A World Bank Book 0 < XH1¶ Edited by Richard G. A. Feachem Tord KjelLstrom ChnistopherJ. L. Murray Mead Over Margaret A. Phillips La sante des adultes dans les pays en developpement La sante des adultes dans les pays en developpement R6sume Publie sous la direction de: Richard G. A. Feachem Tord Kjellstrom Christopher J. L. Murray Mead Over Margaret A. Phillips Banque mondiale Washington C) 1993 Banque internationale pour la reconstruction et le d6veloppement/BANQUE MONDIALE 1818 H Street, N.W. Washington, D.C. 20433, Etats-Unis d'Amerique Le pr6sent resume est extrait d'un ouvrage publi6 par Oxford University Press pour la Banque mondiale. Tous droits reserves Fait aux Etats-Unis d'Amerique Premier tirage en francais: d6cembre 1993 Les observations, interpr6tations et conclusions figurant dans cette etude n'engagent que leurs auteurs et ne sont en aucune fa,on imputables a la Banque mondiale, a ses organisations affili6es, aux membres de son Conseil des Administrateurs ou aux pays qu'ils representent. Maquette de la couverture: Hal Baskin et Karin Shipman Edition francaise: ISBN 0-8213-2695-3 La Bibliotheque du Congres a caralogue comme suit 'Mdition anglaise de cet outrage The health of adults in the developing world: a summary / edited by Richard G. A. Feachem ... [et al.]. p. cm. ISBN 0-8213-2591-4 l. Public health-Developing countries. 1. Feachem, Richard G., 1947- . 11. International Bank for Reconstruction and Development. [DNLM: 1. Health Status. 2. Developing Countries. 3. Public Health. WA 395 H43431 1993] RA441.5.H4542 1993 613'.0434'091724-dc2O DNLM/DLC for Library of Congress 93-29946 CIP Note au lecteur Le present ouvrage est le troisieme d'une s6rie destinee a resumer les points saillants d'etudes dont le texte integral a et publie par la Banque mondiale. La sante des adultes dans les pays en developpement a pour theme central le fait que, dans les pays en developpement, la moitie au moins des ressources de sante est absorbee par le groupe d'age qui assure le soutien economique de la societe. Cet ouvrage formule des recommandations fondees sur l'argument selon lequel l'Etat finance, en matiere de sant6 des adultes, trop de soins dispenses d'une facon inefficace et in6quitable. Une reduction de ces depenses libererait des ressources pour des soins d'un bon rapport cout-efficacite; on veut parler principalement des soins preventifs, qui sont negliges a l'heure actuelle. iii Table des matieres Note au lecteur iii Portee de 1'etude 2 Categories d'age 2 Considerations de morbidite et de mortalite 3 Le besoin a combler 5 La sante des adultes: un vide politique 5 L'importance de la sante des adultes 7 L'evolution de la sante des adultes : la transition sanitaire 12 Ebauche d'un programme d'action pour la sante des adultes 15 Constatations 15 Ameliorer l'information servant a la prise des d&cisions 19 Recherche sur l'ampleur et les causes des problemes de sante des adultes 20 Etude des consequences des problemes de sante des adultes 22 Identification des facteurs determinants des problemes de sante des adultes 22 Programme d'action 24 Principes et mises en garde 25 Mesures specifiques 27 Questions concernant la recherche 39 Pour une politique de sante des adultes 42 iv La sante des adultes dans les pays en developpement Sous l'effet des tendances demographiques, I'importance absolue et relative des adultes et de leurs problemes de sant6 dans les pays en d6veloppement s'est accrue, sans pour autant que les responsables prennent des mesures en cons6- quence. La mortalite infantile ayant sensiblement diminu6 au cours des 20 a 30 dernieres annees, pres de 90 % des enfants dans les pays en developpement parviennent a t'age adulte, et c'est meme le cas dans des pays parmi les plus pauvres d'Afrique subsaharienne, oui cette mortalite est en baisse depuis une dizaine d'annees. Un trop grand nombre de ces adultes meurent encore assez jeunes. En Afrique, 38 % des jeunes de 15 ans ne vivront pas jusqu'a 60 ans. Parmi les autres, beaucoup sont ceux qui souffriront