61813 RESUME DU DOCUMENT DE REFERENCE 5 DIAGNOSTICS DES INFRASTRUCTURES NATIONALES EN AFRIQUE Monter en puissance : Chiffrer les besoins d’investissement dans l’énergie en Afrique australe et orientale Orvika Rosnes et Haakon Vennemo Avril 2008 Ce rapport a été produit par Econ Pöyry, en association avec Norplan et Power Planning Associates (PPA), à la demande de la Banque mondiale, avec le financement et d’autres soutiens de (par ordre alphabétique) : l’Agence française de développement, le Département britannique pour le développement international (DFID), le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), la Public-Private Infrastructure Advisory Facility (PPIAF), l’Union africaine et l’Union européenne. Qu’est-ce que l’AICD? L’étude qui suit s’inscrit dans le programme Diagnostics des infrastructures nationales en Afrique (AICD _ Africa Infrastructure Country Diagnostic), dont l’objectif est d’étendre les connaissances mondiales en matière d’infrastructure physique en Afrique. L’AICD fournira une base de référence par rapport à laquelle les futures améliorations des services d’infrastructure pourront être mesurées pour permettre de suivre les résultats atteints grâce à l’appui des bailleurs de fonds. Le projet établira également des bases empiriques plus solides pour la détermination des priorités d’investissement et pour la formulation des réformes stratégiques dans les secteurs infrastructurels en Afrique. L’AICD produira une série de rapports (semblables à celui-ci) donnant un aperçu de l’état des dépenses publiques, des besoins d’investissement et de la performance individuelle de chacun des principaux secteurs d’infrastructure : l’énergie, les technologies de l’information et de la communication, l’irrigation, le transport, ainsi que l’eau et l’assainissement. La Banque mondiale publiera un résumé des constats réalisés par l’AICD au printemps 2008. Les données utilisées seront mises à la disposition du public sur un site web interactif permettant à ses visiteurs de télécharger des rapports d’informations taillés sur mesure et d’effectuer des exercices de simulation simples. La première phase de l’AICD est consacrée à 24 pays, qui ensemble représentent 85 % du produit national brut, de la population et des flux d’aide à l’infrastructure de l’Afrique subsaharienne. Ces pays sont les suivants : Afrique du Sud, Bénin, Burkina Faso, Cap Vert, Cameroun, Congo (République démocratique du Congo), Côte d’Ivoire, Éthiopie, Ghana, Kenya, Madagascar, Malawi, Mali, Mozambique, Namibie, Niger, Nigeria, Ouganda, Rwanda, Sénégal, Soudan, Tanzanie, Tchad, et Zambie. Dans une seconde phase, la couverture du projet sera étendue à d’autres pays. L’AICD est mis en œuvre par la Banque mondiale pour le compte d’un comité de pilotage représentant l’Union africaine, le Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), les communautés économiques régionales africaines, la Banque africaine de développement, et les principaux bailleurs de fonds des secteurs infrastructurels. Le financement de l’AICD provient d’un fonds fiduciaire multi-bailleurs dont les principaux contributeurs sont le Department for International Development (DfID) du Royaume Uni, le Mécanisme de conseil à l’appui de la formation de partenariats public-privé dans le secteur des infrastructures, l’Agence française de développement et la Commission européenne. Un groupe de personnalités éminentes issues de cercles de décideurs politiques et du monde académique, aussi bien de l’Afrique que des autres continents, a évalué la qualité technique de tous les principaux résultats produits par l’étude. Le présent article et d’autres documents analysant des sujets clés liés à l’infrastructure, ainsi que les sources de données utilisées mentionnées ci-dessus, pourront être téléchargés à partir du site www.infrastructureafrica.org. Des résumés sont disponibles en anglais et en français. Touts les demandes concernant la disponibilité des ensembles de données peuvent