Forum des gouverneurs du Bassin du Lac Tchad pour la coopération régionale sur la stabilisation, la consolidation de la paix et le développement durable Deuxième réunion à Niamey, 16 au 18 juillet Document de discussion sur le commerce transfrontalier et l'économie régionale 1 Introduction 1. Ce document1 a été préparé dans le but d'accompagner et d'alimenter les discussions lors de la réunion du Forum des gouverneurs du lac Tchad en juillet 2019. Il traite la question importante des échanges transfrontaliers de la région du lac Tchad. Il identifie certaines des contraintes auxquelles les producteurs et commerçants sont confrontés dans la région et émet quelques suggestions pour les résoudre. Dans l'idéal, la prise en compte de ces questions devrait mener à de nouvelles initiatives politiques et de programmation qui renforceront en fin de compte les opérateurs du secteur privé de la région, des micro-entrepreneurs aux grands opérateurs nationaux et internationaux, créant de ce fait plus d'emplois et générant des revenus plus élevés pour les nombreux individus dont les vies ont été brutalement interrompues par la crise. 2. Le contexte du Tchad laisse en suspens de nombreuses questions humanitaires complexes qui appellent toujours à être résolues. Elles comportent également des implications importantes du point de vue du secteur privé. En outre, les progrès dans les secteurs de l'infrastructure (électricité, routes, stockage, marchés), l'état de droit (environnement réglementaire et juridique et diminution de la corruption) et la sécurité sont des conditions préalables à la réussite de toute action. Les chaînes de valeurs productives ont également besoin d'être encouragées, ce qui exige un appui des acheteurs et les qualifications (techniques, commerciales, financières et e vente) des fournisseurs d'intrants (engrais, graines, pesticides, services mécaniques, services d'irrigation et de transport) et, des fournisseurs de services financiers. 3. Globalement, l'attention portée par les partenaires et l'état aux besoins du secteur privé s'est révélée insuffisante ; le secteur privé qui est pourtant un moteur potentiel de transformation et la seule source viable de croissance économique et d'emploi à long terme. Pour aller plus loin, il est essentiel d’adopter une approche équilibrée qui accompagnerait à la fois la paix et la stabilité et offrirait de nouvelles occasions de croissance grâce à une approche multi-pays coordonnée soutenue par l'aide internationale. 4. Etant donné la complexité de la situation, une option prometteuse du moyen au long terme est la création de zones économiques et commerciales sécurisées (ZECS) décrites plus en détail ci-dessous. Bien qu'importantes et potentiellement pleines d'implications, des zones de ce type pourraient ne pas suffire. 1 Ce document a été commandé par l’unité de Développement Social de la Région d’Afrique de la Banque mondiale, avec l’appui du Fonds pour la construction de la paix et de l’État (SPF). Les auteurs principaux sont Murtala Sagagi et Andrew Thorburn, consultants. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute au tre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mond iale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontièr es. 1 5. A plus court terme, d’autres mesures pourraient être employées pour stimuler l'activité et construire la confiance à travers le secteur privé. Elles consistent par exemple à accompagner les associations professionnelles regroupant de petites entreprises, représentant à la fois les secteurs formels et informels, et d'autres plateformes permettant de renforcer le dialogue et la collaboration avec les autorités et d'autres intervenants. Le rétablissement des réseaux de téléphonie mobile à travers la région est une autre étape qui faciliterait l'interaction commerciale grâce à l'accès amélioré à l'information (information commerciale, appui technique) et l'accès plus facile aux instruments financiers et aux mécanismes de transaction. 6. Ce document de discussion s'appuie sur une revue documentaire des rapports disponibles, un focus group conduit chacun au Nigéria et au Cameroun, des recherches sur le terrain qui ont permis d'étudier les itinéraires transfrontaliers choisis (dans la mesure où les conditions de sécurité l'ont permis) et des entrevues conduites sur les itinéraires marchands principaux. Pour ajouter de la matière à ce premier jet d’idées, il serait judicieux de conduire davantage de recherches basées sur des observations directes et des interactions avec les opérateurs du secteur privé et autres intervenants essentiel tout en tirant parti des informations de ce rapport succinct et des actions proposées. 