d'affections chroniques, de maladies a r6p6tition et de lesions diverses. Le mauvais 6tat de sant6 des adultes fait peser une lourde charge sur les services de sante et a des incidences n6gatives importantes pour la famille, la communaute et la societc. L'ouvrage qui fait l'objet du present resume cherche a faire en sorte que la sante des adultes figure une bonne fois pour toutes lt'ordre du jour des responsables et des chercheurs dans le domaine de ta sant6, et a favoriser le debat, la recherche et l'action. Dans les pays en d6veloppement, les adultes malades absorbent plus de la moiti6 des ressources de sante, et la politique sanitaire est pourtant tres peu avancee, en ce qui concerne aussi bien les soins curatifs que la prevention. Les besoins et options dans ce domaine sont mal connus, ce qui entraine une mauvaise affectation des ressources. La tuberculose, les maladies cardiovascu- laires, les cancers et les lesions sont des causes majeures de problemes de sant6 chez les adultes dans l'ensemble du monde en developpement, et ils sont pourtant, de facons differentes et a des titres divers, serieusement neglig6s au niveau de la recherche et des politiques. Sans une am6lioration des connaissances et des politiques touchant la sant6 des adultes, les depenses consacrees au traitement des maladies de cette cat& gorie de population continueront d'augmenter rapidement, comme cela a ete le cas dans les pays developpes. It se peut d'ailleurs qu'une bonne partie de ces d6penses ne soit pas appropri6e, en ce sens qu'il y a peut-etre d'autres investis- sements plus rentables pour la sant6 publique. On peut penser, par exemple, a I 2 La sante des adultes dans les pays en developpement d'autres formes de traitement des adultes, a ta prevention des maladies dans cette categorie de population ou a la promotion de la sante des enfants. Un meilleur ciblage des groupes particulierement defavorises pourrait egalement permettre une meilleure affectation des ressources. La repartition efficace et equitable des ressources de sante est une preoccupation qui est au centre meme du present ouvrage, et qui exige a la fois une meilleure comprehension et des politiques mieux formulees. Les problemes de sante des adultes doivent etre cernes et analyses si l'on veut maitriser et remettre sur la bonne voie cet enorme train fou que sont les depenses de sante. Port6e de 1'6tude Faute de consensus sur le sens a donner a l'expression sante des adultes, le debat sur cette question et sur les problemes de sante des adultes n'a pas pu se d6velopper de fa,on aussi productive qu'il aurait du. Pour certains, on entend par sante des adultes la lutte contre les maladies chroniques; pour d'autres, il s'agit avant tout d'un probleme qui concerne les pays assez riches; pour d'autres encore, cette notion implique des actions axees davantage sur les eites urbaines que sur les masses rurales. Pour certains, l'expression evoque ta prevention, alors que, pour d'autres, elle designe l'utilisation de techniques de soins curatifs de pointe a l'echelon des hopitaux secondaires ou tertiaires. Dans le present ouvrage, la notion de problemes de sante des adultes recouvre toutes les affections majeures, qu'il s'agisse de maladies transmissibles ou non, ou les lesions. EIle conceme les pauvres et les riches, la population urbaine ou rurale, ceux qui ont un emploi et ceux qui n'en ont pas, et les hommes aussi bien que les femmes. Elle recouvre aussi bien les maladies dont souffrent les adultes que les cas d'exposi- tion infantile a des facteurs de risque correspondant aux maladies des adultes. Categories d'&ge Le present ouvrage definit un adulte comme une personne ayant entre 15 et 59 ans, un enfant comme ayant moins de 15 ans, qu'il s'agisse de l'age pre-sco- laire (0 a 4 ans) ou scolaire (5 a 14 ans) et une personne dgee comme ayant 60 ans et plus. Comme toujours, ce sont la des categories quelque peu arbitraires, mais qui presentent plusieurs avantages. Les adultes ages entre 15 et 59 ans englobent la quasi-totalite des