être adressées à VFoster@worldbank.org. COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Monter en puissance Chiffrer les besoins d’investissement dans l’énergie en Afrique australe et orientale Orvika Rosnes et Haakon Vennemo D es investissements substantiels – de l’ordre de, chaque année, 2 % à 3 % du PIB jusqu’en 2015 – seront nécessaires pour que le secteur de l’électricité en Afrique australe et orientale satisfasse la demande de développement économique, s’aligne sur le taux de croissance démographique, et étende l’électrification au-delà de se couverture régionale moyenne actuelle d’à peine 24 %. Le développement d’un marché régional de l’électricité tirant parti du vaste potentiel hydroélectrique du sous-continent pourrait être le meilleur moyen de réduire ces coûts tout en assurant une protection contre les augmentations de prix du pétrole et en freinant les émissions de carbone. La région est confrontée à un défi gigantesque pour étendre son électrification, mais la bonne nouvelle, c’est que les coûts associés à l’extension du réseau sont mineurs en comparaison des investissements requis dans la production pour simplement satisfaire la demande des économies africaines en pleine expansion. Un modèle pour faciliter les décisions de politique énergétique Le fossé entre les ressources énergétiques disponibles et l’accès à l’électricité est plus profond en Afrique subsaharienne que dans n’importe quelle autre partie du monde. Dans son ensemble, la région est riche en pétrole, en gaz et offre un fort potentiel hydroélectrique, et pourtant 76 % de sa population ne disposent d’aucun accès à l’électricité, et la couverture est particulièrement faible dans les zones rurales. Les autorités nationales et les organisations internationales ont élaboré des plans pour améliorer l’accès à l’électricité, mais des choix politiques déterminants doivent être faits pour accompagner ces plans. Quel mode de production d’électricité est-il le mieux adapté, et dans quels cadres? Les pays doivent-il progresser indépendamment, ou doivent-ils viser un développement coordonné ? Quels sont les avantages d’un marché régional de l’électricité et qui en sont les principaux bénéficiaires ? Comment les grandes tendances mondiales, telles que l’augmentation des prix du pétrole et les changements climatiques qui menacent, affectent-elles les décisions relatives à la production électrique en Afrique ? A quelle vitesse l’Afrique peut-elle s’électrifier ? Dans quelle mesure les décisions d’investissement sont-elles sensibles à des conditions macro-économiques plus larges ? Pour répondre à ces questions, nous avons développé un modèle permettant d’analyser les coûts de l’extension du secteur de l’électricité jusqu’en 2015, en partant de diverses hypothèses. Ce modèle simule les stratégies optimales (de moindre coût) pour la production, la transmission et la distribution d’électricité en réponse à l’augmentation de la demande de chacun des vingt pays participant aux pools électriques d’Afrique australe et orientale. Le Southern Africa Power Pool (SAPP) comprend l’Angola, le Botswana, la République démocratique du Congo, le Lesotho, le Mozambique, le Malawi, la Namibie, l’Afrique du Sud, la Zambie et le Zimbabwe. L’Afrique du Sud y occupe clairement une position 2 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST dominante, avec près de 80 % de la demande totale d’électricité. L’East Africa Power Pool (EAPP) du bassin du Nil regroupe le Burundi, Djibouti, l’Égypte, l’Éthiopie, le Soudan, le Rwanda, le Kenya, la Tanzanie et l’Ouganda. Ici, c’est l’Égypte qui est la force motrice, avec près de 70 % de la demande électrique. Enfin, Madagascar est également inclus dans notre étude, en qualité d’état insulaire. Un examen similaire des zones de marché de l’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique centrale est en cours de préparation. L’exercice débute avec une projection de la demande d’électricité jusqu’en 2015. Cette demande