant de minuscules négoces organisées en associations ou coopératives, avec très dispersés, les propriétaires d’entreprise lesquelles l’acheteur collabore en vue d’obtenir individuelle ne s’expriment pas d’une seule un produit destiné à un marché défini par lui. voix et peinent à se faire entendre des mul- Par exemple, l’acheteur fournit à l’association tiples acteurs du processus de développement. ou à la coopérative les spécifications du produit Séparément, les entreprises individuelles sont et la formation nécessaire, puis gère et contrôle des cibles faciles pour des fonctionnaires ou la qualité de la production. Le modèle de pro- des agents économiques prêts à les exploiter duction sous contrat a donné des résultats (Encadré 5.13). Leur contribution à l’économie très satisfaisants dans le secteur de l’artisanat locale n’est, la plupart du temps, pas reconnue. (Encadré 5.12). Il repose sur l’existence d’un Les politiques et réglementations étant conçues entrepreneur attentif au sommet de la chaîne sans tenir compte de leur opinion, elles sont de valeur, qui organise à la fois la production souvent sur- ou sous-réglementées (Roever, et les exportations à travers des circuits de dis- 2006). Les associations d’entreprises indivi- tribution existants. Dans le modèle d’appro- duelles rendent possible l’organisation des visionnement direct, de grands contractants consultations indispensables à l’élaboration et font appel à des entreprises individuelles pour à la mise en œuvre réussie de projets visant à 198 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 5.12 Faire entrer une entreprise individuelle sur le marché international : Gahaya Links et les Paniers de la paix du Rwanda Ces paniers issus de la tradition rwandaise de la vannerie paniers et à l’utilisation de matériaux plus robustes. Pour arri- ont réussi à se faire une place dans les ménages américains, ver à se développer rapidement, elles ont utilisé les paroisses, transformant ainsi la vie de milliers de vannières rwandaises. les villages et le bouche-à-oreille pour recruter des femmes Depuis des décennies, les femmes du Rwanda produisent sous contrat. Elles ont mis en place un programme de for- des paniers coniques uniques en leur genre, traditionnelle- mation rigoureux destiné au départ à des maîtres-vannières ment destinés à contenir des cadeaux de mariage. Ils sont appelées à former ensuite d’autres femmes de la région à fabriqués à partir de papyrus blanchi et de feuilles de bana­ respecter des normes de qualité exigeantes. L’État rwandais nier. Leur motif en zigzag raconte l’histoire très ancienne les a aidées en organisant ces vannières indépendantes en d’amis faisant route ensemble et s’arrêtant en chemin dans coopératives et en construisant des centres de formation les villages voisins. Les femmes qui tissaient ces paniers à la locaux. Le Rwanda a également rejoint l’African Growth maison allaient ensuite les vendre dans les rues des quartiers Opportunity Act (AGOA — la loi du Congrès américain en touristiques. En 1995, Janet Nkubana, alors gérante d’un faveur de la croissance et des opportunités en Afrique) per- hôtel à Kigali, a eu l’idée d’y installer une boutique pour ven- mettant ainsi à l’artisanat africain d’être commercialisé aux dre ces paniers. Lors d’une visite à sa sœur aux États-Unis, États-Unis en franchise de droits. En 2005, la participation de elle en a emporté quelques-uns, avec l’idée de les vendre Gahaya Links à un salon professionnel de New York, parrainé là-bas. Leur popularité a été telle que les deux sœurs ont par l’Agence américaine pour le développement internatio- décidé de les faire fabriquer par des vannières et de les com- nal, lui a permis d’entrer en relation avec des chaînes inter- mercialiser dans le monde entier. Les paniers ont alors été nationales de grands magasins. rebaptisés « paniers de la paix », car les groupes de vannières En 2007, les ventes annuelles déclarées par Gahaya Links rassemblaient des femmes hutues et tutsies, pour lesquelles atteignaient 300  000 dollars EU. La même année, pour ce travail collectif constituait un moyen de surmonter les fabriquer son produit, l’entreprise a embauché sous contrat blessures du passé. environ 3 200 femmes appartenant à des entreprises indivi- Gahaya Links a débuté en employant 27 vannières. Un duelles de vannerie des tout le Rwanda. Gayaha Links prend article paru dans Marie-Claire, décrivant le rôle des paniers de des commandes pour des modèles standardisés, et les van- la paix dans la réconciliation, lui a amené 1 000 commandes nières touchent un tiers du produit de la vente. L’entreprise et une notoriété internationale. Ces commandes ont été un prospère parce qu’elle se concentre sur la qualité et forme défi pour Gahaya Links, mais aussi une occasion d’identifier les vannières à livrer des produits d’une valeur constante aux et éliminer les défauts de ses produits, et de mettre en place yeux des consommateurs internationaux. un nouveau modèle d’entreprise. Les deux sœurs ont tra- vaillé avec les vannières à l’uniformisation des modèles de Source : Banque mondiale, 2008. fournir des biens publics profitant aussi bien valeur. Procter & Gamble, par exemple, passe aux entreprises individuelles qu’à l’économie par l’association des coiffeurs du Ghana pour locale (par exemple la création d’un groupe- communiquer l’information sur les nouveaux ment d’ateliers au Ghana, décrite dans l’Enca- produits qu’il introduit sur le marché. dré 5.9). Les acteurs économiques désireux de Les pouvoirs publics créent rarement des travailler avec des entreprises individuelles pour organisations participatives efficaces, mais ils renforcer leurs chaînes de valeur ont également peuvent facilement saper leurs efforts. Les stra- besoin d’organisations de producteurs efficaces tégies nationales doivent reconnaître la néces- avec qui établir des partenariats. Les associations sité d’associations efficaces. Les politiques et d’entreprises individuelles peuvent également réglementations publiques locales relatives à constituer des canaux de diffusion de l’infor- l’utilisation des espaces publics doivent recon- mation relative aux programmes d’appui et aux naître le besoin de consulter les entreprises opérateurs du secteur privé cherchant à intégrer individuelles et promouvoir la formation d’as- les entreprises individuelles à leur chaîne de sociations locales pour faciliter le processus. Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 199 Encadré 5.13 Des associations d’entraide pour réduire l’isolement et l’exploitation Obtenir le droit à la parole dans le dialogue national sur les sentantes de la SEWA ont participé en 2010 à l’élaboration politiques est particulièrement difficile pour les jeunes Afri­ de la législation nationale sur le harcèlement sexuel sur le cains, dont les moyens d’existence dépendent majoritaire- lieu de travail, une loi couvrant explicitement les travailleuses ment d’activités ne relevant pas de l’emploi salarié classique domestiques, et en 2004, à la formulation d’une politique (et qui n’en relèveront toujours pas dans un avenir prévi­ nationale sur les colporteurs et marchands ambulants. sible). Ces activités souffrent, par nature, d’une forte fluc- Étant donné que le travail non salarié devrait perdurer tuation de leurs revenus, d’une absence de recours légal en Afrique et que l’âge et le genre en sont des dimensions en cas d’expropriation ou de vol, et d’un accès limité aux importantes, rechercher des moyens de le soutenir semble programmes de filets de sécurité sociale. Ces faiblesses sont une meilleure façon d’aller de l’avant que l’ignorer, le « for- aggravées par une incapacité à influencer les politiques tou­ maliser » ou l’éliminer. À de rares exceptions près (telles que chant les conditions de travail. Pour les femmes et les jeunes, la Confédération des syndicats du Ghana), la participation sur-représentés au sein de la plupart des formes d’« emploi des syndicats au dialogue sur les politiques ne devrait pas vulnérable »a en Afrique, il est particulièrement impérieux de suffire, dans la mesure où ils n’intègrent classiquement pas disposer de moyens formels d’accéder aux responsables des les travailleurs non-salariés dans la population active. Les politiques et de se rendre visibles sur la scène publique. politiques relatives à des domaines aussi divers que la gestion Le problème n’est pas insoluble. Les dernières décennies des ressources naturelles, le zonage urbain, le harcèlement ont vu apparaître de nouveaux modèles d’action collective sexuel et la discrimination fondée sur le genre, le salaire permettant aux travailleurs indépendants de défendre direc- minimum et les filets de sécurité sociale concernent tous tement leurs intérêts auprès des acheteurs, des vendeurs et les travailleurs, et pas seulement la minorité officiellement de l’État, souvent à des niveaux multiples (local, national et dotée d’un contrat ou immatriculée en tant qu’entreprise. international). Ces « associations de travailleurs » occupent Sans associations pour représenter légitimement leurs inté- une place unique, quelque part entre une ONG, délivrant rêts, les travailleurs informels ont peu de chances de se faire des services à ses membres, et un syndicat, représentant les entendre ou d’être pris au sérieux. travailleurs dans les négociations avec les employeurs. Elles Bien qu’aucune organisation possédant l’envergure et se multiplient en Afrique et dans d’autres régions et com- l’expérience de la SEWA n’ait encore vu le jour en Afrique, mencent à se faire reconnaître comme un moyen durable plusieurs appliquent déjà des modèles similaires. Leurs résul- d’améliorer la situation du travail non salarié. tats vont de la simple amélioration de la visibilité des proprié- La plus vaste association du monde, et sans doute la plus taires d’entreprise individuelle et des travailleurs occasionnels célèbre, se trouve en Inde. Fondée en 1972, la Self-Employed dans les statistiques nationales, jusqu’à des actions d’une Women’s Association (SEWA — Association des femmes plus grande portée, telles que l’intégration de ces mêmes indépendantes) a brisé le carcan des traditions en créant des catégories dans les programmes publics d’assurance mala- organisations de rouleuses de cigarettes, porteuses d’eau et die. Les associations de marchands ambulants font partie de autres travailleuses, qui n’avaient pas d’« employeurs » avec celles qui ont le mieux réussi à ce jour. Elles ont, par exemple, qui négocier et étaient donc exclues du mouvement syndical. permis aux marchands ambulants du Ghana, du Kenya, du Après des décennies passées à mettre au point des modes Liberia et d’Afrique du Sud de bénéficier d’une alphabétisa- d’organisation innovants pour la négociation avec les muni- tion et d’une formation aux compétences, d’organiser des cipalités, les acheteurs (tels que les manufactures de tabac garderies et écoles informelles, de réhabiliter des marchés, et de vêtements) et d’autres acteurs (tels que les conseils de financer leurs activités et de gérer l’approvisionnement, le de gestion des forêts), la SEWA s’est imposée comme l’un transport et l’entreposage de leurs marchandises. des principaux moteurs du mouvement syndical indien. Ses activités consistent, entre autres, à obtenir des cartes a. Pour l’OIT, l’« emploi vulnérable » recouvre l’ensemble des travailleurs d’identité officielles permettant aux travailleuses d’accéder pour leur propre compte et des travailleurs familiaux non rémunérés. aux programmes publics de protection sociale, à organiser Les personnes en situation d’emploi vulnérable « sont moins suscep- des programmes de développement et de mise à niveau des tibles d’avoir un travail régi par des dispositions formelles et donc plus compétences de ses membres, à négocier la rémunération susceptibles d’être privées des avantages associés à un emploi décent, des contractuelles payées à la pièce, à procurer des empla- tels qu’une protection sociale adéquate et des mécanismes de dialogue social efficaces. L’emploi vulnérable se caractérise également par une cements et des permis aux vendeuses travaillant sur les mar- rémunération insuffisante, une faible productivité et des conditions de chés, et à faire pression en faveur d’un meilleur accès des travail difficiles pouvant porter atteinte aux droits fondamentaux des récolteuses de gomme aux forêts et aux marchés. Des repré- travailleurs » (OIT, 2010). 200 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Les bailleurs de fonds et autres acteurs inter- viduelles. À la place, ils ont une stratégie frag- nationaux peuvent être utiles en encourageant mentée et concentrée sur le secteur salarié pour et soutenant ces associations. Le financement l’emploi des jeunes, et une autre stratégie pour de bailleurs de fonds octroyé aux associa- les PME. Cette combinaison ne fonctionne pas. tions d’entreprises individuelles par le biais Les initiatives destinées aux PME atteignent de la Confédération des syndicats du Ghana rarement les entreprises individuelles ; les pro- a contribué à renforcer les capacités de ces jets à petit echelle des ONG ne parviennent pas groupes, et l’appui à la création d’associations à toucher suffisamment de propriétaires poten- locales d’entreprises individuelles a été intégré tiels d’entreprises individuelles pour avoir un au mandat des centres de conseil aux entre- impact significatif. prises soutenus par le Projet du FIDA pour les En se fondant sur une vision acceptée de entreprises rurales au Ghana. la capacité potentielle du secteur à créer des emplois productifs, la stratégie nationale pour les entreprises individuelles doit adopter une Conclusion approche axée sur la demande et s’attaquer aux principaux obstacles à la création et au main- tien de ces entreprises. Elle doit comprendre les Les pouvoirs publics doivent sérieusement éléments suivants : prendre en compte le potentiel de création d’emplois pour les jeunes du secteur des • Des stratégies nationales. Les stratégies pour entreprises individuelles. Même la croissance la croissance et l’emploi doivent recon- économique exceptionnelle des secteurs non naître le potentiel du secteur et prévoir agricoles n’a pas été et ne sera pas suffisante un cadre des politiques favorable. Elles pour générer les emplois salariés nécessaires doivent approuver la création d’associa- pour absorber à la fois les nouveaux arrivants tions indépendantes d’entreprises indivi- sur le marché du travail et ceux qui cherchent duelles, afin de réduire les coûts nécessaires à quitter l’agriculture. La part des entreprises pour atteindre chacune des entreprises, et individuelles dans la population active n’est pas de donner au secteur un droit de parole au en train d’augmenter à cause de faiblesses dans sein du processus de prise de décision des la réglementation et la croissance économique, pouvoirs publics. Les buts à atteindre dans mais parce que les ménages qui parviennent le secteur devraient être l’accroissement du à survivre dans ce secteur gagnent de l’argent nombre d’entreprises et l’augmentation de (plus que ceux ne dépendant que de l’agricul- leur productivité. ture ou d’emplois occasionnels). • Des politiques urbaines. Les entreprises indi- Les jeunes perçoivent ces opportunités et viduelles doivent y être reconnues comme essayent d’intégrer le secteur, mais ils sont bri- un moteur important du développement dés par le manque de capital, d’information sur économique local. Les autorités locales les marchés et les possibilités, de compétences doivent leur rendre des comptes et les faire améliorant leur productivité, et de lieux où participer aux processus de décision relatifs travailler. Parce que le secteur des entreprises à l’aménagement, zonage et utilisation du individuelles se développe à mesure que de territoire, aux marchés et régimes fonciers, nouvelles entreprises voient le jour, la stratégie et aux infrastructures. Les associations pour l’accroissement de l’emploi dans ce sec- d’entreprises individuelles doivent être teur consiste à encourager la création d’entre- encouragées au niveau local afin que leurs prises, soutenir l’augmentation des revenus membres puissent se faire entendre. et renforcer la soutenabilité. Les initiatives les • Un meilleur accès des ménages au finance- plus efficaces seront celles qui lèveront les prin- ment. Une réforme de la réglementation cipaux obstacles à la création d’entreprises : le est nécessaire pour pouvoir réduire les frais manque de financement et de lieux de travail. des services bancaires de détail, encourager La plupart des pays n’ont pas de stratégie l’épargne et concevoir des produits destinés de ce type pour le secteur des entreprises indi- aux jeunes. Les ONG doivent être incitées Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 201 à mettre en œuvre des stratégies peu coû- des jeunes en Afrique, dont 79 dispensant une teuses, telles que les associations villageoises formation aux compétences. Dans un examen d’épargne, pour aider les jeunes à se consti- des interventions d’appui aux jeunes travail- tuer un capital de démarrage. leurs d’Afrique subsaharienne, Rother (2006) concluait que « dans la plupart des cas, ces pro- • Des stratégies plus efficaces pour les com- grammes comprennent des éléments visant à pétences. Les pouvoirs publics doivent aider les jeunes à créer leur propre entreprise, concentrer leurs efforts sur des programmes associés à des composantes de développement d’amélioration du marché, tels que ceux des compétences et de formation ». diffusant de l’information sur les oppor- 4. À l’extérieur de l’Afrique, peu d’études prouvent tunités ou facilitant l’accès des jeunes défa- qu’une formation technique facilite, à elle seule, vorisés aux formations existantes, et non l’entrée dans l’emploi indépendant. Par exemple, tenter de délivrer directement la formation. une formation aux compétences n’a pas eu Ils doivent également investir de façon judi- d’impact significatif sur un échantillon de parti- cipants à un programme de mise au travail dans cieuse dans des programmes de formation une région d’Argentine très dépendante des de qualité visant à aplanir les multiples obs- aides sociales (Galasso, Ravallion et Salvia, 2004). tacles, soit en développant un ensemble de 5. Bien que le nombre des programmes de forma- compétences (techniques, commerciales et tion aux compétences en affaires ou à la littératie comportementales, par exemple) soit en financière ait augmenté en Afrique (voir Messy combinant compétences et capital. et Monticone, 2012 ; Xu et Zia, 2012), seule une • Un développement des chaînes de valeur. poignée d’évaluations d’impact récentes analyse Cette activité concerne essentiellement le leurs effets sur l’engagement dans une activité secteur privé. Les pouvoirs publics doivent indépendante. Par exemple, la plupart des éva- encourager les entrepreneurs sociaux à luations citées par Messy et Monticone (2012) analysent l’impact sur les résultats intermé- intégrer les entreprises individuelles dans le diaires (tels que le niveau de littératie financière développement des chaînes de valeurs. ou le comportement d’épargne), mais pas sur les • Des associations. Les associations sont par- résultats en matière d’emploi (tels que l’engage- ticulièrement importantes au niveau local. ment dans une activité indépendante) ou sur les Une réglementation sur la consultation revenus. avant la planification ou la mise en œuvre 6. Dans les pays développés, Oosterbeek, van Praag de l’aménagement du territoire doit encou- et Ijsselstein (2008) ont étudié l’impact d’une rager les autorités locales à passer par des éducation à l’entrepreneuriat sur les compé- associations indépendantes d’entreprises tences et les intentions des étudiants. Il en est ressorti que ce programme n’avait pas eu les individuelles. Les bailleurs de fonds et effets escomptés, à savoir que son impact était les ONG doivent étendre leur appui à ces négligeable sur les compétences entrepreneu- associations, en les aidant à renforcer leurs riales des étudiants évaluées par eux-mêmes et capacités. qu’il était fortement négatif sur leur intention de devenir entrepreneur. Notes 7. Pour le Pakistan, voir Giné et Mansuri (2011). 1. Dans de nombreux pays, les ménages ruraux Pour le Pérou, voir Karlan et Validivia (2011). comprennent les ménages situés dans les bour- Pour le Sri Lanka, voir De Mel, McKenzie et gades de marché ou les zones périurbaines. Ils Woodruff (2012a). Pour la République domini- sont souvent dits ruraux parce que l’agriculture caine, voir Drexler, Fischer et Schoar (2010). reste leur principale activité économique. 8. Le programme de formation à la gestion d’en- 2. Cette section s’appuie sur des études des entre- treprise comportait 21 sessions de 45 minutes prises individuelles réalisées par la Banque mon- et abordait des sujets tels que l’entrepreneuriat diale en République du Congo, au Ghana, au et le caractère de l’entrepreneur, l’amélioration Kenya, au Rwanda, en Tanzanie et en Ouganda, du service à la clientèle, la gestion du personnel ainsi que sur des examens plus larges de la litté- de l’entreprise, et les stratégies de commerciali- rature et des données empiriques. sation. Dans l’ensemble, les résultats indiquent 3. Au moment de la rédaction de cet ouvrage, que le principal obstacle empêchant les proprié- on dénombrait 86 projets destinés à l’emploi taires de micros et petites entreprises pauvres 202 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne d’accroître leur productivité pourrait être le les bénéficiaires d’un programme de transferts manque de capital humain. Ils soulignent éga- monétaires ont reçu soit une formation tech- lement la nécessité de mesures plus complètes nique, soit une subvention aux entreprises. La pour promouvoir le développement des femmes composante subvention aux entreprises a mené entrepreneures. à des engagements dans l’emploi indépendant et 9. Ce programme a été mis en œuvre dans des à une augmentation du revenu et de la consom- zones urbaines et rurales à l’aide de « clubs de mation moyens. La composante formation pro- développement pour les adolescentes », dont fessionnelle a conduit à des engagements dans les activités avaient une femme pour mentor. l’emploi indépendant chez les pauvres et à une Il s’adressait à des jeunes filles de 14 à 20 ans, augmentation des salaires des non-pauvres, mais encore scolarisées ou ayant abandonné leurs n’a eu, en moyenne, aucun impact sur le revenu études. Sur l’ensemble des jeunes filles des com- ou la consommation (Macours, Premand et munautés ciblées, 21 % ont participé à la forma- Vakis, 2013). Les deux composantes ont égale- tion, et parmi elles, 85 % ont suivi la formation ment aidé les ménages à se protéger des chocs en aux compétences de la vie courante et 53 % la lissant leurs revenus grâce à une diversification formation professionnelle (principalement la de leurs activités (Macours, Premand et Vakis, confection et la couture sur mesure). 2012). 10. Cette combinaison était principalement conçue 13. Parmi les exemples de modules largement uti- pour aider les femmes à obtenir un emploi sala- lisés figurent le programme Gérez mieux votre rié. La principale raison de son impact décevant entreprise de l’OIT (http://www.ilo.org/empent est la faible demande de ce type de diplômées /areas/start-and-improve-your-business/lang-- dans le secteur de l’emploi salarié. fr/index.htm) et du matériel divers produit par 11. Les subventions monétaires ciblant les groupes le Corps de la paix (http://www.peacecorps.gov de jeunes peuvent influencer l’orientation pro- /library/pubindex/) ; voir par exemple le Guide fessionnelle et améliorer les revenus. Blattman, de formation à la microentreprise (http:// Fiala et Martinez (2013) évaluent l’impact du files.peacecorps.gov/multimedia/pdf/library programme Youth Opportunities mis en œuvre /M0068_microent.pdf). par l’État ougandais dans le cadre du Fonds d’action sociale pour le nord de l’Ouganda. Ce Références programme s’adressait à des groupes de 10 à 30 Ayyagari, Meghana, Asli Demirgüç-Kunt et Vojislav jeunes, dont chaque membre a touché une sub- Maksimovic. 2011. “Small vs. Young Firms across the World: Contribution to Employment, Job vention d’en moyenne 374 dollars EU. (Même Creation, and Growth.” Document de travail si les participants étaient considérés comme consacré à la recherche sur les politiques 5631, pauvres au regard de la plupart des critères, le Banque mondiale, Washington, DC. candidat moyen se situait légèrement au-dessus Bandiera, Oriana, Robin Burgess, Selim Gulesci, du niveau moyen de richesse et d’éducation de Imran Rasul et Munshi Sulaiman. 2012. “Can la région. Par exemple, 93 % avaient fréquenté Entry-Level Entrepreneurship Transform the l’école primaire, 45 % l’enseignement secon- Economic Lives of the Poor?” London School of daire, et seuls 7 % étaient sans instruction.) Economics. Parmi les bénéficiaires d’un transfert monétaire, Banque mondiale. 2008. “Weaving Peace in 80 % se sont inscrits à une formation profes- Rwanda.” In Doing Business: Women in Africa, sionnelle, et la plupart ont massivement investi 17—21. Washington, DC: Banque mondiale. dans des actifs pour l’entreprise. Ce programme ———. 2012. “Preliminary EPAG Midline Report: a efficacement modifié le type de travail exercé Economic Empowerment of Adolescent Girls par les jeunes dans un environnement où la and Young Women (EPAG) Project in Liberia.” majeure partie de l’emploi se trouve en dehors Banque mondiale, Washington, DC. du secteur salarié moderne : 68 % des bénéfi- ———. 2013. “Time to Shift Gears: Accelerat- ciaires de la subvention ont trouvé un emploi ing Growth and Poverty Reduction in the New qualifié, contre 34 % dans le groupe témoin. Les Kenya.” Kenya Economic Update, Banque mon- revenus nets des bénéficiaires étaient également diale, Washington, DC. plus élevés : en moyenne, ils dépassaient de 50 % Banque mondiale et IPAR (Institute of Policy ceux du groupe témoin, avec un rendement de la Analysis and Research Rwanda). 2012. “Rais- subvention initiale de 35 % par an. ing Productivity and Reducing Risks of House- 12. On trouve un autre exemple d’intervention hold Enterprises in Rwanda.” Banque mondiale, intégrée dans les zones rurales du Nicaragua, où Washington, DC. Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 203 Berge, Lars, Kjetil Bjorvatn et Bertil Tungodden. enterprises in Sri Lanka.” Science 335 (6071): 2011. “Human and Financial Capital for Micro- 962–66. Doi : 10.1126/science.1212973. enterprise Development: Evidence from a Field De Wolf, Stefan, Yves Rolland Rakotoarisoa, and Lab Experiment.” Document de synthèse Laurence Vanpaeschen et Honoré Rabekoto. 1/2011 du Département d’économie de la NHH, 2008. Madagascar: Le grand livre des petits Institut Chr. Michelsen, Bergen. métiers: Portraits of Daily Life Professions. Heule, Blattman, Christopher, Nathan Fiala et Sebastian Belgique: Editions Snoeck. Martinez. 2013. “Credit Constraints, Occupa- Drexler, Alejandro, Greg Fischer et Antoinette S. tional Choice, and the Process of Development: Schoar. 2010. “Keeping It Simple: Financial Long-Run Evidence from Cash Transfers in Literacy and Rules of Thumb.” Document de Uganda.” Columbia University, New York. réflexion CEPR, Centre for Economic Policy Blattman, Chris, Eric Green, Jeannie Annan et Research, London. http://dev3.cepr.org/meets/ Julian Jamison, avec F. Aryemo, N. Carlson, wkcn/7/784/papers/FischerFinal.pdf. M. Emeriau et A. Segura. 2013. “Building Fafchamps, Marcel, David McKenzie, Simon Quinn Women’s Economic and Social Empowerment et Christopher Woodruff. 2011. “When Is Capital through Enterprise: An Experimental Assess- Enough to Get Female Microenterprises Grow- ment of the Women’s Income Generating Sup- ing? Evidence from a Randomized Experiment port (WINGS) Program in Uganda.” Innovations in Ghana.” Document de travail CSAE 2011- for Poverty Action, New Haven, CT. http://www 11, Centre for the Study of African Economies, .poverty-action.org/sites/default/files/wings_ Oxford. full_policy_report_0.pdf. Falco, Paolo, William F. Maloney, Bob Rijkers et Bridges, Sarah, Louise Fox, Alessio Gaggero et Mauricio Sarrias. 2012. “Heterogeneity in Sub- Trudy Owens. 2013. “Labour Market Entry and jective Well-Being: An Application to Occupa- Earnings: Evidence from Tanzanian Retrospec- tional Allocation in Africa.” Document de travail tive Data.” Document préparé pour la conférence consacré à la recherche sur les politiques 6244, du CSAE “Economic Development in Africa”, Banque mondiale, Washington, DC. Oxford University, Oxford (mars) FIDA (Fonds international de développement Bruhn, Miriam et Bilal Zia. 2011. “Stimulating agricole). 2011. « Promouvoir la croissance Managerial Capital in Emerging Markets: The et le développement des entreprises rurales : Impact of Business and Financial Literacy for enseignements tirés de quatre projets menés en Young Entrepreneurs.” Document consacré à Afrique subsaharienne », Expériences de terrain la recherche sur les politiques 5642, Banque 2, FIDA, Rome. mondiale, Washington, DC. FinMark Trust. 2011. “Financial Education in Campos, Francisco, Markus Goldstein, Laura Zambia: What Does Fin Scope Tell Us?” Financial McGorman, Ana Maria Munoz Boudet et Obert Access Matters 6, Marshalltown, Afrique du Sud. Pimhidzai. 2013. “Breaking the Metal Ceiling: http://www.finmark.org.za/publication Female Entrepreneurs Who Succeed in Male- /financial-education-in-zambia-what-does Dominated Sectors in Uganda.” Fondation des finscope-tell-us/. Nations Unies ; Fondation Exxon Mobile. Fox, Louise et Obert Pimhidzai. 2012. “Is Informal- Cho, Yoonyoung, Davie Kalomba, Mushfiq ity Welfare-Enhancing Structural Transforma- Mobarak et Victor Orozco. 2012. “The Effects of tion? Evidence from Uganda.” Document de Apprenticeship Training for Vulnerable Youth in travail consacré à la recherche sur les politiques Malawi.” Document de travail, Banque mondiale, 5866, Banque mondiale, Washington, DC. Washington, DC. ———. 2013. “Different Dreams, Same Bed: Cole, Shawn, Thomas Sampson et Bilal Zia. Collecting, Using, and Interpreting Employ- 2011.“Prices or Knowledge: What Drives ment Statistics in Sub-Saharan Africa: The Case Demand for Financial Services in Emerging of Uganda.” Document de travail consacré à la Markets?” Journal of Finance 66 (6): 1933–67. recherche sur les politiques 6436, Banque De Mel, Suresh, David McKenzie et Christopher mondiale, Washington, DC. Woodruff. 2012a. “Business Training and Female Fox, Louise et Thomas Pave Sohnesen. 2012. Enterprise Start-up, Growth, and Dynamics: “Household Enterprises in Sub-Saharan Africa: Experimental Evidence from Sri Lanka.” Docu- Why They Matter for Growth, Jobs, and Live- ment de travail consacré à la recherche sur les lihoods.” Document de travail consacré à la politiques 6145, Banque mondiale, Washington, recherche sur les politiques 6184, Banque DC. mondiale, Washington, DC. ———. 2012b. “One-Time Transfers of Cash or ———. 2013. “Household Enterprises in Mozam- Capital Have Long-Lasting Effects on Micro­ bique: Key to Poverty Reduction but Not on the 204 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Development Agenda?” Document de travail référence préparé pour l’évaluation de la pau- consacré à la recherche sur les politiques 6570, vreté 2012, Banque mondiale, Washington, DC. Banque mondiale, Washington, DC. Karlan, Dean, Ryan Knight et Christopher Frazer, Garth. 2006. “Learning the Master’s Trade: Udry.2012. “Hoping to Win, Expected to Lose: Apprenticeship and Human Capital in Ghana.” Theory and Lessons on Micro Enterprise Devel- Journal of Development Economics 81 (2):259–98. opment.” Document de travail NBER 18325, Galasso, Emanuela, Martin Ravallion et Augus- National Bureau of Economic Research, tin Salvia. 2004. “Assisting the Transition from Cambridge, MA. Workfare to Work: Argentina’s Proempleo Karlan, Dean et Martin Valdivia. 2011. “Teaching Program.” Industrial and Labor Relations Review Entrepreneurship: Impact of Business Train- 57(5): 128–42. ing on Microfinance Clients and Institutions.” Gelb, Alan, Taye Mengistae, Vijaya Ramachandran Review of Economics and Statistics 93 (2): 510–27. et Manju Kedia Shah. 2009. “To Formalize or Not Kottoh, M. 2008. “Linking Corporations to House- to Formalize? Comparisons of Microenterprises hold Enterprises: Ghana Telecom (Vodafone from Southern and East Africa.” Document de Ghana) Value Chain.” New Legon Observer, travail CGD 175, Center for Global Develop- Institute of Statistical, Social, and Economic ment, London. Research, University of Ghana. Ghana, République du. 2006. “Poverty Reduction Kubzansky, Michael, Ansulie Cooper et Victoria Strategy Paper.” Commission nationale pour la Barbary. 2011. “Promise and Progress: Market- planification du développement. Rapport FMI Based Solutions to Poverty in Africa.” Monitor 06/225, FMI, Washington, DC, juin. Group. http://web.mit.edu/idi/idi/Africa-%20 Giné, Xavier et Ghazala Mansuri. 2011. “Moneyor PromiseAndProgress-MIM.pdf. Ideas? A Field Experiment on Constraints to Kweka, Josaphat et Louise Fox. 2011. “The House- Entrepreneurship in Rural Pakistan.” Banque hold Enterprise Sector in Tanzania: Why It Mat- mondiale, Washington DC. http://siteresources. ters and Who Cares.” Document de travail sur les worldbank.org/DEC/Resources/Money_or_ politiques 5882, Banque mondiale, Washington, Ideas.pdf. DC. Grimm, Michael, Peter Knorringa et Jann Lay. 2012. Lanjouw, Peter, Jaime Quizon et Robert Sparrow. “Constrained Gazelles: High Potentials in West 2001. “Non-Agricultural Earnings in Periurban Africa’s Informal Economy.” World Development Areas of Tanzania: Evidence from Household 40 (7): 1352—68. Survey Data.” Food Policy 26 (4): 385–403. Grimm, Michael, Jens Krüger et Jann Lay. 2011. Liviga, Athumani et Rugatiri Mekacha. 1998. “Barriers to Entry and Returns to Capital in “Youth Migration and Poverty Alleviation: A Informal Activities: Evidence from Sub-Saharan Case Study of Petty Traders (Wamachinga) in Africa.” Review of Income and Wealth 57 (5): s27– Dar es Salaam.” Rapport de recherche 98.5, 53. doi: 10.1111/j.1475-4991.2011.00453.x. Recherche sur la réduction de la pauvreté, Gulyani, Sumila, Debabrata Talukdar et DarbyJack. Dar es-Salaam. 2010. “Poverty, Living Conditions, and Infra- Lyons, Michal, avec Colman Msoka. 2007. “Micro- structure Access: A Comparison of Slums in trading in Urban Mainland Tanzania: The Way Dakar, Johannesburg, and Nairobi.” Document Forward.” Rapport pour HTSPE Development de travail consacré à la recherche sur les poli- Consulting Services pour le Development Part- tiques 5388, Banque mondiale, Washington, DC ner Group, Tanzanie. Haggblade, Steven, Peter Hazell et Thomas Rear- Macours, Karen, Patrick Premand et Renos Vakis. don. 2010. “The Rural Non-Farm Economy: 2012. “Transfers, Diversification, and Household Prospects and Poverty Reduction.” World Risk Strategies: Experimental Evidence with Development 38 (10): 1429–41. Implications for Climate Change Adaptation.” Hicks, Joan Hamory, Michael Kremer, Isaac Mbit Document de travail consacré à la recherche sur et Edward Miguel. 2011. “Vocational Education les politiques 5137, Banque mondiale, Washing- Voucher Delivery and Labor Market Returns: A ton, DC. Randomized Evaluation among Kenyan Youth.” ———. 2013. “Demand versus Returns? Pro-Poor Rapport pour le Fonds espagnol d’évaluation Targeting of Business Grants and Vocational d’impact (SIEF) Phase II, Banque mondiale, Skills Training.” Document de travail consacré Washington, DC. à la recherche sur les politiques 6389, Banque Inchauste, Gabriela et Sergio Olivieri. 2012.“Under- mondiale, Washington, DC. standing Poverty Reduction in Bangladesh: A McKenzie, David et Christopher Woodruff. 2012. Micro decomposition Approach.” Document de “What Are We Learning from Business Training Créer des emplois productifs pour les jeunes dans le secteur des entreprises individuelles 205 and Entrepreneurship Evaluations around the from a Randomized Trial in Tunisia.” Document Developing World?” Document de travail et de de travail consacré à la recherche sur les poli- recherche de politique 6202, Banque mondiale, tiques 6285, Banque mondiale, Washington, DC. Washington, DC. Roever, Sally. 2006. “Enforcement and Compliance Messy, Flore-Anne et Chiara Monticone. 2012. “The in Lima’s Street Markets: The Origins and Con- Status of Financial Education in Africa.” Docu- sequences of Policy Incoherence toward Informal ment de travail de l’OCDE sur la finance, l’assu- Traders.” In Linking the Formal and Informal rance et les pensions privées 25, Éditions OCDE, Economy: Concepts and Policies, sous la conduit Paris. doi : 10.1787/5k94cqqx90wl-en. de Basudep Guha-Khasnobis, Ravi Kanbure et Ministère de l’Agriculture, Sénégal. 2011. « La pro- Elinor Ostrom, 246–62. Oxford: Oxford Univer- motion des micros et petites entreprises rurales: sity Press. Un moyen efficace pour lutter contre la pauvreté Rother, Friederike. 2006. “Interventions to Support en milieu rural ; livret de capitalisation (PRO- Young Workers in Sub Saharan Africa: Regional MERII) ». Dakar. Report for the Youth Employment Inventory.” Monk, Courtney, Justin Sandefur et Francis Teal. Banque mondiale, Washington, DC. 2008. “Does Doing an Apprenticeship Pay Off? Sisya, Marietta R. 2005. “The Impact of Relocation Evidence from Ghana.” Document de travail of Petty Traders on Income Generation for Local CSAE 2008-08, Centre for the Study of African Authorities to Finance Social Services: The Case Economies, Oxford. of Ilala Municipal Council.” Mémoire de thèse, OIT (Organisation Internationale du Travail). Mzumbe University, Morogoro. 1993. « Résolution concernant les statistiques Tokman, Victor E. 2007. “Modernizing the Informal des heures de travail, adoptée par la quinzième Sector.” Document de travail DESA 42, Départe­ Conférence internationale des statisticiens du ment des affaires économiques et sociales, travail ». OIT, Genève. http://www.ilo.org/public/ Nations Unies, New York. french/bureau/stat/download/res/icse.pdf. Uteng, Tanu Priya. 2011. “Gender and Mobility in ———. 2010. “Tendances mondiales de l’emploi : the Developing World.” Document de référence janvier 2010.” OIT, Genève. pour le Rapport sur le développement dans le Oosterbeek, Hessel, Mirjam van Praag et AukeIjs- monde 2012 : Égalité des genres et développement, selstein. 2008. “The Impact of Entrepreneurship Banque mondiale, Washington, DC. Education on Entrepreneurship Competencies Valdivia, Martin. 2011. “Training or Technical and Intentions: An Evaluation of the Junior Assistance? A Field Experiment to Learn What Achievement Student Mini-Company Program.” Works to Increase Managerial Capital for Female Document de réflexion IZA 3641, Institute for Micro entrepreneurs.” Grupo de Análisis para el the Study of Labor, Bonn. Desarrollo (GRADE), Lima. Pasquier-Doumer, Laure. 2013. “Intergenerational Van Adams, Arvil, Sara Johansson de Silva et Seta- Transmission of Self-Employed Status in the reh Razmara. 2013. Improving Skills Development Informal Sector: A Constrained Choice or Better in the Informal Sector: Strategies for Sub-Saharan Income Prospects? Evidence from Seven West- Africa. Washington, DC: Banque mondiale. African Countries.” Journal of African Economies Xu, Lisa et Bilal Zia. 2012. “Financial Literacy 22 (1): 73—111. doi: 10.1093/jae/ejs017. around the World: An Overview of the Evidence Premand, Patrick, Stefanie Brodmann, Rita with Practical Suggestions for the Way Forward.” Almeida, Rebekka Grun et Mahdi Barouni. 