membres de la soci6te qui sont productifs sur le plan 6conomique et biologiquement en age de procr6er, et qui ont charge d'enfants et de parents ages. II ne s'agit pas d'un groupe homogene, et certaines des analyses contenues dans le pr6sent ouvrage distinguent entre adultes jeunes (15-39 ans) et adultes ages (40-59 ans). Les adultes jeunes sont plus exposes aux risques pos6s par les probkrmes de sante maternelle, les 1esions, I'alcoolisme Resume 3 et la toxicomanie, tandis que les adultes ages sont plus susceptibles de souffrir de maladies cardiovasculaires et de cancers. En utilisant des categories d'ages d6terminees, on risque d'oublier que tous les adultes ont et des enfants, qu'ils deviendront, pour la plupart, des personnes agees et qu'il faudrait se preoccuper de la sante des personnes tout au long de leur existence. Plusieurs mesures destinees a ameliorer la sante des adultes visent les enfants: c'est notamment le cas de l'immunisation contre l'hepatite B et des programmes d'education sur les comportements sexuels, l'usage du tabac et les habitudes alimentaires. De meme que les experiences faites durant l'enfance peuvent influer sur la sante d'un adulte, ce qui se passe a l'age adulte peut avoir d'importantes repercussions au moment de la vieillesse. L'exemple classique est le tabac: nombre de donnees montrent en effet que le tabac, s'il est une grande cause de problemes de sante chez l'adulte, a encore plus d'importance chez les personnes agees. Les recommandations formulees dans cet ouvrage en faveur d'une diminution de la consommation du tabac chez les adultes ont d'importantes implications pour les personnes agees. Un aspect distinct, quoique lie, de cette idee selon laquelle la sante des adultes affecte toutes les generations est l'effet que la maladie ou le deces d'un adulte a sur la sante des autres membres, plus jeunes ou plus ages, de la famitte. L'analyse fondee sur l'age qui est faite dans cet ouvrage peut susciter un debat sur l'equite des ressources investies dans la sant6 des adultes plut6t que celle des enfants, mais ce serait un debat st6rile. Dans les decisions politiques a prendre, en effet, it ne s'agit pas de faire un choix entre diff6rents groupes de personnes, puisqu'il est question des memes personnes, prises a des ages differents. Un enfant pauvre, pour lequel les taux de morbidite et de mortalit6 sont trop eleves, devient un jour un adulte pauvre, qui connait lui aussi des taux de morbidite et de mortalite trop eleves. Sachant qu'il y a des moyens rentables d'ameliorer la sante des adultes, il est juste de chercher a maintenir en bonne sante des adultes d6favoris6s qui ont jadis ete des enfants d6favoris6s. Considerations de morbidite et de mortalite La majorit6 des deces d'adultes sont dus a moins de dix causes majeures; dans certains pays, la moitie de ces d6ces peuvent etre mis au compte de trois causes uniquement-cancers, maladies cardiovasculaires et traumatismes-, qui sont le plus souvent considerees comme des affections propres aux soci6t6s d'abon- dance. Pour pouvoir formuler des politiques appropriees pour la prevention et la prise en charge des cas, il est indispensable de bien cerner les connaissances dont on dispose, de meme que celles qui font d6faut, sur ces grandes causes de mortalite. 4 La sante des adultes dans les pays en developpement Cela dit, mettre ainsi l'accent sur les maladies et les 1esions, et plus precise- ment sur la mortalite resultant de maladies ou lesions specifiques, a ses limites, car cela laisse de c6te ce que l'Organisation mondiale de ta sante appelle la notion de "sante positive", a savoir un etat de bien-etre mental, physique et social complet. Cette approche minimise l'importance d'affections comme les maladies mentales, I'arthrose, la dracunculose ou l'onchocercose, qui ont un impact beaucoup plus prononcc en termes de morbidite et d'invalidit6 que sur le plan de la mortalite. En se concentrant sur la mortalite, on risque en outre de donner une mauvaise idee de l'importance de plusieurs