comprend (a) la demande du marché associée à différents niveaux de croissance économique, de changements structurels et de croissance de la population ; (b) la demande non satisfaite résultant de pannes fréquentes et de la pratique très douteuse du rationnement électrique ; et (c) la demande sociale, exprimée dans les objectifs politiques visant à étendre l’accès des populations à l’électricité. Suivant les tendances historiques, les projections de croissance de la demande sont de 5 % par an dans le SAPP et de 7 % par an dans l’EAPP, pour atteindre respectivement des niveaux de 400 et 170 térawatts-heure (TWh) à l’horizon 2015. Dans les deux cas, la demande du marché représente l’essentiel de la croissance de la demande sur cette période. Notre modèle recherche ensuite le moyen de répondre au moindre coût à cette nouvelle demande, sur la base d’investissements dans la production, transmission et distribution électrique. Ces investissements incluent la modernisation des capacités actuelles de production électrique et la construction de nouvelles capacités pour une transmission transfrontalière. Notre analyse couvre quatre modes de production thermique – gaz naturel, charbon, fioul lourd et diesel – et quatre technologies de production d’énergie renouvelable – grand barrages hydroélectriques, mini hydroélectricité, photovoltaïque solaire (PV) et géothermie. Mini hydroélectricité, diesel et PV solaire sont des alternatives hors réseau, c’est-à-dire qu’elles ne sont pas connectées au réseau électrique central. L’électricité d’origine nucléaire n’est pas envisagée. L’intérêt principal de ce modèle est qu’il peut être appliqué à un certain nombre de scénarios différents de manière à souligner les différentes implications politiques. Ainsi, en comparant un scénario de « stagnation commerciale », où aucune capacité de transmission transfrontalière supplémentaire n’est construite, et un scénario d’ « expansion commerciale », où l’intégralité des capacités de transmission transfrontalière économiquement viables est développée, ce modèle peut être utilisé pour quantifier les gains commerciaux. Il peut aussi être utilisé pour évaluer la faisabilité des objectifs d’électrification alternative, allant du maintien des taux d’accès aux niveaux de 2005, à la poursuite d’une gamme d’objectifs d’électrification nationale, en passant par le renforcement de l’électrification à un niveau uniforme de 35 % d’ici 2015. L’impact de la hausse des prix du pétrole et d’une pluviométrie plus faible peut être mesuré à travers leur effet sur les coûts relatifs de différentes technologies de production, et les conséquences d’une croissance économique ralentie sur les besoins d’investissement dans le secteur de l’électricité peuvent également être aisément quantifiées. Une facture élevée Pour commencer, combien cela coûterait-il de satisfaire la demande d’électricité du marché prévue pour 2015, tout en maintenant les taux actuels d’accès au réseau électrique ? 3 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Le simple maintien des taux d’accès à l’électricité au niveau actuel – c’est-à-dire pour satisfaire la croissance de la demande d’électricité qui résulte du développement économique général, de la croissance démographique et de la demande non satisfaite, sans augmenter sensiblement le taux d’accès de la population à l’électricité – nécessitera des investissements très importants dans le secteur électrique avant 2015. Dans la région SAPP, la capacité de production existante, d’environ 28 000 MW, devra être modernisée d’ici 2015. En outre, de nouvelles capacités de production de plus de 31 000 MW devront être construites, soit une augmentation de près de 70 % par rapport au niveau de 2005 (Tableau A). Dans la région EAPP, les besoins de modernisation sont minimes, mais la production de 23 000 MW supplémentaires sera nécessaire, doublant en gros la capacité installée de la région. Tableau A Capacité de production en Afrique australe et