198 Développement humain Janvier 2002 Findings fait le point sur les travaux en cours dans les domaines opérationnels, économiques et sectoriels entre- pris par la Banque mondiale et ses états members dans la Région Afrique. Le bulletin est publié périodique- ment par le Centre de Documentation pour le compte de la Région. Les opinions émises dans Findings n'engagent que le(s) auteur(s) et ne sauraient être attribuées au Groupe de la Banque mondiale. Education des adultes en Ouganda: résultats et enseignements Cet article résume une évaluation de 1999 tion, laquelle est la plus efficace et des programmes d'alphabétisation des quels sont les coûts comparatifs ? En adultes en Ouganda. Le programme prin- particulier, comment l'approche cipal était le "Programme REFLECT (Technique Freiréenne d'Alphabétisation Fonctionnelle des d'Alphabétisation et de Adultes" (AFA) du Gouvernement Communication Révisée) se com- ougandais, lancé en 1992 et en 1999, et pare-t-elle aux autres ? qui était opérationnel dans 26 des 45 dis- tricts. En outre, quelques programmes Qu'est ce que l'évaluation a trouvé ? pilotés par des organisations non-gou- vernementales (ONG) étaient également La section ci-dessus présente les princi- évalués. paux résultats de l'évaluation. L'évaluation s'intéressait aux effets de ces 1ère Question: A quel point des adultes qui programmes à long terme, mais pas à leur ont terminé avec succès leur cours d'al- processus ni aux résultats immédiats. Elle phabétisation se rappellent-ils comment a tiré à l'échelle nationale un échantillon lire, écrire et calculer ? Il faut noter que de 800 néo-alphabétisés, ainsi que de presque trois quarts des néo-alphabétisés petits échantillons de gens analphabètes, interrogés avaient fréquenté l'école pri- des élèves de CE1 et CE2, des formateurs maire ! En fait, plus du tiers de ces néo- en alphabétisation et des leaders et fonc- alphabétisés avaient eu entre cinq et huit tionnaires locaux. Pour l'éducation des ans de scolarité. Les Figures 1 à 3 donnent adultes, ceci était exceptionnellement un les pourcentages de réponses justes de grand effort. l'échantillon total des adultes, les trois sous-groupes de l'échantillon et les élèves Quelles étaient les questions posées par du CE2 (comme prévu, les élèves du CE2 les évaluateurs? dépassèrent ceux du CE1 dans toutes les épreuves). L'évaluation a posé quatre questions prin- cipales : Figure 1. Lecture-compréhension de texte: pourcentages des réponses justes ·A quel point des adultes qui ont ter- miné avec succès leur cours d'al- Figure 2. Calcul: pourcentages des phabétisation se rappellent-ils com- réponses justes ment lire, écrire et calculer ? ·Dans quelle mesure utilisent-ils leurs Figure 3. Ecriture: pourcentages des aptitudes ? scores obtenus en moyenne par ceux qui ·Comparés aux analphabètes, (a) ont effectivement pris part au test d'écrit- ure quelles connaissances des thèmes " fonctionnels " exhibent-ils ; (b) Evidemment, même les adultes qui n'ont quelles sont leurs attitudes vis-à-vis jamais été à l'école firent mieux que les des thèmes " fonctionnels " ; et (c) élèves du CE2 en compréhension et en dans quelle mesure mettent-ils en calcul. Toutefois, en écriture, les élèves du pratique ce qu'ils ont appris ? CE2 en moyenne firent mieux que les ·Comme il y a habituellement groupes d'adultes. plusieurs approches en alphabétisa- sont les coûts comparatifs ? En particulier, ceux dans les autres programmes aux tests 2ème Question: Dans quelle mesure les néo- comment l'approche REFLECT(1) se sur les rudiments d'alphabétisation et dans alphabétisés utilisent-ils leurs aptitudes ? compare-t-elle aux autres ? Ce qui s'est les réponses aux questions d'information, Au total, 80% des néo-alphabétisés inter- produit, c'est que les évaluateurs n'avaient et sur les attitudes et pratiques. rogés disaient utiliser et revaloriser leurs pu comparer que quelques groupes d'AFA L'incertitude que cela engendre à propos nouvelles aptitudes et connaissances ; et de REFLECT, si bien que les résultats de ce que devrait être la politique la plus 60% disaient être engagés dans des activ- obtenus ont été qualifiés de provisoires. avisée pour les facilitateurs se reflète dans ités génératrices de revenus liées à leurs les expériences conflictuelles connues cours et aptitudes, et affirmaient que leur L'approche REFLECT semblait plus effi- ailleurs dans le monde. vie s'était améliorée