TUNISIE
          LES DEUX QUINTILES INFERIEURS DE LA POPULATION : LIENS
             ENTRE PAUVRETE, VULNERABILITE ET INEGALITE DES
                                                  CHANCES

                  Note de Synthèse de l'Evaluation de la Pauvreté en Tunisie, N°2


       De qui sont composés les deux quintiles inférieurs de la population tunisienne ? Ce
       groupe se compose de tous les pauvres du pays, outre ceux considérés vulnérables et
       susceptibles de basculer dans la pauvreté dès qu'ils s’exposent à un choc. Les tunisiens
       des deux quintiles inférieurs sont concentrés dans les régions Ouest du pays. Il est peu
       probable que les chefs de ces ménages aient pu aller au-delà de leurs études primaires ou
       qu'ils exercent des emplois bien payés. En général, ils affichent les mêmes
       caractéristiques que les pauvres. Ces similarités laissent entendre que les interventions
       prévues pour les plus pauvres peuvent également bénéficier pour améliorer le revenu des
       deux quintiles inférieurs. Toutefois, il existe certaines différences entre ces deux
       populations et il est important d'élaborer des politiques spécifiques, capables d'assurer le
       partage de la prospérité entre les citoyens du pays. En Tunisie, l'inégalité des chances, la
       pauvreté et la vulnérabilité sont étroitement imbriqués. Le nivellement du terrain
       contribuera grandement à lutter contre la pauvreté et la vulnérabilité.


Les profils des pauvres et des deux quintiles inférieurs de la population sont très similaires.
De ce fait, les interventions conçues en faveur des pauvres peuvent bénéficier à d'autres
segments de la population. Par exemple, la concentration géographique des pauvres et des deux
quintiles inférieurs de la population, l'accès qu'ils ont aux services de base, les actifs qu'ils
possèdent, leurs résultats académiques et les caractéristiques des emplois qu'ils effectuent (la
participation, l'activité et le secteur) sont très similaires (Figure 1). En effet, respectivement 44%
et 43% des ménages pauvres et de ceux appartenant aux deux quintiles inférieurs de la
population vivent dans les zones urbaines, comparativement à 72% des ménages non pauvres.
En ce qui a trait à l'accès aux services de base, tels que l'eau courante, les toilettes équipées de
chasses, les services d'assainissement, les ménages pauvres et ceux des deux quintiles inférieurs
présentent des taux de couverture très similaires. Les deux groupes sont tout aussi susceptibles
de posséder une radio, un véhicule ou une motocyclette, un ordinateur, un téléphone et un
téléphone portable. Enfin, et en termes de consommation par tête d’habitant, la consommation
moyenne d'un ménage pauvre en 2010 a été beaucoup plus semblable à celle d'un ménage
appartenant aux deux quintiles inférieurs qu'à celle d'un ménage non pauvre.

En dépit du rapprochement étroit entre les pauvres et la population des deux quintiles
inférieurs, il y a certains points sur lesquels ils diffèrent. De ce fait, le partage de la
prospérité en Tunisie doit faire l'objet d'interventions qui ne doivent pas cibler,
exclusivement, les pauvres. Par exemple et comparativement aux ménages pauvres, les
ménages des deux quintiles inférieurs vivent dans des maisons de plus grande taille et moins
encombrées et il est plus probable qu’ils soient dirigés par un chef ayant poursuivi ses études
secondaires ou supérieures. Les enfants des citoyens des deux quintiles inférieurs affichent de
meilleurs taux d'assiduité scolaire et sont beaucoup plus susceptibles de finir leur sixième que les

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enfants pauvres. Ils possèdent beaucoup plus de biens durables, tels que les télévisions, les
réfrigérateurs, les congélateurs que les enfants pauvres et les ménages pauvres, respectivement.

Au fil du temps, les caractéristiques des ménages des deux quintiles inférieurs n'ont pas
affiché d'énormes changements, en dépit de décennies passées à lutter contre la pauvreté et
des engagements politiques pris dans ce sens, notamment les cinq dernières années. En
effet, la croissance économique rapide et la réduction de la pauvreté n'ont pas eu d'impact sur la
vie et les moyens de subsistance des ménages des deux quintiles inférieurs, de façon visible.