2 Contexte, défis et opportunités 7. La région du lac Tchad détient une place centrale au cœur des itinéraires commerciaux trans-sahariens historiques et représente un réseau de cultures et de relations entretenues de longue date. Les communautés frontalières et les villes voisines jouent depuis longtemps un rôle significatif dans le commerce au sein et au-delà des quatre pays. Toutefois, l'intensification du mouvement d'insurrection depuis une dizaine d'années a participé à la désertification de beaucoup de ces communautés, ne laissant que peu d'activités économiques opérationnelles. Au lieu du commerce, certains d'entre eux sont témoin maintenant d'une croissance du trafic des armes, des drogues illicites, du banditisme armé, des kidnappings et de divers genres de crimes (centre de DREP, 2017). 8. La région du lac Tchad est fréquemment citée comme une région souffrant des conséquences du changement climatique et de la désertification, avec pour résultat des activités économiques limitées autour de l’agriculture, de la pêche et du commerce qui, à leur tour, augmentent la sensibilité à la violence et au crime (LCBC, 2015). Les quatre pays de la région du lac Tchad sont caractérisés par des populations qui sont pour la plupart pauvres et dépendent primordialement de l'agriculture de subsistance, avec des occasions limitées d'ajout de valeur et d'innovation. 9. Les niveaux faibles de densité de population et d'urbanisation créent également des défis pour l'activité du secteur privé. La population de la région du lac Tchad la classerait parmi les 50 pays principaux dans le monde, s'il s'agissait d'une nation unique. Cependant, comme rapporté par Magrin et Pérouse de Montclos (2018), le niveau d'urbanisation du Bassin est inférieur aux moyennes nationales (excepté au Tchad). 2 Tableau 1 : Estimations de population pour la région du lac Tchad Niger Nigéria Tchad Cameroun Totale de la Région du lac Tchad Superficie km2 138 149 149 695 163 851 91 135 542 830 Estimations de la population en 2017 627 828 16.661.258 4.469.250 7.370.988 29.129.324 Densité par km2 4,54 111,30 27,28 80,88 53,66 Source : AFD 2018 10. Les quatre pays affichent un mauvais score par rapport aux indicateurs d'environnement des affaires, même à un niveau national, (Tableau 2) et on peut supposer que les conditions dans les zones encadrant le lac Tchad sont au-dessous des moyennes nationales. Au cours de la dernière décennie, l'insurrection de Boko Haram a assurément eu un impact négatif sur les infrastructures, l'état de droit et l'environnement réglementaire global dans lesquels les entreprises doivent interagir. Tableau 2 : Indice de « Doing business » et Entreprenariat Tchad Cameroun Niger Nigéria Ranking ‘Doing Business’ Nombre de pays 181 166 143 146 Couvert : 181 Entreprenariat Nombre de pays 137 121 S/O 101 Couvert : 164 Sources : Banque mondiale, 2019 ; Global Entrepreneurship and Development Institute, 2019 11. Avant l'insurrection, la grande partie des échanges transfrontaliers dans le Nord-est du Nigéria s'effectuaient par l'état de Borno. Actuellement, la situation est complètement différente. Tous les itinéraires passant par Borno, y compris ceux traversant Bama, Banki et Monguno, sont pratiquement inaccessibles dans certains secteurs. L'évaluation commune de la reprise du marché et des moyens de subsistance dans le nord-est du Nigéria (2017) a permis d'estimer que plus de 700 véhicules utilitaires avait été attaqués par les insurgés au cours des années précédentes, principalement dans Borno. Aboutissant de ce fait à la fermeture ou l'utilisation limitée d'un grand nombre de routes principales, une situation qui s'est partiellement améliorée depuis 2015 seulement. Cette amélioration a requis de la part des transporteurs, des commerçants et des fermiers qu'ils utilisent des itinéraires alternatifs comportant moins de risques, principalement via Yobe et Adamawa, quoique ceux-ci augmentent considérablement les distances de trajet et les coûts de transport. 3 Figure 1: Zones présentant un risque de sécurité dans la région du lac Tchad Source: données de l’enquête, 2019 12. Le commerce transfrontalier à travers la région du lac Tchad s'effectue principalement de manière informelle. Les carrefours commerciaux sont restés en grande partie traditionnels, composés de structures dévastées et de modalités administratives extrêmement insatisfaisantes. Au cours des récentes décennies, le Niger a fait des efforts pour développer l'infrastructure de base et soutenir des marchés négociant du bétail, en raison de la centralité du bétail et des petits ruminants pour l'économie locale. Ces efforts ont été moins évidents au Nigéria et au Cameroun. 13. Aujourd'hui, le choix des itinéraires va au-delà de l’aspect économique. La principale préoccupation des commerçants et des transporteurs est la sûreté. Ils suivent de plus longs itinéraires et des terrains souvent inimaginables pour éviter de multiples menaces sur leur sécurité. Quoique le volume de marchandises commercées ait chuté brusquement au cours de la dernière décennie, l'ingéniosité des commerçants et des transporteurs a permis de maintenir plusieurs des itinéraires fonctionnels. 