Résumé L a discrimination fondée sur le sexe persiste dans divers aspects de la vie - dans le monde entier - et ce malgré les progrès considérables réalisés dans le domaine de l'égalité entre les sexes au cours des dernières décennies. La nature et l'ampleur de la discrimination varient considérablement à travers les pays et les régions. Mais les tendances sont frappantes. L'égalité des droits juridiques, sociaux et économiques entre les femmes et les hommes n'existe dans aucune région du monde en développement. Les inégalités fondées sur le sexe sont répandues dans les domaines de l'accès aux ressources et leur contrôle, des opportunités économiques, du pouvoir et de l'opinion politiques. Les femmes et les filles supportent les conséquences les plus lourdes et les plus directes de ces inégalités. Toutefois, les conséquences ont des ramifications plus profondes dans la société, et finalement tout le monde en souffre. Pour ces raisons, l'égalité entre les sexes est un problème essentiel de développement - un objectif de développement en soi. Elle renforce les capacités des pays à croître, à réduire la pauvreté et à gouverner efficacement. Promouvoir l'égalité entre les sexes constitue donc une composante importante d'une stratégie de développement qui vise à permettre à tout le monde - femmes comme hommes - d'échapper à la pauvreté et d'améliorer son niveau de vie. Le développement économique offre beaucoup de possibilités d'améliorer l'égalité entre les sexes à long terme. De nombreuses indications dans le monde appuient cette assertion. Mais la croissance à elle seule ne produira pas les résultats escomptés. Il faut aussi un environnement institutionnel qui garantisse les mêmes droits et les mêmes opportunités aux femmes et aux hommes et des mesures politiques qui s'attaquent aux inégalités persistantes. Le présent rapport préconise une stratégie en trois parties pour promouvoir l'égalité entre les sexes: Réformer les institutions pour garantir les mêmes droits et les mêmes opportunités aux femmes et aux hommes. La réforme des institutions juridiques et économiques est nécessaire pour poser le fondement de l'égalité des droits et des opportunités pour les femmes et les hommes. En raison du fait que la loi dans beaucoup de pays continue de conférer des droits inégaux aux femmes et aux hommes, des réformes juridiques sont requises, en particulier dans les domaines du droit de la famille, de la protection contre la violence, des droits fonciers, de l'emploi et des droits civiques. Promouvoir le développement économique afin de renforcer les incitations pour des ressources plus égales. La croissance des revenus et le recul de la pauvreté tendent à réduire les disparités entre les sexes en matière d'éducation, de santé et de nutrition. Une productivité plus élevée et de nouvelles opportunités d'emploi réduisent souvent les inégalités entre les sexes dans l'emploi, tandis que les investissements dans l'infrastructure essentielle de l'approvisionnement en eau, de l'énergie et des transports qui accompagne le développement contribuent à réduire les disparités entre les sexes dans les charges de travail. Prendre des mesures actives pour éliminer les disparités persistantes dans la maîtrise des ressources et de l'opinion politique. En raison du fait que les réformes institutionnelles et le développement économique peuvent s'avérer insuffisants - tarder à venir - des 1 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT mesures actives sont requises pour éliminer les disparités persistantes entre les sexes à court et à moyen termes. Egalité entre les sexes - en droits, en ressources et en opinion Le sexe comme utilisé dans ce rapport renvoie aux rôles socialement conçus et aux comportements et attentes socialement appris liés au fait qu'on est une femme ou un homme. Les femmes et les hommes sont biologiquement différents - mais toutes les cultures interprètent et transforment ces différences biologiques innées en un ensemble d'attentes sociales relatives aux comportements et activités qui sont appropriés et aux droits, ressources et pouvoir que l'on possède. Bien que ces attentes varient considérablement selon les sociétés, il y a aussi des ressemblances frappantes. Par exemple, presque toutes les sociétés donnent la responsabilité principale des soins aux nourrissons et aux jeunes enfants aux femmes et aux jeunes filles, et celle du service militaire et de la défense nationale aux hommes. Comme la race, l'appartenance ethnique et la classe, la sexospécificité est une catégorie sociale qui définit en grande partie les chances que l'on a dans la vie et façonne la participation à la société et à l'économie. Certaines sociétés ne connaissent pas de différences raciales ou ethniques, mais toutes les sociétés connaissent l'asymétrie fondée sur le sexe - les différences et les disparités - à des degrés variables. Souvent ces asymétries sont lentes à changer, mais elles sont loin d'être statiques. En fait, elles peuvent parfois changer très rapidement en réponse à des conditions politiques et socioéconomiques en évolution. L'expression égalité entre les sexes a été définie de plusieurs manières dans le contexte du développement. Le présent rapport définit l'égalité entre les sexes par rapport à l'égalité devant la loi, l'égalité des chances (y compris l'égalité de rémunération pour le travail et l'égalité dans l'accès au capital humain et à d'autres ressources de production qui permettent le progrès), et l'égalité d'opinion (la capacité d'influencer et de contribuer au processus de développement). Il ne définit pas l'égalité entre les sexes comme l'égalité des résultats pour deux raisons. La première est que des cultures et des sociétés différentes peuvent emprunter des voies différentes dans leur recherche de l'égalité entre les sexes. La seconde est que les femmes et les hommes sont libres de choisir des rôles différents (ou semblables) et des résultats différents (ou semblables) selon leurs préférences et leurs objectifs. Le présent rapport utilise une variété de types de données et d'analyses pour discuter de questions liées à l'inégalité entre les sexes à travers le monde en développement. Mais mesurer et évaluer les nombreuses dimensions de l'inégalité entre les sexes est délicat et difficile, et le manque de données et d'analyses différenciées selon le sexe dans plusieurs aspects importants de l'égalité entre les sexes constitue un véritable obstacle. Les preuves empiriques étant plus fournies et plus disponibles pour les pays plus développés que pour les autres pays, le rapport examine aussi l'expérience des pays industrialisés. Il présente une combinaison de données microéconomiques, de pays et entre pays, et passe en revue les travaux empiriques de plusieurs disciplines des sciences humaines. 2 Malgré les progrès, les disparités entre les sexes persistent dans tous les pays La dernière moitié du 20ème siècle a vu de grandes améliorations dans le statut absolu des femmes et dans l'égalité entre les sexes dans la plupart des pays en développement. A quelques exceptions près, le niveau d'éducation des femmes s'est considérablement amélioré. Les taux de scolarisation de base des filles a pratiquement doublé en Asie du Sud, en Afrique subsaharienne, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, croissant beaucoup plus rapidement que le taux de scolarisation des garçons. Il en est résulté une réduction considérable des inégalités fondées sur le sexe dans la scolarisation. L'espérance de vie des femmes a augmenté de 15 à 20 années dans les pays en développement. Avec de plus grands investissements dans les filles et les femmes et un meilleur accès aux soins de santé, la tendance biologique attendue dans la longévité des femmes et des hommes est apparue dans toutes les régions en développement; pour la première fois, dans les années 1990, les femmes de l'Asie du Sud vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Plus de femmes ont rejoint la force de travail. Depuis 1970, la participation de la main- d'oeuvre féminine a augmenté en moyenne de 15% en Asie de l'Est et en Amérique latine. Cette augmentation est plus importante que celle des hommes, réduisant ainsi l'inégalité entre les sexes dans l'emploi. Les inégalités entre les sexes dans les salaires ont aussi diminué. Malgré les progrès, d'importantes inégalités entre les sexes dans le domaine des droits, des ressources et de l'opinion persistent dans tous les pays en développement - et dans beaucoup de domaines le progrès a été lent et irrégulier. En outre, les changements socioéconomiques rapides dans certains pays ont engendré des difficultés, mettant en danger les gains difficilement acquis. Droits Dans aucune région l'égalité des droits sociaux, économiques et juridiques n'existe entre les femmes et les hommes (Figure 1)1. Dans plusieurs pays, les femmes continuent d'être privées de droits