De ce fait, la vulnérabilité est restée fortement prononcée en Tunisie. Près de la moitié des
ménages tunisiens risquent de basculer facilement dans la pauvreté, dès qu'ils se trouvent
exposés à un choc économique, même mineur. 1 A titre d'exemple, les chocs susceptibles
d'altérer la consommation par tête d’habitant d’une valeur allant de 41 à 64 dinars par an
pourraient être responsables du basculement dans la pauvreté de 250.000 citoyens
supplémentaires. La vulnérabilité à la pauvreté décrit les attentes actuellement formulées en vue
d’assimiler les perspectives futures de la pauvreté, compte tenu de l'exposition des ménages aux
chocs et de leurs capacités à les atténuer ou à s'y adapter. Il s'agit là d'un sujet préoccupant si
l’on considère l'affaiblissement de la croissance du PIB du pays, l'accentuation du chômage, la
prolifération des emplois précaires et la persistance des tensions socio-politiques.


     Figure 1 : Profil des Pauvres et des Deux Quintiles Inférieurs de la Population, 2012




1
  A la lumière d'une définition récemment admise sur le plan international, on entend par ménages vulnérables les ménages non
pauvres dont la probabilité de basculer dans la pauvreté est supérieure ou égale à 10%. Les estimations de la pauvreté ici
rapportées remontent à 2010. Banque Mondiale 2016, Évaluation de la Pauvreté en Tunisie, Pôle Pauvreté et Equité,
Département Maghreb et Région MENA, Washington, D.C.

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Source : Estimations du personnel de la Banque Mondiale, à la lumière des résultats de l'ENBCV 2010 et de l'ENPE
2012.


La persistance des inégalités des chances a conduit les populations des segments
vulnérables et des deux quintiles inférieurs à la stagnation. De ce fait, très peu de progrès
ont pu être réalisés ces dernières années. La Tunisie reste une société inégalitaire et les
circonstances dont les personnes ne sont pas responsables (exemple : le genre à la naissance)
sont encore à l’origine d’énormes écarts qui frappent l'accès aux services de base. L'inégalité des
chances est le principal facteur alimentant les différences observées au niveau de la scolarisation
et de l’accès à l'eau et aux services d'assainissement, ce qui implique que les Tunisiens nés dans
un ménage désavantagé sont moins enclins à mener une vie décente dans le futur. Eu égard à
certaines opportunités (la scolarisation ou l'accès à l'électricité), la Tunisie affiche
d'innombrables similitudes avec les pays d'Amérique Latine. Concernant la scolarisation, l'eau et
les services d'assainissement, la Tunisie reste à la traîne de la moyenne régionale de la Région
MENA et se rapproche beaucoup plus des normes en vigueur dans les pays d'Afrique Sub-
saharienne.

L'inégalité des chances n'est pas exclusivement liée à la vulnérabilité, mais également à la
pauvreté. Les groupes de population les plus désavantagés et les segments de population
dont les conditions ont altéré les possibilités d’accès aux services de base, affichent un
indice de pauvreté beaucoup plus élevé que la moyenne observée dans le pays. Les ménages
résidant dans les régions Ouest du pays, dirigés par une personne d'âge jeune, homme ou femme,
avec un faible niveau d'instruction sont à la fois moins susceptibles d'avoir accès aux services de
base et plus enclins à devenir pauvres (Figure 2).

Figure 2 : Incidence de la pauvreté et Inégalité des Chances parmi les Groupes de
Population les plus Désavantagés en Tunisie, 2005-12




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Source : Estimations du personnel de la Banque Mondiale, à la lumière des résultats de l'ENBCV 2005 et de l'ENPE 2012.



En somme, il convient de dire que les Tunisiens appartenant aux deux quintiles inférieurs de la
population sont exposés aux mêmes difficultés que les pauvres et les vulnérables. Les
circonstances de naissance d'un enfant déterminent sa probabilité à pouvoir accéder aux
principaux services de base, ce qui affecte, injustement, plusieurs tunisiens et les prive de mener
une vie décente. Au jour d'aujourd'hui, le talent et l'effort ne suffisent plus pour faire sortir les
citoyens de la pauvreté et leur promettre une vie meilleure. Pour que la Tunisie réduise la
pauvreté et améliore le bien-être des segments les moins nantis de sa population, des politiques
doivent être élaborées de sorte à faire face à l'inégalité des chances qui frappe les vulnérables et
la population des deux quintiles inférieurs. D’abord, il importe de connaître qui sont les pauvres
et qui est la population des deux quintiles inférieurs, quelles sont leurs caractéristiques
communes et leurs différences, afin d’améliorer le ciblage des interventions. La seconde étape
consiste à mettre l'accent sur des interventions au niveau des régions et secteurs encore à la traîne
et d’élaborer des stratégies capables d'aider les Tunisiens les moins privilégiés à développer leurs
aptitudes, à améliorer leur niveau d’instruction et à se préserver contre les chocs. Outre que de
réduire la pauvreté et la vulnérabilité, cela devrait assurer un meilleur partage de la prospérité et
égaliser les chances entre citoyens.




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