2012. Document de travail consacré à la recherche sur “Entrepreneurship Training and Self-Employ- les politiques 6107, Banque mondiale, Washing- ment among University Graduates: Evidence ton, DC. NOTE Inclusion financière et transition des THématique 3 jeunes vers des moyens d’existence durables L ’inclusion financière est le fait que les En outre, les prêteurs exigeront toujours que individus peuvent obtenir une gamme les emprunteurs consacrent une partie de leurs de produits financiers — épargne, crédit, économies à un projet d’investissement (apport assurance et systèmes de paiement, y com- personnel). L’épargne peut aussi constituer une pris d’envoi de fonds à l’étranger — à un coût forme d’assurance pour les ménages contrac- raisonnable et de façon durable (Gardeva et tant un prêt en vue d’effectuer des investis- Rhyne, 2011). Elle reste inaccessible à de nom- sements potentiellement très rentables, mais breux ménages africains, qui développent géné- risqués. ralement leurs propres stratégies d’épargne Les ménages agricoles doivent épargner et font appel à des prêts de la famille, d’amis et emprunter pour diverses raisons : acqué- ou de prêteurs informels pour répondre à rir et entretenir des terres de culture, acheter leurs besoins de crédit. Le manque d’accès ou louer de l’équipement, acquérir d’autres est au moins aussi important pour les instru- intrants rendant leurs efforts plus productifs. ments d’épargne que de crédit. La plupart des Les ménages qui exploitent une entreprise non ménages ont des difficultés à combler leurs agricole doivent aussi épargner et emprunter déficits, surtout les jeunes, dont l’accès aux pour démarrer et maintenir leur activité. services financiers formels est souvent limité Un facteur de complication pour les par les règlements des banques, l’absence de ménages agricoles et ceux exploitant des entre- produits conçus pour répondre à leurs besoins prises non agricoles est que les finances de l’ex- particuliers et la difficulté d’établir leur solvabi- ploitation agricole, de l’entreprise individuelle lité. Partout en Afrique, la technologie réduit le et du ménage lui-même sont souvent confon- coût et accroît l’accessibilité des services finan- dues, de sorte que la stabilisation des revenus ciers formels. En même temps, l’épargne et les et les besoins de crédit (par exemple, des fonds groupes de crédit informels sont en expansion. pour régler des dépenses occasionnelles telles Ces groupes peuvent constituer un canal pro- que les frais de scolarité ou des réparations à metteur pour l’intégration de programmes l’habitation) peuvent entrer en compétition destinés aux jeunes au sein des communautés, avec les besoins de liquidités de l’exploitation « Il n’est pas notamment des programmes encourageant agricole ou de l’affaire et réduire ainsi poten- facile pour un comportement d’épargne, développant des tiellement la soutenabilité de celle-ci. Pour cette nous d’accéder compétences en affaires et de la vie courante, raison, le manque d’accès au crédit frappe à la au crédit au autonomisant les femmes, et accroissant l’in- fois le ménage et l’entreprise. clusion financière, dans le but de permettre Les agriculteurs jeunes ou débutants et les même titre que aux jeunes d’obtenir des moyens d’existence propriétaires d’entreprise individuelle peuvent les adultes. » durables. Ouganda avoir le plus de difficulté à obtenir du capital, parce que leur capacité à épargner et à emprun- ter est souvent très limitée. Dans de nombreux Manque d’accès à l’épargne pays, les jeunes n’ont pas accès au système et au crédit bancaire formel, même s’ils le souhaitent, parce que les lois interdisent l’ouverture d’un La capacité d’épargner est intimement liée à la compte bancaire avant l’âge de 18 ans.1 Même possibilité d’obtenir du crédit. Sans habitude en l’absence d’obstacles juridiques, les jeunes de mettre régulièrement de l’argent de côté, les peuvent être contraints par le manque de pro- individus ont du mal à rembourser leurs prêts. duits conçus pour répondre à leurs besoins par- 206 Note thématique 3 207 ticuliers en tant qu’épargnants et emprunteurs sont particulièrement soumises à des pres- de petites sommes. sions financières de la part des autres membres Malgré ces restrictions, quelle que soit leur de la famille (Dupas et Robinson, 2009). Les situation (vivant à la maison avec leurs parents, femmes font parfois des efforts extraordinaires séparés ou dans la rue), les jeunes à faible pour mettre de l’argent de côté. Par exemple, en revenu continuent à épargner pour leur scola- Inde, à défaut d’autres mécanismes d’épargne, rité, les situations d’urgence et moins souvent, les vendeuses de marché propriétaires d’entre- pour lancer une entreprise (USAID, 2009). prises existantes disent contracter des prêts L’épargne n’est pas seulement importante pour à des taux d’intérêt très élevés auprès de prê- satisfaire ces besoins, la possession d’actifs teurs informels, de sorte qu’elles sont obligées financiers a par elle-même des effets positifs de mettre chaque jour de l’argent de côté. Elles sur le comportement des jeunes, « en accrois- passent par ce moyen, alors qu’elles pourraient sant l’orientation vers le futur, la réflexion à accumuler beaucoup plus de capital et de pro- long terme, la planification et l’auto-efficacité » fits si elles épargnaient quotidiennement une (Kilara et Latortue, 2012). La recherche montre partie de leurs bénéfices pour financer elles- que les comportements tels que l’épargne et la mêmes leur prochain renouvellement de stock discipline financière se développent mieux à un (Karlan et Appel, 2011). jeune âge. Si les jeunes ne prennent pas l’habi- tude d’épargner, ils auront du mal à démarrer Les ménages africains épargnent, mais et à maintenir des entreprises, agricoles ou non, rarement à la banque par la suite. Comme partout ailleurs, les ménages africains connaissent la valeur de l’épargne. En tenant compte du revenu national, les adultes Afri- Services d’épargne formels : cains sont en fait plus susceptibles d’épargner difficultés et options que les adultes non africains, en particulier des pays à faible revenu (Figure F3.1). Les jeunes Le fait de disposer d’un endroit sûr pour leurs africains des pays à faible revenu déclarent éga- économies permet aux gens d’améliorer leur lement épargner plus que leurs homologues des planification, leurs décisions financières et la pays à revenu similaire. Dans certains pays, plus gestion des risques, tout en gardant leur argent de 20 % des 15 à 25 ans déclarent avoir épargné à l’abri de la tentation (Mullainathan et Sha- un peu d’argent l’année précédente. « Même quand fir, 2011 ; Collins et coll., 2009). Même si à un Bien qu’ils disent économiser, les jeunes et vous n’avez que moment donné, les ménages et les individus les adultes plus âgés n’utilisent pas un compte 100 shillings, à faible revenu ont peu d’argent, l’habitude bancaire à cet effet. Certains passent par des vous pouvez d’épargner peut, avec le temps, le transformer groupes d’épargne informels de leur village ou épargner un en une somme plus importante, susceptible du voisinage, mais beaucoup conservent tout peu d’argent. » d’être utilisée par la suite pour des dépenses simplement leur argent chez eux, l’endroit le Ouganda occasionnelles, telles que les frais de scola- moins sûr. Dans les enquêtes, les jeunes et les rité ou l’investissement dans un stock ou des adultes expriment le souhait de disposer d’un outils pour une entreprise individuelle. Par endroit abordable, pratique et sûr pour garder contre, quand ils n’ont aucun lieu sûr où dépo- leur argent — un service généralement fourni ser leur argent, ils sont beaucoup moins sus- par une banque. ceptibles d’épargner, parce que les difficultés L’accès aux services bancaires augmente avec quotidiennes du ménage et de la famille élargie le revenu et l’urbanisation. La banque est une constituent autant de sollicitations financières à industrie fonctionnant grâce à des économies court terme qui minent l’autodiscipline néces- d’échelle, et elle va donc où se trouvent l’argent saire pour épargner. L’accès à un lieu d’épargne et les clients (à moins que des dispositions par- sûr est particulièrement important pour la ticulières ne soient prises ; voir Encadré F3.1 capacité des femmes à constituer un capital pour un exemple de banque rurale au Ghana). en vue d’une entreprise, parce que celles-ci Étant donné les bas revenus et la faible densité 208 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure F3.1  Pourcentage de la population de 15 ans et plus déclarant avoir eu recours à un mécanisme d’épargne au cours des 12 derniers mois a. 15 à 24 ans b. 25 ans et plus 50 50 40 40 Pourcentage Pourcentage 30 30 20 20 10 10 0 0 Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à Pays à faible revenu revenu faible revenu revenu faible revenu revenu faible revenu revenu revenu intermédiaire intermédiaire revenu intermédiaire intermédiaire revenu intermédiaire intermédiaire revenu intermédiaire intermédiaire de la de la de la de la de la de la de la de la tranche tranche tranche tranche tranche tranche tranche tranche inférieure supérieure inférieure supérieure inférieure supérieure inférieure supérieure Afrique subsaharienne Reste du monde Afrique subsaharienne Reste du monde Formel Informel/club Autre Source : Élaboré à partir des données de FINDEX. de la population en Afrique, le petit nombre des nologique et de la réglementation dans le sec- ménages utilisant les services bancaires formels teur bancaire africain influence les coûts des n’est pas surprenant : seuls 24 % des ménages services financiers et le type de population qui africains ont accès à un compte bancaire. peut y prétendre. Mais l’absence d’un compte bancaire n’est pas tout. Comme dans le reste du monde, Options de réduction des coûts et l’interaction complexe de l’innovation tech- d’extension de la couverture Du côté des banques, les coûts fixes éle- vés de l’exploitation d’une agence (locaux, Encadré F3.1 équipement, personnel, sécurité), la nécessité d’une infrastructure et de services fiables (élec- Banques rurales au Ghana : Atteindre les tricité et communications), et la réticence des clients à utiliser une banque éloignée de leur clients mal desservis par les autres banques lieu de travail ou de leur domicile impliquent Les banques rurales et communautaires du Ghana ont été créées par qu’une forte densité de la population est une l’État dans les années 1970, pour faciliter le paiement des agriculteurs condition préalable à l’extension des services par l’Office du cacao. Privatisées et converties en institutions de micro- bancaires traditionnels.3 Étant donné les coûts finance dans les années 1990, elles offrent aujourd’hui divers produits fixes associés à la gestion des comptes clients d’épargne abordables (comptes d’épargne, comptes courants, dépôts (enregistrement des opérations, frais de ges- quotidiens récoltés par des agents faisant du porte-à-porte, et dépôts tion et intérêts), les comptes manipulant de à terme), des produits de crédit (microfinancements, prêts person- petits montants peuvent être une offre défi- nels, prêts sur salaire et facilités de découvert, par exemple) ainsi que citaire pour la banque et le client, auquel ces des services de transfert d’argent et de paiement. Les banques rura- les et communautaires du Ghana comptent jusqu’à 2,8 millions de coûts sont, en fin de compte, imputés sous la déposants et 680 000 emprunteurs, principalement des agriculteurs, forme de frais de gestion pour les comptes et des agents de l’État et des petits et microentrepreneurs — des clients les transactions. Les réglementations peuvent souvent délaissés par les institutions financières formelles. Elles sont aggraver le problème lorsqu’elles exigent une désormais les plus importantes fournisseuses de services financiers preuve d’identité (actes de naissance ou docu- formels dans les zones rurales du Ghana. Avec un peu plus de sensi- ments similaires), dont beaucoup de personnes bilisation, elles pourraient profiter aux jeunes, une autre tranche mal à revenu faible et moyen ne disposent pas et qui desservie de la population. est difficile à obtenir. Au Kenya et en Inde, pour ne citer que deux exemples, la technologie aide Source : IFPRI et Banque mondiale, 2010, Note 5. les consommateurs à surmonter ces problèmes (Encadré F3.2). Note thématique 3 209 Encadré F3.2 Utilisation de la technologie : introduire des services financiers sûrs dans de nouveaux marchés au Kenya et en Inde Tout comme la révolution de la téléphonie cellulaire a réduit » à travers le Kenya (King, 2012, 28). En dépit de son statut les coûts de communication et permis aux pays pauvres de pays à faible revenu, le Kenya possède l’un des niveaux d’Afrique et d’ailleurs de se dispenser de la construction d’accessibilité financière les plus élevés d’Afrique, avec des d’un réseau de lignes téléphoniques terrestres, la banque transactions en argent mobile atteignant 60 % du produit sans agences passant par les téléphones mobiles et les « intérieur brut (PIB) du pays en 2012 (Blycroft Ltd, 2012). micros guichets automatiques bancaires » capables de lire L’attitude du régulateur bancaire, la banque centrale du des identifiants biométriques pourrait être utilisée pour éten- Kenya, s’est avérée un facteur au moins aussi important que dre l’accès financier à la vaste population « non bancarisée le caractère innovant des produits de Safaricom et l’effica- ». L’Afrique est déjà le deuxième plus grand marché d’argent cité de leur mise en œuvre. Au moment du lancement de mobile, en partie parce que les envois de fonds étrangers M-PESA, le Kenya ne disposait d’aucune loi régulant l’émis- sont très importants dans la région. Mais comme dans le sion de monnaie et les transactions financières électroniques déploiement de la téléphonie mobile, la politique réglemen- non bancaires. Au lieu d’empêcher Safaricom d’exploiter taire sera aussi importante que l’innovation pour la détermi- son système, la banque centrale a négocié un accord lui nation du résultat. permettant de le faire. Il stipulait que l’argent électronique déposé auprès de Safaricom à travers M-PESA devait être séparé des comptes et flux de trésorerie de la société (tout Expérience du Kenya dans l’argent mobile comme d’autres institutions financières non bancaires, telles Depuis son lancement au Kenya en 2007, M-PESA, un sys- que les maisons de courtage, sont tenues d’isoler les actifs tème bancaire par téléphonie mobile géré par Safaricom, des clients de leurs propres comptes et actifs). La banque a radicalement modifié le paysage des services financiers. centrale a maintenu une surveillance étroite sur les opéra- M-PESA permet aux utilisateurs enregistrés de déposer de tions du système, notamment à travers des contrôles spo- l’argent sur leur compte en achetant des crédits télépho- radiques vérifiant qu’à la fin de chaque journée, le montant niques, de transférer de l’argent vers d’autres utilisateurs total déposé en argent électronique sur les comptes télépho- enregistrés ou d’en recevoir d’eux à l’aide de leur téléphone niques des clients de Safaricom était bien égal à celui trans- mobile, ainsi que de transformer leur solde de crédit en féré par la société sur le compte en fiducie ouvert auprès de espèces auprès de tout revendeur agréé. En s’appuyant sur sa banque partenaire. Après trois ans de cette supervision l’infrastructure de la téléphonie cellulaire et sur le réseau par « essai et apprentissage », la banque centrale a com- d’agents à sa disposition, Safaricom a été en mesure d’offrir mencé à travailler sur une réglementation pour l’argent et le des services bancaires de base à des prix nettement moins paiement électroniques. élevés qu’une agence bancaire (environ 50 % de moins, selon le service et le volume de la transaction). Il a doublé La solution apportée en Inde au coût élevé de la la part de la population ayant accès à un lieu sûr où déposer vérification de l’identité des clients des banques son argent, et, en opérant comme une carte de débit (ou porte-monnaie électronique), il a rendu les utilisateurs moins Pour les populations à faible revenu, un obstacle majeur à vulnérables au vol. l’interaction avec le système bancaire formel est l’absence M-PESA présente deux différences importantes avec d’identification vérifiable. Les systèmes bancaires doivent les banques. D’une part, il n’offre pas de prêts (même si être en mesure d’identifier leurs clients afin de s’assurer de les clients de M-PESA peuvent l’utiliser pour se relier aux la sécurité des transactions financières. De plus, ils doivent banques, recevoir l’argent de prêts et effectuer des rembour- se conformer aux exigences de production de rapports de sements de prêts) et, d’autre part, il ne sert pas d’intérêt sur contrôle sur les opérations, dont certaines sont imposées à ses comptes. Étant donné que les intérêts produits par les l’échelle internationale dans le cadre des réglementations petits comptes d’épargne dans les banques commerciales mondiales de lutte contre la corruption et le terrorisme. Les sont généralement engloutis par les frais de gestion de ces pays à faible revenu ont moins de chance de disposer de mêmes comptes, les petits épargnants sont mieux lotis avec systèmes nationaux d’identification fiables, et ces bases de M-PESA, même sans recevoir d’intérêts. En 2012, une analyse données ne sont pas susceptibles de couvrir la population à a conclu que le système de banque sans agences de M-PESA faible revenu et celle des zones rurales. Confrontées au coût avait amené la banque aux populations à faible revenu non desservies et « aplani les obstacles géographiques à l’accès (suite) 210 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré F3.2 (suite) élevé de la vérification de l’identité de ces types de clients, les données de la banque, réduisant ainsi la nécessité pour les banques choisissent souvent de ne pas les desservir du tout. clients de faire le déplacement jusqu’à une agence de la Le gouvernement indien recherche une solution à ce pro- banque. Les administrations publiques utilisent ce système blème à travers le projet d’identification nationale unique, pour effectuer des transferts monétaires aux ménages à utilisant la biométrie plutôt que les moyens habituels, tels travers des comptes bancaires à faible coût, et les citoyens que l’acte de naissance et les adresses postales. Pour un coût peuvent également payer les frais de scolarité et les factures par personne très faible, plus de 300 millions d’habitants des services publics grâce à ce système. Initialement envisagé de l’Inde se sont enregistrés au cours des deux premières en tant que moyen de simplifier les procédures administra- années. Les banques ont accueilli ce système avec enthou- tives et de réduire les coûts de prestation des services (y com- siasme et investi dans des lecteurs biométriques élémen- pris les fuites), le système est mis en place pour transformer taires, qui sont connectés à la base de données et peuvent le paysage des services financiers en Inde et pose les jalons instantanément reconnaître et vérifier l’identité des titulaires d’un accroissement spectaculaire de l’accès en fournissant de compte. Les agents travaillant dans les zones rurales ont des services financiers à un coût beaucoup plus faible. été équipés de « micros guichets bancaires automatiques » (terminaux points de vente portatifs) qui lisent les don- nées biométriques du client (généralement les empreintes Sources : King, 2012 ; Lauer et Tarazi, 2012. digitales) et enregistrent les transactions dans la base de En réduisant fortement le coût des services nouvelles technologies pour élargir l’accès aux bancaires de détail, des applications techno- services bancaires formels est particulièrement logiques récentes, telles que les services ban- attrayante pour les jeunes, qui sont toujours les caires mobiles, offrent une occasion majeure premiers à les adopter. d’accroître l’accès des ménages à une épargne Même si les avantages risquent de ne se et à des mécanismes de paiement sûrs. La concrétiser qu’à long terme, les banques faible densité de la population rend non ren- doivent utiliser ces nouveaux canaux pour tables les agences bancaires installées dans des atteindre les jeunes, afin de leur offrir des pro- bâtiments, mais la construction de tours et de duits qui les intéressent et de les intégrer très réseaux de téléphonie cellulaire a ouvert des tôt comme clients. Cet effort peut nécessiter possibilités de services bancaires à l’aide d’un un appui dans le cadre du développement du téléphone mobile, de guichets automatiques secteur financier. ou de terminaux points de vente portatifs. Dans la banque sans agences, les coûts liés aux comptes d’épargne et au paiement des factures Réglementation visant à accroître sont jusqu’à deux fois moins élevés et ceux des l’inclusion financière et à encourager transferts d’argent environ 20 % plus bas que l’utilisation des nouvelles technologies dans les services bancaires traditionnels offerts Comme le montre la Figure F3.2, à niveau de par les institutions de microfinance (IMF) revenu égal, les politiques nationales desti- et autres banques orientées vers les pauvres nées au secteur financier peuvent produire des (McKay et Pickens, 2010).4 La rapide diffusion résultats très différents. Dans des pays tels que de M-PESA au Kenya, qui en trois ans a amé- le Kenya, Maurice et le Rwanda en Afrique, et lioré de 10 points de pourcentage l’accès des la Chine, l’Inde, la Mongolie et la Thaïlande, ménages au financement formel, donne une en Asie, l’accès financier est nettement plus idée du potentiel de cette solution (King, 2012). élevé que dans d’autres pays à revenus simi- L’utilisation des téléphones mobiles et d’autres laires. Compte tenu de ses niveaux de revenu, Note thématique 3 211 Figure F3.2  Pourcentage des personnes ayant un compte dans une institution financière formelle 100 a. 15 à 24 ans 90 80 MNG MUS 70 CHN Pourcentage 60 THA 50 KEN 40 RSA 30 IND GHA AGO ZWE SWZ 20 UGA NGA BWA RWA 10 BFA COM GAB SEN EGY COG 0 NER MLI TKM 350 3,500 100 b. 25 ans et plus 90 80 MUS MNG 70 THA CHN Pourcentage 60 ZWE RSA 50 AGO 40 RWA KEN IND EGY NGA BWA 30 UGA SWZ GHA COM BFA GAB 20 10 COG SEN NER MLI TKM 0 350 3,500 PIB par habitant en 2011 (dollars EU courants) Pays CFA Pays d’Afrique subsaharienne non-CFA Reste du monde Tendance des pays CFA Tendance des pays d’Afrique subsaharienne non-CFA Tendance du reste du monde Source : Élaboré à partir des données FINDEX. Note : L’abscisse est ​​logarithmique. l’Afrique ne s’en sort pas trop mal. La majo- les banques à aller vers la clientèle ; 2) un sec- rité des pays africains pauvres (dont le PIB par teur dynamique de la microfinance cherchant habitant est inférieur à 1 000 dollars EU) pour à se spécialiser dans des produits adaptés aux lesquels nous disposons de données se situent besoins des ménages à faible revenu ; 3) une au-dessus de la tendance du reste du monde. surveillance proportionnée, avec notamment Les pays de la zone CFA (Communauté finan- une approche par « essai et apprentissage », cière africaine) constituent une exception, ils encourageant l’innovation ; et 4) une stratégie sont assez en retard sur le reste du monde en ce nationale. Celle-ci englobe les trois premières qui concerne l’extension des comptes bancaires caractéristiques. Elle peut également com- aux ménages. prendre des politiques visant à encourager les Les pays où l’accès des ménages au finance- banques à proposer des produits conçus et tari- ment est élevé présentent habituellement une fés de manière appropriée pour les personnes à ou plusieurs des caractéristiques suivantes : faible revenu, ainsi que des politiques exigeant 1) un secteur bancaire compétitif encourageant que tous les paiements de l’État destinés aux 212 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne personnes (paiements G2P) soient effectués de que l’environnement réglementaire s’adapte. Il manière électronique, afin d’encourager l’inclu- est à espérer que les nouvelles réglementations sion financière. Par exemple, le Kenya possède à relatives aux IMF aideront à créer un système la fois un secteur dynamique de la microfinance fiable, intéressé par les services à la popula- et un environnement politique encourageant tion actuellement non bancarisée. Une nou- l’innovation (Encadré F3.2). La stratégie natio- velle stratégie d’inclusion financière, exigeant nale du Rwanda en faveur de l’inclusion finan- que tous les prestataires des services financiers cière se traduit par des politiques encourageant offrent un compte bancaire de base, accompa- l’expansion de la microfinance et des services gné d’un ensemble de services gratuits, devrait bancaires mobiles, ainsi que des programmes être adoptée en 2013. Les perspectives d’amé- d’appui à la croissance d’un crédit abordable lioration de l’accès financier des ménages sont pour les entreprises rurales non agricoles. La donc élevées dans la région. Mongolie a utilisé un système de réseau mobile dynamique et un système de paiement G2P pour élargir l’accès. Étant donné la rapidité de Services de crédit formels : Les l’évolution et le potentiel de modification du défis de l’extension d’options aux paysage financier de la technologie bancaire, les pays doivent mettre en place un cadre régle- petits producteurs, entreprises mentaire qui encourage la diffusion de la tech- individuelles et jeunes nologie, tout en protégeant les consommateurs grâce à l’interopérabilité et d’autres réglemen- Même si les coûts des services bancaires de tations (Dias et McKee, 2010 ; Lauer et Tarazi, détail baissent et si les comptes d’épargne 2012 ; Banque mondiale, 2013). deviennent moins chers, les coûts des prêts res- Dans le système CFA de l’Afrique occiden- teront élevés pour les petits exploitants, les pro- tale et centrale, la réglementation restreint l’in- priétaires d’entreprise individuelle et les jeunes. « Nous novation dans le secteur financier. Les banques Les coûts fixes de personnel sont compris dans constituons des centrales de la région sont impliquées dans la l’évaluation des prêts. Parce que la plupart de groupes afin régulation financière, et tout changement du ceux-ci concernent de petites sommes, même système requiert l’accord de tous les partici- les meilleures IMF déclarent devoir gagner une d’emprunter de pants. Ce mécanisme maintient la concurrence moyenne de 19 % par an sur leurs portefeuilles l’argent pour de prêts, rien que pour couvrir les 114 dollars à un bas niveau dans le secteur bancaire for- investir dans le EU par prêt de coût de fonctionnement (MIX, mel et l’inclusion financière des ménages bien petit commerce, en dessous de la tendance du reste de l’Afrique 2008). Les grandes IMF à but non lucratif, telles payer les frais et du monde. Il profite à ceux qui sont dans le que BRAC et la Grameen Bank en Asie du Sud, de scolarité, et système au détriment des nouveaux entrants couvrent une partie de ces coûts grâce à des construire ou (Banque mondiale, 2013). La pénétration des dons, mais les IMF à vocation commerciale améliorer nos IMF est faible, et les réglementations visant à telles qu’Ecobank et Equity Bank, qui sont plus habitations. » faciliter leur croissance n’ont pas été adoptées courantes en Afrique, doivent imposer des taux Ouganda par tous les pays de l’Union économique et d’intérêt élevés sur leurs prêts pour couvrir ces monétaire ouest-africaine (Riquet et Mbenge, coûts. 2013). Les opérateurs de téléphonie mobile, tels Pour les banques, les prêts aux petits exploi- que Safaricom (Kenya), ne peuvent pas lancer tants sont risqués. Les cycles agricoles sont des initiatives de services bancaires mobiles, imprévisibles. Les clients sont situés dans des seules les banques en ont le droit et elles ne sont lieux éloignés, ils ont une connaissance limitée nullement incitées à desservir les clients à faible des services financiers et peu de biens à don- revenu. Idéalement, un régulateur régional ner en garantie. Les petits exploitants jeunes pourrait stimuler le développement d’un grand offrent peu d’assurances aux prêteurs formels, marché des services bancaires mobiles en met- bien qu’ils aient besoin de capital pour acquérir tant en place des systèmes de paiement trans- les technologies agricoles, les terres et le maté- frontaliers harmonisés, mais cette perspective riel qui leur permettraient de développer des est encore lointaine. Il y a néanmoins des signes activités agricoles plus productives et souvent Note thématique 3 213 Encadré F3.3 Intégrer les petits exploitants dans les chaînes d’approvisionnement afin d’améliorer leur accès aux services financiers DrumNet (un projet de Pride Africa, une organisation à but destiné aux intrants et servant de garantie pour les prêts. non lucratif pratiquant la microfinance) a cherché à amélio- Après avoir signé un contrat pour la fourniture à prix fixe rer l’accès des petits exploitants kenyans aux services finan- des semences de tournesol à Bidco, les agriculteurs ont reçu ciers, grâce à un programme pilote qui les a intégrés dans un crédit pour les intrants d’Equity Bank. Ils ne recevaient une chaîne d’approvisionnement d’oléagineux. Ce pilote, pas d’espèces, mais la banque payait directement aux four- qui a duré de 2007 à 2009, impliquait Equity Bank et Bidco, nisseurs les intrants achetés par les agriculteurs avec le cré- un grand producteur est-africain d’huiles végétales, graisses, dit. Lorsque les agriculteurs livraient leur production à Bidco, margarines et concentrés de protéines. Celui-ci souhaitait celle-ci les payait par l’intermédiaire de DrumNet, qui dédui- assurer son approvisionnement en graines de tournesol. Des sait le coût de l’emprunt et le remboursait à Equity Bank. agriculteurs ont été recrutés pour en cultiver à la place de Le solde était déposé sur le compte de l’agriculteur auprès leurs cultures habituelles. Les autres partenaires étaient des d’Equity Bank. DrumNet a facilité les transactions financières fournisseurs d’intrants et Agritrade (qui a recruté les agri- et la communication à l’aide de téléphones mobiles, de tex- culteurs et géré la production, la récolte et la collecte du tos et de courriels. tournesol). Contre rémunération de ses services, DrumNet Plus de 2 000 petits exploitants ont participé à ce pro- a réuni les parties, négocié les contrats régissant leur col- jet pilote. L’accord entre les agriculteurs, les acheteurs, les laboration, et géré le flux d’information et les transactions banques et les détaillants, bien que complexe, a introduit les financières entre elles. petits exploitants dans le système financier formel, les a inté- Les groupes d’agriculteurs (généralement de 20 à 100 grés dans la chaîne d’approvisionnement d’une culture com- agriculteurs d’une même zone) ont ouvert un compte chez merciale, et a amélioré l’efficacité de l’ensemble de la chaîne Equity Bank, à travers lequel tous les paiements étaient effec- d’approvisionnement des graines oléagineuses. tués. Chaque agriculteur a contribué à un fonds d’assurance pour les transactions, couvrant 25 % de la valeur du crédit Source : Banque mondiale, 2011. plus commerciales. Le Chapitre 4 traite des du prêt agricole basée sur la chaîne d’approvi- contraintes liées aux services financiers dans sionnement (Encadré F3.3). le secteur agricole et expose plusieurs moyens Les prêts aux entreprises individuelles pré- innovants utilisés par les banques et les orga- sentent des problèmes similaires. Les activités nisations non gouvernementales (ONG) pour des entreprises individuelles sont exposées à les fournir. À eux seuls, les services financiers des risques élevés (depuis la fluctuation de la ne sont pas toujours un tremplin suffisant demande jusqu’à la saisie de leurs produits par pour permettre aux petits exploitants d’amé- les autorités). Ces entreprises sont vulnérables liorer la productivité agricole et l’activité com- aux chocs et aux besoins d’argent du ménage merciale. Certaines approches combinent la (pour une maladie, par exemple) et de la com- fourniture de services financiers et d’informa- munauté (funérailles) et elles peuvent être tions agricoles (conseils pour les cultures et la incapables de générer les rendements requis commercialisation, par exemple ; voir l’analyse pour rembourser un prêt. Les prêteurs doivent de BASIX au Chapitre 4). D’autres approches évaluer ces risques et établir le coût des prêts reconnaissent que l’intégration des petits en conséquence. Lorsqu’elles parviennent à exploitants et des agroentreprises — supermar- générer des rendements suffisants pour rem- chés nationaux, transformateurs de produits bourser un prêt, les entreprises individuelles agricoles ou exportateurs (plus loin dans la peuvent ne pas avoir un compte d’entreprise chaîne d’approvisionnement) — peut réduire et être par conséquent incapables de démon- une partie du risque lié à la prestation de ser- ter leur solvabilité, même auprès des institu- vices financiers aux petits exploitants. Le Projet tions financières orientées vers les services aux DrumNet du Kenya est un exemple d’approche ménages à faible revenu. 214 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré F3.4 Passer des prêts à responsabilité collective à des prêts à responsabilité individuelle : une innovation positive de microfinancement mise en œuvre aux Philippines Une décision centrale de la conception des programmes de qui ont été convertis à la responsabilité individuelle ont passé crédit destinés aux pauvres consiste à déterminer s’il faut moins de temps à suivre les remboursements effectués par s’appuyer sur la responsabilité de groupes ou sur la respon- leurs membres. Le fait que le suivi a diminué tandis que le sabilité individuelle. Dans cette dernière, l’institution de crédit remboursement restait stable suggère que le processus de assume plus de responsabilités, de sorte que les emprun- sélection a changé sans détériorer le remboursement. Une teurs ont tendance à la préférer (Karlan et Appel, 2011). explication peut être que la suppression de la responsabi- Bien que les prêts à responsabilité individuelle soient de plus lité collective peut avoir poussé les responsables du crédit à en plus fréquents dans la microfinance, peu de recherches accroître la sélection et le suivi, sans que leur charge de tra- empiriques ont comparé les deux approches. Entre 2004 et vail ait pour autant augmenté. 2007, deux essais contrôlés aléatoires effectués avec la Rural Le deuxième essai a offert la responsabilité collective aux Green Bank de Caraga, une IMF des Philippines, ont examiné nouveaux emprunteurs dans certaines régions et la respon- les différences dans le suivi et le remboursement des prêts, sabilité individuelle dans d’autres. Aucune différence statis- entre la responsabilité collective et la responsabilité indivi- tiquement ou économiquement significative n’a été obser- duelle. Tous les prêts (allant de 18 à 90 dollars EU) étaient vée dans les taux de remboursement. Le passage au prêt à octroyés à des femmes propriétaires d’entreprise individuelle responsabilité individuelle semble avoir plus équitablement pour le développement de leurs activités. réparti la charge de la sélection, du suivi et de l’application Le premier essai a converti des programmes de prêts à entre les clients et les responsables du crédit. Le niveau d’ap- des groupes à responsabilité collective en prêts à responsabi- plication institutionnel observé dans les deux essais a été suf- lité individuelle, tout en conservant la structure des groupes. fisant pour que le prêteur récupère des prêts sans responsa- Aucune augmentation n’a été enregistrée dans les défauts bilité collective et que, dans certains cas, il attire et retienne de paiement ou les pertes de bénéfices pour les centres qui plus de clients. Bien que l’expérience ait été limitée à une ont été convertis. Les centres octroyant des prêts à responsa- seule IMF, les résultats impliquent que les innovateurs du sec- bilité individuelle ont gagné des clients (les nouveaux clients teur de la microfinance recherchant des stratégies de prêts ont été plus susceptibles de rester dans le programme), individuels (et plus souples) destinés aux pauvres pourraient mais parce que les prêts accordés étaient plus faibles, ils être sur la bonne voie. ont décaissé à peu près le même montant que les centres octroyant des prêts à responsabilité collective. Les groupes Source : Gine et Karlan, 2013. Les programmes de microfinancement uti- dissuader les petits exploitants ou les proprié- lisent le prêt à des groupes à responsabilité col- taires d’entreprise informelle d’utiliser les ser- lective pour réduire une partie du risque ainsi vices de l’IMF. Si le groupe n’est pas correcte- que le coût des prêts aux personnes disposant ment constitué et qu’un membre se retrouve en d’actifs très limités. Parce que les groupes défaut de paiement, le choc qui en résulte est garantissent le crédit de chacun de leurs élevé pour les petits exploitants et les proprié- membres, ils agissent comme un mécanisme de taires d’entreprise individuelle, dont les marges soutien pour les agriculteurs ou propriétaires sont déjà faibles et qui ont leurs propres prêts d’entreprise, et de réduction du risque pour le à rembourser (Encadré F3.4). La responsabilité prêteur. Les méthodes de crédit appliquées par collective, combinée à un manque de souplesse les principales IMF ont réussi à maintenir leurs de la part du prêteur, exclut les emprunteurs portefeuilles à risque (à plus de 30 jours) en désireux de financer des projets ou investis- dessous d’une moyenne de 3 % (MIX, 2008). sements risqués, qui ont besoin d’un certain Les groupes de microfinancement peuvent temps pour porter leurs fruits, et introduit toutefois exiger beaucoup de temps et de garan- ainsi un biais en faveur des petits projets sûrs. ties financières de la part de leurs membres. Le En résumé, les différentes méthodes de prêt à temps requis pour participer à un groupe peut des groupes de microfinancement, qui aident Note thématique 3 215 les institutions financières à résoudre les pro- dans le monde, en particulier dans les pays afri- blèmes liés à l’importance du coût et du risque, cains à revenu intermédiaire de la tranche infé- font en fait supporter une partie des coûts par rieure, dont la grande majorité des ménages ne les clients et ne conviennent, par conséquent, souffrent plus d’extrême pauvreté. L’utilisation qu’à certains types de clientèle. de mécanismes d’épargne informels est plus Les stratégies alternatives, telles que les prêts fréquente chez les plus de 25 ans : dans les pays aux particuliers à des conditions plus souples, à revenu intermédiaire de la tranche inférieure, mais exigeant la mise en garantie d’actifs clés, près de la moitié des adultes qui épargnent y tels que des terres (en particulier pour les ont recours. Ces groupes aident également les agriculteurs) ou du matériel de l’entreprise, jeunes à économiser, et ils peuvent expliquer présentent aussi des inconvénients. Les petits pourquoi le taux d’épargne des jeunes Africains exploitants et propriétaires d’entreprise indivi- est le plus élevé du monde. duelle risquent de perdre des actifs essentiels au Un principe fondamental des groupes moment où ils en ont le plus besoin. Les IMF d’épargne fournissant également du crédit est utilisant ces stratégies en Afrique sont plus que leurs membres doivent épargner avant de sélectives. Elles préfèrent prêter aux ménages où pouvoir obtenir d’autres services. Cette pra- un salarié peut intervenir comme cosignataire. tique élimine les emprunteurs moins suscep- Ces exigences expliquent, en partie, pourquoi tibles de rembourser leurs prêts. Les membres les propriétaires d’entreprise individuelle et les offrent en effet leur épargne en garantie par- agriculteurs, qui sont constamment confron- tielle du prêt. Pour s’assurer que leurs membres tés à des problèmes de liquidité en raison de épargnent, certains groupes emploient l’un leurs flux de trésorerie faibles et incertains, d’eux ou une autre personne (le percepteur empruntent rarement auprès des banques ou susu) pour collecter les fonds, une fois par jour des IMF et restent dans leurs réseaux financiers ou par semaine, au domicile des membres. informels. Les groupes informels d’épargne et de crédit limitent les frais bancaires grâce à leurs rayon- nement, gouvernance et comptabilité, et au fait Services informels pour combler le qu’ils peuvent recruter du personnel sur place déficit d’épargne et de crédit à des salaires relativement bas. Ils peuvent par Bien qu’avec une portée presque toujours conséquent imposer des taux d’intérêt plus faible, les services financiers informels sont faibles sur leurs prêts que les IMF. Les groupes apparus en Afrique pour atténuer le déficit plus importants qui ont accès à une banque de services d’épargne et de crédit destinés aux locale peuvent décider d’y protéger leurs fonds ménages. Ces services informels ont une longue à un coût abordable (les frais liés à ce compte histoire et ont établi des règles de participation sont partagés entre les membres, ainsi que les pour garantir leur réussite (Encadré F3.5). Ils intérêts perçus sur les dépôts). répondent à un besoin qui ne peut être satis- Ces services informels présentent certains fait par des mécanismes financiers plus for- inconvénients. Leur caractère local et leur mels, en raison des petits montants et du grand structure limitent l’intermédiation. Les fonds nombre des transactions concernées, ainsi que dépendent des membres du groupe, et celui- du manque d’information sur la solvabilité des ci ne peut prêter que l’argent dont il dispose. emprunteurs. Pendant que les pays africains Les échéances des prêts sont courtes, en général continuent à développer leurs secteurs finan- quelques mois et rarement plus d’un an. Cette ciers formels, les services informels constituent brièveté a l’avantage de permettre une surveil- une précieuse initiation à la littéracie finan- lance étroite et de limiter les pertes (il faut peu cière, à une culture d’épargne généralisée, et, en de temps pour se rendre compte si un membre fin de compte, à l’inclusion financière formelle est ou non capable d’honorer ses obligations). et à des entreprises plus productives. Les prêts sont utiles pour couvrir certaines Comme le montre ​​ la Figure F3.1, en dépenses occasionnelles des ménages, telles que Afrique, les épargnants font plus appel à des les frais de scolarité ou les dépenses liées à un services financiers formels que partout ailleurs festival, mais ils ne conviennent pas pour un 216 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré F3.5 Les AREC, AVEC, groupes d’entraide et COOPEC : des exemples de systèmes informels d’épargne et de crédit Les associations rotatives d’épargne et de crédit (AREC) sont à des individus ou à des groupes, pour une durée ne dépas- constituées lorsque des individus se mettent d’accord pour sant pas celle de la période en cours et à un taux d’intérêt épargner ensemble. Elles se sont développées dans le monde mensuel de 5 à 10 % (même si des taux aussi faibles que entier, comme en témoignent les tontines d’Afrique de 1 % ou aussi élevés que 20 % ont été observés). La tenue l’Ouest, les dhikutis du Népal et les arisans d’Indonésie. Leurs des livres prend trois formes : la mémorisation, des livrets où membres se réunissent régulièrement. Au cours de chaque seul le solde final est acté, ou des registres centraux gardant réunion, tous déposent le même montant dans un pot com- la trace des activités financières. Lorsque la période fixée au mun, et de manière rotative, l’un d’eux en reçoit tout le con- départ s’achève, les membres du groupe partagent les éco- tenu. Les AREC présentent des avantages : elles ne néces- nomies et l’intérêt produit. Les rendements peuvent varier sitent aucune comptabilité (un atout lorsque les participants de 35 à 50 %, et en seulement quelques années, un groupe sont peu ou pas alphabétisés) ; tout le monde est témoin des peut gérer 2 000 à 10 000 dollars EU. Grâce à de petites transactions effectuées à chaque réunion ; et les sommes en contributions périodiques, les groupes peuvent également jeu sont faibles. Leur accessibilité et leur simplicité font des constituer un fonds social ouvert à toute la communauté. AREC une importante source de services financiers, même Les membres peuvent quitter le groupe à tout moment, aux là où existent des IMF spécialisées. Les AREC autonomisent conditions fixées par le groupe. Contrairement aux AREC, les leurs membres (dont une majorité de femmes) et aident à AVEC jouent, pendant une courte période, un rôle d’inter- développer un capital social dans les communautés. Leur médiaire entre les épargnants et les investisseurs rassemblés structure peut également être utile à la mise en œuvre de au sein d’un groupe. systèmes informels de protection sociale, tels que des socié- En plus de CARE, de nombreuses organisations ont tés funéraires. Elles présentent aussi des inconvénients. Les encouragé les AVEC, notamment la Fondation Aga Khan, membres ne peuvent pas toujours avoir accès à l’épargne Catholic Relief Services, Oxfam/Freedom from Hunger, Pact- quand ils le souhaitent, et le calendrier des contributions et WORTH, PLAN, le Corps de la paix des États-Unis, World remboursements ne correspond pas toujours à leur situation Relief, et World Vision. On retrouve des AVEC dans au moins de trésorerie. L’approche des AREC favorise les personnes 61 pays d’Afrique, Asie et Amérique latine, avec plus de 6 dotées de revenus stables, qui peuvent apporter des contri- millions de participants actifs. Les organisations qui les pro- butions continues. meuvent forment les membres aux opérations et à la gou- Les associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC), vernance de ces groupes d’épargne, mais parce que ceux-ci également appelées associations cumulatives d’épargne et sont essentiellement autogérés, il subsiste un risque que des de crédit (ACEC), ont été tentées au début des années 1990 fonds disparaissent à cause de la fraude, du vol ou du défaut par CARE International, qui a mis au point un modèle stan- de remboursement. Des groupes plus importants au sein ou dard d’AVEC fondé sur les tontines du Niger. Généralement, à proximité des zones urbaines peuvent sauvegarder leurs 15 à 25 personnes conviennent d’unir leurs forces pour épar- fonds dans une banque, et CARE teste actuellement l’utili- gner et emprunter pendant une période déterminée (géné- sation de la technologie bancaire mobile pour les dépôts et ralement un an). Le groupe élit un comité de gestion et des retraits des fonds d’AVEC d’Afrique de l’Est. compteurs d’argent. Personne d’autre ne manipule l’argent, Les groupes d’entraide sont de petits groupements vil- qui est conservé dans un coffret muni de plusieurs serrures. lageois de 10 à 20 femmes qui mettent en commun leurs Les détenteurs des clés ne font pas partie du comité de économies pendant quelques mois, jusqu’à ce qu’ils dis- gestion. Le groupe détermine les services offerts (épargne, posent d’un capital suffisant pour octroyer des prêts à prêts) et les conditions correspondantes. Au cours des réu- leurs membres ou à d’autres personnes du village. Ils ont nions régulièrement tenues, les membres achètent une à des liens avec des banques et constituent des fédérations cinq actions d’épargne, dont le prix unitaire est déterminé avec d’autres villages, pour arriver à réunir plus de capital par le groupe et reste inchangé tout au long de l’année. pour les prêts. L’intérêt n’est pas redistribué aux membres, Ces économies permettent de capitaliser un fonds pour les il est conservé pour le rendre productif. Largement utilisés prêts aux membres, qui peuvent emprunter des montants ne en Inde, les groupes d’entraide ont un potentiel en Afrique, dépassant pas trois fois leur épargne. Les prêts sont accordés mais les efforts pour les mettre en place ont connu un suc- (suite) Note thématique 3 217 Encadré F3.5 (suite) cès mitigé. En Inde, ils reposent sur une dynamique sociale unitaires, en particulier dans les zones rurales. Leur nature forte au sein des femmes des villages et sur de robustes liens démocratique exige que les membres trouvent un équilibre sociaux entre les villages pour catalyser les fédérations. Dans entre la préférence des emprunteurs pour les faibles taux les villages africains, les structures sociales ne sont pas aussi d’intérêt et les rendements élevés recherchés par les action- propices au développement de solides groupes féminins, et naires, à savoir les principaux épargnants. Enfin, parce que les les femmes d’Afrique sont moins à même que celles d’Inde COOPEC fonctionnent beaucoup plus comme des banques de consacrer le temps requis pour assister aux réunions, en que comme des coopératives, leur gouvernance et leur partie parce que la faible densité de peuplement les oblige à réglementation requièrent une grande attention. Bien que parcourir de plus longues distances. leurs actifs ne représentent qu’une très petite part de ceux Les coopératives d’épargne et de crédit (COOPEC), ou du système bancaire, les COOPEC desservent une tranche caisses de crédit mutuel, sont détenues par leurs membres. très importante (et relativement pauvre) de la population. Un Il s’agit de coopératives à but non lucratif offrant des ser- système garantissant leurs probité, stabilité et redevabilité ne vices d’épargne, de crédit, d’envoi de fonds et autres à des serait pas nécessairement coûteux. Une solide gouvernance membres ayant quelque chose en commun (par exemple, ils et des contrôles internes appropriés pourraient suffire à pro- peuvent appartenir à la même entreprise, à la même com- téger les dépôts des membres et limiter l’exposition au risque munauté ou au même groupe religieux). Un conseil d’admi- des COOPEC, mais des recherches supplémentaires sont nistration bénévole est élu parmi les membres, dont chacun nécessaires pour déterminer ce qui fonctionne le mieux. dispose d’une voix. Les COOPEC financent leurs portefeuilles de prêt en mettant en commun l’épargne volontaire des membres plutôt qu’en recherchant des capitaux extérieurs. Sources : Allen et Panetta, 2010 ; Bakiene et coll., 2012 ; Collins et coll., 2009 ; IFPRI et Banque mondiale, 2010, Note 3 ; VSL Associates, Idéalement, les membres obtiennent des rendements plus « About Us: VSL modèle » sur http://www.vsla.net/aboutus/vslmodel ; élevés de leur épargne, paient moins d’intérêt sur les prêts et Rotating Savings and Credit Association sur http://en.wikipedia.org/wiki généralement moins de frais. Le caractère local des COOPEC /Rotating_Savings_and_Credit_Association ; « What Is a Credit Union? » peut les empêcher de se développer et de réduire leurs coûts sur http://www.woccu.org/about/creditunion. investissement dans une exploitation agricole excède encore souvent ce que de nombreux ou le matériel d’une entreprise individuelle, petits exploitants et propriétaires d’entreprise qui peut nécessiter une plus longue période individuelle peuvent se permettre s’ils veulent de remboursement. Le fait que dans le groupe, rester en mesure de profiter d’un prêt (Bakiene tout le monde paie le même intérêt sur ​​les prêts et coll., 2012 ; Collins et coll., 2009). — même risqués — réduit de manière appro- priée la tendance à prendre des risques). Même Rôle de l’État : Améliorer l’accès et les coopératives d’épargne et de crédit (COO- protéger les consommateurs PEC), plus importantes et plus sophistiquées, Bien qu’en principe, le financement informel peuvent avoir des difficultés à être rentables, se situe en dehors du champ d’application de étant donné que le nombre de leurs membres la réglementation et du soutien de l’État, tant n’ est souvent pas suffisant pour leur permettre les pouvoirs publics que des ONG et des pro- de couvrir les frais généraux des installations, grammes de bailleurs de fonds ont soutenu le les frais de gestion et de sécurité, et d’obtenir développement des COOPEC et AVEC, par de des coûts unitaires inférieurs à ceux des autres la sensibilisation, de la formation et la créa- institutions financières, en particulier dans les tion d’associations nationales de membres zones rurales peu peuplées (5 000 clients sont des COOPEC. Des programmes forment les souvent considérés comme une taille mini- membres des groupes aux procédures visant à male pour les IMF). Les taux convenus pour sécuriser les fonds et à limiter les pertes dues au les prêts vont généralement de 3 à 3,5 % par vol, à la fraude ou à de mauvais prêts, mais en mois dans les COOPEC de l’Ouganda, ce qui tout état de cause, la fiabilité reste un problème. 