causes sous-jacentes de mortalite, comme le diab&te et la malnutrition. On minimise egalement, de facon implicite, l'importance de resultats qui n'ont pas de rapport avec la mortalite mais qui n'en contribuent pas moins a accroitre le bien-etre des gens, tels qu'un personnel de sante attentionne ou des etablissements accucillants. En outre, le choix des groupes de maladies, qui est quelque peu arbitraire, risque d'influer sur les conclusions concemant les maladies prioritaires. Les donn6es disponibles presentent cependant un tableau flou et incomplet de la morbidite et ne foumissent aucune information solide sur plusieurs causes importantes de morbidit6 chez les adultes (comme les maladies mentales). Si les statistiques sur la mortalit6 donnent une image deformee de l'importance de plusieurs problmes de santc, le fait est qu'elles constituent la seule source continue d'informations sur un indicateur qui donne une image sans equivoque de l'etat de sant6. C'est au moment d'analyser les tenants et les aboutissants et de recommander des mesures a prendre que l'on a le plus besoin de d6passer une approche fond6e sur des maladies particulieres. Beaucoup de maladies ont des causes communes, et les enfants deviennent orphelins a la mort de leurs parents, quelle qu'en soit la cause. Pour eviter qu'un tableau incomplet de la sante, esquisse a partir de donnees sur la mortalite par cause, puisse influencer indument les mesures prioritaires qui seront recommandees, il convient d'accorder une attention particulicre aux causes susceptibles d'avoir un impact majeur sur la morbidit6 et dont les effets ne se limitent pas a une seule maladie. L'exemple le plus cvident est celui de la consommation de tabac, qui est un facteur de risque majeur pour trois groupes de maladies importantes chez l'adulte : le cancer, les maladies cardiovasculaires et la bronchite chronique. C'est en partie pour cette raison que les campagnes anti-tabac sont citees dans le present ouvrage comme 6tant particulierement rentables. L'ouvrage dont il est question ici n'insiste pas sur les questions touchant les services de sant6 telles que le financement, la formation, la d6centralisation ou l'cquilibre entre etablissements primaires, secondaires et tertiaires. Ces grandes questions, qui concernent l'ensemble de la population et pas seulement les adultes, ont re,u une attention consid6rable par ailleurs et, de plus, un grand nombre des solutions aux problemes de sante des adultes se situent en dehors Rgsume 5 des services de sante traditionnels. Le present ouvrage n'abordera que de fa,on superficielle l'analyse des causes socio-economiques des problemes de sante des adultes et des solutions macroeconomiques qu'etles impliquent. Le besoin a combler Les pays en d6veloppement et la plupart des organisations internationales, dont la Banque mondiale, manquent de politiques visant explicitement a remedier aux problemes de sante majeurs des adultes, hormis ceux qui sont liUs a la grossesse ou qui resultent des maladies tropicales comme le paludisme. En dehors de l'Organisation mondiale de la sante, peu d'organisations ou d'Etats ont pris, ou envisagent mcme de prendre, des mesures pour reduire la consom- mation de tabac et les accidents de la circulation, alors que ces problemes ont peut-etre autant d'importance pour la sante des populations des pays en d6ve- loppement que la diarrhee ou la lepre. La sante des adultes: un vide politique Depuis 30 ans, 1'effort de r6flexion et de recherche en matiere de sante publique a l'echelon international a surtout porte sur deux domaines distincts: les maladies tropicales et la sante infantile. Les premieres ne constituent pas un groupe bien defini, si ce n'est qu'elles sont toutes transmissibles et dues le plus souvent a des parasites protozoaires ou helminthiques aux cycles cvolutifs complexes. Le paludisme, l'onchocercose, la schistosomiase et la trypanoso- miase sont des exemples de maladies tropicales qui ont fait l'objet d'une attention soutenue. Certaines infections