FRANÇAIS AVRIL 2019 | VOLUME 19 UNE ANALYSE DES ENJEUX FAÇONNANT L’AVENIR ÉCONOMIQUE DE L’AFRIQUE Ce rapport a été préparé par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique REMERCIEMENTS Ce rapport a été produit par le Bureau de l’économiste en chef pour la région Afrique sous la supervision d’Albert G. Zeufack. L’équipe principale, dirigée par Cesar Calderon, comprenait Gerard Kambou, Catalina Cantu Canales, Vijdan Korman et Megumi Kubota. Thème sélectionné : La partie Des solutions régionales pour échapper à la fragilité en Afrique subsaharienne a été préparée par Cesar Calderon, Megumi Kubota et Zainab Usman. La révolution numérique au service de l’éradication de la pauvreté en Afrique a été préparé par Cesar Calderon et Catalina Cantu Canales. La partie Facteurs à l’origine de la résilience économique en Afrique subsaharienne a été préparée par Megumi Kubota. Le rapport a bénéficié des précieuses contributions de John Baffes, Miguel Angel De Corral Martin, Fannie Dellavelle, Sebastian Essl, Eung Ju Kim, Patrick Alexander Kirby et Marjorie Mpundu. Il a également été enrichi des commentaires et conseils de Jerome Bezzina, Eva Clemente, Jieun Choi, Mark Andrew Dutz, Etaki Wa Dzon, Carolin Geginat, Boutheina Guermazi, Marek Hanusch, Rachidi Kotchoni, Abdoul Ganiou Mijiyawa, Mary Morrison, Emilija Timmis, Greg Toulmin, Melanie Simone Trost, Erik von Uexkull ainsi que des équipes pays. L’édition a été assurée par Sandra Gain. La version électronique et imprimée a été produite par Bill Pragluski et la couverture conçue par Rajesh Sharma. Maura K. Leary a assuré la gestion de la communication avec les médias ainsi que la diffusion, avec le soutien de l’équipe Communications et Partenariats de la région Afrique (AFREC). Beatrice Berman a fourni un soutien à la production et Kenneth Omondi à la logistique. AVRIL 2019 | VOLUME 19 Ce rapport a été préparé par le Bureau de l’économiste en chef de la région Afrique © 2019 Banque internationale pour la reconstruction et le développement/La Banque mondiale 1818 H Street NW, Washington, DC 20433 Téléphone : 202–473–1000 ; Internet : www.worldbank.org Certains droits réservés 1 2 3 4 22 21 20 19 La publication originale de cet ouvrage est en anglais sous le titre de : Africa’s Pulse, No. 18: An Analysis of Issues Shaping Africa’s Economic Future [2018]. En cas de contradictions, la langue originelle prévaudra. Cet ouvrage a été établi par les services de la Banque mondiale avec la contribution de collaborateurs extérieurs. Les observations, interprétations et opinions qui y sont exprimées ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque mondiale, de son Conseil des Administrateurs ou des pays que ceux-ci représentent. La Banque mondiale ne garantit pas l’exactitude des données citées dans cet ouvrage. Les frontières, les couleurs, les dénominations et toute autre information figurant sur les cartes du présent ouvrage n’impliquent de la part de la Banque mondiale aucun jugement quant au statut juridique d’un territoire quelconque et ne signifient nullement que l’institution reconnaît ou accepte ces frontières. Rien de ce qui figure dans le présent ouvrage ne constitue ni ne peut être considéré comme une limitation des privilèges et immunités de la Banque mondiale, ni comme une renonciation à ces privilèges et immunités, qui sont expressément réservés. Droits et autorisations L’utilisation de cet ouvrage est soumise aux conditions de la licence Creative Commons Attribution 3.0 IGO (CC BY 3.0 IGO) http://creativecommons.org/licenses/by/3.0/igo/ Conformément aux termes de la licence Creative Commons Attribution (paternité), il est possible de copier, distribuer, transmettre et adapter le contenu de l’ouvrage, notamment à des fins commerciales, sous réserve du respect des conditions suivantes : Mention de la source —L’ouvrage doit être cité de la manière suivante : Africa’s Pulse, No. 19 : Une analyse des perspectives qui façonnent l’avenir économique de l’Afrique (Avril). Washington, DC : La Banque mondiale. Licence : Creative Commons Attribution CC BY 3.0 IGO Traductions — Si une traduction de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source de l’ouvrage le déni de responsabilité suivant : Cette traduction n’a pas été réalisée par la Banque mondiale et ne doit pas être considérée comme une traduction officielle de cette dernière. La Banque mondiale ne saurait être tenue responsable du contenu de la traduction ni des erreurs qu’elle pourrait contenir. Adaptations — Si une adaptation de cet ouvrage est produite, veuillez ajouter à la mention de la source le déni de responsabilité suivant : Cet ouvrage est une adaptation d’une oeuvre originale de la Banque mondiale. Les idées et opinions exprimées dans cette adaptation n’engagent que l’auteur ou les auteurs de l’adaptation et ne sont pas validées par la Banque mondiale. Contenu tiers — La Banque mondiale n’est pas nécessairement propriétaire de chaque composante du contenu de cet ouvrage. 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ISBN (digital): 978-1-4648-1422-8 DOI: 10.1596/ 978-1-4648-1422-8 Conception de la page de couverture : Rajesh Sharma Table des matières Résumé analytique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 1 Section 1 : Tendances et développements récents. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 1.1 Tendances mondiales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .5 1.2 Développements récents en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .7 1.3 Perspectives. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 1.4 Risques pour les perspectives économiques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 1.5 Politiques visant à créer une croissance durable et inclusive et à renforcer la résilience . . 23 Annexe 1A : Facteurs à l’origine de la résilience économique en Afrique subsaharienne . . 26 Section 2 : Des solutions régionales pour échapper à la fragilité en Afrique subsaharienne . . . 37 2.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37 2.2 Caractérisation des pays d’Afrique subsaharienne touchés par la fragilité, les conflits et la violence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39 2.3 En finir avec la fragilité en Afrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57 2.4 Projets régionaux en cours couronnés de succès pour remédier à la fragilité. . . . . . 64 2.5 Arrangements régionaux en cours visant à aider les pays touchés par le FCV. . . . . . 69 2.6 Voies de sortie de la fragilité. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72 Section 3 : La révolution numérique au service de l’éradication de la pauvreté en Afrique. . 81 3.1 Introduction. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81 3.2 Cadre conceptuel. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 84 3.3 Le Point sur l’économie numérique : une analyse comparative. . . . . . . . . . . . . . . 89 3.4 L’économie numérique comme moteur de développement . . . . . . . . . . . . . . . . 113 3.5 Débat politique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Annexe 3A : L’économie numérique : faits stylisés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130 Annexe 3B : L’impact de l’économie numérique sur la croissance de la pauvreté. . . . . . . 134 Appendice . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 A F R I C A’ S P U L S E > i Liste des encadrés Encadré 1.1 : Évolution récente du marché des produits de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Encadré 1.2 : Évolution récente de la dette publique en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . 17 Encadré 2.1 : Des arrangements régionaux pour remédier à la fragilité et aux conflits violents lorsque les efforts nationaux sont insuffisants . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78 Encadré 3.1 : Jusqu’où l’Afrique est-elle parvenue à atteindre un accès universel à internet ? . 128 Liste des figures Figure 1.1A : Croissance mondiale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Figure 1.1B : Production industrielle et commerce de biens . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Figure 1.1C : Flux d’actions et de portefeuille d’obligations. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 Figure 1.1D : Écarts de rendement des obligations souveraines des marchés émergents . . . . . 6 Figure 1.1E : Évolution de la production de pétrole . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 1.1F : Stocks dans les entrepôts du Marché des métaux de Londres . . . . . . . . . . . . . 7 Figure 1.2A : Contributions à la croissance du PIB réel, en points de pourcentage. . . . . . . . . . 8 Figure 1.2B : Croissance réelle des exportations et du PIB . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 1.2C : Nigéria : croissance du PIB. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Figure 1.2D : Afrique du Sud : croissance du PIB et de l’investissement. . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 1.2E : Production de pétrole : Nigéria et Angola, millions de barils. . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 1.2F : Croissance trimestrielle du PIB dans certains pays . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Figure 1.3A : PMI composite. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Figure 1.3B : Afrique du Sud : indice de confiance des entreprises et PMI manufacturier. . . . . 10 Figure B1.1A : indices de prix des produits de base . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Figure B1.1B : Production de minerai africain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Figure 1.4A : Balance courante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 1.4B : Émissions d’obligations internationales. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13 Figure 1.4C : Inflation, par groupe de pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Figure 1.4D : Taux de change . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Figure 1.4E : Solde budgétaire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure 1.4F : Dette gouvernementale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Figure B1.2A : Dette publique en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 Figure B1.2B : Composition de la dette extérieure . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17 ii > A F R I C A’ S P U L S E Figure 1.5A : Prévisions de croissance du PIB. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 1.5B : Prévisions de prix des matières premières . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 1.5C : Prévisions de croissance du PIB par habitant . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20 Figure 1.5D : Croissance du PIB par habitant, par groupe de ressources . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure 1.5E : Croissance du PIB, par groupe de ressources . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure 1.5F : Croissance du PIB, par groupe régional. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 Figure 1.6A : Écarts EMBI. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 1.6B : Nombre de pays menacés de surendettement en Afrique subsaharienne (% du total). . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 Figure 1.6C : Ratios de la dette publique et du solde budgétaire, 2018 et 2019 . . . . . . . . . . . 23 Figure 1.6D : Catastrophes naturelles en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Figure 1A.1 : Taxonomie des performances de croissance en Afrique subsaharienne. . . . . . . 27 Figure 1A.2 : PIB réel par habitant pour les différents terciles de performance de la croissance en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29 Figure 1A.3 : Dispersion des revenus par habitant pour les différents terciles de performance de la croissance en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . 29 Figure 2.1 : Taux de pauvreté en Afrique subsaharienne, par condition de fragilité . . . . . . . . 42 Figure 2.2 : Inégalité des revenus en Afrique subsaharienne, par condition de fragilité. . . . . 42 Figure 2.3 : Croissance économique en Afrique subsaharienne, par condition de fragilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Figure 2.4 : Rentes tirées des ressources naturelles en Afrique subsaharienne, par condition de fragilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 Figure 2.5 : Termes de l’échange : volatilité, boom et effondrements en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45 Figure 2.6 : Revenu par habitant en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46 Figure 2.7 : Parts sectorielles de l’emploi en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . 47 Figure 2.8 : Parts sectorielles dans la valeur ajoutée en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . 48 Figure 2.9 : Indice de capital humain en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Figure 2.10 : Infrastructure numérique en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Figure 2.11 : Accès à l’électricité en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Figure 2.12 : Facilité à faire des affaires en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Figure 2.13 : Résultats de gouvernance en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Figure 2.14 : Notes CPIA en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56 A F R I C A’ S P U L S E > iii Figure 2.15 : Facteurs géographiques au sein des pays d’Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . 57 Figure 2.16 : Réponse du développement aux impacts des déplacements dans la Corne de l’Afrique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67 Figure 2.17 : Objectifs du projet de réponse du développement régional aux impacts des déplacements . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68 Figure 3.1: Passage d’économies traditionnelles à des économies numériques . . . . . . . . . 86 Figure 3.2 : Fondement de l’économie numérique et cibles de l’initiative Moonshot . . . . . . 87 Figure 3.3 : Abonnements au large bande fixe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91 Figure 3.4 : Pénétration dans les ménages des abonnements large bande . . . . . . . . . . . . 93 Figure 3.5 : Abonnements large bande mobile actifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 94 Figure 3.6 : Total des abonnements sans fil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96 Figure 3.7 : Comparaison entre abonnés 3G et 4G . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 97 Figure 3.8 : Accès aux comptes financiers et aux services d’argent mobile . . . . . . . . . . . 102 Figure 3.9 : Accès aux services financiers officiels par rapport aux services d’argent mobile sur l’ensemble des pays en développement . . . . . . . . . . . . 103 Figure 3.10 : Abonnements actifs haut débit mobile et PIB par habitant. . . . . . . . . . . . . . 112 Figure 3.11 : Utilisateurs Internet et PIB par habitant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112 Figure 3.12 : Abonnements à la téléphonie cellulaire et PIB par habitant . . . . . . . . . . . . . 113 Figure 3.13 : Évolution de la dispersion des prix avant et après la couverture de la téléphonie mobile dans les marchés céréaliers du Niger. . . . . . . . . . . . 116 Figure 3.14 : Adoption des technologies numériques et des compléments analogiques indispensables. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125 Figure B3.1.1 : Écart d’universalité : abonnés uniques et nombre de connexions, 2018. . . . . . 128 Figure B3.1.2 : Abonnés uniques à l’internet mobiles et nombre de connexions haut débit mobile en Afrique, par pays, 2018 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129 iv > A F R I C A’ S P U L S E Liste des tableaux Tableau 1A.1 : Transformation structurelle pour les différents terciles de performance de croissance en Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Tableau 1A.2 : Flux bruts de capital vers l’Afrique subsaharienne pour les différents terciles de performance de croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32 Tableau 1A.3 : Dette publique de l’Afrique subsaharienne pour les différents terciles de performance de croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Tableau 1A.4 : Gouvernance pour les différents terciles de performance de croissance en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35 Tableau 2.1 : Prévalence du mariage précoce dans les pays du Sahel. . . . . . . . . . . . . . . . . 65 Tableau 3.1 : Évaluation comparative de l’économie numérique en Afrique : Tableau de bord. 109 Tableau 3.2 : Effets potentiels en matière de croissance et de réduction de la pauvreté dérivée de la réalisation des cibles du Moonshot numérique. . . . . 114 Tableau 3A.1 : Infrastructure numérique en Afrique subsaharienne. . . . . . . . . . . . . . . . . . 131 Tableau 3A.2 : Plateformes et entreprenariats numériques, 2017 et 2018 . . . . . . . . . . . . . . 132 Tableau 3A.3 : Services financiers numériques : comptes monétaires et transactions numériques, 2017. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132 Tableau 3B.1 : Économie numérique et croissance économique : une analyse de régression. . 137 Tableau A.1 : Classification des pays pour l’analyse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Tableau A.2 : Classification par revenu des pays d’Afrique subsaharienne . . . . . . . . . . . . . 139 Tableau A.3 : Échantillon de pays. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 140 A F R I C A’ S P U L S E > v vi > A F R I C A’ S P U L S E Résumé analytique u Les estimations indiquent un ralentissement de la croissance économique en Afrique subsaharienne, qui passe de 2,5 % en 2017 à 2,3 % en 2018, soit, et pour la quatrième année consécutive, un niveau inférieur au taux de croissance de la population. Elle est également inférieure de 0,4 point de pourcentage par rapport à la croissance projetée dans l’édition d’octobre 2018 d’Africa’s Pulse. Ce ralentissement a été plus marqué au premier semestre de 2018 et reflète la faiblesse des exportations des principaux exportateurs de pétrole de la région (Nigéria et Angola), en raison d’une baisse de la production pétrolière dans un contexte de cours internationaux du pétrole brut plus élevés mais volatiles. Une nouvelle contraction de l’activité économique au Soudan et un ralentissement de l’économie des pays pauvres en ressources ont également contribué au ralentissement de la croissance en Afrique subsaharienne. u Des données récentes indiquent une accélération modérée de la croissance dans la région. Elle devrait atteindre 2,8 % en 2019 et 3,3 % en 2020. Cette reprise progressive provient, du côté de la demande, des exportations et de la consommation privée et, du côté de l’offre d’un rebond de la production agricole et d’une augmentation de la production minière et des services dans certains pays. Les prévisions de croissance restent inférieures à celles annoncées dans l’édition d’octobre d’Africa’s Pulse de 0,5 point de pourcentage en 2019 et de 0,3 point de pourcentage en 2020. Cette révision à la baisse reflète le ralentissement de la croissance au Nigéria et en Angola, en raison des difficultés du secteur pétrolier, et la croissance modérée de l’investissement en Afrique du Sud, en raison de la faible confiance des entreprises. u L’environnement extérieur de l’Afrique subsaharienne reste difficile, car l’activité économique dans les économies avancées et les marchés émergents et en développement continue de ralentir, la production industrielle mondiale diminue et l’incertitude mondiale liée aux différends commerciaux entre les États-Unis et la Chine reste élevée. Si la plupart des prix des produits de base industriels se sont redressés au cours des trois premiers mois de 2019, après une forte baisse à la fin de 2018, et si on peut espérer une stabilisation des prix des métaux et des produits de base agricoles, l’incertitude continue de régner sur les perspectives du marché pétrolier qui vont dépendre de la décision de prolonger les réductions de production par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses partenaires. Les conditions de financement ont été assouplies pour les marchés émergents et les économies en développement, la Réserve fédérale des États-Unis ayant suspendu ses hausses de taux directeurs. u Pour rendre leurs économies plus résistantes aux risques dans un environnement extérieur difficile, les pays africains doivent renforcer leurs conditions nationales. Ces conditions se sont affaiblies et ont contribué à une croissance médiocre, en particulier au sein des plus grandes économies de la région. Par exemple, les cadres de politique macroéconomique restent une source de préoccupation : certains pays n’ont pas encore reconstitué un espace budgétaire suffisant, affichent un profil de la dette plus coûteux et risqué, et enregistrent des déficits importants de leur compte courant et des taux d’inflation à deux chiffres. Une faible confiance des entreprises, due en partie à la lenteur des réformes structurelles, freine la croissance des investissements dans certains pays, comme en Afrique du Sud, tandis que des incertitudes liées à la réglementation nuisent au secteur pétrolier en Angola et au Nigéria. A F R I C A’ S P U L S E > 1 u Une forte hétérogénéité caractérise toujours la région. Parmi les pays riches en ressources, l’activité économique de certains exportateurs de métaux s’est accélérée, grâce à une augmentation de la production minière liée à la hausse des cours des matières premières et à une reprise de la production agricole, ainsi que des investissements dans les infrastructures publiques (en République démocratique du Congo, en Guinée, au Niger). La croissance des autres exportateurs de métaux reste modérée, car une forte inflation et des niveaux d’endettement élevés pèsent sur le sentiment des investisseurs (au Libéria et en Zambie). La reprise dans la sous-région de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale s’est poursuivie, mais elle reste fragile à cause d’un relâchement des efforts d’assainissement budgétaire dans certains pays. Dans les pays pauvres en ressources, la croissance reste robuste, bien que plusieurs économies affichent un ralentissement en 2018 sous l’effet de nombreux facteurs, dont la pénurie de devises (en Éthiopie), la lenteur de la croissance des crédits du secteur privé (en Tanzanie), la baisse de la production dans le secteur des cultures commerciales (en Côte d’Ivoire) et l’instabilité macroéconomique (au Soudan). u Compte tenu de risques internes et externes, les perspectives de croissance régionale pourraient être moins bonnes que prévu. Sur le plan extérieur, les principaux risques à la baisse sont un ralentissement de la croissance plus fort que prévu aux États-Unis, dans la zone euro et en Chine, une chute soudaine des cours des matières premières, et l’escalade des tensions commerciales entre des économies clés. Au niveau national, les risques incluent un affaiblissement de l’assainissement budgétaire, une fréquence accrue d’événements météorologiques extrêmes et une aggravation de la situation sécuritaire, en particulier dans les pays caractérisés par un contexte fragile. u L’élimination de l’extrême pauvreté et le partage la prospérité passe impérativement par la capacité de l’Afrique subsaharienne à relever les défis posés par la fragilité. Plus de la moitié des pays fragiles de la planète se trouvent dans la région. En 2017, 299 millions de personnes vivaient dans des pays d’Afrique subsaharienne en situation de fragilité (environ 28 % de la population totale de la région) et l’activité économique dans ces pays s’élevait à 289 milliards USD (près de 17 % du produit intérieur brut de la région). Cette fragilité pèse sur la croissance économique de la région. C’est ainsi que les États fragiles ont freiné la croissance de la région de 0,52 point de pourcentage par an au cours de la période 2015-2018. Sur une période de 5 ans, les facteurs de fragilité pourraient donc entraîner une baisse de la croissance économique de 2,6 points de pourcentage. u La fragilité est un problème multidimensionnel et complexe. Les situations fragiles incluent les pays où les territoires qui ont des politiques et des institutions faibles et insuffisamment fonctionnelles que pour assurer la paix et la stabilité et fournir des services de base tels que la sécurité, la santé et l’éducation. Dans des contextes fragiles, les changements climatiques alimentent les conflits entre les communautés, voire de véritables guerres entre régions d’un même pays ou entre différents pays. Les conflits ne se limitent plus aux communautés, aux ethnies ou aux frontières nationales et sont donc susceptibles de toucher un plus grand nombre de personnes. Les frontières africaines sont généralement poreuses et presque impossibles à contrôler en raison de la faiblesse des institutions étatiques, ainsi que de la faiblesse des armées et des forces de police insuffisamment financées. 2 > A F R I C A’ S P U L S E u S’attaquer aux facteurs de fragilité est donc essentiel à la reprise économique de nombreux pays d’Afrique subsaharienne. L’expérience montre que pour échapper à la fragilité, il faut des institutions plus fortes, de meilleurs environnements politiques et une prestation de services plus efficace. Des efforts en ce sens ont permis d’accélérer la croissance et de rendre le climat plus attrayant pour les investisseurs privés (Éthiopie et Rwanda). Cependant, à mesure que les facteurs et la nature de la fragilité évoluent, l’approche pour la surmonter devient plus complexe. Il va falloir davantage de solutions collectives, ainsi que des institutions et/ou des dispositifs régionaux et sous- régionaux pour relever les défis du retour de la paix et de la sécurité, et pour gérer les retombées économiques qui dépassent les frontières nationales. u Le sujet spécial de cette édition d’Africa’s Pulse a pour thèse la capacité de l’économie numérique à ouvrir de nouvelles voies en Afrique en direction d’une croissance inclusive, de l’innovation, de la création d’emplois, de la prestation de services et de la réduction de la pauvreté. Le continent a fait de grands progrès en matière de connectivité mobile. Cependant, l’accès au large bande reste peu développé par rapport au reste du monde. Seulement 27 % de la population africaine ont accès à l’Internet, peu de citoyens ont des identifiants numériques, les entreprises n’adoptent que lentement les technologies numériques et rares sont les pouvoirs publics qui investissent de manière stratégique dans le développement d’une infrastructure, des services, des compétences et un entrepreneuriat numériques. u Une transformation numérique en Afrique est susceptible de revigorer la croissance économique et de réduire la pauvreté. Elle pourra créer davantage d’emplois, favoriser l’entrepreneuriat parmi les jeunes, accroître la productivité des agriculteurs, intégrer davantage de femmes dans la population active et créer des marchés. Si les objectifs de la Digital Economy Moonshot Initiative se réalisaient, la croissance par habitant augmenterait de 1,5 point de pourcentage par an et réduirait le nombre de personnes touchées par la pauvreté de 0,7 point de pourcentage par an. Les effets bénéfiques potentiels sur la croissance et la réduction de la pauvreté sont plus importants en Afrique subsaharienne, et en particulier dans les pays fragiles. S’ils s’accompagnaient d’investissements appropriés dans le capital humain, ces effets pourraient plus que doubler. u L’accès au large bande est essentiel mais non suffisant pour que se matérialisent ces dividendes du numérique. L’économie numérique nécessite également une base analogique solide, constituée de réglementations qui créent un climat des affaires dynamique et permettent aux entreprises d’utiliser les technologies numériques pour entrer en concurrence et innover, des compétences qui permettent aux travailleurs, aux entrepreneurs et aux responsables gouvernementaux de saisir les opportunités dans le monde numérique, et des institutions responsables qui utilisent l’Internet pour donner plus de pouvoir aux citoyens. A F R I C A’ S P U L S E > 3 4 > A F R I C A’ S P U L S E Section 1 : Tendances et développements récents 1.1 TENDANCES MONDIALES L’environnement extérieur de l’Afrique subsaharienne reste difficile, malgré les améliorations récentes La croissance mondiale a continué à se modérer, dans un contexte de ralentissement des échanges et des activités manufacturières, reflétant le ralentissement des économies avancées ainsi que des marchés émergents et économies en développement (MEED) (Figure 1.1A). Aux États-Unis, la croissance a été robuste, alimentée par des mesures de relance budgétaire procycliques et une politique monétaire accommodante. Cependant, les données entrantes laissent présager un ralentissement au premier trimestre 2019, les ventes au détail ayant été faibles, tandis que le déficit commercial des États-Unis après la crise laisse penser que les exportations nettes freineront la croissance. La croissance de la zone euro a ralenti en 2018, l’Allemagne ralentissant rapidement en fin FIGURE 1.1A : Croissance mondiale La croissance d’année et l’Italie entrant en 8 mondiale poursuit récession. La zone euro devrait sa décélération, encore décélérer en 2019. La reflétant un 6 production industrielle a reculé à ralentissement Pourcentage son plus bas niveau depuis 2012, et dans les économies l’indice composite des directeurs 4 avancées et les d’achat (Purchasing Managers’ EMDE. Index - PMI) dans le secteur de 2 la fabrication a atteint son plus bas niveau en six ans, avec des 0 faiblesses notables en Allemagne 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 et en France. Compte tenu des Monde Économies avancées MEED données d’activité plus faibles Source : Banque mondiale. que prévu, les banques centrales Remarque : Dans le cadre A, la zone ombrée indique les prévisions ; les données pour 2018 sont des États-Unis, du Royaume-Uni, des estimations et les taux de croissance globaux ont été calculés en utilisant les pondérations constantes du produit intérieur brut en dollars américains de 2010. MEED = marchés émergents et de la France et de l’Allemagne ont économies en développement. révisé à la baisse leurs prévisions de croissance pour 2019. En Chine, FIGURE 1.1B : Production industrielle et commerce de biens Le commerce mondial 8 et la production les données récentes continuent industrielle ont Pourcentage, en glissement annuel d’indiquer un affaiblissement de 6 enregistré un nouveau l’économie, avec un ralentissement ralentissement. de l’activité industrielle. Les 4 autorités se sont engagées à adopter une politique budgétaire 2 modérément expansionniste et à empêcher une augmentation 0 continue de l’endettement. Les principaux marchés et économies -2 émergents, notamment le Brésil, Jan-16 Juin-16 Nov-16 Apr-17 Sep-17 Fev-18 Juil-18 Déc-18 l’Inde, le Mexique et la Fédération de Russie, ont connu un net Commerce de marchandises Production industrielle ralentissement au dernier trimestre Source : Bureau d’analyse des politiques économiques ; Haver Analytics ; Banque mondiale. de 2018, ce qui laisse présager un Remarque : Dernière observation en 2019: le 28 février 2019. ralentissement en 2019. A F R I C A’ S P U L S E > 5 Le commerce mondial a encore ralenti. Le commerce mondial de biens stagne et le rythme de la croissance de la production industrielle mondiale a diminué de plus de deux tiers en 2018 (Figure 1.1B). Plusieurs indicateurs du climat mondial ont atteint leur plus bas niveau depuis des années. L’incertitude politique reste élevée, en partie en raison de la perspective de nouvelles augmentations des droits de douane, mais elle s’est atténuée ces derniers mois, avec l’espoir d’une conclusion positive des négociations commerciales entre les États-Unis et la Chine. Les conditions financières mondiales se sont améliorées. La situation financière mondiale s’est resserrée pendant la majeure partie de 2018, les banques centrales de nombreux pays ayant relevé leurs taux directeurs en réponse à la hausse de l’inflation. Les conditions se sont légèrement améliorées début 2019, les marchés boursiers mondiaux se redressant après avoir atteint un creux à la fin. Le mouvement de redressement récent a été permis par l’inclinaison accommodante des grandes banques centrales face à des perspectives de croissance ralentie, notamment la Réserve fédérale américaine, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre, la Banque de réserve de l’Inde et la Banque populaire de Chine. Les attentes fluctuantes des marchés concernant la politique monétaire américaine et de la zone euro ont contribué à la baisse des rendements américains à long terme, qui sont revenus à 2,6 % début 2019, après un pic en sept ans à La situation FIGURE 1.1C : Flux d’actions et de portefeuille d’obligations 3,2 % en 2018. financière des 35 Milliards de dollars US, somme de 4 semaines EMDE s’est amélioré Les conditions financières dans avec le retour des 25 les MEED se sont assouplies. De apports en capitaux nombreux pays émergents ont 15 au début de 2019. fait face à une détérioration 0 du climat du marché en 2018, mais les entrées de capitaux se -15 sont redressées début 2019, en -25 partie en raison de la baisse des rendements dans les économies -35 avancées (Figure 1.1C). Après Jan-15 Mai-15 Sep-15 Jan-16 Mai-16 Sep-16 Jan-17 Mai-17 Sep-17 Jan-18 Mai-18 Sep-18 Jan-19 que les rendements des Actions Obligations obligations des MEED émises Sources : J.P. Morgan ; Banque mondiale. sur les marchés obligataires Remarque : Dernière observation en 2019 : le 28 février 2019. internationaux ont augmenté Au niveau mondial, FIGURE 1.1D : Écarts de rendement des obligations souveraines des d’environ 150 points de base en les écarts de taux marchés émergents 2018, soit la troisième plus forte des obligations 600 augmentation annuelle des deux souveraines ont 500 dernières décennies, les écarts rétréci. des obligations souveraines 400 se sont inversés et se sont Points de base légèrement resserrés (Figure 300 1.1D). L’émission d’obligations 200 des MEED est restée forte en mars, de nombreuses entreprises 100 emprunteuses ayant profité 0 de conditions de marché plus favorables pour exploiter les Jan-10 Avr-10 Oct-10 Jan-11 Avr-11 Oct-11 Jan-12 Avr-12 Oct-12 Jan-13 Avr-13 Oct-13 Jan-14 Avr-14 Oct-14 Jan-15 Avr-15 Oct-15 Jan-16 Avr-16 Oct-16 Jan-17 Avr-17 Oct-17 Jan-18 Avr-18 Oct-18 Jan-19 Source : Bloomberg. marchés internationaux de Remarque : Dernière observation en 2019: le 28 février 2019. la dette. 6 > A F R I C A’ S P U L S E Les marchés des produits de base sont globalement stables. Après FIGURE 1.1E : Évolution de la production de pétrole Les coupes dans avoir fortement diminué au .5 la production Variation mensuelle de la production, mb / j pétrolière et quatrième trimestre de 2018, les la baisse des prix du pétrole ont augmenté inventaires sur le depuis le début de l’année, grâce 0 marché des métaux aux réductions de production ont contribué à de l’Arabie saoudite et d’autres hausser les cours membres de l’Organisation des pays –.5 du pétrole et des métaux en 2019. exportateurs de pétrole (OPEP), ainsi que de partenaires non membres de l’OPEP (Figure 1.1E). L’imposition –1 Arabie saoudite Autres OPEP Canada Autres non-OPEP de sanctions par les États-Unis Décembre 2018 Janvier 2019 à la République bolivarienne Sources :  Agence internationale de l’énergie ; Banque mondiale.   du Venezuela a contribué à Remarque : bbl = barils ; Mb / j = million de barils par jour ; mt = tonnes métriques ; OPEP = Organisation des pays exportateurs de pétrole. une nouvelle détérioration de l’approvisionnement en pétrole. FIGURE 1.1F : Stocks dans les entrepôts du Marché des métaux de Londres Les perspectives du marché 450 pétrolier restent très incertaines et dépendent de décisions politiques, notamment de la question de savoir 300 si les réductions de production au mt, milliers sein de l’OPEP et de ses partenaires seront étendues au second semestre 150 de 2019. Les prix des métaux et des produits agricoles ont chuté au second semestre de 2018, à la suite de l’imposition de nouveaux 0 2016 2017 2018 2019 2016 2017 2018 2019 2016 2017 2018 2019 2016 2017 2018 2019 droits de douane américains sur les importations en provenance Cuivre Nickel Plomb Zinc de Chine. Ils ont lentement reculé Source : Bloomberg. en 2019, les négociations en cours Remarque : Dernière observation en 2019: le 28 février 2019. entre la Chine et les États-Unis faisant naître l’espoir que de nouvelles fortes augmentations des droits de douane soient évitées. Les pénuries d’approvisionnement et la diminution des stocks sur la plupart des marchés des métaux ont contribué à la reprise des prix (Figure 1.1F). 1.2 DÉVELOPPEMENTS RÉCENTS EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE La croissance reprend un élan modeste après un ralentissement La croissance de l’Afrique subsaharienne en 2018 est estimée à 2,3 %, soit 0,4 point de pourcentage de moins que celle annoncée dans l’édition d’octobre 2018 d’Africa Pulse. Elle atteignait 2,5 % en 2017. Ce ralentissement était particulièrement prononcé au cours de la première moitié de l’année. Il était dû à une chute brutale des exportations nettes (Figure 1.2A), reflétant une faiblesse des exportations parmi les principaux exportateurs de pétrole de la région due à une stagnation de la production malgré des cours pétroliers plus élevés. D’autres facteurs ont aussi contribué à ce ralentissement, dont une sévère récession au Soudan causée par de sérieux déséquilibres macroéconomiques, un ralentissement généralisé de l’activité économique parmi les pays pauvres en ressources et des vulnérabilités croissantes liées à l’endettement. A F R I C A’ S P U L S E > 7 La croissance s’est améliorée En Afrique FIGURE 1.2A : Contributions à la croissance du PIB réel, en points de modérément au second semestre subsaharienne, pourcentage de 2018, soutenue du côté la croissance s’est 14 12 de la demande par un léger ralentie à 2,3 % en rebond des exportations et 2018, partiellement 10 à cause d’une 8 par une consommation privée Points de pourcentage chute brutale des 6 résiliente et, du côté de l’offre, exportations nettes. 4 par une production agricole en 2 hausse, aidée par des conditions 0 météorologiques favorables –2 (Figure 1.2B). –4 Au Nigéria, la croissance est passée –6 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f de 1,8 % (en glissement annuel) Consommation gouvernementale Investissement xe brut au troisième trimestre de 2018 à Consommation privée Exportations nettes Croissance réelle du PIB 2,4 % (en glissement annuel) au Source : Banque mondiale. quatrième trimestre de 2018, les services et l’agriculture étant les Une augmentation FIGURE 1.2B : Croissance réelle des exportations et du PIB principaux facteurs (Figure 1.2C). des exportations 20 8 La croissance de la production au dans certains pays 7 quatrième trimestre a entraîné une contribue au rebond 15 PIB, pourcentage de croissance, à droite de la croissance hausse du produit intérieur brut 6 dans la région. 10 (PIB) réel de 1,9 % en 2018. L’Afrique 5 du Sud est sortie de la récession au Pourcentage 5 4 troisième trimestre de 2018, alors 0 que la croissance s’est légèrement 3 accélérée dans les secteurs clés. –5 La reprise s’est poursuivie au cours 2 –10 du quatrième trimestre de 2018, 1 mais la croissance a légèrement –15 0 chuté, l’investissement fixe ayant 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 fortement diminué (Figure 1.2D). Croissance réelle du PIB (%) Exportations (variation annuelle en %) Pour l’ensemble de 2018, le PIB Source : Banque mondiale. a augmenté de 0,8 %, en baisse par rapport à 1,4 % en 2017. La La croissance du FIGURE 1.2C : Nigéria : croissance du PIB troisième économie de la région, Nigéria a repris aux 28 24 l’Angola, est restée en récession années trimestre 20 et sa croissance a fortement de 2018, grâce 16 diminué, la production pétrolière Pourcentage , y-o-y aux secteurs des 12 services et de 8 étant restée faible en raison de la 4 maturation des champs de pétrole. l’agriculture. 0 -4 (Figure 1.2E). -8 -12 Dans le reste de la région, une -16 hétérogénéité significative des -20 -24 performances de croissance entre pays a persisté. Parmi les pays à forte 2011Q1 2011Q2 2011Q3 2011Q4 2012Q1 2012Q2 2012Q3 2012Q4 2013Q1 2013Q2 2013Q3 2013Q4 2014Q1 2014Q2 2014Q3 2014Q4 2015Q1 2015Q2 2015Q3 2015Q4 2016Q1 2016Q2 2016Q3 2016Q4 2017Q1 2017Q2 2017Q3 2017Q4 2018Q1 2018Q2 2018Q3 2018Q4 2018Q2 intensité de ressources, la croissance PIB PIB non pétrolier PIB pétrolier de certains exportateurs de métaux Sources : Banque centrale du Nigéria ; Haver Analytics. (République démocratique du Congo, Guinée, Niger) s’est 8 > A F R I C A’ S P U L S E accélérée, alors qu’une hausse de la production minière, favorisée par les FIGURE 1.2D : Afrique du Sud : croissance du PIB et de l’investissement L’Afrique du Sud 20 est sortie de prix favorables des métaux, a stimulé 7 15 la récession au l’activité et la reprise de la production troisième trimestre Pourcentage , q-o-q, saar agricole et des investissements 5 Pourcentage , q-o-q, saar 10 de 2018, mais la publics dans les infrastructures. 5 croissance s’est à 3 Dans d’autres pays (Libéria, Zambie), nouveau ralentie 0 la croissance est restée modérée, 1 au quatrième l’inflation élevée et les forts niveaux –5 trimestre de 2018 d’endettement continuant de peser –1 –10 suite à une chute sur l’opinion des investisseurs. Dans des investissements –3 –15 fixes. la Communauté économique et 2010Q1 2010Q4 2011Q1 2011Q4 2012Q1 2012Q4 2013Q1 2013Q4 2014Q1 2014Q4 2015Q1 2015Q4 2016Q1 2016Q4 2017Q1 2017Q4 2018Q1 2018Q4 monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC), la reprise s’est poursuivie, PIB Formation brute de capital (à droite) mais elle est restée fragile, les efforts d’assainissement pour réduire FIG 1.2E Sources : Haver Analytics, Statistiques Afrique du Sud. FIGURE 1.2E : Production de pétrole : Nigéria et Angola, millions de barils En Angola, la les déséquilibres budgétaires et 2.4 faiblesse de extérieurs ralentissant dans la production certains pays. 2.2 pétrolière a pesé 2.0 sur l’activité Parmi les pays à faible intensité économique. de ressources, une croissance Pourcentage 1.8 économique solide a été enregistrée 1.6 en 2018 au Ghana, au Kenya, au Rwanda, en Ouganda, en Tanzanie 1.4 et dans plusieurs économies de 1.2 l’Union économique et monétaire Jun-15 Aug-15 Oct-15 Dec-15 Feb-16 Apr-16 Jun-16 Aug-16 Oct-16 Dec-16 Feb-17 Apr-17 Jun-17 Aug-17 Oct-17 Dec-17 Feb-18 Apr-18 Jun-18 Aug-18 Oct-18 Dec-18 de l’Afrique de l’Ouest (UEMOA), y compris le Bénin et la Côte d’Ivoire Angola Nigéria (Figure 1.2F). Du côté de l’offre, Sources : Société nationale de pétrole du Nigéria (NNPC) : site de l’Agence américaine d’information sur l’énergie. la croissance robuste a reflété Remarque : Les chiffres pour la production de pétrole incluent le pétrole brut et les condensats. des conditions météorologiques Pour l’Angola, les données proviennent de sources directes et secondaires de l’OPEP. favorables qui ont stimulé la FIGURE 1.2F : Croissance trimestrielle du PIB dans certains pays Ailleurs dans production agricole et électrique 8 la région, le (Kenya, Rwanda, Ouganda), redressement s’est des réformes favorables aux 6 poursuivi à un entreprises (Côte d’Ivoire, Kenya, rythme accéléré 4 dans de nombreux Togo), une expansion continue pays. Pourcentage de la production de coton (Bénin, 2 Togo) et un élan dans l’essor de l’industrie manufacturière et des 0 services (Ghana, Rwanda). Du côté de la demande, les investissements –2 dans les infrastructures et la consommation privée ont –4 Afrique Angola Côte d'Ivoire Ghana Kenya Nigéria du Sud Ouganda Zambie contribué à la reprise de la croissance. Cependant, même si Moyenne 2018 T1 et T2 Dernière observation elle reste robuste, la croissance a Sources : Haver Analytics ; Banque centrale du Nigéria. Remarque : La dernière observation concerne le troisième trimestre de 2018, à l’exception de sensiblement ralenti dans plusieurs l’Afrique du Sud et du Nigéria, pour lesquelles il s’agit du quatrième trimestre. PIB = produit intérieur brut ; q-o-q = trimestre sur trimestre ; saar = taux annuel corrigé des variations économies (Côte d’Ivoire, Éthiopie, saisonnières ; y-o-y = d’une année à l’autre. A F R I C A’ S P U L S E > 9 Soudan et Tanzanie), sous l’effet de Au début de 2019, FIGURE 1.3A : PMI composite nombreux facteurs, notamment l’activité des 60 la pénurie de devises (Éthiopie), entreprises est 58 56 la faible croissance du crédit restée atone dans 54 l’ensemble 52 au secteur privé (Tanzanie), 50 et la baisse de la production Expansion indice> 50 des pays. 48 dans le secteur des cultures 46 44 commerciales (Côte d’Ivoire). Au 42 Soudan, la consommation et les 40 38 investissements ont continué à 36 se contracter, en raison de graves 34 32 déséquilibres macroéconomiques. 30 Les données entrantes suggèrent 201701 201702 201703 201704 201705 201706 201707 201708 201709 201710 201711 201712 201801 201802 201803 201804 201805 201806 201807 201808 201809 201810 201811 201812 201901 201902 que la croissance régionale s’est PMI Ghana PMI Kenya PMI Nigéria poursuivie à un rythme modéré au PMI Ouganda PMI Zambie Indice = 50 début de 2019, en partie à cause En Afrique du FIGURE 1.3B : Afrique du Sud : indice de confiance des entreprises des conditions économiques Sud, la confiance et PMI manufacturier médiocres au Nigéria, en Afrique des entreprises 60 du Sud et en Angola. Du côté de s’est détériorée, 55 la demande, les indicateurs PMI et les données sur 50 ont fléchi au premier trimestre l’activité indiquent 45 de 2019 dans plusieurs pays une croissance (Ghana, Kenya, Nigéria, Ouganda Indice faible au premier 40 trimestre de 2019. 35 et Zambie) (Figure 1.3A), ce qui indique un ralentissement du 30 rythme de croissance de l’activité 25 du secteur privé. Au Nigéria, bien 20 que les PMI manufacturier et 2009Q3 2010Q1 2010Q3 2011Q1 2011Q3 2012Q1 2012Q3 2013Q1 2013Q3 2014Q1 2014Q3 2015Q1 2015Q3 2016Q1 2016Q3 2017Q1 2017Q3 2018Q1 2018Q3 2019Q1 non manufacturier soient restés Indice de con ance des entreprises PMI manufacturier Expansion 50 + = au-dessus de la barre neutre de Sources : Haver Analytics ; RMB / Bureau de la recherche économique (BER), Afrique du Sud. 50 points - ce qui dénote une Remarque : PMI = Indice des directeurs d’achat (Purchasing Managers’ Index). expansion -, ils ont encore reculé en février, en raison d’augmentations plus faibles de la production et de nouvelles commandes clients dans les entreprises. La consommation des ménages au Nigéria est restée modérée, tandis que les taux de change multiples, les restrictions de change, la faible croissance du crédit du secteur privé et les contraintes d’infrastructure ont continué de peser sur les investissements privés. En Afrique du Sud, les ventes au détail ont légèrement augmenté en janvier, après s’être contractées en décembre. Le PMI manufacturier a fortement diminué en février, l’activité et les nouvelles commandes ayant connu un ralentissement. Au Kenya, la croissance des nouvelles commandes a fléchi en février, ce qui indique une demande intérieure plus faible en début d’année. Des facteurs liés à l’offre renforcent le rythme de croissance modeste enregistré au premier trimestre de 2019. L’incertitude réglementaire et la maturation des champs pétroliers continuent de limiter les investissements, la production, et les exportations dans les grands pays exportateurs de pétrole (Nigéria, Angola). La production de pétrole a notamment chuté en Angola en février. En outre, au Nigéria, la production agricole continue à subir les effets des conflits et du changement climatique. En Afrique du Sud, la production manufacturière est restée stable au premier trimestre, tandis que la production minière s’est contractée du fait des coupures de courant imposées par Eskom, la société de services publics, à la suite de la fermeture de plusieurs grands générateurs. Dans un contexte de ralentissement de l’activité économique, 10 > A F R I C A’ S P U L S E la confiance des entreprises en Afrique du Sud a chuté au premier trimestre de 2019 (Figure 1.3B). Ailleurs, le passage du cyclone tropical Idai a dévasté le Mozambique, le Malawi et le Zimbabwe. Outre les pertes en vies humaines, le cyclone a considérablement endommagé les infrastructures, les ports et l’agriculture, perturbant ainsi l’activité économique et le commerce dans la sous-région. Les prix des produits de base se sont améliorés en début d’année, mais sont restés en dessous de leur sommet de 2018 (encadré 1.1). Après une forte baisse, les prix du pétrole brut ont retrouvé une moyenne de 61 USD le baril au premier trimestre de 2019, grâce aux réductions de production opérées par l’OPEP et ses partenaires non membres de l’OPEP. Toutefois, l’incertitude quant à la poursuite de la réduction de la production demeure. Les prix des métaux ont légèrement augmenté, à la faveur d’un regain de confiance vis- à-vis des relations commerciales entre la Chine et les États-Unis. Les prix des métaux devraient rester stables en 2019, en partie en raison de la faiblesse des stocks, contribuant à soutenir l’augmentation de la production minière chez les exportateurs de métaux. Les prix de la plupart des produits industriels se sont redressés au premier trimestre de 2019, après une forte ENCADRÉ 1.1 : baisse en 2018. Les prix agricoles sont globalement restés stables. En général, les perspectives plus faibles de la Évolution récente du demande ont été compensées par la baisse de l’offre. marché des Les prix du pétrole brut ont atteint en moyenne 61 USD / b au cours du premier trimestre de 2019, produits de grâce aux réductions de production opérées par l’OPEP et ses partenaires non membres de l’OPEP. base L’Arabie saoudite a contribué le plus à la baisse de l’offre, réduisant sa production d’environ un million de barils par jour par rapport à son niveau de novembre. En revanche, la production aux États-Unis a continué de croître et le pays a maintenu sa position de premier producteur de pétrole au monde. En République bolivarienne du Venezuela, l’imposition de sanctions par les États-Unis a contribué à une nouvelle baisse de la production de pétrole, qui est tombée à 1,1 mb / j en février 2019, contre une moyenne de 2 mb / j en 2017. Les perspectives du marché pétrolier restent très incertaines et dépendent de décisions politiques, notamment de la question de savoir si les réductions de production entre l’OPEP et ses partenaires seront étendues au second semestre de 2019. Cependant, les coupures d’approvisionnement ont également entraîné une abondance de capacités de production inutilisées, ce qui réduit les risques de flambée des prix à court terme (Figure B1.1A). Les prix des métaux ont légèrement augmenté au premier trimestre de 2019, reflétant l’amélioration de l’opinion du marché quant à l’atténuation des tensions FIGURE B1.1A : indices de prix des produits de base Les prix des commerciales entre les États- produits de base se 150 Unis et la Chine. Les pénuries sont redressés au d’approvisionnement et la 130 premier trimestre de 2018 mais sont diminution des stocks sur 110 restés sous leur Indice, 100=2010 la plupart des marchés des sommet de 2018. métaux—en particulier le cuivre, 90 le nickel, le plomb et le zinc— ont contribué à la reprise des prix. 70 Les prix du minerai de fer ont été gonflés au début de l’année 50 par la catastrophe minière de 30 Vale au Brésil, entraînant ainsi la Jan-11 Jan-12 Jan-13 Jan-14 Jan-15 Jan-16 Jan-17 Jan-18 Jan-19 fermeture temporaire de mines. Malgré des perspectives de Énergie Métaux Agriculture demande plus faibles, les prix des Sources : Banque mondiale. métaux devraient se stabiliser en Remarque : La dernière observation est en février 2019. A F R I C A’ S P U L S E > 11 ENCADRÉ 1.1 2019, en raison d’une croissance de l’offre modeste et du faible niveau des stocks. Dans ce contexte, la Suite production africaine de minerai est en augmentation (Figure B1.1B). Les prix agricoles ont été stables en moyenne au premier trimestre 2019, avec des niveaux de stocks élevés et des conditions de récolte favorables. La production mondiale des trois principales céréales (maïs, riz et blé) a augmenté pour la sixième saison consécutive. De plus, les ratios stocks / utilisation— une mesure approximative de l’offre par rapport à la demande—restent à des niveaux élevés. Le blé, qui a connu une flambée des prix en raison de l’insuffisance de l’offre imputable aux conditions météorologiques, est en bonne voie pour une récolte normale à la prochaine saison. Les tensions commerciales, qui ont entraîné La production de FIGURE B1.1B : Production de minerai africain une certaine volatilité des minerai a augmenté prix en général ainsi que des 600 dans la région grâce hausses de prix du soja, se sont à l’amélioration des 500 récemment apaisées. Enfin, le prix des métaux. phénomène El Niño en cours 400 est peu susceptible d’avoir Index, 2000=100 une incidence sur les marchés 300 agricoles mondiaux, bien qu’il semble avoir provoqué 200 des conditions sèches dans 100 certaines régions, notamment l’Afrique australe et l’Australie. 0 Les prix agricoles devraient 2000 2006 2012 2018 rester globalement stables au Cuivre Bauxite Or Zinc cours des deux prochaines Source : Banque mondiale. années. Les déficits courants augmentent Selon les estimations, le déficit courant médian de la région devrait passer d’environ 5,4 % du PIB en 2018 à 6,1 % en 2019, avec des différences significatives d’un pays à l’autre (Figure 1.4A). Le déficit courant des pays exportateurs de pétrole devrait diminuer, tout comme celui des pays exportateurs de métaux. Il devrait cependant se creuser davantage pour les pays à faible intensité de ressources. En ce qui concerne les exportateurs de pétrole, la balance des transactions courantes sera excédentaire en République du Congo, tandis que l’excédent de celle du Nigéria augmentera, en raison principalement de la stagnation des importations de produits autres que les combustibles, liée à la faiblesse de l’activité économique. En Angola, l’excédent du compte courant devrait se réduire en 2019, la reprise des importations contribuant à une balance commerciale plus basse. Pour les exportateurs de métaux, le déficit de la balance courante devrait se résorber, demeurant toutefois élevé, car une croissance plus forte stimule la demande d’importations dans certains pays, compensant partiellement les cours favorables des métaux. Dans les pays à faible intensité de ressources, une augmentation des importations de biens d’équipement destinés à des projets d’investissement entraînera une hausse du déficit courant. Les flux d’investissements de portefeuille, les investissements directs étrangers (IDE) et les flux financiers concessionnels devraient contribuer à financer les déficits courants. En 2018, les pays de la région ont émis plus de 17 milliards de dollars d’obligations internationales, mais ces émissions d’obligations ont nettement chuté au second semestre de l’année. La tendance accommodante de la Réserve fédérale américaine, ainsi que les prévisions de relance de l’économie chinoise et d’un accord commercial américano-chinois, ont favorisé un retour des entrées de capitaux dans les marchés émergents et les 12 > A F R I C A’ S P U L S E économies en développement (MEED), y compris en Afrique FIGURE 1.4A : Balance courante Le déficit médian subsaharienne, à la suite d’une forte 2 du compte courant pour la région contraction fin 2018. Après avoir 0 devrait se creuser atteint un point culminant début en 2019, malgré janvier, les écarts de rendement –2 un rétrécissement % du PIB, médiane des obligations souveraines dans parmi les pays –4 la région ont diminué, bien qu’ils exportateurs de demeurent élevés dans certains –6 pétrole. pays comme le Mozambique et la –8 Zambie, du fait des inquiétudes des investisseurs par rapport aux –10 niveaux d’endettement élevés. Les –12 émissions d’eurobonds reprennent Afrique Pays exportateurs Exportateurs Pays pauvres subsaharienne de pétrole de minéraux en ressources de l’envergure lentement, avec 2017 2018e 2019f 2020f la première émission obligataire Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale. du Bénin et le retour du Ghana Remarque : PIB = produit intérieur brut ; PFR = pays à faible revenu ; ASS = Afrique subsaharienne. sur le marché (Figure 1.4B) au premier trimestre. Les émissions FIGURE 1.4B : Émissions d’obligations internationales L’émission d’obligations ont été sursouscrites, 20 d’euro-obligations y compris la tranche à échéance 18 s’accélère dans la de 31 ans du Ghana – la plus 16 région et devrait aider à financer le longue de la région – ce qui 14 milliards de dollars déficit du compte témoigne de la forte demande 12 10 courant dans des investisseurs pour des titres certains pays. 8 de créance à rendement élevé 6 susceptibles d’encourager les 4 autres pays à revenir sur le 2 marché des eurobonds. Dans le 0 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019* même temps, les entrées d’IDE Angola Bénin Cameroun Côte d’Ivoire Éthiopie Ghana Kenya sont restées limitées, reflétant le Mozambique Nigéria Rwanda Sénégal Tanzanie Zambie redressement modeste des prix des produits de base. Dans ce contexte, Source : Bloomberg. l’appui budgétaire fourni par les institutions multilatérales, telles que le Groupe de la Banque mondiale, pour soutenir la mise en œuvre des réformes structurelles constituerait une source importante de capitaux pour la région, en particulier pour les pays à faible revenu ayant un accès limité aux marchés internationaux de capitaux. Cela les aiderait à constituer des réserves à des niveaux prudents. Dans plusieurs pays, la couverture des réserves reste en deçà des niveaux appropriés Dans les grandes économies, les réserves brutes se sont stabilisées à des niveaux relativement élevés fin 2018. Les réserves représentaient environ sept mois d’importations de biens et de services au Nigéria et environ six mois d’importations en Angola. Toutefois, malgré certaines améliorations, dues à la hausse des prix des produits de base dans certains cas, les réserves brutes ne représentaient que moins de trois mois d’importations de biens et services dans de nombreux pays. En République démocratique du Congo par exemple, la couverture des réserves s’est améliorée pour passer à un mois d’importations, grâce à la stabilité des prix des métaux. En Zambie, les réserves ont fortement chuté, du fait de prélèvements destinés à financer l’augmentation du service de la dette extérieure. Dans la sous-région CEMAC, les réserves A F R I C A’ S P U L S E > 13 extérieures ont été inférieures aux objectifs fixés pour 2018, car malgré la hausse des prix du pétrole, l’ajustement fiscal a faibli dans certains pays membres. Dans la zone UEMOA, on estime que les réserves ont atteint 4,1 mois d’importations de biens et services fin 2018, grâce aux émissions d’eurobonds faites par la Côte d’Ivoire et le Sénégal. Dans d’autres pays à faible intensité de ressources, tels que l’Ouganda et la Tanzanie, les réserves ont chuté à mesure que le déficit du courant se creusait. Dans la plupart des pays, la reconstitution de réserves tampons à des niveaux appropriés nécessitera un assainissement budgétaire adéquat et l’adoption de mesures visant à améliorer la compétitivité extérieure. Les pressions inflationnistes demeurent élevées dans certains pays Le taux d’inflation médian devrait augmenter modérément, passant d’environ 3,8 % en 2018 à 4,9 % en 2019 (Figure 1.4C), avec six pays confrontés à un taux d’inflation à deux chiffres (Angola, Libéria, Nigéria, Sierra Leone, Soudan, Zimbabwe), ce qui est inchangé par rapport à l’année précédente. Cependant, les chiffres globaux masquent des variations notables entre les économies. En effet, les pressions inflationnistes devraient s’atténuer dans les pays exportateurs de pétrole et les pays Les pressions FIGURE 1.4C : Inflation, par groupe de pays exportateurs de métaux, mais inflationnistes 7.0 devraient augmenter dans les pays persistent parmi 6.5 les exportateurs à faible intensité de ressources. 6.0 de métaux et les Une plus grande stabilité Pourcentage, médiane 5.5 pays pauvres en monétaire et un ralentissement 5.0 ressources, reflétant de l’inflation des prix des denrées 4.5 dans certains cas de alimentaires grâce à l’amélioration fortes dépréciations 4.0 de la production agricole sont à de la monnaie. 3.5 la base de la baisse de l’inflation 3.0 dans les pays exportateurs de 2.5 pétrole. L’inflation demeure 2.0 Afrique Pays exportateurs Exportateurs Pays pauvres toutefois élevée en Angola et subsaharienne de pétrole de minéraux en ressources au Nigéria, respectivement aux 2017 2018e 2019f 2020f alentours de 18 % et 11 % (d’une Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale. année sur l’autre), reflétant, dans FIGURE 1.4D : Taux de change le cas de l’Angola, la dépréciation continue de la monnaie dans la Variations cumulatives des taux de change (indice = 100, 1/1/2014) 350 transition vers un taux de change flexible. Bien que l’inflation soit 300 modérée parmi les exportateurs de 250 métaux, elle devrait rester élevée en raison de fortes dépréciations 200 de la monnaie dans certains pays (Libéria, Sierra Leone et Zambie) 150 (Figure 1.4D), car les déficits courants y demeurent élevés. Au 100 Libéria, l’inflation devrait atteindre 50 une forte croissance à deux chiffres, en raison notamment de la rapide 0 expansion monétaire. L’inflation 1/1/14 3/1/14 9/1/14 11/1/14 1/1/15 3/1/15 9/1/15 11/1/15 1/1/16 3/1/16 9/1/16 11/1/16 1/1/17 3/1/17 9/1/17 11/1/17 1/1/18 3/1/18 9/1/18 11/1/18 1/1/19 3/1/19 devrait augmenter fortement pour atteindre un taux élevé à Kwanza angolais Franc CFA Naira nigérian deux chiffres au Libéria, entraîné Rand sud-africain Kwacha zambien Cedi ghanéen Source : Bloomberg. en partie par une expansion monétaire rapide. Dans les pays à 14 > A F R I C A’ S P U L S E faible intensité de ressources, l’augmentation de l’inflation reflète principalement la situation dégradée au Soudan et au Zimbabwe. Les banques centrales ont réagi à l’évolution de l’inflation des prix à la consommation. En 2018, la politique monétaire s’est assouplie dans la région. À mesure que l’inflation se modérait, plusieurs banques centrales ont réduit leurs taux d’intérêt. Reflétant la poursuite de la baisse des pressions inflationnistes, la Banque centrale angolaise a encore abaissé ses taux d’intérêt début 2019. Après avoir maintenu son taux directeur inchangé pendant plus de deux ans, la Banque centrale du Nigéria l’a baissé de 50 points de base en mars, dans le but de stimuler la demande intérieure en dépit du fait que l’inflation est restée supérieure à sa fourchette cible de 6 à 9. Dans les pays à faible intensité de ressources, on peut noter le cas de la Banque du Ghana, qui a poursuivi son cycle d’assouplissement en abaissant son principal taux directeur de 100 points de base, l’inflation étant tombée à 9 % (d’une année sur l’autre). Les pressions sur la monnaie nationale qui ont émergé à la suite de la réduction des taux d’intérêt se sont atténuées grâce à la dernière émission d’eurobonds faite par le Ghana. Dans les pays exportateurs de métaux, les banques centrales ont jusqu’ici laissé leurs taux d’intérêt inchangés. La Banque de réserve sud-africaine a notamment maintenu son taux de référence des prises en pension inchangé, après l’avoir relevé de 25 points de base en novembre 2018, et ce en dépit du fait que l’inflation soit tombée depuis en dessous du point médian de la fourchette cible de 36 %. L’assainissement budgétaire s’est poursuivi mais la qualité de l’ajustement budgétaire a été insuffisante Le déficit budgétaire médian devrait baisser de 3,8 % du PIB en 2018 à 3 % en 2019 (Figure 1.4E). Les déséquilibres budgétaires devraient s’améliorer dans les pays exportateurs de pétrole et dans les pays à faible intensité de ressources et, à l’inverse, se détériorer dans les pays exportateurs de métaux. Dans les pays exportateurs de pétrole, l’excédent budgétaire devrait encore augmenter, soutenu par des efforts de consolidation fiscale en Angola et dans les pays producteurs de pétrole de la sous-région de la CEMAC. Toutefois, au Nigéria, le déficit budgétaire devrait persister en raison des progrès limités réalisés dans la collecte de recettes non pétrolières. Au niveau des pays à faible intensité de ressources, le déficit budgétaire médian devrait se rétrécir, en partie grâce aux réformes fiscales et à un contrôle accru de la masse salariale, permettant de faire converger les déficits budgétaires des pays de l’UEMOA vers l’objectif de 3 %. Dans les pays exportateurs de métaux, le déficit budgétaire médian devrait augmenter car ces pays ont toujours du mal à accroître leurs recettes intérieures et à maîtriser leurs dépenses publiques. En Afrique du Sud par exemple, le déficit budgétaire devrait passer de 4 % du PIB à 4,2 %, ce qui est supérieur au déficit projeté dans la déclaration de politique budgétaire à moyen terme d’octobre 2018, reflétant les mesures prises pour soutenir les entreprises d’État en difficulté, dont Eskom. Dans de nombreux cas, la qualité de l’ajustement budgétaire a été insuffisante. Pour faire face à la masse salariale élevée, l’assainissement budgétaire dans certains pays a continué à se concentrer sur une exécution plus lente des dépenses récurrentes non salariales, sur une réduction des dépenses d’investissement financées sur ressources intérieures ainsi que sur des décaissements plus lents des fonds de projets d’investissements publics financés sur ressources extérieures. Dans d’autres pays, les ajustements incomplets du prix du carburant ont pu contribuer à la formation d’arriérés supplémentaires pour le gouvernement. Dans toute la région, la mobilisation des recettes n’a progressé que lentement et de manière inégale, comme en témoigne l’utilisation limitée des taxes à la consommation, telles que la taxe sur la valeur ajoutée dans certains pays, alors que les exonérations fiscales sont toujours en vigueur. Les vulnérabilités liées à la dette demeurent élevées Reflétant l’assainissement budgétaire en cours, le niveau médian de la dette publique devrait légèrement diminuer, passant de 54,4 % du PIB en 2018 à 53 % en 2019 (Figure 1.4F). Cependant, les niveaux d’endettement varient considérablement d’un pays à l’autre. Le niveau d’endettement du gouvernement devrait baisser pour les pays exportateurs de pétrole. Il est en revanche globalement stable pour A F R I C A’ S P U L S E > 15 FIG 1.4E les pays à faible intensité de ressources et en hausse chez les Les soldes FIGURE 1.4E : Solde budgétaire budgétaires des 3 exportateurs de métaux. La baisse exportateurs de la dette publique des pays 2 de pétrole exportateurs de pétrole provient s’améliorent, mais 1 Pourcentage du PIB, médiane se détériorent pour du resserrement des politiques les exportateurs de 0 budgétaires dans les pays de la métaux. –1 CEMAC, qui, conjugué au soutien des institutions régionales, réduit –2 progressivement le déficit primaire –3 non pétrolier. En 2018, la plupart –4 des pays de la CEMAC ont été considérés comme présentant un –5 Afrique Pays exportateurs Exportateurs Pays pauvres risque élevé de surendettement, subsaharienne de pétrole de minéraux en ressources 2017 2018e 2019f 2020f ce qui souligne la nécessité d’un ajustement budgétaire continu. Les niveaux FIGURE 1.4F : Dette gouvernementale Au Nigéria, bien que le ratio de la dette 60 dette / PIB soit relativement faible, gouvernementale 55 il a augmenté régulièrement et les restent élevés dans 50 paiements d’intérêts absorbent l’ensemble de la Dette publique (% du PIB) région. 