14. En dépit de ces limitations d'accès et de ces limites de sécurité - et une présence accrue de sécurité dans quelques zones - le réseau complexe des relations familiales, les communautés frontalières interconnectées et les alliances locales, particulièrement avec le personnel de sécurité, peuvent surmonter et surmontent d'ailleurs beaucoup de restrictions officielles au commerce et au mouvement des personnes, les frontières de la région du lac Tchad demeurant donc relativement poreuses. 4 2.1 Itinéraires commerciaux transfrontaliers viables dans la région du lac Tchad 15. Quoique la région du lac Tchad soit encore considérée volatile, deux itinéraires viables au moins existent au sein de la région du lac Tchad au Cameroun, au Tchad et au Niger. Ce sont les itinéraires que les commerçants et les transporteurs ont trouvés relativement sûrs et aptes à faciliter les échanges transfrontaliers. Ils comprennent : a. Geidam/Nguru, Etat de Yobe - Diffa, itinéraire du Niger ; b. Le Yola/Mubi, Etat d'Adamawa - Garoua, itinéraire du Cameroun. 16. Pour ce qui est des conditions de sécurité des itinéraires, les deux ont été considérés relativement peu risqués en juin 2019 en raison des points suivants : a. L'insurrection a été contenue le long des itinéraires ; b. Présence de personnel de sécurité dans des endroits stratégiques ; c. Proximité des passages de la frontière vers les villes marchandes principales ; d. Participation de la Communauté dans la sécurité, et e. Attaques limitées sur les commerçants par les voleurs armés. 17. Le défi principal rencontré sur tous les itinéraires est l'infrastructure, principalement l'état des routes et des ponts. Le côté nigérian des routes reliant Geidam et Diffa est assez bon comparé aux routes entrant au Niger. Les routes de Yola-Mubi sont dans un état raisonnable mais toutes les routes de Mubi au Cameroun se sont avérées extrêmement mauvaises et dans plusieurs cas, impossibles à utiliser. Figure 2 : Routes vers Mubi Source: données de l’enquête, 2019 5 18. La route de Mubi est toutefois généralement plus stratégique pour la Région du lac Tchad parce qu'elle relie le Nigéria avec le Tchad par l'intermédiaire du Cameroun et il s'avère que le volume et la valeur des marchandises commercées étaient bien plus importants que ceux de l'itinéraire de Geidam/Nguru-Diffa. Figure 3 : Entrées et sorties de marchandises commercées à travers le carrefour commercial transfrontalier de Mubi/Yola avec le Tchad et le Cameroun Source : données de l’enquête, 2019 19. Ces itinéraires sont parcourus quotidiennement par les négociants locaux et étrangers et leurs représentants (bon nombre d'entre eux sont indiens, chinois ou libanais) qui se spécialisent dans le commerce des récoltes, les sociétés de fabrication à moyenne et grande échelle (moulins à huile, brasseries, confiserie etc.), les spéculateurs de récolte et les réseaux des transporteurs. L'approvisionnement considérable en argent comptant (estimé en milliards de naira par les négociants locaux) du réseau des marchés le long de ces itinéraires attire les récoltes et le bétail en provenance du Tchad, du Cameroun et du Niger. Les fermiers et les commerçants d'autres pays du lac Tchad emploient à leur tour une partie du montant produit pour acheter des produits finis et semi-finis – des produits des marchés nigérians à vendre dans leurs propres pays. 20. Même avec les différences de devises qui rendent les transactions formelles difficiles, les commerçants ont trouvé commode d'accepter les devises de chacun sur les marchés principaux de la frontière ; le naira et le franc CFA sont employés dans la plupart des communautés frontalières, telles que Mubi, Geidam, Kizandi, Diffa, Bardnake, Ngeli, Gambori, et Potocol. Pour des transactions plus importantes, il existe des bureaux de change pour le changement de devises. Ce qui est intéressant est que la différence de langue entre les voisins anglophones et francophones ne nuit pas aux activités commerciales, car l’Hausa est largement parlé sur les marchés transfrontaliers, de pair avec le Fulfulde et le Kanuri. 6 Figure 4 : le commerce en provenance du Niger par le carrefour commercial de Geidam/Nguru Source : données de l’enquête, 2019 2.2 Position stratégique du Nigéria dans le commerce transfrontalier du lac Tchad 21. Le Nigéria contribue à environ la moitié du PIB occidental africain, principalement du fait de sa base de fabrication et de ses carrefours historiques, par le biais desquels de grands volumes de marchandises et de services transitent au niveau des frontières, particulièrement avec les pays voisins ; et ceci malgré des infrastructures dévastées, une mauvaise assistance administrative, une gouvernance faible et de l'insécurité (Hoffmann et Melly, 2015). En outre, le pouvoir d'achat des consommateurs nigérians, dont le pays possède une économie solide et diversifiée ainsi que des pétrodollars, offre des opportunités de marché pour les produits et le bétail d'autres pays du lac Tchad. 