indépendants de posséder des terres, de gérer des biens, de faire des affaires ou même de voyager sans le consentement de leur époux. Dans la plus grande partie de l'Afrique subsaharienne, les femmes obtiennent les droits fonciers principalement à travers leur mari tant que le mariage dure, et les perdent lorsqu'elles divorcent ou deviennent veuves. Les disparités entre les sexes en matière de droits limitent les choix que peuvent faire les femmes dans beaucoup d'aspects de la vie - ce qui limite souvent profondément leur capacité à participer au développement ou à en bénéficier. Ressources Les femmes continuent à avoir une maîtrise systématiquement moindre d'une gamme de ressources de production, y compris l'éducation, les terres, l'information et les ressources financières. En Asie du Sud, les femmes n'ont en moyenne que la moitié environ des années de scolarisation des hommes, et le taux de scolarisation des filles au niveau secondaire ne représente encore que les deux tiers de celui des garçons. Beaucoup de femmes ne peuvent pas posséder de terres, et celles qui en possèdent ont généralement de plus petites parcelles 3 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT que les hommes. Et dans la plupart des régions en développement, les entreprises dirigées par des femmes ont tendance à être sous-capitalisées, les femmes ayant un accès moindre aux machines, aux engrais, aux informations de vulgarisation et au crédit que les entreprises dirigées par des hommes. De telles disparités, que ce soit dans l'éducation ou pour d'autres ressources de production, amoindrissent la capacité des femmes à participer au développement et à contribuer à l'amélioration du niveau de vie de leurs familles. Ces disparités se traduisent aussi par un risque et une vulnérabilité accrus face aux crises personnelles ou familiales, à la vieillesse et aux chocs économiques. Figure 1 Les inégalités entre les sexes dans les droits fondamentaux persistent dans toutes les régions 4 exes 3 du eti 2 egal d' dexnI1 0 Asie de l'Est et Europe de Amerique Moyen Orient Asie Afrique OCDE Pacifique l'Est et Asie latine et et Afrique du du Sud subsaharienne Centrale Caraibes Nord Note: Une valeur de 1 indique une faible égalité en droits entre les sexes, une valeur de 4 une forte égalité (voir la note 1 à la fin de l'aperçu pour plus d'informations). Voir l'annexe 1 pour les pays inclus. Source: Données des droits de Humana (1992); données démographiques de la Banque mondiale (1999c). Malgré les récents progrès dans la formation des femmes, celles-ci continuent de percevoir une rémunération inférieure à celle des hommes dans le marché du travail - même lorsqu'elles ont la même formation et la même expérience professionnelle qu'eux. Les femmes sont souvent confinées à certains emplois dans les pays en développement et sont en grande partie exclues des postes de direction dans le secteur formel. Dans les pays industrialisés, les femmes du secteur salarial gagnent en moyenne 77% de ce que les hommes gagnent; dans les pays en développement, 73%. Et seul un cinquième de la différence entre les salaires peut s'expliquer par les différences de sexe dans la formation, l'expérience professionnelle ou les caractéristiques de l'emploi. Opinion L'accès limité aux ressources et la moindre capacité à générer des revenus - que ce soit dans les activités libérales ou dans l'emploi salarié - limitent le pouvoir des femmes à influer sur l'allocation des ressources et les décisions d'investissement dans le foyer. L'inégalité des droits et le statut socioéconomique défavorable par rapport aux hommes limitent aussi leur capacité à influer sur les décisions dans leurs communautés et au niveau national. Les femmes demeurent largement sous-représentées dans les assemblées nationales et locales, 4 représentant en moyenne moins de 10% des sièges au parlement (sauf en Asie de l'Est où le chiffre est de 18-19%). Et dans aucune région en développement les femmes occupent plus de 8% des postes ministériels. En outre, le progrès a été négligeable dans la plupart des régions depuis les années 1970. En Europe de l'Est, la représentation féminine est tombée d'environ 25% à 7% depuis le début de la transition économique et politique. Les disparités entre les sexes tendent à être plus prononcées chez les pauvres Les disparités entre les sexes dans les domaines de l'éducation et de la santé sont souvent plus vives chez les pauvres. Une étude récente de la scolarisation des garçons et des filles dans 41 pays indique qu'à l'intérieur des pays les disparités entre les sexes dans les taux de scolarisation sont souvent plus grandes chez les pauvres que chez les non-pauvres (figure 2). Des tendances semblables à travers les foyers pauvres et non-pauvres apparaissent en ce qui concerne les taux de mortalité des garçons et des filles pour les enfants de moins de 5 ans. Figure 2 Les disparités entre les sexes tendent à être plus prononcées chez les pauvres Ratio de scolarisation hommes-femmes 3.0 2.5 2.0 uvres pa sel 1.5 zeh 1.0 C 0.5 0.0 0.0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 Chez les riches que chez les riches Note: Le ratio de scolarisation a trait à la proportion des enfants âgés de 6 à 14 ans inscrits à l'école, indépendamment du niveau. Les ménages pauvres sont définis comme ceux situés dans les derniers 40% d'une distribution de la "richesse"; les ménages riches, ceux situés dans les premiers 20%. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus. Source: Filmer 1999. Des tendances semblables émergent lorsqu'on compare les pays pauvres et non-pauvres. Bien que l'égalité entre les sexes dans le domaine de l'éducation et de la santé se soit sensiblement améliorée au cours des 30 dernières années dans les pays à faible revenu d'aujourd'hui, les disparités entre les femmes et les hommes dans la scolarisation sont encore plus grandes dans ces pays que dans les pays à revenu intermédiaire et à haut revenu (figure 3). Et malgré les rapports entre le développement économique et l'égalité entre les sexes, la représentation des femmes au sein des parlements demeure minimale. Quelques pays à faible 5 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT revenu tels que la Chine et l'Ouganda ont fait des efforts spéciaux pour ouvrir les sièges parlementaires aux femmes, atteignant même des niveaux de représentation féminine plus élevés que ceux des pays à haut revenu. Ils démontrent l'impact potentiel d'un mandat social pour l'égalité entre les sexes. Figure 3 Les disparités entre les sexes tendent à s'estomper avec le temps Pays à faible revenu Pays à revenu intermédiaire 1.2 1.2 1.0 1.0 0.8 0.8 0.6 0.6 0.4 0.4 0.2 0.2 0.0 0.0 a b c a b c 1970 1980 1990 1995 1970 1980 1990 1995 Note: Une valeur de 1.0 indique des résultats égaux pour les femmes et les hommes. Le taux de scolarisation brut est l'effectif total à un niveau scolaire, indépendamment de l'âge, exprimé comme un pourcentage de la population en âge scolaire officielle correspondant à ce niveau au cours d'une année scolaire donnée. Le ratio de scolarisation femmes-hommes est le ratio de scolarisation brut féminin divisé par le ratio de scolarisation brut masculin. Pour la représentation parlementaire, le ratio est le nombre de sièges détenus par les femmes par rapport aux sièges détenus par les hommes. Toutes les valeurs sont des moyennes démographiques pondérées. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus et l'annexe 2 pour les résultats de régression sous-jacents. a. Les données parlementaires sont de 1975. b. Les données parlementaires sont de 1985. c. Les données d'espérance de vie sont de 1997. Source: Données parlementaires de WISTAT (1998); données de revenu de la Banque mondiale (1999c). Pays à faible revenu - sauf dans la participation politique Pays à revenu élevé 1.2 1.0 0.8 Espérance de vie Effectifs primaires 0.6 Effectifs secondaires Représentation parlemementaire 0.4 0.2 0.0 a b 1970 1980 1990 1995c Il est important de noter que ces indicateurs ne sont que quelques marqueurs mesurables de l'égalité entre les sexes. Il faut des informations plus systématiques sur d'autres dimensions - du contrôle des biens physiques et financiers à l'autonomie - pour mieux comprendre ce qui a été réalisé et ce qu'il reste à accomplir. 