218 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne « La manière Pour protéger les consommateurs, les pou- Rôle des institutions financières dont le groupe voirs publics cherchent des moyens de super- informelles : Accroître l’inclusion gère les prêts est viser les groupes plus importants, tels que les financière très mauvaise. COOPEC, mais il est rarement possible de Tant les AVEC que les groupes d’entraide pré- Une dame surveiller un grand nombre de petits groupes.7 sentent un potentiel d’inclusion des jeunes et du groupe L’implication de l’État dans les COOPEC et de prise en charge de leurs besoins financiers, a emprunté AVEC peut également avoir un effet contre- en particulier lorsqu’ils leur offrent un enca- productif. Les groupes informels sont fondés drement et un accès à l’information en même 500 000 shillings sur la confiance et soutenus par un ensemble temps qu’un financement. En Ouganda, une et a ensuite de procédures visant à assurer la transparence. stratégie novatrice, faisant appel à des ONG disparu. Je Ils maintiennent des coûts bas pour leurs pour la mise en place d’AVEC et la promo- n’avais emprunté membres parce qu’ils fonctionnent efficace- tion de l’inclusion des jeunes, est en cours que 100 000 ment et ne passent pas de temps à répondre d’élaboration. Un bailleur de fonds (le Fonds shillings. aux demandes d’information des régulateurs. international de développement agricole) Comment Un certain contrôle public pourrait toutefois fournira des fonds au ministère des Finances se fait-il que être justifié pour les COOPEC plus grandes, et du Développement économique afin qu’il quelqu’un qui que leurs membres ont plus de difficulté à passe un contrat avec des ONG en vue de la n’a emprunté superviser de manière adéquate et où les constitution d’AVEC et de l’enrichissement de que 100 000 sommes en jeu sont suffisamment importantes leurs capacités. L’objectif est de mettre en place shillings doive pour compromettre le fonctionnement de la 15 000 nouvelles AVEC en cinq ans. Au moins payer pour coopérative. 15 % des nouveaux membres devraient être des jeunes intégrés soit dans les groupes d’épargne quelqu’un qui De manière générale, les pouvoirs publics doivent réduire au minimum leurs interven- nouvellement créés pour les jeunes soit dans les en a emprunté AVEC existantes. Les fonds du projet prendront 500 000 ? » tions dans les groupes d’épargne informels. Le public a tendance à interpréter cela comme un en charge le personnel et le matériel utilisés Tanzanie pour la formation des groupes locaux ; aucun (1 dollar EU = signal que les participants peuvent faire preuve fonds ne sera octroyé directement à un groupe de moins de discipline financière, ce qui nuit 2 500 shillings en tant que capital.8 à l’esprit même des groupes. En Tanzanie, une tanzaniens) En plus de fournir des services financiers étude qualitative a décrit de nombreux cas, où informels, les groupes d’épargne apportent à les fonds publics destinés à l’octroi de subven- leurs membres un appui similaire à celui des tions ou de crédits peu coûteux aux proprié- cercles de crédit existant dans les IMF : ils leur taires d’entreprise individuelle de districts prodiguent des encouragements et leur offrent pauvres ne sont jamais parvenus à destination. un forum où partager leurs expériences. De Au lieu de cela, ils sont restés dans les chefs- nombreuses descriptions des groupes d’épargne lieux de district, probablement dans les poches attestent de l’importance de cette fonction (voir de quelques fonctionnaires. Seules les AVEC Encadré F3.6 pour un exemple tiré du Mali) organisées en ONG ont effectivement fourni qui pourrait constituer un moyen précieux un capital aux propriétaires d’entreprise indi- pour les jeunes d’apprendre les uns des autres viduelle (Kweka et Fox, 2011). et de construire du capital social (Banerjee et Le recours des pouvoirs publics ou d’ONG Duflo, 2012 ; Nimusiima et coll., 2012). Plus les à un groupe d’épargne informel en vue d’injec- groupes d’épargne progressent chez les jeunes, ter des capitaux dans une communauté est une plus leurs membres se rapprochent de leurs pratique particulièrement préjudiciable. Des ONG partenaires pour obtenir des services études montrent qu’elle réduit l’incitation des supplémentaires, notamment une formation groupes à renforcer leur propre épargne et met aux compétences en affaires et de la vie cou- ainsi en péril la soutenabilité de l’initiative. Pour rante. Plan International, une ONG active dans cette raison, les ONG semblent mieux convenir l’appui aux groupes d’épargne destinés aux que les pouvoirs publics au développement et jeunes en Afrique de l’Ouest, a répondu à cette au soutien des groupes d’épargne informels. demande en passant un contrat avec des forma- Note thématique 3 219 Encadré F3.6 Le cas de villageoises du Mali : Assurer la sécurité alimentaire et financière grâce aux groupes d’épargne et de crédit Au Mali, Épargner pour le changement (EPC), un pro- Quinze de ces villages étaient situés dans la zone de l’ECR, gramme villageois d’épargne et de prêt lancé en milieu à Ségou, et les quatre autres se trouvaient en dehors de la rural en 2005, place les femmes aux commandes de leur zone de l’ECR et participaient à EPC depuis 2005. En 2009 propre inclusion financière. Les femmes desservies par le et 2012, les chercheurs ont consacré deux à trois jours dans programme sont pour la plupart illettrées, pauvres (vivant chaque village à des discussions des groupes focaux et à des avec moins d’un dollar EU par jour) et habitent des régions entretiens avec la communauté et des informateurs clés. très isolées. En épargnant régulièrement de petites sommes Dans les villages familiarisés avec le programme depuis 2005, et en s’en servant pour octroyer à ses membres des prêts à cela leur a permis d’obtenir des détails sur la manière dont court terme avec intérêt, chaque groupe de 15 à 25 femmes les membres de la communauté avaient adapté le modèle accumule et mobilise du capital sans dépendre de fonds de EPC à l’évolution des conditions, besoins et stratégies de contrepartie ou extérieurs. En juillet 2008, EPC comptait subsistance locaux. 95 000 membres. Plus tard dans l’année, il a été élargi à qua- L’ECR a constaté un accroissement global de l’épargne tre des cinq régions non désertiques du Mali. En avril 2013, (de 31 %), une augmentation des crédits octroyés aux il soutenait 18 804 groupes (423 654 membres). Entre 2009 femmes dans les villages EPC (12 % de femmes en plus et 2012, une évaluation d’impact rigoureuse a été effectuée déclaraient avoir emprunté aux groupes d’épargne), une pour déterminer la contribution du programme aux straté- accumulation d’actifs (la valeur du cheptel avait augmenté gies d’existence des ménages et à la mise à disposition de de 13 % dans les villages EPC), et une diminution de la faim l’épargne et du crédit. durant les périodes d’insécurité alimentaire. La plupart des Un essai contrôlé randomisé (ECR) — la règle d’or en femmes ont cité un effet moins concret — le capital social matière d’évaluation d’impact — a utilisé des enquêtes généré grâce à la participation à un groupe d’épargne — socioéconomiques détaillées, réalisées auprès de 6 000 comme l’un des avantages du programme les plus appréciés. ménages dans 500 villages en 2009 et en 2012, pour Les groupes comprenaient des femmes plus jeunes et moins recueillir des informations auprès des participants et non intégrées socialement, qui avaient rejoint le programme participants à EPC dans les villages bénéficiaires et témoins. un peu plus tard que les premières participantes. Enfin, les Entretemps, des chercheurs ont interrogé à plusieurs reprises groupes d’épargne n’avaient aucun impact mesurable sur un sous-ensemble de 600 ménages des villages bénéficiaires la création ou l’expansion des affaires, peut-être parce que et témoins, sur leurs opérations financières, actifs, activi- beaucoup d’entre eux étaient situés dans des zones isolées. tés génératrices de revenus, habitudes de consommation Le programme EPC semble avoir amélioré la sécurité ali- et état de santé. L’information récoltée a permis de mieux mentaire et financière dans ces zones reculées, appauvries comprendre comment les ménages évoluaient au cours de et en proie à l’insécurité alimentaire. Le fait que certaines l’étude. femmes interrogées dans les villages témoins ont constitué, Pour interpréter les données de l’ECR et les remettre dans par elles-mêmes, des groupes d’épargne et de crédit, sans leur contexte, une étude qualitative a recueilli des informa- conseils extérieurs d’EPC, indique que ces groupes ont été tions détaillées sur un petit échantillon de 19 villages choisis perçus comme bénéfiques et qu’ils sont bien adaptés aux pour refléter certaines des variations existant entre les sites besoins locaux. d’EPC en matière de situation géographique, composi- tion ethnique, stratégies de subsistance et autres variables. Source : BARA et IPA, 2013. teurs locaux en vue de délivrer des formations vorisés dans leur transition vers l’âge adulte et de courte durée à la demande. Sur base de cette l’obtention de moyens de subsistance durables.9 expérience, ils sont en train de rédiger un plan Les groupes d’épargne peuvent constituer de cours exhaustif pour leurs groupes d’épargne un canal efficace pour l’introduction de pro- destinés aux jeunes. Son contenu, qui est adapté grammes visant les jeunes dans les commu- aux besoins et préférences d’apprentissage des nautés. Avec leur aide, les stratégies nationales jeunes, est conçu pour soutenir les jeunes défa- pour les jeunes pourraient combiner l’objectif 220 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne de permettre aux jeunes d’obtenir des moyens Smallholders to Knowledge, Networks, and Institu- de subsistance durables avec des programmes tions. Washington, DC : Banque mondiale. encourageant un comportement d’épargne, ———. 2013. Global Financial Development Report développant des compétences en affaires et de 2014 : Financial Inclusion. Washington, DC : la vie courante, appuyant l’autonomisation des BARA (Bureau of Applied Research in Anthropol- femmes et accroissant l’inclusion financière. ogy) et IPA (Innovations for Poverty Action). 2013. “Final Impact Evaluation of the Saving for Change Program in Mali, 2009–2012.” Oxfam America. http://www.oxfamamerica.org/static Notes /oa4/oxfam-america-sfc-ipa-bara-toplines.pdf 1. Dans ces pays, un compte bancaire est considéré Blycroft Ltd. 2012. “African Mobile Factbook.” comme un contrat ; l’âge minimum pour signer Africa and Middle East Telecom-Week. http:// un contrat est de 18 ans et il n’est pas prévu blog.bearing-consulting.com/wp-content qu’un adulte puisse le cosigner. /uploads/2012/10/Africa.Mobile.Fact_. 2. Voir le site de FINDEX, http://go.worldbank. Book_.2012.pdf. org/1F2V9ZK8C0. Collins, Daryl, Jonathan Morduch, Stuart Ruth- 3. Les comptes d’épargne postaux ont été mis en erford, et Orlanda Ruthven. 2009. Portfolios of place pour résoudre ce problème en employant the Poor: How the World’s Poor Live on $2 a Day. le personnel, les bureaux et les systèmes de sécu- Princeton, NJ: Princeton University Press. rité sous-utilisés des services postaux ruraux Dias, Denise et Katharine McKee. 2010. « Proté- pour étendre l’épargne aux populations non ger les consommateurs de services de banque à desservies par les systèmes bancaires classiques. distance : objectifs stratégiques et options régle- 4. Les gains sont encore plus élevés comparés mentaires ». Note Focus 64 du CGAP. Consulting aux frais de compte que font payer les grandes Group to Assist the Poor, Washington, DC. banques commerciales. Dupas, Pascaline et Jonathan Robinson. 2009. “Sav- 5. Blogue du CGAP, janvier 2012 (http://www. ings Constraints and Microenterprise Devel- cgap.org/blog/looking-back-trends-branchless- opment: Evidence from a Field Experiment in banking-2012). Kenya.” American Economic Journal : Applied 6. Voir Collins et coll. (2009), Karlan et Appel Economics 5 (1): 163–92. (2011) et Banerjee et Duflo (2012) pour une FIDA (Fonds international de développement analyse du pourquoi et du comment de ce agricole). 2012. “Republic of Uganda: Project phénomène. for Financial Inclusion in Rural Areas. Detailed 7. Cette section est basée sur Glisovic et El-Zoghbi Design Report.” Rapport 2772-UG, FIDA, Rome. (2011). Gardeva, Anita et Elisabeth Rhyne. 2011. “Opportu- 8. Sur base de l’avant-projet de descriptif du projet, nities and Obstacles to Financial Inclusion : Sur- novembre 2012 (voir FIDA, 2012). vey Report.” Publication 12, Center for Financial 9. Voir http://plan-international.org/what-we-do/ Inclusion, Accion International, Washington, DC. economic-security. Glisovic, Jasmina et Mayada El-Zoghbi, avec Sarah Forster. 2011. “Advancing Savings Services: Références Resource Guide for Funders”. Guide technique, Allen, Hugh et David Panetta. 2010. “Savings- Consulting Group to Assist the Poor, Washing- Groups: What Are They?” Réseau SEEP. ton, DC. Washington, DC. Giné, Xavier et Dean Karlan. 2013. “Group Ver- Bakiene, Amor, Louise Fox, Obert Pimhidzai sus Individual Liability: Short- and Long-Term et Elizabeth Mehta. 2012. “How Non-Farm Evidence from Philippine Microcredit Lending Enterprises Create Jobs for the Middle Class in Groups.” Banque mondiale, Washington, DC, Uganda and How Policies Can Raise Productivity juin. and Reduce Risk.” Document de travail consacré IFPRI (Institut de recherche sur les politiques ali- à la recherche sur les politiques, Banque mon- mentaires) et Banque mondiale. 2010. « Innova- diale, Washington, DC. tions en matière de services financiers ruraux et Banerjee, Abhijit V. et Esther Duflo. 2012. agricoles ». Focus n°18. IFPRI et Banque mon- « Repenser la pauvreté ». Édition du Seuil. diale, Washington, DC. Banque mondiale. 2011. “Module 7 : Broaden- Karlan, Dean et Jacob Appel. 2011. More Than ing Smallholders’ Access to Financial Services Good Intentions: How a New Economics Is Help- through ICTs.” In ICT in Agriculture : Connecting ing to Solve Global Poverty. New York: Dutton. Note thématique 3 221 Kilara, Tanaya et Alexia Latortue. 2012. « Les pers- (août). http://www.themix.org/publications pectives émergentes de l’épargne des jeunes ». /microbanking-bulletin/2008/08/mfi-bench Note Focus 82 du CGAP, Consulting Group to markdata-microbanking-bulletin-august- Assist the Poor, Washington, DC. 2008-issu. King, Michael. 2012. “Is Mobile Banking Breaking Mullainathan, Sendhil et Eldar Shafir. 2011. “Sav- the Tyranny of Distance to Bank Infrastructure? ings Policy and Decision-Making in Low-Income Evidence from Kenya.” IIIS Discussion Paper 412, Households.” In Insufficient Funds: Savings, Institute of International Integration Studies, Assets, Credit, and Banking among Low-Income Trinity College, Dublin. Households, sous la conduite de Michael Barr et Kweka Josephat et Louise Fox. 2011. “The House- Rebecca Blank, 121–46. New York : Russell Sage hold Enterprise Sector in Tanzania: Why It Foundation Press. Matters and Who Cares.” Document de travail Nimusiima, Catherine, Fiona Nshemerirwe, Helen consacré à la recherche sur les politiques 5882, Nyamweu et Skye Dobson, eds. 2012. 10 Years of Banque mondiale, Washington, DC. Owegatta: A History of the National Slum Dwell- Lauer, Kate et Michael Tarazi. 2012. “Supervis- ers Federation of Uganda (NSDFU) Narrated by ing Nonbank E-Money Issuers.” Note du CGAP Members. Kampala : Act Together Uganda. (juillet), Consulting Group to Assist the Poor, Riquet, Corinne et Djibril Maguette Mbenge. 2013. Washington, DC. “Deepening Financial Inclusion in West Africa.” McKay, Claudia et Mark Pickens. 2010. « Banque Billet du blogue du CGAP, Consulting Group to à distance 2010 : pour qui ? À quel prix ? Assist the Poor, 25 janvier, http://www.cgap.org Quelles perspectives ? », Note Focus 66 du /blog/deepening-financial-inclusion-west-africa. CGAP, Consulting Group to Assist the Poor, USAID (United States Agency for International Washington, DC. Development). 2009. “Youth Savings Account : MIX (Microfinance Information Exchange). 2008. A Financial Service Perspective ; a Literature and MFI Benchmark Data|Microbanking Bulletin 17 Program Review.” MicroREPORT 163, USAID, Washington, DC. Chapitre 6 Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes Bien que petit (environ 16 % de la population teux ; la réglementation étrangle les processus de active), le secteur de l’emploi salarié constitue le création d’entreprise et la circulation des biens ; moteur de l’emploi et de la croissance en Afrique les coûts élevés de l’intermédiation financière à moyen et long terme, notamment en raison de restreignent l’investissement ; et la petite taille sa capacité à exploiter les économies d’échelle et des marchés ainsi que les obstacles au commerce à produire pour l’exportation. Le secteur salarié empêchent la concurrence et réduisent l’incita- moderne crée des emplois à un rythme rapide tion à innover et à améliorer la productivité. en Afrique, mais à partir d’une base limitée. En Afrique, les pouvoirs publics ont beaucoup Les entreprises manufacturières modernes, en à faire pour remédier à cette situation. Le pas le particulier, ne représentent que 3 % de l’emploi plus important à franchir est l’amélioration du et exportent très peu. Cette faible compétitivité climat des affaires par des réformes essentielles sur les marchés d’exportation est principalement visant à accroître l’accès aux services financiers le reflet de celle du secteur de l’emploi salarié et d’infrastructure, à améliorer la logistique moderne. Elle indique la présence de défaillances commerciale et à alléger les contraintes régle- des pouvoirs publics et du marché, variables à tra- mentaires pesant sur l’entrepreneuriat. Beau- vers le sous-continent mais produisant des effets coup de réformes peu onéreuses peuvent avoir similaires. Les intrants logistiques nécessaires des impacts énormes à court terme en réduisant à l’emploi (électricité, transport, etc.) sont coû- les distorsions et en accroissant l’efficacité. Un 223 224 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne appui, sélectif et géographiquement ciblé, aux d’être plus inaccessible que jamais. Le princi- groupements émergents peut favoriser les écono- pal défi est donc de maintenir des taux élevés mies d’agglomération. Pour que les jeunes soient d’investissement et de création d’emploi dans véritablement productifs dans les entreprises le secteur privé, où la productivité et la compé- modernes, les pouvoirs publics doivent encoura- titivité sont essentielles. ger l’acquisition d’un solide socle de compétences Ce chapitre examine l’emploi dans les entre- de base en améliorant la qualité de l’enseigne- prises modernes du secteur manufacturier, des ment général. Dans le secteur de la formation, services, et autres secteurs non agricoles tels ils doivent se concentrer sur des « biens publics » que la construction, car elles ont la plus grande tels que l’assurance qualité et l’information, pour capacité potentielle d’agir sur la productivité encourager un secteur efficace et bien adapté au et l’emploi à moyen et long terme à mesure marché des compétences. Les programmes pour que la population active des jeunes augmente. les jeunes défavorisés intégrant une formation et Contrairement aux exploitations agricoles des stages sont prometteurs, de même que ceux familiales et aux entreprises individuelles, les offrant une formation aux fonctions de gestion. entreprises modernes de ces secteurs ne sont pas limitées par la taille de la famille, si bien En plus de l’emploi dans les exploitations qu’elles peuvent se développer pour exploiter agricoles familiales et les entreprises indivi- des économies d’échelle et sont beaucoup plus duelles, abordé dans les deux chapitres précé- susceptibles d’adopter de nouvelles technolo- dents, l’emploi dans les entreprises modernes gies pour y parvenir. Parce que les entreprises devient de plus en plus important pour la modernes sont capables de stimuler la produc- jeunesse africaine. Si on en croit le passé, cette tivité et la création d’emplois, il est naturel que tendance ne pourra que se poursuivre. Dans les décideurs politiques se préoccupent de leur les pays développés d’Europe et d’Amérique développement. Mais comme le montre l’ana- du Nord, les emplois dans les entreprises lyse ci-dessous, le contexte doit être favorable modernes ont progressivement remplacé la à l’entrepreneuriat et à la croissance des entre- plupart des autres types d’emplois, y compris prises productives. dans l’agriculture, au point qu’aujourd’hui, le secteur salarié moderne domine l’emploi. En Asie de l’Est et en Chine, la croissance des Vue d’ensemble du secteur emplois dans les entreprises modernes suit une africain des entreprises modernes  tendance analogue. Le secteur de l’emploi salarié moderne, L’emploi salarié moderne non agricole se tel que défini dans ce rapport, comprend les développe à travers l’Afrique, mais de manière petites, moyennes et grandes entreprises qui variable. À l’exception de quelques pays emploient en permanence cinq travailleurs ou (notamment Maurice et l’Afrique du Sud), les plus. Il englobe également le secteur public. entreprises non agricoles représentent moins de Historiquement, l’emploi salarié s’est déve- 20 % de l’emploi salarié en Afrique (Figure 6.1, loppé à mesure que les emplois se multipliaient Volet a). Malgré des réductions de l’emploi du dans les services publics et les entreprises secteur public, l’emploi salarié moderne dans le manufacturières publiques, mais tel n’est plus secteur privé ne représente toujours que moins le cas. En cherchant à améliorer leur efficacité de 10 % des emplois dans la plupart des pays et leur compétitivité, les États ont fait baisser africains (Figure 6.1, Volet b). Même comparé à l’emploi dans le secteur public (de manière celui des pays d’Asie et d’Amérique latine ayant parfois radicale, comme en Éthiopie et au des niveaux similaires de revenu par habitant, Ghana dans les années 1990), réduisant ainsi l’emploi dans les entreprises modernes non la part de l’emploi public dans l’emploi sala- agricoles est faible en Afrique, et extrêmement rié. Pour les jeunes à la recherche d’un emploi bas comparé à des économies émergentes telles salarié, un travail dans le secteur public risque que le Brésil, la Chine et l’Indonésie. Ed: Running head too long! Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 225 La croissance de l’emploi salarié dans les Figure 6.1  L’Afrique compte moins d’emplois salariés non agricoles entreprises modernes a été assez variable en que d’autres régions a. Emploi salarié dans les secteurs privé et public Afrique. Les études montrent que si ce secteur 70 a absorbé une part croissante de la population active à Madagascar, au Mali, en Tanzanie et 60 Part emploi salarié/emploi total (%) LSO CPV en Ouganda, sa part dans l’emploi total a, par EGY MNG 50 PHL LKA GTM contre, peu changé en Éthiopie, au Kenya et en IDN Zambie, et baissé dans d’autres pays tels que le NIC BOL 40 Malawi et le Sénégal (Figure 6.2). COM MRT Les jeunes Africains ne semblent pas présen- VNM 30 IND ter un avantage particulier en matière d’emploi MDG KEN KHM BGD SEND GHA COG salarié moderne (Encadré 6.1). Bien que la 20 LBR NGA TCD ZMB génération actuelle soit plus instruite que les RWA 10 BEN LAO précédentes, les employeurs semblent appré- ETH BFA cier l’expérience apportée par les travailleurs 0 plus âgés. 0 500 1,000 1,500 2,000 2,500 3,000 3,500 4,000 Les emplois dans les services, avec ou sans PIB par habitant, 2010 (en dollars EU actuels) contrat formel, dominent l’emploi salarié en Afrique.1 La part la plus importante de l’em- b. Emploi salarié dans le secteur privé ploi salarié formel dans les services se trouve 70 dans l’enseignement, la santé et autres services Part emploi privé salarié/emploi total (%) sociaux (appartenant essentiellement au sec- 60 teur public). Viennent ensuite le commerce MNG 50 (de détail et de gros) et le transport (Figure 6.3, IDN Tableau a). 40 LSO PHL GTM En dehors des services, le secteur manufac- NIC BOL LKA CPV turier et la construction représentent chacun 30 EGY environ 10 % des emplois salariés. Presque BGD MRT IND la moitié des emplois manufacturiers dans 20 KHM VNM COM RWA les entreprises modernes se trouve dans les LBR TCD LAO COG 10 NGA industries de la catégorie alimentation et tex- BEN ZMB tiles (incluant le cuir et les produits du cuir) 0 ETH BFA (Figure 6.3, Volet b). Dans certains pays, tels 0 500 1,000 1,500 2,000 2,500 3,000 3,500 4,000 que le Cameroun et le Rwanda, la transfor- PIB par habitant, 2010 (en dollars EU actuels) mation du bois constitue un important sec- Afrique subsaharienne Hors d’Afrique subsaharienne teur d’emploi. L’emploi est assez limité dans les industries de haute technologie, telles que Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois. les machines et l’électronique, mais il peut être important dans les industries chimiques, du plastique, du verre et du papier de certains pays. actuellement que moins de 3 % de l’emploi total en Afrique, nettement moins que dans d’autres régions du monde (Figure 6.4). La Aujourd’hui, le secteur part de l’emploi salarié manufacturier dans manufacturier moderne fournit l’emploi total varie considérablement d’un peu d’emplois et exporte peu pays africain à l’autre (et est en déclin dans certains d’entre eux), et rien n’indique que Avec un potentiel de croissance de l’emploi, l’Afrique dans son ensemble est en train de considérable mais inexploité, les entreprises rattraper son retard par rapport aux régions manufacturières modernes ne représentent comparables. 226 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 6.2  L’emploi salarié se développe dans la pour elles que pour les pays en développe- plupart des pays d’Afrique ment d’autres régions telles que l’Asie du Sud, où les marchés intérieurs sont généralement 1994 Mali beaucoup plus vastes (Dinh et coll., 2012). 2003 Les marchés de petite taille freinent la pro- 1994 ductivité et la croissance de l’emploi en limi- Burkina Faso 2003 tant les économies d’échelle que les industries 2000 pourraient exploiter. Parce qu’un marché inté- Tanzanie rieur de petite taille ne peut supporter qu’un 2006 nombre restreint d’entreprises, le manque de 1999 concurrence qui en résulte constitue un frein Éthiopie 2005 pour l’investissement et la croissance.2 De plus, 1996 en l’absence de commerce, les économies de Mozambique petite taille sont moins susceptibles de profiter 2008 d’économies d’agglomération, tout simple- 1993 Madagascar ment parce que des grappes manufacturières 2001 ont beaucoup moins de chances de se former 2002 (Collier et Venables, 2008). Ouganda 2005 Étant donné l’importance potentielle de 1998 l’exportation pour les pays d’Afrique et le Zambie fait que les produits manufacturiers sont, par 2003 nature, plus susceptibles d’être échangés que la 1997 Malawi plupart des services, l’analyse présentée dans ce 2005 chapitre s’attache davantage au secteur manu- 1997 facturier qu’à celui des services. Cette approche Kenya 2005 n’est pas due au fait que le secteur manufactu- 1995 rier pourrait être la seule solution pour créer Sénégal des emplois salariés modernes et productifs en 2005 Afrique. Il ne l’est pas. La part des services dans 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 le commerce mondial augmente, et l’Afrique Part emploi salarié/emploi total, 15 à 64 ans (%) peut sans aucun doute y avoir recours pour développer l’emploi salarié. Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois. La croissance de la productivité dans les secteurs des biens non échangeables peut éga- lement créer des emplois salariés, comme l’a Le souci n’est pas seulement que le secteur prouvé la récente croissance du secteur afri- manufacturier soit limité, mais que les entre- cain de la construction. Toutefois, comme prises manufacturières exportent une trop l’indiquent les économies à croissance rapide petite partie de leur production. En Afrique, de l’Asie de l’Est, c’est le secteur manufacturier le pourcentage des entreprises manufactu- orienté vers l’exportation qui peut présenter le rières exportatrices est parmi les plus faibles plus grand potentiel de création d’emplois sala- au monde tandis que la part de la production riés. Les retombées positives du secteur manu- manufacturière africaine vendue à l’échelle facturier sur les autres secteurs nationaux sont nationale figure parmi les plus élevées (Figure tout aussi importantes. En augmentant les reve- 6.5). Les médiocres performances du secteur nus, la croissance d’un secteur manufacturier manufacturier africain sont particulièrement mené par les exportations (et par conséquent, inquiétantes parce qu’il constitue une possi- non limité par la taille de l’économie natio- bilité de créer rapidement des emplois salariés nale) accroît la demande intérieure destinée modernes. Les économies africaines étant de à d’autres industries (notamment les services petite taille, le développement d’un secteur et la construction). Les entreprises manufac- tourné vers l’exportation est plus important turières ont également besoin d’un ensemble Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 227 Encadré 6.1 Quelle est la place des jeunes dans le paysage africain de l’emploi salarié ? À l’heure actuelle, dans l’ensemble des pays africains, la part Figure B6.1.1  La part des jeunes dans l’emploi de l’emploi salarié des jeunes dans l’emploi total est remar- salarié suit celle de la population générale quablement semblable à celle de la population générale (voir Figure B6.1.1). On peut en déduire que les entreprises 100 ne manifestent aucune préférence particulière en matière 90 d’âge. L’emploi des jeunes dans les entreprises modernes 80 est simplement proportionnel à la croissance des entreprises Part de l’emploi salarié des modernes : ni plus ni moins. 70 En même temps, cette figure ne raconte pas nécessaire- 15 à 34 ans (%) 60 ment toute l’histoire. Il devrait être possible d’améliorer l’im- 50 pact de la croissance des entreprises occupant des salariés sur l’emploi des jeunes. Comme indiqué dans le Chapitre 1, 40 bon nombre de travailleurs n’intègrent l’emploi salarié qu’à 30 30 ans ou plus, ce qui pourrait refléter une préférence des entreprises pour un personnel avec de l’expérience. Des poli- 20 tiques facilitant la transition des jeunes vers l’emploi salarié, 10 telles que les programmes appuyant des stages de forma- 0 tion sur le lieu de travail ou des séances d’information afin 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 de mettre les jeunes en relation avec les entreprises qui ont Part de l’emploi salarié des besoin de leurs compétences, permettraient à davantage de 15 à 64 ans (%) jeunes de ne plus attendre pour réaliser leur souhait d’un Ligne des 45 degrés emploi salarié. Le domaine d’application et les preuves de l’efficacité de ce type de politiques sont abordés à la fin de ce chapitre. Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois. Figure 6.3  Les services constituent la majeure partie de l’emploi salarié non agricole ; dans le secteur manufacturier, les industries alimentaire et textile prédominent a. Par sous-secteur b. Dans le secteur manufacturier Électricité et services publics Construction Machines et électronique Autres Secteur manufacturier Commerce Transport, Métaux entreposage et Autres services communications Produits chimiques, Alimentation Finances, matières plastiques, assurances et verre et papier immobilier Alcool et tabac Défense et maintien Éducation, santé et Menuiserie et Habillement, de l’ordre services sociaux produits du bois chaussures et textiles Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois harmonisées (voir annexe). de biens et services intermédiaires, tels que les l’objet de plus d’études que d’autres sources intrants de fournisseurs nationaux. d’emploi salarié en Afrique. On dispose donc Le dernier point à prendre en considération de données plus nombreuses et de meilleure est le fait que le secteur manufacturier a fait qualité à analyser, et les enseignements qui 228 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 6.4  Le secteur manufacturier salarié moderne africain continue de représenter une petite part de l’emploi a. Afrique b. Autres régions 1994 1999 Mali Inde 2003 2009 1994 Burkina Faso 2000 2003 Bolivie 2008 2000 Tanzanie 2000 2006 Pérou 2010 1999 Éthiopie 2005 2005 Philippines 1996 2010 Mozambique 2008 2000 Guatemala 2002 2006 Ouganda 2005 2001 Nicaragua 1998 2005 Zambie 2003 2002 Colombie 1997 Kenya 2010 2005 2001 1993 Brésil Madagascar 2009 2001 2000 1997 Sri Lanka Malawi 2008 2005 1995 2005 Sénégal Bangladesh 2005 2010 0 3 6 9 12 15 0 3 6 9 12 15 Part dans l’emploi (%) Part dans l’emploi (%) Source : Basé sur les enquêtes de ménages et d’emplois. biens manufacturés destinés à l’exportation en sont tirés pour les politiques peuvent être (Wood et Berge, 1997 ; Wood et Mayer, 2001). appliqués aux entreprises d’autres secteurs. Des réflexions plus récentes suggèrent que la dotation en facteurs ne suffit pas à déterminer les échanges et que l’Afrique pourrait devenir Le secteur manufacturier moderne compétitive dans le secteur manufacturier. africain est-il compétitif ? Premièrement, en plus de la main-d’œuvre, du capital et des ressources naturelles, une Dans le raisonnement classique en matière de infrastructure et des services publics de qua- commerce international, l’abondance relative lité contribuent également à la compétitivité. des facteurs de production d’un pays donné, Les services publics comme l’électricité et l’eau tels que la main-d’œuvre, le capital et les res- ont un effet sur ce qu’une entreprise peut pro- sources naturelles, détermine fortement les acti- duire à partir d’une quantité donnée de main- vités économiques susceptibles d’être compéti- d’œuvre, de capital et de matières premières. tives sur la scène internationale. L’Afrique étant Les coûts du transport influencent la compé- riche en ressources naturelles, mais relativement titivité des exportations d’un pays, en agissant pauvre en capital humain, elle est supposée sur les coûts tant d’expédition de la production avoir un avantage comparatif dans les p ­ roduits vers les marchés d’exportation que d’importa- primaires d’exportation plutôt que dans les tion des intrants. Avec ses chaînes logistiques Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 229 Figure 6.5  Les entreprises africaines exportent grappes indiennes de technologie de l’informa- relativement peu tion de pointe en sont un excellent exemple. Troisièmement, la productivité au niveau de Moyen-Orient et Afrique du Nord l’entreprise est considérée aujourd’hui comme un facteur déterminant des modèles commer- Afrique subsaharienne ciaux internationaux. Deux entreprises d’un même secteur situées dans des pays différents Asie du Sud peuvent l’une et l’autre exporter, à condi- tion qu’elles soient productives au regard des Asie de l’Est et Pacifique normes internationales et que les prix qu’elles pratiquent soient à la fois compétitifs et ren- Monde tables.3 Le niveau de productivité des entre- Amérique latine prises peut également présenter des différences et Caraïbes significatives au sein d’un même secteur. Cela Europe et implique que, en dehors des dotations en Asie centrale ressources et des facteurs qui influencent lar- Pays de l’OCDE gement l’avantage comparatif des secteurs, à revenu élevé d’autres facteurs, peut-être tout aussi impor- 0 20 40 60 80 100 tants, déterminent la compétitivité au niveau Pourcentage de l’entreprise. Entreprises exportant directement ou L’avantage comparatif souvent attribué aux indirectement (au moins 1 % des ventes) industries extractives en Afrique n’est donc pas Part des ventes intérieures dans un résultat incontournable de l’abondance des les ventes totales ressources du continent. La question est dès Source : Basé sur les enquêtes de la Banque mondiale auprès des lors de savoir si d’autres secteurs, en particulier entreprises. le secteur manufacturier, peuvent devenir com- pétitifs sur la scène internationale. relativement complexes, le secteur manufac- Coûts unitaires de la main-d’œuvre en turier dépend autant, sinon plus, des services tant que mesure de la compétitivité du d’infrastructure que l’agriculture et les indus- secteur manufacturier tries extractives. Il est donc concevable que l’in- Une mesure de la compétitivité du secteur vestissement dans l’infrastructure puisse faire manufacturier est ce qu’une industrie doit apparaître un secteur manufacturier compétitif payer aux travailleurs pour produire une unité à l’échelle internationale, indépendamment de de production. La mesure spécifique utilisée à la dotation en facteurs. cet effet est le coût unitaire de la main-d’œuvre, Deuxièmement, des théories plus récentes à savoir les salaires divisés par la productivité suggèrent qu’un avantage comparatif peut de la main-d’œuvre (production par travail- être obtenu avec le temps, mais pas nécessaire- leur), qui donne une mesure plus complète de ment de manière prévisible. Par exemple, une la compétitivité que la productivité de la main- grappe industrielle peut parfois devenir com- d’œuvre ou les salaires, pris séparément. Des pétitive sur la scène internationale grâce à des coûts unitaires de la main-d’œuvre plus bas économies d’agglomération. Celles-ci peuvent indiquent un degré de compétitivité plus élevé naître de la présence de nombreux fournis- (même s’ils présentent quelques limitations en seurs d’intrants au sein de parcs industriels, tant qu’indicateur unique de la compétitivité ; où la concurrence réduit le coût des intrants voir Encadré 6.2). pour l’industrie exportatrice. La diffusion des L’expérience de la Chine illustre à quel point connaissances parmi des entreprises géographi- la croissance du secteur manufacturier dépend quement proches les unes des autres constitue du maintien de la compétitivité sur le marché une autre économie d’agglomération poten- international. Entre 1980 et 2007, la main- tielle (Fujita, Krugman et Venables, 1999). Les d’œuvre manufacturière chinoise a triplé, pas- 230 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 6.2 Limitations potentielles de la mesure du coût unitaire de la main-d’œuvre Le coût unitaire de la main-d’œuvre, c’est-à-dire le coût de sur un marché national africain, les mesures de la produc- la main-d’œuvre par travailleur divisé par la productivité de tivité de la main-d’œuvre fondées sur le chiffre d’affaires la main-d’œuvre ou production réelle (physique) par travail- peuvent surestimer la compétitivité sur ce marché. leur, présente certaines limitations en tant que mesure de la Pour prendre en compte l’effet des prix, le chiffre d’af- compétitivité. Par exemple, dans une fabrique de chemises, il faires ou la valeur ajoutée par travailleur est corrigé par un est égal au salaire par travailleur divisé par le nombre de che- indice des prix agrégé au niveau de l’industrie. Cette pra- mises produites par travailleur. Dans ce chapitre, la producti- tique permet un ajustement à l’évolution des prix au fil du vité de la main-d’œuvre a été remplacée par la valeur ajoutée temps, mais pas aux différences de majoration des prix entre (chiffre d’affaires moins coût des intrants de production) par les entreprises d’un même secteur ni aux différences de travailleur. Cette pratique est la norme pour la mesure de la majoration entre les pays. productivité de la main-d’œuvre et est généralement inévi- Une autre limitation des coûts unitaires de la main- table, étant donné que la production physique est difficile d’œuvre est que la compétitivité d’une entreprise dépend à mesurer et à comparer ou agréger pour des entreprises des coûts totaux par unité de production et pas seulement produisant des biens différents. des coûts de main-d’œuvre. Si les coûts d’autres intrants Le chiffre d’affaires et la valeur ajoutée dépendent à la « indirects » (tels que l’eau et l’électricité) sont similaires fois de la production physique et des prix. Leur utilisation entre les pays comparés, alors ce sont les coûts de la main- à la place de la production physique peut artificiellement d’œuvre par unité de production qui comptent réellement. gonfler la mesure de la productivité lorsque les entreprises Le fait avéré qu’en Afrique, les entreprises payent relati- pratiquent des prix plus élevés que ceux qu’elles pourraient vement plus pour les intrants indirects que dans d’autres appliquer sur des marchés parfaitement compétitifs (c’est-à- pays en développement suggère cependant que les coûts dire une majoration de prix). Lorsqu’un manque de concur- unitaires de la main-d’œuvre exagèrent la compétitivité des rence permet à une entreprise de dégager une forte valeur entreprises africaines par rapport à celle d’autres pays en ajoutée grâce aux prix élevés qu’elle pratique, la compétiti- développement. vité de cette entreprise sur les marchés internationaux est surestimée. Lorsque la concurrence est relativement faible Sources : Clarke, 2011 ; Eifert, Gelb et Ramachandran, 2008. Figure 6.6  Les coûts unitaires de la main-d’œuvre chinoise sont restés inférieurs à ceux d’autres économies émergentes a. Coûts unitaires de la main-d’œuvre (moyennes sur 3 ans) b. Emploi 1984–86 Chine Chine 2005–07 1995–97 Brésil Brésil 2005–07 1991–93 Inde Inde 2004–06 1987–89 République République de Corée de Corée 2006–08 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0 1 2 3 4 5 6 7 8 Coût unitaire de la main-d’œuvre Secteur manufacturier (travailleurs, en millions) 1990 2007 Source : Statistiques de l’ONUDI. Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 231 sant de 24 millions à 72 millions (Figure 6.6, Figure 6.7  La croissance de l’emploi salarié Volet b). Longtemps, les performances excep- manufacturier a été variable parmi les pays africains tionnelles des industries manufacturières chinoises ont bénéficié des salaires locaux peu 1990 élevés par rapport au reste du monde, y com- Cameroun 2007 pris l’Afrique. Lorsque l’emploi a commencé à 1990 se développer, les salaires en ont fait autant : ils Éthiopie ont quadruplé entre le début des années 1980 et 2007 2007. Toutefois, pendant que la Chine perdait 1990 Ghana l’avantage lié au coût de sa main-d’œuvre, la 2007 productivité de celle-ci augmentait à un taux 1990 compensant cet accroissement de coût, de sorte Kenya 2007 que les coûts unitaires de la main-d’œuvre 1990 sont restés pratiquement inchangés. Comme Malawi le montre la Figure 6.6 (Volet a), tout au long 2007 de cette période, les coûts unitaires de la main- 1990 Sénégal d’œuvre chinoise sont restés inférieurs à ceux 2007 d’autres économies émergentes. 1990 Tanzanie 2007 Le secteur manufacturier n’est pas 0 5 10 15 20 25 30 compétitif dans la plupart des pays Secteur manufacturier (travailleurs, en milliers) africains Source : Statistiques de l’ONUDI. La comparaison des tendances de l’emploi manufacturier et des coûts unitaires de la main-d’œuvre en Afrique et dans les écono- mies émergentes peut aider à déterminer si les Les pays sélectionnés pour examen sont rai- pays africains sont compétitifs ou en voie de sonnablement représentatifs de l’Afrique sub- le devenir. La comparaison avec la Chine est saharienne. Ils comprennent des pays à faible particulièrement importante, parce que celle- revenu (Éthiopie, Kenya, Malawi et Tanzanie) et à revenu intermédiaire (Cameroun, Ghana et ci maintient les coûts unitaires de la main- Sénégal) ; des pays riches en ressources (Came- d’œuvre les plus bas parmi les grandes écono- roun et Ghana) ; des pays d’Afrique de l’Ouest mies émergentes et qu’elle reste très présente et de l’Est ; des pays très et peu peuplés. Les sur les marchés d’exportation dans la plupart données de cet échantillon sont comparées à des secteurs. De gros concurrents potentiels tels celles d’économies émergentes, en particulier que l’Inde semblent atteindre un niveau simi- la Chine. laire de coûts unitaires de la main-d’œuvre. La croissance de l’emploi manufacturier Étant donné la forte pénétration des marchés depuis 1990 a été variable parmi ces pays afri- par la Chine, même les entreprises africaines cains (Figure 6.7). L’Éthiopie et le Kenya ont n’envisageant d’exporter que sur les marchés connu une croissance significative. Bien que proches doivent maintenir leur compétitivité modeste par rapport à l’emploi total, le volume par rapport à elle. Vu sous cet angle, le secteur de l’emploi manufacturier en Éthiopie a aug- manufacturier de la plupart des pays africains menté de 82 000 en 1990 à 135 000 en 2007. n’est pas compétitif, même si ses coûts unitaires Au cours de la même période, il est passé de de la main-d’œuvre peuvent avoir atteint des 188 000 à 256 000 au Kenya. Bien que dans une niveaux compétitifs dans certains pays. L’aug- moindre mesure, le Cameroun, le Ghana et le mentation continue des coûts de la main- Malawi ont également enregistré une crois- d’œuvre partout dans le monde (en particulier sance tandis qu’au Malawi, au Sénégal et en en Chine) peut constituer une ouverture pour Tanzanie, relativement peu de changements le secteur manufacturier africain. étaient observés. 232 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 6.8  Sur la base des coûts unitaires de la main- En accord avec la croissance décevante de d’œuvre, certains pays africains pourraient devenir leurs secteurs manufacturiers, les coûts uni- compétitifs par rapport à d’autres économies taires de la main-d’œuvre au Sénégal et en Tanzanie sont supérieurs à ceux des grandes 1991–93 Cameroun économies émergentes. Ils ont baissé ces der- 2007–09 nières années en Tanzanie, mais ne sont pas 1991–93 encore descendus en dessous de ceux du Brésil, Éthiopie 2005–07 de la Chine ou de l’Inde. Les coûts unitaires de 1980–82 la main-d’œuvre sont restés longtemps élevés Ghana au Sénégal. 2003 L’association entre les coûts unitaires de 1991–93 la main-d’œuvre et les tendances de l’emploi Kenya 2000–02 présente quelques exceptions. Contrairement à 1991–93 l’Éthiopie et au Ghana, le Kenya a connu une Malawi 2007–09 croissance significative de l’emploi manufac- turier, malgré des coûts unitaires de la main- 1991–93 Sénégal d’œuvre plus élevés que ceux des grandes 2000–02 économies émergentes. De même, l’emploi 1991–93 manufacturier a augmenté au Cameroun et au Tanzanie 2005–07 Malawi, en dépit de coûts unitaires de la main- d’œuvre relativement élevés pendant les der- 0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 nières années. Coût unitaire de la main-d’œuvre D’autres approches utilisées pour mesu- Chine Inde Brésil rer la compétitivité suggèrent systématique- Source : Statistiques de l’ONUDI. Note : Les lignes verticales indiquent les coûts unitaires actuels de ment que l’Afrique est moins compétitive la main-d’œuvre en Chine, en Inde et au Brésil. que d’autres régions en développement. Par exemple, selon l’Indice de compétitivité mon- diale du Forum économique mondial, qui La Figure 6.8 présente les coûts unitaires définit la compétitivité comme « l’ensemble de la main-d’œuvre dans l’échantillon de pays des institutions, des politiques et des facteurs africains et trois grandes économies émergentes qui déterminent le niveau de productivité d’un (Brésil, Chine et Inde). Comme pour l’emploi pays », les pays africains se classent clairement manufacturier, les tendances des coûts unitaires comme les derniers des pays en développe- de la main-d’œuvre sont variables en Afrique et ment (Forum économique mondial, 2012). suggèrent que certains pays pourraient devenir L’Afrique subsaharienne arrive également en compétitifs. dernière position du classement selon l’indice Les quelques données disponibles indiquent Doing Business de la Banque mondiale, qui se que le Ghana pourrait avoir des coûts unitaires concentre principalement sur l’environnement de la main-d’œuvre comparables à ceux du réglementaire (Banque mondiale, 2012b). Brésil, de la Chine et de l’Inde, en accord avec le niveau croissant de l’emploi manufacturier Le secteur manufacturier crée-t-il des dans le pays. L’Éthiopie a également de faibles emplois dans certains pays ? coûts unitaires de la main-d’œuvre, et leur La croissance de l’emploi manufacturier total brusque diminution coïncide avec les années a été décevante au Malawi, au Sénégal et en où le secteur manufacturier a rapidement créé Tanzanie, où les industries de transformation des emplois dans le pays. Au cours des dernières du bois (hors meubles) ont toutefois créé des années, l’Éthiopie et le Ghana ont maintenu emplois. Au Malawi, l’industrie du meuble et des coûts unitaires de la main-d’œuvre prati- celle du caoutchouc et des matières plastiques quement similaires à ceux de la Chine et très l’ont également fait. Cette constatation sug- inférieurs à ceux d’autres grandes économies gère qu’en plus des déterminants nationaux, émergentes, notamment le Brésil et l’Inde. des facteurs spécifiques à l’industrie sont sus- Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 233 ceptibles d’influencer la croissance du secteur pays africains n’ont pas un avantage salarial manufacturier. uniforme par rapport à d’autres régions en Certaines industries ont bien réussi dans développement (Figure 6.9). Bien que les coûts plusieurs pays, contrairement à d’autres qui médians de la main-d’œuvre dans les petites et s’en sont moins bien tirées. Le nombre des moyennes entreprises soient légèrement plus emplois dans les industries alimentaire, des bas qu’en Asie de l’Est et dans le Pacifique, boissons et de la transformation du bois (et ils sont similaires à ceux de l’Asie du Sud. En dans une moindre mesure, du caoutchouc et Afrique, les coûts moyens de la main-d’œuvre des matières plastiques) a considérablement des grandes entreprises sont plus élevés qu’en augmenté au Cameroun, en Éthiopie, au Asie de l’Est et dans le Pacifique, ce qui est Ghana et au Kenya. Le secteur du caoutchouc significatif parce que les grandes entreprises et des matières plastiques a généré des emplois ont tendance à être les principales industries au Cameroun, en Éthiopie, au Ghana, au Kenya exportatrices. et au Malawi. En revanche, les industries tex- Certains pays africains ont un avantage tiles et du cuir ont perdu des emplois salariés salarial sur la Chine et l’Inde, mais il est plus modernes dans presque tous les pays analysés que compensé par la faible productivité de leur pour ce rapport, à l’exception de l’Éthiopie main-d’œuvre. Bien qu’au cours des deux der- (cuir et produits du cuir) et du Kenya (textiles). nières décennies, les salaires aient augmenté Ces observations n’impliquent pas que plus rapidement en Chine et en Inde que certaines industries soient appelées à pros- n’importe où en Afrique, les coûts de la main- pérer dans n’importe quel contexte national. d’œuvre africaine ne comblent pas leur écart Par exemple, bien que l’industrie du meuble par rapport à ceux de ces pays, car la producti- ait récemment créé des milliers de nouveaux emplois en Éthiopie, au Ghana, au Kenya et au Malawi, elle n’a cessé de se contracter au cours Figure 6.9  L’Afrique n’a pas un avantage salarial uniforme par rapport aux autres régions en des deux dernières décennies au Cameroun, au développement Sénégal et en Tanzanie. En revanche, ces constatations indiquent que les industries prospèrent lorsqu’elles sont Amérique latine et Caraïbes compétitives. À quelques exceptions près, les tendances de l’emploi dans une industrie don- Europe et née reflètent généralement celles de ses coûts Asie centrale unitaires de main-d’œuvre. Par exemple, l’in- Asie de l’Est dustrie textile affiche des coûts unitaires de la et Pacifique main-d’œuvre plus élevés en Afrique qu’en Chine et en Inde, et elle perd des emplois. De Afrique même, l’industrie du cuir a des coûts unitaires subsaharienne de la main-d’œuvre élevés dans la plupart des Moyen-Orient et pays africains examinés ici, à l’exception de Afrique du Nord l’Éthiopie. Par contre, l’industrie alimentaire, qui a créé des milliers d’emplois dans plusieurs Asie du Sud pays africains au cours des dernières années, a des coûts unitaires de la main-d’œuvre plus 0 2,000 4,000 6,000 8,000 10,000 avantageux que ceux des économies émer- Coût médian de la main-d’œuvre gentes telles que la Chine et l’Inde. (en dollars EU) Petites Entreprises Grandes entreprises moyennes entreprises La productivité est le facteur clé de la compétitivité en Afrique Source : Basé sur des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises. Les pays africains ne peuvent-ils devenir com- Note : La figure montre les coûts médians de la main-d’œuvre des entreprises (par employé temps plein et par an, en dollars EU pétitifs que grâce à de faibles coûts de la main- constants). Les coûts sont tirés d’enquêtes menées dans les pays d’œuvre ? La chose semble peu probable. Les sélectionnés, entre 2008 et 2010. 234 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 6.3 L’Afrique présente-t-elle réellement un avantage en matière de coût de la main-d’œuvre ? Étant donné l’augmentation continue des coûts de la main- la réglementation et la syndicalisation, mais en moyenne, d’œuvre dans le secteur manufacturier chinois, une obser- les indicateurs de la réglementation du marché du travail vation fréquente est qu’avec des coûts de main-d’œuvre ne sont pas très différents dans les pays africains et les pays plus bas, d’autres pays en développement seront bientôt en comparateurs. Une autre explication est que les prix géné- mesure de faire concurrence à la Chine (Lin et Monga, 2011). ralement plus élevés dans les pays africains amèneraient les On s’attend à ce que les salaires soient plus bas dans les pays entreprises à payer des salaires relativement hauts pour com- ayant des revenus par habitant nettement plus faibles que penser un coût de la vie comparativement élevé. la Chine, notamment les pays africains. Des études récentes À son tour, le coût élevé de la vie en Afrique pourrait utilisant des données de niveau entreprise semblent tou- être le résultat de la prédominance des industries basées tefois mettre en cause ce point de vue, en suggérant que sur les ressources. Des prix élevés sont une caractéristique les coûts de la main-d’œuvre industrielle africaine sont de habituelle des pays riches en ressources, parce que le revenu loin plus élevés que ceux auxquels on pourrait s’attendre en important issu des ressources augmente le prix des biens se basant uniquement sur le produit intérieur brut (PIB) par non exportés, y compris la main-d’œuvre. Ces interactions habitant (Gelb, Meyer et Ramachandran, 2013). Les coûts sont souvent citées pour expliquer pourquoi les pays riches de la main-d’œuvre par travailleur sont presque 80 % plus en ressources ont tendance à avoir des performances aussi élevés dans les entreprises africaines que dans celles d’autres médiocres lorsqu’ils comptent uniquement sur la croissance pays ayant le même niveau de PIB par habitant. générée par les exportations (Sachs et Warner, 2001). Ces constatations s’expliquent en partie par un « effet Les entreprises plus grandes, en particulier, paient des d’enclave » : par rapport aux pays dotés du même niveau salaires plus élevés dans les pays africains. La recherche de revenu d’autres régions, les entreprises manufacturières basée sur des données reliant les employeurs et les employés dotées d’une haute productivité de la main-d’œuvre et dans 10 pays africains suggère que ce phénomène est en payant des salaires élevés constituent une enclave dans les partie dû à la structure du personnel particulièrement pro- pays africains. Toutefois, même après ajustement à cet effet, blématique en Afrique, où le rapport entre les cadres et les les coûts de la main-d’œuvre des entreprises africaines sont travailleurs est beaucoup plus élevé qu’ailleurs (Fafchamps et encore plus élevés de presque 50 %. Soderbom, 2006). Cette importance des coûts de la main-d’œuvre pourrait s’expliquer par des facteurs liés au marché du travail, tels que vité de la main-d’œuvre n’a pas augmenté aussi pays riches en ressources, où les salaires sont rapidement en Afrique qu’en Chine et en Inde. tirés à la hausse par le coût élevé de la vie. Si l’Afrique ne peut concurrencer les grandes économies émergentes telles que la Chine ou l’Inde, son atout salarial lui permettrait-il de Sources des écarts de productivité le faire avec des pays en développement plus dans le secteur manufacturier petits ? Cela semble à nouveau peu probable. africain Les salaires ne sont pas plus bas dans les pays africains que dans d’autres pays en développe- Pour comprendre comment le secteur manu- ment ayant des niveaux similaires de revenu facturier de l’Afrique peut devenir compétitif par habitant. Les raisons exactes de cette dif- sur la scène internationale, la productivité de férence ne sont pas claires, bien que quelques la main-d’œuvre doit être décomposée afin hypothèses plausibles aient été avancées (Enca- d’en examiner les composantes. Cette section dré 6.3). Étant donné la difficulté à faire baisser examine ces composantes dans un groupe de les salaires, la conclusion inévitable est que la pays en développement à l’aide de données productivité de la main-d’œuvre est le facteur de niveau entreprise collectées dans le cadre clé de la compétitivité en Afrique. Cette conclu- des enquêtes de la Banque mondiale auprès sion est particulièrement pertinente pour les des entreprises.4 Pour éviter les complications Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 235 Figure 6.10  La productivité de la main-d’œuvre est particulièrement Figure 6.11  Les travailleurs africains n’ont pas accès au même basse dans les pays africains à faible revenu équipement que leurs homologues des autres parties du monde Ventes par travailleur dans l’industrie textile Immobilisations par travailleur dans l’industrie textile Afrique du Sud Namibie Chine Mexique Malaisie Kenya Chine Brésil Afrique du Sud Mexique Malaisie Thaïlande Botswana Colombie Maroc Thaïlande Swaziland Swaziland Mauritanie Zambie Zambie Botswana Tanzanie Tanzanie Maroc Angola Mauritanie Namibie Guinée Colombie Ouganda Nigéria Nigéria Burundi République démocratique du Congo Gambie Rwanda République démocratique du Congo Guinée-Bissau Gambie Rwanda Burundi Guinée 0 5 10 15 20 25 30 35 40 0 2 4 6 8 10 12 14 16 milliers de dollars EU de 2000 milliers de dollars EU de 2000 Source : Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises, 2002–2008. Source : Enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises, 2002–2008. résultant des différences technologiques entre à-dire en installations et machines) que leurs les industries, l’analyse se concentre sur l’indus- homologues des autres parties du monde, trie textile, qui est généralement orientée vers notamment la Chine, la Malaisie, le Mexique l’exportation et donc plus comparable d’un et la Thaïlande (Figure 6.11). Un fabricant de pays à l’autre que les industries orientées vers textile chinois, par exemple, équipe générale- le marché intérieur. ment ses travailleurs de deux fois plus d’ins- Les données de niveau entreprise montrent tallations et d’équipements qu’un fabricant que la productivité de la main-d’œuvre est par- tanzanien. ticulièrement faible en Afrique, en particulier Pourquoi le secteur manufacturier africain dans les pays à faible revenu.5 La Figure 6.10 utilise-t-il aussi peu de capital par travailleur ? illustre ce point en montrant les ventes par L’une des principales raisons de cette faible travailleur, une mesure de la productivité de intensité en capital en Afrique est que les entre- la main-d’œuvre, dans l’industrie textile. Par prises n’y ont pas accès à la même offre de capi- exemple, dans l’industrie textile tanzanienne, le taux que leurs homologues chinoises.6 Bien que chiffre d’affaires annuel par travailleur atteint l’accès aux capitaux internationaux soit parti- à peine 9 000 dollars EU contre 25 000 dollars culièrement important pour le secteur manu- EU en Malaisie. facturier africain (étant donné le faible revenu La productivité de la main-d’œuvre est par habitant), des études des flux de capitaux basse dans les pays africains à faible revenu, internationaux montrent que l’Afrique et en partie parce que les travailleurs ne sont d’autres régions en développement ont un pas aussi bien équipés en capital fixe (c’est- accès limité à ces marchés (voir, par exemple, 236 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Kalemli-Ozcan, Alfaro et Volosovych, 2008).7 main-d’œuvre. Certains d’entre eux, tels que la Les imperfections des marchés intérieurs afri- qualité de la gestion, sont internes à une entre- cains du crédit sont également susceptibles de prise donnée, tandis que d’autres, tels que la compliquer l’accès au capital. qualité des infrastructures, sont externes. En Le faible niveau de capital fixe ne peut que général, ces autres facteurs sont moins concrets partiellement expliquer pourquoi la produc- que les installations et les machines et difficiles tion par travailleur est tellement plus faible à quantifier. Pour les distinguer des machines dans la plupart des pays africains qu’ailleurs. et autres intrants matériels, ils sont souvent La différence de capital fixe entre les entreprises regroupés sous le terme « productivité » (à africaines et celles des autres parties du monde ne pas confondre avec la « productivité de la n’est pas aussi grande que celle existant dans main-d’œuvre »).8 la production (Figure 6.11). Par exemple, il y a Les composantes de la productivité ne une nettement plus grande différence dans la pouvant être mesurées individuellement de production que dans les immobilisations entre manière directe, leur effet net est simplement les entreprises textiles de Tanzanie et de Chine. déterminé comme la partie de la produc- De même, les entreprises textiles de Namibie tion totale qui ne peut être expliquée par le ont une production par travailleur significati- niveau des intrants mesurés, tels que la main- vement inférieure à celle de leurs homologues d’œuvre et les immobilisations (matérielles et chinoises, tout en ayant des niveaux d’immobi- financières). La productivité étant estimée en lisations similaires. tant que valeur résiduelle, il est admis qu’elle Même avec un niveau similaire d’installa- absorbe ainsi une grande partie de la différence tions et de machines, la production par tra- de production par travailleur existant entre les vailleur peut différer d’un pays à l’autre. Une pays (Hall et Jones, 1999). série de facteurs autres que les installations Dans la différence de productivité de la et les machines affectent la productivité de la main-d’œuvre entre les entreprises africaines Figure 6.12  Les pays africains ont une productivité inférieure à celle des autres régions a. Textile b. Ensemble des industries des secteurs manufacturier et des services Brésil Brésil Malaisie Thaïlande Colombie Malaisie Chine Chili Mexique Afrique du Sud Thaïlande Maroc Maroc Chine Afrique du Sud Mexique Tanzanie Colombie Zambie Angola Tanzanie Kenya Guinée Botswana Kenya Zambie Ouganda République démocratique du Congo Nigéria Swaziland Namibie Nigéria Angola Guinée Gambie Ouganda Burundi Rwanda Swaziland Gambie Rwanda Burundi Botswana Namibie République démocratique du Congo Guinée-Bissau Guinée-Bissau 0 1 2 3 4 0 1 2 3 4 Milliers de dollars EU de 2000 Afrique Source : Élaboré à partir des enquêtes de la Banque mondiale subsaharienne auprès Hors d’Afrique subsaharienne des entreprises, 2002–08. Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 237 et chinoises, la part imputable à la productivité cessus de production peut être le résultat des est plus importante que celle due aux immo- dépenses consacrées pendant plusieurs années bilisations. Comme le montre la Figure 6.12, à la R&D. Même si la qualité du nouveau pro- l’écart de productivité de l’industrie textile de cessus de production est difficile à quantifier, la Tanzanie par rapport à celle de la Chine est elle peut vraisemblablement se refléter dans légèrement supérieur à son déficit d’immo- les dépenses de R&D engagées dans sa mise au bilisations. Cet écart de productivité entre les point. Dans les pays développés, ces dépenses entreprises africaines et chinoises persiste dans dans le capital de connaissances, humain ou toute une gamme d’industries manufacturières organisationnel sont au moins aussi élevées que et de services (Figure 6.12, Volet b). celles consacrées aux installations et machines. Elles sont moindres dans les deux économies Qu’est-ce qui détermine la productivité émergentes où des tentatives ont été faites pour au niveau d’une entreprise ? les mesurer (Brésil et Chine), mais sont malgré Bien que la productivité soit souvent assimilée tout assez importantes et en hausse. Ces diffé- à la technologie de production, elle doit en fait rences indiquent que la variation dans le capital être interprétée de façon plus large. La qualité de connaissances, humain et organisationnel de la gestion d’une entreprise et l’efficacité de des entreprises pourrait expliquer une grande son organisation (qui comprend des éléments partie de l’écart de productivité entre l’Afrique tels que l’aménagement de l’atelier et du lieu et d’autres régions du monde (Hao et Hulten, de travail, les incitations destinées à la main- 2011 ; Dutz et coll., 2012). d’œuvre et les structures de supervision, ainsi La productivité d’une entreprise est égale- que la gestion de la chaîne d’approvisionne- ment affectée par des facteurs externes, en par- ment) contribuent également à la productivité. ticulier la qualité et la fiabilité des systèmes de Celle-ci est également influencée par des élé- transport et logistiques ainsi que la fourniture ments du capital de connaissances et humain des services publics, notamment l’énergie, les de l’entreprise, qui ne peuvent être exprimés télécommunications et l’eau.10 De mauvaises par des données sur les qualifications formelles infrastructures de transport peuvent réduire de sa main-d’œuvre. Par exemple, les compé- l’efficacité de la production en rendant l’ap- tences spécifiques à l’entreprise générées par provisionnement en matières premières moins un apprentissage et une formation en cours fiable. De même, une prestation insuffisante et d’emploi peuvent rendre les travailleurs plus peu fiable des services publics peut interrompre productifs. Les connaissances tacites, la tech- la production et forcer les travailleurs à rester nologie, ou un processus de production plus inactifs. Elle accroît la quantité de travail et de efficace mis au point par la recherche et le déve- capital nécessaire pour atteindre un niveau de loppement (R&D) internes sont d’autres com- production donné. posantes de la productivité de niveau entre- Des infrastructures médiocres réduisent prise, tout comme les processus informatisés et également la productivité en forçant les entre- les bases de données adaptées aux besoins de prises à adopter des mécanismes d’adaptation l’entreprise. Les entreprises améliorent souvent inefficaces et coûteux. Les entreprises peuvent leur productivité en adaptant une technologie à avoir à compenser par elles-mêmes la mau- leur contexte, que ce soit à travers un processus vaise qualité des services publics, par exemple, d’essais et erreurs ou de R&D plus formel. en achetant des générateurs pour faire face aux Il est particulièrement important pour les défaillances du réseau électrique public. Une politiques de comprendre le rôle de ces élé- récente étude montre que les coûts liés aux ments spécifiques dans la productivité.9 Cer- services d’infrastructure représentent une part taines études tentent d’identifier les facteurs de relativement élevée des coûts des entreprises productivité en examinant combien les entre- dans les pays pauvres d’Afrique, imposant ainsi prises dépensent pour acquérir certains types un fardeau supplémentaire à leur compétiti- de capital de connaissances, humain ou orga- vité (Eifert, Gelb et Ramachandran, 2008). La nisationnel (Corrado, Hulten et Sichel, 2005 ; Figure 6.13 montre les indicateurs de niveau OCDE, 2010). Par exemple, un nouveau pro- entreprise relatifs à la qualité des transports, 238 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 6.13  Les résultats de l’Afrique sont médiocres pour les indicateurs de main-d’œuvre et de capital, que celles placées transport, d’eau et d’alimentation en électricité rapportés par les entreprises en dernières positions (voir par exemple, Hsieh et Klenow, 2009). La réaffectation, au sein Proportion des produits abîmés d’une industrie, des travailleurs des entreprises ou cassés pendant le transport vers les marchés intérieurs les moins productives vers les plus productives pourrait donc multiplier par cinq la producti- vité de cette industrie. Nombre de coupures d’eau pendant un mois type Un accroissement de la concurrence au sein d’une industrie est censé entraîner un déplace- ment de la main-d’œuvre et des autres intrants, Pertes dues aux pannes des entreprises les moins productives vers celles d’électricité (ventes annuelles) qui le sont plus. En revanche, les distorsions du marché réduisant la concurrence ont tendance Nombre de coupures d’électricité à protéger la part de marché des entreprises pendant un mois type moins productives, réduisant ainsi la produc- tivité (agrégée) de l’industrie. 0 5 10 15 20 La productivité d’une industrie est la Pourcentage somme de la productivité des entreprises qui la Afrique subsaharienne Asie du Sud composent. Ainsi une industrie peut être plus Moyen-Orient et Afrique du Nord Amérique latine et Caraïbes productive dans un pays A que dans un pays B Pays OCDE à revenu élevé Europe et Asie centrale Asie de l’Est et Pacifique pour deux raisons. La première est que l’entre- prise type du pays B peut être moins produc- Source : Élaboré à partir des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises. tive que celle du pays A.11 La seconde est que les entreprises les moins productives peuvent détenir une plus grande part de marché dans le de l’eau et de l’alimentation en électricité dans pays B que dans le pays A. La différence de pro- différentes parties du monde. De manière géné- ductivité nette entre les pays peut être décom- rale, l’Afrique subsaharienne occupe pratique- posée en ces deux éléments.12 ment les dernières places des classements, avec Quelle proportion de la faible productivité l’Asie du Sud, le Moyen-Orient et l’Afrique du de l’Afrique est imputable à celle de l’entre- Nord. prise type, et quelle autre est due au fait que les entreprises moins productives sont plus sus- Les entreprises non productives ceptibles de survivre et de conserver des parts survivent et nuisent à la compétitivité de marché disproportionnées ? La Figure 6.14 au niveau d’une industrie illustre ces composantes de la productivité dans Une façon de renforcer la compétitivité d’une l’industrie textile. Ce cas est représentatif de la industrie est de rendre l’ensemble de ses plupart des industries manufacturières et des entreprises plus productives. Une autre façon services, et montre que la plus grande survie et consiste à laisser jouer la concurrence entre la part exagérément importante des entreprises les entreprises et à veiller à ce que seules les non productives (« inefficacité de l’affectation plus productives prospèrent. Cette deuxième des ressources ») en Afrique expliquent, en approche a du sens parce que les différences grande partie, l’écart de productivité entre les de productivité entre les entreprises d’une économies africaines et émergentes telles que même industrie peuvent être étonnamment le Brésil et la Chine. importantes, surtout dans les pays en dévelop- Par exemple, environ un tiers de l’écart de pement (Syverson, 2011 ; Banerjee et Duflo, productivité entre les industries textiles de la 2005). Selon une étude menée en Chine et en Tanzanie et de la Chine s’explique par le fait Inde, dans le classement des entreprises manu- que l’entreprise textile moyenne chinoise est facturières en fonction de leur productivité, plus productive que son homologue tanza- celles occupant les premières places produisent nienne. Les deux autres tiers s’expliquent par environ cinq fois plus, avec le même volume de le fait que, contrairement à ce qui se passe en Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 239 Figure 6.14  Décomposition de la productivité de l’industrie textile a. Moyenne de la productivité totale des facteurs des entreprises b. Efficience des entreprises Brésil Chine Thaïlande Malaisie Colombie Brésil Malaisie Colombie Mexique Mexique Maroc Maroc Afrique du Sud Burundi Chine Tanzanie Angola Botswana Kenya Afrique du Sud Guinée Thaïlande Zambie Nigéria Tanzanie République démocratique du Congo République démocratique du Congo Swaziland Rwanda Ouganda Swaziland Zambie Nigéria Kenya Botswana Angola Gambie Namibie Ouganda Guinée-Bissau Namibie Guinée Guinée-Bissau Gambie Burundi Rwanda 0 1 2 3 –0.5 0 0.5 1 1.5 2 En (log) milliers de dollars EU de 2000 Indice d’efficacité de l’affectation des ressources Afrique subsaharienne Hors d’Afrique subsaharienne Source : Élaboré à partir des enquêtes de la Banque mondiale auprès des entreprises, 2002–08. Chine, les entreprises non productives ont optimale. Les opérateurs les plus grands et les accaparé une trop grosse part de marché en plus anciens peuvent avoir un accès plus facile Tanzanie. Une comparaison entre l’Afrique du au crédit, même s’ils sont moins productifs. De Sud et la Chine illustre encore plus clairement même, le favoritisme politique, tel que l’accès l’importance de l’efficacité de cette allocation préférentiel à la terre ou à d’autres intrants, des ressources. La productivité moyenne des accordé aux entreprises ayant des relations entreprises textiles d’Afrique du Sud est en politiques, peut permettre aux entreprises non fait supérieure à celle de leurs homologues productives de s’octroyer une grande part de chinoises, mais cet avantage est réduit à néant marché. par la prédominance des entreprises non pro- Les réglementations peuvent également ductives sud-africaines. empêcher d’allouer les ressources de façon Plusieurs distorsions du marché peuvent efficiente. Par exemple, la réglementation du expliquer pourquoi les entreprises non pro- marché du travail peut empêcher l’affectation ductives sont plus susceptibles de survivre et de la main-d’œuvre à ses utilisations les plus d’occuper de larges parts de marché en Afrique. productives, en limitant la mobilité des travail- Le marché du crédit en est un bon exemple. leurs entre les entreprises.14 À court terme, le manque de fonds de roule- Les barrières à l’entrée (telles que les coûts ment peut empêcher une entreprise relative- élevés ou les procédures complexes néces- ment productive de produire autant qu’il le saires à la création d’une nouvelle entreprise) faudrait pour être rentable.13 Les obstacles au peuvent également permettre aux entreprises crédit peuvent également empêcher une jeune non productives de conserver d’importantes entreprise productive d’investir dans du capital parts de marché en empêchant la concurrence fixe et de se développer pour atteindre sa taille de nouveaux venus qui pourraient être plus 240 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne productifs. Une réduction des barrières à l’en- tions de change. Ces coûts commerciaux sup- trée permettrait de réaffecter les ressources des plémentaires sont exceptionnellement élevés opérateurs non productifs vers de nouveaux en Afrique, ajoutant ainsi 5,5 % aux coûts de entrants plus productifs (Chari, 2011). production des textiles éthiopiens et zambiens, par exemple. De l’usine au marché : la médiocrité de la logistique commerciale nuit à la compétitivité de l’Afrique Rendre les entreprises africaines Lorsque le coût du transport des marchan- compétitives : priorités pour dises vers les marchés internationaux est élevé, l’amélioration de l’environnement il peut rendre une industrie, au demeurant des affaires et des compétences productive, non compétitive sur ces marchés. de la main-d’œuvre L’Afrique s’en sort mal avec cette dimension de la compétitivité (Figure 6.15). Pour créer des emplois salariés modernes L’expédition vers les États-Unis coûte 60 % accessibles aux jeunes Africains, il est essentiel de plus à partir de Djibouti qu’à partir de la de rendre les entreprises modernes plus com- Chine, et il en est à peu près de même vers pétitives en accroissant leur productivité. Cela l’Europe, en dépit de la plus grande distance requiert un ensemble complexe de réformes avec la Chine. Le coût du transport intérieur et d’interventions. Les plus importantes com- entre les usines et les ports est également élevé. prennent de larges interventions encourageant Une étude de la Banque mondiale estime que l’amélioration de l’environnement des affaires ces coûts d’expédition et de transport intérieur grâce à la stabilité macroéconomique et poli- plus élevés accroissent de 2,5 % les coûts de tique, au renforcement des services d’infra­ production des produits textiles en Éthiopie et structure à la réduction des barrières com- en Zambie (Dinh et coll., 2012). merciales, et à l’accroissement de l’accès au La compétitivité à l’export est également financement, ainsi que des interventions plus affectée par les frais de port et de manutention localisées promouvant les zones industrielles au terminal, de dédouanement et de contrôle (clusters) compétitives. Ces actions doivent être technique, de préparation des documents et accompagnées de mesures visant à améliorer des lettres de crédit ainsi que le coût des opéra- le capital humain des jeunes, afin d’augmenter leur employabilité et leur productivité. Figure 6.15  Le commerce transfrontalier est coûteux Étant donné la diversité des réformes et et lent en Afrique interventions possibles, cette section identifie les domaines prioritaires. Au sein de chacun Éthiopie d’eux, les actions sont classées en deux caté- gories : les actions faciles à mettre en œuvre, Tanzanie mais ayant un impact plus faible (visant géné- ralement à corriger une défaillance du marché) Zambie et celles plus difficiles à mettre en œuvre, mais Afrique ayant un impact plus fort (visant généralement subsaharienne à corriger une défaillance des pouvoirs publics). Chine Offrir un cadre macroéconomique Pays OCDE à revenu élevé stable L’incertitude et la volatilité macroéconomique, 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 50 notamment les fluctuations du coût de finan- Délai d’exportation Coût d’exportation (jours) (par conteneur, cement à l’étranger ainsi que de l’inflation et 100 dollars EU) des taux de change, perturbent le prêt et l’inves- Source : Indicateurs Doing Business de la Banque mondiale, tissement. La volatilité des principaux indica- 2012. teurs macroéconomiques est assez prononcée Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 241 en Afrique, où les matières premières repré- de signes désignent les défaillances des pou- sentent une très grande partie des exportations voirs publics comme la principale cause du et où les finances publiques dépendent large- problème des infrastructures en Afrique, par ment du commerce de ces produits. Les chocs exemple, la sous-tarification de l’électricité et de macroéconomiques affectent les flux du crédit l’eau ou le pouvoir monopolistique des sociétés plus souvent et plus fortement dans les pays de camionnage. Il est également démontré que africains que dans les pays dont la production les politiques et réglementations en la matière est plus diversifiée. bloquent l’accès des entreprises aux services Lorsque la Banque mondiale a évalué d’infrastructure et découragent les nouveaux l’environnement des affaires de la Zambie en investissements (Briceño-Garmendia et Foster, 2003, elle a constaté que les entreprises étaient 2010). confrontées à des coûts de financement extrê- mement élevés, qui semblaient à l’époque Faire face aux pénuries d’électricité et d’autres étroitement reliés aux taux d’inflation élevés et services publics. Dans les pays souffrant de à la volatilité de la monnaie (Banque mondiale, pénuries chroniques des services d’infrastruc- 2004). Lors de la deuxième évaluation effec- ture, les entreprises disent subir des pertes de tuée par la Banque en 2007, la situation avait revenu importantes du fait des pannes fré- radicalement changé. Un vaste programme quentes. Ces pénuries affectent particulière- d’allégement de la dette et un boom des cours ment les entreprises plus petites, plus jeunes et du cuivre avaient spectaculairement réduit les manufacturières. Les entreprises nouvellement emprunts de l’État et aidé à stabiliser la mon- créées peuvent attendre des mois avant d’être naie. Les taux d’intérêt réels avaient chuté et, raccordées au réseau public, un délai suscep- avec un taux d’inflation enfin à un seul chiffre, tible de réduire la création d’entreprises et les les prêts aux entreprises avaient augmenté. En taux d’entrée sur le marché. 