orientale en 2015, selon divers scénarios commerciaux, d’accès et de croissance Scénario de stagnation Scénario de Scénario d’expansion commerciale commerciale faible croissance Objectifs nationaux de Objectifs Objectifs taux d’accès, Taux d’accès Taux d’accès de nationaux de nationaux de expansion Capacité de production (MW) constant 35 % taux d’accès taux d’accès commerciale Southern Africa Power Pool a Capacité installée 17 136 17 136 17 136 17 136 17 136 Capacité modernisée 28 029 28 035 28 046 28 148 28 046 Nouvelle capacité 31 297 32 168 33 319 32 013 20 729 Part de l’hydroélectricité (%) 33 33 34 25 40 East Africa Power Pool a Capacité installée 22 132 22 132 22 132 22 132 22 132 Capacité modernisée 1 369 1 375 1 375 1 381 1 375 Nouvelle capacité 23 045 24 639 25 637 17 972 23 540 Part de l’hydroélectricité (%) 49 47 48 28 48 a. « Capacité installée » fait référence à la capacité installée en 2005, qui ne doit pas être modernisée avant 2015. La capacité existante modernisée avant 2015 n’est pas incluse dans le chiffre de la capacité installée, mais dans celui de la capacité modernisée. Les coûts d’investissement de capital annualisés sont de 2 % du PIB pour la région SAPP, et de 2 % à 3 % du PIB pour la région EAPP (Tableau B). Les coûts de fonctionnement de l’ensemble du réseau électrique sont d’ordre similaire – légèrement inférieurs à 2 % du PIB pour la région SAPP, et aux alentours de 3 % du PIB pour la région EAPP. Ainsi, les dépenses totales s’élèveraient à près de 4 % du PIB pour la région SAPP, et à près de 6 % du PIB pour la région EAPP. Près des deux tiers des coûts totaux du réseau sont liés aux infrastructures de production, et le tiers restant aux infrastructures de transmission et de distribution. 4 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Tableau B Estimation du coût nécessaire pour satisfaire les besoins électriques de l’Afrique australe et orientale jusqu’en 2015 selon deux scénarios commerciaux Milliards de dollars EU (% du PIB) Southern Africa Power Pool East Africa Power Pool Stagnation Expansion Stagnation Expansion commerciale commerciale commerciale commerciale Coût total estimé 19,5 (3,9) 18,4 (3,7) 16,0 (6,0) 15,0 (5,6) dont Coûts de capital 10,0 (2,0) 10,0 (2,0) 6,3 (2,3) 8,2 (3,1) Coûts d’exploitation 9,4 (1,9) 8,4 (1,7) 9,7 (3,6) 6,8 (2,5) dont Production 12,6 (2,6) 11,1 (2,3) 11,6 (4,4) 10,5 (3,9) Transmission et distribution 6,9 (1,3) 7,3 (1,4) 4,4 (1,7) 4,5 (1,7) Note : Suppose une expansion de l’accès à l’électricité satisfaisant les objectifs d’électrification nationaux. Les sous-totaux peuvent ne pas correspondre tout à fait aux totaux à cause de l’arrondi des valeurs. Le coût total du développement du réseau électrique apparaît certes élevé, mais pas suffisamment pour être inabordable par rapport au PIB de chacune des zones commerciales régionales prise dans son ensemble. Toutefois, les exigences en termes à la fois de PIB et d’investissement électrique sont réparties de manière très inégale au sein même des pools régionaux. En conséquence, selon certains scénarios, certains pays sont confrontés à des exigences de dépense dans l’électricité très lourdes par rapport à la taille de leur économie (Figure A). Dans la région SAPP, en fonction de l’objectif d’électrification et d’autres variables, les dépenses nécessaires peuvent dépasser 6 % du PIB en République démocratique du Congo, au Mozambique et au Zimbabwe. Dans la région EAPP, des niveaux similaires peuvent être atteints par des pays tels que l’Égypte, le Burundi et l’Éthiopie. Certains de ces pays ont le potentiel de devenir de gros exportateurs d’électricité, à condition qu’ils bénéficient d’afflux de capitaux transfrontaliers pour développer leur infrastructure électrique. Or, ces flux ne pourront se matérialiser que si le commerce de l’électricité se développe. Figure A Besoins de dépenses globales dans le secteur de l’électricité selon deux scénarios commerciaux par pays % PIB (a) Southern Africa Power Pool (b) East Africa Power Pool 5 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Quel est l’impact de l’extension de l’électrification sur les coûts ? Nous avons examiné l’impact d’une augmentation des niveaux d’électrification, à un pourcentage uniforme de 35 % dans toute la région ou aux niveaux spécifiés dans les objectifs nationaux d’électrification. Étant donné la consommation relativement faible des ménages, l’impact de l’expansion de l’électrification est assez modéré, augmentant les besoins de production électrique de 6 % dans le SAPP (pour répondre à l’objectif de 35 %) et de 11 % dans l’EAPP. Toutefois, des investissements importants, s’élevant à un complément de 0,9 milliard de dollars par an dans le SAPP et de 2,4 milliards de dollars par an dans l’EAPP (l’EAPP partant d’un niveau d’électrification plus bas), seraient nécessaires pour développer les réseaux de transmission et de distribution. Près de 40 % de cette somme devraient être consacrés aux zones rurales (contre seulement 10 % dans le scénario d’une croissance de l’accès à un taux constant). En conséquence, satisfaire les objectifs nationaux d’électrification induirait un engagement supplémentaire de seulement 0,3 % du PIB dans la région SAPP, mais pourrait atteindre 1,4 % du PIB dans l’EAPP. À quel point les investissements électriques sont-ils sensibles à la croissance économique? Une plus forte croissance crée une plus forte demande d’électricité, tout en fournissant une partie des ressources nécessaires à son financement. Une croissance plus faible réduit la demande. Nous avons examiné un scénario de faible croissance où la croissance serait de 50 % inférieure à celle du cas de référence. Dans le SAPP, la baisse de la demande de loin la plus importante devrait être enregistrée en Afrique du Sud, où les investissements dans de nouvelles centrales au charbon seraient suspendus. Dans l’EAPP, une croissance plus faible de la demande entraînerait d’abord une réduction des investissements dans les centrales au gaz égyptiennes. Les investissements dans l’hydroélectrique ne seraient que légèrement réduits dans ce scénario de faible croissance, impliquant que même avec une croissance économique ralentie, le marché resterait suffisamment important pour justifier l’expansion de pratiquement toute la capacité hydroélectrique envisagée dans le cas de référence. Au total, les réductions des besoins d’investissement dans le secteur électrique résultant d’un ralentissement de la croissance ne seraient que de 10 % dans l’EAPP et d’à peine plus de 20 % dans le SAPP. En fait, dans l’EAPP, la part du PIB nécessaire pour couvrir les dépenses dans le secteur électrique augmenterait dans un scénario de moindre croissance – soulignant l’importance de la croissance pour le financement de ce secteur. Pourquoi commercialiser l’électricité? Les ressources naturelles des pays africains sont variées : certains pays ont des ressources hydroélectriques abondantes, d’autres disposent de ressources en charbon ou en gaz naturel. D’autres enfin, ne bénéficient d’aucune richesse énergétique nationale et dépendent du carburant diesel importé pour leur production électrique. Le commerce avec les pays voisins permet le développement des ressources les moins coûteuses dans l’ensemble de la région. En stimulant le développement de l’hydroélectricité, un commerce régional de l’électricité plus étendu réduirait les coûts de production, les émissions de carbone des centrales et protégerait les pays contre la hausse du prix des carburants fossiles. 