6 Les inégalités entre les sexes nuisent au bien-être, entravent le développement Les inégalités entre les sexes pèsent d'un grand poids sur la santé et le bien-être des hommes, des femmes et des enfants, et affectent leur capacité à améliorer leur vie. Outre ces coûts personnels, les inégalités entre les sexes réduisent la productivité dans les fermes et les entreprises, amoindrissant ainsi les perspectives de réduire la pauvreté et d'assurer le progrès économique. Les inégalités entre les sexes affaiblissent aussi la gouvernance d'un pays et donc l'efficacité de ses politiques de développement. Bien-être L'un des coûts les plus importants de l'inégalité entre les sexes est le tribut qu'il prélève sur les vies humaines et la qualité de ces vies. Identifier et mesurer la pleine ampleur de ces coûts est difficile - mais une abondance d'indications de pays du monde entier démontre que les sociétés qui ont de profondes et persistantes inégalités entre les sexes en paient le prix par plus de pauvreté, de malnutrition, de maladie et d'autres privations. La Chine et l'Asie du Sud ont une mortalité féminine excessivement élevée. Pourquoi? Des normes sociales qui favorisent les fils, plus la politique de l'enfant unique de la Chine, ont mené à des taux de mortalité infantile qui sont plus élevés pour les filles que pour les garçons. Certaines estimations indiquent qu'il y a de 60 à 100 millions de femmes vivantes en moins aujourd'hui qu'il y en aurait eu en l'absence de la discrimination entre les sexes. L'analphabétisme et l'absence de scolarisation des mères désavantagent directement leurs jeunes enfants. Il en résulte une mauvaise qualité des soins pour les enfants et donc plus de mortalité infanto-juvénile et de malnutrition. Les mères plus instruites sont plus susceptibles d'adopter des comportements de promotion de la santé appropriés, tels que faire vacciner les jeunes enfants (figure 4). A l'appui de ces conclusions, il y a des analyses minutieuses de données d'enquêtes sur les ménages qui expliquent d'autres facteurs qui pourraient améliorer les pratiques de soins et les résultats liés à la santé. A l'instar de la scolarisation des mères, des revenus plus élevés dans le ménage sont liés à des taux plus élevés de survie de l'enfant et à une meilleure nutrition. Toutefois, mettre des revenus supplémentaires entre les mains des femmes dans le ménage tend à avoir un impact positif plus grand que mettre les mêmes revenus entre les mains des hommes, comme le montrent des études au Bangladesh, au Brésil et en Côte-d'Ivoire. Malheureusement, des normes sociales rigides sur la division appropriée du travail entre les sexes et le nombre limité des emplois payés pour les femmes réduisent la capacité des femmes à produire un revenu. Les inégalités entre les sexes dans la scolarisation et les emplois urbains accélèrent la propagation du VIH en Afrique subsaharienne (figure 5). L'épidémie de SIDA s'étendra rapidement au cours de la prochaine décennie - jusqu'à ce qu'une femme sur quatre et un homme sur cinq deviennent infectés par le VIH, ce qui est déjà le cas dans plusieurs pays. Figure 4 Le taux de vaccination des enfants augmente avec le niveau d'instruction de la mère 7 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Pourcentage des enfants de 12­23 mois qui ont été vaccinés, par rapport au niveau d'instruction le plus élevé de la mère 100 Pas d'instruction Enseignement primaire 80 Enseignement secondaire ou davantage 60 40 20 0 Asie de l'Est et Amérique et Moyen-Orient et Asie du Sud Afrique subsaharienne Pacifique Caraïbes Afrique du Nord Note: Toutes les valeurs régionales sont des moyennes démographiques pondérées. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus. Source: Données de vaccination des plus récentes enquêtes Démographie et Santé; données démographiques de la Banque mondiale (1999c). Alors que les femmes et les filles, surtout les pauvres, portent souvent le gros du fardeau des disparités entre les sexes, les normes et les stéréotypes fondés sur le sexe imposent aussi des coûts aux hommes. Dans les économies de transition de l'Europe de l'Est, l'espérance de vie des hommes a connu ces dernières années une baisse en valeur absolue. L'accroissement du taux de mortalité masculine - le plus important enregistré en temps de paix - est lié au stress et à l'inquiétude croissants dus au chômage en rapide croissance chez les hommes. Figure 5 Les taux d'infection à VIH sont plus élevés lorsque les inégalités entre les sexes dans l'instruction sont plus grandes 35 0 0 0 0 20 0 0 0 0 0 prevalence 0 0 0 0 0 0 0 prevalence VI 0 0 000 0 0 0 0 VI H 0 0 0 0 0 0 0 0 H 5 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 adult 0 0 0 0 00 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 00 0 b adult 0 0 00 0 0 0 banr 00 0 0 0 U 00 0 0 0 1 banr 0 0 00 0 0 0 0 0 0 U 0 0 0 0 0 0 0 00 0 0 .01 0 10 20 30 Gap betw een male and female literacy rates Male-female literacy gap (percentage points) Note: Les taches indiquent 72 pays (32 en Afrique subsaharienne, 20 en Amérique latine et aux Caraïbes, 15 en Asie, 4 au Moyen-Orient et 1 pays industrialisé). L'axe vertical mesurant le pourcentage de la population urbaine infectée par le VIH a été transformé en une échelle logarithmique. Les points sur chaque tache représentent les données de pays individuels une fois ôtés les effets d'autres variables sociales comprises dans 8 l'analyse de régression (y compris le PNB par tête, un indice d'inégalité des revenus, la religion et la proportion de population née à l'étranger). Source: Over 1998. Productivité et croissance économique Le tribut prélevé sur les vies humaines est un tribut prélevé sur le développement - puisque l'amélioration de la qualité de vie des populations est le but ultime du développement. Mais les inégalités entre les sexes imposent aussi des coûts sur la productivité, l'efficacité et le progrès économiques. En entravant l'accumulation du capital humain dans le ménage et dans le marché du travail, et en excluant systématiquement les femmes ou les hommes de l'accès aux ressources, aux services publics ou aux activités productives, la discrimination fondée sur le sexe diminue la capacité d'une économie à croître et à élever le niveau de vie. Les pertes de rendement résultent de l'inefficacité de l'allocation des ressources de production entre les hommes et les femmes dans les ménages. Dans les ménages au Burkina Faso, au Cameroun et au Kenya, un contrôle plus égal des intrants et du revenu des fermes par les femmes et les hommes pourrait améliorer la production des fermes d'au moins un cinquième du rendement actuel. Un faible investissement dans l'éducation féminine réduit aussi la production totale d'un pays. Une étude estime que si les pays d'Asie du Sud, d'Afrique subsaharienne, du Moyen- Orient et de l'Afrique du Nord avaient commencé avec l'inégalité entre les sexes dans les années moyennes de scolarisation comme l'Asie de l'Est en 1960 et avaient réduit cette inégalité des sexes au rythme réalisé par l'Asie de l'Est de 1960 à 1992, leur revenu aurait augmenté de 0,5 à 0,9% par tête et par an - une augmentation substantielle sur les taux de croissance réels (figure 6). Une autre étude contrôlant l'enseignement secondaire masculin ainsi que les autres variables couramment rencontrées dans la littérature sur la croissance estime que même pour les pays à revenu intermédiaire et élevé avec de hauts niveaux de formations initiale, une augmentation de 1% dans la proportion des femmes ayant un niveau d'enseignement secondaire est associée à une augmentation de 0,3% du revenu par tête. 9 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Figure 6 Des progrès plus rapides dans la réduction des inégalités entre les sexes en matière de scolarisation accélèrent la croissance économique Croissance annuelle du PNB par tête, 1960­92 (%) 4 3 2 Projetée 1 Réelle 0 Afrique subsaharienne Asie du Sud Moyen-Orient et Afrique du Nord Note: La croissance "projetée" représente le taux de croissance moyen projeté du PNB pour une région si son inégalité entre les sexes en éducation s'était réduite aussi rapidement que l'avait fait l'Asie de l'Est de 1960 à 1992. Source: Simulations basées sur les résultats de régression de Klasen (1999a). Gouvernance Davantage de droits pour les femmes et une participation plus égale des femmes et des hommes dans la vie publique s'accompagnent d'affaires plus propres et d'une meilleure gouvernance. Lorsque l'influence des femmes sur la vie publique est plus grande, le niveau de corruption est plus bas. C'est le cas même lorsqu'on compare des pays ayant les mêmes revenus (figure 7), libertés civiles, éducation et institutions juridiques. Bien que n'étant encore qu'indicatives, ces conclusions incitent davantage à permettre à plus de femmes d'accéder au marché du travail et à l'arène politique - puisque les femmes peuvent être une force efficace pour l'Etat de droit et la bonne gouvernance. Les femmes en affaires sont moins susceptibles de payer des pots-de-vin aux fonctionnaires du gouvernement, peut-être parce que les femmes ont des niveaux de comportement éthique plus élevés ou une plus grande aversion du risque. Une étude de 350 entreprises en république de Géorgie conclut que les entreprises possédées ou dirigées par des hommes sont 10% plus susceptibles de faire des paiements officieux aux fonctionnaires du gouvernement que celles possédées ou dirigées par des femmes. Ce résultat est valable indépendamment des caractéristiques de l'entreprise, telles que le secteur dans lequel elle opère et la taille de la société, et les caractéristiques du propriétaire ou du directeur, telles que le niveau d'instruction. Sans contrôler ces facteurs, les entreprises dirigées par des hommes sont deux fois plus susceptibles de verser des pots- de-vin. 10 Figure 7 Plus d'égalité dans les droits, moins de corruption 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 4 4.5 5 5.5 6 6.5 7 Indice des droits économiques et sociaux des femmes Note: L'indice de la corruption utilise les données du Guide international du risque dans les pays (ICRG) et le transforme: indice de la corruption = 10 - (Indice ICRG - 1) x 2. La variable des droits des femmes est l'indicateur des Droits humains économiques et sociaux des femmes (WESHR) élaboré par le Programme des études globales de l'Université de Purdue. Le chiffre contrôle le PIB par tête de chaque pays. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus. Source: Estimations du personnel de la Banque mondiale; voir aussi Kaufmann (1998). Pourquoi les disparités entre les sexes persistent-elles? Si les inégalités entre les sexes nuisent au bien-être des populations et aux perspectives de développement d'un pays, pourquoi les disparités néfastes entre les sexes persistent-elles dans tant de pays? Pourquoi certaines inégalités entre les sexes sont-elles beaucoup plus difficiles à éliminer que d'autres? Par exemple, les améliorations ont été rapides dans les domaines tels que la santé et l'accès à la scolarisation, mais beaucoup plus lentes dans la participation politique et l'égalité des droits à la propriété. Quels sont les facteurs qui empêchent la transformation des relations entre les sexes et l'élimination des inégalités fondées sur le sexe? Les institutions, les ménages et l'économie. Les institutions de la société - normes sociales, coutumes, droits, lois - ainsi que les institutions économiques telles que les marchés façonnent les rôles et les rapports entre les hommes et les femmes et influent sur les ressources auxquelles les femmes et les hommes ont accès, les activités qu'ils peuvent ou ne peuvent pas entreprendre, et les formes dans lesquelles ils peuvent participer à l'économie et à la société. Ils contiennent les motivations qui peuvent encourager ou décourager les préjugés. Même lorsque les institutions formelles et non formelles ne font pas explicitement la distinction entre les hommes et les femmes, ceux-ci sont généralement informés (explicitement ou implicitement) par les normes sociales relatives aux rôles appropriés de chaque sexe. Ces institutions de la société ont leur propre inertie et peuvent être lentes et difficiles à changer - mais elles sont loin d'être statiques. Comme les institutions, les ménages jouent un rôle fondamental dans le façonnage des relations entre les sexes depuis la tendre enfance et dans leur transmission d'une génération à 11 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT l'autre. Les ménages prennent bon nombre des décisions les plus fondamentales de la vie - avoir et élever des enfants, travailler et se détendre, et investir dans l'avenir. La manière de distribuer les tâches et les ressources de production entre les fils et les filles, le degré d'autonomie qui leur est accordé, la différence dans les attentes entre eux - tout cela crée, renforce ou atténue les disparités entre les sexes. Mais les familles ne prennent pas de décisions dans le vide. Elles les prennent dans le contexte de communautés et d'une manière qui reflète l'influence des motivations créées par l'environnement institutionnel et politique général. Et puisque l'économie détermine nombre des opportunités qu'ont les gens pour améliorer leur niveau de vie, la politique et le développement économiques affectent d'une manière cruciale l'inégalité entre les sexes. Des revenus plus élevés dans le ménage signifient moins de contraintes dans les ressources, dont l'insuffisance force les parents à choisir entre investir dans les fils ou dans les filles. Mais la manière précise dont les femmes et les hommes sont affectés par le développement économique dépend des activités génératrices de revenu qui sont disponibles, de la manière dont ils sont organisés, de la façon dont l'effort et les compétences sont récompensés et de la capacité égale des femmes et des hommes à apporter leur participation. En effet, même des politiques de développement apparemment neutres au plan de la différence entre les sexes peuvent avoir des résultats faisant la différence entre les sexes - en partie à cause de la manière dont les institutions et les décisions des ménages se combinent pour façonner les rôles et les relations entre les sexes. La division du travail entre les sexes dans le ménage, les normes sociales et les préjugés, et l'inégalité des capacités et des biens empêchent les femmes et les hommes de profiter d'une manière égale des opportunités économiques - ou de faire face avec le même bonheur aux risques ou aux chocs économiques. Le fait de ne pas reconnaître ces contraintes différenciées selon les sexes lorsqu'on élabore les politiques peut en compromettre l'efficacité, tant du point de vue de l'équité que de celui de l'efficacité. Donc, les institutions de la société, les ménages et l'économie plus générale déterminent ensemble les chances et les perspectives de vie des gens, selon le sexe. Ils représentent aussi des points d'entrée importants de la politique publique pour s'attaquer aux inégalités persistantes entre les sexes. Une stratégie en trois volets pour promouvoir l'égalité entre les sexes Le fait que les inégalités entre les sexes entraînent des coûts humains élevés et réduisent les perspectives de développement des pays appelle irrésistiblement à une action publique et privée pour promouvoir l'égalité entre les sexes. L'Etat a un rôle crucial à jouer dans l'amélioration du bien-être des femmes et des hommes et, ce faisant, peut recueillir les avantages sociaux substantiels liés à l'amélioration du statut absolu et relatif des femmes et des filles. L'action publique est particulièrement importante dans la mesure où les institutions sociales et juridiques qui perpétuent les inégalités entre les sexes sont extrêmement difficiles, sinon impossibles, à changer par les seuls individus. Les échecs de marché aussi, tels que l'insuffisance des informations sur la productivité des femmes dans le marché du travail (parce qu'elles passent la plus grande partie de leurs heures de travail dans des activités autres 12 que le marché ou parce que les marchés du travail sont absents ou inexploités) constituent des obstacles clairs. Améliorer l'efficacité des institutions de la société et réaliser la croissance économique et le développement sont largement acceptés comme les éléments clés de toute stratégie de développement à long terme. Mais la réussite de la mise en oeuvre de cette stratégie ne garantit pas l'égalité entre les sexes. Pour promouvoir l'égalité entre les sexes, les politiques de changement institutionnel et de développement économique devront examiner et corriger les inégalités entre les sexes dans les domaines du droit, des ressources et de l'opinion. En outre, pour assurer des progrès plus rapides, il faut des politiques et des programmes actifs destinés à corriger les disparités de longue date entre les femmes et les hommes. Les preuves se prononcent en faveur d'une stratégie en trois volets en vue de promouvoir l'égalité entre les sexes. 1. Réformer les institutions pour garantir l'égalité des droits et des chances entre les femmes et les hommes En raison du fait que les institutions sociales, juridiques et économiques façonnent l'accès des femmes et des hommes aux ressources, leurs opportunités et leur pouvoir relatif, un élément crucial dans la promotion de l'égalité entre les sexes est la création d'un "terrain de jeu" institutionnel égal pour les femmes et les hommes. Assurer l'égalité des droits fondamentaux L'égalité des droits pour les deux sexes est un important objectif de développement en soi. Les droits juridiques, sociaux et économiques fournissent un environnement favorable dans lequel les femmes et les hommes peuvent apporter une contribution productive à la société, bénéficier d'une qualité de vie raisonnable et profiter des nouvelles opportunités qu'offre le développement. Une plus grande égalité en droits s'associe aussi régulièrement et systématiquement à une plus grande égalité entre les sexes dans l'éducation, la santé et la participation politique - des effets indépendants du revenu (figure 8). 