2007, moins de 15 % des personnes interrogées Les pénuries d’électricité devenant de dans le cadre de l’enquête considéraient l’ins- plus en plus courantes, les États ont cherché tabilité macroéconomique comme un obstacle à promouvoir des solutions à long terme à majeur à la croissance des entreprises, contre l’aide de gros investissements dans l’entretien 80 % en 2003 (Banque mondiale, 2009). Ces et une capacité de production et de trans- conditions favorables se sont détériorées à la port supplémentaire. Ces solutions négligent suite de la récession mondiale de 2008, met- les possibilités de gains plus rapides offertes tant ainsi en évidence la grande vulnérabilité par des mesures visant les causes du sous- de la structure de l’économie zambienne (ainsi investissement et de l’inefficacité dans le sec- que d’autres pays riches en ressources de la teur de l’énergie. Celles-ci sont, notamment, la région) aux effets de l’instabilité macroécono- sous-tarification délibérée de l’électricité pour mique. Le maintien de la stabilité des prix et subventionner la consommation des ménages, des opérations de change ainsi que la maîtrise la mauvaise gestion qui empêche les opérateurs à long terme des emprunts publics sont essen- publics de recouvrer les paiements, et l’absence tiels au bon fonctionnement du financement d’un cadre juridique et réglementaire adéquat et de l’investissement dans les entreprises dans pour l’investissement privé. ces pays. Les mesures spécifiques nécessaires à la réso- lution du problème dépendent de laquelle de Renforcer les services d’infrastructure ces causes est la plus prégnante dans un pays En Afrique, la piètre qualité et l’insuffisance donné. Les organismes de réglementation des infrastructures physiques sont l’aspect le pourraient revoir les tarifs de l’électricité. Les plus visible d’un problème profond et omni- compagnies d’électricité appartenant à l’État présent, qui inhibe la compétitivité des entre- pourraient être privatisées ou réorganisées dans prises africaines. Le côté le plus rassurant de un esprit plus commercial afin d’améliorer le ce problème est le fait que les États peuvent recouvrement des paiements et de minimiser commencer à le résoudre sans construire de les pertes de transport et de distribution. Il est nouvelles infrastructures. Un certain nombre souvent conseillé aux pays de réorganiser l’in- 242 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne dustrie de l’énergie en séparant la production, long terme actuellement en cours est la réha- le transport et la distribution en trois activités bilitation et l’extension du réseau. En même confiées à des opérateurs indépendants. Les temps, le pays est en train de mettre en œuvre initiatives transfrontalières et régionales visant une série de réformes structurelles visant à à fournir de l’énergie sont souvent encoura- améliorer les activités et à encourager la parti- gées, parce qu’elles induisent des économies cipation privée dans la gestion des entreprises d’échelles. Les initiatives peuvent aller de la publiques de transport. L’amélioration des ser- mise en commun transfrontalière de l’énergie vices ferroviaires est essentielle pour la réduc- par interconnexion des réseaux électriques de tion des coûts de transport au Lesotho, où les pays voisins jusqu’à l’établissement d’un mar- dysfonctionnements chroniques du réseau ché régional de l’électricité, en tant que compo- ferroviaire ont amené les exportateurs à se sante d’un marché régional intégré de l’énergie, rabattre sur le transport routier, pourtant trois comme prévu en Afrique du Sud. fois plus cher que le rail. Améliorer le transport. Les infrastructures Réduire les obstacles au commerce : de transport insuffisantes et coûteuses sont libéralisation, coûts et logistique du de loin le facteur le plus important dans les commerce coûts commerciaux exceptionnellement éle- Lorsque le marché intérieur des industries vés de l’Afrique, la fragmentation du marché manufacturière et des services est fragmenté intérieur des industries manufacturières et des ou isolé des marchés régionaux et mondiaux, services, et l’isolement de la région par rapport ces industries ont des difficultés à augmenter aux autres marchés régionaux et mondiaux. leur productivité.15 Ces conditions protègent L’inadéquation de l’infrastructure de transport les entreprises en place de la concurrence constitue un frein puissant à la productivité (nationale ou étrangère), réduisent l’entrée sur et à la croissance économique, qui se mani- le marché d’entreprises potentiellement plus feste de diverses façons (le port de Dar es- productives, et limitent l’innovation dans les Salaam en est un exemple ; voir Encadré 6.4). entreprises existantes. Les problèmes de l’infrastructure de transport Un argument de poids en faveur de la libé- ne se contentent pas de limiter les économies ralisation du commerce est qu’elle accroît la d’échelle, ils confèrent également un pouvoir pression de la concurrence sur les entreprises de marché aux entreprises déjà présentes dans nationales et les encourage à devenir plus le métier en éliminant la menace de la concur- productives. La libéralisation des tarifs doua- rence étrangère et en empêchant les entreprises niers d’importation par la plupart des pays de transport potentiellement plus productives africains dans les années 1990 et au début d’entrer sur les marchés locaux. des années 2000 a probablement été l’une des La solution ultime aux coûts de transport avancées majeures de l’histoire économique élevés est certes un investissement à grande récente de l’Afrique. Malgré l’absence d’éva- échelle dans les réseaux routiers et ferroviaires, luations systématiques de leur impact dans la mais des mesures immédiates visant à promou- région, les études de réformes similaires dans voir une utilisation plus efficace de l’infrastruc- d’autres régions indiquent qu’en Afrique, elles ture existante peuvent également être utiles. auraient entraîné des gains de productivité L’investissement public n’est pas non plus la substantiels et généralisés en exposant les pro- seule option pour la construction de nouveaux ducteurs locaux à une plus forte concurrence réseaux, la participation privée peut être accrue et en remodelant la structure de la production si des réformes des politiques créent les condi- nationale. tions voulues. Au Mozambique, où les coûts de Selon de récentes études menées dans transport élevés résultent de l’inefficacité des d’autres régions en développement et dans des services ferroviaires et portuaires, la solution à pays développés, les réformes en faveur de la Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 243 Encadré 6.4 Le prix élevé de l’inefficacité du port de Dar es-Salaam Le port de Dar es-Salaam, le deuxième plus grand port entre les valeurs en douane les plus élevées et les plus faibles d’Afrique de l’Est après celui de Mombasa, est le point de est 152 pour le riz et 33 pour l’huile de palme. passage de près de 90 % du commerce tanzanien. Il est Les tarifs d’entreposage sont structurés de manière à également une passerelle pour les voisins enclavés de la Tan- décourager le dédouanement rapide des marchandises à zanie, à savoir le Burundi, la République démocratique du partir des dépôts de conteneurs de l’intérieur du pays. Après Congo, le Rwanda, l’Ouganda et la Zambie. Dans le cas spé- l’expiration de la période de stockage gratuite de sept jours, cifique de la Tanzanie, le secteur manufacturier, le commerce chaque jour supplémentaire constitue un bénéfice supplé- et la croissance économique dépendent de la circulation effi- mentaire direct pour la TPA, TICTS et les dépôts de conte- cace des marchandises dans le port. neurs. Moins TICTS est efficace, plus les recettes de la TPA Les principales agences impliquées dans les activités du sont élevées. Quand les postes à quai gérés par TICTS sont port sont la Tanzania Port Authority (TPA), propriétaire et pleins, une partie du trafic des conteneurs est redirigée vers prestataire de services ; Tanzania International Container ceux de la TPA, créant ainsi une situation où le propriétaire Services (TICTS), un sous-traitant privé chargé de la manu- du port (TPA) entre en concurrence avec son propre fournis- tention des conteneurs ; et la Surface and Marine Trans- seur de services (TICTS). La TPA a ainsi encaissé en 2011, un port Authority (SUMATRA), l’organisme multisectoriel de montant estimé à 36,5 millions de dollars EU. réglementation. Ces dispositions dissuadent les opérateurs portuaires Le port est inefficace au regard des normes tant internatio- d’investir dans l’accroissement de la capacité. Alors qu’une nales qu’est-africaines. Au milieu de l’année 2012, les navires petite coterie, dotée de bonnes relations, bénéficie du statu porte-conteneurs attendaient un poste à quai pendant une quo, les travailleurs, les entreprises, les consommateurs et moyenne de 10 jours à Dar es-Salaam, contre moins d’un jour l’État tanzaniens en assument les coûts. Un secteur manu- à Mombasa. Une moyenne de 10 autres jours était nécessaire facturier non compétitif crée moins d’emplois pour les tra- pour dédouaner les marchandises et leur faire quitter le port, vailleurs et produit des biens plus chers pour les consomma- contre trois à quatre jours à Mombasa (et 48 heures dans teurs. L’agriculture tanzanienne souffre des 5,2 % ajoutés beaucoup de ports d’Asie de l’Est). Les frais, officiels ou non, au coût des engrais importés par les inefficacités du port. étaient nombreux, élevés et appliqués de façon incohérente. Les décideurs politiques peuvent se demander s’il ne serait Comparés à ceux de Mombasa, les coûts encourus à Dar pas plus intéressant de consacrer un unique investissement es-Salaam par les expéditeurs et les compagnies maritimes important à l’amélioration de l’efficacité du port que de étaient plus élevés de 22 % pour les importations de conte- continuer à subventionner les engrais, année après année. neurs et de 5 % pour les importations en vrac. À cause des Le coût de l’inaction deviendra de plus en plus élevé. inefficacités du port de Dar es-Salaam, le coût annuel estimé L’importance du port de Dar es-Salaam va décliner à mesure pour la Tanzanie et ses voisins est de 2,5 milliards de dollars que les ports et chemins de fer des pays voisins entreront EU plus élevé que celui du port de Mombasa. Des réformes en fonction et s’avèreront plus efficaces. Les autorités ont été engagées, mais ont peu progressé. se sont mises en branle pour améliorer les activités por- Les marchandises ne peuvent pas quitter rapidement le tuaires, mais, au-delà du renforcement des infrastruc- port parce que les processus (notamment de dédouanement) tures (comme la construction de nouveaux postes à quai), sont lents et que les durées d’entreposage sont passablement des réformes plus pointues sont indispensables. Celles longues. Le manque de transparence et de contrôle crée une visant l’efficacité devraient veiller à ce que les utilisateurs situation propice à la corruption. À Dar es-Salaam, les frais de finaux soient conscients des coûts liés à l’inefficacité du port officiels, proportionnels à la valeur de la marchandise, port et participent aux décisions relatives à la réforme de sont supérieurs de 74 % aux frais fixes pratiqués à Mombasa. celui-ci, renforcer la concurrence entre les opérateurs por- Les différences normales de qualité et de prix ne suffisent pas tuaires, et réduire la corruption grâce à des procédures à expliquer celles de l’estimation douanière des marchandises simplifiées et transparentes ainsi qu’à un meilleur contrôle. importées à Dar es-Salaam. Par exemple, la valeur attribuée par la douane à un kilo d’engrais varie de 0,39 à 5 dollars EU (le prix mondial étant de 0,60 à 0,80 dollar EU), et le rapport Source : Banque mondiale, 2013b. 244 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne libéralisation des échanges du même type que auraient pu profiter de cet accès préférentiel celles réalisées en Afrique ont abaissé les prix au marché des États-Unis. Les exportations intérieurs et les taux de majoration, accrois- de vêtements africains ont augmenté, mais la sant ainsi la pression de la concurrence sur les hausse a été temporaire et a été attribuée aux grands acteurs de l’économie nationale. Ces entreprises chinoises qui ont transféré leurs études démontrent également que l’ouverture dernières étapes d’assemblage vers l’Afrique accrue aux échanges commerciaux génère des pour éviter les quotas (Rotunno, Vézina et gains de productivité de trois manières diffé- Wang, 2012). rentes, mais complémentaires : en permettant Les gains de productivité liés à la libéralisa- aux entreprises plus productives de tirer plus tion des tarifs douaniers ne se sont peut-être complètement avantage de leur meilleure pro- pas matérialisés en Afrique parce que les coûts ductivité et de conquérir des parts de marché commerciaux y restent extrêmement élevés des entreprises non productives ; en encoura- pour des raisons non liées à ces tarifs, telles que geant l’innovation et l’adoption de meilleures les coûts de transport excessifs de la région. La techniques de production ; et en favorisant les réduction de ces coûts permettrait aux entre- économies d’échelle (voir, par exemple, Melitz prises africaines d’engranger les gains de la et Trefler, 2012 ; Krishna et Mitra, 1998). libéralisation du commerce (Djankov, Freund Un autre argument plus récent en faveur de et Pham, 2010). la libéralisation des importations a pour ori- Les frais de transport constituent souvent la gine la fragmentation croissante des chaînes de principale composante des coûts commerciaux valeur des exportations. Les différentes étapes dans la plupart des pays. Des investissements intervenant dans la production d’un produit dans les infrastructures de transport et les ports final donné sont aujourd’hui souvent exécutées pourraient, par conséquent, réduire considéra- dans plusieurs pays différents, et un pays peut blement les obstacles au commerce régional et se spécialiser dans des « tâches » spécifiques au mondial. Un tel investissement est coûteux et sein de cette chaîne de valeur. Pour réussir à prend du temps. À court terme, l’élimination exporter une tâche manufacturière, une entre- des obstacles non tarifaires, tels que l’ineffica- prise africaine doit être capable d’importer cité de l’administration douanière et l’impor- toutes les tâches complémentaires en amont tance des coûts réglementaires des transactions aussi facilement que ses concurrents interna- transfrontalières, pourraient substantiellement tionaux spécialisés dans la même tâche (Collier réduire les coûts commerciaux. De nombreux et Venables, 2007). La libéralisation des impor- pays pourraient y parvenir en simplifiant les tations et d’autres mesures visant à améliorer formalités douanières et les procédures d’im- l’accès aux intrants importés peuvent aider les portation, et en augmentant l’utilisation des entreprises africaines à intégrer les chaînes de installations intérieures de dédouanement valeur internationales. pour raccourcir les délais de traitement. Les avantages attribués aux réductions tari- Le passage des postes-frontières terrestres faires ont-ils été les mêmes en Afrique que reste un obstacle majeur à l’intégration régio- dans d’autres régions ? La réduction des bar- nale en Afrique. Ces obstacles sont communs rières tarifaires aurait dû rendre les entreprises le long des corridors desservant les pays encla- africaines plus productives, en les ouvrant à la vés, et ils entravent également le commerce concurrence et en leur permettant d’intégrer régional et le transit international. Outre des chaînes de valeur internationales. L’expé- l’amélioration des infrastructures de transport, rience de l’Afrique avec l’Accord multifibres une meilleure gestion des postes-frontières, suggère que ces résultats ne se sont pas toujours obtenue par des réformes institutionnelles, et matérialisés. Au cours des dernières années de une plus grande coordination aux frontières cet accord, les États-Unis ont imposé des quo- pourraient également avoir un impact majeur tas d’importation stricts à l’habillement chinois sur les délais de passage des frontières. L’ini- et accordé un accès en franchise et sans quotas tiative des postes-frontières à guichet unique aux vêtements africains. Si les entreprises afri- (PFGU) en Afrique de l’Est est un pas dans caines avaient été vraiment compétitives, elles cette direction. Un PFGU pilote entre le Kenya Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 245 Encadré 6.5 Améliorer le transport terrestre par le renforcement de la coopération internationale et des réformes complètes des procédures : le projet pilote de postes-frontières à Malaba Depuis toujours, la réponse à la lenteur chronique des mou- Cette enquête a révélé que le poste-frontière de Malaba vements de marchandises en Afrique a été de construire de s’était considérablement amélioré après les réformes. Le meilleures routes et installations frontalières, mais cette amé- temps moyen de passage de la frontière avait chuté de lioration des infrastructures physiques n’a pas résolu le pro- 24 heures à 4 heures. L’étude a estimé que les réformes ont blème. Il y a 25 ans, seul 20 % du réseau routier principal vraisemblablement permis d’économiser jusqu’à 70 millions d’Afrique était considéré comme « en bon état », contre de dollars EU par an. Il est à noter que ces résultats ont été presque la moitié aujourd’hui. Aux postes-frontières, les instal- enregistrés en l’absence de rénovation des infrastructures, lations ont été réaménagées, mais on perd toujours autant de qui devrait intervenir à une étape ultérieure. Qu’y avait- temps, principalement en raison de la lenteur des procédures. il de si particulier dans les réformes du poste-frontière de Une approche adoptée plus récemment pour réduire les Malaba ? temps d’attente est la mise en place de postes-frontières à La première idée qui vient à l’esprit dans ce cas est que guichet unique (PFGU). Ils impliquent plus qu’une rénova- le simple changement des procédures n’est probablement tion de l’infrastructure, ils nécessitent une amélioration de pas suffisant pour améliorer le passage à la frontière. Avant la coordination non seulement entre les agences frontalières de lancer les réformes, les autorités ont entrepris un tra- des pays voisins, mais aussi entre les organes nationaux char- vail préparatoire considérable pour installer une culture de gés des aspects transports et passage des frontières dans co­opération entre les agences frontalières (au sein et entre chaque pays. Cette coordination est difficile à réaliser et de les deux pays), mettre en place un cadre juridique permet- nombreux PFGU n’ont pas répondu aux attentes. tant d’instaurer cette coopération et installer des infrastruc- L’Autorité de coordination du transport en transit du cou- tures informatiques rendant possible le processus de docu- loir septentrional a tenté d’améliorer les PFGU en Afrique mentation, même avant que les camions arrivent au point de l’Est en collectant de meilleures données sur leurs per- de passage. formances. Elle était soutenue par le Programme de poli- Contrairement à beaucoup d’autres PFGU, pour celui de tiques de transport en Afrique subsaharienne (PPTAS), un Malaba, les réformes visaient toutes les parties principales partenariat international pour la réforme des politiques et le impliquées dans le passage des frontières : renforcement des capacités dans les secteurs du transport • Les services de gestion des frontières, où une préparation africains. Leurs efforts comprenaient des enquêtes dans les anticipée a été rendue possible grâce au dépôt des décla- postes-frontières pour comprendre les raisons de la lenteur rations en douane avant l’arrivée de la marchandise, et à des formalités et documenter l’impact des réformes. une meilleure coordination entre les services frontaliers ; En 2011–2012, les autorités douanières kenyanes et • Les agents de dédouanement, pour lesquels le dépôt des ougandaises ont modifié certaines procédures administra- déclarations avant l’arrivée de la marchandise (autrefois tives relatives au passage des frontières. Elles ont eu une facultatif et rarement utilisé) a été rendu obligatoire ; occasion unique d’observer l’impact de ces réformes, parce • Les camionneurs, pour lesquels des règles de stationne- que le poste-frontière de Malaba entre le Kenya et l’Ouganda ment et de circulation ont été établies afin de réduire la (un des PFGU pilotes) faisait partie d’une des enquêtes dans congestion dans la zone douanière. les postes-frontières commandées par l’autorité du couloir septentrional. Source : Fitzmaurice et Hartmann, 2013. et l’Ouganda semble avoir eu des résultats Afrique (Banque mondiale, 2008, 2012c ; SFI, spectaculaires, même sans remise en état des 2013 ; voir aussi Dinh, Mavridis et Nguyen, infrastructures (voir Encadré 6.5 ; Fitzmaurice 2012 ; Harrison, Lin et Xu, 2013 ; Li, Mengistae et Hartmann, 2013). et Xu, 2011). Les enquêtes auprès des entre- prises suggèrent que la cause en est l’accès dif- Améliorer l’accès au financement ficile au financement bancaire formel (Figure Le manque de financement constitue un autre 6.16). Une enquête comparant les entreprises obstacle majeur à la croissance du secteur chinoises aux entreprises d’Éthiopie, Tanzanie manufacturier et des services échangeables en et Zambie a révélé que l’avantage le plus visible 246 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure 6.16  Les entreprises africaines ont prises plus petites et plus jeunes sont moins relativement peu recours au financement bancaire susceptibles d’exploiter des opportunités potentiellement rentables que les entreprises Monde plus grandes et plus anciennes. Dans la mesure Asie de l’Est où les entreprises plus jeunes constituent une et Pacifique source d’innovation et d’accroissement de la Europe et productivité, ces restrictions constituent une Asie centrale menace particulière pour la compétitivité. Pays de l’OCDE Les problèmes auxquels les entreprises plus à revenu élevé petites et moins bien établies sont confrontées Amérique latine pour obtenir du crédit découlent, en partie, et Caraïbes des coûts et des risques plus élevés liés au fait Moyen-Orient et Afrique du Nord de leur accorder des prêts. Pour les banques, les coûts de transaction élevés et la difficulté Asie du Sud à réaliser des économies d’échelle rendent Afrique plus coûteux les prêts aux petites entreprises. subsaharienne Comme l’ont fait remarquer des responsables de banque dans le cadre d’une étude menée au 0 5 10 15 20 25 30 35 40 45 Rwanda, la piètre qualité des états financiers et Pourcentage des plans d’affaires, le manque de compétences Entreprises ayant Investissements recours aux banques financés par en affaires, l’incapacité à gérer les risques et le pour financer les banques caractère informel des entreprises plus petites les investissements constituent un grand défi pour les prêteurs Source : Basé sur les enquêtes auprès des entreprises de la Banque (Banque mondiale, 2012c). Ces remarques mondiale. donnent à penser que le problème pourrait être en partie résolu en améliorant la gestion et la transparence des entreprises. dont jouissaient les entreprises chinoises était Même si l’octroi de prêts aux entreprises l’accès au financement bancaire à des condi- plus petites et plus jeunes est par nature plus tions favorables, telles que de faibles taux d’in- difficile, des réformes élémentaires du fonction- térêt et des exigences de garantie peu élevées nement du marché du crédit doivent le faciliter. (Fafchamps et Quinn, 2012). Un financement En effet, elles seront particulièrement utiles aux onéreux ou limité inhibe la croissance de la entreprises plus petites et moins bien établies, productivité en obligeant les entreprises à fonc- qui sont les plus défavorisées par les imperfec- tionner à une échelle sous-optimale ou à uti- tions du marché du crédit. Les réformes cru- liser des technologies inférieures aux normes. ciales comprennent des mesures pour rendre le La recherche indique que de nombreuses entre- secteur bancaire plus compétitif, le développe- prises ne peuvent pas tirer profit de possibilités ment de systèmes d’information sur le crédit et d’expansion rentables parce qu’elles n’arrivent pas à obtenir un financement.16 l’amélioration des droits des créanciers. L’accès au financement varie selon le type d’activité économique et est généralement plus Rendre le secteur bancaire difficile pour les entreprises plus petites et plus plus compétitif jeunes. En Namibie, par exemple, les banques Dans une grande partie de l’Afrique, le sec- exigent des petites entreprises (employant teur bancaire est caractérisé par un manque moins de 30 personnes) qu’elles fournissent, de concurrence (il est dominé par quelques en moyenne, deux fois le montant des garanties grandes banques) et une forte implication de demandées aux entreprises moyennes (Banque l’État (SFI, 2013 ; Bertrand, Schoar et Thesmar, mondiale, 2010 ; Barker et Mengistae, 2013). 2007). Des mesures facilitant l’entrée de nou- Cette inégalité d’accès implique que les entre- veaux acteurs nationaux et étrangers peuvent Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 247 augmenter la concurrence, rendre le marché Figure 6.17  La couverture des bureaux de crédit est du crédit plus efficace et accroître la proba- généralement faible en Afrique bilité que les banques trouvent de meilleurs moyens d’atteindre les entreprises. Lorsque Kenya l’État détient une part importante des actifs Nigéria bancaires, comme en Tanzanie, il peut être Rwanda nécessaire qu’il réduise sa participation finan- Afrique cière pour encourager la concurrence. du Sud Le secteur bancaire devrait toutefois être Tanzanie ouvert avec prudence, étant donné que le sys- 0 10 20 30 40 50 60 tème peut devenir plus vulnérable lorsqu’un Pourcentage de la population nombre plus important de banques y entrent et commencent à se faire concurrence. Elles Source : Indicateurs Doing Business de la Banque mondiale. peuvent, par exemple, prendre trop de risques dans des environnements plus compétitifs. Il est aussi difficile d’ouvrir le système financier à la approuvée par la banque centrale du Kenya.17 concurrence lorsque la structure de surveillance Les deux premiers bureaux de crédit sont res- est médiocre. Les réformes visant à améliorer pectivement entrés en activité en 2010 et 2011. les institutions soutenant le secteur financier, La nouvelle législation a permis aux banques de décrites ci-après, sont plus faciles à réaliser. partager les informations négatives sur le cré- dit en les obligeant à inscrire toutes les créances Renforcer les systèmes d’information douteuses dans leurs livres. sur le crédit Pour être vraiment efficaces, les systèmes Des systèmes d’information sur le crédit bien d’information sur le crédit doivent couvrir non conçus ont amélioré l’accès au financement seulement tous les emprunteurs potentiels, mais dans les économies avancées. Une des raisons aussi tous les prêteurs potentiels, et ils doivent pour lesquelles les exigences en matière de comprendre les informations aussi bien posi- garantie et les intérêts chargés sont aussi élevés tives que négatives sur les emprunteurs. La por- dans certains pays en développement est le fait tée des systèmes d’information sur le crédit est que les banques disposent de peu d’informa- en général nettement plus limitée en Afrique. tion sur les clients potentiels, de sorte qu’elles En Zambie par exemple, le bureau d’évaluation s’accordent des primes de risque élevées. En du crédit, ouvert en 2007, doit encore étendre permettant aux banques de partager des don- ses sources aux détaillants, créanciers com- nées sur les remboursements des clients, les sys- merciaux et compagnies de services publics, tèmes d’information sur le crédit peuvent aider afin de couvrir une part plus importante des les prêteurs à évaluer les clients potentiels et les emprunteurs potentiels (Banque mondiale, projets susceptibles d’être financés (SFI, 2013). 2009). De même, dans le cadre d’une étude La plupart des pays africains ne disposent menée à la suite de la réforme règlementaire d’aucun système d’information sur le crédit. au Kenya, les deux préoccupations les plus Lorsque ceux-ci existent, ils sont généralement importantes mises en évidence par les banques rudimentaires, avec une faible couverture des étaient la nécessité de partager les informations emprunteurs potentiels (Figure 6.17). aussi bien positives que négatives, et le besoin Les pays cherchant à mettre en place de d’intégrer l’information collectée par d’autres solides systèmes d’information sur le crédit fournisseurs, tels que les institutions de micro- doivent disposer de nouvelles règlementa- finance et les compagnies de services publics. tions pour l’octroi de licences, l’exploitation Le partage des données positives permet la mise et la surveillance des bureaux de crédit. Le sys- en place d’un système de notation du crédit, tème d’information sur le crédit du Kenya, par grâce auquel les bons emprunteurs peuvent exemple, s’est considérablement amélioré après prouver leurs antécédents et accéder à des prêts 2008, lorsqu’une telle règlementation a été à des taux d’intérêt plus favorables. 248 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Renforcer les institutions veillant à d’enregistrer des droits de sûreté sur un large l’exécution des contrats et aux droits éventail de biens mobiliers, y compris des des créanciers propriétés personnelles, véhicules, machines, Les droits légaux des prêteurs et emprunteurs stocks, matières premières, créances et droits de peuvent faciliter l’utilisation des garanties et propriété intellectuelle, et de réclamer ces actifs l’aptitude à recouvrer les créances en cas de donnés en garantie, en cas de défaut. défaut. De solides droits des créanciers peuvent accroître l’offre de prêt en assurant une pro- Réduire les obstacles à l’entrée et à la tection juridique aux prêteurs en cas de non- croissance des entreprises productives : remboursement. Le système juridique devrait le rôle clé de la gouvernance aussi permettre aux emprunteurs de mettre Un bon environnement des affaires doit facili- en garantie un plus large éventail d’actifs, afin ter l’entrée de nouvelles entreprises et la crois- d’obtenir des prêts à de meilleures conditions. sance des entreprises plus productives. Les Ces droits légaux doivent également être res- entreprises non productives sont contraintes pectés dans la pratique. Certaines des primes soit d’améliorer leur productivité soit de dis- de risque élevées que les banques chargent aux paraître, et la productivité générale s’en trouve emprunteurs en Afrique reflètent leur faible améliorée. confiance dans les droits des créanciers et leur En plus des contraintes pesant sur le crédit, application. Les institutions veillant à l’exécu- du manque de financement pour le démarrage tion des contrats sont particulièrement faibles et du coût élevé de l’accès aux services publics, qui représentent les principaux obstacles à dans la plupart des pays de la région, même l’entrée et à l’expansion des entreprises en ceux à revenu intermédiaire de la tranche Afrique, la qualité de la gouvernance constitue supérieure. Par exemple, selon les banques du également un facteur critique. Une règlemen- Rwanda, les procédures d’insolvabilité et de tation des entreprises excessive ou mal conçue, faillite ne fonctionnent pas bien dans la pra- la corruption et la faible exécution des contrats tique, en dépit du nouveau cadre juridique imposent des coûts élevés à l’entrée et d’expan- adopté en 2009 (Banque mondiale, 2012c). sion, qui réduisent la productivité en raison de L’Angola, le Botswana et le Swaziland affichent leurs effets négatifs sur l’entrée et la concur- des notes parmi les plus basses au monde pour rence (Klapper, Laeven et Rajan, 2006 ; Djan- les indicateurs Doing Business de la Banque kov, 2009 ; voir aussi Xu, 2011). mondiale relatifs à l’exécution des contrats, Les exigences officielles à l’entrée sont pro- en particulier le délai requis pour exécuter un bablement le moyen le plus généralisé utilisé contrat standard (Banque mondiale, 2011b). par les États pour règlementer directement L’utilisation par les banques d’immeubles l’intégration au marché. Presque partout en et de terrains en guise de garantie de premier Afrique, toute personne souhaitant créer une ordre peut venir encore compliquer les efforts entreprise doit obtenir une licence d’exploita- des entreprises plus petites pour obtenir des tion auprès d’une autorité centrale ou locale, et financements. Plusieurs raisons expliquent s’immatriculer au registre national pour obte- pourquoi les banques n’acceptent générale- nir un statut juridique lui permettant de s’en- ment pas en garantie d’autres actifs tels que des gager dans certaines activités. Souvent, divers biens mobiliers. L’exécution des contrats est permis de construire et licences d’exploitation déficiente, l’enregistrement des biens médiocre de sites sont requis pour créer ou développer et le cadre juridique des droits des créanciers ne une entreprise. Habituellement, le temps et les soutient pas de façon adéquate les garanties par coûts associés à tous ces permis et autorisations des actifs. Les réformes possibles comprennent représentent une part importante du coût total l’introduction de systèmes électroniques d’en- de création d’une entreprise, et ils peuvent registrement de la propriété et d’émission des être prohibitifs (Banque mondiale, 2011b). En titres fonciers, ainsi que l’adoption d’un cadre moyenne, les coûts officiels de création d’une plus moderne des droits de sûreté sur les biens entreprise sont plus élevés dans les pays afri- mobiliers. Un tel cadre permettrait aux banques cains qu’ailleurs dans le monde (Figure 6.18). Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 249 Des réformes visant à réduire les coûts de Figure 6.18  L’Afrique affiche les coûts officiels de création d’entreprise les plus démarrage et d’expansion liés à la règlemen- élevés tation sont une priorité pour améliorer l’envi- ronnement des affaires en Afrique. Au cours Capital d’apport des cinq dernières années, de nombreux pays minimal africains pauvres en ressources ont réduit de façon régulière et significative les coûts de créa- Coût de tion d’entreprise grâce à une série de réformes création d’une administratives et législatives. Par exemple, entreprise dans des pays d’Afrique australe (notamment Coût le Lesotho, Madagascar, le Malawi et le Mozam- d’obtention bique), les coûts de démarrage se sont rappro- d’un permis de construire chés ou sont même passés en dessous de ceux de l’Afrique du Sud, qui ont toujours été faibles 0 100 200 300 400 500 600 700 800 par rapport aux normes des marchés émer- % du revenu par habitant gents. Par contre, ils restent très élevés dans Afrique subsaharienne Asie du Sud Pays de l’OCDE à revenu élevé certains pays riches en ressources (Figure 6.19 ; Moyen-Orient et Afrique du Nord Amérique latine Asie de l’Est et Pacifique Banque mondiale, 2012b). Europe et Asie centrale et Caraïbes Le coût officiel de création de l’entreprise Source : Indicateurs Doing Business de la Banque mondiale, 2012. Note : Le capital d’apport minimal est le montant que l’entrepreneur doit déposer auprès d’une type (en pourcentage du revenu par habi- banque ou d’un notaire avant l’enregistrement, et ce, jusqu’à trois mois après la constitution en tant) est de 105 % en Angola et de 284 % en société. République démocratique du Congo, par exemple. Ces coûts sont énormes par rapport aux normes internationales et même à celui Figure 6.19  Les coûts de création d’entreprise sont plus élevés dans les pays africains riches en de l’Afrique du Sud, qui n’est que de 0,3 % du ressources revenu par habitant. Coût de démarrage d’une entreprise La corruption sévissant dans l’octroi des licences et autres autorisations entrave égale- Angola ment la création et l’expansion des entreprises, Rép. dém. et elle doit être combattue pour renforcer le du Congo jeu de la concurrence en Afrique. Les données Lesotho d’une enquête menée en Ouganda sur qui paie des pots-de-vin et de quel montant suggèrent Madagascar que les entreprises plus rentables doivent ver- Malawi ser des dessous-de-table plus importants si elles veulent obtenir des permis, licences et services Mozambique publics. En accroissant les coûts de façon dis- proportionnée pour les entreprises plus pro- Afrique du Sud ductives, la corruption agit comme une taxe 0 50 100 150 200 250 300 sur l’efficacité. La même étude suggère qu’en % du revenu par habitant disposant d’une meilleure information et en Source : Indicateurs Doing Business de la Banque mondiale, 2012. agissant de manière collective, les entreprises peuvent renforcer leur pouvoir de négociation face aux intervenants exigeant des pots-de-vin propriétaires d’entreprise et les cadres de direc- et réduire la corruption (Encadré 6.6). tion répugnent ainsi à déléguer leurs responsa- Une meilleure gouvernance peut égale- bilités à d’autres employés (voir, par exemple, ment aider à renforcer l’exécution des contrats. Cingano et Pinotti, 2012 ; Bloom, Sadun et Van Lorsqu’elle est faible, celle-ci peut entraver la Reenen, 2012). Les entreprises sont également croissance des entreprises productives en ren- incitées à ne s’intégrer verticalement ou à ne dant la confiance plus importante que l’effica- conclure des contrats qu’avec des membres de cité dans la façon d’organiser l’exploitation. Les leur famille élargie et de leur réseau social. 250 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 6.6 Qui doit payer des pots-de-vin ? Combien ? Et cela a-t-il de l’importance ? Qui doit payer des pots-de-vin et de quel montant ? Un réduisent certes les bénéfices, mais aussi le montant des ensemble unique de données d’enquêtes sur la corrup- pots-de-vin que l’entreprise aura à verser. tion, fournissant des informations quantitatives sur les Les chercheurs ont ensuite exploité les mêmes don- dessous-de-table versés par les entreprises ougandaises, nées pour étudier la relation entre les pots-de-vin versés, aide à répondre à ces questions. Ces données présentent les impôts et la croissance des entreprises. Ils ont utilisé des deux particularités frappantes : toutes les entreprises ne moyennes par secteur et localisation pour éviter des pro- déclarent pas devoir verser des pots-de-vin ; et il existe des blèmes potentiels d’endogénéité et d’erreurs de mesure. différentes considérables entre les cas de corruption signa- Cela leur a permis de déterminer que les taux tant d’impo- lés par des entreprises confrontées à des organismes et sition que de corruption sont corrélés de manière négative politiques similaires. Ces tendances peuvent s’expliquer par avec la croissance des entreprises. Ainsi, une augmentation des différences dans les droits de contrôle et le pouvoir de de 1 point de pourcentage du taux de corruption est asso- négociation entre les entreprises. Celles-ci doivent généra- ciée à une réduction de 3 points de pourcentage de la crois- lement payer des pots-de-vin lorsqu’elles traitent avec des sance des entreprises, un effet trois fois plus grand que celui fonctionnaires dont les actions affectent directement leurs de l’imposition. Ces résultats corroborent les conclusions de activités commerciales. Ces arrangements sont difficiles à la première recherche, qui suggéraient que les décisions des éviter lorsque, par exemple, une entreprise doit exporter entreprises en matière d’investissement et de technologie ou importer des marchandises ou utiliser les services publics sont en partie motivées par le désir de réduire au minimum d’infrastructure. les pots-de-vin, même si ces décisions ont une incidence Quel est le montant des pots-de-vin versés par les entre- négative sur les bénéfices bruts. prises ? De la combinaison des données quantitatives sur la Ces résultats ont des implications stratégiques claires. corruption avec l’information financière détaillée recueillie Lorsque le montant des pots-de-vin qu’une entreprise doit auprès des entreprises interrogées, il ressort que le montant verser est le résultat d’un processus de négociation, en des pots-de-vin qu’une entreprise doit payer est propor- renforçant le pouvoir de négociation des entreprises indivi- tionnel aux bénéfices actuels et escomptés pour l’avenir, et duelles, une action collective de la communauté des affaires inversement proportionnel aux autres rendements attendus peut être une stratégie payante pour réduire le coût de la du capital. En d’autres termes, « la capacité à payer » et conduite des affaires. Les mesures potentiellement efficaces « le pouvoir de refus » des entreprises peuvent, en grande qu’elle peut entreprendre comprennent la collecte et la dif- partie, expliquer les différences dans les montants des fusion de renseignements sur les pratiques de corruption ; dessous-de-table observées parmi les entreprises faisant état l’information des secteurs, tant privé que public, au sujet des de la corruption. Ces résultats suggèrent que les fonction- normes de service, directives et règles en vigueur auprès des naires agissent comme des discriminateurs de prix (montants principaux fournisseurs de services ; le renforcement de l’ap- des pots-de-vin) et que les prix des services publics sont en titude des entreprises à s’engager individuellement à ne pas partie déterminés pour soutirer des dessous-de-table. De verser de pots-de-vin ; et la reconnaissance accordée à ceux plus, une entreprise s’attendant à devoir verser des pots- qui font du bon travail en résistant à la corruption. de-vin élevés peut estimer plus rentable de choisir une tech- nologie entraînant des coûts d’exploitation plus hauts, qui Sources : Svensson, 2003 ; Fisman et Svensson, 2007. Interventions localisées pour améliorer d’activités choisies est un de ces types d’inter- l’environnement des affaires dans son ventions localisées. Ces regroupements d’acti- ensemble vités peuvent également être utilisées pour Pour accroître la compétitivité, l’objectif ultime introduire des réformes progressives du climat des politiques est d’améliorer l’environnement de l’investissement, avant leur déploiement à des affaires dans son ensemble, mais dans cer- plus grande échelle. tains cas, des interventions localisées peuvent Les entreprises exerçant des activités simi- poser les fondements nécessaires à l’émergence laires ou liées se regroupent souvent, parce que d’un secteur moderne et compétitif. La concen- la constitution de zones d’activités présente de tration de ressources publiques dans des zones nombreux avantages potentiels. Les entreprises Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 251 qui en font partie peuvent échanger des tech- exploiter les économies d’échelle générées par niques de production et de gestion.18 Les infra­ le fait de se rassembler. Comme expliqué plus structures de transport et autres qui desservent haut, les entreprises africaines peuvent s’inté- la zone s’améliorent à mesure que celle-ci se grer à des chaînes de valeur mondiales en se développe. Ensemble, les entreprises peuvent spécialisant dans des tâches ou des étapes spé- attirer plus de consommateurs, de fournisseurs cifiques de celles-ci. Pour ce faire, elles doivent d’intrants de qualité et de travailleurs qualifiés être capables d’importer des intrants aussi faci- qu’elles ne le pourraient si elles étaient disper- lement et à des prix aussi bas que leurs concur- sées. Ces zones peuvent également attirer des rents internationaux, avoir accès aux mêmes fournisseurs d’intrants spécialisés. Elles aident infrastructures physiques de haute qualité et aussi à réduire les coûts et à améliorer la qua- bénéficier d’une règlementation aussi favo- lité d’intrants spécialisés. Les investissements rable. Une option pour le soutien public est visant à améliorer la qualité des intrants ou à donc de développer des regroupements spé- réduire leurs coûts sont moins risqués pour un cialisés dans des tâches spécifiques au sein de fournisseur lorsqu’il existe plusieurs acheteurs chaînes de valeur mondiales.19 potentiels, tandis qu’un acheteur unique a le L’Encadré 6.7 examine les caractéris- pouvoir de négocier les gains à son avantage. tiques communes de 11 regroupements réus- Les regroupements d’activités peuvent ainsi sis en Afrique. Il souligne le rôle qu’y jouent présenter des « économies d’agglomération » : les chaînes de valeur (relier les fournisseurs les entreprises qui en font partie peuvent deve- d’intrants aux entreprises en aval), les flux de nir de plus en plus productives à mesure que connaissances, l’aptitude à attirer une main- le regroupement se développe et acquiert de la d’œuvre qualifiée, et la coordination. Tous maturité. Bon nombre des gains potentiels de ces regroupements ont bénéficié d’un appui productivité dus au développement des regrou- public, sous une forme variable. Une tendance pements