45 une grande partie des recettes 40 de l’administration fédérale. En 35 Angola, après avoir culminé à 30 plus de 90 % du PIB en 2018, 25 principalement en raison de la 20 dépréciation du taux de change, 15 la dette publique devrait 10 2017 2018e 2019f 2020f diminuer à moyen terme, tout en Afrique subsaharienne, médiane Pays exportateurs de pétrole en ASS demeurant élevée. Exportateurs de minéraux et de métaux en ASS Pays pauvres en ressources en ASS Pays à faible revenu en ASS Parmi les pays à faible intensité de ressources, le niveau de Source : Estimations du personnel de la Banque mondiale. Remarque : PIB = produit intérieur brut ; PFR = pays à faible revenu ; ASS = Afrique subsaharienne. la dette publique ne devrait diminuer que légèrement, malgré les progrès réalisés en matière d’assainissement budgétaire. Cette amélioration modeste reflète en partie une forte hausse du niveau de la dette publique au Soudan, du fait de fortes dépréciations de la monnaie, et au Mozambique, où les pressions sur les dépenses entraînent une hausse du déficit primaire. Au niveau des exportateurs de métaux, la dette publique devrait être plus élevée en 2019, certains pays, dont la Guinée, la Namibie et la Zambie, augmentant leurs emprunts pour financer les investissements publics. Le risque de surendettement de la Zambie est élevé, les dépassements de dépenses et les dépréciations monétaires ayant entraîné une augmentation rapide de la dette publique. La dette extérieure publique et à garantie publique est restée élevée. Le niveau médian de la dette extérieure publique et publiquement garantie a augmenté de quelque 9 points de pourcentage du PIB, passant de son faible niveau en 2012 à 27 % du PIB en 2017. Plus important encore, sa composition a considérablement changé, passant d’une dette principalement concessionnelle de prêteurs bilatéraux et multilatéraux à une dépendance beaucoup plus grande vis-à-vis des prêteurs bilatéraux non membres 16 > A F R I C A’ S P U L S E du Club de Paris et des créanciers commerciaux (Encadré 1.2). Cette évolution de la composition de la dette publique vers un financement non concessionnel plus coûteux a accru les vulnérabilités de la région. À l’heure actuelle, près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne membres de l’Association internationale de développement (IDA) évalués dans le cadre de la viabilité de la dette pour les pays à faible revenu courent un risque élevé de surendettement extérieur ou sont déjà surendettés. L’augmentation du niveau de la dette, conjuguée au déplacement de la dette extérieure publique et à ENCADRÉ 1.2 : garantie publique, d’une part, vers des instruments davantage axés sur le marché et, d’autre part, vers des Évolution récente de la sources de financement plus onéreuses et plus risquées, a considérablement accru les vulnérabilités liées à la dette publique dette dans la région. en Afrique Les niveaux médians de la dette publique en Afrique subsaharienne ont baissé, passant d’une médiane subsaharienne maximale de plus de 90 % du produit intérieur brut (PIB) au début des années 2000 à une médiane de 32 % du PIB en 2010, en raison de l’allègement de la dette au titre de l’initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’initiative d’allégement de la dette multilatérale. Cependant, après 2013, la dette publique a augmenté dans toute la région. En 2018, la dette publique médiane en Afrique subsaharienne représentait environ 53 % du PIB, car la dette a augmenté moins rapidement au cours des deux dernières années (Figure B1.2A). L’évolution de la dette extérieure publique et à garantie FIGURE B1.2A : Dette publique en Afrique subsaharienne En 2018, la dette publique médiane publique correspond à celle de 140 en Afrique la dette publique totale de la 120 subsaharienne région. Après être tombée à une représentait environ 100 Pourcentage du PIB moyenne de 18 % du PIB en 2012, 53 % du PIB, avec la dette extérieure a rapidement 80 des augmentations augmenté, atteignant 27 % du PIB 60 plus faibles au cours fin 2017. Les principaux facteurs des deux dernières 40 de la dette publique ont été les années. déficits budgétaires persistants 20 et considérables, en raison de 0 la baisse des recettes et des 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 dépassements de dépenses. Les Moyenne Médiane 25ème percentile 75ème percentile dépréciations des taux de change Source: Banque mondiale. (Zambie), la croissance négative (Tchad, République du Congo) FIGURE B1.2B : Composition de la dette extérieure La composition et la déclaration de la dette non de la dette divulguée auparavant (République Obligations extérieure est du Congo, Mozambique) ont passée de sources également contribué à la Prêts bilatéraux hors de financement Club de Paris détérioration des ratios dette / PIB. traditionnelles Prêts commerciaux à une dette En plus de son niveau croissant, davantage axée sur la composition de la dette Prêts bilatéraux Club de Paris le marché et à de extérieure a changé, passant nouveaux créanciers des sources traditionnelles de Prêts multilatéraux extérieurs. financement vers une dette davantage axée sur le marché –15 –10 –5 0 5 10 15 Evolution de la composition de la dette publique 2010-2017 et tournée vers de nouveaux (% de variation de la part dans le total) créanciers extérieurs (Figure B Source: Banque mondiale. 1.2B). La part des obligations A F R I C A’ S P U L S E > 17 ENCADRÉ 1.2 libellées en devises dans la dette extérieure totale a augmenté de 10 %, tandis que celle des dettes Suite envers les créanciers commerciaux et non membres du Club de Paris a augmenté de 5 % depuis 2010. Dans le même temps, les parts de financement provenant d’institutions multilatérales et de créanciers du Club de Paris ont sensiblement diminué. En Afrique subsaharienne, l’année 2018 a été une année record pour les émissions d’obligations internationales. Entre 2013 et 2017, les pays de la région (excluant les pays à revenu intermédiaire supérieur) ont émis en moyenne un total de 4,5 milliards de dollars d’obligations par an, avec une émission moyenne de 1 milliard de dollars. En 2018, la somme des obligations représentait plus de 17 milliards de dollars, l’émission moyenne atteignant près de 3 milliards de dollars. En plus de l’augmentation des volumes d’émission, plusieurs pays (Côte d’Ivoire, Kenya, Nigéria) ont pu prolonger leurs échéances à 30 ans. L’augmentation des niveaux d’endettement ainsi que le déplacement de la dette extérieure vers des instruments davantage axés sur le marché et les sources de financement plus coûteuses et plus risquées ont considérablement accru les vulnérabilités liées la dette. Fin 2018, près de la moitié des pays d’Afrique subsaharienne pris en compte par le cadre de viabilité de la dette (CVD) pour les pays à faible revenu (PFR) étaient soit à un risque élevé de surendettement soit déjà très surendettés, ce qui représente plus du double du nombre atteint en 2013. En outre, les marges de sécurité ont diminué dans plusieurs pays considérés comme présentant un risque modéré de surendettement. 18 > A F R I C A’ S P U L S E 1.3 PERSPECTIVES Les perspectives de croissance demeurent modestes Selon les prévisions, la croissance devrait revenir à 2,8 % en 2019 contre 2,3 % en 2018 à la suite de ralentissements, pour atteindre 3,3 % en 2020. Les facteurs de cette remontée sont, au niveau de la demande, les exportations et la consommation privée, et au niveau de l’offre, une reprise de l’agriculture, une augmentation de la production minière et une croissance soutenue du secteur des services dans certains pays. Ces prévisions sont cependant inférieures à celles annoncées dans l’édition d’octobre, à savoir 0,5 point de pourcentage plus bas pour 2019 et 0,3 point de pourcentage plus bas pour 2020. Elles reflètent une croissance plus faible que prévu au Nigéria et en Angola due aux difficultés du secteur pétrolier et une croissance modérée des investissements en Afrique du Sud traduisant une faible confiance des entreprises (Figure 1.5A). La croissance de la région devrait s’améliorer légèrement en 2021 pour atteindre 3,4 %, avec un renforcement de l’activité dans les trois principales économies de la région. L’environnement externe de cette dernière reste difficile : la croissance globale poursuit sa décélération tandis que l’acuité des conflits commerciaux entre la Chine et les États-Unis entraîne une incertitude au niveau mondial. Malgré leur amélioration au cours du premier trimestre de 2019, les cours des matières premières sont inférieurs à ce qu’ils avaient atteint en 2018, et les perspectives des marchés pétroliers restent fortement incertaines (Figure 1.5B). Malgré ce rebond, la croissance de la région restera bien inférieure à sa moyenne à long terme. La croissance par habitant, qui devrait passer de -0,3 % en 2018 à 0,7 % en 2021, sera trop faible pour atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté (Figure 1.5C), en particulier parmi les pays exportateurs de pétrole et les exportateurs de métaux (Figure 1.5D). Cependant, les performances en termes de croissance sont très disparates : plus du tiers des pays devrait afficher une croissance supérieure à 5 % en 2019-2021. • Au Nigéria, la croissance devrait passer de 1,9 % en 2018 à 2,1 % en 2019 (0,1 point de moins que les prévisions d’octobre dernier). Cette croissance modeste reflète une production de pétrole atone, car l’incertitude réglementaire limite les investissements dans le secteur pétrolier. Dans le même temps, l’activité économique non pétrolière est freinée par une inflation élevée, des distortions politiques et des contraintes d’infrastructure. La croissance devrait augmenter légèrement pour atteindre 2,2 % en 2020 et 2,4 % en 2021, l’amélioration des conditions de financement contribuant à stimuler les investissements. • En Angola, la croissance augmentera de façon plus progressive que prévu, passant de -1,7 % en 2018 à 1 % en 2019 et à 2,9 % en 2020. Ces prévisions sont respectivement inférieures de 1,7 et 0,8 point de pourcentage aux prévisions d’octobre dernier. En 2019, la croissance devrait rester modérée, en raison d’un épuisement plus rapide que prévu des puits de pétrole matures et d’une production plus faible des nappes pétrolifères à faible rendement. Un rebond de l’activité économique non pétrolière, soutenu par une plus grande disponibilité en devises, un taux de change plus flexible, une inflation modérée et des mesures visant à améliorer l’environnement des affaires devraient soutenir une croissance légèrement plus forte en 2020-2021. • En Afrique du Sud, la croissance, après avoir affiché un taux de 0,8 % en 2018, devrait rebondir à 1,3 % en 2019 et atteindre 1,7 % en 2020 et 1,8 % en 2021, sans changement par rapport aux prévisions d’octobre. Cette reprise progressive de la croissance reflète les perspectives de renforcement des dépenses de consommation, tirées par une faible inflation, ainsi que la mise en œuvre de réformes structurelles retardées de longue date qui contribueront à relancer l’investissement, à mesure que les entreprises reprendront confiance. A F R I C A’ S P U L S E > 19 • À l’exclusion du Nigéria, de Les projections FIGURE 1.5A : Prévisions de croissance du PIB l’Afrique du Sud et de l’Angola, indiquent une 7 la croissance dans le reste de continuation de la la région devrait augmenter croissance régionale modérément, passant de 4,1 % 5 à un rythme en 2018, à 4,4 % en 2019, et à modéré, pour 4,8 % en 2020. Ces prévisions Pourcentage atteindre 3,3 % 3 en 2020. sont inférieures de 0,9 et 0,5 point de pourcentage à celles 1 d’octobre. Les perspectives pour les pays de la CEMAC se –1 sont légèrement améliorées : la production de pétrole est repartie 2017 2018 2019 2020 2021 2017 2018 2019 2020 2021 2017 2018 2019 2020 2021 Angola, Nigéria Hors ASS Angola, à la hausse dans plusieurs pays Afrique subsaharienne et les conditions de sécurité et Afrique du Sud Nigéria et Afrique du Sud Moyenne 2000-2017 se sont stabilisées dans les Source : Banque mondiale. pays touchés par les conflits et la violence. Cependant, les Après un léger FIGURE 1.5B : Prévisions de prix des matières premières politiques d’assainissement redressement en 160 budgétaire maintenues par les 2019, les cours des pays pèseront sur le rythme de matières premières l’expansion économique. Les Indice, constante (2010 = 100) devraient se 120 perspectives pour les exportateurs stabiliser en 2020. de métaux se sont également 80 améliorées et la croissance devrait se renforcer dans plusieurs pays, à mesure que la production 40 minière augmente, soutenue par des prix des métaux stables. En outre, les investissements dans 0 les infrastructures contribuent à 1960 1970 1980 1990 2000 2010 2020 Énergie Métaux Agriculture stimuler l’activité économique non minière (Figure 1.5E). Source : Banque mondiale (mise à jour GEP 2019). • Parmi les pays moins riches La croissance dans FIGURE 1.5C : Prévisions de croissance du PIB par habitant en ressources, l’activité devrait la région, y compris reprendre après un ralentissement 4 la croissance en 2018, avec une croissance par habitant, moyenne de 5 % en 2020-2021, restera nettement 2 soutenue par des investissements inférieure à sa dans les infrastructures, des moyenne à long Pourcentage réformes favorables aux terme. 0 entreprises, et des dépenses de consommation plus élevées. La croissance de l’UEMOA et de la –2 Communauté de l’Afrique de 2017 2018 2019 2020 2021 2017 2018 2019 2020 2021 2017 2018 2019 2020 2021 l’Est sera en moyenne de 6 % ou Afrique subsaharienne Angola, Nigéria Hors ASS Angola, davantage (Figure 1.5F). Toutefois, et Afrique du Sud Nigéria et Afrique du Sud dans plusieurs économies à Moyenne 2000-2017 croissance rapide, y compris Source : Banque mondiale. la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie et la 20 > A F R I C A’ S P U L S E Tanzanie, la croissance restera plus faible qu’elle ne l’a été récemment. FIGURE 1.5D : Croissance du PIB par habitant, par groupe de ressources Les performances Cela s’explique par l’arrivée à 15 de croissance maturité des investissements se caractérisent publics dans certains pays, par toujours par 10 une forte l’assainissement budgétaire dans hétérogénéité : les pays fortement endettés et 5 elles restent par un environnement des affaires robustes parmi Pourcentage défavorable dans d’autres. les pays pauvres 0 en ressources et s’améliore 1.4 RISQUES POUR –5 graduellement LES PERSPECTIVES dans les pays ÉCONOMIQUES –10 exportateurs de 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2021 2019f 2020f métaux et les pays Afrique subsaharienne exportateurs de Risques externes Pays riches en ressources pétrolières Pays riches en ressources métalliques et minérales Pays non riches en ressources pétrole. Ralentissements dans les principales économies. Le ralentissement FIGURE 1.5E : Croissance du PIB, par groupe de ressources continu de la croissance mondiale 10 et les risques de dégradation des 8 perspectives mondiales constituent un contexte extérieur difficile pour 6 les pays d’Afrique subsaharienne. Pourcentage 4 Si les États-Unis, la zone euro et la Chine – les principaux partenaires 2 commerciaux de l’Afrique 0 subsaharienne – connaissaient un ralentissement plus marqué –2 que prévu, cela pourrait avoir –4 d’importantes répercussions 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f 2021f sur la région par le biais des Pays riches en ressources pétrolières Pays riches en ressources métalliques et minérales Pays non riches en ressources circuits commerciaux, financiers, des matières premières et de la confiance. Un déclin plus rapide FIGURE 1.5F : Croissance du PIB, par groupe régional Les pays de l’UEMOA que prévu des prix des matières 8 et de la communauté d’Afrique de l’Est premières exercerait une pression 7 devraient, selon les supplémentaire sur les soldes 6 prévisions, accélérer budgétaire et courant ainsi que 5 la croissance de la sur le secteur financier, ce qui 4 Pourcentage région à plus de limiterait considérablement les 3 5 % par an en investissements. Dans les pays les 2 2019– 2021. plus dépendants des revenus tirés 1 du pétrole et des métaux, une 0 forte baisse des prix des matières –1 premières pourrait faire dérailler les –2 efforts pour rétablir la viabilité du 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018e 2019f 2020f 2021f budget et de la dette extérieure. Pays de l’UEMOA Pays de la CEMAC Communauté de l’Afrique de l’Est Afrique subsaharienne Incertitudes en matière de politique Source : Banque mondiale. commerciale. La croissance du Remarque : CEMAC = Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale ; PIB = produit intérieur brut ; SSA = Afrique subsaharienne ; UEMOA = Union économique et monétaire ouest-africaine. commerce mondial a ralenti A F R I C A’ S P U L S E > 21 en 2018, sous l’effet de Un resserrement FIGURE 1.6A : Écarts EMBI l’affaiblissement de l’activité des conditions 230 industrielle et de l’éventualité financières devrait 210 de politiques commerciales de Indice = 100 au 01/01/2014 déboucher sur des 190 coûts de l’emprunt 170 plus en plus protectionnistes, et plus élevés dans les 150 elle devrait encore décélérer en pays de la région. 130 2019. Une escalade des tensions 110 commerciales pourrait éroder 90 la demande extérieure. Un tel 70 scénario freinerait la croissance 50 des exportations, un facteur 1/1/14 3/1/14 5/1/14 7/1/14 9/1/14 11/1/14 1/1/15 3/1/15 5/1/15 7/1/15 9/1/15 11/1/15 1/1/16 3/1/16 5/1/16 7/1/16 9/1/16 11/1/16 1/1/17 3/1/17 5/1/17 7/1/17 9/1/17 11/1/17 1/1/18 3/1/18 5/1/18 7/1/18 9/1/18 11/1/18 1/1/19 3/1/19 essentiel de la reprise en cours de Écart à haut rendement Afrique Asie Amérique latine l’activité économique d’Afrique Source : Bloomberg. subsaharienne. Dans ce cas, la reprise resterait atone dans de Les vulnérabilités FIGURE 1.6B : Nombre de pays menacés de surendettement nombreux pays. de la dette sont en Afrique subsaharienne (% du total) élevées dans la 100 Des conditions de financement région. plus difficiles. La pause actuelle 80 dans la politique américaine des 60 taux d’intérêt a permis d’assouplir les conditions financières des 40 marchés émergents et économies en développement (MEED). 20 Toutefois, les marchés financiers pourraient connaître une évolution 0 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 défavorable si les taux d’intérêt Risque faible Risque modéré Risque élevé augmentaient soudainement. Source : Banque mondiale. Avec le resserrement des Remarque : Couvre les notations de risque divulguées et non divulguées par le conseil d’administration de 36 pays d’Afrique subsaharienne jusqu’en 2013 et de 37 à partir de 2014. conditions financières mondiales, les perturbations des marchés financiers pourraient à leur tour entraîner une réduction brutale des flux de capitaux, une hausse des coûts de financement et une dépréciation rapide du taux de change dans certains pays (Figure 1.6A). Une dépréciation de la monnaie plus forte que prévu rendrait le remboursement de la dette libellée en devises étrangères plus difficile pour les pays ayant vu leur dette croître considérablement (Figure 1.6B). Risques internes Un assainissement budgétaire plus faible. Il est nécessaire d’assainir correctement les finances publiques pour rétablir la viabilité budgétaire et externe dans l’ensemble des pays de la région, en particulier parmi les pays qui ont connu une augmentation significative de leur dette publique (Figure 1.6C). Dans les pays organisant des élections cette année et où d’importants ajustements budgétaires s’imposent, des considérations politiques pourraient compromettre les engagements en faveur d’un resserrement continu des politiques budgétaires. Les cadres budgétaires nationaux pourraient s’affaiblir et inciter les pays à mener des politiques procycliques. Si les réformes de la gestion des finances publiques et de l’administration fiscale étaient retardées, cela compromettrait les objectifs visant à percevoir des recettes non pétrolières et non liées aux ressources, à éviter que les gouvernements ne génèrent davantage d’arriérés et à réduire la dette publique. Détérioration de la situation sécuritaire. La situation sécuritaire intérieure reste précaire dans plusieurs pays et pourrait être aggravée par la situation économique et sociale difficile. Si elle se détériorait, cela aurait 22 > A F R I C A’ S P U L S E un impact négatif sur l’activité FIGURE 1.6C : Ratios de la dette publique et du solde budgétaire, 2018 et 2019 Plusieurs pays économique et entraînerait une 140 connaissent un augmentation des dépenses Mozambique assainissement militaires, car les décideurs se 130 budgétaire plus concentrent sur la sécurité plutôt Soudan 120 Mozambique faible et une que sur les réformes économiques. 110 augmentation Le flux de personnes déplacées Dette publique (% du PIB) significative du 140 va probablement augmenter, en Soudan niveau de la dette particulier en Afrique centrale. 90 Angola publique. Zambie 80 Angola Des conditions météorologiques Zambie 70 Sénégal extrêmes récurrentes. Les pays Ghana Sénégal africains sont vulnérables à un 60 Kenya Kenya Ghana éventail de catastrophes naturelles, 50 Rwanda Rwanda en partie du fait d’une exposition 40 surdimensionnée à de tels chocs –10 –9 –8 –7 –6 –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 Solde budgétaire (% du PIB) (par exemple, une dépendance 2018 2019f excessive à l’égard du secteur Sources : Analyse de la viabilité de la dette du FMI/Banque mondiale, Novembre 2018. agricole) et en partie à cause de Remarque : EMBI = Indice des obligations des marchés émergents ; PIB = produit intérieur brut ; la faible marge de manœuvre ASS = Afrique subsaharienne. budgétaire dont ils disposent FIGURE 1.6D : Catastrophes naturelles en Afrique subsaharienne Les catastrophes pour réagir rapidement et naturelles posent efficacement à ces chocs. En 2018, 24 des risques les pays ont été moins nombreux 22 importants aux à connaître la sécheresse, ce qui 20 pays de la région. Nombre de catastrophes a probablement contribué à 18 16 l’augmentation de la production 14 agricole dans la région (Figure 1.6D). 12 Outre les sécheresses, le nombre 10 d’inondations, de glissements de 8 terrain et de cyclones reste élevé. 6 Ces phénomènes constituent des 4 risques importants pour les pays 2 de la région, comme l’ont illustré 0 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 récemment les cas du Mozambique, Sécheresse Inondations Cyclone tropical Glissement de terrain du Malawi et du Zimbabwe. Pour Moyenne 2000-2018 renforcer la résilience face à de Source : Guha-Sapir, Base de données sur les événements d’urgence, Centre de recherche sur telles catastrophes naturelles, il l’épidémiologie des désastres, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique, www.emdat.be. faut des plans d’actions à long terme prudents et réfléchis. Outre le financement IDA, la Banque mondiale apporte un soutien aux pays concernés, par le biais du Programme de financement et d’assurance contre les risques de catastrophe, créé en 2010 pour améliorer la résilience financière des gouvernements, des entreprises et des ménages face aux catastrophes naturelles. 1.5 POLITIQUES VISANT À CRÉER UNE CROISSANCE DURABLE ET INCLUSIVE ET À RENFORCER LA RÉSILIENCE Bien que la croissance régionale devrait rebondir en 2019, elle sera restée sous la barre des 3 % pendant trois années consécutives. La croissance devrait atteindre 3,3 % en 2020 et 3,4 % en 2021, dans un contexte de stabilisation des prix des matières premières. Cela laisse à penser qu’avec les politiques et les taux de croissance actuels, il est peu probable que la région atteigne son objectif d’éradiquer l’extrême A F R I C A’ S P U L S E > 23 pauvreté d’ici 2030. Les perspectives de croissance modestes de l’Afrique subsaharienne soulignent le besoin urgent de prendre des mesures stratégiques globales afin de favoriser une croissance forte et plus durable. À cet égard, il est nécessaire d’adopter des programmes de réforme ambitieux, capables de renforcer les politiques macroéconomiques, de permettre la transformation numérique et de renforcer la résilience, ainsi que des mesures visant à développer le capital humain (Annexe 1A). Consolider les politiques macroéconomiques Alors que l’environnement extérieur devient plus difficile, les décideurs doivent mettre en œuvre des politiques pour rendre leur économie plus résiliente face aux risques à court terme. Des efforts sont nécessaires pour renforcer les cadres de politique budgétaire, monétaire et prudentielle, en particulier dans les pays qui ont connu une augmentation rapide de leur niveau d’endettement et qui sont davantage exposés aux risques de change, de taux d’intérêt ou de refinancement de la dette. Cela implique de réformer les systèmes fiscaux pour renforcer la mobilisation des recettes intérieures, de donner la priorité aux dépenses dans des investissements de qualité et dans la réduction de la pauvreté, de renforcer les cadres budgétaires pour les rendre plus favorables à des politiques anticycliques efficaces, et d’améliorer la gestion de la dette publique et des passifs éventuels, y compris en renforçant les institutions qui favorisent la transparence de la dette. Il est aujourd’hui encore plus urgent de prendre ces mesures dans les pays à faible revenu de la région, où les dettes sont très vulnérables au surendettement et le deviennent toujours davantage. Renforcer la résilience à la fragilité La fragilité, les conflits et la violence (FCV) posent de sérieux défis aux perspectives économiques de la région. Dans les pays en situation de FCV, les stratégies de développement économique sont susceptibles d’échouer dans un contexte de rupture du contrat social, de faiblesse des institutions et de faible capacité de l’État. Pour prévenir et éliminer la fragilité, il est fondamental de promouvoir la légitimité de l’État. Cela implique de renforcer les capacités, de soutenir l’État et de renforcer les institutions nationales et locales. Les initiatives régionales peuvent également contribuer à maintenir la paix au-delà des frontières. La section 2 s’intéresse aux moyens de réduire la fragilité, en renforçant les capacités de l’État et en encourageant le commerce intrarégional. • Renforcer les capacités des États. Les fonctions gouvernementales clés doivent être soutenues de manière à renforcer l’efficacité et la confiance dans l’État. Pour que les gouvernements assurent la sécurité et la primauté du droit et qu’ils réglementent et/ou fournissent des biens publics, ils doivent être capables de planifier, d’allouer des ressources, de superviser efficacement la fourniture de ces services, et de générer des recettes par le biais d’une fiscalité transparente et équitable. À cet égard, il est important de reconstruire avant tout la capacité de l’État à mener une politique fiscale et monétaire, afin d’assurer une prestation efficace des services publics, le développement du secteur privé et la résilience aux chocs. Dans ce contexte, pour aider les pays à sortir du piège de la fragilité, il faut : (a) que les acteurs du développement restent impliqués sur le long terme, (b) que la hiérarchisation et l’approche étape par étape des réformes reflètent correctement l’approche itérative nécessaire dans les contextes de FCV, (c) que les pays s’emparent davantage du processus, (d) tirer pleinement parti des fenêtres d’opportunité, et (e) fournir les services de manière efficace et inclusive. • Développer le commerce intrarégional. Pour remédier à la fragilité, des projets peuvent être déployés au niveau régional. Le commerce transfrontalier entre les pays de la région des Grands Lacs joue un rôle important dans le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique centrale. Cette approche a permis de tisser des liens pacifiques entre le Burundi, la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda après des années de troubles et d’instabilité. Les infrastructures médiocres et 24 > A F R I C A’ S P U L S E les coûts élevés de facilitation du commerce entravent souvent les échanges transfrontaliers, et ce coût est particulièrement élevé pour les entreprises dans les pays en situation de FCV. Le programme de facilitation des échanges dans les Grands Lacs, mis en œuvre depuis début 2016, vise à favoriser les échanges transfrontaliers en augmentant la capacité commerciale et en réduisant les coûts supportés par les commerçants (en particulier les commerçants à petite échelle et les femmes commerçantes) à certains points de passage aux frontières et ports dans la région. Pour améliorer le passage des frontières, il convient de simplifier les règles, d’avoir une tolérance zéro en matière de violence, d’offrir de meilleures infrastructures et conditions matérielles pour les fonctionnaires et les commerçants à la frontière, et de fournir un soutien aux associations de commerçants pour que les petits commerçants pauvres soient mieux représentés. Tirer parti de la révolution numérique Les technologies numériques sont une opportunité de trouver de nouvelles voies vers une croissance économique rapide, l’innovation, la création d’emplois et l’accès aux services en Afrique. Pourtant, la plupart des habitants de la région n’ont toujours pas accès à internet, les entreprises sont lentes à adopter les technologies numériques pour améliorer leur productivité, et rares sont les gouvernements qui investissent de manière stratégique dans le développement de l’infrastructure numérique, des services, des compétences et de l’esprit d’entreprise. Pour que l’Afrique subsaharienne puisse tirer parti des possibilités offertes par les technologies de l’information et de la communication, il est nécessaire de réduire la fracture numérique par rapport aux autres pays en développement et aux pays avancés. Les gouvernements africains doivent également mettre en place un cadre juridique et réglementaire solide qui favorise la concurrence. Pour éradiquer l’extrême pauvreté d’ici 2030, un changement technologique radical s’impose, et les pays doivent adopter ces nouvelles technologies. Dans ce contexte, la région doit continuer à faire des efforts pour entrer de plain-pied dans la quatrième révolution industrielle. Cette édition d’Africa’s Pulse se penche particulièrement sur les moyens de tirer parti de la révolution numérique pour parvenir à une croissance durable et inclusive, et ce thème est abordé plus en détail à la section 3. Les principaux enjeux sont les suivants : • Combler la fracture numérique. La révolution numérique en Afrique n’est pas qu’une question de connectivité et d’accès. Il s’agit de mettre en œuvre des politiques qui soutiennent l’adoption, la diffusion et l’utilisation des technologies numériques, y compris des mesures favorisant le déploiement de haute qualité d’Internet et à des prix concurrentiels. Les politiques relatives à l’éducation, aux compétences et au marché du travail peuvent contribuer à garantir que les compétences nécessaires seront disponibles sur le marché du travail, afin de soutenir l’adoption et l’utilisation des technologies numériques. Les systèmes d’éducation et de formation doivent donc suivre le rythme rapide de l’innovation. Les programmes d’éducation et de formation adaptés aux entreprises devraient améliorer la réaffectation des travailleurs aux diverses tâches, à mesure que les opportunités technologiques se développent ou évoluent, et que les travailleurs changent d’entreprise ou de secteur. • Créer une économie numérique compétitive. Pour combler les fossés de l’économie numérique, il faut également des politiques et atouts complémentaires. Les pays ont besoin de réglementations favorisant la connectivité et la concurrence, de compétences numériques améliorant la technologie, de politiques de main-d’œuvre et de marché de produits facilitant la réaffectation de la main-d’œuvre à mesure que des opportunités technologiques voient le jour, ainsi que de politiques et institutions pour assurer la cybersécurité. La concurrence peut contribuer à réduire les prix et à développer l’utilisation des technologies. L’économie numérique doit être inclusive et réduire les fossés entre les sexes, les revenus et les zones rurales. Des réglementations sont indispensables pour créer un environnement propice à une utilisation innovante et audacieuse de la technologie. A F R I C A’ S P U L S E > 25 ANNEXE 1A : FACTEURS À L’ORIGINE DE LA RÉSILIENCE ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE La présente annexe consigne les faits stylisés relatifs aux caractéristiques macroéconomiques et financières qui déterminent la résilience de la croissance des pays d’Afrique subsaharienne, la dénommée taxonomie de la résilience de la croissance. Cette taxonomie, qui a été introduite par Africa’s Pulse, volume 14, décrit différents groupes de performance de croissance dans la région, en fonction du rythme et de la persistance de la croissance de leur produit intérieur brut (PIB) (Banque mondiale, 2016). Elle offre une vue d’ensemble des performances macroéconomiques récentes en Afrique subsaharienne. Des chocs extérieurs négatifs et une médiocre gestion économique ont eu des répercussions sur les moyens de subsistance africains en 2015–2018. Par conséquent, la résilience des trajectoires de croissance a été mise à l’épreuve dans les pays d’Afrique subsaharienne. Le message principal est qu’atteindre une croissance soutenue et résiliente en Afrique subsaharienne exige d’améliorer la qualité institutionnelle (en particulier l’État de droit), de stimuler la productivité dans le secteur agricole et de réduire le profil de risque de la dette publique. Les principales conclusions montrent une convergence économique du PIB réel par habitant — dans la mesure où les pays ayant les revenus par habitant plus faibles progressent au rythme le plus rapide. Les pays enregistrant la croissance la plus forte de la région dépendent encore fortement de l’agriculture, un secteur à faible productivité nécessitant une modernisation technologique pour stimuler sa productivité. Par conséquent, la mauvaise répartition des ressources dans l’agriculture expliquerait la productivité globale plus faible dans la région. La qualité institutionnelle est faible dans tous les groupes de pays, en particulier dans les domaines de la stabilité politique, de l’efficacité des pouvoirs publics et de l’État de droit — notamment parmi les pays enregistrant les moins bonnes performances. L’accumulation de la dette menace la soutenabilité de la dette publique, alors qu’une part croissante de celle-ci est due à des créanciers privés et libellée en devises étrangères. Développer les marchés financiers domestiques est nécessaire pour attirer des investisseurs nationaux et financiers afin de susciter davantage d’entrées de capitaux. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne ont accumulé des dettes extérieures publiques, et la composition de ces passifs a évolué pour passer des mains de créanciers publics à celles de créanciers privés. La création de marchés obligataires en monnaie locale contribuerait à diversifier la composition de la dette et à gérer les risques de change. Jusqu’à présent, tous les pays de la région affichent un bilan lamentable en termes de qualité institutionnelle ; par conséquent, il est important de renforcer les institutions nationales non seulement pour soutenir des cadres de politique macroéconomique robustes, mais aussi pour favoriser les investissements nationaux et étrangers. La performance de croissance nationale sert de seuil pour appliquer la taxonomie de la croissance résiliente — comme décrit dans les éditions d’octobre 2016 et d’avril 2017 d’Africa’s Pulse (Banque mondiale, 2016, 2017). La taxonomie compare les taux de croissance annuels moyens du PIB sur les périodes 1995–2008 et 2015–2018 à des seuils prédéterminés. Ces seuils correspondent aux terciles inférieur et supérieur des taux de croissance annuels moyens de 44 pays d’Afrique subsaharienne entre 1995 et 2008 (c’est-à-dire 3,5 et 5,4 % respectivement). La taxonomie de la résilience de la croissance, par conséquent, classe les performances de croissance en cinq groupes de pays : (a) distancés, (b) en recul, (c) coincés au milieu, (d) en progression et (e) établis (Figure 1A.1). Ces cinq groupes sont ensuite reclassés en trois groupes. Si la performance économique d’un pays s’est essoufflée entre 1995–2008 et 2015–2018, le pays est classé dans le tercile inférieur, qui comprend les pays « distancés » et « en recul ». Si le taux de croissance d’un pays est resté stable dans le temps, entre 3,5 et 5,4 % pour les deux périodes, il est classé dans le tercile intermédiaire (ou « coincé au milieu »). Si la performance économique d’un pays s’est 26 > A F R I C A’ S P U L S E FIGURE 1A.1 : Taxonomie des performances de croissance en Afrique subsaharienne La performance de croissance des 11 trois plus grands En progression Établis économies de la Éthiopie région se situe dans le 9 Côte d'Ivoire tercile inférieur. Guinée 7 Tanzanie Rwanda Sénégal Kenya Mali Burkina Faso Guinée-Bissau Ghana 5 Niger Ouganda Congo, RD Cameroun Mozambique Coincés au milieu Madagascar Zambie 3 Malawi Mauritanie Botswana Croissance du PIB 2015-2018 Zimbabwe Lesotho Namibie Libéria 1 Afrique du Sud Nigéria Congo, Rép. -4 0 4 8 12 16 35 Burundi Tchad -1 Angola Sierra Leone -3 Distancés En recul -5 -7 Croissance du PIB 1995-2008 Distancés En recul Coincés au milieu En progression Établis Source : Calculs de la Banque mondiale sur base de la base de données du WDI. améliorée entre 1995–2008 et 2015–2018, avec une croissance de plus de 5,4 % par an, le pays est classé dans le tercile supérieur, qui comprend les groupes « en progression » et « établis ». Onze des 44 pays se situent dans le tercile supérieur : Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Mali, Rwanda, Sénégal et Tanzanie. Ces pays abritent près de 33 % de la population et produisent 20 % du PIB total de la région. La croissance économique moyenne dans le tercile supérieur dépasse le seuil de 5,4 %. Le fort taux de croissance économique du groupe est lié à des niveaux plus élevés de demande globale (plus de consommation privée et d’investissements publics), d’exportations de produits de base et de production agricole. En effet, certains pays de ce groupe sont qualifiés plus strictement comme faisant partie du groupe des pays « établis » (Burkina Faso, Éthiopie, Rwanda et Tanzanie). Ils ne disposent pas de ressources abondantes ; leur taux de croissance annuel (médian) était d’environ 7 % par an en 2015–2018 ; et leur PIB moyen par habitant (pondéré en fonction de la population) s’élève à 807 USD. Le tercile intermédiaire comprend 14 pays : Bénin, République centrafricaine, Cameroun, République démocratique du Congo, Cabo Verde, Gambie, Madagascar, Mozambique, Île Maurice, Niger, Soudan, São Tomé-et-Príncipe, Togo et Ouganda. Ce groupe de pays abrite près de 30 % de la population de la région A F R I C A’ S P U L S E > 27 (une proportion similaire à la population du tercile supérieur) et produit 17 % du PIB total de la région. Les pays de ce groupe ne sont pas parvenus à atteindre un taux de croissance du PIB de 5,4 % en 2015–2018. Le PIB moyen par habitant de ce groupe (pondéré selon la population) est de 955 USD, soit un chiffre plus élevé que celui du tercile supérieur. Dix-neuf des 44 pays d’Afrique subsaharienne sont classés dans le tercile inférieur : Afrique du Sud, Angola, Burundi, Botswana, République du Congo, Comores, Gabon, Guinée équatoriale, Libéria, Lesotho, Mauritanie, Malawi, Namibie, Nigéria, Sierra Leone, eSwatini, Tchad, Zambie et Zimbabwe. Ces pays n’ont enregistré aucun progrès dans leurs performances économiques entre 1995–2008 et 2015–2018. Par exemple, leurs taux médians de croissance économique se sont essoufflés, de 5,4 % par an en 1995–2008 à 1,2 % par an sur 2015–2018. Ce groupe représente 33 % de la population totale de la région (une proportion semblable à celles des terciles supérieur et intermédiaire) et près de 60 % du PIB total de la région (soit beaucoup plus que les autres terciles). Ce groupe inclut les trois plus grands pays de la région — Nigéria, Afrique du Sud et Angola — et compte de nombreux exportateurs de produits de base. Le PIB moyen par habitant du tercile inférieur est d’environ 2 696 USD. Quels corrélats macroéconomiques et financiers expliquent les différentes performances de croissance des terciles supérieur, intermédiaire et inférieur en Afrique subsaharienne ? Pourquoi les pays riches en ressources affichent-ils des performances économiques médiocres, tandis que les pays ne disposant pas de ressources abondantes les surpassent ? À quels types de problèmes les pays du tercile intermédiaire sont-ils confrontés ? Quelles seraient les solutions possibles ? Une meilleure gestion économique est-elle importante ? La piètre performance des pays des terciles inférieur et intermédiaire est-elle un problème de fondamentaux économiques médiocres ou de malchance ? L’analyse s’efforce d’identifier les facteurs qui sont corrélés à la réussite ou l’échec de la performance de croissance économique en Afrique subsaharienne, en mettant l’accent sur les variables macroéconomiques et financières. Par conséquent, l’analyse qui suit met en relation la croissance économique et les performances macroéconomiques dans la région. L’analyse implique une série de variables macroéconomiques pour 44 pays d’Afrique subsaharienne de 1995 à 2018. Les corrélats de la croissance pour cette analyse incluent les éléments suivants : a. La convergence, représentée par le niveau de revenu par habitant des pays dans chaque tercile b. La transformation structurelle, saisie par les parts de valeur ajoutée et d’emploi sectoriels c. Les flux de capitaux (valeur globale et composition) d. Le niveau et la composition de l’endettement du secteur public, saisis par : (i) l’endettement public brut et sa composition par devises et (ii) l’encours de la dette publique extérieure (et sa composition par créancier)1 e. Les indicateurs de gouvernance, à savoir l’efficacité des pouvoirs publics, la qualité de la réglementation, la lutte contre la corruption, la voix citoyenne et la responsabilité, la stabilité politique et l’absence de violence et l’État de droit.2 1 Les données sur la dette publique extérieure et sa composition sont tirées des Indicateurs du développement dans le monde (WDI – World Development Indicators) de la Banque mondiale. Les données sur l’endettement public brut proviennent des Perspectives de l’économie mondiale (PEM) du Fonds monétaire international. 2 Les Indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale sont tirés de Kaufman, Kraay et Mastruzzi (2009). Les Indicateurs de gouvernance prennent des valeurs comprises entre -2,5 et 2,5, les valeurs plus élevées indiquant une meilleure gouvernance. Ces indicateurs rendent compte des différentes dimensions de la gouvernance, y compris l’efficacité des pouvoirs publics et la qualité de la réglementation (mesurant « la capacité des pouvoirs publics à élaborer et appliquer avec efficacité des politiques rationnelles ») ; la voix citoyenne et la responsabilité, la stabilité politique et l’absence de violence/de terrorisme (mesurant « le processus par lequel les gouvernements sont élus, contrôlés et remplacés ») ; et l’État de droit et la lutte contre la corruption (décrivant « le respect des citoyens et de l’État à l’égard des institutions qui gouvernent les interactions économiques et sociales entre eux »). 28 > A F R I C A’ S P U L S E Convergence FIGURE 1A.2 : PIB réel par habitant pour les différents terciles de Les pays du tercile Il y a des preuves de la performance de la croissance en Afrique subsaharienne inférieur ont le revenu convergence en Afrique (en USD constants, prix de 2010) par habitant le plus subsaharienne : les pays avec 4000 élevé. des niveaux de PIB par habitant 3500 inférieurs (c’est-à-dire les pays du tercile supérieur) ont tendance à 3000 USD constants, prix de 2010 croître à des taux plus rapides que 2500 les pays ayant les PIB par habitant 2000 plus élevés. Plus précisément, les pays ayant les meilleures 1500 performances de croissance en 1000 2015–2018 (tercile supérieur) 500 affichent les PIB réels par habitant les plus faibles, avec une moyenne 0 Inférieur Intermédiaire Supérieur non pondérée de 639 USD en 1995 1995 2015 et 932 USD en 2015. Ils sont suivis Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. par le tercile intermédiaire, avec un PIB réel moyen (non pondéré) FIGURE 1A.3 : Dispersion des revenus par habitant pour les différents Le revenu par habitant par habitant de 883 USD en 1995 terciles de performance de la croissance en Afrique subsaharienne est moins volatil dans et 1 580 USD en 2015 (Figure 1A.2). (écart-type du logarithme du PIB par habitant dans les différents pays) le tercile supérieur et Enfin, les pays du tercile inférieur 1,4 plus volatil dans les font état des PIB réels par habitant terciles intermédiaire 1,2 et inférieur. les plus élevés (avec des moyennes par habitant dans les différents pays Écart-type du logarithme du PIB pour le groupe de 2 272 USD en 1,0 prix constants de 2010 en 1995 et 3 533 USD en 2015). La stabilité 0,8 dans le modèle de Solow-Swan 0,6 prévoit que les pays riches et pauvres convergent vers un état 0,4 d’équilibre (Barro et Sala-i-Martin, 0,2 1995). Ne pas converger vers les niveaux de revenu de l’économie 0 Inférieur Intermédiaire Supérieur mondiale aurait pour conséquence 1995 2015 que les pays subsahariens Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. resteraient à la traîne et coincés dans la pauvreté ou dans le piège du revenu intermédiaire, dans lequel les politiques ne parviennent pas à stimuler la productivité. En outre, l’écart-type du PIB réel par habitant est calculé pour les terciles de performance de la croissance. Il montre que le revenu réel par habitant est plus volatil dans le tercile inférieur que dans les terciles intermédiaire et supérieur (Figure 1A.3). Il y a donc une plus grande dispersion des revenus par habitant dans le groupe des moins bonnes performances de croissance (tercile inférieur), alors que la dispersion est moindre entre les pays les plus performants (tercile supérieur). Cela reflète une plus grande hétérogénéité des niveaux de revenu par habitant dans le tercile inférieur par rapport au tercile supérieur. A F R I C A’ S P U L S E > 29 Transformation structurelle Parmi les facteurs à l’origine de la faible productivité globale en Afrique subsaharienne, on compte la très faible productivité dans le secteur de l’agriculture, le retard de la modernisation technologique du secteur et les institutions qui ont produit une mauvaise répartition des ressources. En général, une meilleure croissance de la productivité favorise la croissance économique à long terme. Selon Duarte et Restuccia (2010) et Herrendorf, Rogerson et Valentinyi (2014), le processus de transformation est caractérisé par (a) la baisse de l’emploi (ou des heures travaillées) dans l’agriculture au fil du temps, (b) la hausse de la proportion de l’emploi (ou des heures travaillées) dans les services et (c) une part croissante de l’emploi dans l’industrie manufacturière à un stade précoce, puis une diminution ultérieurement, autrement dit une courbe de la part de l’emploi (ou des heures travaillées) dans le secteur manufacturier formant une bosse. Les pays en développement pourraient parvenir à sortir leurs économies d’un niveau de faible revenu et à atteindre des niveaux de revenus intermédiaires de la tranche supérieure et élevés en diversifiant leurs activités au-delà de l’agriculture et des secteurs traditionnels vers des secteurs modernes dans leurs trajectoires de développement (voir aussi Banque mondiale, 2018). Par conséquent, une trajectoire de croissance économique soutenue se caractérise par la réaffectation de la main-d’œuvre de l’agriculture vers des activités économiques modernes, comme l’industrie manufacturière, les services liés à la technologie de l’information et les services modernes fondés sur la connaissance. Le tableau 1A.1 montre que la part moyenne de la valeur ajoutée de l’agriculture est la plus faible dans le tercile inférieur (17,6 % en 2015–2018), alors qu’elle est plus élevée dans le tercile supérieur (28,8 % en 2015–2018). Si la part de la valeur ajoutée de l’agriculture a diminué pour tous les terciles (inférieur, intermédiaire et supérieur) de 1995–2008 à 2015–2018, la plus forte baisse a été enregistrée dans le tercile inférieur (avec un déclin moyen de 3,9 points de pourcentage), tandis que la plus petite diminution s’est produite dans le tercile supérieur (avec une baisse moyenne de 3,1 points de pourcentage). Le rythme de déclin de la part de la valeur ajoutée agricole a été le plus rapide pour le tercile inférieur (-6,4 points de pourcentage) et le plus lent pour le tercile supérieur (-2,1 points de pourcentage). La part moyenne de la valeur ajoutée de l’industrie a augmenté de 2 points de pourcentage dans le tercile supérieur (de 19,4 % en 1995–2008 à 21,4 % en 2015–2018), alors qu’elle a diminué en moyenne d’un point TABLEAU 1A.1 : Transformation structurelle pour les différents terciles de performance de croissance en Afrique subsaharienne (parts moyennes, non pondérées) Inférieur Intermédiaire Supérieur       1995-08 2015-18   1995-08 2015-18   1995-08 2015-18 Parts de la valeur ajoutée (en %) Agriculture 21,5 17,6 26,9 22,9 31,9 28,8 Industrie 31,4 27,8 20,0 19,0 19,4 21,5 Services 42,2 49,0 47,5 48,9 41,8 43,2 Parts de l’emploi (en %) Agriculture 56,8 51,3 60,2 55,4 65,5 56,6 Industrie 12,2 13,2 12,5 12,4 8,9 11,9 Services 31,0 35,5 27,3 32,2 25,5 31,5 Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. 30 > A F R I C A’ S P U L S E de pourcentage pour le tercile intermédiaire et de 3,7 points de pourcentage dans le tercile inférieur. Pour tous les terciles de performance de la croissance, la réduction de la part de valeur ajoutée de l’agriculture a été compensée, au moins en partie, par une augmentation de la part moyenne de la valeur ajoutée des services — en particulier parmi les pays du tercile inférieur, où l’augmentation moyenne de cette proportion était de 6,9 points de pourcentage (contre une hausse de 1,4 point de pourcentage dans les terciles intermédiaire et inférieur). En outre, les services dans le tercile inférieur représentent la moitié de l’activité économique en 2015–2018 (et ce, que nous utilisions la moyenne ou la médiane pour la période). Examiner les moyennes peut ne pas rendre compte de l’hétérogénéité de l’évolution des parts de la valeur ajoutée dans les pays de la région. Par exemple, les plus fortes augmentations de la part de la valeur ajoutée du secteur des services ont été enregistrées en Guinée équatoriale (26,1 points de pourcentage) et au Libéria (26 points de pourcentage), deux pays qui se classent dans le tercile inférieur. L’activité économique sectorielle en Guinée équatoriale, un producteur de pétrole et de gaz naturel, provient essentiellement de l’industrie (près de 55 % du PIB) et des services (environ 40 % du PIB). Le processus de transformation structurelle se produit à différents rythmes et moments d’un pays à l’autre. En Afrique subsaharienne, cette transformation non seulement est lente, mais elle accuse de plus un retard par rapport à d’autres régions en développement. De nombreux pays d’Afrique subsaharienne enregistrent de larges parts d’emploi dans l’agriculture, tandis que les pays industrialisés affichent des parts d’emploi dans l’agriculture plus modestes (voir l’édition d’octobre 2018 d’Africa’s Pulse). Le Tableau 1A.1 montre que les proportions d’emploi agricole ont diminué pour tous les terciles dans la région de 1995–2008 à 2015–2018 et que les travailleurs se sont principalement réorientés vers les secteurs des services et, dans une moindre mesure, de l’industrie. La plus grande part moyenne des emplois dans l’agriculture est toujours enregistrée par le tercile supérieur (avec une part moyenne de 56,6 % en 2015–2018). Toutefois, ce tercile a connu la plus forte baisse de cette proportion (par rapport aux 65,5 % de 1995–2008). Les parts moyennes de l’emploi dans l’agriculture des terciles intermédiaire et inférieur restent élevées en 2015–2018 (55,4 et 51,3 % respectivement), et leurs rythmes de réduction entre 1995–2008 et 2015–2018 sont plus lents (4,8 et 5,5 points de pourcentage respectivement) que dans le tercile supérieur. Le déclin de la part de l’emploi agricole dans le tercile supérieur entre 1995–2008 et 2015–2018 s’explique par une augmentation de la part de l’emploi dans les services (5,9 points de pourcentage) et, dans une moindre mesure, dans l’industrie (3 points de pourcentage). Pour le tercile inférieur, la part plus faible de travailleurs dans l’agriculture a été compensée par une augmentation de la proportion des travailleurs dans les secteurs de l’industrie et des services (avec des augmentations moyennes de 1 à 4,5 points de pourcentage respectivement). Dans les pays du tercile intermédiaire, les baisses des proportions de l’emploi dans l’agriculture et l’industrie s’expliquent par une augmentation de la part de l’emploi dans les services (4,9 points de pourcentage). Entrées de capitaux Les entrées brutes de capitaux en pourcentage du PIB ont augmenté entre 2005–2008 et 2015–2018 en Afrique subsaharienne. Le ratio médian flux bruts totaux de capitaux/PIB dans le tercile supérieur a augmenté de 2,3 % en 2005–2008 à 7,4 % en 2015–2018 (Tableau 1A.2). La plus forte augmentation de la pénétration de capitaux étrangers s’est produite dans les pays du tercile intermédiaire, où les entrées brutes sont passées de 3,9 % du PIB en 2005–2008 à 9,7 % en 2015–2018 (une augmentation de près de 6 points de pourcentage). En revanche, la plus faible hausse des entrées brutes (environ 3,3 points de pourcentage) a été enregistrée dans les pays du tercile inférieur (où les entrées s’élevaient à 7,7 % du PIB A F R I C A’ S P U L S E > 31 TABLEAU 1A.2 : Flux bruts de capital vers l’Afrique subsaharienne pour les différents terciles de performance de croissance (en pourcentage du PIB) Inférieur Intermédiaire Supérieur       2005-08 2015-18   2005-08 2015-18   2005-08 2015-18 I. Moyennes Entrées brutes 6,7 7,3 4,7 24,2 2,7 9,6 IDE 5,5 7,1 6,1 14,3 2,5 4,0 Investissements de 0,3 0,6 0,3 0,4 0,1 1,0 portefeuille Autres investissements 0,7 2,3 -1,9 8,4 0,1 4,5 II. Médianes Entrées brutes 4,5 7,7 3,9 9,7 2,3 7,4 IDE 3,8 3,3 3,6 4,5 2,0 2,9 Investissements de 0,0 0,0 0,1 0,0 0,0 0,1 portefeuille Autres investissements 0,4 1,7 -0,6 3,2 0,1 2,9 Source : Statistiques de la balance des paiements version 6.0, Fonds monétaire international. Dans les titres de lignes, utiliser des majuscules initiales (Entrées brutes, Investissements de portefeuille, Autres investissements) en 2015–2018).3 Développer les marchés financiers nationaux contribuerait à stimuler les flux de capitaux en Afrique subsaharienne. Lorsque l’on examine la composition des entrées brutes, les investissements directs étrangers (IDE) et les autres investissements (AI) se sont considérablement améliorés, tandis les investissements de portefeuille (IP) n’ont que peu augmenté (moins de 1 %) dans tous les terciles. La légère augmentation dans les entrées d’investissements de portefeuille pourrait être attribuée à la profondeur limitée des marchés financiers nationaux en Afrique subsaharienne. Les entrées brutes d’IDE ont augmenté de 6,1 % du PIB en 2005–2008 à 14,3 % du PIB en 2015–2018 parmi les pays du tercile intermédiaire (une augmentation de 8,2 points de pourcentage).4 La hausse des entrées brutes d’IDE est, en moyenne, plus modeste pour les terciles supérieur et inférieur (elles ont augmenté de 1,5 et 1,6 point de pourcentage respectivement). Les deux plus grandes économies de la région, le Nigéria et l’Afrique du Sud, ont connu un déclin des IDE entre 2005–2008 et 2015–2018 et une augmentation des entrées hors IDE. Au Nigéria, les entrées brutes d’IDE ont diminué de 2,5 % du PIB en 2005–2008 à 0,7 % du PIB en 2015–2018, tandis que les entrées de portefeuille et autres entrées ont augmenté en pourcentage du PIB. La hausse des entrées de portefeuille de 0,8 % du PIB en 2005–2008 à 1,2 % du PIB en 2015–2018 peut être attribuée au recours aux marchés obligataires internationaux par le gouvernement. Les entrées d’autres investissements au Nigéria sont 3 L’augmentation rapide des entrées brutes en pourcentage du PIB parmi les pays du tercile intermédiaire est encore plus importante si l’on considère les moyennes non pondérées. Toutefois, cela est principalement attribuable à l’Île Maurice — dont les flux se sont accrus de 17,1 % du PIB en 2005–2008 à 202,6 % en 2015–2018. L’Île Maurice est un centre financier international dans la région de l’Afrique, et son secteur des affaires global est une voie d’entrée importante pour les IDE destinés à l’Inde et à l’Afrique. Maurice n’offre pas une juridiction appliquant un taux zéro d’imposition ; cependant, les entités commerciales internationales pouvaient déduire tous les impôts perçus à l’étranger de leur impôt dû à l’Île Maurice, ou encore se voir offrir un crédit pour impôt étranger de 80 % (quel que soit l’impôt étranger payé). Par conséquent, les sociétés étrangères pouvaient être soumises à un taux effectif d’imposition maximal de 3 %. Cependant, cette politique fiscale a changé : le crédit pour impôt étranger (c’est-à-dire l’impôt étranger présumé de 80 %) disponible pour certaines « Global Business Companies » (GBC) a été supprimé à compter du 1er janvier 2019. Le taux d’imposition pour les entreprises nationales comme les GBC a été harmonisé à 15 %. Dans le nouveau régime fiscal en cours d’introduction, l’exemption de 80 % (« exemption partielle ») s’applique aux : dividendes de source étrangère obtenus par une société, intérêts générés à l’étranger par une société non bancaire, bénéfices attribuables à un établissement permanent possédé par une société résidente dans un pays étranger, revenus de source étrangère issus d’un régime de placement collectif (CIS – Collective investment scheme), d’un fonds à capital fixe, d’un gestionnaire de CIS, d’un administrateur de CIS, d’un conseiller en placements ou d’un gestionnaire d’actifs, autorisés ou agréés par la « Financial Services Commission » (FSC) ; et aux revenus réalisés à l’étranger par les entreprises engagées dans le leasing de navires et aéronefs. Cette exemption partielle s’applique à présent aussi bien aux entreprises nationales qu’aux GBC (sous réserve des exigences énoncées par la FSC). Si une société a demandé l’exemption partielle, aucun crédit pour impôt étranger sous forme de crédits d’impôt réel, sous-jacent et fictif ne sera disponible. Enfin, la définition de revenus de source étrangère a évolué pour désigner les revenus qui ne sont pas générés à Maurice (Grant Thornton, 2018). 4 Comme c’était le cas pour les flux totaux, la forte augmentation des entrées d’IDE est en partie influencée par la hausse drastique enregistrée par Maurice, de 2,6 % du PIB en 2005–2008 à 128,4 % du PIB en 2015–2018. Il est important de noter que la grande quantité d’entrées en 2015–2018 pourrait inclure ce que la Banque centrale de l’île Maurice désigne comme IDE de « Global Business ». 32 > A F R I C A’ S P U L S E passées de -4,1 % du PIB en 2005–2008 à 0,3 % du PIB en 2015–2018. L’Afrique du Sud, en revanche, affiche une plus forte proportion d’entrées d’investissements de portefeuille sur les entrées totales. Par exemple, les entrées brutes d’IP (3,4 % du PIB en 2015–2018) sont supérieures aux entrées brutes d’IDE et d’AI (0,7 et 1,3 % du PIB respectivement). Entre 2005–2008 et 2015–2018, les entrées brutes d’IDE et d’AI ont diminué en Afrique du Sud, de 1,4 et 1,2 point de pourcentage respectivement, tandis que les entrées brutes d’IP n’ont augmenté que de 0,3 point de pourcentage. L’Afrique du Sud dispose d’une plate-forme pour attirer les flux d’investissements de portefeuille — son marché financier national développé. Par conséquent, développer les marchés obligataires et boursiers domestiques est essentiel pour attirer les investisseurs étrangers (voir aussi l’édition d’octobre 2018 d’Africa’s Pulse). Endettement public brut L’endettement public brut a augmenté, en moyenne, dans tous les terciles de performance de croissance de la région entre 2010–2012 et 2015–2018, en particulier pour les terciles inférieur et intermédiaire, où la variation moyenne de la dette brute est d’environ 20 et 24 % du PIB respectivement. L’augmentation de l’endettement public brut parmi les pays des terciles intermédiaire et inférieur s’explique principalement par une accumulation plus rapide des créances en monnaie étrangère (19,5 et 11,4 points de pourcentage du PIB respectivement). En moyenne, l’endettement public brut a dépassé 50 % du PIB en 2015–2018 pour ces groupes de pays : il a totalisé 67 % du PIB pour ceux du tercile intermédiaire et 52 % du PIB pour ceux du tercile inférieur. Quand on examine la composition en devises de la dette, les créances en devises étrangères ont un poids plus important que les dettes en monnaie nationale pour les pays des terciles intermédiaire et inférieur. Cela présente un risque plus élevé car les emprunts en devises étrangères pèsent plus lourdement sur la dette totale et ont augmenté à un rapide rythme (Tableau 1A.3). Par conséquent, une forte dépréciation de la monnaie nationale peut avoir un impact sévère en présence de plus grandes asymétries des devises. Par exemple, l’accumulation de dettes libellées en devises étrangères a entraîné des positions de passif en devises étrangères qui dépassent 90 % du PIB en 2015–2018 ; c’est le cas au Soudan (108,8 % du PIB) et au Cabo Verde (95,9 % du PIB). Pour ces pays, il est indispensable de développer des instruments de financement alternatifs leur permettant d’emprunter en monnaie nationale et de diversifier la composition de leur dette pour éviter les risques (en particulier les risques de change). TABLEAU 1A.3 : Dette publique de l’Afrique subsaharienne pour les différents terciles de performance de croissance (en % du PIB, moyennes non pondérées) Inférieur Intermédiaire Supérieur       2010-12 2015-18   2010-12 2015-18   2010-12 2015-18 Endettement public brut (en % du PIB) Total 23,0 34,4 24,2 43,7 25,6 29,3 Monnaie nationale 12,1 20,5 15,5 26,5 14,3 19,0 Devises étrangères 32,2 52,1 43,2 67,0 38,9 47,4 Encours de la dette extérieure PGE (en % du PIB) Total 17,8 25,0 27,3 34,5 24,9 25,0 Monnaie nationale 15,0 18,9 25,8 30,2 23,1 19,9 Devises étrangères 2,8 6,1 1,5 4,3 1,9 5,2 Source : WDI de la Banque mondiale, PEM du FMI. A F R I C A’ S P U L S E > 33 Dette extérieure publique La dette extérieure publique et garantie par l’État (PGE) a augmenté dans l’ensemble des terciles des pays d’Afrique subsaharienne. La composition de la dette extérieure PGE a également évolué, en passant des mains de créanciers publics à celles de créanciers privés. L’encours moyen de la dette extérieure PGE a augmenté dans tous les terciles, et surtout pour les terciles intermédiaire et inférieur, où l’encours de la dette s’est accru de 7,2 points de pourcentage du PIB entre 2010–2012 et 2015–2018. En revanche, l’augmentation moyenne du stock de dette PGE est plutôt modeste pour les pays du tercile supérieur (0,1 point de pourcentage du PIB). En 2005–2018, les pays du tercile intermédiaire ont amassé le plus grand encours (moyen) de dette externe PGE, de 35 % du PIB, alors que le stock correspondant pour les pays des terciles supérieur et inférieur s’élevait à 25 % du PIB (tableau 1A.3). Entre 2010–2012 et 2015–2018, la composition moyenne des stocks de la dette extérieure PGE en Afrique subsaharienne a progressivement changé. L’édition d’octobre 2018 d’Africa’s Pulse fait valoir que la crise financière mondiale de 2008-2009 et la crise de la dette souveraine dans la zone euro de 2011 ont entraîné des changements dans la structure du financement (autrement dit dans la structure de la dette) de nombreux pays de la région. Par conséquent, ces pays ont dû chercher d’autres possibilités de financement auprès de gouvernements non membres du Club de Paris, comme la Chine, et de créanciers privés. Le tableau 1A.3 présente la composition de l’encours de la dette extérieure PGE entre les dettes contractées auprès de créanciers publics et privés. Ces deux sources de dette extérieure PGE semblent avoir augmenté de 2010–2012 à 2015–2018. En 2010–2012, la majeure partie de la dette extérieure PGE était due à des créanciers publics — plus précisément, 93 % des stocks de dette extérieure PGE des pays du tercile supérieur étaient dus à des créanciers publics, tandis que ce pourcentage était de 95 % pour le tercile intermédiaire et 84 % pour le tercile inférieur. En 2015–2018, la part de la dette extérieure PGE envers les créanciers privés représente 25 % de l’encours de la dette extérieure PGE totale parmi les pays du tercile inférieur, environ 20 % pour le tercile supérieur et 12 % dans le tercile intermédiaire. La description des évolutions moyennes dans la composition des stocks de la dette extérieure PGE ne rend pas compte de l’hétérogénéité des expériences nationales. Par exemple, la dette extérieure PGE moyenne au Cabo Verde est passée de 58,9 % du PIB en 2010–2012 à 95,4 % du PIB en 2015–2018. Le montant de la dette extérieure PGE due à des créanciers privés a presque triplé, passant de 10 % du PIB en 2010–2012 à 29 % du PIB en 2015–2018. La part de la dette due à des créanciers privés au Cabo Verde a augmenté de 17 % de l’encours total de la dette PGE en 2010–2012 à 30 % en 2015–2018. Au Mozambique, les stocks de la dette extérieure PGE ont plus que doublé, de 31,6 % du PIB en 2010–2012 à 90 % du PIB en 2015–2018. Cette augmentation s’est accompagnée d’une hausse du montant emprunté à des créanciers privés.5 La dette due à des créanciers privés au Mozambique s’est accrue pour atteindre 22 % de la dette extérieure totale en 2015–2018. En Mauritanie, l’augmentation de l’encours de la dette extérieure PGE a été tirée par la progression de l’emprunt auprès de créanciers publics — dans la mesure où ce pays est classé comme un pays fragile aidé par l’Association internationale de développement (IDA) et n’a donc pas accès aux créanciers privés. La dévaluation de l’ouguiya mauritanien et le déclin du PIB nominal (à mesure que les termes de l’échange se sont détériorés) ont également joué un rôle dans l’augmentation de la dette extérieure. Gouvernance La solidité du cadre institutionnel et des règlements qui protègent les investisseurs joue un rôle clé pour la croissance et le développement (Dollar et Kraay, 2003). Cela renforce également l’impact de l’ouverture financière sur le développement du secteur financier domestique (Calderón et Kubota, 2009). 