6 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Un commerce étendu encouragerait également des investissements qui, sinon, ne seraient peut-être pas consentis. La poursuite du développement du commerce de l’électricité exigera des investissements importants dans l’infrastructure pour développer les capacités de transmission transfrontalières inexistantes. On estime qu’il manque des inter-connecteurs d’une capacité de près de 12 GW dans le SAPP et de 14 GW dans l’EAPP. La construction de ces lignes coûterait environ 350 millions de dollars par an dans le SAPP et 130 millions de dollars dans l’EAPP. Les avantages liés à leur construction seraient substantiels. Leur présence permettrait de diminuer de 5 % à 6 % les coûts annualisés des réseaux électriques. Ces économies seraient de l’ordre d’un milliard de dollars par an pour le SAPP et l’EAPP (Tableau B). Elles proviendraient en grande partie du remplacement des centrales thermiques par des centrales hydroélectriques, ce qui réduirait de manière significative le coût de fonctionnement du réseau électrique, même si cela suppose des investissements plus élevés à court terme (Tableau B). Dans l’EAPP, par exemple, le commerce de l’électricité permettrait des économies sur le coût d’exploitation représentant 1 % du PIB de la région. Les économies réalisées sur les coûts d’exploitation peuvent être considérées comme un retour sur l’investissement supplémentaire consenti dans le cadre du scénario commercial. Dans les deux régions considérées ici, ce retour sur investissement est substantiel. Dans le SAPP, le coût de l’investissement supplémentaire à caractère commercial est récupéré en moins d’un an, et engendre un retour de 167 %. Le retour sur investissement est plus faible dans l’EAPP, mais, à près de 20 %, il reste néanmoins important. Ici, le coût de l’investissement supplémentaire du scénario commercial est recouvré en quatre ans. De plus, en cas de hausse du prix des carburants, les gains tirés de la croissance du commerce augmenteraient, car le commerce réduirait l’utilisation des centrales thermiques et permettrait donc des économies de carburant. Plus les prix des carburants augmentent, plus les projets hydroélectriques deviennent rentables. Avec un prix du pétrole à 75 dollars EU le baril (contre 46 dans le cas de référence), les gains commerciaux dans l’EAPP s’élèvent à environ 3 milliards de dollars. Vu les récents développements sur les marchés pétroliers, 75 dollars EU le baril semble plus probable en 2015, que 46 dollars EU. Quels seraient les modèles commerciaux? Si les conditions autorisaient une extension du commerce de l’électricité, comme dans notre scénario d’expansion commerciale, la demande permettrait le développement de l’électricité d’origine hydraulique dans les pays à fort potentiel hydroélectrique. Dans le SAPP, la part de l’hydroélectricité dans le portefeuille de production augmenterait de 25 % à 34 %. La République démocratique du Congo deviendrait le principal exportateur d’électricité d’origine hydraulique, exportant trois fois plus que sa consommation intérieure, et le Mozambique continuerait d’être un exportateur important. L’électricité ainsi produite par la République démocratique du Congo serait acheminée vers le sud, suivant trois routes parallèles passant par l’Angola, la Zambie et le Mozambique (Figure B). Des pays comme l’Angola, le Botswana, le Lesotho, le Malawi et la Namibie dépendraient alors des importations pour répondre à plus de 50 % de leur demande en électricité. L’Afrique du Sud importerait également de grandes quantités d’électricité, qui ne représenteraient cependant que 10 % de la demande intérieure. 7 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST Figure B Potentiel maximal de commerce transfrontalier de l’électricité en Afrique australe et orientale, TWh en 2015 Un passage similaire du thermique à l’hydroélectrique se produirait dans la région EAPP, faisant passer la part de l’hydroélectrique de 28 % à 48 % dans le portefeuille de production et supplantant la capacité de production au gaz de l’Égypte et du Kenya. L’Éthiopie et le Soudan deviendraient les principaux exportateurs d’électricité, échangeant plus que ce qu’ils ne produisent pour la consommation intérieure et envoyant leur électricité vers le nord, en Égypte (Figure B). L’Égypte et le Kenya importeraient certes des quantités importantes d’électricité, mais le Burundi serait