par voie de con- cace avec des participants ayant déjà une séquence. Les 20% qui disaient utiliser scolarité, tandis que l'AFA paraissait plus La deuxième question en suspens porte très peu ou pas du tout leurs aptitudes pen- efficace avec des adultes analphabètes. En sur l'équilibre à rechercher entre un cur- saient n'avoir pas atteint un niveau suff- connaissances, attitudes et pratiques, il n'y riculum général national et un ordre d'en- isant. a pas eu de différence entre les partici- seignement taillé sur mesure pour les dif- pants AFA et REFLECT. férents groupes d'intérêt. AFA offre un Quant à leurs aspirations en matière d'ap- programme général national, alors que prentissage dans le futur, près de la moitié Enfin, quels étaient les coûts des pro- REFLECT tire son programme de forma- des néo-alphabétisés souhaitaient appren- grammes? Prenant en compte les diffi- tion des situations locales immédiates. dre l'anglais. Les autres souhaits exprimés cultés et précautions usuelles pour cal- Pour l'évaluation, ces deux approches comptaient chacun pour un nombre réduit culer les coûts des programmes d'éduca- étaient d'une efficacité apparemment de répondants. tion des adultes, les coûts estimatifs requis égale. par type d'approche pour produire un bon 3ème Question: Comparés aux anal- néo-alphabétisé sont les suivants : La troisième question a trait à l'efficacité phabètes, (a) quelles connaissances des relative des diverses méthodes d'enseigne- thèmes " fonctionnels " exhibent-ils ; (b) AFA $ 4 - 5 E.U ment offertes. En examinant seulement les quelles sont leurs attitudes vis-à-vis des REFLECT $ 12 - 15 E.U; approches AFA et REFLECT, l'évaluation thèmes " fonctionnels " ; et (c) dans quelle SOCADIDO $ 20 E.U; ne pouvait juger aucun programme mesure mettent-ils en pratique ce qu'ils CE2 Ecole primaire $ 60 E.U comme étant plus efficace ou moins effi- ont appris ? Les données ont montré que par élève terminant son CE2 en quatre cace que l'autre. La grande différence sur tous les trois aspects, les néo- années. entre les deux programmes est que le gou- alphabétisés avaient réalisé une perform- vernement utilise des traités élémentaires, ance nettement supérieure à celle des anal- Le coût relativement moins élevé de l'ap- tandis que REFLECT en principe travaille phabètes. Cependant, sur le tiers des ques- proche AFA tenait au fait que les forma- avec les participants à bâtir un programme tions, les néo-alphabétisés avaient enreg- teurs n'étaient pas payés. Les ONG accor- qui leur est familier, axé sur leurs propres istré un résultat légèrement meilleur à daient à leurs formateurs les honoraires situations locales, leurs conditions de vie celui des autres, ce qui indiquait qu'une habituels. Pourtant, les formations reve- et leur environnement. portion du curriculum transmettait des naient toujours moins cher que quatre informations généralement déjà connues. années d'école primaire. La quatrième et dernière question en sus- pens est relative à l'intensité de la Sur les attitudes et pratiques, les données Synthèse des enseignements tirés demande en éducation au sein de la popu- ont indiqué que de larges proportions des lation adulte vraiment analphabète. Parmi néo-alphabétisés tendaient à afficher des En résumé, l'évaluation de l'Ouganda a les néo-alphabétisés sélectionnés, ceux attitudes modernes et à adopter des pra- laissé des questions en suspens, mais qui avaient une certaine scolarité étaient tiques modernes. Toutefois, un plus grand entériné quelques enseignements déjà tirés nettement plus nombreux que les vrais nombre de néo-alphabétisés et d'anal- ailleurs dans le monde. La première ques- analphabètes, à trois personnes contre une. phabètes tendaient à afficher des attitudes tion restée en suspens concerne le traite- Ceci signifiait-il que les analphabètes modernes plutôt qu'à réellement adopter ment des formateurs en alphabétisation. n'avaient pas pu s'enrôler dans le pro- de nouvelles pratiques. C'est-à-dire que Les formateurs AFA étaient tous des gramme? Ou que la plupart des anal- les connaissances et les attitudes n'avaient volontaires non rémunérés, tandis que phabètes inscrits n'avaient pas pu, soit ter- pas été automatiquement traduites dans les ceux des ONG recevaient les honoraires miner la formation ou apprendre suffisam- faits. habituels. Les facilitateurs AFA avaient en ment pour réussir au test? moyenne moins d'éducation, moins