22. Il est important de noter toutefois qu'en dépit du large volume du commerce transfrontalier et ce que cela implique pour les économies locales, la majeure partie du côté nigérian de la frontière a été officiellement clôturée depuis la manifestation d'Ebola et les conséquences de l'insurrection à grande échelle des années précédentes. Les entrevues avec les commerçants locaux en juin 2019 ont fait ressortir qu'il en coûtait 4.500-5.000 naira2 en paiements officieux à un individu pour traverser le pays par sa frontière avec le Cameroun. Pour que les camions traversent dans un sens ou dans l'autre, la fourchette s'étale en gros de 2 Autour de 12.50- 14.00 USD à un taux de change au comptant de 360 naira pour un dollar. 7 100 000 à 2 000 000 naira. En bref, les échanges commerciaux transfrontaliers de la région du lac Tchad tendent à être intimidants, difficiles et chers. 2.3 Efforts régionaux 23. Un développement économique et commercial coordonné est primordial pour la stabilité nationale et régionale. Chacun des quatre pays et les états et les provinces les plus proches du lac ont un rôle essentiel à jouer dans la facilitation commerciale. Cependant, la reconstruction de la confiance pour permettre une meilleure coopération des acteurs du secteur privé prendra du temps et des efforts ainsi qu’un investissement considérable dans les infrastructures, les intrants, les qualifications et l'amélioration de l'état de droit. 24. Les autorités doivent se concentrer sur la sécurisation et l'amélioration de leurs zones frontalières, dans le but de générer davantage d'opportunités de croissance, un meilleur accès au marché, et une création d'emplois plus dynamique, qui sont essentiels pour la stabilité et le développement régionaux de la région du lac Tchad. En outre, elles doivent opérer avec les organes nationaux et internationaux appropriés afin de résoudre les incompatibilités des systèmes financiers de la région du lac Tchad, qui se servent du Franc CFA ouest africain, du Franc CFA d'Afrique centrale et du Naira, grande difficulté dans le commerce transfrontalier comme observé par Hoffman et Melly (2015). 25. La Stratégie régionale pour la stabilisation (SRS), le relèvement et la résilience des régions affectées par Boko Haram dans la région de Bassin du lac Tchad est au cœur des récents efforts régionaux. Elle a été formellement validée par le LCBC et approuvée par l'Union africaine (UA) vers la fin 2018 (voir encadré). L'augmentation des efforts pour favoriser l'activité économique régionale et le commerce transfrontalier, tels que ceux décrits ici, pourrait être au cœur de l'exécution de la SRS, laquelle est un thème fondamental de la réunion du Forum des gouverneurs de Niamey. La SRS, l'économie régionale et le commerce transfrontalier Les neuf piliers de la SRS incluent : Pilier 5 (sur le gouvernement et le contrat social), qui discute de la nécessité d'améliorer la coopération frontalière. Pilier 6 (sur le rétablissement socio-économique et la durabilité environnementale) qui accentue la nécessité de soutenir des vies durables, d'améliorer les infrastructures pour l'intégration économique régionale, de créer un environnement favorable aux affaires et de garantir la durabilité environnementale. 2.4 La nécessité de développer des structures commerciales régionales sécurisées 26. Le capital nécessaire à l’ampleur pour reconstruire l'infrastructure et rétablir des chaînes de valeurs de création d'emploi circule rarement dans les zones de conflit et de violence, pour des raisons évidentes. Comme déjà indiqué, la sécurité, l'infrastructure et la demande du marché doivent être renforcées ensemble si une activité significative du secteur privé (des micro-entreprises aux processeurs à grande échelle) devait reprendre dans la région. 8 27. Les rapports récents ont souligné le besoin de formaliser le commerce pour contribuer à augmenter les opportunités de croissance, de stabilité et d'emplois. Ces rapports incluent Nigeria’s Booming Borders: The Drivers and Consequences of Unrecorded Trade, (Chatham House 2015) et un bref rapport financé par l'UE sur l'utilisation des zones économiques spéciales dans les régions touchées par le conflit. Ces rapports s’inspirent des meilleures pratiques globales et expériences d'autres pays. Néanmoins, l’opérationnalisation de ces recommandations serait difficile dans le contexte de la région du lac Tchad. C'est une région qui possède peu d'historique de marchés et de pôles (clusters) systémiques et formalisés, et certaines parties des chaînes de valeurs sont opérées par des acteurs du secteur informel non structurés, s’appuyant sur une culture de confiance et familiarité. Cependant, les arrangements informels ont leur limite lorsqu'il s'agit d'obtenir des résultats en matière de croissance et d'emplois. 