5 Il convient de noter que l’essentiel des emprunts auprès de créanciers privés du Mozambique (Crédit Suisse, VTB, etc.) a été contracté en 2013 et 2014. 34 > A F R I C A’ S P U L S E Les Indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale montrent que peu ou pas de progrès ont été réalisés au niveau de la qualité institutionnelle dans les différents terciles en Afrique subsaharienne sur la période 2010–2015 (Tableau 1A.4). La qualité de la réglementation s’est détériorée pour tous les terciles de 2000 à 2015 — surtout dans les pays du tercile intermédiaire. Les scores négatifs et le déclin de cette dimension de la gouvernance reflètent non seulement la faiblesse de la capacité à formuler des réglementations qui favorisent le développement du secteur privé, mais aussi sa détérioration au fil du temps. Malgré leurs scores négatifs, les pays du tercile supérieur se sont améliorés sur toutes les dimensions de la gouvernance, à l’exception de la qualité de la réglementation. Les plus fortes augmentations (absolues) en matière de gouvernance pour les pays du tercile supérieur ont été enregistrées dans les domaines de la voix citoyenne et la responsabilité (0,41) et de l’État de droit (0,36). L’efficacité des pouvoirs publics s’est détériorée parmi les pays des terciles intermédiaire et inférieur, alors qu’elle est restée presque stable dans les pays du tercile supérieur. La perception de la qualité des services publics, la qualité de l’élaboration et de l’application des politiques et la crédibilité de l’engagement du gouvernement étaient relativement médiocres — notamment parmi les pays du tercile inférieur. La stabilité politique et l’absence de violence se sont améliorées dans le tercile supérieur, mais se sont détériorées parmi les pays des autres terciles. La plupart de ces gouvernements montrent une moindre capacité à gérer les conflits violents ou autres forces déstabilisatrices. Les progrès ont été plus rapides en matière de voix citoyenne et de responsabilité parmi les pays des terciles supérieur et inférieur, alors qu’une légère détérioration était constatée pour le tercile intermédiaire. Ce dernier groupe de pays affiche le score le plus bas sur cette dimension de la gouvernance. Cela implique que les gouvernements du tercile intermédiaire ont un piètre bilan en matière de promotion de la participation du gouvernement. Certains progrès ont été enregistrés sur l’État de droit et la lutte contre la corruption dans les terciles inférieur et supérieur ; toutefois, les pays du tercile intermédiaire n’ont pas enregistré d’amélioration. En conséquence, les pays des terciles inférieur et supérieur apportent des améliorations sur la qualité du respect des contrats, les droits de propriété, les tribunaux et la lutte contre la corruption, tandis que ceux du tercile intermédiaire n’ont pas avancé dans ces domaines. TABLEAU 1A.4 : Gouvernance pour les différents terciles de performance de croissance en Afrique subsaharienne (Médianes) Inférieur Intermédiaire Supérieur       2000 2015   2000 2015   2000 2015 Efficacité des pouvoirs publics -0,799 -1,000 -0,524 -0,762 -0,645 -0,611 Qualité de la réglementation -0,748 -0,851 -0,503 -0,747 -0,271 -0,375 Lutte contre la corruption -0,804 -0,762 -0,617 -0,760 -0,685 -0,450 Voix citoyenne et responsabilité -0,978 -0,367 -0,445 -0,475 -0,638 -0,230 Stabilité politique -0,254 -0,308 0,000 -0,471 -0,702 -0,518 État de droit -1,092 -0,854 -0,713 -0,739 -0,873 -0,509 Source : Banque mondiale – Indicateurs de gouvernance A F R I C A’ S P U L S E > 35 36 > A F R I C A’ S P U L S E Section 2 : Des solutions régionales pour échapper à la fragilité en Afrique subsaharienne 2.1 INTRODUCTION La fragilité, les conflits et la violence (FCV) constituent de nos jours une menace majeure pour la mise en œuvre du Programme de développement durable. La fragilité, les conflits et la violence entravent le développement humain et économique, rendant ainsi difficile la poursuite du programme de paix. Du fait de la nature interconnectée des activités humaines, il n’est désormais plus possible de circonscrire les conflits au sein des communautés ni à l’intérieur des frontières régionales ou nationales, et ceux-ci peuvent toucher un plus grand nombre de personnes. En 2019, près de deux milliards de personnes (environ un quart de la population mondiale) vivent dans des pays où la fragilité, les conflits et la violence ont un impact négatif sur les efforts de développement. En 2015, les pays en situation de fragilité comptaient 513 millions de personnes vivant dans une pauvreté extrême, c’est-à-dire avec moins de 1,90 dollars par jour (parité de pouvoir d’achat (PPA) 2011). Au niveau mondial le nombre de pauvres vivant dans les pays fragiles ou touchés par les conflits et la violence pourrait dépasser 620 millions d’ici 2030, soit plus de 80% des personnes les plus pauvres (OCDE 2018). En 2017, 30,6 millions de personnes (environ 80 000 personnes par jour) ont été contraintes à fuir leur maison du fait de conflits, de violences et de catastrophes (CISD 2018). Les pays fragiles ou touchés par les conflits et à la violence génèrent le plus grand nombre de réfugiés et abritent la plus grande partie des populations de personnes déplacées et de réfugiés. Les conflits violents affectent non seulement le développement, mais ont également un impact disproportionné sur les populations les plus vulnérables que sont les femmes et les enfants. Globalement, les pays fragiles ou touchés par les conflits et la violence constituent l’épicentre de la crise du développement mondial, et se situent majoritairement en Afrique subsaharienne. Les frontières de l’Afrique subsaharienne, définies par les pouvoirs coloniaux puis réaffirmées par l’Union africaine, ont créé des États-nations multiculturels, multilingues et multiethniques, ce qui pourrait expliquer la persistance des différends au sein des États et entre eux. En Afrique, les frontières sont généralement poreuses et presque impossibles à contrôler pour les institutions étatiques faibles, les petites armées et les forces de police mal financées du continent. En même temps, ces frontières constituent des obstacles au commerce, comme en témoignent les droits de douane, les barrières non tarifaires et les régimes douaniers inefficaces. Dans un tel contexte, la nécessité d’échanges transfrontaliers crée des conditions propices à la contrebande, à l’évasion fiscale et à d’autres activités illicites. Il est essentiel de relever les défis posés par fragilité, les conflits et la violence afin d’éliminer la pauvreté extrême et d’encourager une prospérité partagée. Toutefois, la mise en œuvre de programmes de développement nécessite une approche fondamentalement différente selon que l’on évolue, ou non, dans un contexte de fragilité, de conflits et de violence. Les difficultés découlant de la déficience des institutions, de la faiblesse des capacités et de la précarité du contrat social liant les citoyens à l’État entravent souvent l’efficacité des approches de développement. Ces difficultés, lorsqu’elles sont aggravées par les conflits et la violence, peuvent entraîner les pays dans un « piège de la fragilité » les empêchant de dispenser les services de base à leurs citoyens. L’insécurité est généralisée et, dès lors, la fragilité devient un défi endémique et de longue durée. Aider les pays fragiles ou touchés par les conflits et la violence à échapper au piège de la fragilité est impératif pour pouvoir mettre en place une approche susceptible de favoriser la paix, la stabilité et la prospérité dans ces pays. Dans le long terme, aussi bien le gouvernement que le secteur privé et la société civile peuvent trouver les moyens d’échapper à la fragilité en développant un climat de confiance et en A F R I C A’ S P U L S E > 37 renforçant la capacité des institutions et le principe d’imputabilité. Il est crucial de renforcer la légitimité et la capacité de l’État, tout comme il importe de renouveler le contrat social entre les citoyens et l’État. Plus important encore, l’engagement à long terme est nécessaire pour éviter les rechutes dans la fragilité, ainsi que pour pouvoir tirer parti des possibilités qui se présenteraient de fournir un soutien significatif au développement et de créer l’élan nécessaire pour échapper à la fragilité à long terme. Cette section section traite de cinq questions : (a) les caractéristiques du processus de développement, des structures et des institutions des pays fragiles d’Afrique subsaharienne ; (b) les transitions réussies vers la stabilité et le renforcement de la résilience dans la région ; (c) les enseignements qui peuvent être tirés des projets réussis (en cours) visant à remédier à la fragilité de la région ; (d) les arrangements régionaux (en cours) pour aider les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence; et (e) les voies possibles pour sortir de la fragilité (capacité de renforcement de l’État, économie numérique et facilitation des échanges commerciaux). Le vocable de “situations fragiles“ recouvre les pays ou les territoires avec : (i) une note EPIP (Évaluation des politiques et des institutions des pays) harmonisée de l’ordre de 3,2 ou moins ; et/ou (ii) la présence au cours des trois dernières années d’une mission régionale (par exemple, de l’Union africaine, de l’Union européenne ou du Traité de l’Atlantique Nord) ou des Nations-Unies pour le maintien ou la consolidation de la paix, à l’exclusion des opérations de surveillance des frontières.1 L’harmonisation de la note EPIP est réalisée en faisant la moyenne des scores EPIP de la Banque mondiale et des banques de développement régionales correspondantes (la Banque africaine de développement ou la Banque asiatique de développement). Dix-neuf des trente-six pays identifiés comme fragiles sur la base de ces critères sont situés en Afrique subsaharienne. Une base de données couvrant 48 pays d’Afrique subsaharienne a été constituée pour identifier les pays fragiles. Cette base de données comprend plusieurs indicateurs de développement ainsi que de nombreux indicateurs structurels et institutionnels, et établit des comparaisons entre les groupes de pays fragiles et non fragiles, prenant notamment en compte l’abondance de leurs ressources naturelles. L’un des principaux constats est que le processus de transformation structurelle des pays fragiles est considérablement plus lent que celui des pays non fragiles, comme le montre, entre autres la part très élevée des emplois agricoles. Cette caractéristique structurelle est non seulement associée à des taux de croissance plus faibles par habitant, mais également à des taux de pauvreté plus élevés. Par ailleurs si les pays d’Afrique subsaharienne, qu’ils soient fragiles ou non fragiles, ont peu progressé en termes de gouvernance au cours des deux dernières décennies, il faut noter que les pays non fragiles affichent les niveaux de gouvernance les plus bas, notamment en ce qui concerne l’efficacité gouvernementale, la stabilité politique, l’absence de violence et l’état de droit. Les pays d’Afrique subsaharienne ayant réussi à s’extraire de la fragilité, tels que l’Éthiopie, le Mozambique et le Rwanda, ont atteint les objectifs suivants : (a) parvenir à la stabilité politique, (b) dispenser des services de base, c) remédier aux faiblesses institutionnelles, (d) assurer la stabilité macroéconomique et (e) promouvoir la croissance et l’investissement. En d’autres termes, les transitions réussies ont renforcé non seulement la légitimité de l’État, mais également ses fonctions essentielles. Bien que les pays d’Afrique subsaharienne fassent des efforts pour trouver un moyen de sortir de la fragilité, ils est nécessaire de mobiliser et obtenir un soutien beaucoup plus important de la part des organisations régionales et de la communauté internationale. Les situations de fragilité d’un pays donné affectent non seulement sa population, mais également les habitants des pays voisins. Par conséquent, 1 La publication annuelle de la liste harmonisée des situations de fragilité peut être consultée à l’adresse suivante: http://www.worldbank.org/en/topic/fragilityconflictviolence/brief/ harmonized-list-of-fragile-situations. 38 > A F R I C A’ S P U L S E des projets pour remédier à la fragilité ont été mis en œuvre au niveau régional. Par exemple, en août 2018, le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad ont adopté une stratégie régionale de stabilisation, de relance et de résilience visant les zones touchées par Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad. Enfin, cette section identifie les voies dans lesquelles les pays touchés de la région pourraient s’engager pour sortir de la fragilité. D’abord, il suggère qu’en Afrique subsaharienne les États renforcent leur capacité de manière à pouvoir prévenir – ou sortir de – la fragilité, renouer le contrat social et renforcer la cohésion sociale. Deuxièmement, la section explore la possibilité d’avoir recours aux technologies numériques pour accélérer le processus de reconstruction, celles-ci pouvant notamment aider à l’engagement du public et au développement des médias. Les technologies numériques peuvent faire partie des solutions à certains des problèmes posés par la production et le commerce de minerais de conflit, tels que le travail des enfants et les flux illicites. Troisièmement, le maintien de la paix dans les régions frontalières pourrait être favorisé en renforçant le commerce transfrontalier par une réduction des coûts logistiques. De fait, la fragilité est devenue la nouvelle frontière du développement, et pour y remédier, il est, de manière générale, nécessaire d’adopter une approche holistique dans le traitement des problématiques de réforme de la sécurité, d’aide humanitaire et de fourniture des services de base, cela afin d’instaurer la paix, de réduire la pauvreté et de générer une prospérité partagée. 2.2 CARACTÉRISATION DES PAYS D’AFRIQUE SUBSAHARIENNE TOUCHÉS PAR LA FRAGILITÉ, LES CONFLITS ET LA VIOLENCE La fragilité, les conflits et la violence affectent la croissance et le développement à travers différents canaux : (a) le détournement de ressources d’activités productives vers des activités non productives (par exemple, la capture de rentes ou les dépenses militaires) ; (b) les risques plus élevés découlant de l’insécurité, ce qui diminue les investissements ; et (c) la destruction de capitaux et de richesses résultant d’un conflit violent. Pour lutter contre la fragilité, il faut comprendre les facteurs qui caractérisent ces situations dans la région – c’est-à-dire les problèmes sous-jacents – et déterminer les politiques économiques qui permettraient de faire face aux situations de fragilité, de conflits et de violence. Ceci est particulièrement important en Afrique subsaharienne, où ont été répertoriés plus de la moitié (53 %) des contextes fragiles dans le monde. En 2017, 299 millions de personnes vivaient dans des pays d’Afrique subsaharienne touchés par la fragilité (soit environ 28 % de la population totale) et l’activité économique dans ces pays s’élevait à 289 milliards de dollars (près de 17 % du produit intérieur brut (PIB). Le règlement de la question de la fragilité dans ces pays d’Afrique subsaharienne permettrait de sortir leurs populations de la pauvreté et de soutenir la croissance. Dans certains de ces pays, des booms sur les produits de base ont contribué à stimuler l’activité économique ; toutefois, cela ne suffit nullement à sortir leurs économies de la fragilité et à assurer une croissance soutenue. Cette section pose trois questions. (i) Quelles sont les principales caractéristiques du développement dans les pays en proie à la fragilité ? (ii) Quelles sont les principales contraintes empêchant ces pays de s’extraire de leur situation de fragilité, conflits et violence et d’atteindre une croissance durable ? (iii) Quels sont les blocages observables au niveau des politiques et des institutions dans les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence ? Le principal message de cette section est qu’il est important de renforcer les institutions en Afrique subsaharienne – en particulier le respect de l’état de droit et une plus grande stabilité politique – de manière à renforcer la légitimité des États, garantir la stabilité politique et macroéconomique et ainsi attirer davantage d’investisseurs et d’activités commerciales dans ces économies. L’instauration de la paix et de la stabilité favoriserait les politiques de développement des infrastructures (en particulier dans A F R I C A’ S P U L S E > 39 les pays qui ont besoin d’être reconstruits) et la modernisation de l’agriculture (la plupart des habitants des pays affectés par la fragilité, les conflits et la violence travaillent dans l’agriculture). Cela faciliterait l’accélération du processus de transformation structurelle et entraînerait une réallocation de la main- d’œuvre de l’agriculture vers des activités plus productives dans les secteurs de l’industrie et des services. Les principales conclusions de cette section sont que la pauvreté et les inégalités n’ont que peu diminué et restent à un niveau élevé en Afrique subsaharienne, en particulier dans les pays en situation de fragilité, de conflits et de violence. Ces pays sont généralement caractérisés par un faible niveau de la qualité institutionnelle, un environnement des affaires médiocre et une pénurie d’infrastructures économiques. En dépit de l’expansion rapide de l’utilisation des téléphones portables, les habitants de ces pays ont un accès très limité aux services Internet et un accès restreint à des services de base tels que l’électricité. Pour leur grande majorité, ils dépendent de l’agriculture pour leur subsistance. L’insertion des technologies numériques dans l’agriculture (en particulier le développement d’applications numériques de faible capacité) contribuerait à stimuler la productivité du secteur et à accélérer le transfert de la main-d’œuvre vers des activités plus productives dans les secteurs de l’industrie et des services. Cette section décrit les pays affectés par la fragilité, les conflits et la violence en Afrique subsaharienne en comparant leurs caractéristiques économiques et politiques avec celles des pays de la région non affectés. L’échantillon de 48 pays d’Afrique subsaharienne est divisé en six groupes sur la base de l’abondance de leurs ressources naturelles et de l’incidence (ou non) de la fragilité, des conflits et de la violence, à savoir : pays non fragiles, pays non fragiles pauvres en ressources, pays non fragiles riches en ressources, pays fragiles, pays fragiles pauvres en ressources, et pays fragiles riches en ressources. L’inclusion de l’abondance des ressources naturelles dans cette classification s’explique par le fait que cette abondance peut inciter certains groupes au sein de la société à chercher à capturer des rentes ou à prendre le contrôle des matières premières. La Banque mondiale a dressé une liste de 19 pays d’Afrique subsaharienne touchés par la fragilité, les conflits et la violence (ou simplement « fragiles ») et une autre liste de 29 pays non fragiles (dont 12 sont riches en ressources). La classification détaillée des pays en fonction de l’incidence de la fragilité et des conflits et de l’abondance des ressources naturelles est présentée dans le tableau 2A.1, à l’annexe 2A. Afin de mener une analyse comparative entre les pays d’Afrique subsaharienne affectés par la fragilité, les conflits et la violence et les pays non affectés, des données annuelles ont été compilées de 1998 à 2018 sur les quatre groupes de facteurs suivants : 1. Les indicateurs de développement. La pauvreté, les inégalités et la croissance peuvent avoir un impact sur l’apparition et la fréquence des conflits. La nature de la relation entre ces indicateurs de développement et les conflits dépend de la prévalence de l’avidité ou des doléances selon le modèle de Collier et Hoeffler. On fait généralement valoir que l’aggravation de la pauvreté et des inégalités augmentent la probabilité de conflit selon la théorie des doléances. Il a également été avancé que la croissance économique pouvait réduire le risque de conflit (doléances) ou l’augmenter (avidité). L’impact de la croissance économique sur les conflits dépend du caractère inclusif de la croissance. Le risque de conflit augmente si la croissance ne profite qu’à une certaine frange de la société, ce qui est particulièrement le cas dans les communautés riches en matières premières ou celles bénéficiant de profits exceptionnels dans les exportations. Le coefficient de Gini mesure l’inégalité des revenus, les valeurs plus élevées indiquant une plus grande inégalité dans la distribution des revenus. Le taux de pauvreté est capté par l’écart de pauvreté et le taux de pauvreté, comparés sur des moyennes (pondérées en fonction de la population) de 1998—2007 et de 2008—2017.2 La croissance économique est mesurée par le taux de croissance du PIB réel par habitant. La richesse en matières 2 L’écart de pauvreté à 1,90 dollar par jour (PPA de 2011) est le déficit moyen en revenu ou en consommation à partir du seuil de pauvreté de 1,90 dollar par jour (ce déficit étant nul pour les non pauvres), exprimée en pourcentage du seuil de pauvreté. La proportion de pauvres déterminée par rapport au seuil de 1,90 dollar par jour est le pourcentage de la population vivant avec moins de 1,90 dollar par jour par rapport aux prix internationaux de 2011. 40 > A F R I C A’ S P U L S E premières est représentée par les revenus tirés de la vente de ressources naturelles, à l’exclusion des forêts, et exprimée en pourcentage du PIB. Les revenus exceptionnels d’exportation sont évalués avec le degré de volatilité des termes de l’échange (TDE) ou l’ampleur des écarts notés dans les TDE. 2. Les facteurs économiques. Cet exercice compare le niveau de développement des pays fragiles à celui des pays non fragiles (déterminé par le niveau du PIB réel par habitant) et les indicateurs des processus de transformation structurelle (tels que la valeur ajoutée et la part des emplois dans l’agriculture, l’industrie et les services). Il prend également en compte le niveau de capital humain, mesuré par l’indice de capital humain (HCI), les infrastructures (en particulier les indicateurs d’accès aux télécommunications et à l’énergie) et la qualité de l’environnement commercial (comme l’indiquent les scores relatifs à la facilité de faire des affaires, de créer une entreprise, d’obtenir de l’électricité, d’obtenir un crédit, de négocier à l’étranger et de faire respecter les contrats du rapport Doing Business). 3. Les facteurs institutionnels. Deux ensembles d’indicateurs sont utilisés. Le premier est constitué des Indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale (Kaufmann, Kraay et Mastruzzi 2009), en particulier « voix citoyenne et responsabilité », stabilité politique et absence de violence, efficacité de l’action gouvernementale, qualité de la réglementation, contrôle de la corruption et état de droit. Le second ensemble d’indicateurs comprend les notations de la CPIA sur la gestion économique, les politiques structurelles, l’inclusion sociale et l’équité, la gestion du secteur public et les institutions, ainsi que la notation globale. 4. Facteurs spécifiques aux pays. Ce groupe de facteurs comprend des facteurs géographiques et climatiques. Les indicateurs de développement : avidité versus doléance Le débat académique sur les causes des conflits et de la fragilité s’est polarisé. Il existe deux hypothèses principales. D’un côté, il y a la théorie des doléances, selon laquelle les conflits et la fragilité sont dus à une privation relative (telle que traduite par une croissance économique plus faible, des inégalités plus fortes et des taux de pauvreté élevés), et de l’autre, il y a la théorie de l’avidité, selon laquelle, indépendamment des doléances, les conflits et de la fragilité sont influencés par la capacité de mobiliser des ressources pour créer et maintenir des groupes rebelles. La pauvreté Certains des pays les plus pauvres au monde sont en proie à des conflits violents (par exemple, le Tchad, la République démocratique du Congo et la Sierra Leone). La persistance des situations de fragilité, de conflits et de violence suscite une surenchère dans la violence et restreint la capacité des États et des communautés à redistribuer la richesse face aux doléances économiques (Nafziger et Auvinen 2003). La figure 2.1 illustre deux conclusions principales : Premièrement, l’écart de pauvreté et le taux de pauvreté ont diminué dans les groupes de pays fragiles et non fragiles, mais la plus forte baisse de l’écart de pauvreté s’est produite parmi les pays fragiles et riches en ressources (passant de 41,2 points en 1998– 1999 à 27,1 points en 2008–2009), tandis que la réduction la plus importante du nombre de personnes touchées par la pauvreté a été enregistrée par les pays fragiles et pauvres en ressources (baissant de 65,5 % en 1998–2007 à 54,3 % en 2008–2017) ; deuxièmement, en moyenne, les pays fragiles ont des taux de pauvreté plus élevés que les pays non fragiles ; c›est particulièrement le cas pour les pays fragiles riches en ressources, où près de 60 % de la population vivait sous le seuil de pauvreté en 2008–2017. A F R I C A’ S P U L S E > 41 Malgré une baisse FIGURE 2.1 : Taux de pauvreté en Afrique subsaharienne, par condition de fragilité des indicateurs de a. Écart de pauvreté b. Proportion de pauvres pauvreté, les pays (% moyenne du moins-perçu \ consommation en deçà de la parité du pouvoir d’achat (PPA) (% de la population vivant avec moins de la PPA de 1,90 dollar par jour, fragiles enregistrent de 1,90 dollar par jour, moyennes pondérées en fonction de la population moyennes pondérées en fonction de la population) des niveaux de 45 80 pauvreté encore 40 70 plus élevés. 35 60 30 50 Pourcentage Pourcentage 25 40 20 30 15 10 20 5 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources 1998–2007 2008–17 Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile ; PPA = parité de pouvoir d’achat. L’inégalité L’inégalité des FIGURE 2.2 : Inégalité des revenus en Afrique subsaharienne, revenus est élevée, par condition de fragilité (Coefficient de Gini) L’inégalité des revenus est mais les différences 45 identifiée comme une source entre pays fragiles 40 supplémentaire de doléances et non fragiles sont Moyenne pondérée par la population 35 susceptibles de déclencher un faibles. conflit. Ces doléances peuvent 30 être émises par des groupes 25 de population spécifiques (par 20 exemple, d’ethnies) qui se sentent 15 collectivement défavorisés et 10 relégués au bas de l’échelle d’un 5 système de répartition inégale 0 de la richesse économique et Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en du pouvoir politique (Goodhand ressources ressources ressources ressources 2003)3. La figure 2.2 illustre 1998–2007 2008–17 trois conclusions principales : Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en Premièrement, le coefficient de fonction de la population. FRG = fragile. Gini a légèrement augmenté aussi bien pour les pays fragiles que pour les pays non fragiles, ce qui signifie que l’inégalité des revenus s’est aggravée ; deuxièmement, les coefficients de Gini sont relativement élevés pour tous les groupes de pays, oscillant entre 41 et 44 ; et troisièmement les pays fragiles pauvres en ressources affichent non seulement le niveau d’inégalité le plus élevé (44,1 en 2008–2017), mais aussi le taux d’augmentation le plus élevé (passant de 41,2 points en 1998–2007 à 44,1 points en 2008-2017). 3 Les données empiriques sur la relation entre les inégalités et les conflits sont mitigées au mieux (Ray et Esteban 2017). Le manque de conclusions définitives de la littérature pourrait être interprété de la façon suivante : le principal signe annonciateur d’un conflit n’est pas l’inégalité en soi, mais la présence d’inégalités horizontales qui se reflètent souvent dans une augmentation des inégalités sous régionales. À cette fin, l’inégalité entre des groupes socioculturels est souvent une source principale de griefs et de conflits dans les pays FCV africains. 42 > A F R I C A’ S P U L S E La croissance économique D’après la théorie de l’avidité, la croissance économique influe sur les coûts d’opportunité des combats (Chassang et Padro-i-Miquel 2009), sur les gains découlant de l’appropriation par l’État (Besley et Persson 2011) et sur la capacité de l’État à négocier ou à combattre les insurgés (Fearon et Laitin 2003 ; Bazzi et Blattman 2014). La nature de cette relation est différente dans la théorie de la doléance d’après laquelle une plus grande disponibilité des ressources – résultant de la croissance économique – peut servir à atténuer les problèmes des groupes marginalisés, réduisant ainsi le risque de conflit ou augmentant la probabilité de conflit au cas où une élite restreinte capture ces ressources. La croissance des activités économiques, dans le cadre de la FIGURE 2.3 : Croissance économique en Afrique subsaharienne, Malgré une par condition de fragilité accélération de la théorie avidité-doléances, constitue (croissance annuelle moyenne du PIB, en %) croissance dans les l’un des facteurs de conflit violent 4,0 pays fragiles, elle était les plus fréquemment évalués toujours inférieure (Miguel, Satyanath et Sergenti 3,5 à la moyenne des 2004 ; Hegre et Sambanis 2006 ; 3,0 pays non fragiles en Brückner et Ciccone 2010 ; Dube 2,5 2008-2017. et Vargas 2013 ; Bazzi et Blattman 2,0 % Par an 2014). La figure 2.3 présente les taux de croissance annuels 1,5 moyens du PIB par habitant pour 1,0 les périodes 1998–2007 et 2008– 0,5 2017. Premièrement, la croissance économique des pays fragiles 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG s’est améliorée, passant d’un pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources taux moyen annuel de 0,8 % en 1998–2007 2008–17 1998–2007 à 2,4 % en 2008–2017. Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Deuxièmement, la croissance Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile. économique des pays fragiles demeure inférieure à celle des pays non fragiles (2,7 % en 2008–2017). Troisièmement, la croissance par habitant dans les pays sans ressources abondantes est supérieure à celle des pays où les ressources sont abondantes, et ce, quelle que soit leur condition de fragilité. Quatrièmement, la croissance des pays fragiles pauvres en ressources (2,34 % en 2008-2017) est plus faible que celle des pays non fragiles pauvres en ressources (3,17 % en 2008–2017). Cinquièmement, la croissance a ralenti dans les pays non fragiles riches en ressources (baissant de 3,4 % en 1998–2007 à 2,22 % en 2008–2017), tandis qu’elle s’est accélérée dans les pays fragiles riches en ressources (de 0,95 % en 1998–2007 à 2,4 % en 2008–2007). Les ressources naturelles Les données indiquent que la croissance économique peut réduire le risque de conflit dans les pays à faible revenu (Collier et coll. 2003 ; Miguel et coll. 2004) et qu’en moyenne, les pays fragiles ont tendance à afficher une croissance plus faible par habitant. Cependant, la croissance peut avoir une influence déstabilisante, en particulier lorsqu’elle implique des ressources naturelles. Les pays dont la structure de production est fortement tributaire de la production d’un ou de plusieurs produits de base (pétrole, cuivre ou minerai de fer, par exemple) semblent avoir tendance à générer des conflits (Collier et coll. 2003). La présence de ressources naturelles incite certains groupes à s’approprier une partie de la richesse en produits de base. Les ressources naturelles peuvent donc perpétuer les conflits contemporains, suivant la théorie de l’avidité. A F R I C A’ S P U L S E > 43 Les rentes économiques tirées des ressources naturelles représentent des profits anormalement élevés données par la valeur de l’extraction. Il y a plus de possibilités de générer ce type de rente dans les pays riches en ressources naturelles. Les situations de fragilité, de conflits et de violence peuvent conduire à une lutte entre groupes visant à s’approprier le flux des recettes associées aux ressources naturelles. La figure 2.4 montre deux faits importants. Premièrement, les rentes économiques tirées de l’énergie, des métaux et des minéraux sont en moyenne plus élevés dans les pays fragiles que dans les pays non fragiles (respectivement 10,5 % et 7 % du PIB). Cependant, la composition des rentes économiques est différente. Dans les pays fragiles, les rentes provenant de l’exploitation des métaux et des minéraux constituent la plus grande part des rentes tirées des ressources naturelles, tandis que dans les pays non fragiles ces rentes proviennent principalement de l’exploitation du pétrole, du gaz naturel et du charbon. Deuxièmement, les plus grosses rentes économiques tirées Les rentes tirées des FIGURE 2.4 : Rentes tirées des ressources naturelles en des ressources naturelles sont ressources naturelles Afrique subsaharienne, par condition de fragilité (% du PIB) accumulées par les pays riches en sont en moyenne plus élevées dans les 14 ressources, quelle que soit leur pays fragiles et ceux condition de fragilité. Pour les pays non fragiles riches en 12 fragiles et non fragiles dotés de ressources. ressources naturelles abondantes, 10 ces rentes représentent environ 8 12 % du PIB. Les rentes tirées (% PIB) 6 des produits énergétiques représentent près de 10 % du 4 PIB des pays non fragiles riches 2 en ressources, tandis que les rentes provenant de l’exploitation 0 des métaux et des minéraux Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en représentent 8 % du PIB des pays ressources ressources ressources ressources Pétrole, gaz naturel et charbon Métaux et minerais fragiles riches en ressources. Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les rentes tirées des ressources naturelles sont définies ici comme des rentes Les termes de l’échange économiques provenant de produits énergétiques (pétrole, gaz naturel et charbon), de métaux et Il a été avancé que les hausses des de minéraux. Les moyennes de groupe sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile ; PIB = produit intérieur brut. prix des biens d’exportation à forte intensité de main-d’œuvre sont plus susceptibles d’augmenter le coût d’opportunité d’un conflit violent par opposition aux biens à forte intensité de capital (Dal Bó et Dal Bó 2011). D’autres considèrent que si le secteur de production d’une économie est concentré sur quelques biens ayant une part plus importante dans les recettes publiques et sont plus faciles à s’approprier, des changements dans les prix de ces biens peuvent augmenter la probabilité d’un conflit (Bazzi et Blattman 2014). La figure 2.5 permet de voir si les termes de l’échange des pays fragiles sont plus volatils et s’ils sont plus susceptibles d’être affectés par les effondrements ou les booms des TDE. Pour les pays riches en ressources, les prix des produits de base sont l’une des principales causes de la volatilité des TDE. Les termes de l’échange des pays fragiles ne semblent pas être plus instables que ceux des pays non fragiles, le coefficient de variation du premier groupe (6,6) étant inférieur à celui du second (7,4). Cependant, les pays non fragiles riches en ressources présentent le coefficient de variation le plus élevé de tous les groupes de pays (9,3). Cette constatation implique que ces pays sont confrontés à des chocs inattendus des TED en raison de la volatilité des prix internationaux des produits de base. Le coefficient 44 > A F R I C A’ S P U L S E de variation élevé dans les pays fragiles pauvres en ressources (7,6) implique également que ces pays peuvent être confrontés à des chocs inattendus des TED. Cela pourrait être dû aux facteurs suivants : (a) des conditions climatiques extrêmes (sécheresse, inondations, etc.) qui influent sur les prix des produits agricoles, et (b) des conflits violents ou armés dans des pays fragiles qui sont susceptibles de nuire à la production agricole ou à l’extraction de ressources naturelles. En ce qui concerne la probabilité d’un effondrement des termes de l’échange, la différence entre pays fragiles et non fragiles n’est pas si grande (respectivement 5 % et 4,5 %). Cependant, les pays non fragiles riches en ressources sont plus susceptibles de subir un effondrement des termes de l’échange (9,3 %) que les autres groupes de pays. Les pays fragiles et non fragiles sont presque également susceptibles de connaître un boom des termes de l’échange (avec des probabilités respectives de 6,5 % et 6,4 %). Les pays non fragiles riches en ressources présentent la plus grande probabilité de connaître un boom (9,7 %), ensuite viennent les pays fragiles riches en ressources (7,6 %). Entre 1980 et 2017, les pays africains sont généralement plus susceptibles de connaître un boom qu’un effondrement termes de l’échange. FIGURE 2.5 : Termes de l’échange : volatilité, boom et effondrements en Afrique subsaharienne Les termes de (pourcentage) l’échange sont moins dispersés dans les 10 pays fragiles que dans 9 les pays non fragiles. 8 7 6 Pourcentage 5 4 3 2 1 0 Non fragiles Non-FRG pauvres Non-FRG riches Fragiles FRG pauvres FRG riches en ressources en ressources en ressources en ressources Coe cient de variation Probabilité d'un e ondrement des TDE Probabilité d'un boom des TDE Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : La volatilité des TDE est prise en compte par le coefficient de variation des fluctuations de l’indice des TDE sur la période 1980-2014. Le coefficient de variation est défini comme le rapport de l’écart type à la moyenne correspondante. La probabilité d’un effondrement des TDE est définie comme la fréquence des changements de pourcentage des TDE inférieurs a -20 % sur une année. Inversement, la probabilité d’un boom des TDE est définie comme la fréquence des variations en pourcentage des TDE dépassant 20 % sur une année. Le coefficient de variation est un ratio alors que la probabilité d’un mouvement extrême des TED est exprimée en pourcentage. RFRG= fragile ; TDE = termes de l’échange. Les facteurs économiques Revenu par habitant D’après la littérature, le niveau de revenu par habitant est systématiquement et négativement corrélé aux conflits violents et à la guerre civile, qu’il s’agisse de la fréquence ou du déclenchement de tels épisodes (voir, par exemple, Collier et Hoeffler 2004 ; Hegre et Sambanis 2006). La figure 2.6 montre que le PIB réel moyen par habitant (pondéré en fonction de la population) des pays non fragiles est plus du double de celui des pays fragiles (respectivement, 2 016 dollars et 911dollars, aux prix constants de 2010). Le revenu A F R I C A’ S P U L S E > 45 réel moyen par habitant des pays non fragiles pauvres en ressources est 2,5 fois supérieur à celui des pays fragiles riches en ressources. Toutefois, dans le groupe des pays riches en ressources, la disparité des revenus entre les pays non fragiles et fragiles est plus réduite : le PIB réel par habitant du premier groupe est 1,7 fois supérieur à celui du second groupe. La transformation structurelle Malgré la croissance, FIGURE 2.6 : Revenu par habitant en Afrique subsaharienne les pays fragiles (Dollars constants de 2010) La faible productivité globale affichaient des de l’Afrique subsaharienne est 2500 niveaux de revenu par principalement due à la très faible habitant plus faibles productivité du secteur agricole. en 2017. 2000 A son tour, la faible productivité du secteur agricole est due, d’une Dollars américains 1500 part, à l’absence de révolution technologique dans le secteur, 1000 et de l’autre, à des institutions et des politiques menant à 500 une mauvaise affectation des ressources. Une transformation 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG structurelle qui permet d’avoir une pauvres en riches en pauvres en riches en croissance durable à long terme ressources ressources ressources ressources 2007 Variation cumulée 2007-17 est caractérisée par : (a) une baisse Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. du niveau de main-d’œuvre (ou Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en fonction de la du nombre d’heures travaillées) population. FRG = fragile. dans l’agriculture au fil du temps ; (b) une hausse du niveau de main-d’œuvre (ou du nombre d’heures travaillées) dans les services ; et (c) une hausse du niveau de main- d’œuvre dans le secteur manufacturier à un stade précoce, suivie d’une baisse à un stade ultérieur, ce qui se traduit par une courbe du niveau de la main d’œuvre (ou du nombre d’heures travaillées) en forme de bosse dans le secteur manufacturier (Duarte et Restuccia 2010 ; Herrendorf, Rogerson, 1997). et Valentinyi 2014). Les pays en développement pourraient faire passer leurs économies du groupe des pays à bas revenus au niveau des pays à revenu intermédiaire supérieur et même à revenu élevé en réallouant des ressources (par exemple, le capital et le travail) de l’agriculture et des autres secteurs traditionnels vers les secteurs modernes de l’économie (voir l’édition d’octobre 2018 de Africa’s Pulse). La figure 2.7 illustre la répartition de l’emploi dans l’agriculture, l’industrie et les services dans les pays d’Afrique subsaharienne, qui sont classés en fonction de l’incidence, ou non, des situations de fragilité, conflit et violence ainsi qu’en fonction de l’abondance des ressources naturelles. Il en ressort les informations suivantes. Premièrement, dans les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence’ une très grande proportion des travailleurs est encore employée dans l’agriculture (69 % en 2008-2017) et cette part est considérablement plus importante que celle observée dans les pays non fragiles (51 % en 2008–17). Deuxièmement, la part de l’emploi dans les services dans les pays fragiles ou touchés par les conflits (20 % en 2008-2017) est nettement inférieure à celle des pays non fragiles (37 % en 2008- 2017). Troisièmement, la baisse de la part de l’emploi dans l’agriculture entre 1998–2007 et 2008–2017 est plus rapide dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles (où les baisses, respectivement, sont d’environ 9 et 1 point de pourcentage). Quatrièmement, la hausse de la part de l’emploi dans les services au cours de la même période est plus rapide dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles (hausses respectives de 7 et 1,7 point de pourcentage). Cinquièmement, il n’y a pas de différences marquées entre les parts de l’industrie dans les économies fragiles et non fragiles en 2008–17 (10,7 % et 11,7 %, 46 > A F R I C A’ S P U L S E respectivement). Enfin, parmi les pays riches en ressources, les pays non fragiles affichent la plus faible part de l’emploi dans l’agriculture en 2008–2017 (47,4 %), tandis que les pays fragiles enregistrent la plus grande part (71 %). Le premier groupe affiche la plus forte proportion d’emplois dans les services (42 %), tandis que le second enregistre la plus faible part de l’emploi dans l’industrie (9 %) et l’agriculture (20 %). FIGURE 2.7 : Parts sectorielles de l’emploi en Afrique subsaharienne La part de l’emploi (pourcentage) agricole dans les a. 1998–2007 b. 2008–17 pays fragiles est non seulement élevée, 100 100 mais également plus 90 90 importante que dans 80 80 les pays non fragiles. 70 70 60 60 Pourcentage Pourcentage 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources Agriculture Industrie Services Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile. La figure 2.8 présente la composition de l’activité économique en Afrique subsaharienne, en montrant les parts à valeur ajoutée de l’agriculture, de l’industrie et des services en 1998–2007 et 2008–2017. En 2008–2017, le secteur des services dans les pays non fragiles représentait la moitié de l’activité économique, que ces pays soient riches ou pauvres en ressources. Dans les pays fragiles, 44 % de la valeur ajoutée totale est attribuée au secteur des services, bien que la contribution de ce secteur diffère de manière frappante entre les pays riches et les pays pauvres en ressources (respectivement, 51,4 et 40,9 %). La part de la valeur ajoutée de l’agriculture dans l’activité économique est plus importante dans les pays fragiles en 2008–2017 (29,2 %) que dans les pays non fragiles (24,9 %). Dans les pays riches en ressources, fragiles et non fragiles, la part de la valeur ajoutée de l’agriculture tend à être inférieure à celle des pays pauvres en ressources, fragiles et non fragiles – par exemple, dans le groupe des pays non fragiles, 28,5 % des travailleurs sont employés dans l’agriculture dans les pays pauvres en ressources contre 21,3 % dans les pays riches en ressources. La comparaison de l’évolution des parts sectorielles dans la valeur ajoutée entre 1998–2007 et 2008–2017 montre que la part en valeur ajoutée du secteur de l’agriculture a diminué plus rapidement dans les pays fragiles que dans les pays non fragiles (respectivement, -3,7 et -3 points de pourcentage). Inversement, la part en valeur ajoutée des services a augmenté plus rapidement dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles (respectivement, 3,7 et 1,1 point de pourcentage). Il est intéressant de noter que la part de l’industrie dans la valeur ajoutée a augmenté de 2,6 points de pourcentage dans les pays fragiles, tandis qu’elle a diminué de 0,8 point dans les pays non fragiles. Les plus grands changements au niveau des parts sectorielles dans la valeur ajoutée ont été observés dans les pays non fragiles et fragiles A F R I C A’ S P U L S E > 47 Les parts sectorielles FIGURE 2.8 : Parts sectorielles dans la valeur ajoutée en Afrique subsaharienne dans la valeur ajoutée (pourcentage) ont lentement évolué. a. 1998–2007 b. 2008–17 100 100 90 90 80 80 70 70 60 60 Pourcentage Pourcentage 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources Agriculture Industrie Services Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes des groupes déclarés sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile. riches en ressource ; dans les pays non fragiles, la part des services dans la valeur ajoutée (6,5 points de pourcentage) a augmenté aux dépens de l’agriculture et de l’industrie (respectivement, -4,4 et -2,1 points de pourcentage), tandis que dans les pays fragiles, la part de l’industrie (5,4 points de pourcentage) s’est accrue aux dépens de l’agriculture et des services (respectivement -3,6 et -1,8 point de pourcentage). Capital humain L’incidence des conflits violents est corrélée au niveau d’éducation et au niveau d’accès à celle-ci par les populations civiles et combattantes touchées. Les chocs sur l’accès à l’éducation peuvent avoir des effets négatifs importants et persistants sur le niveau d’instruction, sur l’état de santé des populations et sur les opportunités d’emploi (Justino 2011). L’Indice de capital humain (ICH) est la mesure utilisée pour cette analyse. L’ICH comporte trois composantes : la probabilité de survie, le nombre d’années d’instruction ajustées en fonction de l’apprentissage, et la santé (Banque mondiale 2019b). L’indice reflète le capital humain de la prochaine génération, compte tenu des risques d’inadéquation en matière d’éducation et de santé dans le pays. Les valeurs de l’ICH se situent entre 0 et 1 et reflètent la productivité des travailleurs par rapport à un critère d’éducation complète et de pleine santé. La figure 2.9 indique la valeur de l’ICH en 2017 pour les groupes de pays d’Afrique subsaharienne, classés selon leur état de fragilité et leur niveau de richesse en ressources naturelles. Sur cette figure, la valeur de l’ICH pour les pays fragiles (0,36) est inférieure à celle des pays non fragiles (0,39). Ces résultats sous- entendent que la productivité future d’un enfant né en 2017 dans un pays fragile est inférieure de 64 % à ce qu’il aurait pu réaliser s’il avait bénéficié d’une éducation complète et d’une pleine santé, tandis que 48 > A F R I C A’ S P U L S E celle d’un enfant né dans un pays FIGURE 2.9 : Indice de capital humain en Afrique subsaharienne Les niveaux de capital non fragile de la région est de 61 % ,41 humain sont faibles inférieure au potentiel. La valeur dans la région Afrique, la plus basse de l’ICH est atteinte ,40 mais encore plus bas par les pays fragiles riches en ,39 dans les pays fragiles ressources (0,35) et la plus élevée ,38 par les pays non fragiles riches en ressources (0,4). Ainsi, par rapport Indice, 0-1 ,37 à la norme d’éducation complète ,36 et de pleine santé, la productivité ,35 d’un enfant né en 2017 devrait être respectivement de 35 et 40 % ,34 dans les pays fragiles riches en ,33 ressources et dans les pays non ,32 fragiles pauvres en ressources. Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en Une plus grande mobilisation ressources ressources ressources ressources des ressources nationales est Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. nécessaire dans les pays d’Afrique Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragiles. subsaharienne en vue d’accroître les dépenses de santé, d’éducation et/ou de protection sociale, ce qui se traduirait par une augmentation du capital humain futur, en particulier au sein des pays fragiles. Infrastructure L’accès aux marchés dans les pays sujets aux conflits joue un rôle majeur dans la reprise de la croissance et la création de conditions préalables à la paix et à la reconstruction. La réparation des routes et des réseaux électriques endommagés et la construction d’infrastructures numériques apparaissent comme des priorités d’investissement. Autrement dit, l’infrastructure constitue un moyen crucial de sortir de la fragilité. Cette sous-section est axée sur les indicateurs de l’économie numérique et de l’électricité. Le développement d’une infrastructure adaptée est l’un des éléments clés favorisant la numérisation. Posséder un téléphone portable est relativement plus facile et moins onéreux que de disposer d’une connexion Internet individuelle fixe chez soi. Cette dernière option est plus coûteuse et complexe dans la mesure où le pays ne dispose pas des infrastructures filaires adéquates et abrite un marché de fournisseurs d’Internet non concurrentiel. L’Afrique subsaharienne a connu une hausse spectaculaire du nombre d’abonnements à la téléphonie mobile au cours des 15 dernières années. La figure 2.10 montre que le taux d’abonnements à la téléphonie mobile dans les pays non fragiles est passé de 0,67 % de la population en 2000 à 83 % en 2016, et de 0,2 % de la population en 2000 à 68 % en 2016 dans les pays fragiles. Malgré cette croissance rapide, le taux de pénétration en matière d’abonnement à la téléphonie mobile est encore plus important dans les pays fragiles. D’autre part, il existe d’importantes différences entre pays fragiles et non fragiles dans l’utilisation de l’Internet. Le taux de pénétration des services Internet dans les pays non fragiles est passée de 0,2 % de la population en 2000 à 25 % en 2016, tandis que celle des pays fragiles a atteint environ 8 % en 2016 (G raphique 2.10). A F R I C A’ S P U L S E > 49 Les services mobiles FIGURE 2.10 : Infrastructure numérique en Afrique subsaharienne se sont développés a. Pénétration cellulaire mobile b. Particuliers utilisant Internet rapidement dans les pays fragiles et non 90 30 fragiles. Toutefois, 80 l’utilisation d’Internet 25 Abonnements pour 100 personnes Pourcentage de la population, 0-1 70 dans les pays fragiles est encore à la traîne. 60 20 50 15 40 30 10 20 5 10 0 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 Non fragiles Non FRG pauvres en ressources Non FRG riches en ressources Fragiles FRG pauvres en ressources FRG riches en ressources Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragiles ; NRR = pauvres en ressources ; RR= riches en ressources. Pour que les pays africains soient prêts à passer au numérique, le développement de l’infrastructure numérique nécessiterait également de disposer des compléments analogiques appropriés, comme un accès à une électricité stable et abordable. La figure 2.11 illustre l’accès à l’électricité dans les zones urbaines et rurales des pays d’Afrique subsaharienne. Elle montre d’abord que les taux d’accès à Les pays fragiles FIGURE 2.11 : Accès à l’électricité en Afrique subsaharienne ont moins accès a. Accès à l’électricité, zones urbaines b. Accès à l’électricité, zones rurales à l’électricité, en 80 30 particulier dans les zones rurales. 70 25 60 % de la population urbaine (% de la population rurale 20 50 40 15 30 10 20 5 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources 1998–2007 2008–2017 Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragiles. 50 > A F R I C A’ S P U L S E l’électricité, tant en zone urbaine que rurale, sont plus élevés dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles4. Par exemple, près des trois quarts de la population urbaine des pays non fragiles d’Afrique subsaharienne ont accès à l’électricité, tandis que seulement 54 % de la population urbaine des pays fragiles y a accès sur la période 2008-2017. Deuxièmement, les taux d’accès en zone rurale sont inférieurs aux taux urbains pour tous les groupes de pays de la région. La disparité d’accès à l’électricité dans les zones rurales est toutefois plus grande entre pays fragiles et non fragiles. Par exemple, le taux d’accès rural des pays non fragiles est plus de deux fois plus élevé que celui des pays fragiles en 2008-2017 (24 et 10 % de la population rurale, respectivement). Troisièmement, l’accès à l’électricité dans les zones urbaines a augmenté plus rapidement dans les pays fragiles, en particulier dans ceux qui sont riches en ressources (de 32,5 % de la population urbaine en 1998-2007 à 48 % en 2008-2017). Quatrièmement, l’accès à l’électricité dans les zones rurales a en revanche progressé plus rapidement dans les pays non fragiles, en particulier dans les pays non fragiles pauvres en ressources (de 14 % de la population rurale en 1998-2007 à 22,5 % en 2008-2017). Environnement des affaires Les conflits civils peuvent avoir un impact sur la performance des entreprises en raison de l’augmentation de leurs coûts de fonctionnement et de la création d’entraves aux activités entrepreneuriales. L’indice de la facilité à faire des affaires reflète la position réelle d’une économie par rapport à celle que celle-ci atteindrait avec un environnement des affaires optimal en matière de création d’entreprise, d’accès à l’électricité, d’obtention de crédit, de paiement des taxes, de commerce extérieur et de respect des contrats, entre autres. L’indice fixe une note comprise entre 0 et 100, les notes plus élevées indiquant un meilleur environnement commercial. L’environnement général dans lequel évoluent les entreprises, comme indiqué par l’indice de la facilité à faire des affaires, est encore sous-développé en Afrique subsaharienne, en particulier par rapport aux économies à revenu intermédiaire plus dynamiques. En moyenne, l’indice de la facilité à faire des affaires est non seulement faible pour la région, mais a également peu progressé entre 2015 et 2018. Néanmoins, l’environnement entrepreneurial général est nettement meilleur dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles (notes de 55,4 et 44,3, respectivement, en 2018) (Figure 2.12, vignette a). Les pays non fragiles pauvres en ressources affichent la note la plus élevée en matière de facilité à faire des affaires (57,7), tandis que les pays fragiles pauvres en ressources affichent la note la plus basse (43,6). Les conditions entourant la création d’une entreprise sont un aspect de l’environnement entrepreneurial qui enregistre non seulement des notes élevées parmi les pays fragiles et non fragiles, mais qui a également connu des progrès. Néanmoins, les pays non fragiles surpassent les pays fragiles pour ce qui est du nombre de créations d’entreprises, mais de peu (80,6 et 77,9, respectivement) (Figure 2.12, vignette b). Ces notes reflètent un environnement favorable à la création d’une nouvelle entreprise ; toutefois, en l’absence d’une réglementation des affaires appropriée, telle que des registres de commerce adéquats, une protection des chefs d’entreprise, des lois et règlements des affaires adaptés, etc. l’existence de procédures facilitées pour la création de nouvelles entreprises pourrait échouer dans la promotion d’entreprises durables sur le marché national. L’absence de règlements adéquats pose un risque pour la viabilité des nouvelles entreprises entrant dans un secteur. 4 Cette mesure ne tient pas compte de la qualité de l’électricité fournie ni du nombre de consommateurs connectés au réseau. A F R I C A’ S P U L S E > 51 De plus grands FIGURE 2.12 : Facilité à faire des affaires en Afrique subsaharienne obstacles à l’obtention a. Facilité à faire des affaires b. Note de création d’entreprise de crédit et l’accès à 60 90 l’électricité entravent la facilité des affaires 80 dans les pays fragiles. 50 70 40 60 Score (0-100) Score (0-100) 50 30 40 20 30 20 10 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources c. Note d’accès à l’électricité d. Note d’obtention de crédit 60 80 70 50 60 40 50 Score (0-100) Score (0-100) 30 40 30 20 20 10 10 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources 2015 Évolution 2015–2018 Source : Projet Doing Business 2019, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile. Les notes affichées en matière d’accès à l’électricité sont en moyenne insuffisantes au sein des pays fragiles (42 points en 2018) et des pays non fragiles (55 points en 2018) (Figure 2.12, vignette c). Un bon accès à l’électricité est essentiel pour encourager les entreprises manufacturières et l’économie numérique. Les notes concernant l’obtention de crédit sont mauvaises au sein des pays fragiles (30 en 2018) et nettement inférieures à celles des pays non fragiles (58 en 2018) (Figure 2.12, vignette d). La note relative à la facilité d’obtention de crédit est la plus basse dans les pays fragiles pauvres en ressources (environ 25 en 2018), tandis que les pays non fragiles riches en ressources enregistrent la note la plus élevée (environ 70 en 2018). L’accès au crédit est un obstacle pour la plupart des entreprises africaines, en 52 > A F R I C A’ S P U L S E particulier les petites et moyennes entreprises, du fait qu’elles manquent de garanties ou d’antécédents de crédit. Un soutien aux nouvelles entreprises et aux démarches du type Grameen Bank permettrait d’améliorer l’accès au crédit des entreprises. L’intégration des technologies numériques dans les services financiers pourrait également accélérer l’accès au financement, notamment pour les personnes non bancarisées dans les pays de la région affectés par la fragilité, les conflits et la violence. Moteurs institutionnels Gouvernance La qualité institutionnelle tend à être faible en Afrique subsaharienne par rapport aux autres régions. La figure 2.13 présente l’évolution de six dimensions de la gouvernance entre 1998-2007 et 2008-2017, à savoir : voix citoyenne et responsabilité, stabilité politique et absence de violence, efficacité des pouvoirs publics, qualité de la réglementation, maîtrise de la corruption et État de droit. Ces indicateurs fluctuent entre -2,5 et 2,5, les notes les plus basses indiquant une qualité institutionnelle médiocre. La totalité des indicateurs de gouvernance concernant chacun des groupes de pays d’Afrique subsaharienne affiche une note négative. Cela signifie que la qualité des institutions dans la région n’est pas élevée. Pourquoi est-ce important ? La gouvernance est l’un des fondements essentiels de nombreux aspects du développement économique. Par exemple, les aspects de la gouvernance relatifs à la qualité des institutions et aux investisseurs aident à renforcer l’impact de l’accessibilité financière sur le développement du secteur financier national (Calderon et Kubota, 2009). La qualité des institutions est moins bonne dans les pays fragiles que dans les pays non fragiles selon les six dimensions des indicateurs de gouvernance de la Banque mondiale, les pays fragiles affichant des notes plus négatives que les pays non fragiles pour tous les indicateurs, en 1998-2007 et en 2008- 2017 (Figure 2.13). Par souci d’espace, l’analyse se concentre sur deux des six dimensions : l’efficacité des pouvoirs publics et l’État de droit5. Tout d’abord, en ce qui concerne l’efficacité des pouvoirs publics, il n’existe aucune amélioration des notes des pays fragiles ou non fragiles. Au contraire, on remarque une légère détérioration, leurs notes ayant chuté entre 1998-2007 et 2008-2017. La détérioration des notes dans les deux groupes de pays est attribuée aux moins bons résultats dans les pays pauvres en ressources, qu’ils soient fragiles ou non fragiles. Deuxièmement, les notes concernant l’efficacité des pouvoirs publics sont nettement meilleures au sein des pays non fragiles que dans les pays fragiles en 2008-2017 (-0,62 et -1,34, respectivement). Troisièmement, les pays fragiles pauvres en ressources affichent la note la plus faible en termes d’efficacité des pouvoirs publics (-1,48 en 2008-2017), tandis que les pays non fragiles riches en ressources enregistrent le résultat le plus élevé (-0,39 en 2008-2017). Concernant l’État de droit, les pays fragiles et non fragiles de la région ont connu une amélioration : leurs notes se sont améliorées entre 1998-2007 et 2008-2017. Premièrement, l’amélioration de l’État de droit dans les pays fragiles est principalement motivée par les meilleurs résultats obtenus par ceux de ces pays qui sont riches en ressources. Ensuite, les notes concernant l’État de droit dans les pays non fragiles sont supérieures à ceux des pays fragiles (-0,63 et -1,28, respectivement en 2008-2017). Enfin, la note concernant l’État de droit est la moins élevée dans les pays fragiles pauvres en ressources (-1,43 en 2008- 2017) et la plus élevée dans les pays non fragiles pauvres en ressources (-0,43 en 2008-2017). 5 La responsabilité de l’État, et en particulier la faiblesse du secteur de la sécurité et de la justice, est l’un des principaux défis auxquels de nombreux pays FCV sont confrontés. A F R I C A’ S P U L S E > 53 Les pays fragiles FIGURE 2.13 : Résultats de gouvernance en Afrique subsaharienne souffrent de a. Voix citoyenne et responsabilité b. Stabilité politique faibles niveaux 0 0 de gouvernance, –0,2 –0,2 notamment en –0,4 –0,4 termes d’état de droit, d’efficacité des –0,6 –0,6 pouvoirs publics et de –0,8 –0,8 stabilité politique. –1,0 Score Score –1,0 –1,2 –1,2 –1,4 –1,4 –1,6 –1,6 –1,8 –1,8 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources c. Efficacité des pouvoirs publics d. Qualité de la réglementation 0 0 –0,2 –0,2 –0,4 –0,4 –0,6 –0,6 –0,8 –0,8 Score Score –1,0 –1,0 –1,2 –1,2 –1,4 –1,4 –1,6 –1,6 –1,8 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources e. Maîtrise de la corruption f. État de droit 0 0 –0,2 –0,2 –0,4 –0,4 –0,6 –0,6 Score Score –0,8 –0,8 –1,0 –1,0 –1,2 –1,2 –1,4 –1,4 –1,6 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources 1998–2007 2008–2017 Source : Indicateurs de gouvernance, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. FRG = fragile. 