le seul pays à devenir largement dépendant du commerce de l’électricité. Qui sont les principaux bénéficiaires du commerce de l’électricité? Il existe des différences importantes dans les coûts marginaux à long terme (CMLT) de l’électricité entre les deux pools énergétiques, et ces différences sont affectées par le commerce de manière variable (Tableau D). Les CMLT moyens de l’électricité dans la région EAPP sont d’environ 0,11 dollar EU par kWh, contre 0,07 dollar EU par kWh dans la région SAPP. Sur une île comme Madagascar, ils augmentent jusqu’à 0,16 dollar EU par kWh. Naturellement, ce sont là des estimations, comportant un degré considérable d’incertitude au niveau national. La marge au sein de chaque pool est considérable, bien qu’elle tende à se réduire avec le commerce. Deux types de pays bénéficient de ce commerce. Ceux dont les coûts intérieurs de l’électricité sont très élevés peuvent obtenir une électricité bien moins chère à l’importation. Les exemples les plus frappants sont peut-être l’Angola dans le SAPP et le Burundi dans l’EAPP, qui peuvent tous deux économiser 0,04 dollar par kilowatt-heure en important leur électricité. Toutefois, même des pays 8 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST présentant des différentiels de coût unitaire plus faibles peuvent réaliser d’importantes économies globales. Celles-ci sont estimées à plus de 4 % du PIB pour des pays comme le Burundi et le Malawi, et à plus de 2 % du PIB pour des pays tels que le Botswana et l’Égypte (Figure A). Par ailleurs, les pays avec des coûts nationaux Tableau D Coûts marginaux à long terme de d’électricité très faibles peuvent tirer des revenus l’électricité en Afrique australe et orientale substantiels de leurs exportations. Là encore, les exemples Expansion Stagnation les plus marquants sont la République démocratique du Cents EU par KWh commerciale commerciale Congo pour le SAPP et l’Éthiopie pour l’EAPP. La valeur Moyenne SAPP 0,06 0,07 potentielle des revenus tirés de l’exportation de Angola 0,07 0,11 l’électricité pourrait représenter jusqu’à 6 % du PIB pour Botswana 0,06 0,06 Rép. dém.Congo 0,04 0,04 l’Éthiopie et 9 % du PIB pour la République démocratique Lesotho 0,06 0,07 du Congo. Malawi 0,05 0,05 Mozambique 0,04 0,06 Namibie 0,11 0,12 Quels sont les impacts environnementaux Afrique du Sud 0,06 0,07 du commerce de l’électricité? Zambie 0,08 0,08 Zimbabwe 0,08 0,09 Le commerce de l’électricité offre également des avantages potentiels pour l’environnement. Dans la région Moyenne EAPP 0,12 0,12 Burundi 0,11 0,15 SAPP, notre modèle prévoit que le commerce ferait Djibouti 0,07 0,07 augmenter la part de la production hydroélectrique de Égypte 0,09 0,09 * 25 % à 34 %, réduisant les émissions de CO2 d’environ 40 Éthiopie 0,19 0,16 Kenya 0,12 0,13 millions de tonnes par an. Dans la région EAPP, les Rwanda 0,12 0,12 émissions de CO2 chuteraient de 20 millions de tonnes, Soudan 0,13 0,13 * malgré une augmentation de la production électrique de Tanzanie 0,10 0,08 * 2,4 TWh. Les économies combinées sont équivalentes à Ouganda 0,12 0,11 une réduction de 7 % des émissions prévues pour Madagascar 0,16 0,16 l’Afrique subsaharienne d’ici 2015. Toutefois, ces chiffres Note : Dans certains cas, les pays exportateurs d’électricité enregistrent des CMLT plus élevés dans le n’intègrent pas les émissions de gaz à effet de serre de la scénario d’expansion commerciale. Même si le coût production hydroélectrique, émanant des barrages sous la pour satisfaire la consommation électrique intérieure s’avère peut-être plus élevé avec le commerce que forme de méthane, qui pourraient sensiblement ternir le sans celui-ci, les recettes supérieures tirées des exportations devraient être plus que suffisantes pour tableau. compenser cette augmentation. Comment le MDP pourrait-il influer sur les choix en matière de technologie de production? Créé en vertu du Protocole de Kyoto, le Mécanisme de développement propre (MDP) permet aux pays industrialisés