microbiennes, notamment le chol6ra et la lepre, ont aussi ete etudiees. Plus recemment, l'importance accordee a la sante des enfants en general, et aux maladies infantiles transmissibles en particulier, a entrainm des progres majeurs dans la gestion et la prevention de la diarrhee, de la rougeole, de la poliomy6lite et du t6tanos chez l'enfant. Aujour- d'hui, les efforts se portent de plus en plus sur le traitement et la pr6vention des infections respiratoires aigues, cause importante de mortalit6 infantile dans l'ensemble des pays en developpement. Au cours des dernieres annees, le champ d'investigation s'est elargi pour englober les facteurs de risque concemant la mortalite perinatale et maternelle, et la sante matemelle en tant que telle est devenue un sujet de preoccupation majeur. L'interet port6 aux maladies tropicales et a la sant6 infantile a et6 motive, dans chaque cas, par des raisons tres differentes. Pour les maladies tropicales, le point de d6part a cte l'association qui s'est faite, a l'6poque coloniale, entre la medecine tropicale et l'etude et le traitement des maladies parasitaires. Les puissances coloniales se sont apercues que la sante de leurs fonctionnaires et militaires expatries etait menacee par un groupe de maladies parasitaires qui 6 La sante des adultes dans les pays en developpement etaient peu importantes (comme le paludisme) ou inexistantes (comme la maladie du sommeil) en Europe. De son cot, le secteur prive, qui jouissait d'une certaine influence durant toute l'epoque coloniale, a constate que les memes maladies menacaient la sant6 de ses cadres expatri6s et de la main-d'oeuvre autochtone. En outre, les medecins missionnaires ont commence a soigner ta population atteinte de certaines maladies endemiques, en particulier la Iepre. Les decouvertes qui ont ete faites a la fin du xixe siecle en ce qui concerne les aspects biologiques fondamentaux et le cycle evolutif des principaux parasites affectant les habitants des tropiques ont fait que la medecine tropicale s'est traditionnellement identifiee a un groupe donne de maladies, essentiellement parasitaires, et cette tradition se perpetue de nos jours. Dans le cas de la sant6 infantile, le surcroit d'int6ret a des causes plus analytiques. Durant les annees 50 et 60, les demographes ont mis en lumiere l'ampleur 6pouvantable de la mortalite infantile dans les pays en developpe- ment. Parallelement, les epidemiologistes ont etabli que la majorite de ces deces etait imputable a un petit nombre de maladies transmissibles, qui venaient s'ajouter aux problemes sous-jacents qu'etaient l'insuffisance ponderale a la naissance, la malnutrition et l'insalubrit6 du milieu. Les strat6gies qui en ont resulte visaient a ameliorer la sante infantile en immunisant les enfants contre certaines maladies, en faisant en sorte qu'ils soient moins expos6s aux facteurs de risque associ6s a l'environnement et aux comportements et en encourageant, pour la prise en charge des cas, certaines approches d'un bon rapport cout-effi- cacite. Plus recemment, avec l'amelioration des donnees concemant l'ampleur et la nature de la morbidite et de la mortalite maternelles, on s'est egalement preoccup6 davantage de l'etat de sante de la mere. En dehors du paludisme, les maladies principalement responsables des taux eleves de mortalite et de mor- bidite infantiles et maternelles ne sont pas celles que l'on associe generalement A la m6decine tropicale. Non seulement les maladies tropicales et la sant6 infantile accaparent l'attention des universitaires et des chercheurs depuis 30 ans, mais elles ont aussi profondement influence les strategies des organismes de developpement et des gouvernements des pays en developpement. Les premiers, et en particulier les organismes bilateraux et les organisations non gouvernementales, ont axe leurs efforts sur les maladies tropicales et la sante maternelle et infantile. De leur c6te, les gouvernements des pays en developpement se sont pour l'essentiel concen- tres sur ces memes secteurs en y