54 > A F R I C A’ S P U L S E Évaluation des politiques et institutions nationales L’Évaluation des politiques et institutions nationales (CPIA) note les pays selon quatre catégories de critères : la gestion économique, les politiques structurelles, les politiques en faveur de l’inclusion sociale et de l’équité, et les institutions et la gestion du secteur public. Ces notes s’échelonnent de 1 à 6, les notes les plus élevées indiquant une qualité supérieure des politiques et des institutions. Concernant les pays non fragiles, la note globale CPIA (calculée sur la base des quatre catégories) est supérieure (3,5) à la note moyenne calculée par l’AID (Association internationale de développement) pour l’Afrique subsaharienne (3,1). Ce n’est cependant pas le cas pour les pays fragiles (2,8) ; parmi ceux-ci, la note CPIA est la plus basse dans les pays pauvres en ressources (2,53 sur la période 2008- 2017). Au fil du temps, la note globale CPIA n’a guère progressé : elle est passée de 3,49 en 1998-2007 à 3,51 en 2008-2017 dans les pays non fragiles, et de 2,81 en 1998-2007 dans les pays fragiles à 2,86 en 2008-2017 (Figure 2.14, vignette a). En ce qui concerne la gestion économique, la note CPIA pour les pays non fragiles s’est légèrement détériorée (de 3,92 en 1998-2007 à 3,86 en 2008-2017), alors que celle des pays fragiles a connu une amélioration (de 2,98 en 1998-2007 à 3,09 en 2008-2017). Cependant, les pays non fragiles affichent de meilleurs résultats en matière de gestion économique que les pays fragiles (Figure 2.14, vignette b). Les pays fragiles pauvres en ressources affichent la note la plus faible (2,5 en 2008-2017). Les progrès en matière de politiques structurelles ont été lents dans les pays non fragiles (la note CPIA est passée de 3,4 en 1998-2007 à 3,5 en 2008-2017), et les pays fragiles ont même enregistré une détérioration de leur note (de 3,0 en 1998-2007 à 2,9 en 2008-2017). La qualité des politiques structurelles est plus élevée dans les pays non fragiles que dans les pays fragiles. Les pays fragiles pauvres en ressources ont la note la plus faible (2,6 en 2008-2017). Les pays fragiles et non fragiles de la région affichent des progrès en ce qui concerne la qualité des politiques d’inclusion sociale et d’équité ; toutefois, la qualité de ces politiques est plus élevée pour les pays non fragiles (3,5 contre 2,87 en 2008-2017). Enfin, la qualité de la gestion et des institutions du secteur public n’a presque pas évolué (3,2 pour les pays non fragiles et 2,5 pour les pays fragiles en 2008-2017). Les pays fragiles pauvres en ressources présentent la qualité des institutions du secteur public la plus médiocre (avec une note de 2,36 en 2008-2017). Facteurs spécifiques aux pays Les chocs climatiques peuvent augmenter la probabilité de conflit dans la mesure où ils mènent à des litiges plus importants sur les ressources. Les inondations en Afrique australe et les sécheresses au Sahel ont perturbé les cycles agricoles. Si les chocs climatiques réduisent la croissance ou les prix agricoles, ils pourraient réduire les coûts d’opportunité d’un conflit violent6. Plus généralement, les phénomènes météorologiques extrêmes et les particularités géographiques pourraient avoir un impact négatif sur l’activité économique, avec notamment une baisse de la production agricole et une détérioration des infrastructures, ce qui augmenterait le risque d’une guerre civile. 6 Les faits montrent que les années plus chaudes en Afrique sont associées à un risque accru de guerre civile : si les tendances actuelles en matière de température se maintenaient, l’incidence des conflits armés augmenterait de 54 % d’ici 2030 (Burke et coll. 2009). A F R I C A’ S P U L S E > 55 Les notes CPIA sont FIGURE 2.14 : Notes CPIA en Afrique subsaharienne plus faibles dans les a. Note globale b. Gestion économique pays fragiles que dans 4,0 4,5 les pays non fragiles. 3,5 4,0 3,0 3,5 3,0 2,5 Évaluation Évaluation 2,5 2,0 2,0 1,5 1,5 1,0 1,0 0,5 0,5 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources c. Politiques structurelles d. Politiques d'inclusion sociale et d'équité 4,0 4,0 3,5 3,5 3,0 3,0 2,5 2,5 Évaluation Évaluation 2,0 2,0 1,5 1,5 1,0 1,0 0,5 0,5 0 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources ressources e. Gestion et institutions du secteur public 3,5 3,0 2,5 Évaluation 2,0 1,5 1,0 0,5 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources 1998–2007 2008–2017 Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la population. CPIA = évaluation des politiques et institutions nationales ; FRG = fragiles. 56 > A F R I C A’ S P U L S E La figure 2.15 présente certaines FIGURE 2.15 : Facteurs géographiques au sein des pays d’Afrique Les pays fragiles caractéristiques géographiques des subsaharienne disposent de moins de terres en Afrique subsaharienne qui sols fertiles et de plus 90 peuvent être liées au changement de terres soumises à climatique : (a) le pourcentage 80 un climat tropical. de la superficie de chaque pays 70 classé par l’Organisation pour 60 l’alimentation et l’agriculture (2008) Pourcentage 50 comme terres arables ou terres 40 cultivables permanentes, et (b) le 30 pourcentage de la superficie de 20 terres de chaque pays relevant de l’un des quatre climats tropicaux 10 définis par Köppen-Geiger. 0 Non fragiles Non-FRG Non-FRG Fragiles FRG FRG Les données ont été obtenues pauvres en riches en pauvres en riches en ressources ressources ressources ressources auprès de Nunn et Puga (2012). Sols fertiles (%) Climat tropical (%) Le pourcentage de terres fertiles Source : Nunn et Puga 2012. Remarque : Les moyennes de groupe déclarées sont des moyennes pondérées en fonction de la dans les pays non fragiles (41,8 %) population. FRG = fragiles. est plus élevé que dans les pays fragiles (25,3 %). Dans le groupe des pays riches en ressources, les pays non fragiles affichent le pourcentage le plus élevé de sols fertiles (46 %), alors que les pays fragiles enregistrent le pourcentage le plus faible (23,5 %). Les pays fragiles disposent d’une plus grande superficie soumise à un climat tropical (63 %) que les pays non fragiles (57 %). Dans les pays fragiles riches en ressources, 80 % du territoire est principalement soumis à un climat tropical. 2.3 EN FINIR AVEC LA FRAGILITÉ EN AFRIQUE Les pays d’Afrique subsaharienne s’organisent pour faire face aux situations de fragilité et en sortir. Certains pays ont déployé des efforts pour renforcer les capacités des États et renforcer leur légitimité, en garantissant la paix et la sécurité et en fournissant des services de base aux citoyens. Cependant, les efforts des pays devront peut-être être complétés par des efforts régionaux pour favoriser le développement d’institutions inclusives et d’un ordre politique résilient. Cette section décrit d’abord les transitions historiques réussies de la fragilité à la résilience au XXIe siècle. Les pays de la région en situation post-conflit, comme l’Angola, le Mozambique, l’Éthiopie, l’Ouganda, le Rwanda et la Sierra Leone, ont adopté des dispositifs politiques plus inclusifs et renforcé leurs institutions, et aussi encouragent les investissements. Ensuite, cette section décrit certaines des réalisations des projets en cours entrepris pour améliorer la situation en matière de fragilité, de conflit et de violence, non seulement au niveau national mais aussi au niveau régional, comme le projet Autonomisation des femmes et dividende démographique au Sahel (SWEDD) et le projet LONDO en République centrafricaine. Enfin, la section présente les approches régionales actuelles visant à soutenir les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence et à réduire le risque de contagion transfrontalière. A F R I C A’ S P U L S E > 57 Transitions historiques réussies entre fragilité et renforcement de la résilience au XXIe siècle Plusieurs pays africains ont réussi à sortir des conflits et des situations de fragilité. Ces transitions réussies sont partiellement expliquées par des tendances mondiales et régionales (Gelbard et coll. 2015) : a) le cumul des conflits de substitution liés à la guerre froide à la fin des années 80 et au début des années 90 ; b) l’adoption par des dirigeants des pays en développement, et notamment de l’Afrique, de programmes de paix et de développement ; c) les initiatives de remise de dette prises par la communauté internationale pour accorder aux pays pauvres un soulagement et une plus grande marge de manœuvre budgétaire ; d) la Grande modération, le super cycle des cours des matières premières et la poussée de croissance au sein des pays en développement. Plusieurs pays de la région, notamment l’Angola, l’Éthiopie, le Mozambique, l’Ouganda et le Rwanda ont accompli des progrès importants en matière de renforcement de la résilience. Le Rwanda et le Mozambique ont réussi à sortir d’une situation de conflit au cours de la première moitié des années 1990. Au cours de la décennie suivante, ces pays ont été en mesure de remettre leurs capacités sur pied, de réorganiser leurs institutions et d’accroître leur résilience. Ces progrès ont été illustrés par les notes CPIA, toujours supérieures à 3,2 depuis le milieu des années 2000. En 2017, le Rwanda affichait la note CPIA le plus élevée en Afrique subsaharienne (4,0), avec des résultats supérieurs à la moyenne dans les politiques d’inclusion sociale et d’équité (4,3) et les politiques structurelles (4,2). Dans le cas du Mozambique, la note globale CPIA était de 3,6 en moyenne entre 2005 et 2015. L’approche suivie par le Mozambique et le Rwanda leur a permis d’améliorer la stabilité politique, d’éviter les conflits, de renforcer la qualité des institutions et de parvenir à la stabilité macroéconomique. Dans ce contexte, ils ont pu bénéficier de hausses rapides et prolongées du PIB réel par habitant : le Mozambique et le Rwanda affichent des taux de croissance annuels moyens par habitant de 4 et 5 % respectivement depuis 2000. La croissance soutenue a entraîné une réduction des taux de pauvreté, une augmentation des taux de scolarisation et une réduction des taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans. L’Éthiopie est sortie de la guerre civile au début des années 1990. De septembre 1974 à juin 1991, la guerre a engendré de profondes divisions idéologiques et ethniques, et causé la mort d’au moins 1,4 million de personnes (dont un million liées à la famine). Après avoir mis fin à la dictature communiste de Mengistu en 1991, l’Éthiopie est passée au multipartisme en 1993 et une nouvelle constitution est entrée en vigueur en 1995. L’engagement des pouvoirs publics en faveur de la croissance, de la réduction de la pauvreté et des politiques sociales a depuis lors contribué à la stabilité et au progrès. Depuis 2014, le PIB réel par habitant en Éthiopie a augmenté à un taux moyen annuel de 7,7 %. Les pays qui ont réussi à se redresser après un conflit ont généralement adopté des dispositifs politiques plus inclusifs, renforcé leurs institutions et encouragé les investissements. Ils ont pu maintenir la stabilité macroéconomique et améliorer la mobilisation des ressources nationales pour financer des investissements publics plus importants et des services sociaux de meilleure qualité (Gelbard et coll. 2015). La démarche suivie par ces pays pour sortir de la fragilité peut être résumée en une série d’actions relevant de trois catégories : i/ la consolidation de la paix et la stabilisation ; ii/ la fourniture de services de base et l’élimination des faiblesses institutionnelles ; et iii/ la stimulation de la croissance et des investissements et la création de l’équité. Consolidation de la paix et stabilisation La stabilisation politique est un élément fondamental et primordial de la transition et de la réduction de la fragilité. Assurer la paix et la stabilité suppose une intégration politique qui met fin aux hostilités, 58 > A F R I C A’ S P U L S E évite les troubles politiques et renforce l’établissement d’une vision du développement national, ce qui est essentiel pour accroître la résilience. Les responsables politiques doivent s’assurer une marge de manœuvre budgétaire pour pouvoir fournir des résultats à la population, notamment grâce à des investissements publics. Les actions visant à assurer la consolidation de la paix et la stabilisation sont présentées ci-dessous (Nations Unies et Banque mondiale 2018). Tirer avantage des moments de transition. Pendant les périodes de transition, des occasions d’agir se présentent de prendre des initiatives pour prévenir les épisodes de violence ou se relever de la crise (Banque mondiale, 2011a). Ces moments peuvent se produire soudainement ou progressivement. Ils peuvent être déclenchés par des facteurs internes ou externes, ou par une confluence des deux. Ils peuvent survenir soudainement à la suite de catastrophes naturelles ou de chocs économiques, à la suite de changements politiques (par exemple, des élections ou de nouvelles constitutions) ou de changements liés aux parties prenantes (par exemple, le décès d’un dirigeant). Ces moments de transition soudains peuvent rapidement modifier les mécanismes d’incitation. L’un des moyens de tirer parti de ces moments de transition consiste à gérer efficacement les débordements de violence. La mise en place de missions de maintien de la paix ou d’un cessez-le-feu, comme ce fut le cas au Libéria en 2003 et au Timor- Leste en 2006, peut modifier les mécanismes d’incitation à la négociation. La médiation et la diplomatie peuvent également permettre la réorientation de situations très difficiles. Un autre exemple est la manière dont certains pays capitalisent sur les chocs externes. Les chocs exogènes, tels que les catastrophes naturelles ou les grands bouleversements de l’économie mondiale, peuvent modifier la dynamique de prévention des conflits et de la reconstruction en modifiant les mécanismes d’incitation et en remettant en cause les positions bien ancrées. Par exemple, le tsunami du 26 décembre 2004 a permis de parvenir à un accord à Aceh, en Indonésie. Le tsunami, ayant affaibli de nombreuses institutions existantes, y compris une grande partie de l’infrastructure de contrôle de l’armée, a provoqué une crise humanitaire qui a incité les rebelles à se présenter à la table des négociations. L’inclusion politique et le contrôle du pouvoir7. Un règlement politique inclusif est un pilier essentiel pour la paix et la résilience. Le processus d’inclusion permet de mesurer à quel point les intérêts de groupes jusque-là non représentés ou concurrents ont été pris en compte dans le règlement politique – cette dynamique est en contraste avec le fonctionnement des démocraties où l’intégration de tous les groupes est un a priori. Des approches inclusives de ce type peuvent aider à prévenir la récurrence de la violence. Les dirigeants du Timor-Leste ont contacté d’autres partis politiques, des personnalités indépendantes et des entrepreneurs pour les aider à relever le pays en 2007. Ils ont adopté une approche différente de celle qui avait prévalu entre l’indépendance de 2002 et le regain de violence de 2006, quand le parti au pouvoir consultait rarement la société civile, l’Église et les autres acteurs nationaux pour renforcer le soutien et la légitimité de son programme. Les accords de paix conclus au Mozambique et au Rwanda ont permis à des gouvernements ayant une assise politique large de définir leurs objectifs politiques, économiques et sociaux et ont établi les dispositions institutionnelles nécessaires pour les responsabiliser8. Ces deux pays ont atteint une stabilité politique durable depuis les années 1990, mais leur processus de transition politique n’est pas encore entièrement abouti. Renforcer le leadership par la formation de coalitions.9 Le système d’incitation des acteurs jouant un rôle important dans la sortie de la fragilité peut être modifié à l’occasion de la formation des coalitions. Celles- ci peuvent renforcer la légitimité des dirigeants du pays et contribuer à la paix, elles peuvent harmoniser les incitations des principaux acteurs et établir un sens de l’action collective parmi des acteurs en 7 Voir Gelbard et coll. (2015, 64-65). 8 Il s’agit du rôle joué par l’Accord général de paix conclu avec le Mozambique en 1992 et par la formation d’un gouvernement d’union nationale au Rwanda en juillet 1994, qui incorporait les principales dispositions de l’Accord d’Arusha de 1993. 9 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 190-94). A F R I C A’ S P U L S E > 59 désaccord. Les coalitions peuvent faire preuve de résolution commune et veiller à ce que les pourparlers de paix et les dirigeants maintiennent leur cap. Les coalitions formelles et informelles peuvent impliquer différents acteurs, notamment la société civile, le secteur privé et les acteurs internationaux. Les groupes de la société civile peuvent aider à responsabiliser davantage les parties en conflit et à donner de la crédibilité au processus. Les groupes de la société civile au Libéria ont été impliqués dès le début de la guerre civile dans les tentatives de mettre fin aux hostilités, et particulièrement les groupes confessionnels qui ont été parmi les premiers à intervenir. Les groupes de femmes ont activement plaidé contre le recours au viol comme arme de guerre et pour la défense des droits des femmes. Des organisations de la société civile – locales et internationales – ont œuvré pour désamorcer les tensions à diverses occasions. Dans un premier temps, la société civile n’était pas suffisamment impliquée dans le processus de paix au Libéria, ce qui a en partie contribué à la faiblesse des premiers accords qui ne reflétaient que les intérêts des combattants. La participation de la société civile dans les pourparlers de paix d’Accra en 2003 s’explique par sa contribution appréciable à la consolidation des accords de paix et par la volonté de représenter les intérêts d’un large éventail de groupes de la société. La société civile a aussi été incluse finalement dans l’accord de partage du pouvoir qui a résulté de ces discussions (Marc, Verjee et Mogaka 2015). De manière analogue, le Conseil interreligieux de Sierra Leone a joué un rôle actif dans la création d’un climat de confiance entre le gouvernement et les rebelles, pendant et après la guerre civile de 1991- 2002 en Sierra Leone, et a permis d’éviter l’apparition de clivages religieux. Des stratégies innovantes de gestion des risques par le secteur privé 10. Les entreprises du secteur privé ont un rôle à jouer dans la gestion des risques dans les situations de fragilité, de conflits et de violence : elles peuvent préserver la poursuite de l’activité économique. Par exemple, les entreprises gèrent les risques encourus dans un contexte de fragilité, de conflits et de violence en produisant des biens pour lesquels il existe une forte demande (par exemple, de la bière et des services de téléphonie mobile). Les grandes entreprises sont mieux à même de gérer les risques que les petites, car elles peuvent plus facilement avoir accès aux responsables politiques. Ces entreprises peuvent aussi faire augmenter les enjeux d’un échec dans le cas où les pouvoirs publics s’ingéreraient dans leurs opérations, étant mieux placées pour mobiliser un soutien extérieur contre les ingérences politiques. En revanche, une des difficultés que rencontrent les responsables politiques est d’empêcher les grandes entreprises de se transformer en monopoles jouissant d’une situation de rente. Par ailleurs, les entreprises ont également appris à gérer les risques grâce à des pratiques liées à la responsabilité sociale et économique ; par exemple, les sociétés de transfert d’argent en Somalie, qui se sont alignées sur les principes religieux et les valeurs locales, fournissent des services qui sont largement employés. D’autres exemples incluent les investisseurs chinois dans le secteur libérien de la construction qui cherchent à utiliser les capacités locales ; les sociétés Dahabshiil et Hormuud qui émettant des actions sur le marché local et mènent une politique juste de recrutement du personnel ; et les investisseurs du secteur du cacao en Sierra Leone qui assument le rôle des pouvoirs publics en construisant des infrastructures. Fournir des résultats préliminaires11. Profiter des résultats facilement atteignables et utiliser les ressources existantes pour obtenir des résultats rapides permet d’encourager les citoyens et les autres parties prenantes à soutenir le processus de consolidation de la paix. Les pouvoirs publics libériens ont profité d’un programme bien géré des bailleurs, et aussi du passif humanitaire des gouvernements précédents, pour restaurer la confiance dans les pouvoirs publics à travers la fourniture de biens publics (par exemple, tenir la promesse de rétablir l’électricité à Monrovia en un an). Ils ont également pris des mesures immédiates pour satisfaire l’opinion publique, notamment le recours aux forces des Nations Unies pour garantir la paix et la sécurité, la gratuité de l’enseignement primaire et des soins de santé primaires, ainsi 10 McKechnie, Willem te Velde et Lightner (2018, 34). 11 Banque mondiale (2011, 130). 60 > A F R I C A’ S P U L S E que la fourniture d’électricité dans la capitale. Ces interventions ont contribué à développer la confiance dans le Gouvernement (Banque mondiale, 2011a). Influencer les discours et les normes12. De nombreux acteurs étatiques et de la société civile ont eu recours à des récits et histoires pour renforcer les normes de cohésion sociale et de tolérance. Certains pays ont tenté de contrer les effets destructeurs des discours porteurs d’exclusion et de violence. Par exemple le Niger, en s’appuyant sur certaines de ses caractéristiques sociétales uniques, a promu un récit national basé sur la cohésion sociale, la paix et la tolérance. En temps de crise, les dirigeants d’un pays s’appuient sur le sens de la solidarité pour gérer et atténuer les tensions entre groupes. Les normes relatives au genre peuvent également servir à atténuer les tensions et à soutenir la paix. Au Libéria, les femmes ont utilisé les normes de masculinité pour pousser les hommes à poursuivre les négociations de paix et ont renforcé les femmes dans leurs rôles traditionnels de résolution des conflits (Marc, Verjee et Mogaka 2015). Des défis persistent dans certains de ces pays, notamment en ce qui concerne l’attribution des terres et les politiques d’identité, mais ils ne sont plus aussi importants qu’avant les épisodes de conflit13. Si les institutions ont été considérablement renforcées et l’activité économique a rapidement repris, les réformes doivent néanmoins être poursuivies. Prestation de services et correction des faiblesses institutionnelles Des institutions efficaces peuvent développer et renforcer la résilience aux chocs tout aussi bien que renforcer les capacités d’atténuation et de règlement des conflits à moyen et long termes. Les pays qui ont cherché à accroître la représentativité et la portée des institutions et à fournir des biens publics ont généralement connu une réduction du risque de conflit violent. Néanmoins, les efforts de réforme peuvent rencontrer des problèmes et connaître des rechutes et des revers, car les groupes ont tendance à contester les processus de changement. Cela souligne la leçon que la façon dont les institutions sont réformées importe au moins autant que le type de réformes techniques mises en œuvre.14 Les mesures spécifiques prises par les différents pays sortant de la fragilité pour dispenser des services et créer des institutions sont identifiées ci-dessous. Mise en œuvre d’accords de partage du pouvoir.15 Un accès accru au pouvoir peut aider à réduire les coûts d’opportunité des conflits et de la violence, en particulier si l’accord de partage du pouvoir est inclus dans un accord formel, tel qu’une nouvelle constitution. Les feuilles de route négociées, les accords de paix et les règlements post-conflit ont généralement permis de reformuler les accords institutionnels et ont signalé l’intérêt des pouvoirs publics pour les réformes, créant ainsi un espace favorable à des changements sur le long terme. Le Président fondateur de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouët-Boigny, a dirigé un gouvernement largement représentatif et promu la cohésion nationale pendant des décennies, par le biais de pactes d’élite temporaires et de mécanismes de parrainage (Marc, Verjee et Mogaka 2015). La mort du Président Houphouët-Boigny a mis fin à la stabilité et a contribué à la chute du pays dans la guerre civile en 2002. La paix ne peut être maintenue en l’absence de progrès dans le renforcement des capacités de l’État ou dans la mise en place d’institutions plus robustes. Renforcement des capacités administratives.16 Le renforcement des capacités économiques et des institutions publiques a joué un rôle important dans les pays qui ont poursuivi les efforts de paix. En matière de renforcement des capacités ces pays se sont concentrés sur trois domaines : (a) gestion 12 Nations Unies et Banque mondiale (2018). 13 Voir Marc, Verjee et Mogaka (2015, 153). 14 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 200). 15 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 200–04). 16 Gelbard et coll. (2015, 65–66). A F R I C A’ S P U L S E > 61 du budget et des finances publiques (GFP), (b) la mobilisation des recettes et (c) le renforcement de la banque centrale et du secteur bancaire. Le renforcement des systèmes de GFP peut contribuer à améliorer la transparence, la responsabilisation et l’inclusivité des comptes budgétaires et des actions politiques. Le passage du soutien des bailleurs par le biais des budgets nationaux peut également devenir plus transparent. Le processus budgétaire a été rétabli au Rwanda avec l’adoption par le Parlement de lois de finances annuelles depuis 1998. Le système de GFP y a été en grande partie reconstruit au milieu des années 2000 et le renforcement de l’administration fiscale est resté une priorité pour le gouvernement. Des réformes institutionnelles ont été mises en œuvre pour accroître l’efficacité de la conduite de la politique monétaire par la banque centrale ; toutefois la réforme du secteur bancaire a pris plus de temps que prévu. Au Mozambique, les réformes de l’administration des recettes ont été cruciales pour parvenir à une augmentation constante des recettes publiques depuis 1999. En outre, la loi de 2002 sur la gestion des finances publiques a prévu une plus grande transparence dans l’exécution du budget. Les fonctions de la Banque du Mozambique ont été rationalisées au début des années 2000, bien que l’indépendance de la banque centrale et la restructuration du secteur bancaire aient pris plus de temps. Établir une stabilité macroéconomique et un champ d’action gouvernementale.17 L’instabilité macroéconomique prévaut souvent en période de conflit, mais a été rétablie dans les deux à quatre ans suivant la fin des hostilités dans les pays qui ont réussi à sortir de la fragilité. Les gouvernements du Mozambique et du Rwanda ont mis en œuvre des politiques de libéralisation prévoyant notamment la suppression des contrôles sur les prix, sur le système de change et sur les secteurs financiers. Cela a facilité le passage à une économie plus basée sur le marché. Grâce au renforcement de la capacité d’élaboration des politiques et à la suppression des contrôles, la croissance s’est accélérée de manière soutenue avant de se stabiliser dans la période post-conflit. La libéralisation du système de change a non seulement agrandi le champ d’action gouvernementale, mais a également augmenté les réserves de change. En Éthiopie, des progrès importants ont été accomplis en matière de stabilité macroéconomique dans les deux ou trois années qui ont suivi le changement de gouvernement, quoique, par la suite, les progrès en matière de réformes institutionnelles se sont affaiblis. Les autorités ont mis en œuvre un programme ambitieux comprenant une libéralisation des prix et du commerce, des réformes de la structure des taux d’intérêt, des réformes fiscales, un droit des entreprises publiques ainsi que des codes de l’investissement et du travail. L’affaiblissement du birr éthiopien en 1992 a contribué à rétablir la compétitivité et à renforcer les réserves internationales. La croissance par habitant a accéléré (légèrement) pour atteindre plus de 6 % par an sur la période 2000-2017. Décentralisation de l’autorité et des ressources.18 La décentralisation du pouvoir et des ressources aux niveaux local et fédéral a été un atout important pour prévenir et atténuer les conflits. C’est un exemple concret de réformes qui renforcent l’inclusion politique et sociale. La décentralisation nécessite des changements institutionnels fondamentaux, souvent étendus, permettant de gérer les risques de conflit sous-jacents, de modifier les systèmes incitatifs et de surmonter les contraintes structurelles de la paix. En Indonésie, le transfert de pouvoirs et de fonds a accru les possibilités de contestation au niveau local. Avec sa mise en œuvre, la décentralisation a accru les enjeux d’accès aux ressources du gouvernement central, et les élites politiques ont exploité l’identité ethnique pour mobiliser leurs bases. Cependant, après 2004, le pays s’est stabilisé grâce à la satisfaction du public pour la décentralisation, à un plus grand espace d’expression des identités locales, à une pénétration accrue de l’État, à la planification efficace d’élections locales et à des cadres institutionnels et de leadership solides au niveau local (Steven et Sucuoglu. 2017). La décentralisation peut également poser des problèmes. Au Kenya, des contestations locales sont apparues en raison de l’absence de règles et du niveau des ressources disponibles (Mogaka 2017). 17 Gelbard et coll. (2015, 66). 18 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 204). 62 > A F R I C A’ S P U L S E Renforcement de l’État de droit.19 Le renforcement des contrôles, de la responsabilité et de la transparence dans les organismes gouvernementaux clés tend à indiquer un changement de direction. Par exemple, pour renforcer l’état de droit, il a fallu accorder une plus grande attention à la séparation entre les fonctions militaires et de police dans les services de sécurité. Parallèlement à ces réformes, où les divisions ethniques ou identitaires sont profondes, l’intégration des groupes ethniques ou religieux marginalisés dans l’armée a contribué à désactiver la présence de schismes (Brzoska 2006). Au Burundi, l’accent mis sur le maintien de la parité entre les Hutus et les Tutsis dans le recrutement militaire a contribué à favoriser l’inclusion et la réconciliation (Samii 2013). Basées sur l’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation en 2000, les réformes de l’armée burundaise - avec l’appui de la communauté internationale – ont renforcé l’inclusion de deux manières. Premièrement, elles ont pris en compte la gouvernance, elles ont mis la priorité sur le dialogue politique et ont progressivement intégré la société civile et suivi les expériences des pays voisins. Deuxièmement, l’Accord d’Arusha stipulait que les forces armées étaient ouvertes à tous les citoyens (y compris les groupes rebelles) et qu’aucun groupe ethnique ne pouvait représenter plus de la moitié des effectifs. Ces réformes ont été complétées par des actions visant à éduquer les citoyens et à renforcer l’appropriation du processus au niveau local. Une guerre civile à grande échelle a été empêchée par l’accord d’Arusha. Stimuler la croissance et les investissements et créer l’équité Les facteurs structurels font partie des éléments fondamentaux d’une société et façonnent l’environnement décisionnel général. Les facteurs structurels ont tendance à évoluer lentement, mais des actions ciblées peuvent éventuellement traiter les risques qui y sont associés. Par exemple, les réformes économiques, les politiques de redistribution et les investissements dans les infrastructures peuvent favoriser des changements structurels réduisant le risque de violence (Nations Unies et Banque mondiale 2018). Répondre aux doléances économiques et sociales. Les doléances associées à un accès inégal à la propriété des ressources, notamment la terre, sont un facteur de conflit violent. S’attaquer à ces doléances implique d’améliorer l’accès aux ressources et de redistribuer les gains. Dans certains cas, les gouvernements ont mis en œuvre des mesures dans le cadre d’un accord de paix ou d’une nouvelle constitution, et celles-ci ont été intégrées aux plans de développement nationaux. Dans d’autres cas, ils ont impliqué des efforts indépendants et ciblés pour s’attaquer à la source d’une doléance. Les efforts des pays pour traiter les doléances ont principalement porté sur la réforme agraire afin de promouvoir la redistribution des terres et d’en élargir l’accès. Dans son modèle national de développement à long terme, Vision 2030, le Kenya s’est attaqué aux déséquilibres régionaux, potentiellement déstabilisateurs, en engageant des investissements dans les zones marginalisées pour débloquer leur potentiel de développement, tout en contribuant à l’inclusion spatiale et nationale (Mogaka 2017). Dépenses et investissements publics.20 Les investissements publics jouent un rôle important dans la reconstruction des infrastructures, la promotion des investissements privés et la stimulation de la croissance. Le Mozambique et le Rwanda ont eu des ratios d’investissement de 12 à 15 % du PIB dans les années 2000. Cependant, l’augmentation des taux d’investissement public devrait s’accompagner d’un accroissement de l’efficacité des dépenses – ce qui veut dire, un pipeline de projets de haute qualité et un système de gestion des investissements publics compétent en préparation, mise en œuvre et suivi des projets. Ces pays ont également lancé un processus consultatif participatif pour formaliser leurs priorités de développement et leurs stratégies de réduction de la pauvreté. Les financements consacrés à ces priorités économiques, institutionnelles et de développement humain identifiées par le biais d’une concertation, témoignent bien 19 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 209). 20 Gelbard et coll. (2015, 67-68). A F R I C A’ S P U L S E > 63 de la détermination du gouvernement à édifier une société plus inclusive. Un ferme engagement en faveur du développement social a entraîné une augmentation des dépenses prioritaires en Éthiopie (10 à 13 % du PIB par an depuis 1999) et un accroissement considérable de l’investissement public. Faire face au passé et développer la cohésion sociale.21 Il est essentiel de rétablir la confiance et la cohésion pour prévenir de nouveaux cycles de violence. De nombreux pays ont jugé nécessaire de prendre des mesures pour tenir compte des événements passés afin de créer un climat de confiance en vue de progresser. Par exemple, au Sierra Leone des commissions de vérité officielles ont été établies pour aider les populations à résorber les fractures entre groupes, réduisant ainsi le risque de récurrence de la violence. Soutenir la croissance à long terme.22 De nombreux pays se sont lancés dans des réformes économiques de deuxième génération pour accélérer leur croissance au-delà du rebond post-conflit. Les réformes visant à renforcer la mobilisation des recettes nationales et la gestion des finances publiques ont été accompagnées de mesures visant à renforcer la gouvernance et le cadre de lutte contre la corruption. Les pays ont également engagé des réformes visant à renforcer le secteur financier, à mettre en place un cadre de gestion des ressources naturelles et à assouplir les conditions propices aux activités commerciales. Le Rwanda a engagé des réformes pour améliorer son environnement des affaires, notamment dans les secteurs juridique et financier, et mis en place des politiques favorisant le commerce et la diversification et stimulant la productivité agricole. 2.4 PROJETS RÉGIONAUX EN COURS COURONNÉS DE SUCCÈS POUR REMÉDIER À LA FRAGILITÉ Il existe un intérêt renouvelé pour s’attaquer aux facteurs de fragilité en utilisant une approche régionale et multisectorielle. Les trois régions sur lesquelles la Banque mondiale se concentre actuellement sont le Sahel, la Corne de l’Afrique et la région du lac Tchad. Le sahel La région du Sahel est confrontée à des conflits récurrents, des catastrophes naturelles et des épidémies qui exacerbent la pauvreté, perpétuent les inégalités et affectent la sécurité socio-économique et le développement de ces pays.23 Du fait de la menace du terrorisme et de la propagation des réseaux criminels,24 des millions de personnes - principalement des femmes et des jeunes - sont exposées à des périls tels que la famine, la migration forcée et la radicalisation. Pour faire face aux défis de développement dans cette région, la Banque mondiale se concentre sur l’autonomisation des femmes et la création d’opportunités économiques dans le Sahel. Projet d’autonomisation des femmes et de dividende démographique au Sahel Les taux de fécondité élevés, les taux alarmants de mariages précoces et le nombre élevé de décès de mères et d’enfants dans la région du Sahel ont un impact négatif sur le développement et la santé des filles et des jeunes femmes, sur leur capacité à participer à des programmes de compétences de vie et, par conséquent, sur leur capacité à prospérer et à contribuer formellement à l’économie (Tableau 2.1). Pour relever ces défis, la Banque mondiale finance le projet SWEDD, une opération régionale couvrant les pays du Sahel. Le Fonds des Nations Unies pour la population appuie la mise en œuvre de ce projet. La CEDEAO, une organisation régionale, a également reçu une subvention pour mettre en œuvre les aspects régionaux du projet. 21 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 218-19). 22 Gelbard et coll. (2015). 23 Les opérations décrites ici font référence à des projets dans les pays du G5 du Sahel ; à savoir le Burkina Faso, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Tchad. 24 Lien : https://wcaro.unfpa.org/sites/default/files/pub-pdf/SWEDD_ENG.pdf 64 > A F R I C A’ S P U L S E Le projet vise à accroître l’autonomisation TABLEAU 2.1 : Prévalence du mariage précoce dans les pays du Sahel des femmes et des adolescentes et leur accès à des services de qualité en matière Pays Prévalence du mariage précoce (%) de procréation, de santé maternelle et Niger 75 infantile ainsi qu’à améliorer la production et le partage des connaissances au Tchad 68 niveau régional, et les capacités et la Mali 55 coordination régionales. Autonomiser les Source : Banque mondiale 2019a. femmes et les filles implique de les aider Remarque. Le Niger a la prévalence la plus élevée du mariage précoce dans le monde ; Le Tchad, le troisième et le Mali, le cinquième. à poursuivre leurs études et d’améliorer leurs connaissances en matière de santé reproductive, maternelle, néonatale et infantile, et en termes de nutrition. Le projet travaille sur le plan transnational pour contribuer à surmonter les obstacles à l’autonomisation des femmes et des filles de la région et à créer pour elles davantage d’opportunités économiques. À la fin, cela permettra aux pays du Sahel d’exploiter le dividende démographique, et d’accroître la proportion de personnes économiquement actives par rapport aux personnes à charge. Le projet SWEDD a réuni des érudits musulmans influents et des chefs religieux et traditionnels des pays participants. En mai 2018, ces responsables se sont réunis à Nouakchott, en Mauritanie, pour discuter de la position de l’Islam sur les questions relatives au mariage précoce, à la santé de la mère et de l’enfant, à la planification familiale, à l’éducation des filles, à la violence liée au genre et à l’émancipation économique et sociale des femmes. Dans leur déclaration d’engagement, publiée après la conférence, ces responsables ont déclaré qu’ils étaient « déterminés à apporter leur contribution dans les domaines de la scolarisation des filles [et] de la santé reproductive, notamment la maternité sans risques pendant la grossesse et l’accouchement et du droit des femmes à l’accès à des méthodes contraceptives d’espacement des naissances ». Le message du grand imam d’Al-Azhar était clair : Le mariage précoce aux yeux de l’islam est haram (interdit par Allah). L’engagement de ce réseau régional de chefs religieux a été officialisé par une déclaration commune et des plans d’action pour soutenir les objectifs du projet. Au Mali, le taux d’abandon scolaire chez les jeunes filles reste préoccupant. Pour lutter contre ce phénomène d’abandon scolaire, grâce à un financement fourni par le projet, environ 900 jeunes filles de 75 écoles des régions de Kayes, Mopti, Ségou et Sikasso ont reçu des vélos pour leur permettre de se rendre à l’école. En outre, au moins 3 000 filles ont reçu des kits scolaires contenant des articles tels que des cahiers, des blocs-notes et des sacs. Les filles ont également reçu des kits sanitaires et leurs parents ou familles d’accueil ont reçu des vivres. En outre, pour inciter les jeunes filles à rester à l’école et encourager leurs parents à les y laisser, le projet organise des cours de rattrapage en mathématiques, physique, chimie, français et anglais qui touchent plus de 7 400 filles fréquentant les écoles sélectionnées. En restant à l’école, ces filles peuvent échapper aux mariages arrangés que leurs parents finissent par leur proposer lorsqu’elles restent à la maison.  Projet régional d’appui au pastoralisme dans le Sahel Le pastoralisme est la clé des économies du Sahel et de la Corne de l’Afrique. Ces deux régions connaissent des niveaux d’instabilité et d’insécurité croissants, qui menacent les moyens de subsistance des agriculteurs et des éleveurs locaux. La Banque mondiale a fourni 1,25 million de dollars américains à A F R I C A’ S P U L S E > 65 l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) par l’intermédiaire du Fonds d’État pour la consolidation de la paix afin de financer le projet Pastoralisme et stabilité dans le Sahel et la Corne de l’Afrique. Le projet a été conçu en 2016 pour aborder la dimension « prévention des conflits » associée à la mobilité pastorale. Le projet a soutenu (a) des activités visant à comprendre l’impact des interventions pastorales sur la réduction des conflits et (b) des programmes pour faire le suivi des conflits et développer des systèmes régionaux d’alerte de conflit. Ces activités étaient reliées aux deux projets pastoraux régionaux dans le Sahel et la Corne de l’Afrique. Pour aider les Sahéliens à améliorer et à pérenniser leurs activités pastorales, sur lesquelles repose l’essentiel de leurs moyens de subsistance, la Banque mondiale a mis à disposition des pays du Sahel et des organisations régionales l’équivalent de 248 millions de dollars pour financer le projet régional d’appui au pastoralisme du Sahel. L’objectif de ce projet est d’améliorer l’accès des éleveurs et agro-éleveurs aux moyens de production, aux services et aux marchés essentiels dans des zones transfrontalières sélectionnées et le long des axes de transhumance à travers six pays du Sahel. Pour accroître la productivité, le projet est axé sur la fourniture d’éléments clés adaptés aux communautés mobiles tels que les services vétérinaires, l’eau, les données météorologiques, les pratiques de gestion des troupeaux et des pâturages, la nutrition animale, les informations sur les marchés et les services de conseil. En outre, le projet vise à promouvoir la coopération nationale et régionale, notamment en ce qui concerne la lutte contre les maladies, la gestion des ressources naturelles, les mouvements transfrontaliers de troupeaux et la facilitation du commerce. Il cherche également à renforcer la résilience au changement climatique, aux maladies animales, aux aléas économiques, aux conflits et à l’insécurité. L’objectif du projet est de fournir, en s’appuyant sur l’action collective des pays du Sahel, un ensemble de biens publics permettant à la fois de relever les défis et de tirer parti des opportunités qui sont créées par l’évolution de l’environnement, notamment les maladies zoonotiques des animaux, les parcours et les ressources en eau utilisés par tous, les échanges transfrontaliers, les informations de marché et les risques pastoraux, notamment liés aux chocs. Tous ces défis et opportunités transcendent les frontières nationales et ont des dimensions régionales essentielles qu’il est important de traiter et qui ne peuvent être abordées que par une approche transnationale concertée. La Corne de l’Afrique : Gérer les personnes déplacées à l’intérieur de leur pays Le Groupe Banque mondiale/Société financière internationale (SFI) a entrepris des travaux d’analyse sur le camp de réfugiés de Kakuma dans l’ouest du Kenya. Les données tirées de ces travaux ont révélé que vivre à proximité des camps de réfugiés pouvait se révéler avantageux pour les populations avoisinantes. Les ménages situés à proximité de ces camps ont affiché une consommation plus élevée suite à l’augmentation du nombre de réfugiés. Le mécanisme sous-jacent semble être une augmentation des opportunités d’emploi et des revenus agricoles, ainsi qu’une hausse des prix du bétail induite par la demande des réfugiés (Alix-García et coll. 2018). Les réfugiés sont des agents économiques qui ne souhaitent pas seulement entreprendre des activités économiques pour gagner leur vie, mais souhaitent aussi améliorer la société et faire une différence (Sanghi, Onder et Vemuru 2016). Les résultats de ces recherches ont changé le discours sur les réfugiés, qui étaient auparavant considérés comme des assistés restant assis toute la journée dans les camps sans rien faire, sauf attendre l’aide. Les camps et les zones d’installation de réfugiés sont maintenant vus comme des marchés offrant des activités intéressantes et lucratives, plutôt que des dépotoirs aux conditions sordides. 66 > A F R I C A’ S P U L S E La SFI utilise les données collectées sur les niveaux de consommation, l’accès au financement, les télécommunications, l’éducation, l’emploi et la propriété d’entreprises pour encourager les compagnies privées à investir à Kakuma – soit en lançant de nouveaux projets, soit en développant ceux existants – ce qui bénéficiera aux réfugiés et à leurs communautés d’accueil. Pour faire face aux impacts sociaux, économiques et environnementaux des déplacements forcés, la Banque mondiale a approuvé le Projet régional de réponse du développement à l’impact des déplacements (DRDIP) dans la Corne de l’Afrique en 2016, en partenariat avec les gouvernements d’Éthiopie, Djibouti, Ouganda (dans une première phase) et Kenya (dans une seconde phase). Le DRDIP fait partie des premières opérations soutenues par la Banque mondiale dont l’intervention a pour but le développement économique plutôt qu’une simple réponse humanitaire et sécuritaire, et dans ce sens il complète le travail des agences humanitaires traditionnelles (Figure 2.16). FIGURE 2.16 : Réponse du développement aux impacts des déplacements dans la Corne de l’Afrique Le projet régional de réponse du développement Éthiopie Djibouti à l’impact des 20 millions de déplacements 100 millions de dollars (DRDIP) est une dollars opération régionale Organisme d’exécution : Organisme d’exécution : visant à soutenir Ministère de l’Agriculture et IGAD Agence Djiboutienne de les interventions de des Ressources naturelles 8 millions Développement Social (ADDS) développement dans de dollars la Corne de l’Afrique. Secrétariat Kenya Ouganda régional sur les 100 millions de 50 millions de déplacements dollars dollars forcés et les Organisme d’exécution : Organisme d’exécution : migrations mixtes Bureau exécutif du président, Cabinet du département pour le Premier ministre développement des régions arides et semi-arides Remarque : IGAD = Autorité intergouvernementale pour le développement. Les objectifs de développement du projet sont d’améliorer l’accès aux services sociaux de base, d’élargir les perspectives économiques et d’améliorer la gestion de l’environnement pour les communautés accueillant des réfugiés dans les zones cibles de ces pays (Figure 2.17). Les composantes du projet comprennent : a) les services et infrastructures sociaux et économiques, b) la gestion durable de l’environnement et c) un programme d’activités génératrices de revenus. L’approche opérationnelle de développement pilotée par la communauté garantit que les voix de toutes les communautés sont entendues dans le processus de prise des décisions sur la hiérarchisation des sous-projets et la préparation et la mise en œuvre du projet, et permet d’approfondir le renforcement des capacités des institutions locales. A F R I C A’ S P U L S E > 67 Le projet DRDIP FIGURE 2.17 : Objectifs du projet de réponse du développement régional aux impacts des déplacements a pour objectif d’améliorer l’accès aux services sociaux de base, d’élargir les perspectives économiques et de renforcer la gestion de l’environnement pour les communautés accueillant des réfugiés. Les principaux bénéficiaires du projet sont les communautés d’accueil touchées par la présence prolongée de réfugiés, et les bénéficiaires secondaires du projet sont les personnes déplacées (réfugiés et rapatriés). En investissant dans la prestation de services publics et la mobilisation sociale des communautés d’accueil et des réfugiés, le DRDIP renforce la cohésion sociale des communautés bénéficiaires. Le projet a mis en œuvre une série de sous-projets dans les domaines de l’agriculture, de l’éducation, de l’électricité et des énergies propres, de la santé, des moyens de subsistance, de l’eau et bien d’autres. Stabiliser la région par le biais de projets spécifiques à des pays : Le projet LONDO Pays sans littoral entouré de voisins instables, la République centrafricaine est l’un des pays les plus pauvres et les plus fragiles du monde. En janvier 2014, environ 25 % de la population du pays était déplacée, dont près d’un million à l’intérieur et plus de 200 000 dans les pays voisins. La même année, le revenu national brut par habitant a chuté à 600 dollars, mesuré en PPA, retrouvant ainsi les tristes niveaux des années 90. Les infrastructures ont été détruites dans tout le pays, notamment les écoles et les centres de soins de santé, et le paiement des salaires de la fonction publique a été suspendu pendant la majeure partie de l’année 2013, perturbant gravement la fourniture de services. Le gouvernement n’était pas en mesure de dispenser les services les plus élémentaires et d’assurer la sécurité de ses citoyens, érodant encore davantage le contrat social déjà faible entre la population et l’État. La République centrafricaine est confrontée au défi énorme de devoir stabiliser le pays tout en investissant dans le relèvement rapide et les efforts durables de consolidation de la paix visant à rompre le piège de la fragilité. 68 > A F R I C A’ S P U L S E Pour aider la République centrafricaine sur la voie du relèvement, la Banque mondiale soutient la stabilisation afin de rompre le cycle de la violence et de maintenir la confiance dans la transition fragile. L’aide est principalement axée sur la résolution de certains des principaux facteurs de conflit et sur le renforcement de la confiance dans les institutions du secteur public. Dans le cadre du projet LONDO, la Banque mondiale fournit des emplois temporaires aux personnes vulnérables à travers les programmes nationaux de travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre. Le projet LONDO est maintenant le plus important programme de « travail contre rémunération » en République centrafricaine, avec plus d’un million de personnes-jours de travail dans toutes les régions du pays (59 sous-préfectures sur 71). Dans l’ensemble du pays, 29 500 bénéficiaires (dont 36 % de femmes) ont entretenu plus de 1 850 kilomètres de routes pour permettre à leurs communautés de se reconnecter aux marchés et aux services sociaux essentiels, et travaillent ensemble pour rétablir le contrat social du pays. Le projet a été déployé dans des zones contrôlées par les rebelles et a donné des exemples de partenariat avec les forces de maintien de la paix et la communauté humanitaire. 2.5 ARRANGEMENTS RÉGIONAUX EN COURS VISANT À AIDER LES PAYS TOUCHÉS PAR LE FCV Les organisations régionales jouent un rôle plus important dans les actions de prévention des problèmes de sécurité qui s’étendent au-delà des frontières nationales (Verjee 2017). Les approches régionales sont également essentielles pour réduire les risques de contagion et d’instabilité transnationales générés par la montée en puissance d’acteurs non étatiques et les conflits intraétatiques en Afrique. Certaines organisations régionales et sous-régionales, appuyées par le Conseil de sécurité, ont acquis le mandat et la capacité de gérer les conflits, notamment : • Les initiatives lancées à l’échelle du continent par l’Union africaine, qui a créé des institutions et des capacités spécialisées pour appuyer la médiation politique, la gestion des crises, la reconstruction après le conflit et le maintien de la paix. • La CEDEAO, qui est habilitée à agir en cas de menace contre la stabilité par des moyens politiques, économiques et militaires. Sa proximité et son accès aux parties prenantes régionales et nationales permettent à la CEDEAO d’intervenir rapidement en cas de crise. Les solutions régionales resteront importantes étant donné que les conséquences de la fragilité d’un pays s’étendent au-delà de ses frontières nationales. Cependant, l’efficacité des organisations régionales dans la résolution des conflits est remise en question lorsqu’il n’y a pas de consensus entre les États membres et que des perceptions de partialité se font jour ou lorsque des capacités importantes sont rares. Communautés économiques régionales pour la stabilisation et le maintien de la paix Les communautés économiques régionales et sous-régionales sont allées au-delà de leur mission de promotion de la coopération économique pour s’attaquer aux menaces régionales à la paix et à la sécurité. Les communautés économiques régionales participent à des opérations en croissance constante, identifiant les menaces sous-régionales par le biais de coalitions régionales telles que le Groupe de travail mixte multinational contre Boko Haram et le G-5 Sahel, entre autres. A F R I C A’ S P U L S E > 69 Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest La CEDEAO a été l’une des communautés économiques régionales les plus efficaces, et le Nigéria a joué un rôle fort d’ancre et de défenseur de la démocratisation et du maintien de la paix (Khadiagala, 2018). Au cours des deux dernières décennies, la CEDEAO est intervenue et a sanctionné ou condamné des actions commises par la plupart de ses 15 États membres. Les interventions militaires lancées par la CEDEAO pour déstabiliser les guerres civiles en Guinée-Bissau, au Libéria et en Sierra Leone ont abouti à la création de mécanismes cruciaux pour la sécurité régionale. Dans un geste sans précédent, la CEDEAO a créé une force de maintien de la paix, le Groupe de surveillance du cessez-le-feu de la Communauté économique, pour assurer la paix au Libéria en 1990. Elle a également joué un rôle actif dans le déploiement de la Mission des Nations Unies au Libéria, qui a supervisé les élections de 2005 qui ont marqué la fin de la guerre civile. Le Groupe de surveillance du cessez-le-feu de la Communauté économique a joué un rôle analogue en Sierra Leone entre 1997 et 1999, afin d’empêcher les rebelles du Front révolutionnaire uni de déstabiliser le gouvernement légitime du pays. De même, la CEDEAO a organisé des résolutions pacifiques et rétabli des gouvernements constitutionnels au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et en Gambie, entre autres. Le risque accru de contagion des conflits et le besoin de stabilité pour soutenir la croissance et les investissements ont rendu l’implication des chefs d’État et de gouvernement indispensable pour soutenir la stabilisation dans les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence dans la région (Marc, Verjee et Mogaka 2015). En Gambie, une coalition de dirigeants régionaux et internationaux, dirigée par la CEDEAO, a équilibré les négociations internes avec des pressions diplomatiques et des menaces crédibles d’action militaire (Steven et Sucuoglu, 2017). Initiative de la côte ouest africaine Certaines initiatives prises sur les trafics dans le cadre de l’intégration économique en Afrique de l’Ouest sont importantes pour la stabilisation et la gestion des facteurs susceptibles d’accroître la fragilité et les conflits. L’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime, le Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest, le Département des affaires politiques des Nations Unies et Interpol ont pour objectif de lutter contre le trafic de drogue, la criminalité organisée et la toxicomanie en Afrique occidentale. Cette initiative comprend un ensemble complet d’activités visant à renforcer les capacités nationales et régionales en matière de détection et de répression, de police scientifique, de gestion des frontières, de lutte contre le blanchiment d’argent et de renforcement des institutions de justice pénale (Banque mondiale, 2011a). Stratégie régionale pour s’attaquer à Boko Haram Le lac Tchad fournit de l’eau à plus de 30 millions de personnes vivant dans quatre pays contigus : le Tchad, le Cameroun, le Niger et le Nigéria. Dans le passé et récemment, la région a connu de graves violences et des effusions de sang à la suite de l’insurrection de Boko Haram au Nigéria. La stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience pour les zones touchées par Boko Haram dans la région du bassin du lac Tchad a été adoptée par le Cameroun, le Niger, le Nigéria et le Tchad en août 2018 (Union africaine 2018). L’objectif de cette stratégie est de répondre aux besoins de stabilisation, de résilience et de rétablissement à court, moyen et long terme dans les zones touchées par Boko Haram. Il repose sur neuf piliers : i/ la coopération politique ; ii/ la sécurité et les droits de l’homme ; iii/ le désarmement, la démobilisation, la réhabilitation, la réinsertion et la réintégration des personnes associées à Boko Haram ; iv/ l’aide humanitaire ; v/ la gouvernance et le contrat social ; vi/ le redressement socio-économique et la durabilité de l’environnement ; vii/ l’éducation et la formation professionnelle ; viii/ la prévention de l’extrémisme violent et la consolidation de la paix ; et ix/ l’autonomisation et l’inclusion des femmes et 70 > A F R I C A’ S P U L S E des jeunes. Ces piliers répondent aux défis multiples de la région du bassin du lac Tchad. Cette stratégie devrait guider, rationaliser et compléter les diverses initiatives visant à stabiliser les zones touchées par les activités de Boko Haram dans la région du bassin du Lac Tchad. Autorité intergouvernementale pour le développement. 25 Pour aborder la question des conflits dans la région de la Corne de l’Afrique, de la vallée du Nil et des Grands Lacs africains, l’IGAD a conçu le Mécanisme d’alerte précoce et de réaction aux conflits. Sous la direction de l’Éthiopie, du Kenya et de l’Ouganda, l’IGAD a négocié des accords de paix au Soudan, au Soudan du Sud et en Somalie. Les négociations prolongées entre l’IGAD et ses partenaires extérieurs ont abouti à l’Accord de paix global de 2005 qui a conduit à la naissance du Soudan du Sud en juillet 2011. Si elles fournissent des services avérés, les communautés économiques régionales sont par ailleurs confrontées à des défis importants. Les organisations régionales, à l’exception de la CEDEAO, manquent souvent de défenseurs des normes démocratiques (Khadiagala 2018). Les institutions régionales sont habituellement sous-financées au regard des normes internationales et manquent généralement d’identités communes ou de valeurs partagées, ce qui entrave la réalisation de leurs mandats fondamentaux. Les progrès en matière d’intégration et de multilatéralisme restent limités dans les régions de l’Afrique subsaharienne où les États sont confrontés à des conflits de longue date et où les politiciens craignent d’amoindrir la souveraineté nationale. Initiatives à l’échelle continentale L’Union africaine dispose d’un important pouvoir normatif en matière de constitutionnalisme, de démocratie et d’État de droit. Son implication a permis de légitimer des efforts couronnés de succès pour inverser les changements anticonstitutionnels de gouvernements dans plusieurs pays, ce qui aurait pu mener à une instabilité politique et des conflits. Au cours des dix dernières années, l’Union africaine a activement mis en œuvre les dispositions prises regardant les changements inconstitutionnels de gouvernement. Ses succès en matière de censure et/ou d’annulation des changements inconstitutionnels de gouvernement au Burkina Faso (2015), en République centrafricaine (2003), en Côte d’Ivoire (2010), en Guinée (2009), en Guinée-Bissau (2003, 2012), en Mauritanie (2005), à Madagascar (2001, 2009, 2014) et au Niger (2010) ont contribué à l’établissement d’une norme africaine sur la légalité constitutionnelle (Khadiagala 2018)26. Au niveau intergouvernemental, l’Union africaine a mis au point un Système d’alerte continental précoce afin de conseiller le Conseil de paix et de sécurité sur « les conflits potentiels et les menaces contre la paix et la sécurité » et de « recommander les meilleurs plans d’action »27. Le Conseil de paix et de sécurité, la principale institution de gestion des conflits en Afrique, a connu des résultats mitigés en matière de gestion des épisodes de conflit au cours des deux dernières décennies. Les ressources organisationnelles et financières limitées ainsi que la nature insoluble de certains conflits ont contribué à cette performance inégale. Les succès du Conseil de paix et de sécurité ont découlé de sa capacité à mobiliser des ressources internationales et à établir des partenariats avec les communautés économiques régionales afin de résoudre les conflits au Burundi, en République centrafricaine, au Mali, en Somalie et au Soudan. 25 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 239). 26 L’Union africaine a joué un rôle important en prévenant les conflits lors des élections de 2014. En restant engagée dans le pays et en faisant appel à une médiation de haut niveau (l’ambassadeur Ramtane Lamamra) à des moments critiques, l’Union africaine a contribué à faire en sorte que la transition présidentielle suive un processus constitutionnel. 