28. Comme déjà mentionné, une option à envisager dans le contexte des conflits actuels serait de créer des ZECS. Le Forum aura sans aucun doute un grand nombre d'idées au sujet de leur faisabilité et sur la façon dont celles-ci pourraient être créées et où, ainsi que sur le type de régimes sous lesquels ces zones pourraient fonctionner. Les caractéristiques suivantes pourraient être considérées comme point de départ :  Partenariat entre les forces de sécurité, les gouvernements locaux et nationaux pour créer des secteurs sécurisés permettant des opérations commerciales et des conditions de vie relativement normales ;  Des logements sécurisés pour les ouvriers et les familles reliés à une infrastructure sociale essentielle telle que des écoles, des magasins et des hôpitaux ;  Des terres agricoles entretenues pour une production agricole reliée aux services de vulgarisation (aide au développement agricole), un appui à la mécanisation et des intrants de qualité ;  Des parcelles de terrain entretenues pour de la valeur ajoutée ;  Des services de soutien et des infrastructures pour le transport et le stockage ;  Un régime de gestion du secteur privé basé sur un modèle de concession responsable de favoriser les zones et de faciliter les investisseurs ;  Une stratégie de sécurité clairement articulée permettant de fournir aux ouvriers et aux investisseurs la confiance nécessaire à l'établissement de leurs opérations. 29. Les ZECS pourraient commencer en tant que petites zones qui auraient le potentiel de s'étendre une fois le modèle confirmé. Par la suite, les zones pourraient avoir leurs propres régimes fiscaux et réglementaires et même opérer à travers la frontière, offrant une chance équitable aux producteurs et commerçants à travers la région. 30. Selon leurs endroits, les ZECS pourraient fonctionner aux postes transfrontaliers à arrêt unique, qui pourraient être établis et exploités conjointement par des autorités des deux côtés de certaines frontières, réduisant le coût et le temps impliqués dans le commerce international par le biais d'une infrastructure partagée. L'appui d'un partenaire de développement pour construire ces matériels et logiciels serait utile. L'expérience dans la région Communauté d'Afrique de l'Est a créé des résultats impressionnants en augmentant l'efficacité commerciale. 31. Un arrangement transfrontalier parallèle du marché où les transactions informelles peuvent fonctionner en parallèle des groupes formels dans une zone si sécurisée pourrait fournir un environnement favorable aux réseaux de fermiers, transformateurs, financiers, transporteurs, à l'entreposage ; des modalités communes en matière de sécurité et de douanes permettraient d'initier le processus essentiel d'instauration d'un sentiment de confiance parmi 9 les investisseurs potentiels et existants de la région. Les zones procureraient également des opportunités aux acheteurs et aux transformateurs d'investir dans des équipements à valeur ajoutée dans la région plutôt que d'exporter les matières premières vers d'autres endroits. 32. Plutôt que de s'embarquer sur des initiatives de développement économique à l'échelle de la région, les autorités pourraient expérimenter le développement de zones économiques et commerciales sécurisées (ZECS) induit par la demande autour des deux itinéraires commerciaux transfrontaliers à haut-potentiel identifiés. Il s'agit de : a. Yola/Mubi-Cameroun-Tchad: cette zone sécurisée couvrirait Yola (Jimeta, Gerei, Wuro-Bokki, chanson, Gombi, Mubi, Sahuda, Bahuli et d'autres villes environnantes) ; le Nord et une certaine partie des régions de l’extrême nord du Cameroun (Bardnake, Nakong, Tchevi, Burha, Gili, Garoua, Maroua et d'autres villes environnantes) ; b. Geidam/Nguru-Diffa: Cette zone couvrirait Yobe (Geidam, Nguru, Babban-Gida) et Diffa. 33. L'établissement d'une zone sécurisée autour de ces itinéraires transfrontaliers exploiterait les succès enregistrés sur le plan de la sécurité et l'ingéniosité des opérateurs du secteur privé qui veillent actuellement à ce qu'un certain niveau de transactions frontalières soit maintenu. Figure 5: Lieux envisageables pour des zones économiques et commerciales sécurisées Source : données de l’enquête, 2019 10 2.5 Opportunités commerciales stratégiques 34. La création d'une zone sécurisée n'est en aucun cas un exercice à court terme. Elle exige une planification soigneuse, de la coordination et un cadre légal et administratif fonctionnel. Plus fondamentalement, il faudrait également obtenir une adhésion régionale et aboutir à des modalités multi-états de développement des infrastructures et économiques, ainsi que des ressources massives. Finalement, si sa création est réussie, une zone sécurisée pourrait devenir un cas d'école propre à générer des leçons et être répliqué dans d'autres régions de la région du lac Tchad. 35. En raison des conditions préalables et du calendrier lié à la création de ZECS, d'autres opportunités de créations de groupes viables doivent être explorées, particulièrement dans les secteurs à l’avantage comparatif régional. 