mettant en oeuvre des programmes speciaux dans le cadre du developpement d'ensemble des services de sante. Cette concentration des efforts s'est revelee non seulement appropriee, mais aussi efficace, puisque l'incidence de certaines maladies tropicales et les taux de mortalite infantile dans les pays en developpement ont nettement diminue. Cela dit, il reste un domaine de connaissances qui est encore, a l'evidence, largement m&onnu. On ne s'est pas attaque, en effet, aux problemes de sante Resume 7 des adultes qui ne sont pas dus aux maladies tropicales, et c'est notamment le cas des probtemes suivants: * Le cancer * Les maladies cardiovasculaires * La bronchite chronique * Le diabete * Les lesions * Les maladies sexuellement transmissibles (dont le SIDA) * La tuberculose L'epidemiologie de certaines de ces maladies, en particulier la tuberculose, est bien connue, et les organismes de sante ont acquis une exp6rience conside- rable dans leur pr6vention et leur traitement. Pour d'autres problemes, tels que les 1esions, on ne sait pas grand-chose de leur ampleur, de leurs causes, de leur repartition ou de leurs facteurs determinants chez l'adulte, et nombre de pays en developpement n'ont pas encore adopte de mesures de prevention specifi- ques. Le vide qui s'est ainsi cree au niveau des politiques suivies par les gouvernements et les organisations est lourd de consequences, et il en sera question dans les pages qui suivent. L'importance de la sante des adultes Les adultes representent plus de ta moitie de la population du monde en d6veloppement : on en comptait en effet 2,05 milliards environ en 1985, soit 56 % des habitants de ces pays (Tableau 1), et leur nombre ne cesse d'augmenter (Figure 1). Meme en Afrique subsaharienne, region oui leur proportion est la plus faible, ils representent 49 % de la population. Le plus grand nombre d'adultes vit en Asie et dans la r6gion du Pacifique (1,41 mil- liard). La Chine a elle seule en compte plus que les trois regions non asiatiques reunies, et l'Inde en compte deux fois plus que n'importe quelle region en dehors de l'Asie (Figure 2). Les taux de mortalite des adultes dans les pays en developpement sont plus 6leves qu'on ne l'admet generalement. Dans ces pays, 25 % environ des garcons qui atteignent l'age de 15 ans risquent de mourir avant 60 ans; dans certains d'entre eux, le risque depasse meme 50 %, alors qu'il est en moyenne de 12 % environ dans les pays industrialis6s. Chaque annee, plus de 10 millions d'adultes meurent dans les pays en developpement. Ce taux de mortalite, et la morbidite qui en est le corollaire inevitable, greve lourdement les services de sante, les adultes absorbant une part importante des ressources de ce secteur. Les risques que les adultes prennent sur le plan de leur propre santc peuvent avoir des effets negatifs sur la sante des autres groupes d'age, que ce soit 8 La sante des adultes dans les pays en developpement Tableau 1. Population par grands groupes d'dge, monde et grandes regions, 1970-2015 Pourcentage de population Population de 15 a 59 selon lOage (ans) ans (millions) Region et ann6e 0-14 15-59 60 et + Hommes Femmes Total Monde 1970 37,5 54,2 8,3 1004 1000 2004 1985 33,7 57,5 8,8 1414 1371 2784 2000 31,2 59,2 9,6 1866 1805 3672 2015 27,5 61,3 11,2 2350 2280 4630 Pays industrialis6s 1970 26,6 59,2 14,2 299 322 621 1985 22,1 61,9 16,0 364 366 730 2000 19,9 61,7 18,4 392 388 780 2015 18,7 59,8 21,4 398 391 789 Pays en developpement 1970 41,8 52,2 6,0 704 679 1383 1985 37,5 56,0 6,5 1050 1005 2054 2000 34,1 58,6 7,4 1476 1415 2891 2015 29,3 61,7 9,1 1953 1887 3840 Pays industnels a economie de marche a 1970 26,0 59,0 15,0 196 205 401 1985 20,7 62,0 17,3 236 235 471 2000 18,6 62,4 19,0 255 250 505 2015 17,4 59,4 23,2 251 245 496 Pays industriels a economie planifi6ea 1970 27,7 59,6 12,6 103 117 220 1985 24,5 61,5 13,7 127 130 257 2000 22,4 60,4 17,2 137 137 273 2015 21,0 60,7 18,3 147 146 292 Amerique latine et Caraibes 1970 42,5 51,5 6,0 74 73 147 1985 37,6 55,7 6,8 112 112 224 2000 31,9 