27 Nations Unies et Banque mondiale (2018, 239). A F R I C A’ S P U L S E > 71 2.6 VOIES DE SORTIE DE LA FRAGILITÉ Cette section se penche sur les possibles voies de sortie de la fragilité pour les pays concernés en Afrique subsaharienne. Pour réussir à prévenir la fragilité et à en sortir, il est nécessaire de renforcer les capacités des États, ainsi que de renouveler le contrat social et promouvoir la cohésion sociale. Les technologies numériques peuvent accélérer la sortie de la fragilité en permettant un processus de reconstruction rapide, notamment en contribuant à la participation citoyenne et au développement des médias. Les technologies numériques peuvent également résoudre les problèmes liés à la production et au commerce de minerais issus de zones de conflit (par exemple, le travail des enfants et les flux illicites). De plus, les initiatives régionales visant à favoriser la facilitation des échanges peuvent contribuer à préserver la paix entre les pays, dans la mesure où elles réduisent les coûts logistiques et s’attaquent au commerce transfrontalier illégal. Renforcer les capacités des États dans les pays fragiles Les situations de fragilité, conflit et violence sont diverses et complexes, et incluent les pays à risque, les conflits et la violence au niveau national, ainsi que les cas de fragilité profonde, sans oublier les « poches de fragilité ». Toutes ces situations exigent des réactions différentes. Dans les situations de grande fragilité, les fonctions essentielles de l’État sont les plus faibles, la violence et les conflits sont endémiques et la confiance entre l’État et la société, ainsi qu’entre différents groupes sociaux, est faible ou inexistante. Les pays se retrouvent souvent dans une grande fragilité après un long conflit interne (c’est le cas par exemple du Libéria, de la Sierra Leone, du Soudan et de la Somalie) ou après une lente dégradation de la cohésion sociale et de la capacité de l’État au fil des ans (République centrafricaine). Dans les situations où le niveau de violence est élevé, les capacités du gouvernement sont faibles, le pacte de l’élite a été brisé et l’État est prisonnier des intérêts d’une élite, sans lien avec les besoins de la population, un « système de fragilité » enraciné se met progressivement en place. Dans un tel système, les acteurs nationaux se comportent en fonction d’un ensemble d’incitations qui renforcent la fragilité à travers un clientélisme accru, et les dirigeants se servent de leur position privilégiée pour ponctionner les revenus de l’État et s’octroyer des avantages privés, tout en faisant usage de violence pour intimider les groupes sociaux. En conséquence, les institutions deviennent extrêmement corrompues et la confiance entre les citoyens et l’État, ainsi qu’entre les citoyens eux-mêmes, s’érode rapidement, ce qui entraîne une augmentation des conflits et de la violence. Une fois atteint un tel stade de fragilité profonde, la plupart des pays ne parviennent pas à en sortir pendant de longues périodes. Ainsi, la plupart des pays figurant sur la Liste des situations de fragilité établie par la Banque mondiale y sont inscrits depuis des années. De plus, quand ces pays s’extirpent finalement de la fragilité, cela leur prend généralement beaucoup de temps – souvent des décennies, comme en témoignent les cas du Libéria et de la Sierra Leone, et il s’agit rarement d’un processus linéaire. Aider les pays à échapper au piège de la fragilité Pour prévenir la fragilité et en sortir, il est fondamental de promouvoir la légitimité de l’État. Au-delà du renforcement des capacités, le fait de soutenir l’État et de renforcer les institutions nationales et locales constitue une priorité de premier ordre pour conférer une légitimité à l’État, renouveler le contrat social entre les citoyens et l’État, et promouvoir la cohésion sociale. Au final, lorsque les institutions sont plus fortes, elles peuvent gérer plus efficacement le partage du pouvoir, la redistribution, le règlement des différends et les sanctions (Banque mondiale 2017). Les fonctions gouvernementales essentielles doivent être soutenues de manière à renforcer l’efficacité et la confiance dans l’État. Pour surmonter la fragilité, il faut renforcer l’efficacité et la transparence des fonctions essentielles de l’État. Pour que les gouvernements assurent la sécurité et la primauté du droit et qu’ils réglementent et/ou fournissent des biens publics, ils doivent être capables de planifier, d’allouer 72 > A F R I C A’ S P U L S E des ressources et de superviser efficacement la fourniture de ces services. Ils doivent également être en mesure de générer des recettes par le biais d’une fiscalité transparente et équitable. Dans les situations de fragilité, conflit et violence, le renforcement de la responsabilité et de l’efficacité du gouvernement est une priorité longuement établie. Il est essentiel de trouver un équilibre entre les « renforcements de capacité ad hoc » et la « pérennité institutionnelle » afin d’éviter les pratiques néfastes pouvant découler de structures de services parallèles. Il est tout aussi important d’assurer des revenus à l’État et de garantir que les fonds publics sont utilisés aux fins pour lesquelles ils sont destinés. En outre, l’instabilité macroéconomique peut précipiter la violence politique et l’escalade de cette violence peut rapidement compromettre les négociations politiques en matière de fiscalité, d’engagements de dépenses et d’objectifs monétaires. À cet égard, il est important avant tout de reconstruire la capacité de l’État à mener une politique fiscale et monétaire, afin d’assurer une prestation efficace des services publics, le développement du secteur privé et la résilience aux chocs. Dans ce contexte, pour aider les pays à sortir du piège de la fragilité, il convient d’adopter les approches suivantes : (a) rester impliqué sur le long terme, (b) adopter une approche étape par étape des réformes et du renforcement des institutions, (c) s’assurer que le pays s’approprie le processus, (d) saisir les fenêtres d’opportunité, et (e) se concentrer sur l’efficacité et l’inclusion. Premièrement, les acteurs du développement doivent prendre des engagements de long terme dans les contextes de fragilité, conflit et violence. Si le renforcement de la responsabilité, de la légitimité, de la confiance et des institutions est essentiel pour créer les conditions nécessaires à une sortie de la fragilité, il est évident que tout cela ne peut se faire ni rapidement ni par le biais de solutions simplistes. Le chemin pour sortir de la fragilité est souvent semé de crises et de contretemps. Il est donc essentiel que les acteurs du développement restent impliqués de manière proactive sur le long terme pour éviter que le pays ne rechute dans les conflits et pour fournir le soutien constant nécessaire à l’établissement d’une paix et d’une stabilité durables. Deuxièmement, la hiérarchisation et l’enchaînement des réformes constituent un autre élément essentiel de l’approche itérative qu’il est nécessaire de suivre dans les contextes de fragilité, conflit et violence. Dans les pays qui connaissent d’importantes contraintes de capacité ou des accords de paix fragiles, il est primordial d’éviter de mener des réformes trop complexes ou d’en faire trop à la fois. Au contraire, il convient d’adopter une approche progressive et pragmatique du développement, pour permettre au pays de faire preuve de flexibilité et d’adaptation face aux changements rapides de la dynamique sur le terrain. L’engagement de la Banque mondiale en Somalie est un exemple concret de cette approche. Au cours des dernières années, la Banque mondiale s’est concentrée sur des mesures itératives visant à renforcer les institutions et la gouvernance de l’État. En sélectionnant soigneusement ses soutiens et grâce à une coordination étroite avec la communauté internationale, et en fin de compte en donnant le pouvoir au Gouvernement somalien, la Banque mondiale a été en mesure de soutenir le développement d’un État davantage capable et légitime, qui est aujourd’hui en mesure de fournir des services et de répondre aux demandes de ses citoyens. Troisièmement, il est essentiel que les pays s’approprient le processus pour sortir définitivement du piège de la fragilité. Les interventions de développement doivent contribuer à construire et à améliorer les systèmes nationaux existants, plutôt que de s’appuyer sur des structures de gouvernance parallèles. Ceci est essentiel pour renforcer la légitimité des gouvernements et renouveler le contrat social à long terme. Pour être efficaces, les interventions doivent soutenir les dirigeants nationaux – sous la forme d’un gouvernement national ou d’une coalition d’acteurs nationaux – déterminés à sortir de la fragilité. Quatrièmement, il est essentiel de saisir les opportunités qui se présentent dans les contextes de fragilité, conflit et violence, afin de fournir le soutien indispensable pour déclencher une sortie du piège de la A F R I C A’ S P U L S E > 73 fragilité. Bien qu’il soit extrêmement difficile de trouver l’équilibre entre les « victoires à court terme » et les solutions durables, il est essentiel de créer une dynamique dès le début pour pouvoir soutenir les réformes au long cours qui sont nécessaires. Par conséquent, bien que des approches progressives de mise en place d’institutions à long terme soient cruciales, il est essentiel d’agir rapidement lorsque des opportunités se présentent, afin de progresser et de créer un élan. Dans certaines situations, ce peut être justement une crise qui déclenche un progrès soudain, que celle-ci soit due à une élection, à la découverte de pétrole ou à un accord de paix. Dans de tels cas, il est important de collaborer étroitement avec les partenaires internationaux pour mettre en œuvre une approche pleinement coordonnée. C’est ce qui se passe avec les évaluations conjointes Banque mondiale - Nations Unies-Union européenne en matière de rétablissement et de consolidation de la paix, qui appuient la coordination des efforts internationaux dans les pays en phase post-conflit ou en transition politique. Ces évaluations aident les gouvernements à donner la priorité aux activités de rétablissement et de consolidation de la paix, qui constituent ensuite la base des plans pluriannuels visant à soutenir un développement inclusif et une paix durable. En République centrafricaine, par exemple, après trois ans de conflit armé et de crise politique, une Évaluation du rétablissement et de la consolidation de la paix a servi de base au Plan national centrafricain quinquennal de rétablissement et de consolidation de la paix. Cela a ensuite permis à la communauté internationale de fournir un soutien critique au développement dans les zones de conflit actif et les zones non sécurisées, par exemple dans les parties du pays où l’Armée de résistance du Seigneur était active et où aucun projet de développement n’avait été mené depuis deux décennies. Enfin, fournir des services de manière efficace et inclusive est essentiel pour reconstruire le contrat social dans les environnements de fragilité, conflit et violence et pour accroître la légitimité de l’État. Bien que la sécurité et la justice soient connues pour être les services les plus pertinents pour lutter contre la fragilité, la fourniture de services sociaux et de protection sociale peut également réduire la fragilité, les conflits et la violence à long terme et accroître la confiance dans le gouvernement et les fournisseurs de services. Par conséquent, il est essentiel non seulement de se concentrer sur le type de services fournis, mais également sur la manière dont les services sont fournis afin de maximiser l’inclusion et de renforcer la cohésion sociale. Dans ce contexte, l’engagement citoyen et les programmes de développement pilotés par la communauté peuvent avoir une importance décisive. Dans les contextes de fragilité où les gouvernements disposent de capacités limitées, il est essentiel de mobiliser les citoyens pour qu’ils supervisent la prestation de services et de créer des mécanismes pour renforcer leur participation, afin d’améliorer la prestation des services et la cohésion sociale. Les voix des plus vulnérables doivent être entendues, et la manière dont le contexte sociopolitique influence la distribution des services doit être comprise. Les données montrent que les opérations de développement pilotées par les communautés peuvent être conçues de façon à soutenir la prévention et la résilience dans des situations très polarisées, et à venir en aide aux gouvernements locaux. En outre, elles peuvent contribuer à éliminer les perceptions d’injustice et garantir une répartition équitable des ressources, ce qui peut réduire le risque de conflit. Tirer parti de l’économie numérique TIC et reconstruction post-conflit Les technologies de l’information et de la communication (TIC) peuvent contribuer aux politiques et aux pratiques de reconstruction dans les contextes post-conflit. L’application des TIC recouvre les domaines de reconstruction suivants : stabilisation, réconciliation et participation des médias et du public.28 Stabilisation. Les TIC peuvent jouer un rôle important pour faciliter le processus de reconstruction. Par exemple, le rétablissement des télécommunications confirme à la population que le pays retourne à la normale. Les nouvelles technologies de l’information ont permis aux systèmes d’alerte précoce 28 Voir l’analyse dans Kelly et Souter (2014, 15–34). 74 > A F R I C A’ S P U L S E de tirer parti des informations provenant des communautés pour détecter les affrontements entre anciens combattants (ou d’autres acteurs) qui menaçaient de dégénérer en violence. Au cours de la crise postélectorale au Kenya en 2007/08, le logiciel Ushahidi a été utilisé pour surveiller la violence. Il a effectivement réduit le risque d’escalade de la violence, ce qui constitue un exemple novateur d’application des technologies de l’information. Les TIC peuvent également aider à la coordination et au partage d’informations entre les gouvernements, les partenaires de développement et les forces d’intervention internationales au début de la reconstruction. Réconciliation. Après être sortis de situations de conflit, plusieurs pays ont mis en place une variante de la Commission de la vérité et de la réconciliation. Ces commissions constituaient une plateforme, pour que les personnes impliquées dans un conflit violent et qui en ont souffert puissent consigner leurs expériences et comprendre ensemble comment la situation a dégénéré, et envisager ensemble un avenir commun positif. Dans ce contexte, les TIC peuvent établir des plateformes permettant de recueillir et organiser différents types de documents pour les Commissions de vérité et de réconciliation. Participation des médias et du public. Les TIC sont au cœur du débat public et de la participation du public. Ils fournissent les plateformes et les canaux par lesquels les gouvernements et les personnalités politiques communiquent avec les citoyens et par lesquels la population fait connaître ses opinions à ses dirigeants. Les TIC peuvent favoriser la participation et l’autonomisation des citoyens, en particulier dans les pays dont l’avenir sécuritaire est très incertain. Les TIC fournissent des plateformes de « crowdsourcing » et d’autres approches ascendantes, permettant de rapporter les abus de pouvoir des fonctionnaires, les perceptions de la criminalité et de la sécurité personnelle, les manquements des services publics et d’autres indicateurs de progrès (ou d’absence de progrès) en matière de stabilisation et de développement. Grâce au Big Data et aux données ouvertes, les gouvernements peuvent aujourd’hui passer en revue une plus grande quantité d’informations sur la situation du pays. Solutions numériques aux problèmes liés aux « minéraux issus de zones de conflit » La technologie « blockchain » offre la possibilité de rendre plus transparente la chaîne d’approvisionnement des « minerais issus de zones de conflit » et peut ainsi contribuer à atténuer les conflits ainsi que réduire le travail des enfants et le commerce illicite de produits minéraux, en particulier dans la région africaine des Grands Lacs. Pendant des décennies, le commerce des minéraux a financé certains des conflits les plus meurtriers au monde.29 Les ressources provenant de zones de conflit ou à haut risque en Afrique subsaharienne, notamment de République démocratique du Congo et du Zimbabwe, et historiquement, d’Angola et du Libéria, peuvent financer des groupes armés et entraîner des violations des droits humains (Global Witness 2019). Ces ressources, que l’on appelle également « minéraux issus de zones de conflit », peuvent entrer dans les chaînes d’approvisionnement mondiales et se retrouver dans les téléphones mobiles, les ordinateurs portables, les bijoux et autres produits. Des campagnes internationales de plaidoyer menées par des organisations non gouvernementales, telles que Global Witness, ont poussé les entreprises qui utilisent ou échangent des ressources provenant éventuellement de zones de conflit à faire preuve de la vigilance requise, en fonction des risques, et à s’engager à s’approvisionner de manière responsable et durable. Les technologies des registres distribués et blockchain permettent de se conformer aux normes mondiales, à la gestion de la chaîne d’approvisionnement et à l’approvisionnement responsable en minéraux. La blockchain est essentiellement une archive sécurisée d’enregistrements stockés sur un grand registre distribué, qui se sert de contrats intelligents construits sur la plateforme Ethereum. Cette technologie permet aux personnes liées par une chaîne de blocs d’échanger en toute sécurité des documents 29 Selon l’OCDE (2018), 20 des 58 contextes fragiles du monde étaient considérés comme des pays riches en ressources naturelles. A F R I C A’ S P U L S E > 75 commerciaux critiques, tels que des connaissements et des lettres de crédit, grâce à l’utilisation des contrats intelligents (Weiland 2018). Cette base de données représente une plateforme pour enregistrer les transactions de la chaîne d’approvisionnement de la mine à la fonderie et même au-delà (RCS Global et ICMM 2017). Les données enregistrées comprennent des informations sur le poids, la quantité, la qualité, l’origine des minéraux, et des certificats de production responsable pouvant être téléchargés dans le système, validés aux points appropriés de la chaîne logistique, puis mis en lien avec le matériel concret à l’aide de codes-barres, balises ou d’autres applications de l’Internet des objets (telles que les étiquettes d’identification par radiofréquence). Ces informations peuvent être partagées avec des acheteurs en aval et d’autres tiers. Plusieurs entreprises étudient déjà l’utilisation de la blockchain dans leurs chaînes d’approvisionnement, comme l’illustrent les exemples suivants. Utilisation de la blockchain dans l’industrie du diamant. Les diamants et aux autres pierres précieuses se voient attribuer des empreintes numériques digitales qu’il est ensuite possible de suivre au fur et à mesure des ventes, ce qui permet de conserver une trace infalsifiable de l’origine de ces pierres précieuses (Lewis 2018). De Beers, qui exploite, échange et commercialise plus de 30 % de l’offre mondiale de diamants, a récemment annoncé qu’il créerait le premier registre blockchain pour le suivi des pierres précieuses de la mine jusqu’au consommateur (Marr 2018). Parmi les autres sociétés qui appliquent la technologie blockchain au secteur des pierres précieuses, citons FuraGems et Everledger. Approvisionnement responsable en cobalt en république démocratique du congo. La République démocratique du Congo, qui détient la moitié des réserves mondiales de cobalt, a lancé un projet pilote visant à garantir que le cobalt présent dans les batteries lithium-ion de produits manufacturés, tels que les iPhones et les véhicules électriques de Tesla, n’a pas été extrait par des enfants. Des entreprises chinoises (la Chine est la principale destination du cobalt congolais issu des mines artisanales) ont mis en place une « Initiative pour du cobalt responsable », pour lutter contre le travail des enfants (Lewis 2018). La pression croissante exercée par les consommateurs et les investisseurs pour s’assurer que le cobalt utilisé par les fabricants provient d’une chaîne d’approvisionnement respectueuse des droits humains s’est étendue à d’autres minéraux utilisés dans l’électronique, tels que le tantale, l’étain, le tungstène et l’or. Approvisionnement responsable en tantale au rwanda. En 2018, le gouvernement rwandais, avec la start-up londonienne de blockchain Circulor, a créé une solution basée sur la blockchain pour un enregistrement transparent des mouvements du tantale dans la chaîne d’approvisionnement. Le Rwanda est un leader mondial dans la production de concentrés de tantale et de tantale métallique (des matériaux utilisés dans les produits électroniques grand public tels que les smartphones et les ordinateurs portables). Tandis qu’au Rwanda, l’extraction du tantale a généré des revenus pour le gouvernement, dans les pays voisins, cette industrie a été liée au travail des enfants, à la violence sexuelle et sexiste et à la criminalité. Le projet conjoint entre Circulor et le gouvernement rwandais permettra aux entreprises d’utiliser la plateforme blockchain de Circulor pour poser des balises et suivre le tantale extrait au Rwanda tout au long de la chaîne d’approvisionnement (Graham 2018). Ainsi, les acheteurs, les investisseurs et les organismes de réglementation pourront être confiants quant à l’origine des produits contenant du tantale. Globalement, la technologie de la blockchain a le potentiel pour résoudre les problèmes de transparence, de conflit et d’activité illicite dans l’industrie minière. Premièrement, elle pourrait augmenter les taux de conformité des sociétés minières en matière de gestion de la chaîne d’approvisionnement, et elle peut promouvoir un approvisionnement responsable dans l’économie mondiale (Weiland 2018). La technologie blockchain pourrait également faciliter une collaboration du secteur en vue de promouvoir la transparence dans l’approvisionnement en minéraux et métaux (RCS Global et ICMM 2017). Deuxièmement, la blockchain peut servir à mettre en œuvre un suivi complet de bout en bout des minerais et concentrés minéraux. Cela permettrait de sécuriser les minéraux de grande valeur en transit, et de confirmer que les minéraux achetés proviennent de régions conformes et sans conflit. Cependant, il 76 > A F R I C A’ S P U L S E subsiste un risque que les concentrés et minerais soient mélangés avec des matériaux d’origine inconnue avant de se voir attribuer un code d’identification (Weiland 2018). La technologie blockchain est encore nouvelle et son utilisation est testée dans l’approvisionnement en minéraux et en métaux. La mise en œuvre de cette technologie pose au moins trois défis (RCS Global et ICMM 2017). Premièrement, les entreprises du secteur ont une exposition au risque et des positions dans la chaîne d’approvisionnement différentes, et il est donc difficile pour elles de parvenir à un consensus sur les données relatives à la chaîne de traçabilité et aux normes de production responsables. Deuxièmement, la transformation de chaînes de suivi non normalisées et sur support papier en un système numérique n’est pas un processus anecdotique. Troisièmement, la technologie de la blockchain reste coûteuse en raison de la puissance de calcul nécessaire et des coûts d’exploitation importants (les estimations vont de 100 USD par gigaoctet et de 50 000 USD à 100 000 USD par utilisateur). Pour résumer, la technologie des blockchains n’est pas la solution miracle pour résoudre les problèmes structurels de la gestion de la chaîne d’approvisionnement des minéraux et des métaux. Surmonter les obstacles au commerce : la facilitation des échanges dans la région des Grands Lacs En mai 2013, au cours d’une mission conjointe des Nations Unies et du Groupe de la Banque mondiale dans la région des Grands Lacs, la Banque a annoncé un nouveau financement de 1,4 milliard de dollars américains destiné à aider les pays de la région à dispenser de meilleurs services de santé et d’éducation, à développer le commerce transfrontalier et à financer des projets d’hydroélectricité en appui à l’Accord- cadre pour la paix, la sécurité et la coopération de la région des Grands Lacs. Le commerce transfrontalier entre les pays de la région des Grands Lacs joue un rôle important dans le maintien de la paix et de la sécurité en Afrique centrale. Ces échanges ont aidé à établir des liens pacifiques entre le Burundi, la République démocratique du Congo, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ouganda après des années de troubles et d’instabilité. Les conflits dans la région des Grands Lacs ont déplacé des millions de personnes à l’intérieur des pays et au-delà de leurs frontières. Les frontières de l’Afrique sont poreuses et difficiles à contrôler, en particulier pour les pays en situation de fragilité, conflit et violence, mais ce n’est pas le cas lorsqu’il s’agit de marchandises. L’épaisseur des frontières de la région des Grands Lacs (en particulier la frontière Est de la République démocratique du Congo) témoigne non seulement des incertitudes en matière de sécurité, mais également des coûts financiers auxquels sont confrontés les commerçants lorsqu’ils franchissent la frontière pour entrer et sortir de ces pays. Pour améliorer le passage des frontières, il convient de simplifier les règles, d’avoir une tolérance zéro en matière de violence, d’offrir de meilleures infrastructures et conditions matérielles pour les fonctionnaires et les commerçants à la frontière, ainsi qu’un soutien aux associations de commerçants pour que les petits commerçants pauvres soient mieux représentés (Banque mondiale, 2011b). Les infrastructures médiocres et les coûts élevés de facilitation du commerce entravent souvent les échanges transfrontaliers, et ce coût est particulièrement élevé pour les entreprises issues de pays en situation de fragilité, conflit et violence. Les coûts de transport élevés sont particulièrement importants pour les pays sans littoral. En cas de retards de livraison imprévus, les entrepreneurs de ces pays peuvent rater des opportunités commerciales. Les entreprises peuvent également avoir à supporter des coûts de stockage supplémentaires. Le Programme de facilitation des échanges dans les Grands Lacs, mis en œuvre depuis début 2016, vise à favoriser les échanges transfrontaliers en augmentant la capacité commerciale et en réduisant les coûts supportés par les commerçants (en particulier les commerçants à petite échelle et les commerçantes) à certains points de passage aux frontières et ports dans la région. Le programme souligne la nécessité A F R I C A’ S P U L S E > 77 d’améliorer les infrastructures frontalières (transports, installations douanières et de passage, et services de base, y compris eau et électricité), de renforcer les capacités des agents des douanes, de mettre à niveau les systèmes électroniques et d’appliquer la Charte du petit commerçant. Le Programme de facilitation du commerce en cours dans les Grands Lacs a déjà franchi certaines étapes clés. Premièrement, le programme a mis en place des infrastructures à deux points de passage importants le long de la frontière entre la République démocratique du Congo et le Rwanda, améliorant ainsi les conditions pour les petits opérateurs (en particulier les femmes). Un éclairage photovoltaïque a été installé aux postes-frontières de Goma-Petite Barrière et de Ruzizi 1, ce qui a permis d’accroître la sécurité et d’offrir des horaires de négociation élargis. Deuxièmement, l’achèvement des clôtures de l’aéroport de Kamembe au Rwanda contribue à renforcer la sécurité et la sûreté de l’aviation dans la région. Cela profite également aux agriculteurs de la communauté locale qui exploitent des terrains aéroportuaires, en assurant la sécurité de leurs cultures. Troisièmement, le dialogue politique régional a favorisé la coordination transfrontalière entre les pays du projet en matière de facilitation du commerce, y compris des mesures visant à rationaliser les procédures pour les petits commerçants et à soutenir la mise en place de régimes commerciaux simplifiés. Quatrièmement, des guichets d’information sur le commerce ont été mis sur pied ou améliorés sur tous les sites du projet en collaboration avec le Marché commun de l’Afrique de l’Est et d’Afrique australe, dans le but d’aider les commerçants dans les procédures de dédouanement et de les aider à résoudre leurs différends avec les autorités frontalières. Enfin, des formations régionales et nationales sont en cours ou en préparation pour les commerçants et les fonctionnaires. Elles portent entre autres sur la parité femme-homme dans le commerce transfrontalier, et s’accompagnent de nombreuses activités de sensibilisation et de diffusion. ENCADRÉ 2.1 : Cet encadré présente quelques situations où les efforts des pays pour prévenir ou sortir d’un contexte Des de conflit/fragilité ont échoué et où la coopération régionale entre institutions ou mécanismes arrangements régionaux pour supranationaux a joué un rôle clé pour fournir une solution. remédier à la fragilité et Violences postélectorales au Kenya aux conflits Une vague de violence a déferlé sur le Kenya après les élections générales du 27 décembre 2007. Elle a violents lorsque les efforts provoqué plus de mille morts et 300 000 personnes ont été déplacées. Bien que déjà catastrophiques, nationaux sont ces évènements auraient eu des conséquences plus lourdes encore, en termes de vies humaines et de insuffisants destruction économique, sans la médiation de l’Union africaine en janvier 2008. Un panel d’éminentes personnalités africaines, présidé par l’ancien secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, a présidé au processus de paix de 41 jours qui a conduit à l’Accord sur les principes de partenariat au sein du gouvernement de coalition. Cet accord a été signé par le président kényan Mwai Kibaki et le chef de l’opposition, M. Raila Odinga, le 28 février 2008. Cet accord de partage du pouvoir a instauré la fonction de Premier ministre et engendré un gouvernement de coalition, mettant ainsi fin à la crise politique, économique et humanitaire dans laquelle avait sombré le pays (Lindenmayer et Kaye 2009). Mettre fin à la guerre civile au Soudan Lors du sommet de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) tenu en septembre 1993, le président soudanais, Omar El-Bashir, a demandé l’aide des pays voisins pour mettre fin à la guerre civile. Le Comité permanent de l’IGAD pour la paix au Soudan a été formé et présidé par Daniel Arap Moi, alors président du Kenya. En juillet 2002, le général Lazaro Sumbeiwyo a conclu la négociation du protocole de Machakos, qui garantissait le compromis « un pays, deux systèmes ». Selon ce protocole, la 78 > A F R I C A’ S P U L S E charia prévaudrait au Nord, tandis qu’une administration laïque serait mise en place au Sud. Il fixait ENCADRÉ 2.1 Suite également le calendrier d’un référendum sur l’autodétermination du Sud, qui devait se tenir six ans après la signature de l’accord de paix. D’autres accords ont été conclus, portant sur des arrangements en matière de sécurité et de partage du pouvoir et de la richesse, au cours des deux années suivantes. Ce processus s’est conclu avec la signature de l’Accord de paix global du Soudan le 9 janvier 2005 (Healy 2009). Le conflit violent persistant au Soudan du Sud. Le conflit violent qui a résulté de la division au sein du leadership au Soudan du Sud persiste depuis 2013 et s’est aggravé. Début 2016, 50 000 personnes auraient été tuées et des millions de personnes déplacées de force. Le Soudan du Sud a dû faire face à d’énormes difficultés pour mettre en place des institutions depuis son indépendance en 2011. Le manque d’institutions politiques légitimes ainsi que l’absence de forces de sécurité ont été à l’origine du conflit (Nations Unies et Banque mondiale 2018). Les belligérants ont à nouveau accepté de mettre fin aux combats et de former un gouvernement d’union en 2018. Cependant, les accords finalisés le 12 septembre 2018 n’ont pas mis fin à la crise profonde du Soudan du Sud – en effet, ils n’ont pas réglé la lutte pour le pouvoir entre le président Salva Kiir Mayardit et le chef rebelle Riek Machar. En fin de compte, les accords de 2018 ont échoué à définir un règlement politique pour le pays : ils n’ont pas mis en place un mécanisme de partage du pouvoir ou de la richesse avec d’autres groupes. Bien que le nouvel accord ait réduit les combats, il demeure fragile. Les diplomates disposent d’une marge de manœuvre pour maintenir l’élan en faveur de la paix tout en essayant de parvenir à un règlement plus durable. Afin de soutenir le processus de paix et d’empêcher le retour d’un conflit à grande échelle, l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), l’Union africaine (UA), les Nations Unies et les pays donateurs devraient accélérer et soutenir les efforts diplomatiques de sortie de crise (International Crisis Group 2019). A F R I C A’ S P U L S E > 79 80 > A F R I C A’ S P U L S E Section 3 : La révolution numérique au service de l’éradication de la pauvreté en Afrique 3.1 INTRODUCTION 1 Les technologies numériques offrent de nouvelles approches à une croissance économique rapide, à l’innovation, à la création d’emplois et à l’accès aux services en Afrique. Pourtant, l’accès à l’Internet reste encore illusoire pour la plupart des Africains. À peine 24 % d’entre eux avaient accès à l’Internet en 2018. Peu d’Africains disposent d’identité ou de comptes d’opérations numériques, ce qui les empêche d’avoir accès à des services clés, y compris le commerce électronique. Si le monde des affaires s’adapte lentement aux technologies numériques pour accroître la productivité, les emplois et les ventes, les start- ups du numérique font encore face à de grandes difficultés dans l’obtention de financements. Un petit nombre de gouvernements investissent de façon stratégique et systématique dans le développement du numérique, qu’il s’agisse de l’infrastructure, des services, des compétences ou de l’entrepreneuriat. Les jeunes n’auront pas l’occasion de maximiser leur potentiel sur le marché du travail, si l’activité économique n’intègre pas pleinement la quatrième révolution industrielle. La croissance de l’activité économique réelle s’est fortement accélérée au cours des deux dernières décennies, passant d’un taux moyen annuel de 1,4 % au cours de la période 1978–95 à 4,6 % au cours de la période 1996–2016. Cependant, la performance de croissance de la région est moins éblouissante lorsqu’on la compare à la croissance de la population : le taux de croissance annuelle du produit intérieur brut (PIB) réel par habitant était de 1,8 % au cours de la période 1996–2016. Bien que les taux de pauvreté aient chuté à un rythme supérieur à celui d’autres régions du monde, le nombre (absolu) de personnes pauvres a augmenté dans la région. La lenteur de la croissance économique n’explique pas à elle seule la plus grande concentration de pauvreté extrême dans la région ; les autres facteurs sont les conflits, la faiblesse des institutions, et le peu de succès dans l’utilisation de la croissance pour réduire la pauvreté. Réduire la pauvreté s’impose comme une mesure essentielle en Afrique. La région abrite la plupart des personnes pauvres dans le monde, et en l’absence de mesures draconiennes, leur proportion augmentera fortement au cours des prochaines années. L’augmentation de la concentration de la pauvreté extrême en Afrique au cours du dernier quart de siècle peut s’attribuer au fait que la croissance économique n’a pas été aussi rapide et aussi inclusive que nécessaire pour réduire la pauvreté de façon significative2. L’Afrique a donc besoin de politiques susceptibles d’accélérer la croissance, et ces politiques doivent s’accompagner de programmes et de stratégies conçus pour atteindre les personnes vivant dans l’extrême pauvreté. La lutte contre l’extrême pauvreté exige des actions qui vont encourager la productivité du secteur agricole, dynamiser le développement rural et créer des emplois pour « l’explosion de jeunes » qui rejoignent la population active. La plupart des personnes de la région habitent des zones rurales (82 %) et vivent essentiellement d’une agriculture de subsistance. L’emploi informel représente 75 % de l’emploi total. La faible productivité des exploitations agricoles, des entreprises et les travailleurs du secteur informel s’explique partiellement par un manque d’accès à l’information sur les intrants, aux connaissances et aux marchés où pourront s’écouler les produits. L’éradication de la pauvreté extrême pour 2030 demande un changement radical en termes de technologies et de leur adoption, car le statu quo sera dans une très large mesure incapable de réaliser cet objectif (Banque mondiale, 2018a). 1 Cette section thématique s’appuie et complète des recherches et des projets opérationnels du Groupe de la Banque mondiale dont les résumés se trouvent dans Banque mondiale (2019a, 2019b, 2019c). 2 Les taux de croissance économique des pays ayant le plus grand nombre de personnes pauvres ont chuté au cours des dernières années. La conversion de la croissance en réduction de la pauvreté, à savoir l’élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance, est restée historiquement plus faible en Afrique qu’ailleurs (Banque mondiale 2018c). L’effet moindre de la croissance sur la réduction de la pauvreté en Afrique peut s’attribuer au niveau initial de pauvreté qui freine à la fois croissance et réduction de la pauvreté. Les pays plus pauvres ont moins de ménages disposant des actifs et du pouvoir nécessaire pour contribuer à la croissance agrégée, et pour y participer. Les niveaux de fécondité, d’éducation, de santé et d’infrastructures affectent également le taux de conversion (Banque mondiale 2018b). A F R I C A’ S P U L S E > 81 La révolution numérique peut-elle réussir à réduire la pauvreté en Afrique ? Au cours des deux dernières décennies, l’Internet a fourni une plateforme pour l’innovation. Il a permis aux start-ups, aux institutions et aux gouvernements de développer de nombreux produits et services et de les mettre sur le marché. Il n’a pas seulement permis de créer des applications innovatrices, mais a également transformé des activités quotidiennes. Non seulement la nature du travail a changé, mais aussi la répartition entre travail et loisirs, les communications, les réseaux sociaux, les achats, l’utilisation des services bancaires, et les relations avec les administrations. Si elles demeurent encore importantes, les disparités d’accès à l’économie numérique entre pays avancés et pays en développement (notamment, les pays africains) se rétrécissent néanmoins grâce au passage d’une économie connectée limitée aux ordinateurs personnels et serveurs Web à une économie hyperconnectée grâce aux téléphones mobiles bons marchés, les réseaux sans fil à large bande et des applications Cloud. L’accès à l’Internet et aux téléphones mobiles est devenu rapidement une nécessité tout en devenant financièrement accessible à un plus grand nombre de personnes. Cependant, l’accès à l’Internet est une condition nécessaire mais non suffisante pour retirer les bénéfices de la croissance et éradiquer la pauvreté. L’économie numérique exige également une fondation à la logique solide, faite de réglementation créant un climat des affaires dynamique et permettant aux entreprises d’utiliser les technologies numériques pour se lancer sur de nouveaux marchés et d’innover. Elle demande aussi des compétences qui permettront aux travailleurs, entrepreneurs et fonctionnaires du gouvernement de saisir des opportunités dans le monde du numérique. Finalement, elle a besoin d’institutions responsables qui utiliseront l’Internet pour donner plus de pouvoir aux citoyens. Plusieurs moyens vont permettre aux technologies numériques d’avoir un impact sur le développement de l’Afrique (Aker et Blumenstock 2015) : D’abord, les technologies numériques contribuent à alléger les problèmes d’asymétrie d’information et à améliorer la communication. Ils peuvent réduire les coûts de recherche et potentiellement améliorer l’efficacité du marché (Stahl 1989). Les téléphones mobiles peuvent aider à réduire les barrières informationnelles pour les consommateurs, les producteurs et les commerçants, et permettre de mieux connaître les prix (Aker et Mbiti 2010). En améliorant le flux d’informations, d’autres applications mobiles peuvent également réduire l’incertitude qui entoure la demande et les coûts de coordination. Par exemple, les téléphones mobiles peuvent aider les exploitants agricoles, les commerçants et les entreprises à identifier des acheteurs (ou fournisseurs) potentiels pour leurs produits dans une zone géographique plus importante (Aker 2011). L’amélioration des communications entre agriculteurs et commerçants réduit l’incertitude associée à la demande pour certains produits et facilite la fourniture d’intrants dans les zones rurales (Debo et Van Ryzin 2013). De plus, des programmes pilotes ont démontré le potentiel qu’ont les technologies comme les chaînes de blocs (block chains) d’améliorer l’accès aux marchés d’exportation par les petits acteurs en augmentant la transparence des données dans l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement et en remplaçant une paperasserie coûteuse en temps par des vérifications numériques automatiques (Banque mondiale, 2018d). Deuxièmement, les technologies numériques ont fortement réduit le coût des transferts privés et publics et celui des paiements par rapport aux méthodes traditionnelles. Les téléphones mobiles ont fourni une plateforme de transferts électroniques qui a permis de réduire les coûts de transaction liés à l’envoi et à la réception d’argent. L’innovation qu’est l’argent mobile a permis d’augmenter la fréquence et le montant des transferts et d’améliorer la capacité des foyers à lisser leur consommation dans le temps (Jack et Suri 2014). Les plateformes de paiement des administrations aux individus ont permis de réduire les coûts de mise en œuvre des programmes et versements de transferts publics et d’accroître leur efficacité (Aker et coll. 2013). L’affectation des ressources au sein des ménages sera probablement modifiée si les bénéficiaires de ces transferts sont des femmes (Duflo et Udry 2004 ; Aker et coll. 2013). Troisièmement, les personnes à faible revenu, en particulier celles qui vivent dans des zones rurales éloignées, ont un accès à des institutions financières formelles. Ces personnes tendent à avoir recours à des mécanismes d’auto-assurance coûteux pour partager les risques. L’argent mobile leur donne une 82 > A F R I C A’ S P U L S E méthode sans danger pour déposer leur épargne, en particulier pour leurs besoins les plus immédiats (Aker et Wilson 2013 ; Ky, Rugemintwari, et Sauviat 2018). Les comptes d’argent mobile peuvent être utilisés pour transférer l’épargne d’un individu ou d’un groupe à une institution financière ou donner à des personnes non bancarisées un accès à des services financiers (Mbiti et Weil 2016). De nouvelles technologies, telles que les tests psychométriques numériques peuvent également améliorer l’accès à des prêts en éliminant le besoin de garanties (Alibhai et coll. 2018). Quatrièmement, les technologies numériques peuvent fournir un contenu éducatif et encourager l’acquisition de compétences par des enfants en âge d’école et des adultes. Il est en effet possible d’utiliser les messages textuels ou des applications d’argent mobile pour mettre en pratique des compétences de lecture et d’écriture (Aker, Ksoll et Lybbert 2012). Les applications pour téléphones mobiles peuvent même être utilisées comme outil d’enseignement dans les salles de classe, voire comme enseignants suppléants. En conséquence, l’économie numérique peut faire émerger de nouvelles possibilités de marchés et attirer de nouveaux entrepreneurs et investisseurs susceptibles de servir les populations pauvres, en particulier dans les pays fragiles. La création et l’adoption d’outils de technologies numériques adaptés au contexte africain (par exemple aux agriculteurs des zones rurales), combinées aux efforts déployés pour développer une culture numérique, vont permettre à des travailleurs non qualifiés du secteur informel d’exécuter des tâches associées à des qualifications plus élevées tout en apprenant sur le tas. De telles technologies permettent à des travailleurs ne disposant pas de garantie mais ayant la capacité de réaliser de petites épargnes d’avoir accès au crédit et à des produits d’assurance basés sur l’enregistrement de leurs épargnes ainsi que sur l’historique de leurs achats, et avec le temps, d’acquérir les compétences nécessaires à de meilleurs emplois. L’inclusion financière numérique, avec l’amélioration des compétences, contribuera à encourager la croissance de la productivité et à réduire la pauvreté. La numérisation crée déjà de nouvelles opportunités pour les petits entrepreneurs en leur donnant accès à des réseaux et à des marchés plus importants. En particulier pour les pays fragiles, les technologies du numérique peuvent être utilisées pour gérer les mouvements transfrontaliers de personnes déplacées (au moyen de leurs identités numériques), d’effectuer des transferts en espèces (chaîne de blocs), et d’acheter de la nourriture dans les supermarchés des camps (identification biométrique). Cette section montre que les progrès réalisés dans la mise en place des fondements d’une économie numérique sont variables. De grandes lacunes persistent en matière de pénétration, de qualité, d’accès et d’accessibilité financière des services d’Internet à large bande fixe. En revanche, les progrès dans les services Internet à large bande mobile ont été plus rapides comme l’indique l’expansion rapide des abonnements mobiles large bande, de la téléphonie mobile cellulaire et de la couverture des réseaux mobiles. L’utilisation de plateforme numérique pour payer des factures ou effectuer des achats en utilisant l’Internet en est encore à ses débuts en Afrique. Malgré cela, l’Afrique est le leader mondial en matière de comptes d’argent mobile, bien que ce développement soit surtout présent en Afrique subsaharienne et moins en Afrique du Nord. En Afrique subsaharienne, les comptes d’argent mobile ont permis l’accès à des fonds par des moyens non bancaires et sécurisés et de faciliter les transactions électroniques, ce qui d’ailleurs reflète le faible niveau de développement des services bancaires traditionnels. Ce n’est pas le cas en Afrique du Nord où l’accès à des comptes financiers est plus important mais où la pénétration des comptes d’argent mobile est plus faible. Les bénéfices de la croissance que le continent africain pourrait tirer de la réalisation des cibles de Moonshot de l’économie numérique lui permettrait d’augmenter sa croissance par habitant de 1,5 point de pourcentage par an et de réduire son taux de pauvreté par habitant de 0,7 point de pourcentage par an. Les bénéfices de la croissance et les effets en termes de réduction de la pauvreté sont plus importants en Afrique subsaharienne qu’en Afrique du Nord : la croissance augmenterait de 1,95 point de pourcentage par an en Afrique subsaharienne, contre 0,4 point de pourcentage par an en Afrique du Nord et la réduction de la pauvreté de 0,96 point de pourcentage par an en Afrique subsaharienne, contre A F R I C A’ S P U L S E > 83 0,2 point de pourcentage en Afrique du Nord. De plus, les gains en termes de croissance et de réduction de la pauvreté sont plus élevés si nous prenons en compte l’interaction de l’économie numérique avec des éléments complémentaires analogiques tels que le capital humain. Les gains de croissance peuvent augmenter de 3,8-4 points de pourcentage par an tandis que les effets en termes de réduction de la pauvreté augmenteraient de 1,9 à 2 points de pourcentage par an3. Le contenu de cette section thématique d’Africa Pulse repose fortement sur des projets en cours relatifs à l’expansion de l’économie numérique en Afrique, sur les opportunités et les défis que présente cette économie en matière de création d’une croissance soutenue et inclusive, ainsi que l’impact de cette économie sur la nature du travail en Afrique. Plus précisément, cette section s’inspire de la motivation, du cadre conceptuel et des constats initiaux des projets suivants : (a) Digital Economy for Africa (DE4A) Moonshot (Banque mondiale, 2019b), (b) The Future of Work in Africa: A Companion to the World Development Report 2019 on the Changing Nature of Work (Banque mondiale 2019c), et (c) A Continent-Wide Digital Economy for Africa: Opportunities and Challenges for More Productive and Inclusive Growth (Banque mondiale 2019a)4. Cette section thématique comporte cinq sous-sections. La sous-section 3.2 décrit le cadre conceptuel pour l’adoption et le développement de l’économie du numérique en Afrique. La sous-section 3.3 fournit des repères pour les fondations de l’économie du numérique en Afrique, à savoir l’infrastructure numérique, les plateformes numériques, l’entrepreneuriat numérique et les services financiers numériques. Elle identifie et localise les principales lacunes dans la région. Cette sous-section documente également le fossé numérique qui persiste en termes de services financiers numériques selon le genre, la géographie, l’âge, ainsi que les dimensions de revenus dans chaque pays. La sous-section 3.4 estime les régressions relatives à la croissance dans les différents pays et calibre l’élasticité (ou la semi-élasticité) de la pauvreté par rapport à la croissance pour permettre un calcul rapide des effets potentiels de la croissance et de la réduction de la pauvreté qu’apporterait une réduction des lacunes identifiées dans la sous-section 3.3. Elle fournit également des preuves micro-économiques des différents moyens dont dispose l’économie numérique pour transformer les processus économiques et accroître la croissance de la productivité et la création d’emplois, en mettant l’accent sur l’intégration des technologies du numérique dans l’agriculture, les finances et l’administration. Finalement, la sous-section 3.5 analyse l’accompagnement de politiques nécessaires pour tirer avantage de l’insertion et de l’expansion de l’économie du numérique dans la région, à savoir les politiques destinées à renforcer l’impact de l’économie du numérique sur la croissance (politiques en matière d’éducation, du travail et du marché des produits), les cadres réglementaires qui encourageront l’innovation et la compétition, ainsi que les cadres juridiques robustes susceptibles de relever les défis posés par la protection de la vie privée et la cybersécurité. 3.2 CADRE CONCEPTUEL 5 Les modèles de développement traditionnels pour l’Afrique n’ont toujours pas produit une croissance soutenue et n’ont pas réussi à éliminer l’extrême pauvreté. Cependant, ces modèles pourraient être remis en question grâce au rythme rapide de la diffusion des technologies, à la convergence de multiples technologies et à l’émergence de plateformes régionales et mondiales. Les technologies numériques peuvent élargir l’accès aux marchés mondiaux, modifier les modèles d’activité et apporter des gains de productivité significatifs. Elles sont également susceptibles d’améliorer l’accès aux nécessités et services de base. À l’échelle mondiale, l’économie du numérique atteignait environ 11,5 trillions d’USD en 2016 3 Pour mieux cerner l’ordre de grandeur économique de cet effet, la Banque mondiale (2017a) a montré qu’en comblant le fossé en termes de qualité et de quantité d’infrastructures (transport par route, électricité et télécommunications), la croissance par habitant en Afrique subsaharienne augmenterait de 2,6 points de pourcentage par an. Ces calculs ne prennent en compte ni le calendrier ni les coûts monétaires significatifs impliqués par le rattrapage du retard en infrastructures. 4 Les principaux objectifs de ces projets sont : (a) déterminer les contours des connaissances de la Banque mondiale en matière d’économie numérique en mettant en œuvre l’initiative DE4A ; (b) évaluer l’impact potentiel des technologies numériques sur la nature du travail en Afrique, c’est-à-dire sur un environnement disposant d’un faible niveau d’actifs complémentaires tels que le capital physique, humain, les connaissances et les institutions ; et (c) déterminer le rôle des politiques publiques dans la facilitation et la gestion d’une transition vers l’économie numérique, en particulier dans des marchés qui ne sont ni compétitifs ni contestables. 5 Cette section repose fortement sur Banque mondiale (2019b). 84 > A F R I C A’ S P U L S E (soit 15,5 % du PIB mondial), et son taux de croissance était plus du double de celui du PIB mondial entre 2000 et 2016. Cette économie représente environ 18,4 % du PIB des économies avancées, la plus grande part de l’économie numérique dans l’activité économique revenant aux États-Unis avec 35 %. En revanche, l’économie du numérique constitue en moyenne 10 % du PIB des pays en développement, une proportion variant entre 2 et 19 %. Dans les pays en développement qui font partie du peloton de tête en matière d’utilisation des technologies numériques, comme par exemple la Chine, le Chili et la Malaisie, les contributions de ces technologies et l’activité économique réelle sont comparables à celles de certains pays avancés (Oxford Economics 2017)6. La population totale de la région Afrique est d’environ 1,3 milliard de personnes. Cette population est également la plus jeune du monde. Le taux de croissance de la population active africaine est le plus rapide du monde : la main-d’œuvre disponible devrait augmenter de 198 millions d’ici 2030, et 11 millions de jeunes devraient rejoindre le marché du travail chaque année au cours de la prochaine décennie (OIT 2018). Pourtant, cette augmentation de la population active contraste avec les faibles niveaux de capital humain : la performance de l’Afrique en ce qui concerne l’indice du capital humain est lamentable, en particulier en ce qui concerne l’accès à un enseignement de qualité, le retard de croissance et la mortalité de la mère et de l’enfant. Le système éducatif de la région est en pleine crise, avec 50 millions d’enfants non scolarisés, de faibles taux de réussite dans l’enseignement secondaire et des résultats d’apprentissage médiocres. Le continent africain pourrait bénéficier d’une révolution numérique susceptible d’assurer une croissance soutenue et de fournir aux millions de jeunes qui rejoignent chaque année la population active des emplois dont ils ont vraiment besoin. Dans le monde en développement, environ 90 % des emplois sont créés par le secteur privé (Banque mondiale 2013). Dans ce contexte, la région doit mettre en œuvre des politiques qui encouragent l’entrepreneuriat, et en particulier l’entrepreneuriat dans le numérique, pour approfondir le développement du secteur privé et accélérer la création d’emplois. Le secteur public aura un double rôle important dans ce nouvel environnement : il utilisera les technologies du numérique pour fournir des produits et services essentiels, et en même temps réglementera les fonctions et les activités associées à l’économie du numérique. Des gains considérables pourraient être produits en insérant le continent dans la mouvance de la révolution numérique et en rassemblant les gouvernements, le secteur privé, la société civile et les partenaires au développement pour faire émerger une vision audacieuse pour les nations africaines. La révolution numérique promet de fournir des gains de produits et de productivité, mais elle pose également de nouveaux défis. Par exemple, les gouvernements devront mettre en œuvre des politiques destinées à diminuer la fracture numérique entre les connectés et les non connectés, et à coordonner des actions pour contrecarrer l’augmentation de risques cybernétiques et de risques pour la protection de la vie privée. L’accès aux technologies du numérique reste faible en Afrique. Le continent est à la traîne du reste du monde en ce qui concerne la disponibilité de l’Internet large bande et son accès. Par exemple, 18 des 20 pays les moins connectés en 2017 se trouvaient en Afrique (GSMA 2018)7. La plupart des abonnés à la téléphonie mobile en Afrique n’ont pas accès à l’Internet : plus de la moitié sont couverts par au moins un réseau mobile 2G dans 36 pays, un pays ne dispose pas de services 3G, et 11 pays ne sont pas encore couverts par un réseau mobile 4G (TeleGeography 2018)8. À la fin de 2018, environ 24 % de la population africaine avaient un abonnement au large bande mobile actif, une proportion nettement plus faible que celles observées en Asie de l’Est et du Pacifique (49 %) et dans les pays avancés (environ 75 %) (GSMA 6 Le rapport Oxford Economics estime que l’économie du numérique représentera presque un quart du PIB mondial en 2025 si les taux de croissance actuelle des investissements numériques se poursuivent au cours de la prochaine décennie. 7 La couverture du réseau infrastructurelle mobile GSMA est une moyenne pondérée des couvertures des 2G (20 %), 3G (40 %) et 4G(40 %). Les données du GSMA ne comprennent pas l’Érythrée, le Soudan du Sud, la République centrafricaine, Djibouti, la Somalie, les Comores et la Guinée équatoriale où la pénétration du sans-fil est inférieure à celle du Libéria qui est classé comme étant le quatrième pays le moins couvert. Ce calcul ne comprend pas le Libéria, Sao Tomé et Principe et la Libye. Les deux pays non africains les moins connectés aux réseaux sans fil sont l’Afghanistan et Haïti. 8 Parmi les 54 pays d’Afrique, 36 pays ont 50 % ou plus d’abonnés utilisant des services 2G ou moins, qui dans le meilleur des cas supportent la messagerie texte SMS (par exemple, en donnant accès à des services financiers et informations agricoles numériques de base) mais ne donnent pas accès à l’Internet. Par conséquent, ces pays n’ont pas accès à des applications Web telles que WhatsApp, intensivement utilisé comme outil de travail par le monde des affaires pour connaître les conditions du marché, faire de la publicité pour les produits et les prix, et effectuer des transactions. Il n’y a pas d’information disponible sur le réseau mobile 4G de l’Érythrée, du Niger, de la Guinée, de la Guinée équatoriale, de la République Centrafricaine, du Sud Soudan, du Burkina Faso, de Sao Tomé et Principe, du Mozambique, de la Mauritanie et du Cabo Verde (GSMA 2018). Le Burkina Faso est couvert par les services 4G fournis par Orange, le principal opérateur de télécommunications du pays. Par ailleurs, on ne dispose pas d’informations sur la couverture du réseau mobile 3G en Érythrée. A F R I C A’ S P U L S E > 85 2018). Les abonnements au large bande fixe, qui sont importants pour les besoins plus grands de données des entreprises en expansion, restent stagnants en Afrique où ils ne couvrent que 0,6 % de la population. Ce pourcentage est inférieur à ceux d’autres régions, par exemple l’Europe où il est de 31 % (UIT 2018). À l’échelle du continent, le niveau africain de la largeur de bande Internet utilisée en 2017 (7.314 milliards de bits par seconde) ne représentait que 1 % du total mondial, le tiers du niveau du Moyen-Orient, et un niveau comparable à celui du Chili ou de la Roumanie (TeleGeography 2018). La région Afrique a l’occasion de profiter de la révolution numérique pour encourager la croissance et l’innovation, pour éradiquer l’extrême pauvreté et pour promouvoir la prospérité partagée. Cependant, les économies de la région courent des risques d’isolement et de stagnation si la fracture numérique n’est pas abordée de façon adéquate. L’Afrique doit entreprendre des réformes et promouvoir des investissements dans l’économie du numérique pour accélérer la croissance, et si possible, brûler les étapes du modèle traditionnel de croissance, en mettant en place les infrastructures, les systèmes et les compétences de base nécessaires (Figure 3.1). La région Afrique doit effectuer une transition vers une économie du numérique qui : (a) fournit une plateforme susceptible d’encourager la productivité agricole et de moderniser l’économie rurale, et (b) sert d’outils pour accélérer le processus de transformation structurelle de l’agriculture vers l’industrie renforcée par le numérique ou des services fondés sur les technologies d’information et de communication (TIC). L’Afrique doit FIGURE 3.1: Passage d’économies traditionnelles à des économies numériques entreprendre des réformes et ÉCONOMIE TRADITIONNELLE TRANSFORMATION DIGITALE ÉCONOMIE NUMÉRIQUE promouvoir des investissements dans l’économie du numérique pour Économie accélérer la croissance. numérique Économie Secteur numérique numérique La transformation numérique bouleverse les secteurs L’économie numérique a accéléré traditionnels la croissance, réduit la pauvreté et créé des emplois Source : Banque mondiale 2019b Pour tirer parti de l’économie numérique, les responsables politiques devront définir une vision à long terme et ambitieuse pour transformer les économies, les sociétés et les gouvernements africains, et pour mobiliser de nouveaux facteurs de croissance économique, de création d’emplois et de réduction de la pauvreté. Les gouvernements, les partenaires au développement et le secteur privé africains devront s’engager à appuyer des politiques, des actions et des programmes susceptibles d’accélérer la transformation numérique, et consacrer des ressources à la mise en place des fondements d’une économie numérique en plein essor. L’utilisation de la révolution du numérique pour éradiquer la pauvreté repose sur les cinq principes suivants (Banque mondiale 2019b) : 1. Exhaustivité : adopter une approche d’écosystème prenant en compte l’offre et la demande contrastant avec une approche étroite et compartimentée dans la définition des éléments et des fondements d’une économie du numérique. 86 > A F R I C A’ S P U L S E 2. Transformation : changement radical d’échelle en matière d’ambition, qui va au-delà d’une approche graduelle où se succèdent des réussites isolées. 3. Inclusivité : assurer que l’économie numérique crée un accès égal aux opportunités et prennent en compte les risques d’exclusion. 4. Endogénéité : fonder l’expansion de l’économie numérique sur les réalités africaines et libérer l’esprit d’entreprise africain pour produire des contenus et solutions endogènes tout en intégrant ce que d’autres continents peuvent offrir de bon et de pertinent. 5. Collaboration : la mise en œuvre d’une économie numérique demande une souplesse d’esprit, car elle va requérir différents types de collaboration entre pays, secteurs, acteurs publics et privés, ainsi que la facilitation et le remodelage ; elle va également encourager la prise de risque. Une économie dynamique, inclusive et numériquement sûre en Afrique doit reposer sur cinq fondations (voir Figure 3.2). FIGURE 3.2 : Fondement de l’économie numérique et cibles de l’initiative Moonshot Une économie dynamique, inclusive et numériquement sûre en Afrique repose sur cinq fondations. Source: World Bank 2019a. Source : Banque mondiale 2019 Remarque : PIB = Produit intérieur brut ; RNI = Revenu national brut A F R I C A’ S P U L S E > 87 Tout d’abord, une infrastructure numérique permet aux individus, entreprises et gouvernements de se mettre en ligne et de se connecter avec des services numériques locaux et internationaux, et donc de se relier à l’économie numérique mondiale. De façon générale, l’infrastructure numérique comprend la connectivité (au moyen de l’Internet à large bande et de points d’échanges Internet)9, l’Internet des objets (appareils mobiles, ordinateurs, capteurs, dispositifs à commande vocale, instruments géospatiaux, des communications poste à poste et des communications véhicules à véhicule), ainsi que des référentiels de données (centres de données et Cloud)10. Une bonne connectivité large bande pour l’accès à l’Internet ou aux communications à large bande passante reste un fondement essentiel de l’économie numérique. Deuxièmement, les plateformes numériques offrent des produits et services accessibles via des canaux numériques, tels que des dispositifs mobiles, des ordinateurs et l’Internet, et ce pour tous les aspects de la vie. Les systèmes d’identification numérique et les services fiduciaires constituent une plate-forme fondamentale de l’économie numérique. Les systèmes et services d’identification numérique, tels que les signatures électroniques, permettent d’avoir confiance dans les transactions en ligne et de créer des opportunités d’innovation dans la fourniture des produits et des services. D’autres plateformes fondamentales comprennent les plateformes numériques gérées par les pouvoirs publics qui offrent au public des possibilités d’interaction avec les services gouvernementaux (paiement des impôts en ligne, renouvellement du permis de conduire, validation de l’identification numérique, etc.), partage d’informations (données ouvertes ou données du secteur public réutilisables), utilisation de systèmes centraux (back-office), à savoir gestion numérique des informations comptables du gouvernement, des informations de ressources humaines, etc. Les gouvernements peuvent encourager l’utilisation des plateformes numériques en numérisant certaines de leurs opérations ou processus, tels que la passation des marchés, la facturation, ou les communications. Les plateformes numériques permettent aux producteurs et aux consommateurs de créer de la valeur au travers de leurs échanges, avec des effets de réseau provenant de la création par les utilisateurs de contenu, de données et de plus larges communautés d’acheteurs et de vendeurs. Les firmes commerciales opèrent également des plateformes numériques pour offrir un éventail croissant de produits et de services (médias sociaux, cartographie numérique, analyse de données, commerce numérique, éducation numérique, santé numérique, services en ligne (streaming), ludification (gamification), réalité virtuelle augmentée, applications de covoiturage, et bien d’autres). La connectivité mondiale permet aux utilisateurs d’utiliser des services et d’avoir accès à des informations où qu’ils se trouvent, donnant ainsi accès à des services à l’échelle mondiale telle que Google, Facebook ou Amazon Web. Finalement, les pouvoirs publics s’emploient à jouer un rôle actif dans la conception et la mise en œuvre de mesures politiques qui permettront aux plateformes du secteur privé de se développer, et qui atténueront les distorsions de marché que ces plateformes pourraient apporter à l’économie à cause de leurs effets de réseau. Ces mesures pourront inclure des cadres de politique robuste en matière de données (par exemple quant à leur protection ou leur localisation), ainsi que des politiques de concurrence, des politiques antitrust, et protection du travail parmi d’autres). Troisièmement, l’accès à des services financiers numériques financièrement abordables et appropriés est essentiel pour la participation des individus et des entreprises à l’économie numérique. Des comptes de transaction permettent aux personnes et aux entreprises de mener des transactions de façon électronique ou en ligne et ouvrent la voie à une multitude de services financiers numériques en plus des paiements numériques, dont des services de crédit, d’épargne et d’assurances. Les entreprises peuvent utiliser les services financiers numériques pour faciliter leurs transactions avec leurs clients et leurs fournisseurs, ainsi que pour construire des historiques de crédit numérique et rechercher des financements. Les gouvernements peuvent utiliser les services financiers numériques pour améliorer l’efficacité et la redevabilité de nombreux systèmes de paiement, y compris les décaissements pour les transferts sociaux et les reçus de paiement des impôts. Les paiements numériques constituent souvent le point d’entrée pour 9 Une connectivité inclut des réseaux d’accès mobile et fixe, des réseaux métropolitains et de transmission, des réseaux dorsaux nationaux et les connexions internationales. 10 L’infrastructure d’appui aux services comprend des centres de données privés ou indépendants, et de plus en plus, les plateformes dans le Cloud d’infrastructures « as a service » (IaaS) et de logiciels « as a service » (SaaS). 