36. L'occasion d'améliorer la production agricole, la transformation, le commerce transfrontalier et la croissance des petites et moyennes entreprises (PME) existe le long des deux zones identifiées et d'autres endroits dans la région du lac Tchad. Par exemple, le sésame est en forte demande dans le Sud-est asiatique et la région du lac Tchad est le plus grand producteur de sésame exporté par Lagos. Les arachides et le niébé sont des cultures de rente pour la plupart des fermiers dans la région du lac Tchad. Le niébé est très demandé dans la partie sud du Nigéria, et souvent exporté vers l'Europe, principalement par Lagos, alors que l'arachide provenant des moulins à huile de Kano est en très forte demande. 37. Obtenir une plus grande valeur sur ces chaînes de valeur requiert une planification soigneuse et le développement de clusters, du développement de capacités, des groupes de femmes et coopératifs fonctionnels, des incubateurs d'affaires pour les femmes et les jeunes et l'accès amélioré aux finances, aux intrants et aux marchés. Le défi principal consiste en l'aspect informel des activités économiques locales, avec peu de qualifications et de ressources disponibles. 38. La région du lac Tchad a démontré sa viabilité agricole dans certaines récoltes principales. Elles incluent le sésame, le niébé et les arachides. Les fermiers locaux, particulièrement les femmes, font souvent pousser ces récoltes comme des cultures de rente et échangent ou vendent les récoltes pour acheter des intrants agricoles à destination de la production de nourriture et pour acheter des produits de base pour le foyer ou pour payer les frais de santé, transport, et autres services. Il est commun de voir des femmes marcher cinq kilomètres ou plus pour vendre quelques kilogrammes d'arachides ou de niébé sur les marchés, et acheter du savon, sucre et autres marchandises de base avec la recette obtenue. Clairement, l'activité fermière dans les communautés rurales se concentre essentiellement sur la subsistance, à l'aide d'outils manuel de base. Même avant l'insurrection, la croissance de l'agriculture était freinée par le manque de fournisseurs d'intrants organisés et certifiés, une capacité de transformation locale limitée, des associations de fermiers faibles, et l'absence virtuelle de services de vulgarisation agricole. 39. De grandes surfaces de terres cultivables, particulièrement dans les zones frontalières du Cameroun – telles que Tchevi, Burha, Gili, Mogode, Bardnake, et Nakong – sont sous- exploitées en raison du manque de finances, d'intrants et d'appui. Comme souligné par l'Institut de développement agricole du lac Tchad, d'autres tentatives de développer certaines chaînes de valeurs ont eu lieu dans la région du lac Tchad, aboutissant à l'établissement de centres agricoles de recherches. Les récoltes visées ont inclus le millet, sorgho, riz, légumes, dolique de Chine, sésame, sojas et blé. Le bétail et les poissons ont également été inclus. En raison du financement limité des établissements, des investissements à grande échelle limités, et de l'insurrection en cours, aucune amélioration apparente de la chaîne de valeurs n'a été observée avec le temps. Aujourd'hui, les fermiers reviennent progressivement dans leurs 11 fermes et les organisations internationales, tels que l'Institut international de recherche sur les cultures des zones tropicales semi-arides (ICRISAT) et, L'Organisation des Nations unies pour l'Alimentation et l'agriculture (FAO) soutiennent des programmes agricoles du gouvernement dans la région du lac Tchad. Fréquemment, le manque de coordination des interventions, des associations de fermiers faibles, et des investissements privés limités ont été identifiés en tant que facteurs limitants. Figure 6 : Chaînes d’approvisionnement des cultures de sésame, de niébé et de noix de cajou Source : données de l’enquête, 2019 2.6 Centres communautaires d'acquisition de qualifications 40. La région du lac Tchad dépend en grande partie de carrefours éloignés pour l'approvisionnement en biens de consommation de base, dont l'huile de table, les meubles, les produits en métal, l'eau de table, le textile et les vêtements, comme le montrent les indications de la Figure 7. Le développement de capacités par le biais de l'établissement de centres communautaires d'acquisition de qualifications contribuerait à améliorer la productivité locale et à fournir de la main d'œuvre et des services aux clusters mentionnés ci-dessus, aux ZECS et autres secteurs tels que la confection de vêtements, l'hospitalité, la construction, les technologies de l'information et de la communication (TIC), les réparations de véhicules à moteur et électroniques, etc. Les principales solutions alternatives de création d'emplois pour les jeunes sont le transport en moto et tricycle, le petit commerce et le commerce informel de carburant à travers les frontières. Les personnes déplacées atterrissent souvent dans ces secteurs, en l'absence d'autres opportunités. 