13 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Figure 8 Plus d'égalité en droits - Plus d'égalité en ressources et en opinion Ratio femmes-hommes dans la représentation parlementaire, 1995 atio femmes-hommes dans l'enseignement secondaire, 1995 1.00 1.00 0.95 0.87 0.15 0.08 0.80 0.00 Faible égalité en droits Forte égalité en droits Faible égalité en droits Forte égalité en droits Note: Une valeur de 1.0 indique des résultats égaux pour les femmes et les hommes. Le taux de scolarisation brut est l'effectif total à un niveau scolaire, indépendamment de l'âge, exprimé comme un pourcentage de la population en âge scolaire officielle correspondant à ce niveau au cours d'une année scolaire donnée. Le ratio de scolarisation femmes-hommes est le ratio de scolarisation brut féminin divisé par le ratio de scolarisation brut masculin. Pour la représentation parlementaire, le ratio est le nombre de sièges détenus par les femmes par rapport aux sièges détenus par les hommes. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus et l'annexe 2 pour les résultats de régression sous-jacents. Source: Données d'égalité en droits de Humana (1992); données parlementaires de WISTAT (1998); données démographiques de la Banque mondiale (1999c). Si les pays de l'Asie du Sud, de l'Afrique subsaharienne, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord devaient augmenter l'égalité des droits entre les sexes au niveau du pays "le plus égal" de leurs régions respectives, le ratio femmes-hommes au parlement ferait plus que doubler au Moyen-Orient et en Afrique du Nord et augmenterait de plus de 60% dans les deux autres régions. Bien que l'augmentation de l'égalité des droits entre les sexes ait un impact plus modeste (marginal) sur l'égalité entre les sexes en éducation, des améliorations considérables en matière de droits pourraient largement contribuer à atteindre la parité entre les garçons et les filles dans la scolarisation. Ce n'est qu'en Asie du Sud qu'il faut s'attendre à ce que les inégalités entre les sexes dans la scolarisation persistent face à de grandes améliorations en droits. Les réformes juridiques ont donc un rôle crucial à jouer pour accorder des droits et une protection égaux aux femmes et aux hommes. Mais une plus grande égalité devant la loi est rarement suffisante. Dans beaucoup de pays en développement, la capacité de mise en oeuvre des réformes juridiques demeure faible, compliquée par des systèmes juridiques multiples - et incohérents. Par exemple, le droit civil en Ouganda prévoit l'égalité des droits dans le divorce - mais la loi coutumière est prépondérante dans la répartition des biens conjugaux, et les femmes divorcées ne peuvent conserver l'accès aux biens fonciers. Dans les cas de violences fondées sur le sexe, de lourdes exigences de preuves et d'autres barrières de procédure (ainsi que les attitudes des personnes chargées d'appliquer la loi) s'opposent à la justice dans plusieurs pays. Dans de tels contextes, les efforts en vue de renforcer les capacités d'application de la loi par les instances judiciaires et administratives du pays sont cruciaux pour parvenir à une plus grande égalité des droits de base entre les sexes. Dans presque tous cas le leadership politique est décisif. Créer les motivations qui découragent la discrimination fondée sur le sexe 14 La structure des institutions économiques encourage ou entrave aussi d'une manière importante l'égalité entre les sexes. Les marchés recèlent un ensemble puissant de motivations qui influent sur les décisions et les actions relatives au travail, à l'épargne, à l'investissement et à la consommation. Les salaires relatifs des hommes et des femmes, les bénéfices sur les biens de production et les prix des biens et des services sont tous déterminés en grande partie par la structure des marchés. Des preuves du Mexique et des États-Unis suggèrent que les entreprises qui opèrent dans les environnements compétitifs font moins de discrimination contre les femmes dans les pratiques d'embauche et de paie que les entreprises qui ont un pouvoir de marché considérable dans les environnements protégés. De même, en Chine urbaine et rurale, les femmes font face à une plus grande discrimination salariale dans les emplois qui leur ont été assignés administrativement que dans les emplois obtenus à travers les canaux compétitifs. Plus généralement, les politiques et les investissements qui approfondissent les marchés et corrigent les disparités entre les sexes dans l'accès à l'information - combinés à des sanctions pour ceux qui se rendent coupables de discrimination - contribuent tous à renforcer les motivations pour l'égalité entre les sexes dans le marché du travail. En Chine et au Vietnam par exemple, l'approfondissement des marchés ruraux du travail a provoqué des augmentations substantielles de la demande de la main-d'oeuvre féminine dans les entreprises autres que les fermes, offrant aux femmes de nouvelles opportunités d'emploi et de salaire. Concevoir la prestation de services de manière à faciliter l'égalité de l'accès La conception de la prestation de programmes - tels que les systèmes scolaires, les centres de soins médicaux, les organisations financières et les programmes de vulgarisation agricole - peuvent faciliter ou inhiber l'accès équitable pour les femmes et les hommes. En outre, impliquer la communauté dans la conception de la prestation de services publics contribue à satisfaire des besoins spécifiques dans les contextes locaux. Au Bangladesh, au Kenya et au Pakistan par exemple, la scolarisation des filles est plus sensible que celle des garçons à la qualité de l'école et à des caractéristiques spécifiques de prestation - telles que la présence de professeurs féminins, d'écoles et d'installations sexospécifiques et le transport sans danger des élèves. Satisfaire de telles considérations peut augmenter considérablement la volonté des parents à instruire leurs filles. Dans certaines parties de l'Afrique de l'Ouest, des "banquiers mobiles" (connus sous le nom de collecteurs susu au Ghana) apportent des services financiers aux marchés locaux, aux lieux de travail et aux ménages, éliminant le besoin pour les femmes de parcourir de longues distances pour épargner ou emprunter. Et au Bangladesh, des programmes de prêt basés sur des groupes utilisent des groupes d'appui et la pression des pairs comme substitut de la garantie bancaire traditionnelle pour assurer le remboursement. Les deux méthodes ont accru l'accès des femmes aux ressources financières. 2. Stimuler le développement économique pour renforcer les incitations à plus d'égalité des ressources Dans la plupart des environnements, le développement économique s'accompagne de meilleures conditions pour les femmes et les filles et d'une plus grande égalité entre les sexes - à travers plusieurs canaux: 15 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Les ménages prennent des décisions sur le travail, la consommation et les investissements en partie pour répondre aux niveaux des prix et à d'autres signaux du marché. Les changements de ces signaux tendent à provoquer une redistribution des ressources. Lorsque le développement économique améliore la disponibilité et la qualité des services publics, tels que les dispensaires et les écoles, il fait baisser le coût des investissements dans le capital humain pour le ménage. Si les coûts baissent plus pour les femmes que pour les hommes ou si les investissements dans les femmes sont plus sensibles aux changements des prix que les investissements dans les hommes, alors les femmes en bénéficient plus. Lorsque le développement économique accroît les revenus et réduit la pauvreté, les inégalités entre les sexes se réduisent souvent. Puisque les familles à faible revenu sont obligées de rationner les dépenses sur l'éducation, les soins médicaux et l'alimentation, et que les femmes et les filles en supportent le gros des coûts, au fur et à mesure que les revenus du ménage augmentent, les disparités entre les sexes dans le capital humain tendent à s'estomper. Comme avec les droits fondamentaux, des revenus plus élevés se traduisent généralement par une plus grande égalité entre les sexes dans les ressources, que ce soit dans l'éducation (figure 9), la santé ou même le travail. Dans l'éducation, les simulations suggèrent que les plus grandes améliorations issues de la croissance du revenu sont susceptibles de se produire dans les régions les plus pauvres: l'Asie du Sud et l'Afrique subsaharienne. En outre, les effets du revenu semblent particulièrement importants au niveau secondaire. Mais l'analyse de simulation suggère aussi que de très grandes augmentations de revenu - atteignant la moyenne des niveaux de l'OCDE - sont nécessaires pour atteindre l'égalité ou la quasi-égalité dans les effectifs de l'enseignement secondaire en Asie du Sud ou en Afrique subsaharienne. De telles augmentations ne sont pas réalistes à court ou à moyen terme. De très grandes augmentations de revenu seront aussi nécessaires pour induire des gains notables d'égalité entre les sexes dans la représentation parlementaire. Lorsque le développement économique accroît les opportunités d'emploi, il élève le taux de rendement attendu du capital