88 > A F R I C A’ S P U L S E les services financiers numériques et fournissent l’infrastructure à travers laquelle d’autres produits peuvent être mis au point, comme le montre l’évolution du M-PESA au Kenya et de Alipay et Tenpay en Chine. Un écosystème de services financiers numériques exige des cadres réglementaires et juridiques adaptés et orientés vers l’avenir (par exemple, pour permettre l’entrée sur le marché et l’innovation), des infrastructures financières robustes (par exemple, des systèmes nationaux de paiement et des systèmes d’information en matière de crédit), ainsi que le développement et le déploiement de canaux de distribution à faible coût (agents, dispositifs aux points de vente, guichets bancaires automatiques et téléphone mobile). Quatrièmement, l’entrepreneuriat numérique et l’innovation créent un écosystème mettant en vie l’économie numérique, avec de nouvelles entreprises orientées vers la croissance et la transformation d’entreprises existantes, ce qui va contribuer à une croissance nette de l’emploi et va aider à améliorer la compétitivité et la productivité de l’économie. L’entrepreneuriat numérique offre de nouveaux produits et services, tire parti de nouvelles technologies et de nouveaux modèles d’affaires, et ouvre de nouveaux marchés. Des écosystèmes d’entrepreneuriat numérique dynamique incluent le développement des compétences (par exemple, au travers de réseaux de mentorat d’affaires), d’infrastructures d’appui à l’écosystème (accélérateurs, incubateurs, pôles d’innovation, espaces de travail communs), ainsi que l’accès au marché et au financement initial (capital d’amorçage et capital-risque). De tels écosystèmes exigent un environnement d’affaires encourageant et habilitant qui motive la création et l’utilisation des nouvelles technologies numériques. Cinquièmement, les économies africaines auront besoin de personnels numériquement sophistiqués pour construire des économies numériques et des marchés compétitifs. Les compétences numériques comprennent des compétences technologiques, mais aussi des compétences d’affaires pour construire et faire fonctionner des start-ups ou des entreprises. Une culture numérique plus développée va faciliter l’adoption et l’utilisation de produits et services numériques dans l’ensemble de la population. Des compétences numériques avancées susceptibles de créer du contenu local et de promouvoir des solutions élaborées en Afrique vont être nécessaires pour assurer une économie numérique inclusive, où l’Afrique n’est pas seulement présente comme consommatrice de la révolution numérique, mais joue également un rôle important dans la production de technologies. Assurer l’inclusivité dans la fourniture de compétences numériques va être essentiel pour éviter de façon disproportionnée l’exclusion de populations déjà marginalisées par summum d’accès à la connectivité mobile, et par conséquent, de renforcer des inégalités existantes. Finalement, des cadres réglementaires solides seront nécessaires pour maximiser les gains de croissance de l’Afrique provenant de son intégration à la révolution numérique. Ces cadres réglementaires auront pour objectif d’appuyer un écosystème encourageant l’innovation et la concurrence. Ils devront stimuler le libre flux des informations mais également gérer la confidentialité des données et les risques de cyber sécurité. La sous-section 3.5 analyse ces problèmes avec plus de détails. 3.3 LE POINT SUR L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE : UNE ANALYSE COMPARATIVE Cette sous-section examine les tendances et les progrès dans l’intégration de l’Afrique dans l’économie numérique. Cette intégration poursuit quatre dimensions : l’infrastructure numérique, les plateformes numériques, l’entrepreneuriat numérique et les services financiers numériques. Les compétences numériques, qui constituent une cinquième dimension, sont largement couvertes dans Banque mondiale (2019c). La comparaison de l’économie numérique est faite à l’échelle du continent. L’analyse se fonde sur un échantillon qui, dans le meilleur des cas, comprend 48 pays d’Afrique subsaharienne et six pays d’Afrique du Nord. La performance de la région Afrique en matière d’économie numérique est comparée à celle d’autres régions choisies comme comparateurs (par exemple l’Asie du Sud et l’Asie de l’Est et le Pacifique) et à d’autres groupes de revenus, en excluant les pays africains (groupes de pays à faible revenu, à revenu A F R I C A’ S P U L S E > 89 intermédiaire inférieur, à revenu intermédiaire supérieur et à revenu élevé). Cette sous-section examine également l’évolution de la pénétration de l’économie numérique dans différents groupes de pays africains classés selon leur localisation géographique (Afrique du Nord, Afrique de l’Est et australe, Afrique de l’Ouest et centrale) et l’incidence sur ces pays de la fragilité, des conflits et de la violence (pays affectés par les FCV et pays non affectés par les FCV). Finalement, elle fournit un tableau de bord (scorecard) de l’économie numérique en Afrique qui met en lumière les lacunes les plus importantes en termes de couverture, de qualité, et d’accès, ainsi que les régions qui affichent les plus grands retards. Faits stylisés Infrastructure numérique Une évaluation des tendances en matière d’infrastructures numériques parmi les différents pays de la région Afrique implique d’examiner l’évolution dans le temps de deux groupes d’indicateurs. Le premier groupe a trait à l’infrastructure large bande fixe qui donne accès à l’Internet (ou le réseau interconnecté), un système mondial de réseaux informatiques interconnectés qui utilisent l’Internet protocol suite pour relier des appareils dans l’ensemble du monde. L’Internet comprend des réseaux privés, publics, universitaires, d’affaires et gouvernementaux de portée locale, régionale ou mondiale. Ces réseaux sont connectés au moyen d’un vaste éventail de technologies électroniques, sans fil et de réseaux optiques. Le deuxième groupe d’indicateurs mesure l’infrastructure large bande mobile qui donne accès à un réseau d’« appareils » contenant l’électronique, le logiciel, les capteurs et la connectivité permettant à ces appareils de se connecter, d’interagir, et d’échanger des données. Les sources de données annuelles (et trimestrielles lorsqu’elles sont disponibles) pour ces indicateurs sont l’Union internationale des télécommunications et TeleGeography. Le premier groupe d’indicateurs de l’infrastructure numérique comprend des mesures de pénétration (ou de quantité), de qualité, d’accès et d’accessibilité financière du large bande fixe. Sa pénétration est représentée par le nombre d’abonnements au large bande fixe et ce nombre est normalisé par la taille de la population du pays correspondant. Le large bande fixe fait référence aux abonnements fixes donnant un accès au large bande à l’Internet public à des vitesses de téléchargement supérieures ou égales à 256 kilobits par seconde. La large bande fixe comprend un modem-câble, une ligne d’abonnés numériques, de la fibre optique à domicile, d’autres abonnements (connexions fixes) au large bande fixe, large bande satellite, ainsi que les systèmes de large bande terrestre fixe et sans fil11. La qualité des services large bande fixe est indirectement mesurée par le nombre de jours nécessaires pour activer ces services, l’hypothèse étant que plus le nombre de jours qu’il faut pour activer le service est élevé, plus faible est la qualité du service. L’accès aux services d’Internet est examiné en prenant le pourcentage de la population ayant utilisé l’Internet au cours des trois mois précédents. L’accessibilité financière est représentée par les frais de raccordement et les coûts d’abonnements mensuels pour le bande large fixe12. Le second groupe d’indicateurs, les services large bande mobile, comprend un indicateur de pénétration de ces services, accompagné de mesures de quantité et d’accès au service mobile. Les abonnements large bande mobile actifs sont des abonnements à l’Internet large bande sans fil utilisant des télécommunications terrestres mobiles. L’abonnement doit permettre l’accès à l’Internet via l’hypertext transfer protocol et avoir été utilisé pour permettre des connexions de données via l’Internet protocol (IP) au cours des trois mois précédents13. Cette information est complétée par : (a) le nombre d’abonnements sans fil total (normalisé par la population totale), et (b) le pourcentage de la population couvert par un réseau d’au moins 3G, et celui couvert par un réseau mobile d’au moins 4G (LTE)/WiMAX14. 11 Les abonnements au large bande fixe excluent les abonnements ayant accès aux communications de données au travers de réseaux mobiles cellulaires. Le nombre d’abonnements mentionnés ici comprend les abonnements résidentiels ainsi que les abonnements pour des organisations. 12 L’accessibilité financière peut également être mesurée, comme indiqué par la Commission large bande des Nations unies, grâce à un plan d’entrée de gamme (500 MB) coûtant 5 % ou moins que le revenu mensuel moyen ou le revenu national brut par habitant. 13 Les abonnements au mobile ne comprennent pas les abonnements large bande sans fil et fixe, par satellite ou terrestre. Les messageries standards SMS et MMS ne comptent pas comme connexion de données Internet active, même si elles sont reçues via IP. 14 Les deux derniers indicateurs mesurent le pourcentage d’habitants accessibles par un signal mobile cellulaire d’au moins 3G ou d’un LTE/LTEAdvanced, mobile WiMAX/WirelessMAN, ou d’un autre réseau mobile cellulaire plus avancé, que ces habitants soient ou non des abonnés. 90 > A F R I C A’ S P U L S E Services à large bande fixe. Le monde est aujourd’hui le témoin de plusieurs changements : connexion entre les machines remplaçant la connexion entre les personnes, augmentation de l’utilisation des services sur le Cloud, et augmentation du volume du trafic de données. Ces changements impliquent que l’accès à l’Internet large bande fixe est encore plus important qu’avant. La figure 3.3, volet a, montre l’évolution dans la région Afrique des abonnements au large bande fixe (pour 1000 habitants) au cours des deux dernières décennies, par rapport à l’évolution des pays avancés, des pays en développement (à l’exclusion de l’Afrique), de l’Asie de l’Est et du Pacifique, et de l’Asie du Sud. Entre 2007 et 2017, le nombre d’abonnements au large bande fixe (pour 1000 habitants) dans la région a augmenté de 0,5 à 3,4, un rythme de progrès comparable à celui des pays en développement en dehors de l’Afrique. Bien que la pénétration du large bande fixe en Afrique en 2017 soit 7 fois supérieure à son niveau de 2007, quelques points méritent d’être notés : (a) cette augmentation par un facteur 7 s’applique à des niveaux de départ très faibles, l’Afrique ayant eu le plus faible niveau de pénétration du large bande fixe dans le monde au début des années 2000 ; (b) la croissance des abonnements au large bande fixe (pour 1000 habitants) a été plus rapide en Asie du Sud (de 0,4 en 2007 à 13,3 en 2017) ; et (c) la région Afrique affiche encore un grand retard par rapport aux pays avancés et aux pays en développement15. En 2017, la pénétration du large bande fixe parmi les pays avancés était plus de 100 fois supérieure à celle des pays africains, et celle des pays en développement était 35 fois supérieure à celle des pays africains. La figure 3.3, volet b, examine les progrès dans la pénétration du large bande fixe dans la région Afrique au cours de la période 2000-2017. Elle montre tout d’abord une disparité des niveaux de pénétration du large bande fixe parmi les groupes de pays en Afrique. Par exemple, le nombre d’abonnements au large bande fixe (pour 1000 habitants) en Afrique du Nord était de 53,5 en 2017, soit près de 20 fois supérieures à la pénétration en Afrique subsaharienne (2,7). La pénétration moyenne du large bande fixe est encore plus faible parmi les pays affectés par les FCV dans la région Afrique (0,9 pour 1000 habitants en 2017). La pénétration dans les pays non affectés par les FVC est plus de six fois supérieure à celle des pays affectés. FIGURE 3.3 : Abonnements au large bande fixe Il existe un écart (pour 1000 habitants) important et a. L’Afrique par rapport au reste du monde b. Sous régions de l’Afrique prolongé en termes 400 60 d’abonnements au large bande fixe 350 par habitant entre 50 300 l’Afrique et le reste du 40 monde. 250 Pour 1000 habitants Pour 1000 habitants 200 30 150 20 100 10 50 0 0 –50 –10 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Pays avancés Pays en développement Asie de l’Est Afrique Afrique du Nord Afrique subsaharienne Asie du Sud Afrique Non-fragiles Fragiles Source : Union internationale des télécommunications Remarque : Les chiffres régionaux affichés sont les médianes des pays pour chaque année correspondante. 15 Dans cette section, nous faisons référence au groupe de pays en développement en excluant les pays africains. A F R I C A’ S P U L S E > 91 Deuxièmement, la croissance de la pénétration du large bande fixe parmi les groupes de pays s’est effectuée à des rythmes différents au cours de la dernière décennie. Par exemple, pour l’Afrique du Nord, la pénétration du large bande fixe en 2017 était de plus de 6 fois supérieure à celle de 2007, alors qu’elle était 9 fois supérieure pour l’Afrique subsaharienne. Cependant, les niveaux de pénétration du large bande fixe en Afrique subsaharienne étaient considérablement inférieurs à ceux de l’Afrique du Nord. Parmi les sous-régions géographiques de l’Afrique subsaharienne, l’Afrique de l’Est affiche non seulement la plus grande pénétration du large bande fixe (5,5 abonnements pour 1000 habitants en 2017), mais également sa croissance la plus rapide (le niveau en 2017 était plus de 27 fois supérieur à celui de 2007). L’Afrique centrale affiche la plus faible pénétration du large bande fixe (1,3 abonnement pour 1000 habitants en 2017), dont la croissance a été insignifiante au cours de la période 2007-2017. Cependant, un examen de l’expansion de la quantité de services large bande fixe serait incomplet sans un examen de la qualité de ces services. Une mesure indirecte de la qualité est le temps d’activation pour le service de large bande fixe16. Le tableau 3A.1 affiche le temps moyen d’activation d’un service en Afrique par rapport à d’autres comparateurs choisis parmi des groupes de pays dans la région Afrique et classés selon leur localisation géographique ou leur situation en matière de FCV au cours des périodes de 2010–2012 et 2015–2017. Le temps moyen d’activation d’un service dans la région Afrique a chuté fortement, passant de 11 jours en 2010–2012 à 5 jours en 2015–2017. Ce gain de temps pour les services large bande fixe est comparable à celui enregistré par des pays à revenu intermédiaire inférieur (cinq jours en 2015–2017), mais il est supérieur à celui enregistré par des pays à revenu intermédiaire supérieur (2,5 jours en 2015–2017). Le temps d’activation des services large bande fixe a diminué de façon significative en Afrique subsaharienne (de 9 jours en 2010–2012 à 4 jours en 2015–2017), un gain de temps plus élevé que celui enregistré en Afrique du Nord (12 jours). Les groupes géographiques de pays d’Afrique subsaharienne ont amélioré les gains de temps (en nombre de jours) nécessaire à l’activation des comptes large bande fixe en 2015–2017 par rapport au temps nécessaire en 2010–2012. Il en va de même pour les pays de la région affectés par les FVC et non affectés par les FVC. L’accès aux services large bande fixe s’est développé sur le continent africain : le marché large bande fixe en Afrique a atteint 17,9 millions d’abonnements à la fin de 2017, contre 15, millions en 2016 et 12, millions en 2015. Cependant, la pénétration au niveau des ménages reste inférieure à 10 % : en moyenne, 7 % des ménages africains avaient un abonnement aux services Internet à large bande à la fin de 2017. La figure 3.4, volet a, montre le taux de pénétration médian au niveau des ménages du large bande fixe en Afrique, comparé à celui des pays avancés et des pays en développement, de l’Asie de l’Est et de l’Asie du Sud. Les données trimestrielles de TeleGeography suggèrent qu’environ 90 % des ménages dans les pays avancés ont accès à des services large bande fixe, tandis que les taux de pénétration médians dans les pays en développement à l’exclusion de l’Afrique sont de 30 %, et de 36 % en Asie de l’Est. En Afrique, le taux médian de pénétration des ménages est d’environ 2 % (ce qui est inférieur au taux médian de 7,5 % enregistré en Asie du Sud). De plus, 16 des 51 pays d’Afrique (tous en Afrique subsaharienne) avaient des taux de pénétration au niveau des ménages, inférieurs à 1 % à la fin de 2017. Les prix élevés de la connectivité large bande et le manque de couverture des réseaux dans de nombreux pays africains constituent des obstacles au décollage du large bande fixe. Plusieurs constats peuvent être dégagés d’une inspection plus détaillée des groupes de pays de la région Afrique (Figure 3.4, volet b). Tout d’abord, il y a de fortes différences entre la pénétration des ménages en Afrique du Nord et celle de l’Afrique subsaharienne. Près d’un tiers des ménages d’Afrique du Nord ont accès au large bande fixe. Le taux de pénétration médian des ménages en Afrique subsaharienne était d’environ 2 % à la fin de 2017. Le taux d’accès médian parmi les ménages affectés par les FCV ne dépassait pas 1 % à la fin de 2017. 16 Cet indicateur désigne le temps (en jours) depuis la date de demande jusqu’à la date d’activation du service, et prend en considération toutes les demandes reçues au cours de la période de référence de 12 mois (UIT 2018). 92 > A F R I C A’ S P U L S E FIGURE 3.4 : Pénétration dans les ménages des abonnements large bande La pénétration des (pour cent) services fixes à large a. L’Afrique par rapport au reste du monde b. Sous régions de l’Afrique bande dans les ménages est plus 100 40 importante en Afrique 90 35 du Nord qu’en Afrique 80 subsaharienne. 30 70 60 25 Pourcentage Pourcentage 50 20 40 15 30 10 20 10 5 0 0 2004.1 2004.3 2005.1 2005.3 2006.1 2006.3 2007.1 2007.3 2008.1 2008.3 2009.1 2009.3 2010.1 2010.3 2011.1 2011.3 2012.1 2012.3 2013.1 2013.3 2014.1 2014.3 2015.1 2015.3 2016.1 2016.3 2017.1 2017.3 2018.1 2018.3 2004.1 2004.3 2005.1 2005.3 2006.1 2006.3 2007.1 2007.3 2008.1 2008.3 2009.1 2009.3 2010.1 2010.3 2011.1 2011.3 2012.1 2012.3 2013.1 2013.3 2014.1 2014.3 2015.1 2015.3 2016.1 2016.3 2017.1 2017.3 2018.1 2018.3 Pays avancés Pays en développement Asie de l’Est Afrique Afrique du Nord Afrique subsaharienne Asie du Sud Afrique Non-fragiles Fragiles Source : TeleGeography Remarque : Les chiffres régionaux affichés sont les médianes des pays pour chaque année correspondante. Tout comme l’accès, l’accessibilité financière des services Internet a fait des progrès. Le tableau 3A.1 donne les frais de raccordement (médians) du large bande fixe et les frais d’abonnement mensuels en dollars US17. Il montre que les frais de raccordement ont chuté en Afrique entre 2010–2012 et 2015–2017, notamment en Afrique subsaharienne. Les frais de raccordement large bande fixe en 2015–2017 restaient deux fois plus coûteux que ceux des pays à revenus intermédiaires en dehors de l’Afrique. Les pays affectés par les FCV avaient les frais de raccordement les plus chers de la région tandis que l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe avaient les frais les moins chers. Les abonnements mensuels pour le large bande fixe ont fortement chuté en Afrique, principalement sous l’influence de l’Afrique subsaharienne. Les frais d’abonnement en Afrique restent toujours plus élevés que ceux d’Afrique du Nord. Les frais d’abonnement sont importants dans les pays affectés par les FCV par rapport aux autres groupes de pays de la région, malgré une forte chute de ces frais au cours des cinq dernières années. Ces différences dans l’accessibilité financière désavantagent particulièrement les femmes ainsi que les segments plus pauvres de la population, et par conséquent risquent de renforcer les inégalités existantes. Services large bande mobile. Le large bande devient de plus en plus mobile. Le nombre d’abonnements large bande mobile actifs pour 1000 habitants a augmenté annuellement de 16 % parmi les pays avancés et 56 % par les pays en développement, à l’exclusion de l’Afrique. La figure 3.5 montre l’évolution en Afrique des abonnements large bande mobile (pour 1000 habitants) au cours de la dernière décennie, et la compare à celle des économies avancées et des pays en développement ainsi qu’à celles des régions Asie de l’Est et Asie du Sud. Cette figure met en lumière la croissance rapide de la pénétration du large bande mobile parmi les groupes de pays et la réduction du retard en 2017 par rapport au retard enregistré en 2010. La pénétration du large bande mobile parmi les pays avancés s’est également améliorée, passant 17 Les frais de raccordement du large bande fixe ont trait au paiement unique initial pour un raccordement large bande fixe à l’Internet. Le tarif considéré et le plan large bande fixe le moins cher pour 5 gigabytes d’usage mensuel. Les frais d’abonnement ont trait au paiement mensuel d’abonnement pour un service d’Internet large bande fixe. Le large bande fixe est considéré comme étant une connexion dédiée à l’Internet avec des vitesses de téléchargement égales ou supérieures à 256 kilobits par seconde. Si plusieurs offres sont disponibles, la préférence sera donnée à l’offre la moins chère qui satisfait aux critères du panier (par exemple, pour 5 gigabytes d’usage mensuel). A F R I C A’ S P U L S E > 93 de 383 abonnements pour 1000 habitants en 2010 à 951 abonnements pour 1000 habitants en 2017. Pour les pays en développement (à l’exclusion de l’Afrique), le nombre d’abonnements large bande mobile pour 1000 habitants est passé de 78 en 2010 à 693 en 2017 contribuant ainsi à rétrécir le retard des pays en développement par rapport aux pays avancés. Par exemple, ces abonnements étaient près de cinq fois supérieurs parmi les pays avancés en 2007, mais 1,4 fois supérieurs en 2017. Quant à l’Afrique, les abonnements au large bande mobile actifs (pour 1000 habitants) ont également augmenté (de 6 en 2007 à 304 en 2017), bien que leur niveau de départ ait été significativement plus bas. Cette croissance plus rapide a également rétréci de façon significative les retards des pays africains par rapport aux pays avancés et aux pays en développement. Par exemple, la pénétration du large bande mobile parmi les pays en développement était 13 fois supérieure à celle de l’Afrique en 2007, mais est devenue seulement 2 fois supérieure en 2017. La pénétration FIGURE 3.5 : Abonnements large bande mobile actifs des abonnements (pour 1000 habitants) actifs au haut débit a. L’Afrique par rapport au reste du monde b. Sous régions de l’Afrique mobile en Afrique a 1000 700 fortement augmenté, mais l’écart reste 900 600 important. 800 700 500 Pour 1000 habitants Pour 1000 habitants 600 400 500 400 300 300 200 200 100 100 0 0 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Pays avancés Pays en développement Asie de l’Est Afrique Afrique du Nord Afrique subsaharienne Asie du Sud Afrique Non-fragiles Fragiles Source : Union internationale des télécommunications. Remarque : Les chiffres régionaux affichés sont les médianes des pays pour chaque année correspondante. La figure 3.5 montre que la forte augmentation de la pénétration du large bande mobile actif en Afrique est généralisée : elle concerne tous les groupes de pays de la région, mais avec des variations dans les niveaux de pénétration et dans les taux de croissance. La pénétration du large bande mobile actif est plus importante en Afrique du Nord (583 abonnements pour 1000 habitants en 2017) qu’en Afrique subsaharienne (288 abonnements pour 1000 habitants en 2017). Cependant, le rythme des progrès entre 2010 et 2017 a été plus rapide en Afrique subsaharienne où l’expansion cumulée était 4 fois plus forte que celle de l’Afrique du Nord. En 2017, la pénétration du large bande mobile actif parmi les pays non FCV était de 404 abonnements pour 1000 personnes, soit 2,4 fois celle enregistrée par les pays affectés par les FCV (167 abonnements pour 1000 personnes). Le rythme de croissance plus rapide de ce type d’abonnements large bande parmi les pays affectés par les FCV a permis de réduire leur retard par rapport aux pays non FCV. Il y a également des variations (de niveaux et de croissance) de pénétration du large bande mobile parmi les sous-régions de l’Afrique subsaharienne. Par exemple, l’Afrique australe a la pénétration la plus forte 94 > A F R I C A’ S P U L S E (432 abonnements pour 1000 personnes en 2017), tandis que l’Afrique de l’Est a la pénétration la plus faible (234 aux abonnements pour 1000 personnes). L’expansion la plus rapide de la pénétration du large bande mobile a eu lieu en Afrique de l’Ouest, où le nombre d’abonnements pour 1000 habitants est passé de 4,5 en 2010 à 269 en 2017 (cette expansion s’est multipliée par 59 en 7 ans). Le large bande fixe a habituellement une connexion large bande plus stable avec de meilleures performances que le mobile. Cependant, la mise en service de nouvelles lignes fixes a non seulement un coût plus élevé, mais requiert également des travaux de génie civil significatifs. Par exemple, la mise en service du large bande fixe peut être lente et onéreuse à cause de barrières géographiques (éloignement et faible densité des habitations sur le territoire) ou de limites imposées par l’accès à la propriété privée18. De plus, les connexions large bande fixe sont plus coûteuses pour le consommateur que les connexions large bande mobile. Par exemple, pour les pays en développement, le prix moyen des services large bande plafonnés à 1 gigabyte est d’environ 30,8 USD en parité de pouvoir d’achat (PPA) pour le large bande mobile et de 67,3 USD PPA pour le large bande fixe. Pour les pays moins développés, ces prix sont d’environ 40 USD PPA pour le large bande mobile et 134 USD PPA pour le large bande fixe (UIT 2018). Dans certains pays avancés, les compagnies de télécommunications utilisent le 4G pour fournir le large bande à leurs clients lorsque la mise à niveau des réseaux de lignes fixes est trop coûteuse (par exemple Telenor en Norvège). Le manque de lignes fixes ou de connectivité de secours en cas de panne d’une ligne fixe parmi les petites et moyennes entreprises (PME) dans les pays en développement est également un facteur qui explique non seulement le retard important en matière de large bande fixe entre pays avancés et pays en développement, mais également l’expansion rapide du large bande mobile. L’évolution des services large bande mobile s’est répercutée dans celle des services mobiles, y compris des connexions sans fil et des connexions mobiles (3G et 4G). Au cours des 20 dernières années, l’utilisation des appareils mobiles a rapidement augmenté dans le monde entier. Mais avec de fortes variations dans les taux d’adoption et de pénétration selon les pays et les régions. Les pays avancés ont été les premiers à adopter rapidement les téléphones mobiles à la fin des années 1990 et à avoir atteint la pénétration universelle au milieu des années 2000. Au moment de l’adoption et de la consolidation de ces technologies, les pays avancés disposaient déjà d’une solide infrastructure filaire. En revanche, l’expansion plus récente des téléphones mobiles dans le monde en développement s’est faite dans un environnement où les opérateurs de ce monde n’avaient pas installé les communications filaires ou les technologies les plus élémentaires de téléphonie mobile 2G. Depuis, ces opérateurs ont déployé ou sont en train de déployer des technologies mobiles 3G ou 4G LTE comme réseaux de communications primaires (Korstein 2015). La figure 3.6, volet a, illustre le nombre total d’abonnés sans fil (pour 1000 habitants) au moyen de données trimestrielles allant du premier trimestre de 2004 au troisième trimestre de 2018, et ce pour les pays avancés, les pays en développement, l’Asie de l’Est, l’Asie du Sud et la région Afrique. Le nombre total d’abonnés sans fil par habitant est supérieur à 1 pour les pays avancés et en développement à la fin de 2017, soit 1348 abonnés pour 1000 habitants pour les pays avancés et 1081 pour les pays en développement. L’Asie du Sud et l’Afrique affichent la croissance la plus rapide du nombre total d’abonnés sans fil (pour 1000 habitants) au cours de la période 2007–2017. En Afrique, le nombre d’abonnés sans fil s’élevait à 806 pour 1000 habitants à la fin de 2017, contre 226 en 2007. 18 En décembre 2017, le pourcentage des personnes utilisant l’Internet à Madagascar totalisait 7,2 %. De plus, Madagascar a la plus haute vitesse large bande en Afrique avec 24,87 Mbps (la vingt-deuxième la plus rapide dans le monde, devant la France, le Royaume-Uni, le Canada et l’Allemagne). Cette performance est due au Système de câbles sous-marins de l’Afrique de l’Est (EASSy) qui fournit aux centres urbains de Madagascar des vitesses large bande par fibre exceptionnelles. A F R I C A’ S P U L S E > 95 La figure 3.6, volet b, montre les progrès en matière d’abonnements sans fil dans des groupes de pays africains. L’Afrique du Nord enregistre la plus grande pénétration d’abonnements sans fil à la fin de 2017 (1213 pour 1000 habitants). Bien que l’Afrique subsaharienne n’ait eu que 778 abonnements sans fil pour 1000 habitants à la fin de 2017, la croissance de sa pénétration du sans-fil était de plus du double de celle de l’Afrique du Nord. Les pays affectés par les FCV enregistraient 549 abonnements sans fil pour 1000 habitants à la fin de 2017 contre 110 à la fin de 2007, tandis que les pays non affectés par les FCV avaient 908 abonnements pour 1000 habitants à la fin de 2017. En regardant dans le détail les sous-régions de l’Afrique subsaharienne, les données montrent que : (a) l’Afrique de l’Ouest avait la plus forte pénétration des abonnements sans fil à la fin de 2017 (904 pour 1000 habitants), suivie par l’Afrique australe (811) ; et (b) l’Afrique de l’Est avait la pénétration la plus faible des abonnements sans fil à la fin de 2017 (577 pour 1000 habitants), mais le taux d’expansion le plus rapide au cours de la période 2007–201719. Les abonnements FIGURE 3.6 : Total des abonnements sans fil sans fil par habitant (pour 1000 habitants) en Afrique du Nord a. L’Afrique par rapport au reste du monde b. Sous régions de l’Afrique sont plus importants 1600 1600 que ceux de l’Afrique subsaharienne. 1400 1400 1200 1200 Pour 1000 habitants Pour 1000 habitants 1000 1000 800 800 600 600 400 400 200 200 0 0 2004.3 2005.3 2006.3 2007.3 2008.3 2009.3 2010.3 2011.3 2012.3 2013.3 2014.3 2015.3 2016.3 2017.3 2018.3 2004.3 2005.3 2006.3 2007.3 2008.3 2009.3 2010.3 2011.3 2012.3 2013.3 2014.3 2015.3 2016.3 2017.3 2018.3 Pays avancés Pays en développement Asie de l’Est Afrique Afrique du Nord Afrique subsaharienne Asie du Sud Afrique Non-fragiles Fragiles Source : TeleGeography. Remarque : Les chiffres régionaux affichés sont les médianes des pays pour chaque année correspondante. La figure 3.7 montre l’évolution des abonnés sans fil (pour 1000 habitants) dans les pays avancés, les pays en développement, et la région Afrique par génération. Avec le passage des 3G aux 4G, les réseaux mobiles ont accru à la fois leur capacité et leur vitesse. La figure montre une forte augmentation du nombre d’abonnés 4G, accompagnée d’une chute des abonnés 3G à la fin de 2012 dans les pays avancés. En même temps, la couverture mobile 4G a dépassé la couverture mobile 3G dans ce groupe de pays, avec, à la fin de 2017, 723 abonnements 4G pour 1000 habitants contre 509 3G. La croissance de la couverture mobile 4G a dépassé celle de la couverture mobile 3G au cours de la période 2012–2017 dans les pays en développement et dans les pays africains, bien que la couverture des réseaux mobiles 3G soit toujours supérieure à celle des 4G dans ces deux groupes de pays. Dans la région Afrique, la croissance de la pénétration des abonnements 4G a été de plus du double de celle des abonnements 3G. Cependant, le nombre d’abonnements 3G pour 1000 habitants à la fin de 2017 restait toujours 10 fois supérieur à celui des abonnements 4G pour 1000 habitants (246 3G contre 23 4G). 19 Dans 10 pays de la région Afrique, moins de 50 pour cent de la population avaient un abonnement sans fil, à savoir, l’Angola, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, Djibouti, l’Érythrée, Madagascar, le Malawi, le Mozambique, le Niger et le Sud Soudan (TeleGeography 2018). 96 > A F R I C A’ S P U L S E Les indicateurs d’infrastructures numériques présentées dans cette FIGURE 3.7 : Comparaison entre abonnés 3G et 4G La couverture des (pour 1000 habitants) réseaux mobiles sous-section illustrent mieux la 4G est encore à ses taille du marché que les objectifs 900 débuts en Afrique. d’accès universel du large bande 800 et d’autres services mobiles. Représenter « l’universalité de 700 Abonnements pour 1000 habitants l’accès » exige d’examiner les 600 tendances en matière de nombre 500 d’abonnements « uniques» et non le nombre de connexions, 400 vu qu’un abonné unique peut 300 avoir de multiples connexions. En d’autres termes, nous devons 200 examiner l’évolution du nombre 100 total d’utilisateurs uniques 0 abonnés à des services mobiles 2005.1 2005.3 2006.1 2006.3 2007.1 2007.3 2008.1 2008.3 2009.1 2009.3 2010.1 2010.3 2011.1 2011.3 2012.1 2012.3 2013.1 2013.3 2014.1 2014.3 2015.1 2015.3 2016.1 2016.3 2017.1 2017.3 2018.1 2018.3 ainsi que le nombre total de ceux qui ont utilisé des services Avancés 3G En développement 3G Afrique 3G Avancés 4G En développement 4G Afrique 4G Internet sur leurs appareils mobiles. L’encadré 3.1 analyse Source : TeleGeography. Remarque : Les chiffres régionaux affichés sont les médianes des pays pour chaque année correspondante. les fossés que les pays africains auront à combler pour réaliser l’accès universel aux services mobiles à large bande. Plateformes numériques La mise en place de la connectivité numérique dans la région Afrique fournit des plateformes aux entrepreneurs et consommateurs afin qu’ils puissent participer à l’économie. Les résultats concluants du Ghana, du Kenya, du Nigéria, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie, de l’Ouganda, et de la Zambie indiquent que plus de 300 plateformes numériques multifaces, (c’est-à-dire mettant en relation les fournisseurs et les consommateurs de biens et/ou services) fonctionnent dans les transports, les achats en ligne, le partage de biens et les services professionnels. Plus de 80 % des plateformes numériques dans ces pays sont développées au niveau national. Toutefois, l’utilisation de ces plateformes numériques développées au niveau national n’est pas aussi répandue que les plateformes étrangères. Par exemple, Uber est l’application la plus utilisée en Afrique, opérant notamment en République arabe d’Égypte, au Ghana, au Kenya, au Maroc, au Nigéria, en Afrique du Sud. Les plateformes étrangères ont davantage tendance à fonctionner au niveau régional plutôt que national (Makuvaza, Chernay et Smit 2018). Les plateformes américaines comme Freelancer, Elance (Upwork), ODesk et Amazon Mechanical Turk ont une envergure mondiale. Cependant, elles ont progressivement perdu du terrain face aux plateformes locales dans certains pays (Onkokame, Schoentgen, et Gillwald. 2018). En termes de production, les plateformes numériques permettront d’évaluer la demande sur une large zone géographique et d’offrir aux PME la possibilité de réaliser des affaires sur de nouveaux marchés, y compris des marchés de niche. Ces plateformes permettent également aux PME de fournir des biens et services en allégeant les contraintes de lieux et en réduisant les coûts de marketing (auparavant exorbitants). On prévoit que l’accroissement de l’efficacité des marchés résultant de la révolution numérique créera de l’emploi pour la jeune population montante en Afrique. A F R I C A’ S P U L S E > 97 Afin d’évaluer l’utilisation et le développement des plateformes numériques, le tableau 3A.2 présente les indicateurs suivants : (a) le pourcentage de personnes ayant une carte d’identité nationale valide (fiable et sécurisée) ; (b) les indices de développement du gouvernement électronique (e-gouvernement) sur l’ensemble des pays et la disponibilité des services en ligne proposés par les gouvernements africains ; enfin (c) l’utilisation des réseaux sociaux, en particulier des réseaux professionnels virtuels. Identité numérique. On estime qu’un milliard de personnes à travers le monde n’ont pas de pièce d’identité valide, selon les données de l’enquête ID4D-Findex (Demirgüç-Kunt et coll. 2018). Plus de la moitié de ces personnes « invisibles » vivent dans la région Afrique. Le fait de ne pas pouvoir produire une identification valide freine leur accès aux services de base (un crédit formel voire un téléphone portable) ainsi qu’aux opportunités économiques (un emploi formel ou la propriété d’un commerce immatriculé). La faiblesse des systèmes d’état civil et de statistiques d’état civil permettent de comprendre l’incapacité à délivrer des pièces d’identité valides. La délivrance de pièces d’identité valides à l’ensemble de la population est vitale pour les pays, pour renforcer leur efficacité dans le but d’accroitre les revenus, de fournir des services, et de promouvoir le développement du secteur privé. Par conséquent, il devient urgent d’intensifier les efforts dans la région. L’enquête ID4D-Findex fournit des informations sur le pourcentage de la population adulte (âgée de plus de 15 ans) titulaire d’une carte nationale d’identité. Le tableau 3A.2 indique les médianes pour l’Afrique, les groupes de pays dans la région, et le reste du monde, classés par groupe de revenus. Il indique qu’environ trois adultes sur quatre dans la région Afrique ont une carte nationale d’identité. Toutefois, il existe des variations importantes parmi les sous-groupes. Plus de 90 % de la population en Afrique du Nord est titulaire d’une carte nationale d’identité, tandis que cette proportion n’atteint que 71 % dans l’Afrique subsaharienne. La part des personnes adultes titulaires d’une carte nationale d’identité dans l’Afrique subsaharienne est comparable à celle des pays à faibles revenus à l’extérieur de l’Afrique. Une part plus importante de la population adulte dispose d’une inscription nationale valide en Afrique orientale et australe comparativement à l’Afrique occidentale et centrale (83 % et 68 % respectivement). Environ 40 % des adultes qui vivent dans les pays affectés par la fragilité, les conflits et la violence (FCV) rencontrent des difficultés pour fournir une preuve valide de leur identité. Dans trois des 31 pays africains ayant répondu à l’enquête ID4D, plus de la moitié de la population est sans pièce d’identité valide, à savoir, le Malawi, le Sud Soudan, le Tchad, et le Togo. Dans la CEDEAO, environ 53 % de la population (196 millions de personnes) ne sont pas enregistrées et n’ont aucune pièce d’identité. Les cadres juridiques et institutionnels des différents états membres de la CEDEAO ont tendance à être faibles et fragmentés. Cependant, la région est en train de construire un cadre suffisamment robuste pour des systèmes d’identification fiables et crédibles. Parmi les 15 États membres de la CEDEAO, 9 États disposent de lois spécifiques protégeant les données, et 7 d’entre eux ont créé une agence centrale de protection des données. Neuf états membres de la CEDEAO disposent également d’agences centralisées consacrées à l’identification, et 7 d’entre eux ont voté des lois nationales sur l’identification. Ces modalités institutionnelles et de gouvernance sont destinées à créer une culture de confiance entre l’État et les citoyens (Banque mondiale 2019d). La voie éventuelle à suivre qui permettrait de faire sortir de l’ombre plus de 500 millions d’Africains serait de développer des systèmes numériques d’identité. L’obtention d’une identité par voie numérique permettrait de promouvoir l’inclusion dans les services financiers, les opportunités économiques, de même que les services sociaux et politiques. Cela empêcherait, entre autres, la fraude électorale, renforcerait l’efficacité du ciblage des programmes sociaux, et améliorerait la gestion des systèmes de paie des gouvernements. Malgré les avancées dans le développement des systèmes numériques d’identité comme base d’identification valide dans certains pays (par exemple, le Ghana), la région Afrique doit encore exploiter les bénéfices du déploiement de ces systèmes. Parallèlement, ce déploiement nécessiterait la gestion des risques associés comme les failles dans la sécurité des données et le verrouillage vis-à-vis des fournisseurs. 98 > A F R I C A’ S P U L S E Le déploiement du programme d’identité nationale au Malawi est un exemple de réussite dans ce domaine. Les inscriptions ont débuté en mai 2017 pour se déployer avec succès sur une période de 6 mois. Le programme a délivré une carte nationale à quelque 9,5 millions de citoyens du Malawi sur l’ensemble du pays. Cette carte nationale d’identité est délivrée par le Bureau national de l’état civil (NRB) et utilise des données biométriques. Le système d’identité nationale du Malawi est désormais relié au registre des programmes sociaux (par exemple les transferts monétaires), le secteur des services publics (par exemple la suppression des employés fantômes), le secteur de la santé et d’autres services publics. Plateformes numériques. Comme indiqué dans le cadre conceptuel, le gouvernement peut offrir plusieurs types de services et partager des informations à l’aide de plateformes numériques exploitées par le secteur public. L’indice de développement de l’e-gouvernement (EGDI) note le développement du gouvernement numérique sur l’ensemble des pays, à savoir notamment les stratégies du e-gouvernement, les connaissances des meilleures pratiques dans l’e-gouvernement, les changements dans la technologie (Nations Unies 2018). Cet indice est une moyenne pondérée des notes normalisées concernant trois aspects de l’e-gouvernement : la portée et la qualité des services en ligne, le développement de l’infrastructure des télécommunications et le capital humain du pays. Dans l’EGDI, l’indice des services en ligne (OSI) examine le site internet national du pays dans la langue natale, y compris le portail national, le portail des e-services et le portail de l’e-participation, de même que les sites internet des ministères de l’Éducation, du Travail, des Services sociaux, de la Santé, des Finances et de l’Environnement. L’OSI évalue en particulier si les utilisateurs ordinaires peuvent trouver des informations et utiliser les fonctionnalités intuitivement et rapidement20. Les statistiques de base sur l’EGDI et l’OSI sont indiquées dans le tableau 3A.2. Les stratégies et pratiques relatives à l’e-gouvernement en Afrique, telles qu’illustrées par l’EGDI (0,33), sont plus élaborées que celle des pays à faibles revenus (0,3). L’Afrique subsaharienne (ASS) est véritablement à la traîne concernant le développement de l’e-gouvernement par rapport à l’Afrique du Nord (0,31 et 0,46 respectivement) et les deux sous-régions demeurent toujours en dessous des médianes des pays à revenu intermédiaire (tranche inférieure) et des pays à revenus intermédiaires (tranche supérieure). Enfin, le développement de l’e-gouvernement est inférieur parmi les pays impactés par la fragilité, les conflits et la violence (FCV) (0,26) et les pays de l’ASS centrale et occidentale (0,28). Ces résultats sont corroborés par l’analyse de l’indice des services en ligne (OSI) de l’e-gouvernement. L’efficacité et la convivialité des plateformes prises en charge par le gouvernement, telles qu’illustrées par l’OSI en Afrique (et notamment dans l’Afrique subsaharienne) sont similaires aux pays à faibles revenus (0,31). Les plateformes du gouvernement sont moins faciles à utiliser et moins accessibles en termes de contenu parmi les pays impactés par les FCV (0,21) et les pays de l’ l’Afrique subsaharienne centrale et occidentale (0,26). L’indice d’e-participation (EPI) des Nations Unies illustrant l’utilisation des services en ligne pour faciliter la fourniture d’informations par les gouvernements aux citoyens (« partage d’e-information »), l’interaction avec les parties prenantes (« e-consultation ») et l’engagement dans les processus de prise de décision (« e-prise de décisions »), est un autre indicateur de l’enquête sur l’e-gouvernement réalisée par l’ONU (UN E-Government Survey). En d’autres termes, l’EPI mesure le déploiement des mécanismes d’e-participation par le gouvernement (Nation Unies 2018). L’offre de services en ligne fournie par les gouvernements africains, telle qu’illustrée par l’EPI, est inférieure à celle des pays à faibles revenus (0,34 et 0,37 respectivement). L’écart EPI entre l’Afrique du Nord et l’Afrique subsaharienne (0,4 et 0,33 respectivement) n’est pas aussi important que celui de l’indice de développement de l’e-gouvernement (EGD). Enfin, l’efficacité des services en ligne déployés par le gouvernement est inférieure parmi les pays impactés par les FCV (0,19) et les pays de l’Afrique centrale et occidentale (0,28). Réseaux sociaux. Les réseaux sociaux ont la capacité de dynamiser la productivité en renforçant l’organisation de l’entreprise. Ils peuvent également aider à développer des marchés, fournir des services 20 L’EGDI et l’OSI sont des indices normalisés. Ils se basent sur des valeurs entre 0 et 1. Les chiffres les plus élevés indiquent une meilleure capacité et un meilleur développement de l’e- gouvernement. A F R I C A’ S P U L S E > 99 à la clientèle, effectuer des recherches sur des contextes de marché, recruter des employés, et améliorer les communications internes au sein des entreprises. Ils peuvent également aider le gouvernement à améliorer la transparence, à stimuler la participation du public, et renforcer la collaboration avec les citoyens. Les réseaux sociaux peuvent fournir des informations liées au travail et constituer une plateforme pour participer à l’économie des petits boulots. Toutefois, les réseaux sociaux peuvent présenter des difficultés, notamment en matière de sécurité des informations et d’addiction à leur utilisation. Le tableau 3A.2 indique les perceptions moyennes des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête concernant la portée de l’utilisation des réseaux sociaux comme Facebook, Twitter et LinkedIn en 2017. Les réseaux sociaux (de consommateurs ou d’entreprises) sont perçus comme étant largement utilisés dans les pays avancés (avec un score de 6,9), ainsi que dans les pays d’Asie de l’Est et du Pacifique (5,9). La perception médiane dans les pays en développement hors Afrique est comparable à celle de l’Afrique du Nord. La perception de l’utilisation de ces réseaux sociaux en Afrique (et en Afrique subsaharienne) est inférieure à celle de l’ensemble des régions, à l’exception de l’Asie du sud. Enfin, le tableau 3A.2 indique l’utilisation des réseaux professionnels virtuels en examinant l’utilisateur médian LinkedIn pour 1000 travailleurs (Lanvin et Monteiro 2019). En 2016, il y avait 326 utilisateurs LinkedIn pour 1000 travailleurs dans les pays à revenus élevés, contre 32 dans la région Afrique. La pénétration de la main d’œuvre des utilisateurs LinkedIn est supérieure en Afrique du Nord comparée à l’Afrique subsaharienne (respectivement 63 et 29 utilisateurs pour 1 000 travailleurs) mais elle est encore loin des 133 utilisateurs pour 1 000 travailleurs parmi les pays à revenus moyens (tranche supérieure) à l’extérieur de l’Afrique. Entrepreneuriat numérique Aujourd’hui, l’entrepreneuriat numérique est généralement représenté par la qualité de l’entrepreneuriat et par l’envergure et la profondeur de l’écosystème entrepreneurial de soutien illustré par l’indice d’entrepreneuriat mondial 2018 (Global Entrepreneurship Index [GEI]) compilé par le Global Entrepreneurship and Development Institute (2018). Cet indice classe 137 économies en fonction de la capacité et des mesures nécessaires pour mettre en place un écosystème d’entrepreneuriat. La notation GEI pour le continent africain (18,3) est inférieure à celle des pays à faible revenu et à revenu intermédiaire (tranche inférieure) (25 et 20,1 respectivement). L’Afrique du Nord a davantage progressé dans l’appui à ces écosystèmes, en comparaison avec l’Afrique subsaharienne (26 et 16 respectivement). Seuls quatre pays africains ont des notations GEI supérieures à la moyenne mondiale (27,8). Il s’agit du Botswana, du Maroc, de la Namibie et de l’Afrique du Sud. De l’autre côté du spectre, neuf pays sur dix au bas des notations du GEI sont situés en Afrique (5 pays étant situés en Afrique occidentale) : par ordre décroissant, le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée, l’Ouganda, la Sierra Leone, le Malawi, le Burundi, la Mauritanie et le Tchad. L’entrepreneuriat est interprété comme une interaction dynamique entre attitudes entrepreneuriales, capacités entrepreneuriales et aspirations entrepreneuriales des individus. Cette interaction dynamise l’attribution des ressources par le biais de la création et de l’exploitation de nouvelles entreprises. Les attitudes renvoient à la manière dont les pays conçoivent l’entrepreneuriat, les aptitudes se transforment en compétences entrepreneuriales, et les aspirations se reflètent dans la capacité à construire des entreprises en constante évolution (GEDI 2018). Les résultats pour l’Afrique et les sous-régions par rapport aux autres régions du monde sont qualitativement similaires à ceux de la notation GEI globale (Tableau 3A.2). La faiblesse des notations GEI pour l’Afrique pourrait provenir du fait que ses entrepreneurs fonctionnent dans des environnements commerciaux médiocres (notamment avec des réglementations complexes et obscures, des procédures inefficaces et des coûts exorbitants) et qu’ils disposent d’un accès limité à une main d’œuvre compétente, aux marchés, aux transports et à l’infrastructure de soutien. Malgré un véritable esprit entrepreneurial en Afrique et un nombre croissant de services d’appui aux entreprises numériques, l’Afrique n’a pas transformé son potentiel en un écosystème d’entrepreneuriat numérique dynamique et inclusif doté de plateformes numériques commerciales capables de générer 100 > A F R I C A’ S P U L S E des talents et des entreprises compétitives au niveau mondial. Par exemple, seuls le Nigéria et l’Afrique du Sud ont été capables d’établir des entreprises privées dont la valeur excède 1 milliard de dollars US. Il est nécessaire d’insister sur la mise en place d’un socle élémentaire permettant un développement du potentiel entrepreneurial sur le continent, pour que l’Afrique devienne une composante essentielle de l’écosystème entrepreneurial numérique mondial. Services financiers numériques Des technologies de télécommunication abordables et accessibles ont transformé l’Afrique, d’une région quasiment déconnectée aux débuts des années 1990, en une région où plus de 80 % de la population possède une couverture sans fil en 2017. Les abonnements aux téléphones portables (pour 1 000 personnes) en 2017 étaient environ 100 fois plus importants que le nombre d’utilisateurs de lignes fixes. L’expansion des téléphones portables dans la région Afrique ouvre la voie au développement et à la pénétration de nouveaux outils efficaces comme le paiement téléphone portable (ou argent mobile). Le paiement par téléphone portable a ciblé les personnes qui ne disposent pas de comptes bancaires dans le monde et leur a donné la possibilité de réaliser des transactions financières à l’aide de la technologie mobile. En 2017, 90 pays proposaient 276 services d’argent mobile en ligne. L’Afrique subsaharienne à elle seule représentait quasiment la moitié de ces services (135). Sur un total de 690 millions de comptes d’argent mobile enregistrés à travers le monde, 338 millions d’utilisateurs sont situés dans l’Afrique subsaharienne (GSMA 2017). Afin d’évaluer la performance de la région Afrique dans les services financiers numériques, cette sous- partie s’intéresse à : (a) la pénétration des comptes d’argent mobile, (b) l’utilisation des comptes d’argent mobile pour les paiements et les transferts de fonds dans le domaine agricole, et (c) les paiements numériques (utilisation d’internet pour payer les factures ou effectuer des achats, de même que le pourcentage de personnes ayant effectué/reçu des paiements). Le premier groupe d’indicateurs illustre le nombre d’utilisateurs de services d’argent mobile (en tant que part de la population de plus de 15 ans) en Afrique par rapport à d’autres régions de référence, et par rapport à l’ensemble des groupes de pays en Afrique, notamment en examinant la performance des pays affectés par la fragilité, les conflits et la violence (FCV). Cette sous-partie présente également une fracture en matière d’accès aux services d’argent mobile en fonction du genre, de l’âge (jeunes adultes par rapport aux adultes âgés), des revenus (les 60 % plus riches par rapport aux 40 % plus pauvres), et du secteur (rural ou urbain). Le second groupe d’indicateurs présente les paiements mobiles reçus pour les produits agricoles, et l’utilisation des services d’argent mobile pour des transferts de fonds domestiques. Ces transactions sont normalisées en les rapportant à la population totale des plus de 15 ans, et la population des plus de 15 ans qui réalise ces transactions. Enfin, un troisième groupe d’indicateurs illustre le pourcentage d’adultes (population de plus de 15 ans) ayant effectué ou reçu des paiements numériques de même que le pourcentage d’adultes utilisant internet pour payer les factures et effectuer des achats en ligne. Comptes d’argent mobile. L’Afrique subsaharienne voit dans les nouvelles technologies financières un moyen d’élargir l’accès aux transactions financières grâce aux comptes d’argent mobile. Plus d’un adulte sur cinq dans la région dispose d’un compte d’argent mobile. C’est le taux de pénétration le plus élevé de toutes les régions au monde (Demirgüç-Kunt et coll. 2018). Plus de la moitié de tous les services d’argent mobile dans le monde se trouvent sur le marché africain, et c’est en Afrique que la croissance de ces services est la plus rapide. Il est prévu que la région compte plus de 500 millions d’abonnés au téléphone portable d’ici 2020 (GSMA 2018). L’argent mobile a joué un rôle crucial dans l’élargissement des services financiers auprès des personnes dont l’accès aux institutions financières classiques est limité, notamment les femmes et les populations rurales. A F R I C A’ S P U L S E > 101 La figure 3.8 compare l’accès aux institutions financières classiques (tel qu’illustré par le pourcentage de personnes de plus de 15 ans titulaires d’un compte bancaire) et la pénétration des comptes d’argent mobile auprès de la population (telle que mesurée par le pourcentage de personnes de plus de 15 ans utilisant les services d’argent mobile). L’accès à la finance classique s’est intensifié dans toutes les régions en développement entre 2014 et 2017. Le taux de progression était plus rapide en Afrique, avec environ 30 % de la population de plus de 15 ans ayant un compte bancaire en 2017 (il n’était que de 17 % en 2014). Pourtant, l’accès aux institutions financières en Afrique est inférieur à celui de l’Asie du Sud. Toutefois, les comptes d’argent mobile ont augmenté significativement en Afrique : parmi les personnes de plus de 15 ans, 21 % ont utilisé des services d’argent mobile en 2017, contre 6 % en 2014 (quasiment une augmentation de deux fois et demie en seulement trois ans). En outre, la pénétration des comptes d’argent mobile auprès de la population dépasse celle des autres pays en développement, où moins de 5 % de la population de plus de 15 ans a utilisé des services d’argent mobile en 2017. Un autre constat qui ressort de la figure 3.8 est l’écart considérable entre les personnes utilisant des comptes bancaires et les personnes utilisant des comptes d’argent mobile sur l’ensemble des pays en développement en dehors de l’Afrique. Par exemple, le pourcentage (médian) des personnes (de plus de 15 ans) utilisant des comptes bancaires en 2017 était de presque 62 %, ce qui représente plus de 10 fois celui des personnes utilisant des comptes d’argent mobile. En Afrique, la part (médiane) des personnes utilisant des comptes bancaires est seulement 1,5 fois supérieure à celle des personnes utilisant des comptes d’argent mobile. Le taux d’accès aux finances via les services d’argent mobile en Afrique du Nord est plus proche de celui des pays en développement en dehors de la région Afrique (20 fois celui de l’argent mobile). Dans l’Afrique subsaharienne, le pourcentage (médian) des personnes de plus de 15 ans utilisant des services d’argent mobile parmi les pays impactés par les FCV (20 %) était supérieur à celui des personnes ayant un compte bancaire (17 %) en 201721. L’Afrique orientale et l’Afrique occidentale sont des régions comptant autant de titulaires de comptes bancaires que d’utilisateurs de services d’argent mobile avec, respectivement, des taux d’accès de 35 % pour l’Afrique orientale et 21 % pour l’Afrique occidentale. L’Afrique est le FIGURE 3.8 : Accès aux comptes financiers et aux services d’argent mobile leader avec le plus (% des plus de 15 ans) de comptes d’argent mobile par adulte a. Personne disposant d’un compte bancaire b. Personne utilisant des services d’argent mobile 90 25 80 70 20 % des plus de 15 ans 60 % des plus de 15 ans 15 50 40 10 30 20 5 10 0 0 Afrique Pays en Asie de l’Est Asie du Sud Afrique Pays en Asie de l’Est Asie du Sud développement développement 2014 2017 Source : Demirgüç-Kunt et coll. 2018. Remarque : les chiffres indiqués par région sont médians sur l’ensemble des pays pour chaque année correspondante. 21 La flexibilité et le caractère abordable des téléphones portables ainsi que la plus grande utilisation des services d’argent mobile parmi les pays impactés par les FCV indiquent qu’il n’existe aucune fracture importante en termes d’accès entre les pays impactés par les FCV et les pays non impactés en 2017. Leurs taux d’accès étaient respectivement de 20 % et 22 % de la population de plus de 15 ans. 102 > A F R I C A’ S P U L S E L’écart en termes de taux d’accès aux services financiers et d’argent mobile sur l’ensemble des régions en développement (principalement en Afrique) est indiqué dans la figure 3.8. Toutefois, il existe une variation encore plus importante du taux d’accès aux services financiers et d’argent mobile au niveau national. La figure 3.9 présente un graphique de dispersion du pourcentage de personnes de plus de 15 ans ayant un compte bancaire, par rapport au pourcentage de personnes utilisant des services d’argent mobile pour un échantillon de 77 pays en développement sondés en 2017 (dont 32 pays dans la région Afrique). Cette figure montre clairement que, pour un taux d’accès donné au circuit financier officiel, il existe une part plus importante de personnes utilisant les services d’argent mobile en Afrique que dans le reste du monde en développement. En d’autres termes, les personnes dans les pays d’Afrique (et particulièrement dans l’Afrique subsaharienne) ont tendance à utiliser plus souvent les services d’argent mobile, comparativement aux pays en développement en dehors de l’Afrique. Douze des 35 pays de la région Afrique décrits dans la figure 3.9 ont des taux d’accès aux services d’argent mobile supérieurs à ceux des taux d’accès à la finance22. Le pourcentage (médian) de personnes (de plus de 15 ans) disposant de comptes d’argent mobile pour ce groupe de pays est de 34 % (contre 21 % avec un compte bancaire). Les pays de la région affichant une pénétration plus élevée des comptes d’argent mobile en 2017 étaient le Kenya (73 %) et l’Ouganda (51 %). La figure 3.10 indique également qu’il n’y a pas de pays en développement en dehors de l’Afrique qui compte davantage d’utilisateurs d’argent mobile que de titulaires de comptes bancaires. Le pourcentage (médian) de la population ayant des comptes bancaires parmi les pays en développement en dehors de l’Afrique était de 45 % en 2017, tandis que seulement 4 % de la population utilisait des comptes d’argent mobile. Cinq pays en dehors de l’Afrique ont des taux d’accès aux services d’argent mobile qui dépassent 20 %, à savoir, le Paraguay, la République islamique d’Iran, la Mongolie, le Bangladesh, et les Émirats arabes unis. Les services d’argent mobile se développent rapidement à travers l’Afrique. Cependant, il existe une fracture importante en termes d’accès à ces services en fonction FIGURE 3.9 : Accès aux services financiers officiels par rapport aux La pénétration des du genre et des revenus (Tableau services d’argent mobile sur l’ensemble des pays en développement comptes d’argent 3A.3). Plus d’un Africain sur 80 mobile en Afrique cinq de plus de 15 ans a utilisé reflète le faible KEN les services d’argent mobile accès aux comptes 70 financiers formels. en 2017. Néanmoins, cette Personnes utilisant un compte d’argent mobile proportion était plus importante 60 parmi les hommes que parmi 50 UGA les femmes (24 % et 18 % ZWE respectivement), et parmi les GAB NAM 40 TZA GHA 60 % les plus riches plutôt que CIV parmi les 40 % les plus pauvres SEN BFA RWA 30 LSO (24 % et 12 % respectivement). MLI ZMB BWA LBR MOZ Les fractures en raison du genre 20 MWI TGO ZAF BEN et du revenu observées en TCD COD CMR MDG GIN Afrique sont accentuées par les 10 SLE NER NGA écarts en termes d’accès dans COG MUS MRT ETH l’Afrique subsaharienne. En 0 outre, la fracture en raison du 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 genre est plus importante en Personnes utilisant un compte bancaire Afrique occidentale et centrale Sources : Banque mondiale 2018. Indice financier mondial (Global Financial Index) pour 2017. comparativement à l’Afrique orientale et australe. Par exemple, 22 Les quelques douze pays africains ayant eu des taux d’accès aux comptes d’argent mobile supérieurs aux taux d’accès à la finance en 2017 étaient : le Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la République démocratique du Congo, le Gabon, le Kenya, Madagascar, le Mali, le Sénégal, le Tchad, la Tanzanie, l’Ouganda et le Zimbabwe. A F R I C A’ S P U L S E > 103 le taux d’accès parmi les hommes disposant de comptes mobiles était de 22 % et celui des femmes de 13 % en Afrique occidentale et centrale en 2017. La fracture des revenus est plus importante dans l’Afrique orientale et australe (34 % parmi les plus riches et 15 % parmi les plus pauvres) et les pays non impactés par les FCV (29 % pour les plus riches et 12 % pour les plus pauvres). Utilisation des comptes d’argent mobile pour l’agriculture et les transferts de fonds. De nombreuses transactions peuvent être réalisées au moyen d’une plateforme numérique. La discussion dans ce domaine est restreinte à la pénétration auprès de la population effectuant des paiements mobiles. Elle est répartie en deux types d’activités essentielles en Afrique : la vente de produits agricoles et le transfert de fonds domestiques. Le tableau 3A.3 indique les médians des pourcentages d’adultes dans la région Afrique par groupes régionaux et par pays ayant effectué des transactions mobiles liées aux activités agricoles ou aux transferts de fonds domestiques. Les comptes de paiements par téléphone portable permettent la transition des paiements en espèces, pour les revenus tirés des récoltes, vers des paiements mobiles. Dans ce contexte, la mise en place d’une infrastructure électronique pour soutenir et faciliter cette transition jouera un rôle crucial. Elle répondra aux besoins des fermiers des petites exploitations en matière d’épargne, de crédit et d’assurance (Babcock 2015). Les technologies numériques peuvent aider à surmonter le manque d’information qui restreint l’accès aux marchés pour de nombreux fermiers. Elles peuvent permettre de nouvelles manières d’apporter de l’assistance technique ou d’améliorer la chaine d’approvisionnement agricole (Deichmann, Goyal, et Mishra 2016). La difficulté réside dans l’intensification de ces efforts, compte tenu de la part importante de l’emploi agricole et de l’accès restreint aux marchés du crédit. Le tableau 3A.3 indique le pourcentage des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête ayant indiqué avoir reçu de l’argent, quelle que soit la source, pour la vente de produits agricoles, de récoltes ou de bétail au cours de l’année passée. Le tableau indique aussi le pourcentage de personnes ayant reçu de l’argent au moyen d’un téléphone portable. En 2017, un adulte sur quatre dans la région Afrique a reçu des paiements liés aux ventes agricoles. Seuls 3 % des Africains adultes ont reçu des paiements au moyen de téléphones portables, soit 10 % de ceux ayant reçu un paiement pour les ventes agricoles. Ces chiffres représentent la part de l’emploi et de l’activité dans l’agriculture en Afrique subsaharienne. Le pourcentage des adultes ayant reçu des paiements pour les produits agricoles dans l’Afrique orientale et australe (29 %) était plus important que dans l’Afrique occidentale et centrale (26 %). L’écart est encore plus important si l’on prend en compte le pourcentage d’adultes ayant reçu des paiements au moyen de téléphones portables en tant que pourcentage des bénéficiaires des paiements dans chaque région : 16 % dans l’Afrique orientale et australe et 9 % dans l’Afrique occidentale et centrale. Environ 27 % des adultes dans les pays africains impactés par les FCV ont reçu des paiements pour des produits agricoles en 2017. Toutefois, ceux qui ont reçu des paiements au moyen d’un téléphone portable représentaient seulement 6 % des destinataires des paiements. L’argent mobile présente de plus en plus d’intérêt pour envoyer des transferts de fonds, en raison de sa portée, de son aspect pratique et de sa confidentialité. Les données de WorldRemit indiquent que l’argent mobile est, dans les zones rurales, le moyen privilégié par leurs clients pour envoyer de l’argent (Scharwatt 2017). L’argent mobile peut jouer un rôle crucial dans l’officialisation des transferts de fonds internationaux et dans l’accroissement du nombre d’utilisateurs ayant accès aux institutions financières classiques. Le succès de M-PESA (système de microfinancement et de transfert d’argent par téléphone mobile) résulte en partie du fait qu’il est plus facile et moins onéreux de recevoir ainsi des transferts de fonds (Jack et Suri 2014). Le GSMA (2017) conclut qu’il coûte 50 % moins cher de transférer des fonds à l’aide d’un téléphone portable en comparaison du coût des opérateurs mondiaux de transferts d’argent et que le coût pour transférer des fonds au moyen de mobiles continue de diminuer. 