41. Tandis qu'il y a beaucoup de programmes de formation en cours et que quelques centres d'acquisition de qualifications ont été établis, ceux-ci se trouvent la plupart du temps dans les communautés urbaines plutôt que rurales, et les efforts globaux sont insuffisants. Il est donc impératif d'accroître les efforts pour identifier les lacunes en matière de qualifications et de concevoir de meilleurs programmes de formation et de mentorat, qui soient adaptés à la demande locale du marché du travail. Il faut par ailleurs étendre les 12 opportunités de formation au-delà des villes principales. Le développement local des qualifications pourrait permettre de réduire la dépendance aux autres régions quant à l'approvisionnement en marchandises et services de base, dont notamment en matière de menuiserie, confection, transformation de produits alimentaires à petite échelle, métallurgie, et la réparation de véhicules, téléphones et de l'électronique. 42. En résumé, les besoins en qualifications des habitants de la région vont bien au-delà des techniques agricoles de base. En sus de la formation et du mentorat décrits, il faudrait compléter par d'autres mécanismes de soutien tels que la micro-finance, la fourniture d'équipements, d'outils et d'aires de travail sécurisées afin de garantir la possibilité d'utiliser les qualifications nouvellement apprises pour gagner sa vie. Figure 7: textiles/fabrication : Biens de consommation Source : données de l’enquête, 2019 3 Conclusions 43. Les défis se posant aux gouvernements, aux partenaires de développement et aux investisseurs ne devraient pas être sous-estimés. S'attaquer à l'ensemble complexe des contraintes des activités privées qui ont pris des décennies à être mises en place prendra du temps et un certain degré de volonté politique et de consensus parmi les intervenants, ainsi que des ressources en investissement considérables. La résilience du commerce à son niveau actuel parmi les quatre pays est un témoignage en soi de l'ingéniosité et du courage des commerçants plutôt que d'un quelconque appui des institutions publiques. 44. L'occasion de créer des ZECS pourrait représenter une première étape de normalisation d'au moins une partie de la région du lac Tchad mais cela prendrait un temps et des ressources considérables. L'idée de zones frontalières, bien qu'elle ne soit pas nouvelle, sera clairement délicate. Des efforts à plus petite échelle comme des zones sécurisées dans chaque pays reliées par les postes frontières à arrêt unique pourraient également être considérés comme une première étape de mise en confiance. À moyen terme, l'intégration des 13 chaînes de valeurs transfrontalières pourrait aider à créer des économies sécurisée et durable que les citoyens et les gouvernements de la région du lac Tchad cherchent. Cela exigera un développement soutenu de la chaîne de valeur et du développement des capacités, particulièrement dans les secteurs à l'avantage comparatif. 45. Certains des points d'action suivants, qui visent également à répondre aux questions citées ci-dessus, sont ambitieux mais paraissent plus faisables dans un calendrier à court ou moyen terme. Il appartiendra aux gouvernements, aux investisseurs du secteur privé et aux partenaires de développement de décider lesquels poursuivre et prioriser. 4 Résumé des recommandations 1) Services d'accompagnement des PME : Il serait utile d’encourager le développement des industries légères, telles que la menuiserie, les TIC, la soudure, confection, mécanique et métallurgie, etc. pour augmenter le volume du commerce transfrontalier des produits finis et pour offrir des opportunités d'emploi aux femmes et aux jeunes. Les services pourraient être fournis par le biais d'un réseau d'agences de soutien aux petites entreprises (peut-être appelé Agences d'Entreprises). Ces agences pourraient être établies à un niveau sous-régional et être ainsi adaptées aux conditions locales pour garantir aux petites entreprises existantes et potentielles un accès aux finances, aux qualifications, aux intrants et aux marchés. 2) Commerce transfrontalier : Les gouvernements devraient collaborer pour créer un cadre politique et un programme d'investissement dans les infrastructures qui pourrait améliorer l'infrastructure transfrontalière et réduire le coût formel et informel du commerce transfrontalier. 3) Accès au financement : Bien que les banques commerciales commencent à retourner dans la région, elles sont généralement des prêteurs qui fonctionnent sur la base de prêts garantis dont les seuils minimum sont élevés ; elles ont donc un intérêt limité pour la plupart des clients potentiels de la région. Les Agences d'entreprises pourraient potentiellement fonctionner avec des fournisseurs de services de micro- finance – voire de services financiers plus importants – proactifs pour mettre en œuvre des programmes de prêt à court terme et pour garantir des projets qui encourageront les prêteurs à considérer et soutenir la région. 4) Services de vulgarisation agricole : Il y a un besoin de travailler avec des projets de développement agricole pour accompagner les fermiers à l'aide de services de vulgarisation agricole, d'intrants de qualité adaptés aux conditions climatique et au sol actuel, et d'infrastructures de base d'irrigation. 