de for- 4ème Question: Comme il y a habituelle- mation initiale, pas de remise à niveau et Les enseignements que l'évidence des ment plusieurs approches en alphabétisa- peu de soutien en suivi. Mais leurs néo- faits en Ouganda tend à confirmer sont les tion, laquelle est la plus efficace et quels alphabétisés avaient réussi aussi bien que suivants: (1) Cette stratégie éducative a été développée par l'ONG internationale, ActionAid, en 1993 et est actuellement très répandue ·L'importance capitale d'une prépara- ment scolarisés avec des gens com- tion minutieuse et d'une application plètement analphabètes pourrait judicieuse. inhiber ces derniers et saper les Une transmission fiable des connais- objectifs d'un programme. sances et une formation pertinente semblent plus importantes que les ·v. La capacité des adultes de tout âge méthodes et les matières. à apprendre les rudiments de lecture, d'écriture et de calcul : l'évidence ·Les programmes du gouvernement ougandaise montre que 200 à 300 peuvent être aussi efficaces que ceux heures de formation assurées par un des autres institutions. Ceci n'im- instructeur relativement formé per- plique pas que les gouvernements mettent, même aux plus vieux devraient être les seules institutions à adultes analphabètes, d'acquérir et de entreprendre des programmes d'al- maintenir des rudiments d'alphabéti- phabétisation. Les ONG en Ouganda sation. dispensent clairement des pro- grammes tout aussi efficaces. En ·vi. La nécessité d'une vision à long matière de politique, l'enseignement terme de l'alphabétisation comme fondamental à tirer est que des partie intégrante d'un processus pro- cadres suscitant des partenariats gressif et cumulatif pour permettre à dynamiques et complémentaires l'adulte " moyen " d'acquérir une entre les gouvernements et les autres maîtrise adéquate des rudiments et institutions seraient plus utiles aux de continuer d'apprendre comment gens qui pourraient bénéficier de l'é- les appliquer de manière productive. ducation de base des adultes. L'évaluation de l'Ouganda a montré que beaucoup de gens poursuivaient En outre, les ONG, avec à leur actif la leurs cours d'alphabétisation bien prise d'initiatives, l'exploration de nou- longtemps après leur succès au test velles approches et le soutien à l'intérêt final, tout simplement parce qu'ils public pour l'éducation de base des adultes souhaitaient maintenir et améliorer indiquent que les décideurs politiques leurs aptitudes. devraient capitaliser cela et promouvoir les synergies suivantes : ·vii. La nécessité de développer des mécanismes pour combiner l'al- ·iii. La nature auto-centrée de l'éduca- phabétisation en langues nationales tion de base des adultes comme avec l'introduction d'une langue offi- instrument qui profiterait aux pau- cielle. Les résultats en Ouganda cor- vres, surtout les femmes - la plupart roborent ceux d'autres pays multi- des néo-alphabétisés sélectionnés lingues, où seulement une ou deux étaient des femmes issues des langues officielles permettent aux ménages les plus pauvres de leurs gens de s'en sortir avec les signes, communautés. documents et procédures officiels, et facilitent tout aussi bien l'accès aux ·iv. Le souhait d'harmoniser deux emplois rémunérés. La grande envie courants de demande en éducation de d'apprendre l'anglais fortement base des adultes : de l'analphabète exprimée en Ouganda est une ten- complet à celui qui est partiellement dance qu'on retrouve partout en scolarisé. Enrôler des gens partielle- Afrique et ailleurs. Cet article a été rédigé par John Oxenham. Un résumé de 30 pages de cette évaluation est publié dans Adut Education and Development, Vol. 55, 2000, pp. 229-259. Un rapport complet est disponible dans Adult Literacy Programs in Uganda, World Bank Africa Region Human Development Series, 2001 (117 p.). Une description complète de 300 pages de la méthodologie et des résultats est disponible auprès du Ministère de la Femme, du Travail et du Développement Social, Gouvernement de l'Ouganda. L'équipe d'é- valuation de l'Institut d'Education des Adultes et de la Formation Continue de l'Université de Makerere comprenait le Pr Anthony Okech, Dr Anne Ruhweza Katahoire, Dr Teresa Kakooza et Dr Alice Ndidde. Pr Roy Carr-Hill des Universités de Londres et York était également membre de l'équipe. L'évaluation était financée par le Fonds de Crédit du Gouvernement Norvégien et la Banque Mondiale.