60,5 7,6 160 160 320 2015 25,5 64,3 10,2 206 206 412 Afrique subsaharienne 1970 44,8 50,5 4,7 73 75 148 1985 46,0 49,4 4,6 111 114 226 2000 45,1 50,4 4,5 180 183 363 2015 41,0 54,2 4,8 292 295 587 (suite a la page suivante) Resumn' 9 Tableau I (suite) Pourcentage de population Population de 15 a 59 selon ('age (ans) ans (millions) Region et ann0e 0-14 15-59 60 et + Hommes Femmes Total Moyen-Orient et Afrique du Nord 1970 44,6 49,6 5,7 63 61 124 1985 42,7 52,1 5,2 101 95 196 2000 41,3 53,4 5,3 158 148 306 2015 35,4 58,5 6,1 241 229 471 Asie et Pacifique 1970 40,9 52,8 6,2 492 469 961 1985 35,0 58,0 7,0 727 684 1411 2000 30,6 61,1 8,4 980 925 1905 2015 25,1 64,1 10,8 1214 1158 2373 Inde 1970 40,4 53,6 6,0 154 144 297 1985 39,2 54,6 6,3 217 201 417 2000 33,4 59,4 7,2 309 291 600 2015 27,4 63,8 8,7 405 383 788 Chine, Hong Kong et Taiwan 1970 39,7 53,5 6,8 237 217 447 1985 29,6 62,2 8,2 345 317 662 2000 26,4 63,3 10,2 426 396 823 2015 21,6 64,5 14,0 485 461 946 Autres pays Asie et Pacifique 1970 44,0 50,5 5,5 109 108 217 1985 39,0 55,1 5,8 165 167 332 2000 33,4 59,7 6,9 244 237 481 2015 27,2 64,0 8,8 24 314 638 a. Tout au long de cet ouvrage, on distingue, parmi les pays developpes (ou industrialises), les pays a economie de marche et les pays a economie planifiee (les anciens pays commrunistes), comme indiqud dans les tableaux de l'Annexe A-le et A-If. 11 n'a pas et tenu compte des changements politiques et economiques intervenus recemment en Europe centrale, car les donnees analysees ici leur sont ant&ieures. Source: Bulatao et at. (1990). directement (par exempte, dans le cas d'une mere qui fume et des effets que cela a sur le foetus), ou indirectement (en raison du role important que jouent les adultes dans leur famille). Les adultes constituent ta majorit6 de la population active et la majorit6 de ceux qui assurent le soutien economique d'autrui. Lorsqu'un adulte tombe malade ou meurt, les personnes a sa charge risquent de 10 La sante des adultes dans les pays en developpement Figure 1. Accroissement de la population adulte selon les regions, 1970-2015 Milliards d'habitants 2,4 2,0 1,6 1,2 0,8- 0,0 E Pays Economies Am6rique Afrique Moyen-Orient Asie indus- planifi6es latine & sub- & Afrique trialises Cara1bes saharienne du Nord M 1970 1985 EI 2000 _ 2015 Source: Bulatao et al. (1990). souffrir d'un manque de soins ou d'une d6terioration de l'approvisionnement alimentaire ou du revenu familial. Cet effet sera probablement plus marqu6 dans les pays en developpement, ou les charges de famille sont plus clev6es (0,78 per- sonne a charge par adulte) que dans les pays industrialises (0,61 personne a charge par adulte). Parmi les pays en developpement, c'est en Asie que ces charges sont le moins elevees (0,73), alors que l'Afrique subsaharienne a le taux maximum de personnes a charge (1,02). Enfin, un mauvais etat de sante a l'age adulte est probablement une cause importante de probl6mes de sant6 par ta suite, a mesure que les gens vieillissent et deviennent des personnes dg6es. Non seulement la mauvaise sante des adultes impose un lourd fardeau a la soci&6, mais la nature de ces problkmes de sant6 differe a bien des egards des problemes de sante des enfants. Chez l'adulte, les probtkmes de sant6 se traduisent davantage par des maladies non transmissibles, une morbidite a plus long terme et plus de cas d'invalidit6, et ces problmes sont plus etroitement lics a des facteurs de risque touchant au mode de vie. Du fait de ces diffcrences, les responsables ne peuvent pas reduire les probl&mes de santc des adultes en se Resume I I Figure 2. Repartition de la population adulte par region en developpement, 1985 Amerique latine Autres pays & Caralbes d'Asie 10,9% 16 /,1%.