5) Acquisition des qualifications : Comme déjà mentionné, le besoin en formation à travers la région est considérable, même pour ceux dont l'éducation est limitée. L'acquisition de qualifications devrait être liée aux services ci-dessus de sorte que des résultats économiques pratiques ressortent des activités de formation et de mentorat fournies. 6) Chaînes de valeurs principales : La région a une histoire riche d'agriculture et de culture mais est sérieusement touchée par le changement climatique. La région devrait étudier les futurs types et activités de récolte qui peuvent s'épanouir dans l'environnement actuel et proposer des services de support pour permettre leur croissance. Axer l'action sur les chaines de valeurs principales permettrait aux gouvernements d'envisager le développement d'infrastructures spécialisées telles que le transport et la logistique, les télécom etc. Cela rendrait ces secteurs plus concurrentiels et attrayants. 14 7) Mécanisation : Il faudrait favoriser l'utilisation d'instruments modernes par le développement de services de location d'équipement afin d'améliorer la production et la qualité agricole. Il serait encore mieux d'assembler l'équipement dans la région. 8) Transformateurs à petite échelle : Il y a un besoin d’installation de transformateurs à petite et moyenne échelle. Ils ajouteront de la valeur aux produits commercés à travers les frontières par la location d'équipement, le financement des flux de trésorerie et la plus grande disponibilité de petites unités de production « prêtes à l'emploi » proposant des services appropriés, y compris l'accès à l'énergie, et aux matières premières. 9) Travailler ensemble : Il serait utile de renforcer les coopératives de fermiers et de commerçants et de faciliter les liens avec des acheteurs par le biais du développement des infrastructures du marché, physiques et virtuelles. 10) Associations professionnelles regroupant de petites entreprises : Soutenir et renforcer ces associations aideraient les compagnies locales dans leur action de plaidoyer auprès du gouvernement pour répondre aux préoccupations et besoins prioritaires. Cela prendrait un certain temps pour renforcer les capacités et pour gagner de la crédibilité et la confiance des intervenants. 11) Recherche : Des autorités et partenaires pourraient communiquer avec les instituts de recherche agricoles pour produire et disséminer des technologies et des variétés aux fermiers par le biais des services de vulgarisation ci-dessus décrits. 12) Construction d'une image et promotion des investissements : Toutes les zones de la région du lac Tchad souffrent d'une mauvaise réputation en matière de lieu où investir et faire des affaires, car le conflit fait les grands titres de la presse. Des efforts pour documenter de réelles opportunités et les présenter aux investisseurs éventuels contribueraient à changer la perception et à établir un sentiment de confiance dans la région. A cette fin, la création de structures de promotion au niveau étatique pourrait être proposée, éventuellement en ajoutant un organe de coordination pour la région. Les structures étatiques fonctionnent déjà dans quelques autres états nigérians, à partir desquelles des leçons pourraient être apprises. 13) Réserves de pâturage : Des efforts de favoriser l'établissement de réserves de pâturage pourraient être renforcé pour encourager la production animale et l'établissement d'installations de traitement de la viande. Les éleveurs se sont récemment déplacés en grands nombres vers les régions du sud du Nigéria et ailleurs notamment pour assurer des réserves de pâturage ou des régions d'élevage. Les occasions existent dans des réserves de pâturage dédiées dans l'état d'Adamawa au Nigéria et la région nord et extrême nord au Cameroun. En outre, Diffa au Niger et Yobe au Nigéria pourraient avoir le potentiel d'attirer des investissements privés dans le domaine de la transformation de la viande ce qui produirait invariablement une plus grande activité économique locale. Cela pourrait potentiellement mener à une chaîne de valeurs de viande de la région du lac Tchad. 10 juillet 2019 15 Références Costalli, S., Moretti, L. & Pischedda, C. (2017). The economic costs of civil war: synthetic counterfactual evidence and the effects of ethnic fractionalization. Journal of Peace Research, 24 January 2017. DREP Center (2017). Dialogue with Nigerian and Cameroon border communities, Activity Report, published by DREP Center, Jos, Nigeria. Banque mondiale et Union européenne (2017). Innovative role of special economic zones (SEZs) and clusters of companies in promoting economic growth in conflict-affected counties. Hoffman, L.K. & Melly, P. (2015). Nigeria’s Booming Borders: the drivers and consequences of unrecorded trade, Chatham House Report, London, December. Holleman, C., Jackson, J. and Vos, R. (2017). Sowing the Seeds of peace for food security, Disentangling the nexus between conflict, food security and peace, FAO, Rome. Igue J. (1995). 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