d’activités proviennent d’effets de commune est toutefois leur constitution spon- propagation entre les entreprises. Elles peuvent, tanée plutôt que voulue et conçue par les pou- par exemple, apprendre les unes des autres ou voirs publics, qui suggère que l’appui public tirer avantage de la proximité de plusieurs devrait surtout permettre aux regroupements fournisseurs d’intrants. Les avantages issus de naissants de réussir leur transition vers une l’appartenance à un regroupement d’activités croissance autonome. dépendent donc du nombre d’entreprises qui la Les zones économiques spéciales (ZES) composent, et chacune d’elles peut conférer des sont un instrument de plus en plus populaire avantages aux autres. Un regroupement ne sor- de soutien à une croissance localisée, surtout tant pas de l’ordinaire au départ peut devenir sous la forme de zones orientées vers l’expor- compétitif à l’échelle internationale, une fois tation. L’idée est de soutenir le regroupement qu’il atteint une taille suffisante. Lorsqu’elles des entreprises en concentrant l’investissement choisissent où s’implanter, les entreprises public (par exemple, dans les infrastructures) oublient toutefois de prendre en compte cet et les réformes des politiques, dans des zones avantage collectif. Il s’agit là d’une forme de spécialement définies. Certaines ZES ciblent défaillance du marché, si bien que, même si des sites disposant d’un avantage intrinsèque des regroupements peuvent naître spontané- pour l’insertion dans des chaînes de valeur ment, ils ont souvent besoin d’un certain sou- mondiales, tels que les zones proches des ports, tien public pour atteindre une taille vraiment mais le choix d’un lieu à fort potentiel n’est compétitive. pas nécessairement crucial pour le succès : un Un appui public peut être particulièrement site peut ne présenter aucun avantage intrin- nécessaire pour former des regroupements sèque pour un secteur ou une tâche donnée, d’activités dans le secteur manufacturier et les mais en acquérir un lorsque le regroupement services échangeables, à cause de leur orienta- commence à se développer et que des écono- tion potentielle vers l’exportation. Parce qu’ils mies d’agglomération sont réalisées (Collier et ne sont pas limités par la taille du marché Venables, 2007). Comme l’indique l’expérience national, ces regroupements peuvent vraiment de regroupements prospères en Afrique, les ZES 252 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 6.7 Connaissances, technologie et émergence de regroupements d’entreprises prospères en Afrique Comment des zones d’activités prospères ont-elles évolué en un transfert de technologie et de savoir-faire vers l’indus- Afrique, et quelles leçons peut-on en tirer pour encourager trie du textile de Maurice. Le village informatique d’Otigba les nouvelles à se développer ? Une étude de 11 regrou- au Nigeria importe du matériel informatique de Chine, de pementsa, qui se sont constitués plus ou moins spontané- Dubaï et de Malaisie, des pays avec lesquels il maintient des ment dans divers pays et secteurs, apporte des éléments de canaux techniques et de production. Les métallurgistes de réponse à ces questions. Kamukunji au Kenya obtiennent de la technologie d’Asie À l’exception du regroupement de l’industrie textile de du Sud et de l’Est. L’apprentissage et la formation formels Maurice (né dans une zone franche industrielle mise en place et informels prennent différentes formes. Dans les regrou- par l’État dans les années 1970), les regroupements sont pements manufacturiers à haute intensité technologique, la apparus spontanément, parce que les entreprises avaient formation est assurée par des experts (locaux et étrangers) et accès aux principaux marchés locaux et à des infrastructures par des formations en cours d’emploi ou sur le lieu de tra- (tous les regroupements) ; à des ressources naturelles (indus- vail. Les viniculteurs sud-africains participent à des forums et tries de la fleur coupée, du poisson et du vin) ; ou à des adhèrent à des associations professionnelles. Dans la plupart entrepreneurs locaux disposant de connaissances tacites et des cas, les universités et les instituts de technologie contri- des compétences de base dans le commerce, la conception buent de façon minimale aux flux de connaissances et de ou la fabrication (travail des métaux, informatique et pièces technologie destinés aux regroupements. L’industrie vinicole automobiles à Nnewi, qui ont commencé par la commercia- d’Afrique du Sud bénéficie néanmoins de l’appui du collège lisation ou la réparation et ont évolué vers le montage ou la agricole d’Elsenburg et du Réseau de l’industrie vinicole pour fabrication). Il existait une forte demande locale pour leurs l’expertise et la technologie (Wine Industry Network for produits, sauf pour la fleur coupée et le poisson qui béné- Expertise and Technology). ficiaient d’une forte demande internationale. Les pouvoirs Tous les regroupements prospères utilisent une main publics ont parfois encouragé indirectement ces regroupe- d’œuvre plus instruite que la norme africaine, et parfois net- ments. Par exemple, le regroupement des artisans en Tanza- tement plus (à Otigba, 55 à 60 % des entrepreneurs ont des nie et de l’industrie automobile de Suame au Ghana se sont diplômes universitaires). Par contre à Suame, la plus grande développés parce que les pouvoirs publics avaient relocalisé grappe d’ingénierie artisanale de l’Afrique, 75 % des entre- des entreprises dispersées et non organisées pour désengor- preneurs ont au maximum un niveau primaire, et 2 % seule- ger la ville ou faciliter l’aménagement du territoire. ment un niveau plus élevé. Ces regroupements créent néan- Les gains d’efficacité réalisés grâce aux chaînes de valeur moins des emplois pour un nombre croissant de diplômés basées sur des regroupements ont été fondamentaux. Une universitaires, qui peuvent constituer un moteur important chaîne de valeur se développe lorsqu’une zone d’activités pour le maintien de la croissance et la soutenabilité. atteint une certaine taille, acquiert de la visibilité et continue L’appui de l’État aux regroupements prend plusieurs à s’étendre pour profiter des gains d’efficacité réalisés grâce formes : définition et mise en œuvre de politiques, règle- à une clientèle plus large, aux synergies entre les entreprises, ments et normes sectoriels ; création d’un organisme spécial au réseau de connaissances qui se met en place, et au par- pour la promotion et la coordination d’une zone d’activi- tage des services et installations, dont certains fournis par tés ; mise en place d’institutions pour l’assistance technique l’État et les bailleurs de fonds (des entrepôts, par exemple). et le renforcement des capacités ; octroi d’incitations sous Pour réussir, tous les regroupements doivent acquérir, la forme de terrains ou d’infrastructures subventionnés ; adapter et diffuser des connaissances. Les liaisons horizon- et constitution d’alliances stratégiques avec des industries tales et verticales entre les entreprises (relations de sous- étrangères. traitance, connexions avec les clients et les fournisseurs, Les associations industrielles et professionnelles faci- échange d’information et collaboration formelle à travers litent l’action collective et la coopération. Par exemple, les des coentreprises et des franchises, adhésion à des associa- regroupements tanzaniens expriment leurs préoccupations tions, et mouvements du personnel qualifié) génèrent des et obtiennent des conseils techniques à travers les associa- réseaux de connaissances. Plusieurs regroupements sont tions. Les associations de Suame se concentrent sur le bien- soutenus par des connaissances et des technologies étran- être social. Celles des horticulteurs mènent, entre autres, des gères. L’investissement direct étranger en provenance de activités de lobbying, de conservation de l’environnement, la RAS de Hong Kong, de Taïwan et de la Chine a permis de maintien des normes, et de facilitation de l’accès au (suite) Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 253 Encadré 6.7 (suite) marché. L’Association sud-africaine des vins commercialise forcées entre les entreprises et les instituts locaux) ; mettre en les vins sud-africains à l’échelle internationale. place un régime institutionnel favorable (une règlementation Face à la forte concurrence économique mondiale, la sur- et des normes claires, des mécanismes d’assurance qualité) vie de ces regroupements dépend de la résolution des pro- en collaboration avec des associations commerciales et pro- blèmes locaux liés à la masse critique des compétences à leur fessionnelles ; renforcer la formation et les compétences ; disposition ; à la faiblesse des instituts locaux de technologie fournir des infrastructures de base ; et adopter des politiques (coupés des réalités de leurs secteurs d’activité) ; à l’insuf- visant à accroître le pouvoir d’achat des consommateurs et la fisance de l’appui public et institutionnel ; à l’épuisement demande de produits de haute qualité. des ressources naturelles ; et aux difficultés de satisfaire les normes internationales de qualité et de sécurité des produits. Source : Zeng, 2006. L’État a un rôle à jouer à plusieurs niveaux pour permettre aux a. Les regroupements considérés sont ceux de la fleur coupée et du regroupements de relever ces immenses défis. En plus de la travail des métaux (Kenya), de la production et du traitement du poisson (Ouganda), de l’artisanat et du meuble (Tanzanie), des pièces automo- coordination générale, les pouvoirs publics peuvent faciliter biles et du matériel informatique (Nigeria), de l’industrie manufacturière l’acquisition de connaissances et de technologie (à travers et de la réparation de véhicules (Ghana), du textile (Maurice), et du vin des liens avec des entreprises étrangères et des liaisons ren- et du textile (Afrique du Sud). doivent surtout s’efforcer d’aider les regroup- l’exclusion des autres sont particulièrement ments naissants à atteindre un seuil critique de risquées. Elles concentrent les ressources non développement, au-delà duquel ils peuvent être seulement géographiquement, mais aussi dans autonomes. En Afrique, les ZES sont toutefois certaines lignes d’activité ou entreprises consi- rarement situées autour de regroupements pré- dérées comme « gagnantes ». Cette stratégie existants, ce qui semble être une raison pour suppose que l’État est en mesure d’identifier laquelle leurs performances sont moins satis- les entreprises qui auront le plus à gagner de faisantes que celles des ZES d’autres régions en la concentration. Ce qui reste à démontrer. Le développement (Farole, 2011). principe directeur de ce type d’intervention ne La création d’un environnement des affaires doit pas être de choisir les gagnants, mais de de qualité supérieure au sein des ZES réduit les « laisser les gagnants se choisir mutuellement ressources publiques disponibles pour l’amé- en s’installant les uns à proximité des autres ». lioration du climat des affaires en dehors de En d’autres termes, il est important de ne pas ces zones. Lorsque le regroupement génère des surdéterminer qui gagne à faire partie d’une rendements croissants et importants, il peut ZES (voir Encadré 6.8 pour un exemple d’une toutefois s’avérer plus avantageux d’allouer les approche plus nuancée appliquée en Inde).20 ressources publiques aux ZES que de les sau- poudrer en fournissant des services « unifor- mément bas » (Collier et Venables, 2007). Les Développement des compétences ZES ne réalisent toutefois pas toujours leur pour le secteur de l’emploi salarié plein potentiel, comme le montre l’expérience moderne variable des ZES à travers le monde. Parce qu’il n’est pas aisé de mesurer l’ampleur des Comme indiqué au Chapitre 3, la producti- économies d’agglomération, l’impact causal vité dans les entreprises du secteur de l’emploi des ZES est difficile à évaluer. C’est pourquoi salarié moderne dépend d’un éventail de com- chaque ZES potentielle doit être soigneusement pétences : cognitives, comportementales, et en étudiée. gestion et en affaires. Les discussions sur les Les ZES conçues pour répondre aux besoins politiques tournent souvent autour des com- d’entreprises ou d’industries particulières à pétences techniques, mais les compétences fon- 254 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Encadré 6.8 Pourquoi les zones économiques spéciales n’ont-elles pas réussi à se développer en Afrique, et quels enseignements peut-on en tirer pour l’avenir ? Les tentatives des pouvoirs publics pour lancer des ZES en peut détenir plus de 20 % du capital, et chaque entreprise Afrique ont connu peu de succès. De multiples zones et occupe un terrain proportionnel à son apport en capital. Le parcs industriels ont été annoncés, sans jamais se matéria- CGP ne perçoit des honoraires que si le projet est accepté. liser ; d’autres ont été « construits », mais jamais occupés. La combinaison de mesures incitatives offertes dans le Les quelques ZES qui ont émergé sont plus petites que celles cadre du projet encourage l’interdépendance des parties d’autres régions. Par exemple, les ZES de six pays africains prenantes. Les mécanismes institutionnels renforcent ces comprenaient une moyenne de 35 entreprises, contre 350 relations, notamment les rapports de suivi réguliers adressés au Honduras, environ 300 au Bangladesh et 3 500 au Viet- au ministère par le CGP, les examens trimestriels du projet nam (Farole, 2011, 71). Il devient de plus en plus évident par les pouvoirs publics centraux, et la nomination d’admi- que les ZES africaines ont commencé à stagner à de faibles nistrateurs au conseil du FCC par le ministère, le CGP et les niveaux de croissance (Farole, 2011, 4). Qu’est-ce qui pour- pouvoirs publics locaux. rait aider la prochaine génération de ZES à faire mieux ? La petite taille des parcs et des subventions semble En Inde, le Scheme for Integrated Textile Parks (projet de réduire le désir d’ingérence de l’État et des pouvoirs publics parcs textiles intégrés), inauguré en 2005 par le ministère locaux. Parce qu’un ministère central possède rarement les de l’Industrie textile, n’en est qu’à ses débuts, mais a déjà connaissances locales ou les ressources humaines pour assu- réussi à construire des parcs et à amener des entreprises à s’y rer un suivi au niveau micro, la délégation de cette tâche à installer et à y investir. Ces parcs semblent générer les avan- un organisme spécialisé (le CGP) lui permet de se concen- tages attendus du regroupement. L’innovation la plus impor- trer sur sa mission stratégique et d’obtenir de meilleures tante du projet consiste à attribuer aux utilisateurs un rôle microdonnées. Les exigences de production de rapports par nettement plus important, et beaucoup plus précoce, dans le le CGP sont claires et normalisées. Les règles et méthodes développement des parcs. En fait, le point essentiel n’est pas strictes de décaissement des subventions contribuent à limi- de construire des parcs, mais d’organiser les entrepreneurs. ter le détournement de fonds. Les entrepreneurs forment un groupe (appelé fonds com- La responsabilité de la collaboration et de la coordination mun de créance, FCC) en vue d’élaborer une proposition avec les organismes publics locaux incombe aux entrepre- détaillée de parc. Pour l’aider dans sa tâche, le FCC choi- neurs, qui sont les plus à même de retrouver leur chemin sit un consultant spécialisé dans la gestion de projet (CGP), au sein de l’économie politique de leur région. Les pouvoirs dont les qualifications sont rigoureusement évaluées par le publics délivrent les autorisations essentielles pour le déve- ministère. Guidé par le FCC, le CGP conçoit, évalue le coût loppement du parc, en particulier pour la conversion des et conduit une étude de faisabilité du projet. Le FCC prend terrains à un usage industriel. Bien que les limites de la par- les décisions finales en ce qui concerne l’emplacement, la ticipation de l’État au financement du FCC réduisent le rôle conception du projet et le coût, étant donné que les entre- direct de celui-ci, le pouvoir de nommer un administrateur preneurs représentent la « demande » et ont, à ce titre, le au conseil du FCC constitue un encouragement à participer. plus d’incitation à choisir la meilleure option pour le parc. Les FCC peuvent également faire appel aux pouvoirs publics Si les pouvoirs publics centraux approuvent la proposi- centraux en cas de problèmes avec les autorités locales. tion, ils accordent une subvention pour les infrastructures qui Ce modèle semble tout à fait adaptable aux diverses seront partagées par les utilisateurs du parc (jusqu’à 40 % conditions de l’Inde et de son industrie du textile. Il pourrait du coût, avec un maximum d’environ 8 millions de dollars ne pas convenir à la situation d’autres industries ou pays, EU). Le FCC finance le reste. Il peut demander des aides mais il a au moins l’avantage de démontrer que le suc- publiques, obtenir des contributions locales et de l’État (telles cès est plus probable lorsque les incitations sont soigneu- que des terrains subventionnés), et même obtenir des inves- sement adaptées au contexte politique, institutionnel et tissements du CGP, mais il doit apporter au moins 51 % du entrepreneurial. capital pour veiller à ce que les membres gardent le contrôle de la gestion. Au sein de la grappe, aucune entité privée ne Sources : Saleman et Jordan, 2013 ; Zeng, 2006. Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 255 damentales acquises à travers la scolarité sont partie du paquet de politiques visant à amé- également importantes. Des études récentes liorer la compétitivité. Même si actuellement, réalisées au Kenya suggèrent, par exemple, les compétences ne constituent pas un obstacle qu’en améliorant les compétences en lecture/ incontournable, elles le deviendront rapide- écriture et la capacité de raisonnement, une ment, à mesure que le secteur de l’emploi sala- scolarité secondaire complète réduit de 50 % rié moderne prendra son essor. la probabilité d’exercer un emploi indépen- En plus de la disponibilité limitée des com- dant peu qualifié et augmente de 30 % celle pétences cognitives, comportementales et d’obtenir un emploi formel (Ozier, 2013). Ces techniques chez les demandeurs d’emploi, un compétences semblent avoir de l’importance manque de « capital managérial » peut égale- parce qu’elles facilitent la formation en entre- ment restreindre la compétitivité des entre- prise. Les travailleurs capables de lire et écrire prises africaines. Comme expliqué au Cha- peuvent, par exemple, être formés aux spéci- pitre 3, de plus en plus de signes indiquent que fications et procédures de l’entreprise à l’aide les entreprises de la région ont visiblement de d’instructions écrites, et avoir ainsi moins mauvaises pratiques élémentaires de gestion. besoin de supervision technique pratique de Beaucoup de choses pourraient être faites pour la part de collègues. Ce type de formation est améliorer la productivité (et donc accroître rare en Afrique, en raison des faibles niveaux l’emploi) en investissant dans la formation en lecture et écriture (Biggs, Shah et Srivastava, aux compétences en affaires et en gestion, et 1995). peut-être même dans le conseil en gestion Les enquêtes auprès des employeurs de individualisé. certains pays d’Afrique (Botswana, Lesotho et Plusieurs recommandations pour les poli- Sierra Leone) indiquent que les employeurs tiques émergent de ces données sur le rôle des recherchent des compétences comportemen- compétences. Elles soulignent la nécessité de tales chez les jeunes recrues. Les employeurs du mettre l’accent sur les compétences fondamen- Botswana classent la fiabilité et la ponctualité, tales et les biens publics tels que l’assurance l’engagement et l’ardeur au travail, l’honnê- qualité et l’information ; de concentrer l’inter- teté, et l’esprit d’équipe parmi les principales vention des pouvoirs publics sur le développe- compétences recherchées lors du recrutement ment des compétences transversales plutôt que de travailleurs qualifiés (Banque mondiale, spécifiques à un métier particulier ; de fournir 2011a). un soutien adéquat aux groupes pauvres et Bien que des données internationales défavorisés pour leur permettre d’acquérir des indiquent de plus en plus l’existence d’un lien compétences ; de créer des coopérations inter- entre la productivité et les compétences, les nationales ; d’installer des systèmes mettant entreprises africaines ne mentionnent géné- en relation les employeurs et les formateurs. ralement pas ces dernières comme un obs- L’analyse de ces recommandations, présentée tacle majeur. Le manque de compétences a ci-dessous, examine les interventions testées en tendance a être signalé comme plus important Afrique et ailleurs. par les industries à haute intensité de capital. Les compétences semblent également devenir une contrainte pour les entreprises très perfor- Concentration sur les compétences mantes : celles qui se plaignent d’une pénurie fondamentales et les biens publics tels de compétences ont systématiquement de meil- que l’assurance qualité et l’information leures performances que celles qui ne le font Le débat sur le soutien public au développe- pas (Barker et Mengistae, 2013). Cette infor- ment des compétences en vue de l’emploi des mation suggère qu’à lui seul, l’accroissement jeunes obéit souvent à une vision à court terme des compétences ne résoudra pas le problème en plaçant l’enseignement et la formation de l’emploi, mais qu’il devrait néanmoins faire techniques et professionnels (EFTP) au cœur 256 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne du problème. Il est tout aussi important, sinon liorant l’accès au crédit (par des subventions) et plus, de bâtir de solides fondations qui permet- en mettant à disposition des informations sur tront aux individus de développer leurs compé- les programmes de formation. Dans d’autres tences à mesure qu’ils progressent dans la vie. contextes, des programmes visant le marché L’instruction de base est déterminante pour les de l’emploi, combinés à des composantes de compétences cognitives et comportementales formation et ciblant des groupes spécifiques des travailleurs salariés. Elle est le fondement de peuvent constituer une meilleure alternative l’acquisition de compétences supplémentaires, au soutien public (Almeida, Behrman, et Roba- que ce soit à travers un enseignement ou une lino, 2012). formation plus formels ou une formation en Il est également essentiel de rendre l’EFTP entreprise. L’amélioration de l’accès à l’ensei- formel plus efficace et mieux adapté au mar- gnement général et de la qualité de celui-ci, ché. Plusieurs recommandations pour les poli- même au niveau de base, constitue une priorité tiques sont intéressantes à ce sujet, mais elles pour l’augmentation de la productivité de la se fondent largement sur l’expérience des pays main-d’œuvre dans le secteur de l’emploi sala- développés. L’Encadré 6.9 analyse les réformes rié moderne. possibles et comment elles ont été entreprises L’investissement parental et les interven- en Afrique. tions dans la santé et l’éducation de la petite enfance influencent des traits de la personnalité Lever les obstacles liés à l’information qui, par la suite, s’avèreront importants pour et au crédit pour améliorer l’accès des la productivité, soit directement soit parce que groupes pauvres et défavorisés à l’EFTP certains rendront les élèves plus susceptibles Comme indiqué au Chapitre 3, l’État pourrait de réussir à l’école (Almlund et coll., 2011). intervenir pour fournir un soutien financier Récemment, de nombreux États ont intégré ciblé et l’information dont les jeunes issus de les compétences comportementales dans les milieux pauvres ou autrement défavorisés ont programmes de formation destinés aux jeunes, besoin pour accéder aux marchés de l’EFTP.21 et malgré quelques preuves de leur impact, Les jeunes femmes sont moins susceptibles de l’importance de l’investissement dans la petite participer à l’EFTP que les jeunes hommes, enfance est beaucoup mieux établie. et elles se retrouvent le plus souvent dans des Les pouvoirs publics devraient également formations portant sur un nombre restreint de réévaluer leur rôle dans la fourniture directe domaines, tels que la couture ou le tissage. Ce de l’EFTP. Comme mentionné au Chapitre 3, type de choix suggère qu’un soutien financier le bilan de l’EFTP délivré par le public est assez direct ou de l’information seraient nécessaires médiocre en Afrique, où il est coûteux, mais pour accroître leur participation à des forma- souvent inefficace ou en déphasage avec le mar- tions offrant des rendements plus élevés. Des ché du travail. Une part croissante de l’EFTP est programmes de bons ciblés intégrant une com- fournie en Afrique par le secteur privé (Mingat, posante d’information, tels que le Technical and Ledoux, et Rakotomalala, 2010 ; Banque mon- Vocational Vouchers Program (TVVP – pro- diale, 2012d ; Atchoarena et Esquieu, 2002 ; gramme de chèques de formation technique Kitaev, 2002). Le fait que les fournisseurs pri- et professionnelle) du Kenya, peuvent amélio- vés offrent peu de formations dans certaines rer l’accès à la formation des jeunes pauvres compétences spécifiques ne signifie pas néces- et défavorisés. L’expérience du TVVP montre sairement que les instituts privés naissants sont que les bons flexibles (non limités à des types incapables de les délivrer ni que les rendements spécifiques de fournisseurs de formation) sont de ces compétences sont trop faibles. De même, plus efficaces que ceux qui sont plus rigides. un argument d’équité plaide en faveur de la Une autre leçon importante tirée du TVVP est création d’instituts publics d’EFTP dans les que les participants se trompent souvent sur régions pauvres ou reculées, où l’accès au privé les rendements de l’enseignement profession- est limité. Toutefois, les rendements de l’EFTP nel, avec pour conséquence que les hommes peuvent ne pas y être suffisamment élevés. marquent une nette préférence pour les cours Dans beaucoup de cas, le faible taux de partici- traditionnellement « à prédominance mascu- pation à la formation est mieux traité en amé- line », tels que la réparation automobile, et que Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 257 Encadré 6.9 Réformer les systèmes d’EFTP africains Une stratégie pour améliorer la pertinence et la qualité diplôme, afin de recueillir des informations sur le temps qu’ils des compétences transmises par les programmes d’EFTP ont passé avant de trouver un emploi, le type et la qualité de consiste à accorder une plus grande autonomie aux insti- celui-ci, et leur niveau de satisfaction par rapport à l’instruc- tutions publiques d’EFTP et de les rendre redevables de tion qu’ils ont reçue. leurs résultats. Ces institutions devraient être libres de fixer Beaucoup de pays africains ont commencé à réformer les frais de scolarité, d’adapter la formation aux besoins leurs systèmes d’EFTP dans ce sens. Cette démarche est locaux, d’embaucher un personnel approprié, et de choisir certainement positive, mais le peu de données rigoureuses leurs méthodes pédagogiques. Leur redevabilité peut être actuellement disponibles ne permet pas de déterminer si renforcée en liant le financement aux performances et aux ces réformes ont amélioré la rentabilité ou la pertinence par résultats, plutôt que sur les intrants, et en améliorant la rapport au marché. Par exemple, l’Éthiopie, le Ghana et la mesure des performances. Tanzanie ont élaboré des cadres nationaux de certification en Les pouvoirs publics ont également un rôle actif à jouer vue d’établir des normes. Reconnaissant la nécessité d’une dans la définition des normes, l’accréditation, l’assurance meilleure coordination de leurs systèmes d’EFTP, certains pays qualité et la diffusion de l’information. Le système de certi- ont essayé de nouvelles modalités de gouvernance et mis en fication de l’EFTP devrait être moins centré sur la fourniture place des organes de coordination et des institutions de for- d’intrants et plus la transmission des compétences requises mation nationaux, avec des résultats mitigés. Par exemple, le pour le marché. Le manque d’informations sur les fournis- Ghana a créé en 2006 un conseil pour l’EFTP (le COTVET) en seurs privés d’EFTP peut empêcher les jeunes de faire des tant qu’organe de coordination. Une étude de cette réforme choix éclairés en matière de formation, et il peut également a observé que l’engagement du COTVET aux côtés du sec- amoindrir la motivation des prestataires à améliorer la qua- teur privé et la collecte des données sur la demande pour- lité. Les États peuvent jouer un rôle dans la collecte et la dif- raient être améliorés et qu’une coordination insuffisante au fusion de cette information. Au lieu de mesurer les intrants sein des pouvoirs publics a donné lieu à des agendas, plans, (nombre d’étudiants, d’établissements et d’enseignants), programmes et comités parallèles. Les pouvoirs publics afri- comme il est actuellement d’usage, l’accent devrait être cains pourraient avoir à renforcer les capacités des orga- mis sur le suivi de l’efficacité (taux d’abandon, de redouble- nismes concernés avant de pouvoir répliquer avec succès les ment et de survie) et les résultats (part des étudiants exer- systèmes d’EFTP complexes des pays développés. çant un emploi salarié ou indépendant après l’obtention de leur diplôme), qui sont plus pertinents pour les décisions de Sources : Basé sur Johanson et Van Adams, 2004 (résultats mitigés des mécanismes de gouvernance) ; Darvas et Palmer, 2012 (EFTP au Ghana) ; formation des jeunes. Par exemple, aux Pays-Bas, presque Banque mondiale, 2012a (EFTP avec une composante commerciale en tous les étudiants des établissements d’enseignement supé- Ouganda) ; Sondergaard et Murthi, 2012 (réformes en Europe de l’Est rieur sont interrogés un an et demi après l’obtention de leur et en Asie centrale) ; Krishnan et Shaorshadze, 2013 (EFTP en Éthiopie). les femmes se tournent presque exclusivement tences requises uniquement dans un métier vers des cours « à prédominance féminine », donné ou une entreprise particulière. Les com- tels que la coiffure. Le TVVP a fourni des infor- pétences transversales ont une valeur sociale mations sur les rendements économiques plus plus élevée, parce qu’elles sont moins vulné- élevés des métiers dominés par les hommes, ce rables aux évolutions de la demande de com- qui a encouragé des femmes à suivre une for- pétences spécifiques à certaines entreprises ou mation dans ces domaines. industries. Parce que leurs rendements actuels sur le marché peuvent être inférieurs à ce ren- Centrer l’intervention de l’État sur dement social, la probabilité de sous-investisse- le développement des compétences ment est plus élevée pour les compétences plus transversales plutôt que spécifiques à transversales. Les entreprises répugnent éga- une occupation lement à investir dans les compétences trans- Les interventions de l’État devraient se concen- versales, parce que les travailleurs qu’elles ont trer sur le développement des compétences formés risquent d’être débauchés par d’autres « transversales », par opposition aux compé- entreprises. 258 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Les compétences spécifiques à l’entreprise sairement le symptôme d’un obstacle. Selon peuvent être acquises à travers une formation une étude récente, de nombreuses entreprises sur le lieu de travail, et celle-ci ne requiert pas n’en fournissent pas parce que, pour elles, les nécessairement un soutien public. Les obstacles rendements de cette formation sont proches de liés au crédit peuvent empêcher les entreprises zéro (Almeida et Carneiro, 2009). Les pouvoirs d’investir dans les compétences spécifiques publics pourraient envisager de soutenir la for- à l’entreprise, mais il ne semble pas qu’en mation en entreprise dans des cas spécifiques Afrique, la formation en entreprise soit parti- où il existe des preuves convaincantes d’une culièrement restreinte. Les enquêtes auprès des défaillance du marché (Encadré 6.10), mais pas entreprises réalisées par la Banque mondiale de façon plus généralisée. indiquent qu’en moyenne, 30 % des entreprises Certains des obstacles à la formation spé- formelles africaines délivrent une formation cifique à l’entreprise pourraient être levés par sur le lieu de travail, ce qui est conforme à la des politiques plus larges, visant à améliorer norme des pays à revenu faible et intermédiaire. le climat des affaires ou la productivité des L’absence de formation sur le lieu de travail entreprises. Par exemple, si des contraintes de dans une entreprise n’est pas non plus néces- liquidités empêchent les entreprises d’investir Encadré 6.10 L’État a-t-il un rôle à jouer dans la formation en entreprise ? Pour autant qu’on puisse les considérer comme interchan­ bons similaire pour les entreprises informelles, mais celui-ci a geables, son principe même rend la formation en entre- largement échoué, apparemment parce que la publicité et la prise plus susceptible d’être adaptée au marché que distribution avaient été mal faites. l’enseignement technique ou professionnel dispensé en Même lorsqu’il existe des preuves que certaines entre- salle de classe. Lorsqu’il existe des preuves que trop peu de prises délivrent trop peu de formation, les pouvoirs publics formation en entreprise est délivrée pour des raisons liées doivent faire preuve de prudence avec les programmes au crédit ou à d’autres défaillances du marché, les pouvoirs de subvention de la formation sur le lieu de travail et leur publics peuvent envisager de la subventionner. Certains pays ciblage. Les rendements de ceux-ci peuvent varier selon les en développement utilisent des programmes de subventions entreprises. La formation peut être subventionnée dans des (sous la forme de réductions d’impôts) pour promouvoir la entreprises dont les revenus nets sont insuffisants pour la jus- formation en entreprise. Par exemple, le Pérou permet aux tifier, ou des ressources publiques déjà limitées peuvent être entreprises d’utiliser une partie de l’impôt sur les salaires gaspillées pour des entreprises qui auraient de toute façon pour la formation sur le lieu de travail ou pour l’achat de for- fourni de la formation, même sans subvention. Il n’est pas mation dans un établissement agréé. Les systèmes de réduc- facile d’identifier les entreprises qui ont de vraies difficultés à tion d’impôt ont toutefois des résultats mitigés. En Afrique délivrer de la formation. De nombreux programmes tentent du Sud, par exemple, seuls 35 % des petites entreprises d’améliorer le ciblage à l’aide de variables de remplacement, ont profité de la subvention à laquelle elles avaient droit et par exemple le ciblage des petites entreprises basé sur l’hy- encore moins de grandes entreprises semblent s’y intéresser. pothèse qu’elles sont plus susceptibles d’avoir des problèmes Pour subventionner la formation en entreprise, certains de crédit. Ces variables de remplacement ont leurs limites, pays ont utilisé un système de bons laissant de la souplesse et les pouvoirs publics devraient donc également investir dans le choix du fournisseur de formation. Le Programme dans de solides systèmes de suivi et évaluation de ces pro- Jua Kali du Kenya est un bon exemple. Une évaluation de grammes. Une expérience pilote randomisée, par exemple, ce programme a noté que, parmi les petites et microen- aiderait à détecter si les subventions sont une source de rem- treprises ciblées, celles qui avaient utilisé les bons avaient placement finançant une formation en entreprise qui aurait manifestement connu une plus forte croissance de leurs de toute façon été délivrée. revenus et actifs. Bien que ce constat soit prometteur, il doit être interprété avec prudence, parce que les entreprises qui ont participé au programme ne sont pas nécessairement Sources : Basé sur Johanson et Van Adams, 2004 ; Filmer, 2012 (Afrique comparables à celles qui n’en faisaient pas partie. Dans les du Sud) ; Banque mondiale, 2011c (bons au Pérou) ; Almeida, Behrman, années 1990, le Ghana a mis en œuvre un programme de et Robalino, 2012 (Jua Kali). Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 259 dans la formation, les politiques améliorant fixes de la construction d’un centre de for- leur accès au financement auront également mation dans chaque pays, les États peuvent un impact sur la formation sur le lieu de tra- coopérer pour créer des centres régionaux vail. Dans la mesure où les entreprises et les tra- de formation à ces compétences techniques. vailleurs seraient plus susceptibles de parvenir L’« importation » de ces compétences pour- à un accord sur le partage des rendements de rait également avoir du sens pour l’économie, la formation si les contrats étaient exécutoires, et pour répondre à la demande, les pouvoirs le renforcement de l’exécution des contrats publics pourraient alléger les contraintes res- et la primauté du droit pourraient avoir un treignant l’immigration des travailleurs qua- impact positif sur la formation en entreprise. lifiés. Dans la plupart des pays africains, le Des entreprises forment parfois leurs employés cadre actuel des politiques n’est pas propice à à des compétences très spécifiques ou obsolètes l’importation de compétences techniques. Les parce qu’elles utilisent une ancienne technolo- responsables des politiques doivent effective- gie. Les politiques promouvant l’innovation et ment prendre en compte les considérations la modernisation technologique dans les entre- d’économie politique, telles que la crainte de prises pourraient donc améliorer, par la même voir des emplois nationaux occupés par des occasion, les rendements sociaux de la forma- étrangers, mais ils ne doivent pas perdre de vue tion sur le lieu de travail. que les travailleurs étrangers hautement quali- fiés peuvent créer des emplois supplémentaires. Faciliter la coopération internationale Le développement d’une base de données sur en matière de formation et de les effets nets sur l’emploi de l’immigration modernisation technologique dans des qualifiée peut contribuer à faire évoluer le secteurs spécifiques débat.22 Les politiques d’importation de com- Les pouvoirs publics peuvent faciliter la coopé- pétences peuvent être conçues pour maximiser ration technique avec d’autres pays en matière les effets de propagation au niveau national, de formation et de modernisation de la tech- par exemple, en encourageant les entreprises nologie dans des industries spécifiques, en par- à former les travailleurs nationaux en échange ticulier avec d’autres pays en développement de l’autorisation d’embaucher des compétences disposant de capacités techniques dans ces techniques venues de l’étranger. secteurs. Un exemple récent est la coopéra- tion technique entre le ministère éthiopien du Promouvoir des systèmes mettant Commerce et de l’Industrie, l’Institut éthiopien en contact les employeurs et les de technologie du cuir et des produits du cuir formateurs (Ethiopian Leather and Leather Products Tech- Une coordination entre les systèmes d’EFTP et nology Institute), et l’Institut indien de design les employeurs est indispensable pour garan- et de développement de la chaussure (Footwear tir que les compétences transmises par la for- Design and Development Institute). Ce dernier mation sont pertinentes pour le marché. Le a fourni une assistance technique à sept usines rendement des compétences techniques spéci- éthiopiennes de chaussures pour la conception, fiques peut varier considérablement au cours la modernisation technique, l’assurance qualité, du temps et selon les marchés. C’est pourquoi l’amélioration de la productivité et les essais, les politiques visant l’amélioration des com- leur permettant ainsi d’améliorer leur produc- pétences transmises par l’EFTP doivent faire tivité et la qualité globale des chaussures pro- participer les employeurs à la construction duites. Par exemple, dans l’une de ces usines, des systèmes d’EFTP, pour veiller à ce que les la coupe est passée de 2 000 à 2 400 paires par formateurs soient régulièrement informés de jour, et le taux de pertes a chuté de 3 % à 1 % la demande de compétences. Certains pays en (Dinh et coll., 2012). développement produisent déjà des rapports Si certaines compétences techniques sont réguliers sur l’offre et la demande de compé- recherchées dans plusieurs pays, mais que la tences, tels que les rapports « Information sur demande est trop faible pour justifier les coûts le marché du travail » produits par l’Office de 260 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne l’enseignement technique et de la formation pour des femmes, et que les femmes recom- professionnelle des Philippines (TESDA — mandaient des femmes peu qualifiées, sauf Technical Education and Skills Development lorsqu’une récompense leur était spécifique- Authority). Les rapports sur le marché du tra- ment octroyée pour des références de bonne vail de la TESDA sont fondés sur des consulta- qualité (Beaman, Keleher, et Magruder, 2012). tions et des discussions de groupe avec les asso- En plus de désavantager certains groupes, les ciations d’employeurs, ainsi que sur des études réseaux d’emploi informels détériorent la qua- du marché du travail (TESDA, 2012a, 2012b). lité du recrutement, en l’amenant à être fondé Des approches de ce genre sont actuelle- sur les connexions plutôt que sur les qualifica- ment mises en œuvre en Afrique. L’autorité de tions, et en restreignant le réservoir des can- l’enseignement et de la formation profession- didats potentiels dans lequel les entreprises nelle de Tanzanie dispose d’un système de suivi peuvent puiser. et évaluation fondé sur des données réguliè- Des stages temporaires et d’autres pro- rement collectées par les analystes du marché grammes visant à insérer les diplômés des for- du travail des différentes zones et à travers des mations dans les entreprises peuvent-ils faciliter mini enquêtes de marché examinant les besoins la transition vers l’emploi ? Le double système actuels et prévus de l’industrie (République- allemand, où la théorie est enseignée dans des Unie de Tanzanie et UNESCO, 2012). Les stages établissements scolaires et les compétences offrant aux étudiants une exposition pratique à pratiques sont acquises à travers un apprentis- l’industrie encadrée par des tuteurs et le recours sage (ou stage) dans une entreprise, en est un à des professionnels confirmés pour donner des exemple. Certaines données suggèrent que ce cours sur des sujets spécifiques dans les centres système réduit le chômage des diplômés (Pio- de formation sont deux moyens d’entretenir piunik et Ryan, 2012). La manière de l’importer une interaction régulière entre ces derniers et à grande échelle en Afrique n’est toutefois pas l’industrie et le commerce. Le succès de cette évidente, étant donné que les possibilités de approche reste à évaluer. stages en entreprise y sont beaucoup plus limi- Les liaisons entre le système de formation et tées. S’ils étaient adoptés, les programmes de l’industrie peuvent également faciliter la tran- formation combinée à une insertion devraient sition des jeunes vers la vie active. En Afrique, cibler de façon sélective les personnes en ayant les travailleurs dotés de compétences spéciali- le plus besoin. Le modèle Jóvenes en Acción de sées ne rencontrent pas de problèmes sérieux l’Amérique latine, décrit plus loin, pourrait être pour entrer en relation avec les employeurs. mieux adapté au contexte africain. En revanche, par manque d’information de Les pouvoirs publics soutiennent également base, les jeunes des milieux défavorisés