humain, renforçant les motivations des familles à investir dans la santé et l'éducation des filles, et des femmes à participer à la main d'oeuvre. En modifiant les motivations pour le travail, le développement économique affecte l'égalité entre les sexes. Le développement économique mène à l'émergence de marchés du travail là où aucun n'existait. Ce faisant, non seulement il crée ou renforce les signaux du marché sur les bénéfices du travail, mais il élimine aussi les inefficacités économiques. Par exemple, lorsque des marchés du travail actifs existent, la main-d'oeuvre embauchée remplace la main-d'oeuvre familiale féminine, que ce soit dans les fermes ou dans les activités d'entretien et de soins du ménage. Cela permet aux ménages d'utiliser plus efficacement le temps, de réduire peut-être la charge de travail des femmes. Lorsque les marchés du travail sont absents ou ne fonctionnent pas bien, une telle substitution n'est pas possible. Figure 9 L'inégalité entre les sexes dans l'éducation diminue au fur et à mesure que les revenus augmentent 16 Ratio de scolarisation femmes-hommes, 1995 1.4 1.0 0.6 0.2 5.5 6.5 7.5 8.5 9.5 10.5 PIB (en log) Note: Une valeur de 1.0 indique des résultats égaux pour les femmes et les hommes. Le taux de scolarisation brut est l'effectif total à un niveau scolaire, indépendamment de l'âge, exprimé comme un pourcentage de la population en âge scolaire officielle correspondant à ce niveau au cours d'une année scolaire donnée. Le ratio de scolarisation femmes-hommes est le ratio de scolarisation brut féminin divisé par le ratio de scolarisation brut masculin. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus et l'annexe 2 pour les résultats de régression sous-jacents. Source: Banque mondiale (1999c). La croissance économique s'accompagne typiquement d'une augmentation des investissements dans l'infrastructure - eau potable, routes, transport et combustible. Ceci tend aussi à réduire le temps que les femmes et les filles doivent consacrer aux activités d'entretien et de soins du ménage. Au Burkina, en Ouganda et en Zambie par exemple, les femmes et les filles pourraient épargner des centaines d'heures par an si le temps de marche vers les sources de combustible et d'eau potable étaient réduits à 30 minutes ou moins (figure 10). Le développement de l'infrastructure économique réduit considérablement le temps que passent les femmes aux tâches domestiques, avec des avantages potentiels pour leur santé, leur participation aux activités génératrices de revenu, et pour les filles, la scolarisation. Bien que le développement économique tende à encourager l'égalité entre les sexes, son impact n'est ni suffisant ni immédiat. Il n'est pas automatique non plus. L'impact du développement économique sur l'égalité entre les sexes dépend en grande partie de l'état des droits, de l'accès aux ressources de production et à leur contrôle (tel que la terre et le crédit), et de l'opinion politique. Et les politiques sociales qui combattent la discrimination sur le marché du travail ou appuient les soins aux enfants complètent ce que le développement économique à lui seul ne peut pas accomplir dans la réduction des inégalités entre les sexes - comme cela est évident dans les économies de transition, les pays à forte croissance de l'Asie de l'Est et les pays en ajustement de l'Amérique latine et de l'Afrique subsaharienne. De même, les politiques de protection sociale qui reconnaissent les différences entre les sexes dans le travail issu du marché et des travaux ménagers et dans les risques sont aussi importantes pour protéger les femmes (et les hommes) des chocs économiques ou des récessions économiques prolongées. Figure 10 Les investissements dans les infrastructures d'approvisionnement en eau et en énergie peuvent réduire considérablement le temps consacré aux activités de collecte 17 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Moyenne des heures potentielles épargnées par foyer et par an 600 Eau potable dans un rayon de 400 mètres Bois de chauffe à à 30 minutes de marche 400 200 0 Lusaka rural, Kaya, Mbale, Kasama, Dedougou, Zambie Burkina Faso Ouganda Zambie Burkina Faso Note: Kasama et Dedougou sont déjà dans la cible de 400 mètres. Dans certaines parties de l'Afrique subsahariennes, les femmes représentent les deux tiers ou plus du temps que le ménage consacre à la collecte de l'eau et du combustible, tandis que les enfants, principalement les filles, représentent 5 à 28% supplémentaires. Source: Barwell 1996. * * * Les débats récents sur la sexospécifité et le développement ont eu tendance à opposer les approches de développement orientées sur la croissance aux approches basées sur les droits ou institutionnelles. Mais les preuves suggèrent que le développement économique et le changement institutionnel sont tous des éléments clés d'une stratégie à long terme de promotion de l'égalité entre les sexes. Par exemple, lorsque le revenu par tête et la qualité de la sexospécificité en matière de droits sont bas, l'augmentation de la qualité de la sexospécificité en matière de droits ou des niveaux du revenu élèvent l'égalité entre les sexes, des niveaux d'éducation. En effet, les réformes institutionnelles qui renforcent les droits fondamentaux et les politiques qui stimulent le développement économique peuvent se renforcer mutuellement (figure 11). Par exemple, les stratégies qui renforcent les droits de propriété des femmes peuvent améliorer leur statut économique et contribuer à une plus grande efficacité économique. En Afrique subsaharienne, l'institution de droits fonciers en faveur des femmes accroît la productivité dans les parcelles gérées par les femmes - ce qui augmente les revenus tant des femmes que de leurs familles. De même, fournir aux femmes un plus grand accès aux établissements d'épargne et de crédit améliore leur statut économique et leur sécurité et contribue à améliorer le bien-être du ménage. Au Bangladesh, au fur et à mesure que la capacité des femmes à emprunter dans des programmes de micro-crédit augmente, leur statut et leur pouvoir de négociation dans la famille croissent, tout comme la consommation des ménages (revenu). Figure 11 L'égalité entre les sexes en matière de droits et de croissance des revenus encourage l'égalité entre les sexes dans beaucoup de dimensions - de l'éducation à l'opinion politique 18 Ratio femmes- hommes dans le secondaire Ratio femmes-hommes dans la représentation parlementaire 1.05 1.00 0.99 0.96 1.00 0.86 0.19 0.11 0.07 0.06 0.00 0.00 Revenu Revenu Forte égalité Forte égalité Faible égalité Faible élevé Faible égalité Faible élevé en droits en droits en droits revenu en droits revenu Note: Une valeur de 1.0 indique des résultats égaux pour les femmes et les hommes. Les chiffres sont basés sur des simulations dérivées de résultats de régression multiples contrôlant le revenu et les droits. Un score moyen de 2.33 ou moins représente une faible égalité en droits, un score moyen de 2.67 ou plus une forte égalité (voir la note 1 à la fin de l'aperçu pour plus de détails sur l'indice des droits). Les pays à haut et à bas revenu sont groupés selon la valeur moyenne du PIB par tête. Toutes les valeurs sont des moyennes démographiques pondérées pour chaque catégorie. Voir l'annexe 1 pour les pays inclus et l'annexe 2 pour les résultats de régression sous-jacents. Source: Données des droits de Humana (1992); données parlementaires de WISTAT (1998); toutes les autres données proviennent de la Banque mondiale (1999c). 3. Prendre des mesures de politique actives pour éliminer les disparités persistantes entre les sexes dans la maîtrise des ressources et de l'opinion politique En raison du fait que les effets combinés de la réforme institutionnelle et du développement économique prennent habituellement du temps à se concrétiser, des mesures actives sont souvent nécessaires à court et à moyen termes. Les mesures actives sont des étapes concrètes (souvent ciblées) visant à corriger des formes spécifiques de discrimination et d'exclusion fondées sur le sexe - que ce soit à la maison, dans la communauté ou au lieu de travail. De telles mesures accélèrent les progrès dans l'élimination des inégalités persistantes entre les sexes - et elles sont utiles dans le ciblage de sous-groupes de population spécifiques, tels que les pauvres, pour qui les disparités entre les sexes sont souvent particulièrement aiguës. Puisque la nature et l'ampleur de l'inégalité entre les sexes diffèrent considérablement à travers les pays, ce ne sont pas toutes les interventions discutées ici qui seront pertinentes dans tous les contextes. Les décisions quant à savoir si l'Etat doit intervenir et quelles mesures actives adopter doivent reposer sur une compréhension et une analyse des réalités locales. Puisque les mesures actives ont des coûts réels en ressources, les responsables politiques devront être sélectifs quant aux mesures