104 > A F R I C A’ S P U L S E Le tableau 3A.3 présente le pourcentage (médian) de la population (population adulte ou personnes effectuant les transactions) ayant personnellement envoyé ou reçu de l’argent d’une région différente au sein de leur pays, au moyen d’un téléphone portable. En 2017, 15 % des adultes en Afrique avaient reçu des transferts de fonds domestiques au moyen d’un téléphone portable, tandis que les expéditeurs représentaient environ 13 %. Ces chiffres impliquent que plus de la moitié des destinataires (expéditeurs) des transferts de fonds domestiques dans la région Afrique ont reçu (envoyé) leur argent au moyen d’un téléphone portable. Ces statistiques reflètent la situation des transferts de fonds mobiles dans l’Afrique subsaharienne. Le pourcentage de destinataires adultes de transferts de fonds domestiques est même supérieur en Afrique orientale et australe (60 % en 2017), tandis qu’il est légèrement inférieur à la moitié dans les pays impactés par les FCV (49 % en 2017). Le principal pays de la région est le Kenya : plus de la moitié de la population adulte (52 %) a reçu en 2017 des transferts de fonds au moyen d’un téléphone portable d’une autre partie du pays. Cela représentait environ 94 % des destinataires adultes sur le marché des transferts de fonds. Il a été suivi par l’Ouganda et la Tanzanie, où environ un tiers de la population adulte (entre 80 % et 90 % du marché) a reçu des transferts de fonds au moyen de téléphones portables. Paiements numériques. Le tableau 3A.3 indique le pourcentage de la population adulte ayant effectué des paiements numériques en Afrique en 2017. Il indique aussi les groupes de revenus par pays en dehors et dans la région Afrique, classés selon leur situation géographique et leur exposition à la fragilité, aux conflits et à la violence (FCV). Le tableau présente également la fracture numérique en termes de paiements, selon le genre, l’âge, les revenus et les zones rurales23. Environ un adulte africain sur quatre a effectué des paiements numériques en 2017, dont 16 % en Afrique du Nord et 27 % dans l’Afrique subsaharienne. Le pourcentage d’adultes effectuant des paiements numériques en Afrique du Nord est comparable à celui des pays à faible revenu et revenu intermédiaire (tranche inférieure) hors Afrique. La propension de la population à effectuer des paiements numériques varie également concernant les autres groupes de pays d’Afrique. Par exemple, en Afrique orientale et australe et dans les pays non impactés par les FCV, un adulte africain sur trois a effectué des paiements numériques. En revanche, dans les pays impactés par les FCV, un adulte sur cinq a effectué des paiements numériques en 2017. Enfin, dans les pays fragiles, comme la République centrafricaine et le Sud Soudan, moins de 10 % de la population adulte a effectué des paiements numériques. L’incidence de la population adulte effectuant des paiements numériques en Afrique est largement inférieure à celle des pays à revenus moyens (tranche supérieure) et à revenus élevés (42 % et 89 % respectivement). Il existe également, en Afrique, une variation dans la propension de la population à effectuer des paiements numériques en raison du genre, de l’âge, du groupe de revenus, et du lieu géographique (rural ou urbain). Par exemple, les hommes ont davantage tendance à effectuer des paiements numériques que les femmes. Le pourcentage de la population adulte effectuant des paiements numériques est de 31 % parmi les hommes et de 20 % parmi les femmes. En outre, la part de la population effectuant des paiements numériques est plus importante parmi les 60 adultes de la tranche supérieure de revenus, que parmi les 40 adultes de la tranche inférieure de revenus (30 % et 16 % respectivement). En Afrique globalement, les fractures dans les paiements numériques en raison du genre et des revenus, sont similaires à celles de l’Afrique subsaharienne. Par exemple, 34 % des hommes et 22 % des femmes ont effectué des paiements numériques en Afrique subsaharienne en 2017. Dans les groupes géographiques de l’Afrique subsaharienne, la fracture en raison du genre est plus importante en Afrique occidentale et centrale (30 % pour les hommes et 18 % pour les femmes) tandis que la fracture des revenus est plus importante en Afrique orientale et australe (44 % pour les 60 % de la tranche supérieure, et 20 % pour 23 Le tableau indique le pourcentage des adultes interrogés déclarant utiliser l’argent mobile, une carte de débit ou de crédit ou encore un téléphone portable pour effectuer un paiement à partir d’un compte ou à l’aide d’internet pour payer les factures ou effectuer des achats en ligne, au cours des 12 derniers mois. Il inclut également les personnes interrogées ayant indiqué payer des factures ou effectuer des transferts de fonds directement à partir d’un compte d’une institution financière ou au moyen d’un compte d’argent mobile, au cours des 12 derniers mois (Demirgüç-Kunt et al. 2018). A F R I C A’ S P U L S E > 105 les 40 % de la tranche inférieure de revenus). Dans les pays d’Afrique impactés par les FCV, un adulte sur cinq a effectué des paiements numériques en 2017, contre un adulte sur trois parmi les pays d’Afrique non impactés par les FCV. La fracture en raison du genre dans les pays impactés par les FCV n’est pas aussi prononcée que celle de l’ensemble de la région (24 % pour les hommes, 17 % pour les femmes), et il en est de même pour la fracture des revenus. La portée des fractures en raison du genre et des revenus est supérieure parmi les pays d’Afrique non impactés par les FCV. Le tableau 3A.3 indique également le pourcentage de la population adulte effectuant des types de paiement numériques spécifiques : paiements des factures et achats en ligne. Le tableau présente le pourcentage (médian) des personnes interrogées ayant utilisé internet pour payer des factures ou effectuer des achats en ligne en 2017. Tout d’abord, le pourcentage d’adultes en Afrique ayant réglé, en 2017, des factures en ligne a été plus élevé que le pourcentage de ceux qui ont effectué des achats en ligne (4,2 % et 2,6 % respectivement). Deuxièmement, le pourcentage d’adultes en Afrique subsaharienne ayant utilisé internet a été plus élevé qu’en Afrique du Nord (4,4 % et 2,2 % respectivement), tandis que l’inverse se confirmait pour les achats en ligne (2,6 % et 2,8 % respectivement). Troisièmement, le pourcentage d’adultes payant leurs factures en ligne était deux fois plus élevé que celui des adultes effectuant des achats par Internet en Afrique de l’Est et en Afrique australe (7,6 % et 3,8 % respectivement). Les pays d’Afrique impactés par les FCV affichaient quant à eux le plus faible pourcentage de la population adulte utilisant internet pour payer des factures ou effectuer des achats en ligne (3,7 et 1,9 % respectivement). Dans la région Afrique, le genre, l’âge et le groupe de revenus ont une incidence importante sur la proportion de la population adulte payant des factures ou effectuant des achats en ligne. Une part plus importante d’hommes que de femmes a payé des factures à l’aide d’internet en 2017 (6,1 % et 2,8 % respectivement). Il en est de même pour l’écart entre les segments les plus riches et les plus pauvres (5,7 % et 2,3 % respectivement). Les disparités dans la propension à payer des factures en ligne en fonction du genre et des revenus sont plus prononcées en Afrique orientale et australe qu’en Afrique occidentale et centrale. Presque 10 % des hommes en Afrique orientale et australe ont payé des factures à l’aide d’internet, tandis que cette proportion était d’environ 6 % chez les femmes. La fracture riches-pauvres est plus importante en Afrique orientale et australe (10 % et 4 % respectivement). En Afrique, les hommes étaient en 2017 plus enclins à effectuer des achats en ligne que les femmes (3,5 % et 1,7 % respectivement). Les personnes les plus riches étaient également davantage enclines à effectuer des achats que les plus pauvres (3,6 % et 1,6 % respectivement). La fracture en raison du genre est supérieure en Afrique orientale et australe (5,3 % pour les hommes et 2,3 % pour les femmes) et les pays non impactés par les FCV (4,1 % pour les hommes et 2,1 % pour les femmes). Il en est de même concernant l’écart des revenus, notamment en Afrique orientale et australe (5,4 % pour les segments les plus riches et 1,7 % pour les segments les plus pauvres de la société). Tableau de bord de l’économie numérique en Afrique La progression de l’intégration de l’Afrique dans l’économie numérique est résumée dans un tableau de bord qui illustre les lacunes de la région dans le domaine des infrastructures numériques (services large bande fixes et mobiles) ainsi que dans celui des plateformes numériques et des services financiers numériques (voir les figures 3.3. à 3.8 et les tableaux 3A.1 à 3A.3). Ce tableau de bord affiche les écarts existants entre d’une part la région Afrique, les sous-régions géographiques africaines, les États fragiles ou en situation de conflit (FCV) et les États non FCV africains. Il affiche d’autre part le décile supérieur du « reste du monde », c’est-à-dire à l’exclusion des pays africains. L’écart est mesuré par le rapport des indicateurs de l’économie numérique (infrastructure, plateformes et services financiers) en Afrique ou dans les groupes de pays africains, sur les indicateurs équivalents de la référence mondiale (décile supérieur du reste du monde). Si le rapport entre deux indicateurs est inférieur à 0,25 (c’est-à-dire que l’écart est supérieur à 75 %), la zone est de couleur rouge dans le tableau 3.1. Les zones en rouge signalent 106 > A F R I C A’ S P U L S E les domaines où la pénétration et la progression de l’économie numérique sont les plus en retard. Les zones en jaune indiquent un rapport compris entre 0,25 et 0,5 (c’est-à-dire un écart dans l’économie numérique supérieur à 50 %, mais inférieur à 75 %). Les groupes pour lesquels le rapport est compris entre 0,5 et 0,75 comparé au reste du monde sont en vert clair et ceux qui présentent un ratio supérieur à 0,75 (un écart inférieur à 25 %) en vert foncé. Le tableau 3.1 représente le tableau de bord de l’intégration de l’Afrique dans l’économie numérique. Infrastructure numérique. Nous pouvons observer la région Afrique dans son ensemble (mesurée par les valeurs moyennes des pays en 2015-2017) et par regroupement de pays en fonction de leur localisation géographique — Afrique du Nord (AN), Afrique subsaharienne (ASS), Afrique orientale et australe (AOA) et Afrique occidentale et centrale (AOC) — ou enfin selon leur état de fragilité (FCV ou non FCV). Nous constatons alors qu’en termes de pénétration du large bande fixe tous les groupes présentent un écart supérieur à 75 % par rapport au décile supérieur de l’échantillon mondial (hors pays africains). Les facteurs suivants pourraient expliquer cet écart : (a) les coûts plus élevés d’installation du large bande fixe en Afrique, (b) le déficit des infrastructures filaires dans de nombreux pays à faible revenu, (c) une réglementation moins favorable à la concurrence dans le déploiement et la fourniture de services fixes large bande, et (d) paquet de stocks de l’avènement des réseaux sans fil en tant qu’alternative à faible coût. Pour ce qui est du nombre d’abonnés aux services mobiles à large bande, l’écart est également important en Afrique (plus de 75 %) et dans les groupes de pays, à l’exception de l’Afrique du Nord (avec un écart supérieur à 50 %). Bien que le nombre d’abonnés aux services mobiles à large bande ait été multiplié par 15 en Afrique entre 2010-2012 et 2015-2017, beaucoup reste encore à faire pour réduire cet écart. En ce qui concerne la qualité des services Internet, l’Afrique et la majorité des groupes de pays de la région présentent un écart supérieur à 50 % (mais inférieur à 75 %), à l’exception de l’Afrique du Nord, où cet écart est plus important. Les coûts de la connexion fixe large bande et de l’abonnement mensuel sont plus élevés dans la région Afrique que dans le décile supérieur du reste du monde. Cependant, les frais d’abonnement mensuels semblent être plus compétitifs en Afrique du Nord. En ce qui concerne les services mobiles large bande, l’expansion rapide dans le monde entier des téléphones cellulaires (peu coûteux) fait que l’écart entre la région Afrique et la référence utilisée (le décile supérieur du reste du monde) n’est pas aussi marqué que celui observé pour le large bande fixe. L’écart varie entre 25 et 50 % en Afrique, en Afrique subsaharienne et dans les pays non FCV, et il est même plus faible en Afrique du Nord (moins de 25 %). L’expansion de la pénétration de la téléphonie cellulaire en Afrique (ainsi que dans les groupes de pays de la région) n’a pas été nécessairement accompagnée d’une meilleure qualité de service. En effet, l’écart d’efficacité (évalué par la proportion plus élevée d’appels infructueux et de communications interrompues en Afrique que dans le reste du monde), reste très important pour la plupart des groupes de pays de la région (plus de 75 %). Il faut néanmoins noter l’exception de l’Afrique du Nord et de l’Afrique orientale et australe où l’écart en termes de communications interrompues est plus faible. Dans le domaine de l’accès aux infrastructures numériques, les écarts de pourcentage de couverture de la population par un réseau mobile entre l’Afrique, tous les groupes de pays et la référence mondiale ne sont pas importants (moins de 25 %). Cependant, il existe des différences dans l’évaluation des écarts entre les pourcentages de couverture de la population par un réseau mobile 3G et la couverture par un réseau LTE/WiMAX (sans fil). De façon générale, la couverture de la population est plus souvent assurée par des réseaux mobiles 3G (55 %) que par des réseaux 4G ou LTE (22 %). Les mêmes disparités qualitatives existent en Afrique subsaharienne, en Afrique orientale et australe ainsi que dans les pays qui ne subissent pas de FCV. L’Afrique du Nord fait mieux que l’Afrique subsaharienne pour la couverture de la population par des réseaux 3G et 4G. A F R I C A’ S P U L S E > 107 Plateformes numériques. Posséder une identité numérique est essentiel pour tirer parti des différentes opportunités économiques présentées ou transmises via les plateformes numériques. Le tableau 3.1 montre le pourcentage (moyen) d’adultes ayant une carte nationale d’identité, condition nécessaire, mais non suffisante, pour disposer d’une identité numérique. Le tableau montre que l’écart entre la région Afrique et la référence mondiale n’est pas très important (moins de 25 %). Cependant, cet écart est plus grand (entre 25 et 50 %) pour les pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre et les pays FCV. Le nombre de paiements numériques envoyés et reçus est également comparé à celui du décile supérieur du reste du monde. Un écart important de pourcentage de la population adulte ayant effectué au moins un paiement numérique (entre 50 et 75 %) existe entre l’Afrique et la référence mondiale. Cet écart est encore plus important (plus de 75 %) pour les pays d’Afrique du Nord et les pays FCV. L’écart entre l’Afrique et la référence mondiale du pourcentage d’adultes ayant payé par Internet est plus grand en ce qui concerne les femmes que les hommes. Il est également plus grand pour les plus pauvres que pour les couches les plus riches de la population. Le tableau 3.1 illustre également les lacunes de l’Afrique en termes de développement de l’administration en ligne et de démocratie participative en ligne. La région Afrique, en particulier l’Afrique subsaharienne, a atteint plus de la moitié de l’écart qui la sépare de la référence du reste du monde concernant le développement de l’administration en ligne, en particulier la mise à disposition et la convivialité des services en ligne. Pour les pays FCV, l’écart concernant les services en ligne est encore plus important (inférieur à 25 % de la référence mondiale). Les pays non FCV pour leur part enregistrent le plus faible écart des groupes de pays africains (entre 25 et 50 %). La performance de la région en termes de participation en ligne est également loin d’être exceptionnelle. L’Afrique ainsi que la plupart des groupes de pays de la région affichent des écarts inférieurs à la moitié de la référence mondiale, et même encore plus bas pour les pays FCV. Enfin, la participation des Africains aux réseaux professionnels virtuels (par exemple LinkedIn) n’est pas aussi répandue que celle d’autres régions ou que la référence mondiale. Le niveau d’utilisation de ces réseaux est, en Afrique, quatre fois inférieur à celui du reste du monde. Entrepreneuriat numérique. Disposer d’un écosystème entrepreneurial adapté aiderait à libérer le potentiel des entrepreneurs numériques en Afrique. En termes de GEI (indice d’activité économique ou Global Entrepreneurship Index), l’écart par rapport à la référence mondiale est plus important pour les pays d’Afrique subsaharienne que pour les pays d’Afrique du Nord. Cela vaut non seulement pour l’indice global mais aussi pour tous les sous-indices, à savoir ceux qui ont trait aux attitudes, capacités et aspirations (Tableau 3.1). Là encore, l’écart par rapport à la référence mondiale est plus important pour les pays FCV (que pour les pays non FCV) et pour les pays d’Afrique occidentale et centrale (par contraste avec les pays d’Afrique orientale et australe). Services financiers numériques. L’Afrique est le leader mondial de l’argent mobile. En effet, les opérateurs du secteur des télécommunications accueillent favorablement les pratiques innovantes permettant aux consommateurs de payer leurs factures et d’accéder à d’autres produits financiers, tels que les prêts, les assurances et l’épargne. La technologie mobile a fait de l’Afrique le leader mondial des services de transfert d’argent mobile, permettant ainsi à des millions de personnes non bancarisées de la région d’accéder à des services financiers. Le tableau 3.1 montre que l’Afrique, et notamment l’Afrique subsaharienne, présente les écarts les plus faibles par rapport au décile supérieur du reste du monde en termes de pourcentage de la population adulte disposant d’un compte d’argent mobile. Ce tableau montre en outre que, dans certains cas, la moyenne de certains groupes de pays africains dépasse la valeur de la référence mondiale. La pénétration en matière de comptes d’argent mobile est nettement plus faible en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne (les écarts par rapport à la référence mondiale sont respectivement de 8 et 97 %). La région Afrique est également en tête en ce qui concerne le pourcentage de la population adulte qui envoie ou reçoit des fonds nationaux via un téléphone cellulaire. 108 > A F R I C A’ S P U L S E TABLEAU 3.1 : Évaluation comparative de l’économie numérique en Afrique : Tableau de bord Afrique Afrique de Région Afrique sub- Afrique du Pays Pays non - Indicateurs de l’Est et l’Ouest et Afrique saharienne Nord FCV FCV australe centrale I. Infrastructure numérique (a) Services fixes haut débit Quantité : Abonnements fixes (par habitant)               Qualité : Durée d’activation Services fixes haut débit (jours)               Individus utilisant Internet (% de la population)               Coût : Frais de connexion Haut débit fixe               Coût : Frais d’abonnement mensuel Haut débit fixe               (b) Services fixes haut débit et services mobiles Abonnements Haut débit mobile (par habitant)               Abonnements cellulaires (par habitant)               Population couverte par un réseau cellulaire (%)               Population couverte par au moins un réseau cellulaire 3G (%)               Population couverte par au moins un réseau cellulaire LTE/ WiMAX (%)               II. Plateformes numériques Possède une carte nationale d’identité (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Indice de développement de l’administration en ligne (score normalisé 0-1)               Indice des services en ligne               Indice de participation en ligne               Utilisation des réseaux professionnels virtuels               III. Entrepreneuriat numérique Indice global d’entrepreneuriat               Sous-indice Attitudes             Sous-indice Capacités               Sous-indice Aspirations               IV. Services financiers numériques 4.1 Comptes d’argent mobile Possède au moins un compte d’argent mobile (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Possède au moins un compte d’argent mobile, femmes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Possède au moins un compte d’argent mobile, hommes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Possède au moins un compte d’argent mobile, revenus, 40 % des plus pauvres (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Possède au moins un compte d’argent mobile, revenus, 60 % des plus riches (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               Possède au moins un compte d’argent mobile, milieu rural (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A F R I C A’ S P U L S E > 109 TABLEAU 3.1 Suite Afrique Afrique de Région Afrique sub- Afrique du Pays Pays non - Indicateurs de l’Est et l’Ouest et Afrique saharienne Nord FCV FCV australe centrale 4.2 Utilisation d’un compte d’argent mobile dans les activités agricoles et pour les transferts de fonds (en % des adultes âgés de 15 ans et plus) A reçu au moins un paiement pour des produits agricoles (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement pour des produits agricoles, milieu rural (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement mobile pour des produits agricoles (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement mobile pour des produits agricoles ( % de bénéficiaires, 15 ans et plus)               A reçu des fonds nationaux via un téléphone mobile (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu des fonds nationaux via un téléphone mobile ( % de bénéficiaires, 15 ans et plus)               A envoyé des fonds nationaux via un téléphone mobile (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A envoyé des fonds nationaux via un téléphone mobile ( % d’expéditeurs, 15 ans et plus)               4.3 Paiements numériques A utilisé Internet pour payer au moins une facture (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A utilisé Internet pour faire au moins un achat en ligne (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, hommes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, femmes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, revenus, 40 % des plus pauvres (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, revenus, 60 % des plus riches (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A fait au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, milieu rural (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, hommes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, femmes (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, revenus, 40 % des plus pauvres (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, revenus, 60 % des plus riches (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               A reçu au moins un paiement numérique au cours de l’année passée, milieu rural (en % des adultes âgés de 15 ans et plus)               110 > A F R I C A’ S P U L S E Les pourcentages d’achats passés sur Internet et de factures réglées par Internet en Afrique sont comparés à ceux de la référence mondiale (le décile supérieur du reste du monde). Le tableau 3.1 montre que l’utilisation d’Internet pour acheter des biens et des services, ou payer au moins une facture, est encore récente dans les pays africains, comparés au reste du monde. Par exemple, 4,2 % seulement des Africains adultes ont utilisé Internet pour payer leurs factures, contre 64,5 % des adultes dans le reste du monde. L’écart considérable avec la référence mondiale en ce qui concerne les achats et le paiement des factures par Internet (plus de 75 %) s’observe dans tous les groupes de pays africains, quels que soient le genre, l’âge ou le niveau de revenu. L’expansion des comptes d’argent mobile en Afrique compense la faible performance de la région en matière d’accès aux services financiers traditionnels. Le pourcentage de la population adulte africaine détenant un compte bancaire est très inférieur à celui de la population du décile supérieur du reste du monde (respectivement 30 et 98 %). Reste à savoir si les établissements bancaires s’engageront dans l’avenir numérique et s’ils s’inséreront dans le secteur de la finance mobile pour attirer ainsi de nouveaux clients. Corrélation entre l’économie numérique et le niveau de développement Cette sous-section examine le lien entre les mesures de l’économie numérique et le niveau de développement. Pour des raisons d’espace, l’étude se concentre uniquement sur trois indicateurs de l’infrastructure numérique qui englobent les services Internet et les objets connectés : (a) le nombre d’abonnements large bande mobile pour 100 personnes, (b) le pourcentage de la population utilisant Internet, et (c) le nombre d’abonnements à la téléphonie cellulaire pour 100 personnes. La moyenne de chaque indicateur de l’économie numérique pour la période 2015–2017 a été tracés par rapport au niveau de revenu par habitant24. On notera que les diagrammes de dispersion présentés dans cette sous-section ne concernent que l’infrastructure numérique et non les autres dimensions étant donnés la couverture géographique et temporelle plus large et la disponibilité d’indicateurs objectifs plutôt que subjectifs25. Niveau de revenu par habitant et économie numérique Le taux de pénétration du large bande mobile (nombre d’abonnements pour 100 personnes) présente une corrélation positive avec le revenu par habitant (Figure 3.10). Le continent africain concentre les pays aux plus bas niveaux de revenu par habitant et aux plus faibles taux de pénétration des abonnements (moins de 50 abonnements pour 100 personnes dans la plupart des pays). La plupart des pays d’Afrique occidentale et centrale ont des niveaux proches ou inférieurs à la norme internationale, à l’exception du Ghana qui la dépasse. Le Gabon, avec un revenu par habitant supérieur, enregistre un taux de pénétration approchant celui du Ghana et proche de la norme internationale (76 abonnements actifs large bande mobile pour 100 habitants). Les pays d’Afrique orientale et australe ont tendance à se regrouper autour de la norme internationale, à l’exception d’eSwatini, moins performant que la norme internationale. Le Maroc et la Tunisie se situent au-dessus de la norme internationale, alors que la Libye se situe en dessous (avec respectivement 49, 65 et 34 abonnements pour 100 personnes). 24 L’indicateur du revenu par habitant se mesure en prenant la moyenne du PIB réel par habitant au cours de la période 2013–2017. 25 Les indicateurs de l’économie numérique ont également été tracés par rapport à : (a) des actifs complémentaires comme l’indice du capital humain (ICH) de la Banque mondiale et l’indice de fiabilité de l’approvisionnement en électricité du Forum économique mondial ; et (b) des résultats de développement comme l’indice d’inégalité de revenus de Gini, le taux de pauvreté par habitant. En général, ces diagrammes de dispersion montrent que les pays ayant un capital humain plus élevé et un approvisionnement en électricité plus fiable ont tendance à avoir une plus forte pénétration de l’infrastructure numérique. Une expansion de l’infrastructure numérique est également associée avec un taux de pauvreté plus bas et une plus faible inégalité, bien que pour ce dernier indicateur la corrélation ne soit pas robuste. A F R I C A’ S P U L S E > 111 Le taux de pénétration dans la FIG 3.11 Les pays où le revenu FIGURE 3.10 : Abonnements actifs haut débit mobile et PIB par habitant par habitant est plus population des services Internet (mesuré par le pourcentage de élevé affichent une 200 personnes utilisant Internet) pénétration du large est positivement corrélé au PIB Abonnements pour 100 personnes, bande mobile plus 150 importante. par habitant (Figure 3.12). Le moyenne 2015-2017 taux de pénétration est inférieur 100 à 60 % dans la majorité des GHA BWA GAB TUN ZAF pays africains. Rapportés à leur MAR 50 ZWE NAM MUS niveau de revenu par habitant, MOZ RWA ZMB KEN LSO SDN NGA LBY MWI GMB UGA MLI COD SLE MDG TGO GIN SEN MRT COG SWZ la plupart des pays africains CMR 0 NER ETH LBR GNB TZA TCD sont peu performants, c’est- à-dire qu’ils se situent sous la –50 norme internationale (comme le 2,5 3 3,5 4 4,5 5 suggère la droite de régression PIB par habitant, moyenne 2013-2017 de la figure 3.15). Le pourcentage Courbe quadratique IC = 90 % Autres AN AOA AOC d’utilisateurs d’Internet en Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. République du Congo (7 %), Remarque : Le PIB par habitant (en dollars US, prix constants) est exprimé en log. IC = Intervalle de confiance ; AN = Afrique du Nord ; AOA = Afrique orientale et australe ; AOC = Afrique en Libye (20 %) et en Namibie occidentale et centrale. (28 %) est dérisoire : ces pays se situent non seulement en dessous de la norme internationale, mais également en dehors de l’intervalle de confiance. Quelques pays dépassent la norme internationale : les pays d’Afrique du Nord (Maroc et Tunisie) et certains pays d’Afrique subsaharienne (Ghana, Ouganda, Rwanda et Gambie, pour n’en nommer que quelques-uns). Fait intéressant, des pays ayant des niveaux de revenu par habitant relativement similaires, tels que l’Afrique du Sud et le Botswana, peuvent avoir des taux relativement différents de pénétration des services Internet dans la population, avec respectivement 53 et 38 %. On remarque symétriquement que des pays avec une proportion similaire d’utilisateurs d’Internet (par exemple environ Les pays avec un FIGURE 3.11 : Utilisateurs Internet et PIB par habitant revenu par habitant 19 %) peuvent avoir des PIB par plus élevé ont 150 habitant très différents, avec un tendance à avoir un écart près de 10 fois supérieur Utilisateurs Internet pour 100 personnes, accès plus large à comme la Libye (6 952 dollars Internet. 100 US) et le Rwanda (706 dollars US). moyenne 2015-2017 MAR TUN MUS Le nombre d’abonnés à la 50 ZAF GHA BWA GAB téléphonie cellulaire est LSO ETH GMB UGARWA MWI MOZ ZWE KEN SEN ZMB SDN NGA SWZ NAM LBY positivement corrélé au CMR NER MDG TGO GIN TZA MRT 0 COD SLE LBRGNB MLI TCD COG niveau du revenu par habitant (Figure 3.12). Contrairement aux deux autres indicateurs –50 de l’économie numérique, 2,5 3 3,5 4 4,5 5 les taux de pénétration de la PIB par habitant, moyenne 2013-2017 téléphonie cellulaire en Afrique IC = 90 % Autres AN AOA AOC sont comparables à ceux des Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. autres pays du monde. L’Afrique Remarque : Le PIB par habitant (en dollars US, prix constants) est exprimé en log. IC = Intervalle de confiance ; AN = Afrique du Nord ; AOA = Afrique orientale et australe ; AOC = Afrique du Sud compte le plus grand occidentale et centrale. nombre d’abonnements 112 > A F R I C A’ S P U L S E (156 abonnements pour 100 personnes). Avec l’Afrique du FIGURE 3.12 : Abonnements à la téléphonie cellulaire et PIB par habitant Les abonnements Sud, le Botswana et le Gabon aux téléphones 300 cellulaires mobiles affichent des niveaux similaires ont une relation de pénétration de la téléphonie Abonnements pour 100 personnes, positive, mais non cellulaire et de revenu par linéaire, avec le 200 moyenne 2015-2017 habitant qui dépassent la norme revenu par habitant. internationale. Malgré un revenu ZAF BWA MUS GHA par habitant plus faible, le Ghana GMB MLI MAR TUN LBY GAB LSO compte un nombre d’abonnés au 100 SLE GIN SEN MRT COG NAM LBR RWA KEN CMR téléphone cellulaire comparable TGO GNB TZA ZWE ZMB SDN NGA SWZ MOZ UGA COD à celui du Gabon et du NER ETH MDG MWI TCD Botswana, dépassant largement 0 la norme internationale. Avec 2,5 3 3,5 4 4,5 5 des niveaux de revenu par PIB par habitant, moyenne 2013-2017 habitant plus bas, certains pays Courbe quadratique IC = 90 % Autres AN AOA AOC dépassent néanmoins la norme internationale (par exemple, la Source : Indicateurs du développement dans le monde, Banque mondiale. Gambie et le Mali), alors que Remarque : Le PIB par habitant (en dollars US, prix constants) est exprimé en log. IC = Intervalle de confiance ; AN = Afrique du Nord ; AOA = Afrique orientale et australe ; AOC = Afrique d’autres sont moins performants occidentale et centrale. (par exemple, le Tchad et le Soudan). 3.4 L’ÉCONOMIE NUMÉRIQUE COMME MOTEUR DE DÉVELOPPEMENT Les bénéfices potentiels de croissance apportée par la réalisation des cibles du Moonshot de l’économie numérique sont calculés suivant trois scénarios : (a) réalisation de la cible « économie numérique » en utilisant une régression linéaire de la croissance (colonnes [1] pour la croissance et [4] pour la pauvreté dans le tableau 3.2), qui utilise le coefficient de PCA1 dans la régression [5] sur le tableau 3.5 ; (b) réduction de l’écart en matière d’infrastructure numérique en maintenant le capital humain constant grâce à une régression qui agit sur l’infrastructure numérique et le capital humain (colonnes [2] pour la croissance et [5] pour la pauvreté du tableau 3.2) qui utilise le coefficient de PCA1 et son interaction avec le capital humain dans la régression [7] sur le tableau 3.5 ; et (c) réalisation de la cible « économie numérique » tout en acceptant des changements dans le capital humain, à partir d’une régression qui agit sur l’infrastructure numérique et le capital humain (colonnes [2] pour la croissance et [5] pour la pauvreté du tableau 3.6), qui utilise le coefficient de PCA1 et son interaction avec le capital humain dans la régression [7] sur le tableau 3A.1. La réalisation des cibles Moonshot de l’économie numérique implique : (a) une expansion rapide des services larges bande fixe, (b) un accès universel aux services Internet, et (c) une pénétration universelle des téléphones cellulaires mobiles. Dans le cas du capital humain, la cible est d’augmenter le nombre d’années passées par les femmes dans l’enseignement secondaire26. Les résultats suivants sont dérivés de la réalisation des cibles définies dans le Moonshot de l’économie numérique. Premièrement, la croissance par habitant dans la région Afrique augmentera de 1,5 points de pourcentage par an. Deuxièmement, les avantages potentiels pour la croissance sont plus importants en Afrique subsaharienne (1,95 points de pourcentage ou pp) qu’en Afrique du Nord (0,4 pp). Cela signifie que la distance par rapport au référentiel est plus grande pour l’Afrique subsaharienne dans les indicateurs de l’infrastructure numérique. Troisièmement, les pays touchés par FCV ont enregistré les avantages potentiels 26 L’expansion des services large bande fixe correspond à une augmentation des niveaux de chaque leader de groupes de pays. Dans le cas du capital humain, ceci implique une augmentation du nombre d’années scolaires pour les élèves féminines de trois ans. A F R I C A’ S P U L S E > 113 TABLEAU 3.2 : Effets potentiels en matière de croissance et de réduction de la pauvreté dérivée de la réalisation des cibles du Moonshot numérique   Effets sur la croissance   Effet sur la pauvreté   [1] [2] [3] [4] [5] [6] Afrique 1,48 3,80 4,02 -0,72 -1,86 -1,97 Afrique du Nord 0,35 0,93 0,95 -0,17 -0,45 -0,47 Afrique subsaharienne 1,95 4,99 5,31 -0,96 -2,45 -2,60 Orientale et australe 1,50 3,87 4,09 -0,73 -1,90 -2,00 Centrale et occidentale 1,23 3,13 3,34 -0,60 -1,53 -1,64 Affectés par les FVC 1,54 3,93 4,19 -0,76 -1,92 -2,05 Non affectés par les FVC 1,30 3,38 3,56 -0,64 -1,66 -1,74 Remarque : toutes les estimations sont calculées en utilisant les résultats du Tableau 3B.1. La Colonne [1] et calculés sur la base des résultats de la régression [5] du Tableau 3B.1. De même, l’estimation pour la colonne [2] utilise le coefficient PCA de la régression [7], tandis que la colonne [3] utilise à la fois le coefficient PCA et le coefficient d’interaction de la régression [7]. Les effets sur la pauvreté sont calibrés en utilisant la semi-élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance estimée dans Banque mondiale (2018b). pour la croissance les plus importants du fait de la réduction de l’écart en matière d’infrastructure numérique (1, 54 pp), soit plus de 20 points de base par an par rapport aux pays non touchés par FCV. Quatrièmement, les avantages pour la croissance de la réduction de l’écart en matière d’infrastructure numérique sont plus importants dans le modèle qui comprend une interaction avec le capital humain. En maintenant le capital humain constant, la croissance par habitant en Afrique augmentera de 3,8 pp (plus du double que dans le scénario sans interaction du capital humain). Si on permet que le niveau de capital humain évolue (au niveau du référentiel), la croissance par habitant dans la région Afrique augmente de 2,4 pp. En résumé, le développement de l’infrastructure numérique favorise la croissance, et cet effet est amplifié par la détention des atouts complémentaires appropriés, tels ceux relatifs au capital humain. Le tableau 3.2 calcule les effets potentiels du développement de l’infrastructure numérique sur la réduction de la pauvreté en Afrique. Cet effet est calibré à l’aide des estimations de la réactivité de la pauvreté à la croissance par habitant tirées de la littérature économique. Avec les élasticités traditionnelles, les pays les plus pauvres ont un pourcentage de réduction de la pauvreté inférieur de 1 % à celui des pays plus riches. En effet, les élasticités correspondent au pourcentage de réduction de la pauvreté pour les pays qui commencent avec des taux de pauvreté plus élevés (Ravallion 2012). Cependant, les semi-élasticités mesurent l’évolution absolue de la pauvreté en points de pourcentage par rapport au pourcentage de la croissance des revenus (Cuaresma, Klasen et Wacker 2016). Elles ne prennent pas en compte les niveaux initiaux de pauvreté. Par conséquent, les pays ayant des taux de pauvreté initiaux différents, mais connaissant des baisses similaires de la pauvreté, auraient une semi-élasticité similaire. L’analyse présentée dans le tableau 3.2 utilise la semi-élasticité de la pauvreté par rapport à la croissance estimée pour les pays africains par la Banque mondiale (2018a). Ce coefficient établit un rapport entre le taux de pauvreté par nombre de personnes et le taux de croissance par habitant. Son estimation est de -0,49. Il y a quatre grandes leçons à retenir de la réduction de l’écart par rapport au décile supérieur (90e centile) du monde. Premièrement, le taux de pauvreté par nombre de personnes diminue de 0,7 points de pourcentage par an dans la région Afrique. Deuxièmement, la réduction de la pauvreté est plus importante en Afrique subsaharienne qu’en Afrique du Nord, avec des baisses respectives de 0,96 % et 0,2 % par an. Troisièmement, la réduction de la pauvreté la plus importante serait potentiellement réalisée par les pays touchés par la fragilité, les conflits et la violence (FCV) (0,7 % par an). Quatrièmement, les effets de la réduction de la pauvreté pourraient être plus importants, en tenant compte de l’interaction entre l’économie numérique et le capital humain. Les effets sur la réduction de la pauvreté font plus que doubler pour presque toutes les régions lorsqu’on prend en compte l’expansion des éléments complémentaires analogiques. 114 > A F R I C A’ S P U L S E Technologies numériques et développement : examen des données microéconomiques Les technologies de l’information et de la communication (TIC) soutiennent les objectifs de développement d’un pays (Deichmann, Goyal et Mishra 2016) : (a) en étant plus inclusives (élargissant l’accès aux marchés pour les particuliers et les entreprises), (b) en améliorant l’efficacité (accroissant ainsi la productivité des différents intrants), et (c) en encourageant l’innovation (par la création de nouveaux modèles commerciaux). Cette sous-section présente les preuves existant au niveau des particuliers, des exploitations agricoles ou des entreprises. Elles documentent par différents canaux l’impact des technologies numériques sur le développement (croissance, réduction de la pauvreté et création d’emplois). Elles mettent l’accent sur l’insertion des technologies numériques dans les pratiques agricoles, les services financiers et le gouvernement. Technologies numériques dans l’agriculture 27 Les technologies de l’information et de la communication (TIC) facilitent la diffusion d’informations et de connaissances en agriculture. Elles réduisent les montants des transactions en réduisant les coûts en argent et en temps liés à l’accès et à l’échange d’informations. Les TIC peuvent contribuer à améliorer l’agriculture dans les pays en développement, notamment en Afrique, par le biais de trois mécanismes (Diechmann, Goyal et Mishra 2016). Premièrement, les TIC peuvent aider à promouvoir la transparence du marché. Par exemple, l’accès aux téléphones mobiles peut contribuer à réduire les asymétries d’information causées par des intermédiaires puissants sur le marché. Les TIC peuvent également renforcer les capacités d’évaluation des informations sur le marché. Une technologie mobile peu coûteuse a permis aux agriculteurs ruraux, souvent marginalisés, d’entrer sur les marchés régionaux et nationaux. Deuxièmement, la demande croissante d’informations de grande qualité et en temps opportun sur les intrants contribue à stimuler la productivité agricole. Les services de formation et de vulgarisation agricoles (conseil et formation techniques) peuvent jouer un rôle clé dans les processus de transfert de technologie, en aidant les agriculteurs à résoudre des problèmes et à s’intégrer davantage dans les systèmes d’informations agricoles (Asenso-Okyere et Mekonnen, 2012). La diffusion de l’information sur de meilleures pratiques agricoles, de nouvelles semences ou de nouveaux outils contribue à accroître la productivité des autres facteurs de production et partant, d’améliorer l’efficacité du processus de production. Troisièmement, les innovations majeures dans le domaine des TIC peuvent promouvoir l’agriculture en réduisant les coûts logistiques aux différentes étapes de la chaîne d’approvisionnement, notamment concernant les plateformes qui mettent en relation acheteurs et vendeurs tout au long de la chaîne de production, coordonnent la livraison de produits et facilitent les paiements sécurisés. L’expansion rapide des technologies numériques, avec l’adoption massive des téléphones mobiles et de l’internet, a amélioré la transparence des marchés en réduisant les coûts de recherche des agriculteurs et des commerçants, même dans les environnements dotés de routes ou d’infrastructures filaires en mauvais état. Par conséquent, l’utilisation des TIC pour accéder aux connaissances et aux informations peut potentiellement augmenter les revenus ruraux. La couverture de téléphonie mobile est corrélée à une plus grande efficacité du marché, telle que mesurée par la dispersion des prix des produits agricoles. Par exemple, les téléphones mobiles ont permis de réduire la dispersion des prix des céréales sur les marchés nigériens de 6,5 % au moins et la variation intra-annuelle des prix de 10 %. La baisse de la dispersion des prix est en partie imputable à la réduction des coûts de recherche, car les négociants en céréales détenteurs d’un téléphone portable avaient la bonne information et pouvaient accéder à davantage de marchés. La figure 3.13 montre l’évolution de la dispersion des prix avant et après la couverture de la téléphonie mobile sur les marchés céréaliers du Niger. La plus forte baisse de la dispersion des prix a eu lieu au cours des quatre premiers mois suivant la couverture, et l’impact marginal a diminué au fil du temps (Aker 2008, 2010). 27 Cette sous-section s’appuie sur les preuves réunies par Diechmann, Goyal et Mishra (2016). A F R I C A’ S P U L S E > 115 La couverture de téléphonie Après l’expansion FIGURE 3.13 : Évolution de la dispersion des prix avant et après la mobile est plus susceptible de de la couverture de couverture de la téléphonie mobile dans les marchés céréaliers du Niger réduire la dispersion spatiale téléphonie mobile, 4 des prix des produits agricoles la dispersion des 3 prix sur les marchés plus périssables (par exemple, 2 céréaliers nigériens a le niébé), et cette réduction est 1 fortement diminué. 0 la plus forte pour les marchés Écart mensuel CFA/KG –1 éloignés à certaines périodes –2 de l’année. En revanche, la –3 couverture de la téléphonie –4 mobile a un impact négligeable –5 sur la dispersion des prix (à –6 la production) des produits –7 moins périssables qui sont –8 généralement stockés par les –9 agriculteurs, par exemple le –5 –4 –3 –2 –1 0 1 2 3 4 5 6 Mois avant et après la couverture de la téléphonie mobile millet et le sorgho (Aker et Fafchamps 2015). En outre, Avec la tendance Intervalle de Intervalle de au cours de l’année confiance inférieur confiance supérieur la couverture de téléphonie Source : Aker 2008. mobile accroît la participation au Remarque : La dispersion des prix a régressé pour une série de variables nominales avant et après la couverture de la téléphonie mobile. Les intervalles de confiance supérieur et inférieur sont indiqués. marché des agriculteurs vivant CFA = franc CFA ; kg = kilogramme. dans des régions éloignées et produisant des denrées périssables. Après l’élargissement de la couverture de la téléphonie mobile, la part des agriculteurs ougandais vendant des bananes a augmenté dans les communautés situées à plus de 32 kilomètres des centres de district (Muto et Yamano 2009). Il y a d’autres exemples où l’élargissement de la couverture de la téléphonie mobile a réduit la dispersion des prix. Grâce à plusieurs sources de données, y compris les données ouvertes gouvernementales fournies par Esoko (Schalkwyk, Young et Verhulst 2017), nous pouvons citer les pêcheurs de sardines et grossistes de Kerala (Jensen 2007), ainsi que les petits exploitants agricoles du Ghana Grâce à l’accès aux technologies numériques, les agriculteurs peuvent entrer en relation avec les agents et les commerçants afin de se faire une idée de la demande du marché et du prix de vente de leurs produits. Cependant, l’impact de l’accès aux technologies numériques sur les prix à la production n’est pas probant. D’une part, il est prouvé que l’accès aux informations sur le marché, par la radio ou le téléphone portable, est lié à une augmentation des prix à la production en Ouganda (Svenson et Yanagizawa 2009), en particulier pour les denrées plus périssables (Muto et Yamano 2009). D’autre part, certains ont constaté que l’accès à l’information ne changeait pas de façon significative les prix moyens des produits (Fafchamps et Minten 2012), bien que l’effet puisse être limité à certains produits (Aker et Fafchamps 2015 ; Tadesse et Bahiigwa 2015). Les différences observées concernant l’asymétrie de l’information, le type d’information ou la plate-forme utilisée pour la livraison, et la présence d’autres défaillances du marché, peuvent expliquer le caractère peu solide des preuves (Diechmann, Goyal et Mishra 2016). La mise à disposition d’informations peut encourager les agriculteurs, y compris les petits exploitants pauvres, à investir dans les nouvelles technologies. La vulgarisation agricole est le moyen traditionnel de communication des informations relatives à l’adoption des technologies. Il a recours à des spécialistes pour fournir des informations sur le transfert de technologie et des services de conseil, entre autres. Les agriculteurs sont plus réceptifs aux informations facilement accessibles et personnalisées. La technologie numérique a redynamisé les services de conseil. Par exemple, Digital Green, Grameen Foundation et TechnoServe fournissent des informations et des conseils pertinents en temps utile aux agriculteurs en 116 > A F R I C A’ S P U L S E Asie du Sud et en Afrique subsaharienne (Nakasone, Torero et Minten 2014). Les coûts de transaction liés aux services traditionnels de vulgarisation agricole sont réduits grâce à une combinaison de voix, textes, vidéos et internet. Les gouvernements se sont associés à des opérateurs de téléphonie mobile pour coordonner la distribution de semences améliorées et d’engrais subventionnés dans des zones reculées au moyen de bons électroniques (par exemple, l’initiative à grande échelle e-wallet [portefeuille électronique] au Nigéria). Les systèmes de vulgarisation électroniques varient non seulement quant à leur complexité, mais aussi en ce qui concerne la gamme d’outils, de plateformes et d’appareils utilisés pour communiquer les informations. Par exemple, le projet Digital Project a mis en contact les agriculteurs avec des experts via les réseaux sociaux locaux en Inde et en Éthiopie. Ils ont ainsi utilisé un processus participatif pour permettre aux agriculteurs d’avoir accès aux conseils agricoles. La réduction de la distance entre instructeurs et agriculteurs a permis une meilleure adoption des pratiques agricoles par rapport aux approches ne faisant pas appel aux TIC (Gandhi et coll. 2009). Les technologies numériques peuvent également mettre les agriculteurs en liaison avec des biens d’équipement, en particulier pour les petits exploitants des zones rurales reculées qui peuvent utiliser des machines agricoles pour améliorer leur productivité, mais ne peuvent pas se permettre de les acheter. Une solution numérique à ce problème est apparue avec Hello Tractor au Nigéria, un service de type Uber qui permettait aux agriculteurs de demander, de programmer et de payer à l’avance des services de tracteurs auprès des propriétaires voisins par SMS et argent mobile. Les tracteurs intelligents à deux roues sont équipés d’antennes GPS qui collectent et transfèrent les données nécessaires. Le prépaiement est effectué au profit du propriétaire une fois le service terminé. Les technologies numériques sont également utilisées pour mettre en œuvre des systèmes d’alerte précoce (SAP), en particulier des modèles climatiques qui fournissent des informations publiques sur les alertes aux inondations, les alertes à la sécheresse, les incendies de forêt et les épidémies de ravageurs. Les agriculteurs demandent fréquemment ce type d’informations. Si les informations sont fournies en temps opportun, les agriculteurs peuvent gérer ces chocs climatiques. Les systèmes d’alerte précoce utilisent des données provenant d’un large éventail de sources, notamment des images satellitaires et des études. Les images satellitaires peuvent fournir un éventail de paramètres climatiques presque en temps réel (précipitations, évaporation en fonction de la température, végétation et couverture du sol) qui peuvent atteindre des zones reculées dépourvues de stations de mesure. Ces paramètres peuvent ainsi permettre aux agriculteurs de gérer la croissance de leurs cultures. Les systèmes automatisés émettent des alertes précoces en cas d’écarts par rapport à la croissance normale ou en fonction d’autres facteurs. Zenvus, une start-up nigériane spécialisée dans l’agriculture de précision, mesure et examine des données sur les sols (température, nutriments et santé végétative) afin d’aider les agriculteurs à appliquer les engrais et à irriguer leurs exploitations de manière optimale. Ces pratiques agricoles fondées sur les données améliorent la productivité agricole et réduisent les gaspillages, même parmi les petits exploitants agricoles. La start-up kényane UjuziKilimo utilise une masse importante de données et d’analyses pour transformer les agriculteurs en une communauté de savoir et, ainsi, augmenter la productivité grâce à l’identification des besoins de cultures spécifiques. Enfin, SunCulture, fondée au Kenya, et présente dans toute la région, vend des systèmes et des kits d’irrigation goutte-à-goutte abordables et à haut rendement qui utilisent l’énergie solaire pour pomper de l’eau à partir de n’importe quelle source (Ekekwe 2017). La fourniture en temps utile de conseils de production et d’informations sur les SAP à grande échelle requiert le développement et la conservation de contenus. Le coût associé est particulièrement élevé dans les zones agricoles à faible productivité peuplées de petits exploitants agricoles peu qualifiés dotés d’infrastructures rudimentaires. Il est donc absolument nécessaire de développer des outils peu coûteux pour améliorer l’efficacité de la fourniture de conseils en matière de production agricole. Il a été démontré que les développements de TIC ayant permis de réduire les coûts pour les agriculteurs des zones A F R I C A’ S P U L S E > 117 rurales dépourvues d’infrastructures appropriées ont amélioré l’efficacité des services de vulgarisation. Cependant, les revenus générés par les TIC pour les agriculteurs dans les pays pauvres représentaient environ la moitié de ceux générés dans les pays riches (Lio et Liu, 2006). Les technologies numériques améliorent également la gestion de la chaîne d’approvisionnement agricole. Elles peuvent améliorer la coordination du transport et la livraison des produits, garantir la sécurité alimentaire dans les chaînes mondiales de production et faciliter la sécurisation des paiements (Diechmann, Goyal et Mishra 2016). Pour des raisons d’espace, l’analyse porte ici sur la sécurité alimentaire et les paiements numériques. La nature de la production alimentaire mondiale, ainsi que l’attention accrue portée aux maladies d’origine alimentaire, ont souligné la nécessité de garantir la sécurité alimentaire dans la chaîne d’approvisionnement mondiale. Des produits technologiques permettant de suivre efficacement les produits de la ferme au marché sont actuellement mis en place, en particulier parmi les agriculteurs des pays en développement qui cherchent à atteindre de nouveaux marchés d’exportation ou à développer leurs activités (Karippacheril, Rios, et Srivastava 2011). Par exemple, des puces d’identification par radiofréquence sont installées sur les caisses de produits ou dans les oreilles du bétail pour collecter des données sur leurs mouvements, la température, la détérioration, la densité ou la lumière. Le Namibian Livestock Identification and Traceability System (système namibien d’identification et de traçabilité du bétail) met en œuvre un système de traçabilité qui facilite le contrôle, la gestion des risques et l’éradication des maladies bovines. L’utilisation du système d’identification par radiofréquence au lieu de l’enregistrement sur papier a permis d’améliorer la précision des données et la rapidité de leur diffusion. Elle a également contribué à l’instauration d’un marché du bétail plus dynamique (Banque mondiale 2012). La technologie peut également améliorer considérablement la sécurité alimentaire dans les chaînes de valeur. Par exemple, IBM, Walmart, le détaillant chinois JD.com et l’université Tsinghua, ont annoncé la formation d’une alliance pour la sécurité alimentaire par chaîne de blocs (blockchain) afin d’améliorer la traçabilité et la sécurité alimentaires en Chine. La technologie de grand livre décentralisé permettra de déterminer l’origine des produits alimentaires plus rapidement, ce qui facilitera la prévention des scandales alimentaires et renforcera la confiance entre les producteurs et les distributeurs nationaux de produits alimentaires (Aitken 2017). Les innovations financières telles que l’argent mobile ont eu un impact sur la capacité des ménages à diversifier leurs risques et ont joué un rôle crucial dans la facilitation du transfert du pouvoir d’achat grâce à la technologie SMS. Cette innovation technologique a considérablement réduit le coût d’envoi de l’argent sur de grandes distances (Mbiti et Weil 2016). Cependant, obtenir des financements agricoles pour les petits exploitants ruraux pose encore plusieurs problèmes. Les opérateurs doivent constituer des plateformes rentables qui réduisent au minimum le risque de fraude et maximisent la responsabilité et la transparence. L’alignement du secteur agricole avec celui de l’argent mobile profite aux petits exploitants agricoles en ce qu’il leur offre un écosystème pratique et sûr pour les paiements mobiles et l’obtention de reçus après la vente de leurs produits à d’autres entreprises. Il offre également aux petites exploitations une identité financière et la possibilité de participer à une activité économique formelle ouverte et transparente (Babcock 2015). Disposer de registres financiers (sur leurs téléphones portables) améliorerait le profil des agriculteurs et pourrait en faire des clients plus attrayants pour les banques. Dans ce contexte, l’accès des agriculteurs aux produits financiers, tels que le crédit et l’assurance, les aiderait à renforcer leur résilience face aux chocs. Le Kenya est le leader des paiements mobiles et de la finance mobile dans la région. M-PESA, une plate-forme de Safaricom, a été initialement conçue comme un mécanisme de distribution et de remboursement de crédit de microfinance. Elle est ensuite devenue une plateforme de paiement entre 118 > A F R I C A’ S P U L S E pairs. En outre, M-PESA a constitué une entreprise commune avec la Commercial Bank of Africa (CBA) pour proposer des produits bancaires M-Shwari via l’infrastructure de paiement mobile. M-Shwari est un produit combiné d’épargne et de crédit émis par la CBA et lié à un compte d’argent mobile M-PESA. Les dépôts ou les retraits de M-Shwari ne peuvent être effectués que via le portefeuille M-PESA. M-Shwari calcule également les montants de crédit des couches pauvres de la population ne bénéficiant pas de services bancaires, en utilisant leurs données de télécommunications, y compris le crédit de communication (crédit d’appel), les principaux achats, les transactions financières mobiles et les modèles de messagerie SMS, entre autres (Cook et McKay 2015). Les institutions financières non bancaires au Kenya, telles que Musoni et Umati Capital (UCAP), utilisent l’infrastructure M-PESA (ainsi que celle d’autres opérateurs de réseau mobile) pour l’octroi et le remboursement de prêts. Le système bancaire central de Musoni fournit une plateforme permettant aux institutions de microfinance et aux fournisseurs agricoles de gérer leurs clients et leurs prêts. Ce système est intégré à M-PESA et Airtel Money. Il permet d’effectuer des transactions en utilisant de l’argent mobile. L’enregistrement des clients, les demandes de prêt et les examens de rapports (de portefeuille et financiers) peuvent être soumis et accessibles via l’application numérique Musoni. UCAP se concentre sur le financement des chaînes d’approvisionnement, en particulier le financement des PME qui fournissent des produits aux grandes entreprises28. UCAP accorde actuellement des prêts au secteur laitier kényan : l’entreprise a mis en place des applications mobiles à chaque étape de la chaîne de valeur afin de saisir des données permettant de renseigner le décaissement des prêts des petits agriculteurs via des portefeuilles mobiles. La technologie utilisée par UCAP tient compte des différents niveaux de culture numérique. Par exemple, les agriculteurs peuvent utiliser la messagerie à texte et les transformateurs de lait peuvent utiliser des applications Web plus complexes pour suivre les livraisons quotidiennes de lait. Les petits exploitants peuvent accéder à leurs paiements après 24 heures pour le lait livré aux entreprises laitières, contre 30 jours si l’on utilise les solutions non numériques (Babcock 2015). Econet Wireless, la plus grande entreprise de télécommunications du Zimbabwe, mène une véritable révolution des données dans le secteur de l’agriculture. La société propose des connexions réseau, des services bancaires mobiles et la plateforme mobile EcoFarmer. Cette plateforme offre aux agriculteurs l’adhésion au Syndicat agricole du Zimbabwe, des conseils en matière d’agriculture et d’élevage, une assurance récolte indexée et une assurance obsèques, le tout moyennant 1 dollar US par mois, le tout accessible via un téléphone mobile de base. Actuellement, plus de 700 000 agriculteurs sont enregistrés sur EcoFarmer, mais Econet étend actuellement ses offres de services pour inclure Dial-a-Mudhumeni (pour les conseils agricoles) et donner aux agriculteurs l’accès à des prêts (Dinesh et coll. 2017). Fournir des plateformes de TIC à de larges couches de la population rurale travaillant dans le secteur agricole présente des avantages potentiels considérables, mais pose également des problèmes. Les plateformes de TIC doivent garantir l’authenticité des informations et la vérifiabilité des connaissances fournies aux utilisateurs. Les gouvernements devraient promouvoir la concurrence entre les fournisseurs de TIC pour accroître l’efficacité et réduire les coûts pour les clients (Asenso-Okyere et Mekonnen 2012). Le déploiement de la finance mobile dans les zones rurales peut être amené à faire face à certains obstacles, tels que l’analphabétisme, l’illettrisme financier et l’illectronisme, le manque d’échanges commerciaux ainsi que la couverture limitée des agents et des réseaux (Backcock 2015). 28 UCAP accorde des fonds de roulement aux petites entreprises qui fournissent les moyennes et grandes entreprises ainsi qu’un programme de financement de fournisseurs adapté aux cycles de paiement de ces derniers (Babcock 2015). A F R I C A’ S P U L S E > 119 Les technologies numériques dans le domaine de la finance 29 Services monétaires par téléphonie mobile. Les services monétaires par téléphonie mobile constituent une innovation qui accroît l’inclusion financière en Afrique : ils permettent à des personnes non bancarisées de rejoindre le système financier formel. Le M-PESA du Kenya a été l’un des déploiements les plus réussis de services monétaires par téléphonie mobile. Ces services ont été adoptés par près de 70 % de la population adulte du Kenya quatre ans seulement après leur lancement. L’adoption rapide de M-PESA au Kenya est attribuée à : (a) l’expansion rapide des réseaux de téléphonie mobile, et (b) le déploiement rapide d’un réseau dense d’agents (les distributeurs finaux du service), qui constituent de petits points de vente convertissant les espèces en monnaie électronique et menant l’opération inverse pour leurs clients (Jack et Suri 2014). L’adoption rapide de la finance mobile au Kenya est également attribuée à la position dominante de Safaricom sur le marché de la téléphonie mobile, à son régulateur financier progressif et à ses multiples zones densément peuplées (Babcock 2015). L’accès aux services monétaires par téléphonie mobile a amélioré les mécanismes de partage des risques entre les ménages kényans. Ils ont été en mesure de renforcer leurs réseaux informels de partage des risques et de mieux réagir aux chocs en utilisant des services monétaires par téléphonie mobile. Par exemple, la consommation des non-utilisateurs de M-PESA a diminué de 7 % en réponse à des chocs de revenus, tandis que la consommation des utilisateurs du système restait invariante à ces chocs (Jack et Suri 2014). Les capacités de lissage de la consommation des utilisateurs de M-PESA sont attribuées au fait que ces utilisateurs sont davantage susceptibles de recevoir des envois de fonds en réponse à des chocs. En outre, ces fonds auront tendance à être reçus de davantage de personnes et de types différents. Cette plus grande capacité de partager les risques a été suivie par une augmentation de l’épargne, une consommation accrue et des changements de profession pour les ménages consommateurs. Les services monétaires par téléphonie mobile ont entraîné des modifications de la composition des actifs des ménages. Dans les pays et/ou les zones dotés d’un réseau accru d’agents, l’épargne financière totale a augmenté, en particulier chez les ménages dirigés par des femmes30. Les titulaires de compte M-PESA ont tendance à être moins enclins à utiliser des mécanismes d’épargne informels (tels que des associations d’épargne et de crédit en rotation) et sont plus susceptibles d’avoir accès à des services bancaires formels. M-PESA améliore les résultats individuels en favorisant la banque et en augmentant les transferts (Mbiti et Weil 2016). Des preuves supplémentaires montrent que les utilisateurs enregistrés auprès de M-PESA ont plus de chances de faire des économies que ceux qui ne le sont pas (Demombynes et Thegeya 2012). Des données récentes concernant le Burkina Faso montrent que même si les utilisateurs de services monétaires par téléphonie mobile n’ont pas tendance à épargner pour des événements prévisibles, ils sont plus enclins à épargner pour les urgences sanitaires, en particulier parmi la population rurale, les femmes et les personnes moins éduquées. La possibilité de transférer de l’argent dans une sous-région du pays, associée à de l’argent mobile utilisant une plateforme sécurisée, peut expliquer la plus grande incidence de l’épargne des utilisateurs de services monétaires par téléphonie mobile pour les urgences de santé (Ky, Rugemintwari et Sauviat 2018). Les modifications de l’accès aux services monétaires par téléphonie mobile ont également augmenté la probabilité d’utiliser un compte bancaire plutôt que d’autres produits financiers. Cet effet peut refléter le fait que les établissements bancaires ont commencé à collaborer ou à concurrencer M-PESA, par exemple les comptes M-Shwari. L’épargne peut aider les microentrepreneurs à améliorer leur capacité à faire face aux chocs inattendus et à financer des investissements massifs. Gautam et coll. (2018) examinent une intervention politique en Tanzanie qui favorise l’accès à la nouvelle technologie d’épargne mobile chez les microentrepreneurs 29 Cette section s’appuie en partie sur les données résumées dans Karlan et coll. (2016). 30 Le total des économies financières comprend la trésorerie déclarée par l’utilisateur ainsi que les soldes des comptes bancaires, des clubs d’épargne - coopératives d’épargne et de crédit ou associations d’épargne et de crédit en rotation - et des comptes d’argent mobile. 