ont des l’insertion à travers des agences de placement difficultés à contacter les employeurs offrant ou de recherche d’emploi. Les faits suggèrent des emplois salariés peu qualifiés. Un signe de que ces services présentent un intérêt limité ce problème est l’omniprésence des réseaux pour l’Afrique. Les agences publiques de place- informels en tant que source d’information sur ment sont sous-utilisées. Une enquête auprès les emplois. Les jeunes dépourvus de réseaux des demandeurs d’emploi dans 11 villes afri- dans les entreprises modernes — en particulier caines a révélé que seuls 7 % d’entre eux étaient ceux issus de familles pauvres ou d’un milieu inscrits auprès d’une agence de placement (De rural, dont les membres de la famille ou les Vreyer et Roubaud, 2013). De même, une amis sont moins susceptibles d’occuper des récente étude réalisée au Moyen-Orient et en emplois salariés – auront un accès plus difficile Afrique du Nord a constaté que de nombreux à ce genre d’emplois. Des études récentes sug- demandeurs d’emploi n’avaient recours qu’à gèrent, de plus, que les réseaux d’emploi infor- leurs relations personnelles et familiales, et mels désavantagent les femmes. Une expérience que la plupart des emplois trouvés l’avaient été sur le recrutement au Malawi a révélé que les sans aide des agences publiques pour l’emploi hommes recommandaient des hommes, sauf (Kuddo, 2012). Un examen des évaluations si cela leur était spécifiquement demandé d’impact, effectuées en grande partie dans des Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 261 pays développés, a constaté que ces services ont en entreprise, est plus efficace (voir Maitra et tendance à être plus efficaces pour les travail- Mani, 2012 pour l’Inde ; Groh et coll., 2012 leurs les plus instruits, lorsque la demande de pour la Jordanie). main-d’œuvre est élevée (Betcherman, Olivas Ces constatations suggèrent qu’un pro- et Dar, 2004). gramme complet (formation plus stages) et Les programmes complets de formation ciblé peut constituer un instrument efficace de utilisant des stages pour mettre les étudiants promotion de l’emploi salarié productif chez en relation avec les employeurs sont bien éta- les jeunes défavorisés. Des programmes de ce blis dans les pays d’Amérique latine et ont type sont en cours en Afrique, mais n’ont pas commencé à se propager à d’autres régions, y encore été évalués, et de sérieuses questions se compris l’Afrique. Les programmes Jóvenes en posent au sujet de leur rapport coût-efficacité Acción (Jeunesse en action) de la Colombie, par en Afrique. Les programmes Jóvenes en Acción exemple, fournissent trois mois de formation ont été estimés rentables en Amérique latine, théorique et trois mois de stage en entreprise si l’on se borne à considérer le fait que leur à de jeunes chômeurs de 18 à 25 ans, apparte- impact moyen sur les revenus a dépassé le coût nant aux deux couches socioéconomiques les du programme par participant.23 Le secteur de plus basses de la population (Attanasio, Kugler, l’emploi salarié moderne étant relativement et Meghir, 2011). De même, le programme petit en Afrique, le coût de la subvention des Juventud y Empleo (Jeunesse et emploi) de la stages pourrait y être plus élevé et l’impact sur République dominicaine offre aux 16 à 29 ans les revenus plus faible. Pour cette même raison, n’ayant pas achevé leurs études secondaires, le déploiement à grande échelle est encore plus une formation suivie d’un stage dans une problématique. Compte tenu du fait que rien entreprise privée (Ibarraran et coll., 2012). Les ne permet d’identifier sans ambiguïté le type programmes de ce type requièrent une colla- de formation qui fonctionne le mieux dans ces boration avec le secteur privé pour les stages programmes, ceux-ci devraient être essayés et la définition du contenu de la formation. Ils sous une forme pilote et ensuite évalués pour offrent généralement un ensemble de compé- déterminer le modèle le plus rentable pour tences, en complétant la formation profession- l’Afrique. nelle avec une formation aux compétences de la vie, destinée à améliorer l’interaction sociale et Améliorer les pratiques de gestion les pratiques et attitudes liées au travail. La formation en gestion peut avoir des effets Des évaluations d’impact rigoureuses de positifs, mais il faut plus de données sur la plusieurs programmes Jóvenes en Acción manière de la cibler. Si les mauvaises pratiques montrent des résultats variables, mais promet- de gestion sont aussi répandues en Afrique que teurs. En moyenne, ces programmes ont accru le suggèrent certaines études récentes, il doit y l’emploi salarié formel de quatre à six emplois avoir des possibilités considérables d’améliorer supplémentaires pour 100 participants. Étant la productivité en investissant dans la forma- donné les faibles taux d’emploi salarié chez les tion aux compétences en affaires, et peut-être jeunes Africains issus des milieux défavorisés, même dans le conseil en gestion individualisé. la valeur relative de cet impact pourrait être Une meilleure gestion peut rendre les entre- importante. Ces programmes ont également prises plus productives et, à terme, accroître conduit à des revenus significativement plus l’embauche. Des éléments indiquent que les élevés, mais si cet impact est marqué chez les entreprises sous-investissent dans les compé- femmes participantes, il n’est pas évident chez tences en gestion parce qu’elles en sous-esti- les hommes. Les évaluations du programme ment la valeur ou sont confrontées à des pro- Jóvenes en Acción et de récents programmes blèmes de crédit. de formation indiens et jordaniens suggèrent Les programmes visant à promouvoir les qu’une formule plus complète, telle que la compétences en gestion dans les petites et combinaison d’une formation aux compé- moyennes entreprises établies sont en aug- tences comportementales et d’une formation mentation dans les pays en développement, 262 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne en particulier les programmes offrant des Promouvoir des entreprises conseils intensifs ou individualisés en gestion. modernes et compétitives Certains ont été évalués dans des études quasi expérimentales ou randomisées, notamment Les entreprises modernes manufacturières et les études de l’Institut Kaizen portant sur des de services ont été un moteur de croissance regroupements industriels de Dar es-Salaam de l’emploi dans les pays développés et plus et Addis-Abeba.24 Ces évaluations suggèrent récemment en Asie de l’Est. À long terme, il que ces programmes conduisent effectivement devrait en aller de même pour l’Afrique. Le à l’adoption de nouvelles pratiques de gestion. secteur des entreprises modernes ne représente L’ampleur de ces effets est généralement faible, actuellement qu’une petite partie de l’emploi à quelques exceptions près. Au Ghana, par en Afrique et se développe de manière iné- exemple, le pourcentage des entreprises métal- gale dans la région. Le secteur manufacturier, lurgiques tenant une comptabilité a augmenté qui a été une source dynamique de nouveaux de 30 % (Mano et coll., 2012). emplois dans d’autres régions, fournit moins Les preuves que l’adoption de nouvelles pra- de 3 % de l’emploi total en Afrique. tiques de gestion améliore réellement les per- À cause de la taille réduite des économies formances des entreprises et l’emploi sont plus africaines, la demande intérieure ne suffit pas mitigées, peu d’études ayant détecté des impacts à soutenir un secteur moderne et prospère des statistiquement significatifs sur les ventes, les entreprises, où l’extension et la diversification bénéfices ou la survie. La constatation la plus sont déterminantes. Les échanges peuvent être prometteuse provient d’une expérience dans essentiels pour que les entreprises modernes de grandes entreprises textiles indiennes, où actives dans l’industrie manufacturière (et les les pratiques de gestion ont accru la produc- tivité de 17 % au cours de la première année services échangeables) parviennent à réaliser et conduit, en trois ans, à l’ouverture d’un plus pleinement leur potentiel de création d’emplois grand nombre de sites de production (Bloom, productifs pour les jeunes, mais actuellement Sadun, et Van Reenen, 2012). Ces résultats sug- elles exportent très peu. Les coûts de la main- gèrent que des pratiques de gestion améliorées d’œuvre ne sont généralement pas plus bas peuvent créer de l’emploi. dans les pays africains que chez leurs concur- Compte tenu des preuves limitées, mais rents potentiels. Pour rivaliser avec ceux-ci, les prometteuses, d’autres expériences pilotes entreprises modernes africaines ne peuvent seraient utiles en Afrique, notamment pour donc jouer leur atout salarial et sont donc répondre aux questions de ciblage et de sélec- contraintes d’être productives, mais elles le sont tivité. Par exemple, la limitation du capital relativement peu. managérial n’est-elle une contrainte que pour Le manque de productivité est le reflet de les grandes entreprises, comme le suggère problèmes plus profonds, qui varient à tra- l’étude indienne ? Les rendements de la forma- vers le sous-continent. Dans certains pays, le tion en gestion sont-ils plus élevés lorsque la coût des intrants autres que la main-d’œuvre formation cible les entreprises disposant de la (électricité, transport, etc.) est trop élevé. Dans meilleure aptitude (« potentiel ») à la réussite, d’autres, la bureaucratie retarde l’accès des et ce potentiel peut-il être identifié ? Dans les investisseurs à la terre ou aux permis ou com- industries où il n’existe pas toujours une saine plique le transport des marchandises (entrées concurrence entre les entreprises, il est difficile et sorties) à travers les ports. Les coûts élevés d’identifier ce potentiel en examinant les per- de l’intermédiation financière privent les inves- formances actuelles. En outre, les entreprises tisseurs de capital. Dans de nombreux pays, la à fort potentiel peuvent fonctionner convena- taille réduite des marchés intérieurs, combi- blement, même sans formation en gestion sou- née aux barrières entravant l’importation et le tenue par l’État. De petits programmes pilotes commerce régional, élimine la concurrence et visant des entreprises avec des profils différents n’incite pas à innover et à améliorer la produc- pourraient être utiles pour comprendre où le tivité, même dans les entreprises produisant soutien est le plus nécessaire. pour les marchés locaux. Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 263 Les pouvoirs publics africains peuvent faire Les programmes destinés aux jeunes défavori- beaucoup de choses pour améliorer la situa- sés, combinant une formation avec des stages, tion. L’étape la plus importante est d’améliorer semblent prometteurs, de même que ceux le climat des affaires pour permettre à l’entre- offrant une formation en gestion, même s’il preneuriat et aux entreprises productives de se reste encore à démontrer qu’il soit possible de développer. Les objectifs clés de la réforme sont les déployer à grande échelle avec un coût abor- d’accroître l’accès au financement et aux ser- dable en Afrique. vices d’infrastructure, d’améliorer la logistique commerciale et d’aplanir les obstacles régle- Notes mentaires à l’entrepreneuriat. Certains efforts, 1. Ce chapitre s’appuie largement sur deux docu- tels que la fourniture d’infrastructures phy- ments de référence par Trapeznikova (2012a et siques pour les services publics et le transport, 2012b), spécialement pour la section qui discute requièrent des investissements à long terme et et présente l’évidence sur les salaires en Afrique coûteux. De nombreuses réformes des poli- ainsi que les coûts unitaires de la main-d’œuvre, tiques ne sont, par contre, pas aussi onéreuses et et la compétitivité. peuvent avoir des effets considérables en rédui- 2. Une nouvelle réflexion sur le commerce inter- sant les distorsions et accroissant l’efficacité. national reflète l’impact majeur que celui-ci Un appui, sélectif et spatialement ciblé, à des peut avoir sur la productivité. Une part crois- sante du commerce des marchandises provient regroupements émergents peut tirer le meilleur aujourd’hui des échanges de différentes varié- parti de ressources limitées, en favorisant des tés de produits au sein du même secteur. Par économies d’agglomération. Les interventions exemple, les États-Unis et les pays européens localisées de ce type doivent aider les regrou- se vendent mutuellement des voitures. Un tel pements en leur fournissant de bonnes infras- commerce est bénéfique, car il permet la pro- tructures et des réglementations favorables, duction de différentes variétés à une échelle effi- mais ne jamais tenter de forcer leur création en cace, ce qui serait impossible si chaque variété essayant de sélectionner des « gagnants ». n’était vendue que dans son pays d’origine. Ce Une pénurie de compétences ne semble pas type de commerce permet également aux pro- une contrainte incontournable pour l’emploi ducteurs plus efficaces de mieux tirer parti de salarié moderne en Afrique, mais de nom- leur efficacité, car un marché plus vaste — une breuses preuves indiquent qu’un ensemble de conséquence directe de l’abaissement des barri- ères commerciales — a un impact positif sans compétences — cognitives, comportementales commune mesure sur leur rentabilité. À mesure et techniques — ont de l’importance pour la que les entreprises plus productives gagnent des productivité des entreprises. Les jeunes Afri- parts de marché au détriment de celles qui le cains doivent disposer de ces compétences sont moins, le potentiel de génération d’emplois pour être réellement productifs dans les entre- du secteur augmente (un point abordé plus loin prises modernes, en particulier alors que le sec- dans l’analyse de la compétitivité de l’industrie teur commence à se développer. Les pouvoirs manufacturière de l’Afrique). publics doivent donc avant tout encourager la 3. Les entreprises moins productives ne peuvent construction d’un solide socle de compétences vendre leurs produits que sur le marché inté­ de base en améliorant la qualité de l’enseigne- rieur, étant donné que le prix qu’elles devraient ment général. Au lieu de délivrer directement appliquer pour compenser les coûts de trans- l’EFTP, ils doivent se concentrer sur la fourni- port et autres frais d’exportation ne serait pas ture de « biens publics », tels que l’assurance compétitif. Voir, par exemple, Melitz et Trefler (2012). qualité et l’information, pour développer un 4. Il faut signaler que les données recueillies par secteur de la formation transmettant effica- les enquêtes ne concernent que les entreprises cement des compétences pertinentes pour le officiellement enregistrées. Dans la plupart des marché. Pour que les jeunes pauvres et défa- pays, toutes les entreprises atteignant au moins vorisés puissent accéder à la formation, les une certaine taille sont censées être enregistrées, pouvoirs publics doivent leur fournir un appui mais en pratique, les taux d’enregistrement et la financier accompagné d’une information leur qualité de l’information du registre des inscrip- permettant de choisir le bon type de formation. tions varient d’un pays à l’autre. 264 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne 5. Certaines données indiquent que parmi les pays 13. Banerjee et Duflo (2012), par exemple, montrent en développement, la productivité de la main- que les entreprises indiennes sont confrontées à d’œuvre du secteur manufacturier de l’Afrique des contraintes de crédit. Dans Udry et Anagol subsaharienne pourrait être la plus faible, avec (2006), l’analyse des données sur les taux de celle de l’Asie du Sud. Voir Clarke (2011). rendement du capital exceptionnellement élevés 6. Une autre raison est que les entreprises Afri­caines au Ghana suggère l’existence de contraintes de remplacent le capital par la main-d’œuvre, en crédit. utilisant des méthodes de production à relative- 14. En Inde, par exemple, la législation du travail ment haute intensité de main-d’œuvre, en dépit empêche les entreprises d’ajuster l’emploi pour du fait que de nombreux pays africains ont des réagir à des chocs externes. Voir Adhvaryu, salaires supérieurs à ceux de la Chine. Chari et Sharma (2013). 7. En outre, l’investissement direct étranger en 15. Parmi les indications de gains potentiels dus à Afrique est dominé par les investissements dans des réductions des coûts du commerce dans la les industries extractives (Banque mondiale, région, on peut citer les disparités, substantielles 2013a). et persistantes, dans les prix des marchandises, 8. Le terme technique est la productivité totale des les revenus et les taux de rendement du capital facteurs (PTF). existant entre les pays voisins. Elles suggèrent 9. Comme examiné plus loin, certaines études que les opportunités d’emploi pour les jeunes récentes, notamment Bloom et coll. (2013), pourraient être substantiellement accrues, rien mesurent l’efficacité organisationnelle. qu’en facilitant les échanges commerciaux et 10. Les associations entre ces variables de les investissements transfrontaliers, sans pour l’environnement des affaires et la productivité autant impliquer de larges mouvements migra- au niveau des sites de production et agrégée, toires internationaux (Habyarimana et Mengis- issues des données de l’enquête de la Banque tae, 2013). mondiale auprès des entreprises sont analy- 16. Barker et Mengistae (2013). Beck, Dermigüç- sées dans plusieurs articles, notamment Dollar, Kunt et Maksimovic (2005) observent que les Hallward-Driemeier et Mengistae (2005) ; Li, entreprises déclarant le plus être limitées par Mengistae et Xu (2011) ; Harrison, Lin et Xu l’accès au crédit sont susceptibles de se dévelop- (2013). Voir aussi Hall et Jones (1999) ; Bartels- per plus lentement. man, Haltiwanger et Scarpetta (2009). 17. Gazette Supplement n° 52 du Kenya (supplément 11. Autrement dit, la moyenne simple des produc- législatif n° 31) et Legal Notice n° 97 du 11 juillet tivités des entreprises, non pondérée par leurs 2008. parts de marché, est supérieure dans le pays A. 18. Cadot et coll. (2013) ont constaté que les nou- 12. Plus précisément, la productivité du secteur peut veaux exportateurs sont plus susceptibles de être séparée en deux composantes : la moyenne survivre au-delà de la première année lorsque des PTF de niveau entreprise — qui pourrait être d’autres entreprises exportent le même produit la PTF du secteur si toutes les entreprises avaient vers des destinations similaires. Ils soutiennent des parts de marché égales — et l’« efficacité de que les effets dus à l’information sont à l’origine l’allocation des ressources ». Cette opération de cette situation. est connue sous le nom de décomposition de 19. Collier et Venables (2007). Voir également la productivité agrégée d’Olley-Pakes (Olley et Monga (2012) et Lin et Monga (2011) pour Pakes, 1996). Voir aussi Melitz et Polanec (2012) l’utilisation, pas nécessairement supposée dans et Foster, Haltiwanger et Syverson (2008) pour le cadre de Collier et Venables, de la localisation des décompositions connexes. La décomposi- à cette fin dans la politique industrielle. tion d’Olley-Pakes peut être décrite comme 20. La question de la localisation des interventions suit : soit at la moyenne pondérée du logarithme d’appui aux regroupements ou zones d’activités de la PTF d’un secteur spécifique pour l’année t, est souvent étroitement liée à la politique indus- et ait le logarithme de la PTF des entreprises trielle (la politique ciblant certains types de constituant le secteur avec leurs parts de marché secteurs ou d’entreprises). Les deux sont toute- respectives (sit), où i est l’indice des entreprises. fois complètement distinctes. Les interventions Ensuite at peut être formulé comme suit : visant la localisation des regroupements ne Nt comprennent pas l’identification des entre- at = at + ∑ (sit – st )(ait – at) , i −1 prises ou secteurs spécifiques qu’il conviendrait où les lettres surmontées d’une barre représen- de regrouper. Lin (2011) ; Lin et Monga (2011) ; tent les moyennes non pondérées des variables Pack et Saggi (2006) ; Rodrik (2004) fournissent du secteur. des références clés sur le débat actuel sur la sépa- Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 265 ration de la politique industrielle et du ciblage Vol. 1A, sous la conduite de Philippe Aghion et spatial des mesures visant à améliorer le climat Steven Durlauf, ch. 7, 473–552. Amsterdam : d’investissement. Elsevier. 21. Une enquête auprès des jeunes défavorisés du ———. 2012. “Do Firms Want to Borrow More? Malawi a constaté que seuls 13 % d’entre eux Testing Credit Constraints Using a Directed avaient reçu une quelconque formation tech- Lending Program.” Institut de technologie nique ou professionnelle (Hicks et coll., 2011). du Massachusetts, Département d’économie, Ceux qui n’en avaient pas reçu l’attribuaient Boston, MA. aux coûts élevés et à l’accès limité ainsi qu’au Banque mondiale. 2004. “An Assessment of the manque d’informations. Investment Climate in Zambia.” Banque mon- 22. Cette base de preuves n’existe pas encore pour diale, Washington, DC. l’Afrique. ———. 2008. Finance for All? Policies and Pitfalls in 23. Cette évaluation est fondée sur des hypothèses Expanding Access. Rapport de recherche sur les particulières relatives à la durée de l’effet sur politiques 41972, Banque mondiale, Washington, les revenus. Voir Attanasio, Kugler et Meghir DC. (2011). ———. 2009. “Zambia: Second Investment Cli- 24. McKenzie et Woodruff (2013) examinent ces mate Assessment; Business Environment Issues évaluations des programmes de formation en in Diversifying Growth.” Volumes 1 et 2. Banque gestion et aux pratiques d’entreprise. Mano et mondiale, Washington, DC. coll. (2012), Sonobe, Suzuki et Otsuka (2011), et ———. 2010. “The Business Environment in Karlan, Knight, et Udry (2012) sont des évalua- Southern Africa: Issues in Trade and Market tions spécifiques à l’Afrique. Integration.” Volumes 1 et 2. Banque mondiale, Washington, DC. Références ———. 2011a. “Botswana: Skills for Economic Adhvaryu, Achyuta, A. V. Chari et Siddharth Diversification and Economic Growth.” Banque Sharma. 2013. “Firing Costs and Flexibility: Evi- mondiale, Washington, DC. dence from Firms’ Employment Responses to ———. 2011b. Doing Business 2012 : Entreprendre Shocks in India.” Review of Economics and Statis- dans un monde plus transparent. Washington, tics 95 (3): 725–40. DC. Banque mondiale. Almeida, Rita, Jere Behrman et David Robalino, ———. 2011c. “Strengthening Skills and Employ- eds. 2012. The Right Skills for the Job? Rethinking ability in Peru: Final Report.” Banque mondiale, Effective Training Policies for Workers. Washing- Washington, DC. ton, DC. Banque mondiale. ———. 2012a. “Analysis of Uganda’s System of Almeida, Rita et Pedro Carneiro. 2009. “The Return Business, Technical-Vocational Education and to the Firm Investment in Human Capital.” Land Training (BTVET).” Banque mondiale, Washing- Economics 16 (1): 97–106. ton, DC. Almlund, Mathilde, Angela Duckworth, James ———. 2012b. Doing Business 2013 : Des réglemen- Heckman et Tim Kautz. 2011. “Personality, Psy- tations intelligentes pour les petites et moyennes chology, and Economics.” Dans Handbook of the entreprises. Washington, DC. Banque mondiale. Economics of Education, sous la conduit d’Eric Hanushek, Stephen Machin et Ludger Woess- ———. 2012c. “Financing Small- and Medium- mann, 1–181. Amsterdam : Elsevier. Sized Enterprises in Rwanda.” Banque mondiale, Washington, DC. Atchoarena, David et Paul Esquieu, eds. 2002. Pri- vate Technical and Vocational Education in Sub- ———. 2012d. Rapport sur le développement dans Saharan Africa: Provision, Patterns, and Policy le monde 2013: Emplois. New York: Oxford Uni- Issues. IIEP/Prg.DA/01.300. Paris : Institut inter- versity Press. national de planification de l’éducation. ———. 2013a. Africa’s Pulse 7 (Avril). Banque Attanasio, Orazio P., Adriana D. Kugler et Costas mondiale, Washington, DC. Meghir. 2011. “Subsidizing Vocational Training ———. 2013b. “Tanzania Economic Update, for Disadvantaged Youth in Developing Coun- Opening the Gates: How the Modernization tries: Evidence from a Randomized Trial.” Ameri- of the Port of Dar es Salaam Can Transform can Economic Journal: Applied Economics 3 (3): Tanzania.” Rapport 77729, Banque mondiale, 188–220. Washington, DC. Banerjee, Abhijit et Esther Duflo. 2005. “Growth Barker, M. et Taye Mengistae. 2013. “Business Envi- Theory through the Lens of Development Eco- ronment, Market Distortions, and Employment nomics.” Dans Handbook of Economic Growth, in Africa: An Analysis of Business Survey Data on 266 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Manufacturing Industries and Services.” Docu- Bocconi, Paolo Baffi Centre on Central Banking ment de référence pour le Rapport sur l’emploi and Financial Regulation. des jeunes, Région Afrique. Banque mondiale, Clarke, George R. G. 2011. “Manufacturing Firms Washington, DC. in Africa.” In Performance of Manufacturing Bartelsman, Eric, John Haltiwanger et Stefano Scar- Firms in Africa: An Empirical Analysis, sous la petta. 2009. “Cross-Country Differences in Pro- conduite de Hinh T. Dinh et George R. G. Clarke, ductivity: The Role of Allocation and Selection.” 47–86. Washington, DC. Banque mondiale. Document de synthèse IZA 4578, Institute for Collier, Paul et Anthony J. Venables. 2007. “Rethink- the Study of Labor, Bonn. ing Trade Preferences: How Africa Can Diversify Beaman, Lori, Niall Keleher et Jeremy Magruder. Its Exports.” World Economy 30 (8): 1326–45. 2012. “Do Job Networks Disadvantage Women? ———. 2008. “Trade and Economic Performance: Evidence from a Recruitment Experiment in Does Africa’s Fragmentation Matter?” Article Malawi.” Document de travail, Northwestern présenté à la conférence annuelle de la Banque University, Département d’économie, Chicago. mondiale sur l’économie du développement, Le Beck, Thorsten, Asli Dermigüç-Kunt et Vojislav Cap, 9–11 juin. Maksimovic. 2005. “Financial and Legal Con- Corrado, Carol, Charles Hulten et Daniel Sichel. straints to Growth: Does Firm Size Matter?” 2005. “Measuring Capital and Technology: An Journal of Finance 60 (1): 37–77. Expanded Framework.” In Measuring Capital in Bertrand, Marianne, Antoinette Schoar et David the New Economy: Studies in Income and Wealth, Thesmar. 2007. “Banking Deregulation and Vol. 65, sous la conduite de Carol Corrado, John Industry Structure: Evidence from the French Haltiwanger et Daniel Sichel, 11–45. Chicago: Banking Reforms of 1985.” Journal of Finance 62 University of Chicago Press. (2): 597–628. Darvas, Peter et Robert Palmer. 2012. “Technical Betcherman, Gordon, Karina Olivas et Amit Dar. and Vocational Skills Development in Ghana.” 2004. “Active Labor Market Programs: New Evi- Banque mondiale, Washington, DC. dence from Evaluations with Particular Attention De Vreyer, Philippe et François Roubaud, eds. 2013. to Developing and Transition Countries.” Docu- Urban Labour Markets in Sub-Saharan Africa. ment de synthèse sur la protection sociale 04012, Paris : Agence française de développement ; Banque mondiale, Washington, DC. Washington, DC : Banque mondiale. Biggs, Tyler, Manju Shah et Pradeep Srivastava. Dinh, Hinh T., Dimitris A. Mavridis et Hoa 1995. “Technological Capabilities and Learning B.Nguyen. 2012. “The Binding Constraints on in African Enterprises.” Document technique the Growth of Firms in Developing Countries.” 288, Banque mondiale, Washington, DC. In Performance of Manufacturing Firms in Africa: Bloom, Nicholas, Benn Eifert, Aprajit Mahajan, An Empirical Analysis, sous la conduite de Hinh David McKenzie et John Roberts. 2013. “Does T. Dinh et George R. G. Clarke, 87–138. Wash- Management Matter? Evidence from India.” ington, DC. Banque mondiale. Quarterly Journal of Economics 128 (1): 1–51. Dinh, Hinh T., Vincent Palmade, Vandana Chandra Bloom, Nicholas, Raffaella Sadun et John Van- et Frances Cossar. 2012. Light Manufacturing in Reenen. 2012. “The Organization of Firms across Africa: Targeted Policies to Enhance Private Invest- Countries.” Quarterly Journal of Economics 127 ment and Create Jobs. Washington, DC: Banque (4): 1663–705. mondiale. Briceño-Garmendia, Cecilia et Vivien Foster, 2010. Djankov, Simeon. 2009. “The Regulation of Entry: Infrastructures africaines : une transformation A Survey.” World Bank Research Observer 24 (2): impérative. Washington, DC. Banque mondiale. 183–203. Cadot, Olivier, Leonardo Iacovone, Martha Denisse Djankov, Simeon, Caroline Freund et Cong S. Pierola et Ferdinand Rauch. 2013. “Success and Pham. 2010. “Trading on Time.” Review of Eco- Failure of African Exporters.” Journal of Develop- nomics and Statistics 92 (1): 166–73. ment Economics 101 (C): 284–96. Dollar, David, Mary Hallward-Driemeier et Taye Chari, Amalavoyal V. 2011. “Identifying the Aggre- Mengistae. 2005. “Investment Climate and Firm gate Productivity Effects of Entry and Size Performance in Developing Economies.” Eco- Restrictions: An Empirical Analysis of License nomic Development and Cultural Change 54 (1): Reform in India.” American Economic Journal: 1–31. Economic Policy 3 (2): 66–96. Dutz, Mark, Sergio Kannebley, Maira Scarpelli et Cingano, Federico et Paolo Pinotti. 2012. “Trust, Siddharth Sharma. 2012. “Measuring Intan- Firm Organization, and the Structure of Produc- gible Capital in an Emerging Market Economy: tion.” Document de travail 2012-133, Université An Application to Brazil.” Document de travail Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 267 consacré à la recherche sur les politiques 6142, recherche sur les politiques 6141, Banque mon- Banque mondiale, Washington, DC. diale, Washington, DC. Eifert, Benn, Alan Gelb et Vijaya Ramachandran. Habyarimana, James et Taye Mengistae. 2013. 2008. “The Cost of Doing Business in Africa: “Labor Market Integration in Africa: Evidence Evidence from Enterprise Survey Data.” World from Trading Blocks.” Document de référence Development 36 (9): 1531–46. pour le Rapport sur l’emploi des jeunes de la Région Afrique, Banque Mondiale. Washington, Fafchamps, Marcel et Simon Quinn. 2012. “Results DC. of Sample Surveys of Firms.” In Performance of Manufacturing Firms in Africa: An Empirical Hall, Robert E. et Charles I. Jones. 1999. “Why Do Analysis, sous la conduite de Hinh T. Dinh et Some Countries Produce So Much More Output George R. G. Clarke, 139–211. Washington, DC: per Worker Than Others?” Quarterly Journal of Banque mondiale. Economics 114 (1): 83–116. Fafchamps, Marcel et Mans Soderbom. 2006. Hao, Janet et Charles R. Hulten. 2011. “Intangible “Wages and Labor Management in African Man- Capital and the Sources of Recent Chinese Eco- ufacturing.” Journal of Human Resources 41 (2): nomic Growth.” Article préparé pour la Con- 346–79. ference on Research in Income and Wealth, Productivity Program Workshop, Summer Farole, Thomas. 2011. “Special Economic Zones Institute 2011, National Bureau of Economic in Africa: Comparing Performance and Learn- Research, Cambridge, MA, Juillet 9. ing from Global Experiences.” Banque mondiale, Washington, DC. Harrison, Ann E., Justin Yifu Lin et L. Colin Xu. 2013. “Africa’s (Dis)advantage: The Curse of Filmer, Deon. 2012. “Challenges and Options for Party Monopoly.” Document de travail NBER Technical and Post-Basic Education in South 18683, National Bureau of Economic Research, Africa.” Note sur les politiques, Banque mon- Cambridge, MA. diale, Région Afrique, Unité du développement humain, Washington, DC. Hicks, Joan Hamory, Michael Kremer, Isaac Mbiti et Edward Miguel. 2011. “Vocational Education Fisman, Ray et Jakob Svensson. 2007. “Are Corrup- Voucher Delivery and Labor Market Returns: A tion and Taxation Really Harmful to Growth? Randomized Evaluation among Kenyan Youth.” Firm-Level Evidence.” Journal of Development Rapport pour le Fonds espagnol d’évaluation Economics 83 (C): 63–75. d’impact Phase II. Fitzmaurice, Mike et Olivier Hartmann. 2013. Hsieh, Chang-Tai et Peter J. Klenow. 2009. “Misal- “Border-Crossing Monitoring along the North- location and Manufacturing TFP in China and ern Corridor.” Document de synthèse PPTAS 96, India.” Quarterly Journal of Economics 124 (6): Banque mondiale, Washington, DC. 1403-48. Forum économique mondial. 2012. The Global Ibarraran, Pablo, Laura Ripani, Bibiana Tapoada, Competitiveness Report 2012–13: Full Data Edi- Juan Miguel Villa et Brigida Garcia. 2012. “Life tion. Genève : Forum économique mondial. Skills, Employability, and Training for Disadvan- Foster, Lucia, John C. Haltiwanger et Chad Syver- taged Youth: Evidence from a Randomized Eval- son. 2008. “Reallocation, Firm Turnover, and uation Design.” Document de synthèse IZA 6617, Efficiency: Selection on Productivity or Prof- Institute for the Study of Labor, Bonn. itability?” American Economic Review 98 (1): Johanson, Richard K. et Arvil Van Adams. 2004. 394–425. Skills Development in Sub-Saharan Africa. Wash- Fujita, Masahisa, Paul Krugman et Anthony J. ington, DC. Banque mondiale. Venables. 1999. The Spatial Economy: Cities, Kalemli-Ozcan, Sebnem, Laura Alfaro et Vadym Regions, and International Trade. Cambridge, Volosovych. 2008. “Why Doesn’t Capital Flow MA : MIT Press. from Rich to Poor Countries? An Empirical Gelb, Alan, Christian Meyer et Vijaya Ramachan- Investigation.” Review of Economics and Statistics dran. 2013. “Does Poor Mean Cheap? A Com- 90 (2): 347–68. parative Look at Africa’s Industrial Labor Costs.” Karlan, Dean, Ryan Knight et Christopher Udry. Document de travail du CGD 325, Center for 2012. “Hoping to Win, Expected to Lose: Theory Global Development, Washington, DC. and Lessons on Micro Enterprise Develop- Groh, Matthew, Nandini Krishnan, David McK- ment.” Document de travail, Yale University, New enzie et Tara Vishwanath. 2012. “Soft Skills or Haven, CT. Hard Cash? The Impact of Training and Wage Kitaev, Igor, avec des contributions de T. Coleman, Subsidy Program on Female Youth Employment J. Glover et B. Kaluba. 2002. “Synthesis of Main in Jordan.” Document de travail consacré à la Findings from Two Studies on Private Technical- 268 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Vocational Education and Training in Ghana Mingat, Alain, Blandine Ledoux et Ramahatra and Zambia (Phase II).” Avant-projet IIEP/Prg. Rakotomalala. 2010. “Developing Post-Primary DA/02.365, Institut international de planification Education in Sub-Saharan Africa: Assessing the de l’éducation, Paris. Financial Sustainability of Alternative Pathways.” Klapper, Leora, Luc Laeven et Raghuram Rajan. Banque mondiale, Washington, DC. 2006. “Entry Regulation as a Barrier to Entrepre- Monga, Célestin. 2012. “Winning the Jackpot-Jobs neurship.” Journal of Financial Economics 82 (3): Dividend in a Multi-Polar World.” Article pré- 591–629. senté à l’occasion de la Table ronde Internatio- Krishna, Pravin et Devashish Mitra. 1998. “Trade nal Economic Association — Banque mondiale, Liberalization, Market Discipline, and Productiv- “Industrial Policy in Africa,” Pretoria, Afrique du ity Growth: New Evidence from India.” Journal of Sud, 3–4 juillet. Development Economics 56 (C): 447–62. OCDE (Organisation de coopération et de déve- Krishnan, Pramila et Irina Shaorshadze. 2013. loppement économiques). 2010. Mesurer “Technical and Vocational Education and Train- l’innovation: Un nouveau regard. Paris : OCDE ing in Ethiopia.” Document de travail, Interna- Olley, Steven et Ariel Pakes. 1996. “The Dynam- tional Growth Centre, Londres, février. ics of Productivity in the Telecommunications Kuddo, Arvo. 2012. “Public Employment, Services, Equipment Industry.” Econometrica 64 (6): and Activation Policies.” Document de syn- 1263–97. thèse sur la protection sociale et le travail 1215, Ozier, Owen. 2013. “The Impact of Secondary Banque mondiale, Washington, DC. Schooling in Kenya: A Regression Discontinuity Li, Wei, Taye Mengistae et Lixin Colin Xu. 2011. Analysis.” Article présenté à l’Assemblée annuelle “Diagnosing Development Bottlenecks: China de la Population Association of America, and India.” Oxford Bulletin of Economics and Sta- Nouvelle-Orléans, 11–13 avril. tistics 73 (6): 722–52. Pack, Howard et Kamal Saggi. 2006. “The Case for Lin, Justin Yifu. 2011. “New Structural Econom- Industrial Policy: A Critical Survey.” World Bank ics: A Framework for Rethinking Development.” Research Observer 21 (2): 267–97. World Bank Research Observer 26 (2): 193–221. Piopiunik, Marc et Paul Ryan. 2012. “Improv- Lin, Justin Yifu et Célestin Monga. 2011. “Growth ing the Transition between Education/Training Identification and Facilitation: The Role of the and the Labour Market: What Can We Learn State in the Dynamics of Structural Change.” from Various National Approaches?” Rapport Development Policy Review 29 (3): 259–310. analytique n° 13 de l’EENEE, Réseau européen d’experts en économie de l’éducation, http:// Maitra, Pushkar et Subha Mani. 2012. “Learn- www.eenee.de/portal/page/portal/EENEEView/_ ing and Earning: Evidence from a Randomized generische_page_eenee?content=eenee-home. Evaluation in India.” Document de synthèse htm&language=us. du Département d’économie 44/12, Université Monash, Melbourne. Rodrik, Dani. 2004. “Industrial Policy for theTwenty-First Century.” Document de syn- Mano, Yukichi, Alhassan Iddrisu, Yutaka Yoshino thèse CEPR 4767, Centre for Economic Policy et Tetsushi Sonobe. 2012. “How Can Micro and Research, Londres. Small Enterprises in Sub-Saharan Africa Become More Productive? The Impacts of Experimental Rotunno, Lorenzo, Pierre-Louis Vézina et Zheng Basic Managerial Training.” World Development Wang. 2012. “The Rise and Fall of (Chinese) 40 (3): 458–68. African Apparel Exports.” Document de travail McKenzie, David et Christoper M. Woodruff. 2013. CSAE 2012–12, Centre pour l’étude des écono- “What Are We Learning from Business Train- mies africaines, Université d’Oxford. ing and Entrepreneurship Evaluations around Sachs, Jeffrey D. et Andrew M. Warner. 2001. “The the Developing World?” World Bank Research Curse of Natural Resources.” European Economic Observer. doi: 10.1093/wbro/lkt007. Review 45 (4–6): 827–38. Melitz, Marc J. et Sašo Polanec. 2012. “Dynamic Saleman, Yannick et Luke S. Jordan. 2013. “The Olley-Pakes Productivity Decomposition with Implementation of Industrial Parks: Some Entry and Exit.” Document de travail NBER Lessons Learned in India.” Banque mondiale, 18182, National Bureau of Economic Research, Washington, DC. Cambridge, MA. SFI (Société financière internationale). 2013. IFC Melitz, Marc J. et Daniel Trefler. 2012. “Gains from Job Study: Assessing Private Sector Contributions Trade When Firms Matter.” Journal of Economic to Job Creation and Poverty Reduction. Washing- Perspectives 26 (2): 91–118. ton, DC. SFI. Accroître la productivité dans les entreprises du secteur africain de l’emploi salarié moderne pour encourager la croissance de l’emploi des jeunes 269 Sondergaard, Lars et Mamta Murthi, avec Dina Présentation au Troisième congrès interna­ Abu-Ghaida, Christian Bodewig et Jan Rut- tional sur l’enseignement et la formation tech- kowski. 2012. “Skills, Not Just Diplomas: Manag- niques et professionnels, « Transformer l’EFTP : ing for Results in Education Systems in Eastern Construire des compétences pour le travail et la Europe and Central Asia.” Banque mondiale, vie », Shanghai. http://www.unesco.org/educa- Washington, DC. tion/TVET2012/roundtable/3/M-DelaRama.pdf. Sonobe, Tetsushi, Aya Suzuki et Keijiro Otsuka. Trapeznikova, Ija. 2012a. “Determinants of Earn- 2011. “Kaizen for Managerial Skills Improvement ings Differentials and Wage Trends in Africa’s in Small and Medium Enterprises: An Impact Modern Wage Sector.” Document de référence Evaluation Study.” Banque mondiale, Washing- pour le Rapport sur l’emploi des jeunes de la ton, DC. http://siteresources.worldbank.org/ Région Afrique, Banque Mondiale. Washington, DEC/Resources/FinalVolumeIV.pdf. DC. Svensson, Jakob. 2003. “Who Must Pay Bribes and Trapeznikova, Ija. 2012b. “Competitiveness and Job How Much? Evidence from a Cross-Section of Creation: The Case of the Manufacturing and Firms.” Quarterly Journal of Economics 118 (1): Service Sectors in Africa.” Document de réfé- 207–30. rence pour le Rapport sur l’emploi des jeunes de Syverson, Chad. 2011. “What Determines Produc- la Région Afrique, Banque Mondiale, Washing- tivity?” Journal of Economic Perspectives 49 (2): ton, DC. 326–65. Udry, Christopher R. et Santosh Anagol. 2006. “The Tanzanie, République-Unie de, et UNESCO (Orga- Return to Capital in Ghana.” Document de syn- nisation des Nations Unies pour l’éducation, la thèse 932. Université de Yale, Economic Growth science et la culture). 2012. “Management Issues Center, New Haven, CT. SSRN: http://ssrn.com in Higher, Technical, and Vocational Education /abstract=893023. and Training in Tanzania.” In Education Sector Wood, Adrian et Kersti Berge. 1997. “Export- Analysis: Beyond Primary Education, the Quest for ing Manufactures: Human Resources, Natural Balanced and Efficient Policy Choices for Human Resources, and Trade Policy.” Journal of Develop- Development and Economic Growth, ch. 8, 307– ment Economics 34 (C): 35–59. 32. Dar es-Salaam: Gouvernement de la Tanzanie et UNESCO. Wood, Adrian et Jörg Mayer. 2001. “Africa’s Export Structure in a Comparative Perspective.” Quar- TESDA (Autorité pour l’enseignement technique terly Journal of Economics 25 (3): 369–94. et le développement des compétences). 2012a. “Metals and Engineering Sector: Supply and Xu, Lixin Colin. 2011. “The Effects of Business Demand in Computer Numerical Control Environments on Development: A Survey of (CNC) Machine Operation and Other Related New Firm-Level Evidence.” World Bank Research TVET Qualification.” Labor Market Intelli- Observer 26 (2): 310–40. gence Report LMIR-ST-PO 03-05-12, TESDA, Zeng, Douglas. 2006. “Knowledge, Technology, Philippines. and Cluster-based Growth in Africa: Findings ———. 