à appliquer, en se concentrant stratégiquement sur les domaines où l'intervention du gouvernement a les plus grands bienfaits. Pour cela, il faut se focaliser sur les domaines d'intervention que le secteur privé est peu susceptible d'aborder indépendamment - ou de bien aborder. Ceci implique aussi la focalisation sur les domaines où les avantages sociaux nets de l'intervention, en matière d'égalité ou d'efficacité (ou les deux), sont susceptibles d'être les plus grands. Au-delà de l'évaluation d'une intervention particulière pour savoir si elle est nécessaire, il faut faire des choix sur la manière précise par laquelle l'Etat doit intervenir. Par exemple, la 19 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT fourniture publique directe de biens ou de services est-elle requise? Ou des objectifs semblables peuvent-ils être atteints avec un meilleur rapport coût-efficacité à travers des efforts de réglementation et d'application ou à travers des subventions publiques aux fournisseurs privés de biens ou de services? Le présent rapport se concentre sur quatre domaines clés de politique active. Promouvoir l'égalité entre les sexes dans l'accès aux ressources de production et à la capacité de génération de revenus Des efforts en vue de promouvoir une plus grande égalité d'accès aux ressources de production et à leur contrôle - dans les domaines de l'éducation, des ressources financières ou foncières - et d'assurer un accès juste et égal aux opportunités d'emploi, peuvent faire avancer l'égalité entre les sexes et accroître l'efficacité économique. Les responsables politiques ont plusieurs points d'entrée potentiels pour intervenir : Réduire les coûts de la scolarisation, calmer les inquiétudes parentales au sujet de la modestie ou de la sécurité féminines et accroître les bienfaits que recueillent les familles en investissant dans l'instruction féminine à travers des améliorations de la qualité de l'école, peut vaincre les barrières sociales et économiques à l'éducation des filles, même dans les sociétés à forte stratification fondée sur le sexe. Concevoir les établissements financiers d'une manière qui tienne compte des contraintes sexospécifiques - en utilisant les groupes de pairs comme substitut des formes traditionnelles de garantie, en simplifiant les procédures bancaires ou en assurant des services financiers plus proches des ménages, des marchés et des lieux de travail - peut accroître l'accès féminin à l'épargne et au crédit. Les réformes foncières qui prévoient la possession conjointe de titres fonciers par le mari et la femme ou qui permettent aux femmes de posséder des titres fonciers indépendants peuvent accroître le contrôle des femmes sur les terres lorsque le droit écrit prédomine. Lorsque les droits coutumier et écrit opèrent côte à côte, il faut tenir compte de leurs interactions si l'on veut réussir à renforcer l'accès féminin aux terres. Dans les pays qui ont des marchés du travail et des capacités d'application de la loi relativement développés, les programmes d'emploi anti-discriminatoires peuvent accroître l'accès féminin aux emplois du secteur formel. Lorsqu'il y a une grave discrimination dans l'emploi et les promotions, les mesures anti-discriminatoires peuvent aussi augmenter la productivité dans les entreprises et dans l'économie. Réduire les coûts personnels supportés par les femmes à cause de leurs rôles de ménagère Dans presque toutes les sociétés, les normes relatives à la différence entre les sexes imposent aux femmes et aux filles la responsabilité principale des activités d'entretien et de soins ménagers. Dans les pays en développement, les responsabilités ménagères nécessitent souvent de longues heures de travail qui limitent la capacité des filles à poursuivre leur éducation et la capacité des mères à participer aux activités du marché. Plusieurs types d'interventions peuvent réduire les coûts personnels que les rôles ménagers imposent aux femmes et aux filles. 20 Les interventions qui augmentent l'éducation, les salaires et la participation au marché du travail - associées à un accès adéquat à des services de base de la santé reproductrice et du planning familial - renforcent le rôle des femmes dans la prise des décisions de reproduction. Toutefois, les femmes et les hommes pouvant avoir des préférences différentes pour la taille de la famille et l'utilisation des contraceptifs, les services de planning familial doivent cibler tant les hommes que les femmes. Fournir l'appui public pour les services de soins infantiles hors du domicile peut réduire les coûts des soins, permettant une plus grande participation économique des femmes et plus de scolarisation pour les filles adolescentes. Au Kenya, la réduction des soins aux enfants augmente considérablement l'emploi salarié des mères et la scolarisation des filles plus âgées (figure 12). Figure 12 Des soins infantiles à faible coût signifient plus de femmes dans le marché du travail, plus de filles à l'école Z Pourcentage d'augmentation de la participation des mères à la force de travail et de scolarisation des enfants plus âgés (8­16 ans) à cause d'une baisse de 10 % du prix des soins infantiles hors domicile au Kenya 6 5 4 3 2 1 0 Participation Scolarisation Scolarisation des mères à la des filles des garçons force de travail Source: Lokshin, Glinskaya et Garcia 2000. Une législation protectrice du marché du travail est souvent une épée à double tranchant qui génère tant des coûts que des avantages pour les femmes qui travaillent dans le secteur formel. Par exemple, lorsque les entreprises supportent tous les coûts des congés de maternité, elles peuvent influer sur les décisions de recrutement au détriment des femmes. Lorsque les femmes supportent tous les coûts, les motivations pour qu'elles continuent de travailler sont amoindries. Les mesures qui aident à répartir les coûts de la maternité et des autres prestations de soins entre les employeurs, les employés et même l'Etat peuvent accroître les avantages liés aux coûts pour les femmes et leurs familles. Les investissements ciblés dans les infrastructures d'approvisionnement en eau et en combustible, de transport et d'autres services d'économie du temps peuvent accélérer la réduction de la charge de travaux domestiques qui pèse sur les femmes et les filles, en particulier dans les zones pauvres ou rurales - ce qui libère les filles pour qu'elles aillent à l'école et les femmes pour qu'elles entreprennent d'autres activités liées à la production de revenu ou aux affaires de la communauté. 21 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Fournir une protection sociale appropriée à chaque sexe Les femmes et les hommes font face à des risques sexospécifiques pendant les chocs économiques ou les réformes de politique. Les femmes maîtrisent moins de ressources avec lesquelles amortir les chocs - alors que les hommes, en tant que soutiens traditionnels de famille, sont particulièrement vulnérables au stress lié aux grands changements ou à l'incertitude de l'emploi. Le fait de prendre en compte les risques et la vulnérabilité liés à la différences entre les sexes dans l'élaboration de la protection sociale est particulièrement important parce que les femmes et les hommes du même ménage pourraient ne pas supporter ensemble les risques. Pour protéger à la fois les femmes et les hommes, les programmes de protection sociale doivent tenir compte des facteurs qui peuvent provoquer une différence fondée sur le sexe dans la participation et les avantages. Par exemple, les programmes de protection excluent fréquemment (peut-être par inadvertance) les femmes en ne prenant pas en compte les différences fondées sur le sexe dans le comportement de l'offre de main-d'oeuvre, l'accès à l'information ou les types d'emploi que les femmes et les hommes considèrent comme étant convenables. Les programmes de sécurité sociale du troisième âge qui ne tiennent pas compte des différences entre les sexes dans l'emploi, le salaire et l'espérance de vie risquent de rendre les femmes - en particulier les veuves - particulièrement vulnérables à la pauvreté pendant la vieillesse. Une étude récente au Chili montre que les allocations de retraite des femmes par rapport à celles des hommes sont très sensibles aux caractéristiques spécifiques d'élaboration du système de sécurité du troisième âge (figure 13). 