120 > A F R I C A’ S P U L S E femmes avec ou sans formation commerciale et financière. En partenariat avec TechnoServe, le programme Business Women Connect est évalué à travers deux interventions : une session de formation sur M-Pawa et l’enregistrement au produit. M-Pawa, un produit de finance mobile conçu par Vodacom, permet aux clients d’économiser de l’argent sur un compte d’épargne mobile portant intérêt. Il permet également aux utilisateurs d’accéder à des microcrédits basés sur de bonnes performances d’épargne. L’autre programme est une formation intensive pour acquérir des compétences commerciales. Un an après le programme, les résultats montrent que les femmes économisent bien davantage via le compte mobile. Elles bénéficient également d’un meilleur accès aux micro-crédits via leurs comptes, élargissent leur portefeuille d’activités par la création de nouvelles entreprises, et affichent des niveaux plus élevés d’autonomie et de bien-être. La formation commerciale et financière a renforcé l’utilisation des comptes d’épargne mobiles et conduit à une augmentation des investissements en capital, des efforts en termes de main-d’œuvre, de nouveaux produits et de meilleures pratiques commerciales. Bien que ces impacts à court terme doivent encore se traduire par des profits plus élevés, les données suggèrent que, sans assouplir les contraintes de capital humain complémentaires auxquelles les femmes pourraient être confrontées, l’accès aux comptes d’épargne mobiles n’est pas une solution miracle. Le projet Réseaux de parenté, Solidarité obligatoire et Emploi des femmes examine la redistribution obligatoire en tant qu’obstacle à l’augmentation de la productivité dans le contexte de l’emploi non agricole des femmes en Côte d’Ivoire. En partenariat avec la Caisse nationale des caisses d’épargne, la plus grande caisse d’épargne de Côte d’Ivoire, et OLAM, une entreprise transnationale de première transformation agroalimentaire, Carranza et coll. (2018) testent une innovation financière parmi les travailleurs des usines de traitement de la noix de cajou. Il s’agit d’un compte d’épargne à engagement pour dépôts directs conçu pour aider les travailleurs à convertir plus facilement les augmentations de productivité en épargne à long terme, inaccessible aux autres. Leurs recherches fourniront des preuves de l’impact de la pression redistributive sur l’offre de travail et les revenus des travailleurs. La première phase de ce projet a évalué l’impact sur la productivité. Les travailleurs à qui un compte d’épargne d’engagement à dépôt direct a été offert, ont augmenté la productivité de leur travail et leurs gains de 10 %. Cela se traduit par une augmentation de 18 % pour les travailleurs qui ont ouvert un compte. L’effet semble être provoqué par les efforts croissants des travailleurs pendant l’exercice de leur activité. Les données préliminaires indiquent que la visibilité d’un compte sur le réseau social et le degré de pression de redistribution exercé sur le travailleur sont des déterminants importants de l’adoption de compte. La deuxième phase du projet, actuellement en cours, vise à fournir des données probantes que la pression de redistribution est le canal. Cela démontrerait que s’attaquer à la cause sous-jacente des normes de redistribution, à savoir l’absence de mécanismes de lissage de la consommation, pourrait améliorer la production et la croissance des pays en développement en s’attaquant à la cause fondamentale de la forte demande de produits d’épargne-engagement. En collaboration avec le North Volta Rural Bank, Buehren et coll. (2018) évaluent l’impact des produits d’épargne pour les travailleurs salariés ghanéens rémunérés par virement automatique, dans lesquels ils s’engagent à faire prélever un montant fixe directement de leur salaire et à ouvrir un compte d’épargne- engagement pour une période de 18 mois. Au bout de 18 mois, toutes les contributions, plus une « prime d’achèvement » égale à un mois de contribution, sont versées à l’épargnant. Les travailleurs sont passibles d’une pénalité égale à la contribution d’un mois s’ils se retirent avant la fin des 18 mois. Globalement, le produit a considérablement augmenté l’épargne effectuée avec la banque sans augmenter les découverts. Toutefois, après avoir pris en compte les autres sources d’épargne, l’étude a montré que les clients dont les antécédents de découvert étaient supérieurs à la médiane n’accumulaient pas de nouvelles économies au cours de la période d’engagement. Au contraire, ils utilisent d’autres épargnes pour compenser le montant engagé et s’endetter de nouveau. En revanche, les personnes ayant un historique de découvert inférieur à la A F R I C A’ S P U L S E > 121 médiane augmentent considérablement leur épargne pendant et après la période d’engagement. Une autre évaluation, actuellement en phase de conception, étudiera l’impact pour les clients des comptes d’épargne bancaires sur téléphone portable. La première évaluation concernera les comptes avec restriction de retrait ferme, fixe et obligatoire (« engagement ferme »). Une seconde évaluation concernera les comptes avec une restriction de retrait souple, flexible et facultative (« engagement souple »). L’argent mobile a pu faciliter les choix professionnels au Kenya. Les personnes vivant dans des régions où les agents de services monétaires par téléphonie mobile étaient en plus forte augmentation, se sont montrés plus susceptibles de travailler dans le commerce ou dans la vente, et moins susceptibles de travailler dans l’agriculture ou d’avoir une activité secondaire. L’expansion de M-PESA a permis aux femmes de sortir de l’agriculture de subsistance, de moins dépendre de plusieurs emplois à temps partiel et finalement de réduire la taille moyenne des ménages (Suri et Jack, 2016). L’accès à l’argent mobile a eu un impact à long terme sur le bien-être économique des ménages au Kenya31. Il y a eu une augmentation substantielle de la consommation par habitant parmi les ménages vivant dans des zones avec un accès accru à des agents de services monétaires par téléphonie mobile. Cet effet était deux fois plus important pour les ménages dirigés par une femme. La pauvreté extrême a également diminué dans les zones où l’accès aux agents s’est accru. La diffusion des services monétaires par téléphonie mobile au Kenya a permis de sortir environ 194 000 ménages de la pauvreté extrême et a incité 185 000 femmes à changer leur principale activité en entreprise ou commerce de détail (Suri et Jack 2016). Crédits numériques. Les crédits numériques sont en train de devenir une alternative aux opérations bancaires à court terme en ce qui concerne les prêts de microfinance. Les opérateurs de téléphonie mobile s’associent à une institution financière pour octroyer de petits prêts à court terme directement aux clients via un « écosystème » d’argent mobile existant. M-PESA s’est associé à la CBA pour lancer les produits M-Shwari en novembre 2012. Les utilisateurs de M-Shwari ont pu percevoir des intérêts sur des produits d’épargne et se qualifier pour des prêts garantis par la CBA. L’adoption réussie de M-Shwari au Kenya a conduit à l’émergence de produits similaires dans d’autres pays de la région. En Tanzanie, M-PAWA (un produit issu du partenariat de Vodacom Tanzania et de la CBA) a permis de servir 4,9 millions d’emprunteurs au cours de ses deux premières années d’existence (Aglionby 2016). MoKash (un produit commun de MTN Ouganda et de la CBA) a enregistré un million d’utilisateurs au cours des trois premiers mois de son lancement. Le crédit numérique présente certains avantages par rapport aux prêts traditionnels. Avec les prêts numériques, les coûts de transaction sont réduits, le délai d’approbation est plus court, et ces prêts sont facilement disponibles pour les clients sans nécessité de vérification personnalisée par une institution financière. Les fournisseurs de prêts numériques utilisent des données de télécommunications pour développer des cotes de crédit alternatives. Cela facilite l’extension de prêts aux utilisateurs sans garantie ni cotes traditionnelles calculées par un bureau de crédits32. Les cotes de crédit numériques peuvent permettre l’inclusion financière de personnes ne disposant pas de cotes de crédit dans des environnements dépourvus d’antécédents financiers vérifiables ou dotés de bureaux de crédits inexistants ou inefficaces. Néanmoins, le crédit numérique pose certains problèmes. L’ampleur de ces prêts est importante et ils sont prolongés pour de courtes périodes. Par exemple, le prêt moyen de M-Shwari est d’environ 12 dollars US avec une échéance ne dépassant pas 30 jours (Cook et McKay 2015). Les consommateurs paient des frais de facilitation fixes (plutôt qu’un taux d’intérêt). Ces frais sont généralement élevés : par exemple, des frais mensuels de 7,5 % pour M-Shwari (taux annuel effectif moyen de 138) ou de 10 % par semaine pour certains prêts numériques 31 Suri et Jack (2016) évaluent les effets des modifications de l’accès à l’argent mobile sur le bien-être des ménages. L’accès aux services est déterminé par la proximité géographique des ménages par rapport aux agents M-PESA. 32 Une plus grande pénétration du crédit numérique peut réduire le problème de la sélection adverse pour le créancier. En effet, les informations sur l’emprunteur sont fournies sous forme numérique, via l’apprentissage automatique ou d’autres algorithmes de notation. Des investissements peu coûteux devraient être réalisés pour expérimenter des algorithmes de pointage de crédit (Jack et Suri 2014 ; Suri et Jack 2016). 122 > A F R I C A’ S P U L S E malawiens (taux annuel effectif de 1 000). Le remboursement ponctuel des prêts numériques augmente la probabilité que le client obtienne des prêts plus importants assortis de frais moins élevés et d’une maturité plus longue. La question reste ouverte de savoir si les emprunteurs seraient moins enclins à prendre ces crédits s’ils disposaient de davantage d’informations sur leur fonctionnement et sur leurs coûts (Francis, Blumenstock et Robinson 2017). Les femmes entrepreneurs ont moins accès au crédit que leurs homologues masculins, en raison de l’inégalité dans la possession d’actifs immobilisés (par exemple, une terre ou une maison), pouvant servir de garantie pour obtenir des prêts. L’évolution des technologies financières peut être mise à profit pour résoudre le problème des garanties accessoires que doivent surmonter les femmes entrepreneurs éthiopiennes. Alibhai et coll. (2018) ont testé une technologie psychométrique qui, en prédisant la probabilité qu’un entrepreneur soit en mesure de rembourser un prêt, pourrait constituer une alternative aux garanties traditionnelles. La technologie d’évaluation psychométrique des prêts évalue la capacité (compétences commerciales et intelligence) et la volonté (éthique, honnêteté, attitudes et convictions) de rembourser un prêt. Les emprunteurs passent un test interactif sur tablette composé de jeux, de puzzles et de questions. S’ils dépassent un certain seuil, ils peuvent obtenir un prêt sans garantie d’un montant maximal de 7 500 dollars US. Les clients dont le score au test psychométrique est élevé seraient ainsi sept fois plus susceptibles de rembourser leurs emprunts que les clients moins performants. Ce projet pilote est actuellement étendu au Zimbabwe et à Madagascar, et d’autres suivront au Nigéria, en Zambie et en Côte d’Ivoire. En l’absence de garantie et compte tenu du peu d’informations disponibles sur la solvabilité des femmes emprunteuses, les tests psychométriques sont une solution prometteuse. Enfin, les liquidités dominent toujours les transactions de nombreux pauvres du monde malgré l’utilisation accrue des services financiers numériques. Dans ce contexte, les efforts en faveur de la culture numérique aideraient les utilisateurs potentiels à mieux maîtriser l’interface avec les systèmes financiers numériques. Des sessions de formation visant à comprendre les avantages des produits financiers numériques et, plus important encore, à les utiliser, augmenteront le recours aux comptes et dépôts numériques (Holloway, Niazi et Rouse 2017). Utilisation des technologies numériques par le gouvernement Les gouvernements ont contribué à la révolution de l’information en fournissant aux citoyens un accès aux portails gouvernementaux via internet. Les portails gouvernementaux devraient être des espaces d’interaction entre le gouvernement et les utilisateurs potentiels (par exemple, les citoyens et les entreprises). Les portails devraient répondre aux besoins des utilisateurs grâce à une prestation de services améliorée. La nature interactive de ces plateformes numériques peut potentiellement augmenter l’efficacité et réduire le coût des opérations du gouvernement. Cela peut également favoriser la transparence et la responsabilisation du secteur public (Gil-Garcia et Helbig 2007). Cependant, l’introduction des technologies numériques dans les opérations gouvernementales peut produire des résultats inattendus dans la mesure où elles sont limitées et/ou conditionnées par des arrangements organisationnels et institutionnels (Fountain 2009). Les plateformes numériques peuvent aider à réduire la bureaucratie et à améliorer l’accès aux services gouvernementaux. La plateforme numérique eCitizen au Kenya offre aux particuliers un accès à divers services via une série de portails. Elle leur permet notamment d’obtenir des licences, des permis d’exploitation, des certificats d’immatriculation d’entreprises et des permis de conduire. La plateforme permet aussi de faire des demandes de passeport et de rechercher de titres fonciers officiels. Les Kényans peuvent payer pour ces services en ayant recours à de l’argent mobile, à des cartes de débit et à des agents eCitizen. A F R I C A’ S P U L S E > 123 Les outils numériques ont accru l’efficacité des programmes de protection sociale ciblés en facilitant des canaux de paiement sécurisés en provenance et à destination du gouvernement. L’introduction de systèmes d’argent mobile a créé de nouveaux moyens de distribuer les transferts d’argent. Une expérience d’un programme de transfert d’argent par téléphonie mobile au Niger montre que les ménages bénéficiant de transferts mobiles présentent une diversité de régime alimentaire de 9 à 16 % supérieure et que leurs enfants consomment le tiers d’un repas par jour de plus. Ces meilleurs résultats sont en partie attribuables aux économies de temps liées aux transferts par téléphonie mobile. Les bénéficiaires du programme passent moins de temps à attendre leur transfert, et les transferts tendent à accroître le pouvoir de négociation des femmes dans le ménage. Des investissements dans l’infrastructure des paiements sont nécessaires pour développer ces programmes (Aker et coll. 2016). Les outils numériques ont créé au Kenya des programmes de protection sociale plus efficaces destinés aux jeunes (Fonds de développement des entreprises pour la jeunesse), à la population féminine (Fonds pour les femmes), aux personnes physiquement défavorisées (Fonds Uwezo), au transfert de fonds aux circonscriptions (Fonds de développement des circonscriptions), et aux zones marginalisées (le Fonds de péréquation, qui représente 0,5 % de tous les revenus générés au niveau national). Le transfert de ces fonds aux personnes et aux zones ciblées a été facilité par les systèmes de paiement électroniques. Ces systèmes non seulement assurent l’identification des destinataires, mais minimisent également les fuites (Ndung’u 2018). L’État indien d’Andhra Pradesh a déployé (au hasard) des cartes à puce authentifiées biométriquement à l’intention des bénéficiaires des programmes de garantie nationale de l’emploi rural (NREG) et de pension de sécurité sociale (SSP). Les programmes ont bénéficié à plus de 19 millions de personnes dans 157 sous- districts. Le système, bien que non entièrement mis en œuvre, a permis la mise en place d’un processus de paiement de NREG plus rapide et moins corrompu sans compromettre l’accès au programme (Muralidharan, Niehaus et Sukhtankar 2016). Les gains de temps pour les bénéficiaires du NREG étaient égaux au coût de l’intervention et il y avait une réduction importante de la « fuite » de fonds entre le gouvernement et les bénéficiaires des programmes NREG et SSP. Les bénéficiaires des programmes ont fortement préféré le nouveau système (Muralidharan, Niehaus et Sukhtankar 2016). L’utilisation de systèmes numériques pour les transferts du gouvernement vers les particuliers a eu des répercussions sur les systèmes de gestion des dépenses publiques. Banerjee et coll. (2017) examinent l’évaluation expérimentale d’une réforme du système de transferts fiscaux basée sur les TIC qui sous- tend le programme de travail en milieu rural dans l’État de Bihar en Inde. Le système de paiements anticipés aux organismes locaux (autorisés par des niveaux administratifs intermédiaires et uniquement soutenus a posteriori par une documentation sur l’utilisation des fonds) a été remplacé par un système d’organes locaux payés lors de la transmission directe d’une facture électronique indiquant les personnes embauchées et la durée de la période d’embauche. Les effets à court terme du traitement ont montré que les dépenses ont diminué de 17 %, que la participation au programme a augmenté et qu’aucun effet significatif n’a été constaté sur les salaires perçus. Le nombre de faux ménages a diminué de 5 % au fur et à mesure du déploiement du programme. Un déploiement progressif du système — mis en œuvre à l’échelle nationale en 2015 — aboutit à une réduction de 18 % des dépenses de programmes découlant du programme d’intensification qui persiste dans le temps (Banerjee et coll. 2017). Alors que les gouvernements continuent d’investir dans la révolution numérique, ils doivent former les fonctionnaires à l’exploitation et à l’optimisation de ces innovations. L’automatisation croissante des tâches gouvernementales libérera des ressources pour améliorer la prestation de services. Le renforcement des capacités des fonctionnaires est nécessaire pour intégrer l’innovation et renforcer leur rôle d’agent de changement dans l’espace du secteur public (Abdella 2016). De plus, investir dans une infrastructure de paiement sûre améliorerait la capacité des États à mettre en œuvre des programmes d’aide sociale dans les pays en développement (Banerjee et coll. 2017). 124 > A F R I C A’ S P U L S E 3.5 DÉBAT POLITIQUE Il est nécessaire de réduire la fracture numérique en Afrique par rapport aux autres pays en développement et avancés pour que la région puisse tirer parti des possibilités offertes par les TIC. Cependant, réduire les écarts dans l’économie numérique n’est pas suffisant. Les pays doivent disposer de bases analogiques solides. Par exemple, ils doivent se doter de réglementations favorisant la connectivité et la concurrence, de compétences numériques pour améliorer la technologie, de politiques concernant les marchés du travail et de produits facilitant la réallocation de la main-d’œuvre lorsque des opportunités technologiques se présentent. Ils doivent enfin mettre en place les politiques et institutions assurant la cybersécurité (Banque mondiale, 2016). Cette sous-section aborde trois fondements complémentaires de l’économie numérique : (a) le rôle des dispositifs et des politiques complémentaires pour renforcer l’impact de l’économie numérique, (b) la mise en œuvre de cadres réglementaires favorisant la concurrence, et (c) des cadres juridiques solides pour faire face aux risques cybernétiques. Dispositifs et politiques complémentaires visant à renforcer les effets de l’économie numérique sur la croissance La révolution numérique en Afrique n’est pas seulement une question de connectivité et d’accès, il s’agit de mettre en œuvre des politiques constructives permettant aux secteurs public et privé de participer à la nouvelle économie. Les gouvernements doivent mettre en œuvre des politiques favorables à l’adoption, à la diffusion et à l’utilisation de la technologie numérique. Cela comprend des politiques favorables au déploiement de réseaux internet de grande qualité à des prix concurrentiels. Par exemple, on pourrait envisager, parmi les mesures utilisées pour accroître l’utilisation, des réductions tarifaires et fiscales sur l’utilisation à des fins commerciales des technologies numériques (Dutz, Almeida et Packard 2018). La figure 3.27 montre la nécessité de poursuivre la mise en œuvre de mesures politiques renforçant les FIGURE 3.14 : Adoption des technologies numériques et des L’adoption rapide compléments analogiques indispensables des technologies compléments « analogiques » (par numériques repose exemple le climat des affaires, les 1 sur la fourniture compétences et les institutions) ,9 de compléments pour accélérer l’adoption des ,8 “analogiques” technologies numériques. adéquats. ,7 Technologie digitale Les mesures politiques relatives ,6 MUS ZAF à l’éducation, aux compétences ,5 SYC KEN et au marché du travail jouent NGA RWA GHA BWA ,4 MRT NAM un rôle clé. Elles contribuent à AGO ZWE GMB CMR SEN garantir que les compétences ,3 ZMB MLI UGA GAB SWZTZA LSO ETH MOZ disponibles sur le marché du ,2 MWI SLE BEN travail incluent l’adoption et ,1 BDI LBR l’utilisation des technologies 0 numériques. Au fur et à mesure 0 ,1 ,2 ,3 ,4 ,5 ,6 ,7 ,8 ,9 1 que les technologies numériques Compléments analogiques deviennent de plus en plus Afrique subsaharienne Reste du monde Source : Banque mondiale 2016b) sophistiquées, la combinaison Remarque : La « technologie » est mesurée par l’indice d’adoption numérique (DAI). Le DAI est basé de compétences nécessaire sur trois sous-indices sectoriels couvrant le taux d’adoption pour les entreprises, les particuliers et les gouvernements, chaque sous-indice étant normalisé et doté d’un poids égal. De même, les « pour réussir sur le marché du compléments » représentent la moyenne de trois sous-indicateurs : le démarrage d’une entreprise, les années d’études adaptées aux compétences, et la qualité des institutions. travail change radicalement. A F R I C A’ S P U L S E > 125 Il est impératif que les systèmes d’éducation et de formation suivent le rythme rapide de l’innovation. Les politiques concernant le marché du travail sont également importantes pour favoriser l’inclusion. Les données montrent qu’une stricte réglementation du travail limite la possibilité pour les entreprises d’engager des travailleurs peu qualifiés pour effectuer des tâches courantes et manuelles (Dutz, Almeida et Packard 2018). Les programmes d’enseignement et de formation destinés aux entreprises devraient favoriser la réallocation des tâches entre les travailleurs à mesure que les possibilités technologiques se développent ou évoluent, ainsi que la mobilité des travailleurs d’une entreprise ou d’un secteur à l’autre. Les politiques relatives aux marchés de produits peuvent élargir les possibilités. Elles peuvent aussi renforcer les incitations à accroître l’activité économique en réponse aux augmentations de productivité résultant de l’adoption des technologies numériques. Les politiques favorables aux marchés de produits comprennent notamment la promotion de la concurrence sur le marché local (c’est-à-dire la réduction des coûts d’entrée et de sortie du secteur et l’application de lois adéquates en matière de faillite pour protéger les intérêts des investisseurs), l’amélioration de l’accès au financement et la qualité de la gestion. Un cadre réglementaire qui favorise la concurrence L’insertion de l’Afrique dans l’économie numérique et la capacité du continent à en tirer les avantages devraient reposer sur le développement de l’infrastructure numérique, des plateformes et des compétences numériques requises. Elle devrait également reposer sur la fourniture des compléments analogiques qui renforcent les cadres réglementaires favorisant la concurrence entre les entreprises. Les politiques TIC de première génération impliquant la concurrence sur le marché, la participation du secteur privé et une réglementation peu coercitive a débouché sur un accès et une accessibilité financière quasi universels. La concurrence du marché, les partenariats public-privé, et une réglementation efficace des opérateurs Internet et du mobile encourage l’investissement privé susceptible de contribuer à la réalisation de l’objectif d’accès et d’accessibilité financière universels. Les pays africains se caractérisent par les structures de marché les plus concentrées et les prix les plus élevés du monde (Banque mondiale, 2019c). L’Afrique compte 33 pays avec un opérateur de réseau sans fil dominant (plus de 50 % du marché). Trois de ces pays comptent un opérateur (sans fil) en situation de monopole et cinq autres pays ont un opérateur bénéficiant de plus de 70 % de part de marché. Trente-deux des 39 pays déclarants de la région ont un opérateur dominant dans le large bande fixe (plus de 50 % du marché). Trois pays ont un opérateur (fixe) en situation de monopole et 15 autres ont un opérateur bénéficiant d’une part de marché de plus de 70 %. Le dégroupage de la boucle locale a été entièrement mis en œuvre dans six des 40 pays déclarants, ce qui permet à d’autres opérateurs d’utiliser les connexions large bande fixes d’un opérateur donné, du centre local aux locaux du client. Ce processus réglementaire augmente généralement la concurrence et réduit les prix. Vingt-trois des 25 pays les plus chers en téléphonie mobile, 21 des 25 plus chers en large bande mobile et 21 des 25 pays les plus chers en large bande fixe se trouvent en Afrique. Cinq des dix principaux pays (et huit des vingt) qui présentent le ratio recettes de télécommunication/PIB le plus élevé en 2016 se trouvent en Afrique (ITU 2018)33. Toutes les dimensions fondamentales de l’économie numérique (infrastructures, plateformes, services financiers, compétences et entrepreneuriat) exigent une concurrence effective. Les entreprises opérant dans l’économie numérique, qu’il s’agisse d’offrir une connectivité numérique, des solutions de paiement ou des plateformes numériques, doivent être sur un pied d’égalité. La concurrence peut aider à réduire les prix et à développer l’usage. Tous les aspects de l’économie numérique doivent être inclusifs et réduire la fracture numérique entre les sexes, les revenus et les zones rurales. Les faits montrent que l’économie numérique (en particulier l’argent mobile) peut contribuer à réduire la fracture entre les sexes. 33 Sept des huit pays sont en Afrique francophone, et cinq ont le même opérateur panafricain comme opérateur dominant. Les recettes des télécommunications comprennent les frais de transaction de l’argent mobile, lesquels varient substantiellement selon les opérateurs et selon les pays. 126 > A F R I C A’ S P U L S E Les réglementations et la concurrence dans l’économie du numérique, ainsi que leurs impacts sur le développement des marchés seront analysés en détail dans Banque mondiale (2019a). Dans ce contexte, le rapport produit par African Regulatory Watch Initiative (ARWI) démontre les impacts et réglementaires sur le développement des marchés dans la CEDEAO (Banque mondiale 2018e). Premièrement, les pays ayant la plus forte pénétration du large bande (Nigéria, Cabo Verde, Ghana, Sénégal et Côte d’Ivoire) ont soit un cadre de licences modernes et transparents, soit une mise en application vigoureuse de leurs cadres réglementaires. Deuxièmement, les pays ayant la plus faible pénétration Internet et de faibles taux de croissance (Bénin, Burkina Faso, Guinée, Guinée-Bissau, Niger, Sierra Leone et Togo) ont un régime de licence restrictif avec de sévères restrictions pour l’entrée sur le marché. Troisièmement, le rapport fait valoir que l’ouverture du régime de licence et sa mise en application encourage la concurrence et le développement des marchés large bande. La réglementation est essentielle pour créer un environnement propice à l’utilisation novatrice et audacieuse de la technologie. Cependant, les responsables politiques doivent trouver un équilibre entre la libre circulation des données ou des informations et les politiques de confidentialité. À l’ère de l’information, les données sont devenues la nouvelle monnaie et créent des opportunités uniques pour les travailleurs et les entrepreneurs. Tandis que les gouvernements continuent à décentraliser la prise de décision et à améliorer leur réactivité, ils cherchent à responsabiliser leurs citoyens en leur fournissant des données significatives. La démocratisation de l’information joue un rôle clé dans l’égalisation des chances. Dans ce contexte, il faut redoubler d’efforts au niveau réglementaire pour accroître l’accès à un internet abordable et garantir la participation d’un plus grand nombre de personnes à l’économie de l’information. Cadres juridiques pour faire face aux risques relatifs à la cybersécurité À mesure que les pays africains s’intègrent davantage dans l’économie numérique, le rôle et l’importance de l’information et de la cybersécurité augmentent. Peu de gouvernements de la région ont mis en œuvre des stratégies nationales en matière de cybersécurité et par conséquent, la plupart d’entre eux sont en position de faiblesse pour faire face aux cybermenaces. Seulement 20 % des États africains ont mis en place un cadre juridique pour la cybersécurité et seulement 11 pays ont promulgué des lois substantielles pour lutter contre la cybercriminalité (Commission de l’Union africaine, 2016). Au Kenya, la loi sur les abus informatiques et la cybercriminalité vise à lutter contre les pertes financières principalement causées par les logiciels bancaires malveillants (malware) et les systèmes de copie de cartes bancaires (skimmers), qui s’élevaient en 2017 à 208 millions de dollars US (Serianu 2017). Dans les pays où les lois et les procédures sont déjà en place, les cycles législatifs rattrapent toujours le rythme rapide de l’innovation dans l’économie numérique. La cybercriminalité en Afrique devient de plus en plus sophistiquée et crée des pertes financières considérables. En 2017, le coût de la cybercriminalité était estimé à 3,5 milliards de dollars US, dont 649 millions de dollars US de pertes pour le Nigéria. Cette situation est exacerbée par le manque de technologie et de compétences pour parer à ces attaques. Plus de 90 % des entreprises africaines, et en particulier les PME, opèrent au-dessous du seuil minimum de cybersécurité. Autrement dit, ces entreprises ne disposent ni des compétences, ni des ressources nécessaires pour protéger, détecter et réagir aux menaces liées à la cybersécurité. De nombreuses entreprises manquent d’une compréhension globale de leurs risques cybernétiques et d’une stratégie efficace pour y faire face (Serianu 2017). Construire un cyberespace résilient (qui résiste aux attaques) est une tâche ardue. Les fonctions de sécurité doivent être renforcées pour protéger les informations et les infrastructures essentielles, que ce soit pour les plateformes numériques, les services financiers, les transports ou l’énergie34. De même, la confidentialité des informations des personnes d’un secteur à l’autre requiert des garanties solides, en particulier des lois sur la protection des données et de la vie privée. D’autres domaines, tels que 34 En 2017, Serianu, une société kényane de services informatiques et de conseil aux entreprises, a ouvert des centres de formation technique au Kenya et à Maurice afin de former des personnes aux techniques de cybersécurité.sur le texte reviens toujours en arrière A F R I C A’ S P U L S E > 127 la fiscalité, le commerce et les droits de propriété intellectuelle, sont importants pour une économie numérique et dépendent de la maturité du développement et des besoins du pays. Le renforcement des capacités des dirigeants, des institutions, des politiques et des réglementations sera essentiel dans le contexte d’un marché numérique unique pour protéger l’Afrique contre le risque d’exploitation numérique, pour que l’économie numérique soit réellement inclusive et pour que l’Afrique soit en position de limiter les risques possibles. ENCADRÉ 3.1 : Comme nous l’avons expliqué tout au long de cette section, l’économie numérique est un outil Jusqu’où potentiel pour accroître la productivité et réduire l’extrême pauvreté. L’initiative Moonshot pour le l’Afrique est- elle parvenue numérique en Afrique est une politique ambitieuse et stratégique visant à améliorer les conditions à atteindre un de vie en général sur le continent africain. Cependant, les pays africains souffrent toujours d’un faible accès universel accès à internet, en partie à cause de la concentration des structures de marché. La sous-section 3.3 à internet ? montre que, même si les chiffres s’améliorent, l’Afrique compte toujours beaucoup moins d’abonnés au téléphone mobile et un accès internet nettement plus faible que d’autres régions. En 2018, environ une personne sur cinq ne disposait pas d’un abonnement à un service mobile cellulaire en Afrique, tandis qu’une personne sur quatre avait accès à internet (TeleGeography). Cette section est l’accent sur la taille des marchés de la téléphonie mobile et de l’internet en Afrique. Si le Moonshot numérique doit être atteint d’ici 2030, il faut examiner de plus près les indicateurs qui permettent de mieux saisir « l’universalité ». Dans ce contexte, pour garantir l’universalité de l’accès, il faut examiner l’évolution du nombre d’abonnements « uniques » plutôt que du nombre de connexions, car un abonné unique peut avoir plusieurs connexions. La figure B3.1.1 décrit les écarts d’universalité pour les abonnés uniques aux services mobiles (« Total mobile »), les utilisateurs Pour atteindre un FIGURE B3.1.1 : Écart d’universalité : abonnés uniques et nombre de uniques qui ont utilisé des accès universel aux connexions, 2018 services internet sur leurs services mobiles (pourcentage de la population totale du marché) appareils mobiles (internet en Afrique, plus 120 mobile) et les écarts de la moitié de la population correspondants au nombre Pourcentage de la population totale du marché doit encore être 100 de connexions (représentés connectée. par des « connexions 80 supplémentaires » ou des cartes SIM supplémentaires). 60 À la fin de 2018, le nombre de connexions en Afrique 40 représentait 78,5 % de la population, tandis que le nombre d’abonnés uniques 20 représentait 47,1 % de la population. Ces résultats 0 Afrique (AFR), Afrique du Afrique Afrique du Afrique du Afrique impliquent que pour atteindre internet Nord, internet subsaharienne, Nord, total Nord, subsaharienne, l’universalité dans la région mobile mobile Internet mobile mobile total mobile total mobile Afrique, plus de la moitié de Abonnés uniques Connexions supplémentaires la population du continent a Source : GSMA (2017, 2018). encore besoin d’abonnements 128 > A F R I C A’ S P U L S E à des services mobiles. L’écart par rapport à l’accès universel en termes d’abonnés uniques en ENCADRÉ 3.1 Suite Afrique est semblable à celui de l’Afrique subsaharienne. Cependant, la situation est différente en Afrique du Nord. Le nombre total de connexions à la fin de 2018 dépassait la population totale (118,1 %), tandis que le nombre total d’abonnés représentait 70 % de la population totale. En d’autres termes, l’écart par rapport à l’universalité est moindre dans cette région (environ 30 %). L’écart dans l’accès universel à internet est encore plus grand pour le continent africain. Le nombre d’abonnés uniques à l’internet mobile représente environ 24 % de la population, tandis que le nombre de connexions compatibles large bande mobile est de 34 %. En d’autres termes, l’universalité de l’accès à internet nécessiterait la connexion d’environ trois quarts de la population du continent (un déficit similaire à celui de l’Afrique subsaharienne). Dans le cas de l’Afrique du Nord, 60 % de la population doit être connectée à internet pour avoir un accès universel. La figure B3.1.2 illustre le nombre d’abonnés uniques à l’internet mobile et l’écart par rapport au nombre correspondant de connexions large bande mobile dans les pays africains à la fin de 2018. Les pays sont classés en fonction du nombre d’abonnés uniques en pourcentage de la population. Il existe de nombreux pays peu performants sur le continent africain, où la part des abonnés uniques à l’internet mobile ne dépasse pas 10 % de la population, notamment le Sud-Soudan et l’Érythrée. En revanche, dans certains pays de la région, la part des abonnés uniques à l’internet mobile est supérieure ou égale à 40 % de la population. Il s’agit notamment du Maroc, du Botswana, des Seychelles, de Maurice, de l’Afrique du Sud, de l’Algérie et de la Tunisie. En résumé, ces chiffres montrent que les pays d’Afrique du Nord ont progressé davantage que les pays d’Afrique subsaharienne en ce qui concerne la réduction de l’écart dans l’accès universel à internet. FIGURE B3.1.2 : Abonnés uniques à l’internet mobiles et nombre de Les pays d’Afrique connexions haut débit mobile en Afrique, par pays, 2018 du Nord ont (pourcentage de la population totale du marché) progressé davantage que 140 les pays d’Afrique subsaharienne en Pourcentage de la population totale du marché 120 ce qui concerne la réduction de l’écart dans l’accès 100 universel à internet. 80 60 40 20 0 COM SSD ERI * BDI SOM GNB DJI NER * CAF * LBR GNQ * MDG * MWI TCD * TZA MOZ GMB COD * GIN TGO UGA BFA ZMB MLI ETH KEN SLE BEN * RWA * SDN CIV COG ZWE AGO STP MRT NAM SEN NGA CMR * GAB SWZ GHA EGY CPV LSO LBY MAR BWA SYC MUS ZAF DZA TUN Abonnés uniques à l’Internet mobile Connexions supplémentaires à haut débit mobile Source : GSMA (2017, 2018). Remarque : * indique l’indisponibilité/l’irrégularité des données sur les connexions haut débit mobile. A F R I C A’ S P U L S E > 129 Annexe 3A : L’économie numérique : faits stylisés Cette annexe présente les valeurs médianes de l’économie numérique pour les pays africains selon quatre dimensions : (a) infrastructure numérique, (b) plateformes numériques, (c) entrepreneuriat numérique, et (d) services financiers numériques. Ces médianes sont calculées non seulement pour le continent africain mais aussi pour des groupes de pays classés en fonction de leur localisation géographique (Afrique du Nord, Afrique subsaharienne, Afrique de l’Est et Afrique australe, Afrique centrale et occidentale) et leur situation de fragilité. Elles sont comparées aux médianes de groupes de pays classés selon le niveau de revenu en excluant les pays de la région Afrique (pays à faible revenu, revenu intermédiaire inférieur, revenu intermédiaire supérieur et revenu élevé). Le tableau 3A.1 montre l’évolution de deux groupes différents d’indicateurs d’infrastructures numériques, les services large bande fixe et les services large bande mobile et autres services large bande. Le tableau 3A.2 évalue le statut de l’Afrique en termes de plateformes numériques et d’entreprenariat numérique par rapport à des comparateurs. Les plateformes numériques comprennent des informations sur le pourcentage de personnes disposant d’une identification numérique, sur la disponibilité et la convivialité des plateformes numériques des pouvoirs publics, et sur la participation de la population à des réseaux virtuels, en particulier des réseaux professionnels tels que LinkedIn. L’entrepreneuriat numérique est mesuré par des indicateurs évaluant la qualité de l’entrepreneuriat et la profondeur de l’écosystème entrepreneurial de soutien. Finalement, le tableau 3A.3 montre la pénétration des services financiers numériques en Afrique par rapport aux autres régions du monde. Les indicateurs peuvent se classer en trois grands groupes : (a) pénétration des comptes d’argent mobile parmi la population adulte, (b) utilisation des comptes d’argent mobile pour les paiements agricoles et les transferts é fonds nationaux, et (c) les paiements numériques mesurés par le pourcentage de la population adulte effectuant ou recevant des paiements numériques, et le pourcentage de la population adulte utilisant l’Internet pour soit effectuer des paiements soit acheter des objets en ligne. 130 > A F R I C A’ S P U L S E TABLEAU 3A.1 : Infrastructure numérique en Afrique subsaharienne, 2010 – 2012 et 2015 – 2017 Services fixes à large bande Services mobiles à large bande et services mobiles Quantité Qualité Abordabilité Frais fixes Quantité Large Quantité Accès   Large bande fixe Activation large bande   bande mobile abonnements % de la population couverte Abonnements services FB Abonnements tél. portables (par habitant) (jours) Connexion Mensuelle Un réseau minimum minimum Frais Abonnement (par habitant) (par habitant) mobile Réseau 3G LTE/WiMax Afrique 2010-12 0,06 10,7 57,6 56,5 1,49 58,2 89,6 36,5 5,3 2015-17 0,27 4,5 41,8 28,2 21,87 81,1 93,0 55,3 21,6 Afrique du Nord 2010-12 1,65 12,3 58,1 13,6 8,34 103,1 98,9 77,3 ,, 2015-17 3,58 17,3 50,5 12,5 49,09 118,2 99,0 81,7 64,9 Afrique subsaharienne 2010-12 0,06 9,0 56,1 59,5 1,48 52,2 86,3 35,0 5,3 2015-17 0,20 3,8 38,0 29,9 21,33 80,4 92,9 52,0 21,5 Afrique orientale & aust. 2010-12 0,06 11,0 57,6 71,0 1,49 47,0 90,0 42,5 5,3 2015-17 0,27 3,5 35,8 27,8 24,38 71,8 93,0 66,1 21,0 Afrique occidentale & 2010-12 0,06 9,0 60,1 55,6 1,17 56,2 79,8 25,0 ,, centrale 2015-17 0,11 4,0 42,5 30,5 16,55 82,2 92,0 43,8 21,4 Afrique par incidence FCV Impactés par les FCV 2010-12 0,04 15,0 68,3 128,7 0,69 32,0 77,9 20,0 22,0 2015-17 0,07 5,0 88,5 38,6 12,67 55,6 86,0 43,8 16,3 Non impactés par les FCV 2010-12 0,17 9,0 49,6 50,7 3,16 65,6 96,0 43,5 5,2 2015-17 0,43 3,8 37,7 24,0 30,00 88,1 96,8 73,1 30,9 Critères d’évaluation : groupes de revenus à l’exclusion de l’Afrique Faibles revenus 2010-12 0,11 ,, ,, ,, 5,46 45,4 59,7 59,9 ,, 2015-17 0,02 7,0 ,, ,, 13,22 62,5 87,2 54,0 20,1 Revenus moyens 2010-12 0,93 3,0 25,4 21,5 3,89 87,6 98,5 50,8 8,4 (tranche inférieure) 2015-17 2,83 5,0 14,7 11,1 34,62 104,8 98,3 80,3 39,3 Revenus moyens 2010-12 6,23 1,3 29,8 20,1 14,23 102,1 99,1 77,7 9,8 (tranche supérieure 2015-17 11,45 2,5 23,2 17,0 61,70 113,2 100,0 94,9 68,6 Revenus élevés 2010-12 22,76 6,4 ,, ,, 41,49 119,6 99,7 95,7 50,0 2015-17 28,48 7,0 ,, ,, 91,20 126,3 99,8 99,3 98,0 A F R I C A’ S P U L S E Sources : International Telecommunication Union et TeleGeography. > 131 TABLEAU 3A.2 : Plateformes et entreprenariats numériques, 2017 et 2018 (Médians régionaux et par groupes) 132 ASS Revenus Revenus > Région Afrique du Afrique centrale et ASS orientale Impactés Non impactés Faibles moyens moyens Revenus Afrique Nord subsaharienne occidentale et australe par les FCV par les FCV Revenus (tranche (tranche élevés inférieure) supérieure) En possession d’une carte d’identité nationale 76,2 92,8 70,7 68,1 82,7 59,3 83,9 71,4 90,3 97,8 94,9 (% des plus de 15 ans) Indice de développement e-gouvernement (0-1) 0,33 0,46 0,31 0,28 0,37 0,26 0,40 0,30 0,53 0,66 0,83 Indice des services en ligne 0,32 0,41 0,32 0,26 0,41 0,21 0,48 0,31 0,57 0,70 0,93 A F R I C A’ S P U L S E Indice e-participation 0,33 0,40 0,33 0,28 0,39 0,19 0,43 0,37 0,62 0,71 0,92 Utilisation des réseaux professionnels virtuels 5,2 5,7 5,1 5,1 5,0 4,4 5,3 4,8 5,4 5,6 6,1 Utilisation des réseaux sociaux virtuels 31,5 63,1 28,5 30,0 27,8 10,8 43,5 14,4 57,2 133,3 325,8 Indice mondial d’entreprenariat 18,3 25,9 16,0 15,7 18,3 14,0 19,4 25,0 20,1 29,4 57,4 Sous-indice attitudes 16,6 28,3 16,6 17,3 14,4 14,1 19,0 20,9 17,9 28,9 54,2 Sous-indice capacité 18,0 23,5 16,0 15,3 18,3 15,3 19,3 25,7 22,8 29,1 60,9 Sous-indice aspirations 16,6 36,6 15,4 13,7 17,8 13,7 18,1 28,5 21,2 28,8 62,2 Sources : Demirgüç-Kunt et al. 2018; United Nations 2018; GEDI 2018. TABLEAU 3A.3 : Services financiers numériques : comptes monétaires et transactions numériques, 2017 (médianes régionales et par groupe) Monde (hors Afrique) ASS Revenus Revenus Région Afrique du Afrique centrale et ASS orientale Impactés Non impactés Faibles moyens moyens Revenus Afrique Nord subsaharienne occidentale et australe par les FCV par les FCV Revenus (tranche (tranche élevés inférieure) supérieure) (a) Comptes d’argent mobile Total (% des plus de 15 ans) 20,57 1,79 21,46 17,10 27,64 20,30 21,87 7,22 3,74 4,74 15,44 Par genre : hommes (% des plus de 15 ans) 23,87 1,67 24,61 21,63 29,10 22,83 24,61 8,41 4,69 5,89 16,95 Par genre : femmes (% des plus de 15 ans) 17,55 0,54 18,34 13,41 25,82 15,99 18,64 6,09 2,96 3,81 13,03 Par âge : jeunes adultes (% 15 à 24 ans) 21,96 1,77 24,71 18,18 27,52 20,58 25,04 6,01 5,82 5,33 6,90 Par âge : adultes plus âgés (% des plus de 25 ans) 19,50 1,37 19,92 17,31 27,06 19,47 19,92 7,90 3,09 4,54 16,45 Par revenus : 40% les plus pauvres (% des plus de 15 ans) 12,32 0,30 13,51 12,83 15,23 11,66 12,48 3,43 1,95 2,96 9,66 Par revenus : 60% les plus riches (% des plus de 15 ans) 24,22 2,23 26,54 20,79 34,06 23,62 28,67 9,73 5,05 5,05 19,28 Ruraux (% des plus de 15 ans) 19,09 0,75 20,47 15,62 25,51 19,05 19,14 5,72 3,38 3,96 6,83 (b) Utilisation des comptes d’argent mobile dans l’agriculture et les transferts de fonds Paiements reçus pour les produits agricoles au cours de la dernière année (% des plus de 15 ans) Total (% des plus de 15 ans) 25,64 5,87 26,31 25,82 29,34 26,70 25,45 23,33 13,74 6,19 4,97 Ruraux (% des plus de 15 ans) 28,39 9,86 30,89 30,38 32,02 28,40 28,37 25,61 20,15 9,21 6,43 TABLEAU 3A.3 Suite Monde (hors Afrique) ASS Revenus Revenus Région Afrique du Afrique centrale et ASS orientale Impactés Non impactés Faibles moyens moyens Revenus Afrique Nord subsaharienne occidentale et australe par les FCV par les FCV Revenus (tranche (tranche élevés inférieure) supérieure) Paiements reçus pour les produits agricoles au moyen d’un téléphone portable Total (% des plus de 15 ans) 2,70 0,10 2,73 2,15 3,13 1,71 3,05 1,31 0,17 0,25 ,, Total (% des destinataires de paiement de plus de 15 ans) 9,74 0,91 10,17 9,43 15,58 5,78 13,72 6,34 0,89 2,37 ,, Transferts de fonds domestiques reçus : au moyen d’un téléphone portable Total (% des plus de 15 ans) 14,61 0,22 15,43 14,43 17,26 13,41 14,79 2,27 1,34 1,39 1,17 Total (% des destinataires de plus de 15 ans) 52,83 1,61 55,95 52,80 61,59 46,23 52,87 10,82 7,19 7,46 7,90 Envoi de transferts de fonds domestiques : au moyen d’un téléphone portable (% des plus de 15 ans) Total (% des plus de 15 ans) 13,09 0,60 14,12 12,27 15,97 10,49 14,34 2,63 1,98 1,96 1,44 Total (% des expéditeurs de plus de 15 ans) 52,49 3,86 55,83 48,46 60,05 49,32 55,66 13,51 10,70 12,43 9,13 Paiements numériques Ont effectué des paiements numériques au cours de l’année passée Total (% des plus de 15 ans) 24,7 15,6 27,3 24,1 33,9 20,3 32,3 15,9 25,1 42,2 89,0 Par genre : hommes (% des plus de 15 ans) 30,9 20,4 33,8 29,6 38,9 23,7 36,5 18,6 27,4 43,2 91,4 Par genre : femmes (% des plus de 15 ans) 19,9 10,8 21,9 17,9 32,5 17,3 25,3 13,5 16,7 39,2 87,0 Rural (% des plus de 15 ans) 22,5 9,9 25,7 19,3 31,9 16,9 29,6 13,5 21,6 36,5 88,4 Ont reçu des paiements numériques au cours de l’année passée Total (% des plus de 15 ans) 20,0 18,0 22,8 17,7 28,9 15,7 26,0 14,8 20,1 41,2 69,4 Par genre : hommes (% des plus de 15 ans) 24,7 21,8 25,0 22,1 33,6 19,4 29,2 17,7 22,2 42,8 73,1 Par genre : femmes (% des plus de 15 ans) 16,0 14,0 16,6 11,3 24,5 10,6 22,5 12,8 17,2 36,7 69,8 Ruraux (% des plus de 15 ans) 19,0 19,3 18,6 15,1 27,4 13,6 24,5 13,5 17,4 40,2 70,6 Ont utilisé internet pour payer des factures au cours de l’année passée Total (% des plus de 15 ans) 4,22 2,15 4,43 4,02 7,59 3,70 4,90 3,99 4,49 11,61 49,68 Par genre : hommes (% des plus de 15 ans) 6,08 2,95 6,30 5,01 9,65 4,94 6,99 4,97 6,24 12,60 54,22 Par genre : femmes (% des plus de 15 ans) 2,83 1,61 3,00 2,26 5,70 2,40 3,13 3,12 3,35 10,29 46,01 Ruraux (% des plus de 15 ans) 3,22 0,91 3,33 2,35 6,74 2,11 4,25 3,62 3,79 8,40 47,03 Ont utilisé internet pour effectuer un achat en ligne au cours de l’année passée (% des plus de 15 ans) Total (% des plus de 15 ans) 2,61 2,80 2,61 2,22 3,82 1,88 3,21 2,13 3,95 14,57 51,12 Par genre : hommes (% des plus de 15 ans) 3,47 3,94 3,47 2,85 5,34 2,76 4,14 2,08 4,80 16,29 54,55 Par genre : femmes (% des plus de 15 ans) 1,71 1,82 1,64 1,60 2,28 1,32 2,11 2,26 3,49 13,28 48,76 Ruraux (% des plus de 15 ans) 1,66 1,58 1,73 1,45 3,32 1,46 2,30 1,67 3,08 12,42 51,65                               Source : Demirgüç-Kunt et coll. 2018. A F R I C A’ S P U L S E > 133 Annexe 3B : L’impact de l’économie numérique sur la croissance de la pauvreté Cette annexe estime l’impact des variables d’économie numérique sur la croissance pour un ensemble de données chronologiques et transversales groupées portant sur 52 pays africains. La méthode d’estimation utilisée est la méthode des moments généralisés (GMM-IV) pour modèles dynamiques de données de panel, mise au point par Arrellano et Bover (1995) et Blundell et Bond (1998). Cette méthode convient à l’analyse des données de panel, traite les spécifications d’une régression dynamique, permet de neutraliser les effets temporels et de pays non observés, et prend en compte l’endogénéité probable des variables explicatives. Cette technique économétrique traite les effets temporels non observés grâce à l’inclusion de constantes pour des périodes spécifiques. Traiter des effets non observés est complexe, étant donné que le modèle est dynamique et contient des variables explicatives endogènes. La méthode utilise donc la différenciation et l’instrumentation pour neutraliser les effets non observés sur les pays et l’endogénéité probable et la causalité inverse. Elle supprime l’hypothèse d’une forte endogénéité des variables explicatives en corrélant ces dernières avec les valeurs actuelles et antérieures du terme d’erreur. L’identification des paramètres est réalisée en supposant que les valeurs futures du terme d’erreur n’affectent pas les valeurs actuelles des variables explicatives, que le terme d’erreur n’est pas autocorrélé et que les modifications des variables explicatives ne sont pas corrélées avec l’effet non observé spécifique au pays. Cet ensemble d’hypothèses génère des conditions de moment permettant d’estimer les paramètres d’intérêt35. La variable d’intérêt est l’économie numérique, représentée par trois indicateurs de l’infrastructure numérique : a) abonnements fixes à large bande pour 100 habitants, b) croissance du nombre d’internautes en pourcentage de la population et c) abonnements téléphones mobiles pour 100 personnes. Les deux premiers indicateurs mesurent l’Internet, et le dernier est une variable fortement corrélée au large bande mobile. Le choix de ces indicateurs pour représenter l’économie numérique satisfait à deux conditions : pertinence et disponibilité de séries chronologiques. L’émergence de cette technologie au cours des deux dernières décennies réduit la couverture temporelle par rapport à d’autres analyses de la croissance portant sur l’impact des infrastructures. Compte tenu de la colinéarité probable des trois indicateurs ci-dessus, nous construisons également deux indicateurs synthétiques de l’économie numérique en utilisant l’analyse en composantes principales : le premier indicateur (PCA1) agglomère les trois variables (large bande fixe, internautes et abonnements cellulaires), tandis que le second indicateur (PCA2) capture les informations des deux derniers indicateurs (internautes et abonnements cellulaires). L’estimation de la régression de la croissance neutralise un ensemble standard de déterminants de la croissance qui rendent compte de la convergence transitoire, de la stabilisation et des politiques structurelles (Loayza, Fajnzylber et Calderón, 2005). La convergence transitoire est l’une des principales implications du modèle de croissance néoclassique. Ce facteur dépend de la position initiale de l’économie et indique que, toutes choses égales par ailleurs, les pays pauvres auraient tendance à croître plus vite que ceux qui se trouvent dans des conditions favorables en raison de la diminution des rendements marginaux des facteurs de production. Pour prendre en compte cet effet, nous utilisons le niveau initial de PIB par habitant dans l’ensemble des variables explicatives. La variable de stabilisation prise en compte dans cette analyse est l’inflation. Elle permet de prendre en compte le manque de stabilité des prix, comme la variation annuelle moyenne en pourcentage des prix à la consommation. 35 Une analyse plus détaillée de la méthodologie économétrique est fournie par Calderón et Cantú (2019). 134 > A F R I C A’ S P U L S E Pour les variables structurelles considérées dans cette recherche, nous examinons d’abord le niveau de développement financier. La littérature montre qu’il est un moteur important de la croissance au niveau des pays, des industries et des entreprises. Le développement financier est représenté par le ratio du crédit privé (fourni par les institutions financières) au PIB. Ce ratio constitue le deuxième indicateur de notre ensemble de facteurs structurels. La profondeur financière est censée faciliter la diversification des risques, aider à identifier les investissements rentables et mobiliser l’épargne36. Ensuite, nous examinons les distorsions que le gouvernement peut imposer au secteur privé, également appelé fardeau gouvernemental. Cette variable utilise le ratio de la consommation publique au PIB. Un lourd fardeau gouvernemental affectera les impôts et donc le secteur privé. La qualité de la gouvernance dans le pays constitue un autre facteur structurel. Le niveau et l’efficacité de la discipline institutionnelle ont un impact sur la croissance. La variable repose sur l’analyse en composantes principales de quatre mesures du Guide international sur les risques pays (ICRG) : la prévalence de l’ordre public, la qualité de la bureaucratie, l’absence de corruption et la redevabilité des fonctionnaires. Enfin, nous examinons le capital humain, qui est représenté par l’éducation et généralement mesuré par le nombre brut d’inscriptions dans les établissements secondaires, estimé par Barro et Lee (2013). Ce facteur joue un rôle direct dans la littérature sur la croissance endogène et complète d’autres facteurs, tels que le capital physique (voir Bravo-Ortega et De Gregorio 2002). Économie numérique et croissance économique : une analyse de régression Cette sous-section traite de l’estimation de la relation empirique entre les indicateurs de l’économie numérique et la croissance pour un échantillon de données de panel non équilibré comprenant 52 pays africains37. Les données sont organisées en périodes de cinq ans sans chevauchement. Le tableau 3B.1 présente les résultats de l’estimation du système GMM-IV. Les trois premières colonnes analysent la relation entre différentes variables substitutives de l’économie numérique et la croissance. Les autres colonnes analysent l’impact sur la croissance des deux indicateurs synthétiques de l’infrastructure numérique (PCA1 et PCA2) ainsi que leur interaction avec le capital humain (comme le montre l’analyse de régression par le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire). La variable dépendante est le taux de croissance annuel moyen du PIB par habitant. Les résultats de l’estimation GMM-IV dans toutes les colonnes indiquent un coefficient négatif et significatif pour le niveau initial de PIB par habitant (en logarithmes). Ces résultats fournissent des preuves de la convergence conditionnelle du PIB par habitant. En raison de la probabilité de colinéarité entre les abonnements large bande fixe et les abonnements au téléphone cellulaire, les variables d’économie numérique sont insérées dans la régression séparément ou conjointement. La colonne [1] présente l’estimation de base comprenant uniquement les abonnements large bande fixe (pour 1 000 personnes). La pénétration du large bande fixe à elle seule a une relation positive et causale avec la croissance par habitant. La colonne [2] inclut individuellement la croissance du nombre d’internautes et le nombre d’abonnements au téléphone cellulaire (pour 1 000 personnes). Ces deux mesures de l’infrastructure numérique prises en compte dans la régression, les abonnements à la téléphonie mobile et la croissance du nombre d’internautes, ont également un impact positif et significatif sur la croissance du PIB réel par habitant. La colonne [3] comprend les trois indicateurs de l’infrastructure numérique. L’absence de signification statistique peut indiquer la présence d’une multicolinéarité. Pour aborder la possibilité d’un problème de multicolinéarité, les colonnes [4] et [5] incluent respectivement les indicateurs synthétiques PCA1 et PCA2. Chacune résume les informations des 36 Manzano et Rigobon (2001) constatent que l’effet négatif des ressources naturelles disparaît lorsque la régression de la croissance inclut le ratio initial de la dette extérieure au PIB 37 La région Asie de l’est et Pacifique comprend 17 pays ; Europe et Asie centrale, 42 ; Amérique latine et Caraïbes, 24 ; Moyen-Orient et Afrique du Nord, 18 ; Amérique du Nord, 2 ; Asie du sud, 6 ; et Afrique subsaharienne, 44. Dans cet échantillon, 52 observations appartiennent à la région Afrique. A F R I C A’ S P U L S E > 135 différents indicateurs d’infrastructure numérique. Les deux indicateurs synthétiques affichent un coefficient positif et significatif. Ce résultat corrobore la preuve d’un lien positif et causal entre l’économie numérique et la croissance économique. Enfin, la colonne [6] inclut PCA1 et l’interaction de la croissance de PCA1 avec le capital humain, et la colonne [7] ajoute PCA2 et la croissance de PCA1 et du capital humain. Dans les deux colonnes, l’infrastructure numérique a un effet positif significatif sur la croissance, et les rendements de l’infrastructure numérique dépendent positivement du niveau de capital humain du pays. En résumé, ces résultats montrent que le développement de l’infrastructure numérique d’un pays, un fondement clé de l’économie numérique, accélérerait la croissance à long terme, en particulier dans les pays où le niveau de qualification est plus élevé (représenté par le taux de scolarisation dans l’enseignement secondaire). Statique comparative : estimation des bénéfices pour la croissance que pourrait apporter l’économie numérique Une série d’exercices de statiques comparatives est menée pour calculer les effets potentiels sur la croissance de la pénétration de l’économie numérique en Afrique (plus précisément, le développement de l’infrastructure numérique). Les exercices calculent les effets potentiels sur la croissance par habitant de la réduction du déficit en infrastructures numériques de la région Afrique par rapport à deux critères distincts : les objectifs de l’Initiative Moonshot et le décile supérieur (90e centile) du monde, à l’exclusion de l’Afrique. Dans le contexte de cette analyse, le calcul sommaire implique de combler l’écart entre l’indicateur synthétique de l’économie numérique, PCA1, et les indicateurs de comparaison. PCA1 est la première composante principale de trois indicateurs: les abonnements au large bande fixe pour 100 personnes (FB), le pourcentage de la population utilisant Internet (IU) et les abonnements au cellulaire mobile pour 100 personnes (CP). Les pondérations pour cette composante principale sont les suivantes: PCA1 = 0,6074 PC + 0,5682 UI + 0,5551 PC. Cette composante explique environ 84 % de la variance de ces indicateurs. Les exercices de statistiques comparatifs calculés dans cette sous-section sont plus illustratifs que concluants. Leurs calculs reposent sur de nombreuses hypothèses simplificatrices, notamment que les modifications des indicateurs de l’économie numérique n’entraînent pas de modifications des autres déterminants de la croissance. Pour estimer les bénéfices potentiels pour la croissance de la réduction des écarts de l’économie numérique (tels que définis dans PCA1), nous utilisons la formule suivante : Bénéfices pour la croissance = β(d’après la régression) (zcomparateur - zAfrique ). 136 > A F R I C A’ S P U L S E TABLEAU 3B.1 : Économie numérique et croissance économique : une analyse de régression Variable dépendante : croissance du PIB réel par habitant (taux annuel moyen en pourcentage) Méthode d’estimation : estimateur du système GMM-IV ((Arellano et Bover 1995; Blundell et Bond 1998) Échantillon : 1980 – 2017 (observations sur des périodes de cinq ans, sans chevauchement) Variable [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] PIB initial par habitant -0,742*** -0,661*** -0,551*** -0,834*** -1,004*** -0,812*** -0,778*** (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) (0,000) Lag profondeur financière -0,184* -0,239** -0,293** -0,318*** -0,113** -0,460* -0,512** (0,044) (0,002) (0,005) (0,000) (0,009) (0,014) (0,004) Lag fardeau gouvernemental 0,0368 -0,0837** -0,0323 0,0256 -0,0054 0,0022 -0,007 (0,506) (0,003) (0,585) (0,498) (0,812) (0,975) (0,934) Inflation 0,0121 -0,0659 -0,0071 -0,005 0,201*** -0,0046 0,0162 (0,881) (0,103) (0,922) (0,952) (0,000) (0,962) (0,885) Enseignement secondaire 1,676*** 0,692*** 0,977** 1,317*** 0,720*** 0,612 1,111 (0,000) (0,000) (0,001) (0,000) (0,000) (0,494) (0,172) Indice ICRG 0,0518 0,152** 0,101 0,0469 0,0368 0,0303 0,0501 (0,268) (0,002) (0,220) (0,390) (0,183) (0,791) (0,650) Abonnements au haut débit fixe (a) 0,119*** -0,0801 (0,000) (0,225) Croissance des internautes (b) 0,0190*** 0,0154 (0,000) (0,136) Abonnements au téléphone portable (c) 0,202*** 0,259 (0,000) (0,112) PCA1 de (a) (b) et (c) 0,416*** 0,773*** (0,000) (0,000) PCA2 de (b) et (c) 1,265*** 0,846*** (0,000) (0,001) Croissance de PCA1 * HK 0,0788*** 0,0943*** (0,000) (0,000) Observations 119 142 119 119 160 82 82 AR (1) 0,001 0,007 0,004 0,002 0,010 0,187 0,169 AR (2) 0,378 0,405 0,375 0,331 0,503 , , Hansen 0,291 0,169 0,230 0,335 0,534 0,420 0,342 Remarque : Les régressions incluent une constante et des effets spécifiques à la période. Les valeurs p sont entre parenthèses. PIB = produit intérieur brut; HK = capital humain; ICRG = Guide des risques pays internationaux; PCA1 = indicateur synthétique, regroupant large bande fixe, utilisateurs Internet et abonnements cellulaires; PCA2 = indicateur synthétique, regroupant les internautes et les abonnements cellulaires. * p <0,05, ** p <0,01, *** p <0,001 A F R I C A’ S P U L S E > 137 138 > A F R I C A’ S P U L S E Appendice TABLEAU A.1 : Classification des pays pour l’analyse Pays riches en ressources Pays non riches en ressources Pétrole Métaux et minerais Angola Afrique du Sud Bénin Ghana Sénégal Congo, République Botswana Burkina Faso Guinée-Bissau Seychelles Guinée équatoriale Congo, République Burundi Kenya Somalie Gabon démocratique Cabo Verde Lesotho Soudan Nigéria Guinée Cameroun Madagascar Swaziland Soudan du Sud LIbéria République centrafricaine Malawi Tanzanie Tchad Mauritanie Comores Mali Togo Namibie Côte d’Ivoire Maurice Ouganda Niger Érythrée Mozambique Zimbabwe Sierra Leone Éthiopie Rwanda Zambie Gambie São Tomé et Príncipe Remarque : Les pays riches en ressources sont ceux qui ont des rentes issues de l’exploitation de ressources naturelles (à l’exclusion des forêts) dépassant 10 % du PIB. TABLEAU A.2 : Classification par revenu des pays d’Afrique subsaharienne Pays à revenu Pays à revenu intermédiaire, Pays à faible revenu (PFR) intermédiaire, Pays à revenu élevé tranche inférieure (PRII) tranche supérieure (PRIS) Bénin Niger Angola Afrique du Sud Seychelles Burkina Faso Ouganda Cabo Verde Botswana Burundi République centrafricaine Cameroun Guinée équatoriale Comores République démocratique Côte d’Ivoire Gabon Érythrée du Congo Ghana Maurice Éthiopie Rwanda Kenya Namibie Gambie Sénégal Lesotho Guinée Sierra Leone Mauritanie Guinée-Bissau Somalie Nigéria   LIbéria Soudan du Sud République du Congo Madagascar Tanzanie São Tomé et Principe Malawi Tchad Soudan Mali Togo eSwatini Mozambique Zimbabwe Zambie Remarque : liste des économies de la Banque mondiale, juin 2018 (exercice 2019). A F R I C A’ S P U L S E > 139 TABLEAU A.3 : Échantillon de pays Code Nom du Richesse en Situation Code Nom du Richesse en Situation Pays pays ressources FCV Pays pays ressources FCV AGO Angola Riche en pétrole Non MLI Mali Riche en minéraux Oui BDI Burundi Pauvre en ressources Oui MOZ Mozambique Riche en minéraux Oui BEN Bénin Pauvre en ressources Non MRT Mauritanie Riche en minéraux Non Pauvre en BFA Burkina Faso Pauvre en ressources Non MUS Maurice Non ressources Pauvre en BWA Botswana Riche en minéraux Non MWI Malawi Non ressources CAF République centrafricaine Pauvre en ressources Oui NAM Namibie Riche en minéraux Non Pauvre en CIV Côte d’Ivoire Riche en pétrole Oui NER Niger Non ressources CMR Cameroun Riche en pétrole Non NGA Nigéria Riche en pétrole Non Pauvre en COD Rép. dém. du Congo Riche en minéraux Oui RWA Rwanda Non ressources Pauvre en COG Congo, Rép. Riche en pétrole Oui SDN Soudan Oui ressources Pauvre en COM Comores Pauvre en ressources Oui SEN Sénégal Non ressources CPV Cabo Verde Pauvre en ressources Non SLE Sierra Leone Riche en minéraux Oui Pauvre en ERI Érythrée Pauvre en ressources Oui SOM Somalie Oui ressources ETH Éthiopie Pauvre en ressources Non SSD Soudan du Sud Riche en pétrole Oui Pauvre en GAB Gabon Riche en pétrole Non STP Sao Tomé et Principe Non ressources Pauvre en GHA Ghana Riche en minéraux Non SWZ eSwatini Non ressources Pauvre en GIN Guinée Riche en minéraux Non SYC Seychelles Non ressources GMB Gambie Pauvre en ressources Oui TCD Tchad Riche en pétrole Oui Pauvre en GNB Guinée-Bissau Pauvre en ressources Oui TGO Togo Oui ressources GNQ Guinée équatoriale Riche en pétrole Non TZA Tanzanie Riche en minéraux Non Pauvre en KEN Kenya Pauvre en ressources Non UGA Ouganda Non ressources Pauvre en LBR Libéria Riche en minéraux Oui ZAF Afrique du Sud Non ressources LSO Lesotho Pauvre en ressources Non ZMB Zambie Riche en minéraux Non Pauvre en MDG Madagascar Pauvre en ressources Non ZWE Zimbabwe Oui ressources 140 > A F R I C A’ S P U L S E Bibliographie Abdella, A. 2016. 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L’équipe principale qui a été dirigée par Cesar Calderon comprend Gerard Kambou, Catalina Cantu Canales, Vijdan Korman et Megumi Kubota. www.worldbank.org/africaspulse