2012b. “Technical Education and Skills from Eleven Case Studies of Enterprise Clusters Development Monitoring and Evaluation Sys- in Africa.” Knowledge for Development (K4D) tem: Towards Increasing Efficiency, Effective- Program, Institut de la Banque mondiale, Wash- ness, and Relevance of TVET in the Philippines.” ington, DC. FOCUS NOTE Chômage Inclusion Financial des jeunesand Afrique Transition enthe to du Sud : NOTE 3 4 THématique Sustainable Livelihoods à situation différente, for Young réponse People différente C Perceptions classiques des causes ontrairement à la répartition du marché du travail dans la plupart des du chômage autres pays d’Afrique subsaharienne, en Afrique du Sud, la part de l’emploi salarié Des niveaux de salaires et des coûts unitaires est importante en dehors des exploitations réels de la main-d’œuvre élevés ont contri- agricoles, très faible dans les entreprises indi- bué à freiner la demande de main-d’œuvre et viduelles, et encore moindre dans l’agriculture à encourager l’industrie à passer à des modes (4,5 %). L’Afrique du Sud se démarque égale- et secteurs de production à plus haute inten- ment des autres pays africains par son taux de sité de capital, au détriment des travailleurs chômage élevé, estimé à 25 % (sur base d’une peu qualifiés et des industries qui les utilisent définition étroite du chômage) en 2012. intensivement (Mengistae, 2011). Même si Un taux élevé de chômage n’est pas une l’industrie sud-africaine est devenue plus com- nouveauté en Afrique du Sud, qui affichait un pétitive au cours de la dernière décennie, elle taux de 39 % en 2005, contre 17 % dans les l’est toujours moins que celle de beaucoup de autres pays africains à revenu intermédiaire ses partenaires commerciaux. Les réglementa- de la tranche supérieure. Avec 51 %, le chô- mage des 15 à 24 ans atteignait le double de la tions strictes du marché du travail sont habi- moyenne nationale en 2012. Ce taux énorme tuellement identifiées comme la cause prin- est le reflet du chômage prévalant à travers cipale du chômage élevé. Un examen attentif l’ensemble du pays et aggravé par des facteurs des données indique toutefois que l’explica- propres à la jeunesse. tion ne se résume pas aux rigidités du marché La combinaison d’un taux de chômage élevé du travail. Des déficiences dans la croissance et d’un très petit secteur des entreprises indi- économique, conjuguées à l’expansion rapide viduelles est tout à fait unique. En Afrique du de la population en âge de travailler, sont les Sud, le rapport estimé entre l’emploi dans les principaux facteurs contribuant au chômage entreprises individuelles et le chômage était de en Afrique du Sud. 0,30 à 0,48 en 2012, un taux nettement inférieur À bien des égards, l’Afrique du Sud a à la fois à celui des pays à revenu intermédiaire d’Asie et une législation rigide du travail et de fortes bar- d’Amérique latine (respectivement de 11 et 7) rières à l’entrée dans le secteur des entreprises ou d’autres pays d’Afrique subsaharienne (4,7). individuelles. Le salaire minimum imposé par En Afrique du Sud, la main-d’œuvre résiduelle les réglementations est élevé, avec un rapport n’est pas absorbée par le secteur informel, entre le salaire minimum et le salaire médian comme dans d’autres pays africains ou même de 1,52 pour les travailleurs non qualifiés, dans les pays à revenu intermédiaire d’autres pouvant aller jusqu’à 2,66 dans certains sec- parties du monde. Les entreprises sud-afri- teurs (Bhorat, Kanbur et Mayet, 2011). La forte caines de plus grande envergure remplissent syndicalisation et le recours à des comités de l’espace occupé par les entreprises individuelles négociation salariale contribuent à augmen- dans de nombreux autres pays africains. ter encore davantage les salaires : des estima- 270 Note thématique 4 271 tions prudentes indiquent que les emplois Le véritable problème du syndiqués bénéficient d’un avantage salarial chômage : une croissance trop d’au moins 17 %. Le marché du travail est faible donc stratifié : les emplois salariés non agri- coles bien payés occupent la partie haute du Le problème du chômage en Afrique du Sud est, spectre, tandis qu’un réservoir de chômeurs, dans une plus grande mesure, un problème de à la recherche d’un emploi salarié, en occupe croissance, résultant non seulement de la struc- l’extrémité inférieure. Les hautes barrières à ture de celle-ci, mais aussi de sa lenteur par rap- l’entrée dans le secteur des entreprises indivi- port aux tendances démographiques. L’essen- duelles — principalement créées par les règle- tiel de la croissance de l’emploi entre 1995 et ments administratifs rigoureux des autorités 2005 a eu lieu dans les emplois qualifiés, qui ont locales, l’accès limité au capital et de médiocres augmenté de 22 % alors que les emplois non compétences entrepreneuriales — veillent à ce qualifiés déclinaient de 13 % (Figure F4.1, Volet que très peu de ceux qui ne parviennent pas à obtenir un emploi salarié rejoignent le secteur a). La demande de main-d’œuvre non qualifiée des entreprises individuelles non agricoles. Un est faible à un moment où celle-ci connait un fort niveau de chômage déclaré coexiste, par développement comparativement significatif. conséquent, avec un petit secteur informel, que Cet accroissement déséquilibré induit à la fois les hauts salaires de réserve des chômeurs ne une importante pénurie de compétences et un suffisent pas à expliquer (Kingdon et Knight, chômage élevé parmi les demandeurs d’emploi 2004 ; Mitra, 2010). non qualifiés. La contribution des rigidités du marché du De 1995 à 2005, avant la crise financière travail au chômage semble toutefois exagérée. mondiale, l’élasticité de la croissance par rap- Une élasticité des salaires par rapport à l’em- port à l’emploi (comprise entre 0,6 et 0,8) et ploi de –0,7 suggère que les lois sur le salaire la croissance du produit intérieur brut (PIB) minimum et les avantages salariaux exigés ont été similaires en Afrique du Sud et dans par les syndicats et les comités de négociation d’autres pays à revenu intermédiaire, à l’ex- réduisent certes l’emploi, mais l’ampleur de ception de la Chine et de l’Inde. La croissance cette élasticité suggère également que les rigi- démographique n’était toutefois pas compa- dités salariales n’expliquent que partiellement rable. En Afrique du Sud, sa rapidité a entraîné pourquoi le chômage est élevé. Il est important une chute de la croissance par habitant par de souligner que les infractions aux règlements rapport à d’autres pays à revenu intermédiaire sur le salaire minimum sont nombreuses en (Figure F4.1, Volet b). La main-d’œuvre sud- Afrique du Sud, atteignant 50 % en 2007 africaine a augmenté de 46 % entre 1995 et (Bhora, Kanbur et Mayet, 2011). Elles sont par- 2005, dépassant ainsi les 29 % de croissance ticulièrement répandues dans les secteurs où les de l’emploi. La croissance de la main-d’œuvre salaires minimum sont plus élevés, suggérant résulte à la fois d’une participation accrue au ainsi que la réglementation en la matière n’est marché du travail et de la croissance démogra- que modérément contraignante. Les estima- phique. La participation au marché du travail tions révisées des avantages dus à la syndica- a augmenté de 11 % entre 1997 et 2005, prin- lisation sont également largement inférieures cipalement parce que les normes post-apar- aux précédentes (Bhorat, Goga et van der Wes- theid ont permis une plus grande intégration thuizen, 2012). En effet, de récentes estimations dans les activités économiques, en particulier indiquent que les rigidités salariales ne sont res- chez les femmes. En même temps, la part de ponsables que de 1 % du chômage en Afrique la population en âge de travailler a augmenté du Sud (Magruder, 2012). de 6 points de pourcentage entre 1990 et 2010. 272 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Figure F4.1  Tendances de la croissance économique et de l’emploi en Afrique du Sud a. Croissance de l’emploi par catégorie de compétences, b. Croissance du PIB en Afrique du Sud et dans d’autres pays 1995–2005 25 Argentine Brésil 20 Botswana 15 Chili 10 Chine Pourcentage Inde 5 Indonésie 0 Malaisie Pologne –5 Turquie –10 Afrique du Sud –15 Pays à revenu intermédiaire Qualifié Semi-qualifié Non qualifié Pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure 0 2 4 6 8 10 12 Pourcentage Croissance par habitant Croissance du PIB Sources : Banque mondiale, 2011 ; Bhorat, Kanbur et Mayet, 2011. Le chômage élevé qui a accompagné la crois- le bouche-à-oreille et d’autres annonces non sance de la population en âge de travailler est publiques, et à faire confiance à des recomman- un signe que le dividende démographique de dations en ce qui concerne la productivité des l’Afrique du Sud ne s’est pas matérialisé. candidats. Étant donné leur expérience limitée, leur incapacité à signaler leurs aptitudes réelles, leurs maigres relations et le manque d’informa- Inefficacité dans la recherche tion sur les possibilités d’emploi, la recherche d’emploi d’un travail peut s’avérer très longue et démo- ralisante pour les jeunes. Et l’âge auquel ils Pour les jeunes en particulier, les effets de la obtiennent leur premier emploi salarié conti- saturation du marché sud-africain sur la main- nuera à augmenter. d’œuvre non qualifiée sont amplifiés par des frictions dans la recherche d’emploi et les pro- cessus de sélection. La qualité est très variable Politiques visant à réduire le parmi les travailleurs non qualifiés et leur faible chômage niveau d’instruction offre aux employeurs potentiels peu d’indications sur leurs aptitudes Diverses politiques ont été poursuivies et pro- réelles. Les entreprises sont également confron- posées pour réduire le chômage en Afrique tées à des coûts d’embauche et de licenciement du Sud. Les propositions populaires du côté importants en raison des contraintes impo- de la demande comprennent des subventions sées par les réglementations. Pour minimiser salariales, la réforme de la réglementation du les coûts du recrutement de travailleurs non travail et les travaux publics. Du côté de l’offre, qualifiés, les entreprises ont tendance à utiliser elles concernent des réformes des systèmes Note thématique 4 273 d’enseignement et de formation, ainsi qu’un d’œuvre s’avérait trop faible, elle devrait alors appui à l’entrepreneuriat. Que pourrait-on être augmentée. faire pour améliorer le potentiel de réussite de ces stratégies, en particulier pour les jeunes ? Offrir des incitations à une croissance génératrice d’emploi Améliorer le ciblage et la conception Les programmes de travaux publics n’ont pas des subventions salariales sensiblement amélioré l’emploi en Afrique du Les subventions sont censées stimuler la Sud, si on en croit les données de l’Expanded demande de main-d’œuvre en atténuant l’im- Public Works Program (McCord, 2007). Une pact des salaires minimum élevés, des avantages meilleure solution consisterait à adopter des syndicaux ou des hauts salaires de réserve. Il est politiques nationales qui ne se contentent pas toutefois possible que les subventions n’aient d’augmenter le rythme de la croissance écono- pas beaucoup d’effet sur la demande de main- mique, mais incitent également les entreprises d’œuvre en Afrique du Sud, dans la mesure où à haute intensité de main-d’œuvre à s’éta- il est difficile de remplacer de la main-d’œuvre blir et à s’installer à proximité de réservoirs qualifiée par des travailleurs non qualifiés (Go de main-d’œuvre, par exemple en créant des et coll., 2010). Les subventions ne peuvent par- zones économiques spéciales (voir Chapitre 6) venir qu’à déplacer vers d’autres emplois des ou en offrant des mesures d’incitation fiscales personnes ayant déjà un travail, et leurs effets favorables aux industries à haute intensité de risquent d’être temporaires. Un taux élevé d’in- main-d’œuvre. fraction à la loi sur le salaire minimum dans les secteurs ayant les ratios de salaire minimum les Réformer les systèmes d’éducation et plus élevés réduira encore davantage l’impact de formation des subventions salariales. Les problèmes à long terme de l’emploi en Celles-ci auraient plus d’efficacité si elles Afrique du Sud ne peuvent être abordés sans ciblaient des secteurs où la réponse a des réformes des systèmes d’enseignement et chances d’être plus importante et si elles étaient de formation. Celles-ci peuvent contribuer conçues pour réduire le transfert des travail- à améliorer la productivité du réservoir de leurs d’un emploi à l’autre. Bien que les résul- main-d’œuvre, à réduire l’écart entre les com- tats préliminaires d’une évaluation d’impact en pétences demandées par le marché du travail et Afrique du Sud montrent que le programme de celles offertes par les travailleurs, et à accroître subventions salariales a augmenté la probabilité la capacité de l’instruction à signaler les com- d’obtenir et de conserver un emploi, une pro- pétences, qui à son tour, améliorera l’efficacité portion négligeable des employeurs a réclamé de la recherche et de la sélection sur le marché une subvention. Cette constatation suggère que du travail. son impact réel résidait plus dans une améliora- Le système d’enseignement et de formation tion de l’efficacité de la recherche et de la sélec- techniques et professionnels (EFTP) souffre tion, que dans la réduction des salaires réels à de ses bas niveaux de scolarisation, d’achève- payer par l’employeur. La conclusion générale ment et de perspectives d’emploi, mais il pour- est que, même si les subventions salariales pour rait être amélioré par des réformes renforçant les jeunes peuvent avoir un impact positif, leur l’instruction de base (un domaine où l’Afrique efficacité est subordonnée à d’autres conditions du Sud enregistre des résultats médiocres). du marché du travail, telles que sa flexibilité. La Une restructuration du système d’enseigne- subvention des salaires n’est qu’un instrument ment et de formation postscolaire (EFP) pour- parmi d’autres pour lutter contre le chômage rait autoriser la fréquentation à temps partiel des jeunes. Si les rigidités salariales s’avéraient (pour améliorer la souplesse et l’accessibilité) être la principale cause du chômage, leur éli- et introduire l’apprentissage et une plus étroite mination pourrait être une solution à plus collaboration avec les entreprises (pour rendre long terme. Si la demande globale de main- l’EFP plus pertinent par rapport au travail). Les 274 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne autorités sectorielles compétentes en matière Bhorat, Haroon, Ravi Kanbur et Natasha Mayet. d’éducation et de formation devraient simpli- 2011. “The Determinants of Minimum Wage Violation in South Africa.” Document de travail fier leurs procédures administratives, évoluer 2011–05, Cornell University, Charles H. Dyson vers un financement basé sur la demande et School of Applied Economics and Management, déléguer les activités de formation aux insti- Ithaca, NY. tutions les plus compétentes en adoptant une Botha, M., G. H. Nieman et J. J. van Vuuren. 2006. approche de financement fondée sur la perfor- “Evaluating the Women Entrepreneurship Train- mance (voir la discussion dans Filmer, 2012). ing Programme: A South African Study.” Inter- national Indigenous Journal of Entrepreneurship, Advancement, Strategy, and Education 2 (1): n.p. Revoir les règlements administratifs http://www.indigenousjournal.com/read.html. et offrir une formation spécifique pour Filmer, Deon. 2012. “Challenges and Options for soutenir les activités entrepreneuriales Technical and Post-Basic Education in South L’Afrique du Sud doit faciliter l’engagement des Africa.” Note sur les politiques, Banque mon- jeunes dans l’emploi indépendant en introdui- diale, Région Afrique, Unité du développement humain, Washington, DC. sant des règlements administratifs compatibles avec celui-ci et en offrant un appui financier. Go, Delfin S., Marna Kearney, Vijdan Korman, Sherman Robinson et Karen Thierfelder. 2010. Même si les preuves sont variables au niveau “Wage Subsidy and Labour Market Flexibility in international, les données sur l’impact du South Africa.” Journal of Development Studies 46 Programme de développement de l’entrepre- (9): 1481–502. neuriat féminin en Afrique du Sud suggèrent Kingdon, Geeta Gandhi et John Knight. 2004. qu’une formation à l’entrepreneuriat bien “Unemployment in South Africa: The Nature of structurée peut améliorer les chances de réus- the Beast.” World Development 32 (3): 391–408. site (Botha, Nieman et van Vuuren, 2006). Les Magruder, Jeremy R. 2012. “High Unemployment propositions actuelles de renforcement de l’oc- yet Few Small Firms: The Role of Centralized troi des licences commerciales peuvent avoir un Bargaining in South Africa.” American Economic Journal: Applied Economics 4 (3): 138–66. effet contraire en accroissant la charge adminis- trative des entreprises individuelles (ainsi que McCord, Anna. 2007. “Training within the South African National Public Works Programme.” des petites et moyennes entreprises). In Human Resources Development Review 2008: Education, Employment, and Skills in South Références Africa, sous la conduite de Andre Kraak et Karen Banque mondiale. 2011. Indicateurs du développe- Press. Le Cap : MIT Press. ment dans le monde. Washington, DC. Banque Mengistae, Taye. 2011. “Are South African Wages mondiale. Too High or Growing Too Fast? A Compari- Bhorat, Haroon, Sumayya Goga, et Carlenevan der son of Manufacturing Pay and Productivity in Westhuizen. 2012. “Institutional Wage Effects: Selected Middle-Income Economies.” Banque Revisiting Union and Bargaining Council Wage mondiale, Washington, DC. Premia in South Africa.” South African Journal of Mitra, Sophie. 2010. “Disability Cash Transfers in Economics 80 (3): 400–14. the Context of Poverty and Unemployment: The Case of South Africa.” World Development 38 (12): 1692–709. Chapitre 7 Conclusion : Mise en œuvre d’une politique efficace pour l’emploi des jeunes La question de l’emploi des jeunes en Afrique manufacturier tourné vers l’exportation, à haute subsaharienne ne peut être résolue à l’aide de intensité de main-d’œuvre. Tout en se lançant solutions simples. Elle reflète le réseau complexe dans des politiques encourageant cette transfor- des défis et opportunités, qui relie tous les pays mation, les pouvoirs publics reconnaissent de dans un univers mondialisé. Pour l’Afrique d’au- plus en plus que le processus prendra du temps, jourd’hui, le principal problème de l’emploi est compte tenu de la base industrielle limitée et du que la productivité (et par conséquent les reve- profil démographique de l’Afrique. C’est pour- nus) de nombreux emplois est faible, tandis que quoi ce rapport met l’accent sur des stratégies à les aspirations, en particulier des jeunes, sont court et moyen terme destinées à répondre aux élevées et croissantes. Malgré les progrès réalisés défis actuels, tout en préparant le succès à long dans de nombreux pays, la plupart des jeunes terme de l’agenda pour l’emploi. Africains ne bénéficieront pas d’une transition facile ou structurée vers des activités stables et productives, qui constituent l’un des aspects Une approche programmatique fondamentaux de l’âge adulte. Toutes les parties prenantes ont un rôle à jouer pour soutenir cette Généralement peu élevé dans les pays à faible transition. revenu et à revenu intermédiaire de la tranche La plupart des pays africains approuvent inférieure, le chômage n’est que la pointe l’agenda à moyen et long terme visant à accroître émergée de l’iceberg. La plupart des Africains l’emploi dans le secteur salarié moderne non agri- ne peuvent se permettre d’être au chômage. cole, autrement dit à provoquer une transforma- Ils travaillent, mais gagnent peu. Le défi de tion structurelle de leurs économies. Si l’Afrique l’emploi des jeunes requiert une approche glo- suit le modèle asiatique, cet effort s’appuiera bale, conçue pour atténuer les obstacles qui essentiellement sur le développement du secteur empêchent les jeunes et le secteur privé de saisir 275 276 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne les opportunités et d’accroître la productivité renforcement de l’autonomisation des jeunes dans l’agriculture, les entreprises individuelles femmes par l’accroissement de leur capacité et le secteur salarié moderne. Les pouvoirs d’action et de décision (leur contrôle sur leur publics doivent adopter une vision holistique propre destin) réduit les conséquences néga- de la manière d’aborder la situation, ils doivent tives, telles que la grossesse précoce et l’exposi- « s’approprier » l’ensemble du problème. tion au VIH/SIDA, tout en ayant des effets posi- Selon une croyance répandue, la formation tifs sur leurs revenus. De nouvelles approches aux compétences techniques et professionnelles doivent être tentées. Les nouvelles technologies délivrée par les pouvoirs publics suffira à libérer de la communication, qui se répandent dans le potentiel des jeunes. Elle ne résoudra toute- toute l’Afrique et sont si attractives pour les fois pas à elle seule les problèmes plus fonda- jeunes, offrent aux pouvoirs publics des options mentaux qui empêchent les jeunes de trouver innovantes pour transmettre des messages aux de meilleures opportunités. Le déficit de com- jeunes et pour les aider à définir leurs aspira- pétences techniques n’est qu’un aspect du pro- tions ainsi qu’à en savoir plus sur les opportu- blème de l’emploi des jeunes. Une approche nités en matière d’emploi. globale de ce défi s’attaquera aux contraintes Relever le défi de l’emploi des jeunes exige pesant à la fois sur le capital humain et les deux types d’action. Les pouvoirs publics aspects du problème liés à l’environnement des doivent agir maintenant pour maintenant, affaires. en s’attaquant aux obstacles immédiats qui Le principe général est la reconnaissance du empêchent, à court terme, les jeunes de trouver fait que c’est dans le secteur privé que les jeunes un emploi plus productif. Ils doivent également trouveront des opportunités, que ce soit dans agir maintenant pour plus tard, en prenant dès l’agriculture, les entreprises individuelles, ou le aujourd’hui des décisions et des mesures qui secteur salarié moderne. Les pouvoirs publics rendront le problème de l’emploi des jeunes doivent se concentrer sur la fourniture de biens plus facile à régler à moyen terme (Tableau 7.1). et services publics apportant un appui à la pro- ductivité des activités économiques aussi bien des ménages que des entreprises. Ils doivent « Agir maintenant pour jouer un rôle de facilitateur de la création maintenant » : éliminer les d’emplois. Une mesure de facilitation essentielle obstacles rencontrés par les consiste à veiller à ce que chaque cohorte de ménages et les entreprises jeunes entrant sur le marché du travail dispose d’une solide base de compétences acquises Priorités pour l’intégration des jeunes dans l’enseignement fondamental. Il ne suffit dans les activités économiques pas que les enfants aillent à l’école, il est capi- productives des ménages tal de s’assurer qu’ils y bénéficient d’un sérieux Les entreprises individuelles, agricoles ou non, apprentissage. L’importance des compétences souffrent d’une exclusion financière. L’élimina- sociales et comportementales pour la produc- tion des barrières au crédit, au financement et tivité étant de moins en moins contestable, aux instruments d’épargne appuiera l’accroisse- les systèmes éducatifs doivent envisager de les ment de la productivité (et de la croissance) dans inculquer en même temps que les compétences les secteurs agricoles et non agricoles. L’amélio- cognitives plus traditionnelles. ration de l’accès au crédit et au financement est La jeunesse est, par définition, une période certes importante pour l’inclusion financière, de transitions, mais en Afrique, les jeunes ne mais il est crucial de faciliter l’épargne. Celle- trouvent pas de voies de passage bien balisées ci peut être encouragée à l’aide de groupes vers des activités stables et productives. Des d’épargne locaux et de l’argent mobile (parti- efforts doivent être consentis pour aider tous les culièrement attractif pour les jeunes), ainsi que jeunes à opérer cette transition, mais certains d’un secteur bancaire mieux établi. Les méca- groupes seront confrontés à des problèmes par- nismes contribuant à développer l’habitude ticuliers. Par exemple, il a été démontré que le d’épargner augmenteront les fonds disponibles Conclusion : Mise en œuvre d’une politique efficace pour l’emploi des jeunes 277 Tableau 7.1  Actions prioritaires à entreprendre maintenant pour s’attaquer au défi de l’emploi des jeunes Actions requises maintenant pour Actions requises maintenant pour Domaine d’intervention affecter la cohorte actuelle de jeunes affecter les futures cohortes de jeunes Agriculture   1. Promouvoir les marchés de location de terres   1. Instaurer des systèmes efficaces de transactions et d’enregistrement foncier   2. Piloter des programmes de transfert intergénérationnel de terres   2. Passer à l’échelle les programmes de transfert   3. Appuyer les services de vulgarisation agricole de qualité liés à la intergénérationnel de terres demande (couvrant l’information et les compétences)   3. Intégrer les jeunes dans des interventions innovantes destinées   4. Lier le crédit agricole aux services de vulgarisation agricole à accroître la productivité (organisations de producteurs, développement de l’élevage, irrigation et autres)   4. Développer les compétences à travers des améliorations rapides des systèmes éducatifs dans les zones rurales Agriculture et entreprises   5. Promouvoir les associations villageoises d’épargne et de crédit et individuelles les groupes d’entraide   6. Promouvoir l’inclusion financière des ménages   7. Utiliser les programmes de filets sociaux comme un vecteur de mise en œuvre d’interventions destinées aux jeunes défavorisés Entreprises individuelles   8. Développer une stratégie nationale visant l’expansion et la   5. Développer les compétences fondamentales à travers des productivité, en tenant compte de l’avis des jeunes et des améliorations rapides des systèmes éducatifs propriétaires d’entreprise individuelle   6. Répondre aux besoins en infrastructures des entreprises   9. Assurer aux entreprises individuelles l’accès à un espace de travail individuelles dans la planification du développement urbain et aux infrastructures à travers l’amélioration de la politique urbaine 10. S’appuyer sur des organisations non gouvernementales pour réaliser des interventions intégrées qui aident les jeunes défavorisés à se lancer dans le secteur, en s’attaquant à des multiples contraintes (par ex., développer conjointement un ensemble de compétences, ou développer des compétences tout en assurant un accès aux financements) Secteur de l’emploi salarié 11. Réduire le coût des services d’infrastructure en améliorant la   7. Augmenter la quantité des services d’infrastructure moderne qualité et l’efficience   8. Élargir les marchés régionaux des produits 12. S’attaquer aux goulots d’étranglement dans la logistique   9. Développer les compétences fondamentales à travers des 13. Réduire la corruption et le coût de démarrage d’entreprise améliorations rapides des systèmes éducatifs 14. Réformer l’enseignement et la formation techniques et 10. Améliorer l’accès au crédit à travers la réforme du secteur professionnels et instaurer des partenariats public-privé pour offrir financier des formations liées à la demande Mesures transversales 15. Augmenter la sensibilisation sur les possibilités et voies d’insertion 11. Promouvoir le développement de la petite enfance et la vers les activités indépendantes, surtout pour les jeunes femmes nutrition pour établir une base plus solide pour l’acquisition ultérieure des compétences 16. Envisager l’éducation de la deuxième chance pour les compétences de base 12. Développer les compétences comportementales (envisager des réformes au sein du système éducatif) 13. Réduire les taux de fécondité pour réduire la taille des cohortes futures de jeunes (à travers l’amélioration de l’éducation des filles, l’amélioration de la santé maternelle et infantile, et l’amélioration de l’accès au planning familial) 14. Collecter de meilleures données sur l’emploi, et développer des analyses plus solides sur les contraintes, les priorités et les opportunités des pays en matière d’emploi pour l’investissement et permettront d’obtenir de marchés fonciers fluides. Les stratégies d’autres financements. impliqueront la réduction du coût de transfert des terres, la promotion des marchés fonciers Priorités pour l’agriculture de la location, l’encouragement d’une redis- Les politiques doivent permettre aux jeunes tribution des terres favorable aux jeunes, et ruraux d’accéder à la terre. Elles peuvent com- la promotion d’une administration des terres prendre des mesures pour renforcer le droit communales ou de l’État, centrée sur les jeunes. au maintien dans les lieux, la propriété, et les Les nouvelles approches de vulgarisation ventes, en vue d’encourager le développement agricole promettent de remédier aux défail- 278 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne lances antérieures. Pour étendre l’éventail des comprendre un appui au développement d’un compétences agricoles et augmenter l’accès éventail de compétences (comportementales, à l’information, ces programmes de vulgari- personnelles, techniques et entrepreneuriales), sation de qualité, déterminés par la demande ainsi que l’accès au financement pour le démar- devront cibler les jeunes. rage de l’entreprise. Les approches intégrées Des interventions innovantes pour amélio- s’attaquant simultanément à des obstacles mul- rer la productivité, telles que des organisations tiples sont prometteuses. de producteurs efficaces, des systèmes amélio- Les pouvoirs publics devront s’appuyer rés de production animale, ou une irrigation sur des organisations non gouvernementales et une gestion de l’eau durables, contribueront (ONG) et guider leur soutien aux jeunes qui à intégrer les jeunes. Les projets ne devront ni sont bien placés pour se lancer dans le secteur traiter les jeunes comme un groupe isolé ni les des entreprises individuelles. Les ONG peuvent ignorer. être impliquées dans la mise en œuvre d’inter- ventions intégrées visant à éliminer les pro- Priorités pour les entreprises blèmes de productivité, avec un accent particu- individuelles lier sur les jeunes plus pauvres. La collaboration Dans la plupart des pays, une des premières avec les ONG est intéressante dans la mesure actions à entreprendre est d’élaborer une où celles-ci peuvent être plus souples, plus à stratégie nationale pour les entreprises indi- l’écoute des communautés, et plus réactives vis- viduelles, étant donné que celles-ci sont à-vis de leurs clients que d’autres prestataires de actuellement ignorées, quand on ne tente services. Le financement accordé aux ONG par pas de les faire disparaître. Une telle stratégie les pouvoirs publics pour la mise en œuvre de impliquera une collaboration avec les autorités programmes intégrés destinés aux jeunes devra locales dans le cadre des efforts d’urbanisation néanmoins être basé sur les résultats, avec un et de développement de l’économie locale. En paiement lié à la prestation effective de services plus de définir des plans, la stratégie devra dont les effets bénéfiques seront démontrés. expressément mettre en place un moyen pour Les programmes de filets sociaux (tels que permettre aux personnes travaillant dans le les transferts monétaires ou d’actifs) se sont secteur des entreprises individuelles de se faire avérés de puissants instruments pour l’amélio- entendre. Lorsque les besoins des propriétaires ration du niveau de vie des zones et popula- d’entreprise individuelle ne peuvent être ni tions pauvres et pour l’appui à l’investissement exprimés ni transmis, il n’est pas étonnant que productif. Ces programmes peuvent aider les les responsables des politiques et les politiciens jeunes à opérer la transition vers une activité négligent d’y répondre. productive (dans le secteur agricole ou ailleurs) Pour s’assurer que les entreprises indi- à travers des interventions intégrées, telles viduelles soient créées et fonctionnent de que des programmes combinant des travaux manière légale et productive, les politiques publics ou des transferts avec une formation, en urbaines devront prévoir des emplacements particulier lorsque l’environnement général des adéquats où ces entreprises pourront travail- affaires est favorable. Le suivi et une évaluation ler et vendre leurs produits. Une planification rigoureuse sont essentiels pour identifier les urbaine intelligente devra également permettre approches les plus rentables. aux entreprises individuelles d’accéder aux ser- vices d’appui de base, tels que l’électricité, l’eau, Priorités pour l’accroissement et l’assainissement et une réelle sécurité. l’amélioration des emplois salariés Parce qu’en Afrique, une très grande partie dans les entreprises des nouvelles opportunités d’emploi non agri- Si le nombre total des emplois augmente dans cole viendront de l’emploi indépendant, les le secteur salarié moderne, les jeunes en béné- projets devront encourager les jeunes à se lan- ficieront. L’industrie manufacturière orien- cer avec succès dans la création et l’exploitation tée vers l’exportation étant potentiellement le d’une entreprise individuelle. En fonction de la secteur le plus générateur d’emplois salariés, la personne et du secteur, cette assistance pourra principale priorité est d’éliminer les obstacles à Conclusion : Mise en œuvre d’une politique efficace pour l’emploi des jeunes 279 la compétitivité des exportations. Les pouvoirs pour rendre leur jeune et croissante popula- publics devront donc s’attaquer aux éléments tion active plus productive à court terme, ils de l’environnement des affaires qui réduisent la doivent aussi commencer à mettre en place des productivité au niveau des usines et au-delà de politiques qui engrangeront des gains à moyen leurs portes, tels que les obstacles liés au trans- terme. Avant toute autre chose, de nombreux port et à d’autres infrastructures, aux douanes pays devront accélérer la baisse des taux de et au contrôle frontalier. fécondité. Les pays dont le rapport entre la Une autre priorité est le développement et le population en âge de travailler et le reste de la maintien d’un cadre des politiques permettant population est le plus élevé enregistreront les l’entrée sur le marché et la croissance des entre- gains les plus rapides en matière de producti- prises les plus productives. Les étapes cruciales vité et d’investissement. comprennent, ici, l’amélioration de l’accès au Les pays qui auront rapidement pris des financement et à la terre, la suppression des mesures pour améliorer leurs systèmes édu- barrières à l’entrée, et la réduction du coût de catifs en tireront également un avantage la corruption. important. Étant donné la taille des cohortes La qualité médiocre et la rareté des services entrant dans son système éducatif, aucun pays d’infrastructure sont clairement un frein à la d’Afrique ne peut se permettre de maintenir un compétitivité, mais la solution la plus immé- système incapable d’inculquer les compétences diate et la meilleure ne consiste pas nécessaire- nécessaires à l’obtention d’un moyen de sub- ment à augmenter la quantité des infrastruc- sistance stable. Les systèmes éducatifs défail- tures. Les stratégies doivent s’intéresser au coût lants ne se contentent pas d’être inefficaces, ils et à la qualité des services d’infrastructure. De condamnent aussi à la pauvreté des pans entiers meilleurs services (d’électricité, des routes ou de la génération suivante. Indépendamment de des ports, par exemple) peuvent être fournis en la qualité du système, les enfants doivent être conjuguant les infrastructures existantes avec prêts à apprendre lorsqu’ils entrent à l’école. une politique et une organisation améliorées. Dès la petite enfance, des efforts doivent être Les mesures incitatives sont importantes pour consentis pour constituer les bases d’une édu- convertir l’infrastructure disponible en services cation efficace, par exemple en améliorant la d’infrastructure efficaces. nutrition et le développement cognitif des Dans toute l’Afrique, le secteur privé four- moins de cinq ans. Des déficits de compétences nit un large éventail d’opportunités de for- ont freiné la croissance de la productivité dans mation professionnelle. Le secteur public ne le passé, et ils resteront un obstacle si rien n’est devrait prévoir des programmes de formation fait pour y remédier. postscolaire que pour des groupes soigneuse- L’élimination des contraintes de l’environ- ment ciblés. Lorsque de tels programmes sont nement des affaires faisant obstacle à la créa- entrepris, le partenariat public-privé permet de tion d’emplois plus nombreux et meilleurs veiller à ce que la formation soit alignée sur les dans le secteur salarié moderne est un travail de besoins des entreprises. La participation directe longue haleine, qui exigera un effort soutenu. de celles-ci à la formation est un moyen supplé- Réformer les marchés fonciers ou financiers mentaire de faciliter la transition vers l’emploi. prend du temps. Les programmes ne devront pas se borner à Une véritable intégration régionale, mettant remplacer les travailleurs adultes par de jeunes fin aux restrictions des relativement petits mar- travailleurs. chés intérieurs africains des biens et services, nécessitera une série d’efforts se renforçant mutuellement. La concrétisation des avantages « Agir maintenant pour plus de certaines de ces réformes peut elle aussi exi- tard » : prendre des mesures en ger du temps, étant donné qu’avant de s’enga- vue de gains à moyen terme ger, les investisseurs et entrepreneurs attendent en général d’être certains que les réformes sont En même temps que les pouvoirs publics bien en cours. Les changements doivent donc identifient et mettent en œuvre des politiques commencer dès aujourd’hui. 280 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Fondamentalement, le défi de l’emploi des récompensée. Pour les pays africains qui relè- jeunes est étroitement lié à celui de la crois- veront ce défi, les avantages croîtront progressi- sance inclusive, définie comme une croissance vement, en prenant appui les uns sur les autres. non seulement partagée par les tranches les Le dividende démographique commencera à plus pauvres de la société, mais aussi au sein porter ses fruits, et la prospérité de l’Afrique de laquelle la vitalité des jeunes est utilisée et augmentera et sera partagée. Annexe Une note sur les données Enquêtes de ménages et utilisée pour parvenir aux totaux régionaux. d’emplois harmonisées En plus de ces séries de données harmonisées pour la région de l’Afrique subsaharienne, les De nombreux graphiques dans ce rapport auteurs ont sélectionné et analysé des données proviennent des enquêtes de ménages et issues de la base de données internationale sur d’emploi harmonisées. Les données présentées la répartition des revenus (International Income émanent de l’analyse des auteurs sur des séries Distribution Database, I2D2) du Département de données harmonisées de la région Afrique de de recherche de la Banque mondiale. Cette la Banque mondiale. Cette harmonisation a été dernière est une compilation du Département menée par le biais du programme d’indicateurs de la recherche de la Banque mondiale des harmonisés fondés sur des enquêtes (Survey- enquêtes de ménages et d’emploi à travers le Based Harmonized Indicators Program, SHIP). monde. Le rapport utilise aussi des enquêtes sur l’emploi également harmonisées. Une liste de ces enquêtes est disponible dans le tableau A.1. Données des enquêtes Les variables de participation à la population démographiques et de santé active ont été harmonisées sur l’ensemble des enquêtes afin que les données puissent être cor- Certains graphiques et chiffres sont basés rectement agrégées. Dans le calcul des agrégats, sur l’analyse des données des enquêtes les populations ont été pondérées pour que les démographiques et de santé (EDS). Ces données données de chaque enquête contribuent au total sont disponibles sur www.measuredhs.com. Les en proportion de la population réelle de chaque pays et années mentionnés dans l’analyse sont pays. La dernière enquête de chaque pays a été présentés dans le tableau A.2. 281 282 L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne Tableau N.1  Enquêtes harmonisées de ménages et d’emploi utilisées dans l’analyse du rapport Pays  Type d’enquête Année Dernière année Cameroun SHIP 2001 SHIP 2007 x Comores SHIP 2004 x Côte d’Ivoire SHIP 2002 SHIP 2008 x Éthiopie SHIP-LF 2005 x Ghana SHIP 1991 SHIP 1998 SHIP 2005 x Kenya SHIP 2005 x Malawi SHIP 2004 x Mozambique SHIP 2003 SHIP 2008 x Niger SHIP 2005 x Nigéria SHIP 2004 SHIP 2010 x Rwanda SHIP 2005 SHIP 2010 x Sao Tomé-et-Principe SHIP 2000 SHIP 2010 x Sénégal SHIP 2001 SHIP 2005 x Sierra Leone SHIP 2003 x Tanzanie SHIP-LF 2006 x Ouganda SHIP 2005 SHIP 2010 x Zambie SHIP 2010 x Une note sur les données 283 Tableau N.2  Séries de données démographiques et de santé utilisées dans l’analyse du rapport Transitionsa Profil de Pays Année Femme Hommes formationb Bénin 2006 x x x Burkina Faso 2010 x x x Burundi 2010 x x x République centrafricaine 1994 x x Cameroun 2011 x x x Tchad 2004 x x x Congo, République. 2005 x x Côte d’Ivoire 2005 x x Congo, République démocratique. 2007 x x Éthiopie 2011 x x x Gabon 2000 x x x Ghana 2008 x x x Guinée 2005 x x Kenya 2008 x x x Lesotho 2009 x x x Libéria 2007 x x x Madagascar 2008 x x x Malawi 2010 x x Mali 2006 x x x Mauritanie 2000 x x Mozambique 2003 x x x Namibie 2006 x x x Niger 2006 x x x Nigéria 2008 x x x Rwanda 2010 x x x Sao Tomé-et-Principe 2008 x x Sénégal 2010 x x x Sierra Leone 2008 x x x Afrique du Sud 1998 x Swaziland 2006 x x x Tanzanie 2010 x x x Togo 1998 x Ouganda 2011 x x x Zambie 2007 x x x Zimbabwe 2010 x x x a. Chapitre 2. b. Chapitre 3. ÉCO-AUDIT Déclaration des avantages environnementaux La Banque mondiale s’attache à préserver Économies réalisées : les forêts menacées et les ressources natu- • arbres : 10 relles. Le Bureau des publications a décidé • énergie totale : d’imprimer L’emploi des jeunes on Afrique 5 millions BTU subsaharienne sur papier recyclé constitué •gaz à effet de serre : à 50 % de fibres provenant de déchets de 398 kg consommation conformément aux normes • eaux usées : 18 045 litres recommandées par l’Initiative Green Press, • déchets solides : 145 kg programme sans but lucratif visant à encou- rager les éditeurs à utiliser des fibres ne provenant pas de forêts menacées. Pour plus d’information, se rendre sur le site www.greenpressinitiative.org. La combinaison d’un taux de fécondité élevé et d’un taux de mortalité déclinant a entraîné l’émergence d’une très jeune population dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne. On prévoit que, sur la prochaine décennie, la population active de la région comptera 11 millions de personnes en plus chaque année. Les nouveaux arrivés dans le monde du travail seront pour la plupart à la recherche de leur premier emploi. Si la nouvelle génération est mieux formée que la précédente, elle manque souvent de moyens pour traduire cette formation en emplois productifs. Aujourd’hui, la majorité de la population travaille dans des emplois non salariés dans des exploitations agricoles ou des entreprises individuelles. Même si une plus forte activité économique créait les conditions pour une croissance soutenue et une transformation économique, le secteur privé salarié moderne ne pourra pas absorber l’arrivée de tous ces demandeurs d’emploi dans le moyen terme dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire-tranche inférieure. Ce rapport met l’accent sur la façon d’améliorer la qualité de tous les emplois et de satisfaire les aspirations de la jeunesse. Il insiste sur le fait que la construction de fondations solides pour le développement du capital humain peut jouer un rôle important dans l’augmentation des revenus, et fait valoir qu’une approche équilibrée centrée sur le développement des compétences, la hausse de la productivité et l’augmentation de la demande de main-d’œuvre est nécessaire. L’emploi des jeunes en Afrique subsaharienne explique que de nombreux défis de l’emploi des jeunes sont liés aux problèmes de l’emploi en général. La jeunesse est néanmoins une période de transition, et les jeunes font face à des contraintes particulières dans l’accès aux emplois productifs. Le rapport mène une analyse originale des enquêtes de ménages et d’emploi ; il examine les expériences tirées d’interventions prometteuses menées à travers le continent ; il reflète les résultats d’études qualitatives menées dans plusieurs pays ; et il rassemble les résultats les plus à jour d’évaluations rigoureuses de politiques et de programmes. Sur la base de ces informations, le rapport fournit des recommandations aux décideurs politiques sur la façon d’intervenir sur deux dimensions : le capital humain et l’environnement des affaires, et dans trois domaines prioritaires : l’agriculture, les entreprises individuelles et le secteur salarié moderne. Les objectifs ultimes sont la hausse de la productivité, l’amélioration des conditions de vie et la multiplication des opportunités pour les jeunes. SKU 32849