qui se sont engagés, aux termes de ce protocole, à réduire les gaz à effet de serre, d’investir dans des projets réduisant les émissions dans les pays en développement. L’investissement couvre la différence de coût entre une technologie polluante et une solution plus propre, mais plus chère. La différence de coût du MDP est divisée par les émissions économisées pour définir le coût des crédits de réduction d’émission (CRE) associés à un projet particulier. En nous intéressant au SAPP, nous avons 9 COUTS DES INVESTISSEMENTS NECESSAIRES EN INFRASTRUCTURES EN AFRIQUE MERIDIONALE ET DE L’EST analysé le potentiel de MDP dans le secteur de l’électricité de l’Afrique subsaharienne, dans le cadre du scénario d’expansion commerciale. Le MDP n’a pas été énormément utilisé dans le secteur de l’électricité en Afrique subsaharienne. Une simulation montre qu’à un prix CRE de 15 dollars EU/tonne CO2, il serait possible de raccorder quelques 8 000 MW (produisant 42 TWh) d’hydroélectricité supplémentaires grâce aux investissements en République démocratique du Congo, au Malawi, en Zambie et en Namibie. Un prix CRE de 15 dollars EU offre donc la possibilité de réduire de 36 millions de tonnes les émissions de CO2 – ce qui équivaut à 6 % des émissions actuelles de CO2 de l’Afrique. Cela semble considérable, mais la réduction de carbone occasionnée par le commerce, qui réduit les émissions de CO2 de 40 millions de tonnes dans la région SAPP, est plus significative. Naturellement, commerce et MDP ne sont pas incompatibles. Dans un scénario de stagnation commerciale, il serait possible d’économiser 76 millions de tonnes en passant à une position Commerce + MDP. L’un des aspects du modèle MDP limite toutefois sa contribution. Les coûts de réseau pour l’Afrique dans le cadre d’un financement MDP, restent plus élevés que ceux de l’électricité thermique. La raison semble en être que les coûts de transmission et de distribution augmentent (parce que les centrales hydroélectriques sont situées loin des centres de consommation), mais ces coûts ne sont pas abordés par le mécanisme. Un modèle intégré de production et de transmission pour l’ensemble des pays africains est nécessaire pour déterminer les coûts additionnels associés à une production plus propre. Comment le changement climatique peut-il affecter les modèles d’investissement dans le secteur électrique? En affectant les tendances climatiques et en rendant moins fiable l’électricité d’origine hydraulique, le changement climatique pourrait faire monter le coût de la production et de la distribution d’électricité en Afrique. Paradoxalement, il entraînerait une augmentation de la production thermique. En ce qui concerne la région EAPP, nous avons procédé à une analyse illustrative pour saisir certains problèmes clés posés par le changement climatique. Par manque de données exactes, nous avons simulé des situations où les changements climatiques sont supposés réduire la production hydroélectrique dite garantie (en GWh par MW de capacité installée) de 5 % à 25 %. Cette réduction est supposée s’appliquer à la fois à la capacité existante et à la nouvelle capacité. Une électricité moins garantie augmenterait le coût unitaire de l’électricité d’origine hydraulique, entraînant son remplacement graduel et augmentant le coût annualisé total du secteur de l’électricité. Il est peut-être réconfortant de savoir qu’une réduction de 25 % de la disponibilité de l’électricité d’origine hydraulique augmenterait le coût annuel nécessaire pour satisfaire les besoins en électricité de la région, de « seulement » 9 %. Mais ce qui ne l’est pas du tout, c’est de savoir que le changement climatique accroîtrait la dépendance de l’Afrique orientale envers l’électricité d’origine thermique – la production augmenterait de 40 % dans la région EAPP. En d’autres termes, la solution au problème de la distribution d’électricité lié au changement climatique entraînerait une accélération de ce même problème climatique. 10