22 Figure 13 La conception du système de pension du Chili affecte la protection relative des hommes et des femmes du troisième âge Ecart des revenus de pension de retraite parmi travailleurs ayant une éducation primaire incomplète (ratio femmes-hommes entre parenthèse) Men, own pension Women, own plus survivor's pension (0.89) Women, own or survivor's pension (0.60) Women, own pension (retire age 65) (0.43) Women, own pension adjusted by MPG (0.35) Women, own pension (retire age 60) (0.29) 0 20 40 60 80 100 120 Milliers de peso Note: Ces estimations supposent que les hommes prennent le retraite à 65 ans, les femmes à 60 - âges réglementaires de retraite pour les hommes et les femmes, sauf constatation différente. Par MPG, on entend la garantie de pension minimale fournie par l'Etat. Les chiffres sont calculés en tant que des annuités mensuelles versées aux allocataires urbains, en supposant un taux de rendement de 5% avec 2% de croissance salariale. Les hommes sont censés survivre pendant 15 années après la retraite (à 65 ans) et prévoir une pension de survivant de 6 années à 60% de leur propre annuité. Si les femmes prennent la retraite à 60 ans, elles sont censées survivre 23 années, et si elles prennent la retraite à 65 ans, elles sont supposées survivre pendant 19 années. Source: Adapté de Cox-Edwards 2000. Renforcer l'opinion et la participation politiques des femmes Les changements institutionnels qui garantissent l'égalité des droits fondamentaux entre les sexes sont la pierre angulaire d'une plus grande égalité dans la participation et l'opinion politiques. De même, les politiques et les programmes qui encouragent l'égalité dans l'éducation et l'accès à l'information (y compris l'acquisition de notions juridiques) peuvent renforcer la représentation des femmes et donc leur capacité à participer au jeu politique. Mais comme avec l'impact général du développement économique, ces approches mettent longtemps à produire des bienfaits observables. L'expérience récente de plus de 30 pays, dont l'Argentine, l'Équateur, l'Inde, les Philippines et l'Ouganda, suggère que la "politique des quotas" peut être efficace pour accroître la participation et la représentation politiques féminines dans les assemblées locales et nationales en un temps relativement court. La législation des "quotas" prend différentes formes dans différents pays, mais prévoit généralement qu'un nombre minimum (ou proportion) des candidats des partis politiques ou des sièges électoraux dans les assemblées nationales ou locales est réservé aux femmes. 23 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Enjeux pour l'avenir - les perspectives Les preuves présentées dans ce rapport sont un appel irrésistible à l'Etat pour intervenir dans la promotion de l'égalité entre les sexes. En effet, l'Etat, les groupes de la société civile et la communauté internationale ont tous des rôles cruciaux à jouer dans la lutte contre la discrimination fondée sur le sexe et l'habilitation des sociétés pour qu'elles en retirent des bienfaits considérables. Mais il y a plusieurs défis importants. Affiner la politique à travers l'analyse des différences entre les sexes Comment approfondir la compréhension des liens qui unissent l'égalité entre les sexes et le développement et comment refléter ces liens dans les décisions politiques, tels sont les enjeux clés du présent et de l'avenir. Le présent rapport rassemble preuves abondantes sur ces liens, mais beaucoup reste encore à découvrir et à comprendre, d'où la nécessité de recueillir des données en plus grande quantité et de meilleure qualité et de d'effectuer des analyses désagrégées par sexe. Deux domaines nécessitent plus d'analyse: Quel est l'impact sexospécifique des politiques macroéconomiques et sectorielles spécifiques? Et comment les choix de dépenses publiques encouragent-ils ou inhibent-ils l'égalité entre les sexes et l'efficacité économique? Les responsables politiques font face à de nombreuses demandes concurrentes de ressources et d'attention publiques, avec des budgets fiscaux et administratifs serrés. Vu ces contraintes, l'information et l'analyse aident les gouvernements à réaliser des gains sociaux maximaux à partir des interventions sexospécifiques qu'ils choisissent. En outre, la nature des disparités entre les sexes différant selon les sociétés, une politique efficace doit être fondée sur une analyse qui intègre les préoccupations locales et nationales liées à la différence entre les sexes. Il deviendra de plus en plus important de porter nos regards au-delà de la manière dont les politiques et les programmes affectent nos marqueurs habituels de développement (tels que l'éducation, la santé ou les indicateurs de la force de travail) - pour voir comment les interventions spécifiques améliorent l'autonomie, le leadership et l'opinion des femmes tant dans le ménage que dans la société en général. Comprendre quelles sont les interventions les plus efficaces pour y parvenir nécessite plus d'analyser davantage la différence entre les sexes. Aborder les questions émergentes Autre défi connexe pour les responsables politiques: avoir les yeux tournés vers l'avenir face à l'évolution rapide des circonstances. En effet, beaucoup de nouvelles questions exigent une plus grande attention de la part des responsables politiques et des chercheurs en politiques au plan de la différence entre les sexes, notamment la mondialisation, la décentralisation dans le gouvernement, la propagation du VIH/SIDA et le vieillissement de la population mondiale. Par exemple: Avec des taux de natalité qui déclinent et une plus grande espérance de vie, la population du monde vieillit. Entre autres choses, il en résultera une augmentation considérable du nombre de veuves dans le monde entier pendant le 21ème siècle. Qu'implique ce changement démographique pour la protection sociale, la santé et d'autres domaines de politique publique? Comprendre les dimensions sexospécifiques de la tendance démographique constituera un défi important pour la recherche en politiques dans les années à venir. 24 De même, la mondialisation et les révolutions de la technologie et de l'information transforment la manière dont est organisée la production et dont est partagée l'information dans beaucoup de pays en développement. Ces changements accéléreront-ils le progrès vers l'égalité entre les sexes ou accroîtront-ils les inégalités entre les sexes en matière d'opportunités économiques? Mieux comprendre les opportunités et les risques liés à ces forces, voilà un autre défi pour les chercheurs et les responsables politiques. Élargir les partenariats Un troisième défi crucial pour les responsables politiques - dans leurs efforts en vue de promouvoir l'égalité entre les sexes - est d'élargir leurs partenariats avec les groupes de la société civile, les bailleurs de fonds et les autres acteurs de la communauté internationale. Bien que les responsables politiques aient un important rôle de leadership à jouer, les efforts en vue de combattre les inégalités entre les sexes peuvent être améliorés par une collaboration active avec les organisations civiques et internationales. La communauté des donateurs peut apporter sa contribution en appuyant la collecte et l'analyse de données désagrégées selon les sexes, en incorporant l'analyse sexospécifique dans ses dialogues avec les responsables politiques nationaux, et en partageant les "bonnes pratiques" basées sur l'expérience internationale. De même, les groupes civiques et les chercheurs locaux peuvent apporter des informations et une analyse cruciales basées sur les connaissances locales qui élargiront et approfondiront le dialogue de politique du gouvernement. La stimulation d'une participation et d'une transparence plus générales dans l'élaboration des politiques recèle de très importants avantages, tant pour l'égalité entre les sexes que pour le développement national dans son ensemble. Ouvrir les débats publics et l'élaboration des politiques à une participation et à une consultation plus grandes des groupes féminins peut habiliter directement les femmes - et peut accroître l'impact des politiques et des programmes. Les conclusions de la recherche sur les liens entre une plus grande participation féminine dans la vie publique et des niveaux inférieurs de corruption intriguent. Elles suggèrent que faciliter des échanges plus généraux d'idées et une plus grande transparence dans l'élaboration des politiques - et permettre une plus grande participation féminine au domaine public - peut renforcer d'une manière plus générale la gouvernance d'un pays et l'efficacité de sa politique de développement. Le monde ne peut pas renoncer à des effets salutaires aussi remarquables 25 SUSCITER LE DEVELOPPEMENT Note 1 L'indicateur de droits utilisé aux figures 1, 8, et 11 est une moyenne de trois indices d'égalité des droits entre les sexes recueillis pour plus de 100 pays par Humana (1992). Les indices de droits individuels se focalisent sur l'égalité en droits politiques et juridiques pour les femmes, l'égalité en droits sociaux et économiques pour les femmes et l'égalité en droits pour les femmes dans les procédures de mariage et de divorce. Les indices sont élaborés à l'aide d'une méthodologie cohérente à travers les pays dans lesquels l'ampleur des droits est évaluée (sur une échelle de 1 à 4) par rapport aux droits tels que décrits dans plusieurs instruments des droits de l'homme des Nations unies. 26