~ / ,2\ ~~~~~~~~~~Afrique sub- saharienne 4\\ / \ ~~~~~~~~~~11,0% Moyen- Orient & Afrique du Nord 9,5% Chine 32/2%i\' /Inde 20,3% Source: Bulataoetal. (1990). contentant d'etendre a ce groupe les mesures grace auxquelles on a pu ameliorer la sante des enfants. Certains craignent peut-etre qu'en mettant l'accent sur la sante des adultes, on finisse par oublier la sante infantile. Ils feront peut-etre remarquer que les maladies infectieuses et la malnutrition chez l'enfant sont des problemes qui n'ont pas encore ete r6gl6s, et qu'il y a encore beaucoup de raisons pour lesquelles il faut absolument am6liorer la sante des enfants. D'autres font valoir que ce sont les personnes agees, et non pas les enfants ou les adultes, dont les pays en developpement devraient desormais se preoccuper; ce sont elles, en effet, qui risquent le plus d'avoir des problemes de sante, qui sont, dans bien des cas, moins bien servies que les adultes par les services de sant6 actuels, et dont les effectifs augmentent plus rapidement que la population adulte. 1 2 La sante des adultes dans les pays en developpement Tout cela est vrai, mais la proposition visant a preter davantage attention a la sante des adultes n'aurait pas d'incidence a cet cgard, car elle ne signifie pas que des ressources soient reaffectees au detriment des enfants ou des personnes agees. It s'agirait simplement pour les d6cideurs et les chercheurs de faire le point sur l'etat actuel des connaissances en matiere de sante des adultes, et de decider si les pratiques actuelles et les ressources affectees a cette categorie importante et croissante de la population sont adequates. L'6volution de la sant6 des adultes: la transition sanitaire Paradoxalement, cette 6volution qui voit les maladies affectant les adultes et les personnes ag6es acqu6rir une importance croissante dans les pays en deve- loppement s'accompagne d'une baisse des taux de mortalit6 par age imputables a certaines de ces maladies, y compris les maladies non transmissibles et les traumatismes. La situation est complexe, et la terminologie utilis6e pour l'ex- pliquer n'est pas toujours uniforme. Pour ces raisons, et parce qu'il est essentiel de bien cemer la nature de cette evolution de la morbidit6 pour concevoir une bonne politique de sant6 des adultes, le present ouvrage se propose de d6crire ces ph6nom6nes d'une nouvelle facon et en utilisant une terminologie differente. Dans les pages qui suivent, on utilisera l'expression transition sanitaire pour d6signer tous les changements au niveau des taux et des causes de morbidite et de mortalit6 qui interviennent actuellement dans les pays en d6veloppement et qui se sont d6jA produits pour une bonne part dans les pays industrialis6s. L'expression transition epidemiologique est parfois utilisee pour cela, mais on ne s'en servira pas ici, parce qu'elle d6signe aussi l'evolution de l'importance relative des diff6rentes maladies, qui est un ph6nomeme plus limit6. La tran- sition sanitaire r6sulte du jeu de trois 6lements, qui n'agissent pas tous dans le meme sens: 1'6l6ment d6mographique, 1'6l6ment facteur de risque et l'6l6ment th6rapeutique. L'ELEMENT DEMOGRAPHIQUE. La repartition par age de la population est actuel- lement en mutation dans l'ensemble du monde en d6veloppement. Du fait de la baisse des taux de mortalit6 et de f6condit6, les populations vieillissent et I'age m6dian augmente. La population adulte des pays en d6veloppement augmente plus vite que l'ensemble de la population: entre 1970 et 1985, par exemple, elle a augment6 de 2,6 % par an, alors que la population totale n'a progress6 que de 2,2 %. Bien qu'on s'attende a ce que ces mouvements se ralentissent, les taux de croissance de la population adulte continueront d'etre sup6rieurs a ceux de 1'ensemble de la population au cours des d6cennies a venir et la place des adultes au sein de la population continuera donc d'augmenter, pour atteindre 62 % en l'an 2015, si bien que leur nombre sera pour ainsi dire multipli6 par deux entre 1985 et 2015 (Tableau 1). C'est en Afrique sub- Resume 1 3 saharienne que cette progression de la population adulte sera la plus forte (3,2 % entre 1985 et l'an 2000), le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord venant ensuite (3 %), suivis de l'Amerique latine et des Caraibes (2,4 %) et de la region Asie-Pacifique (2 %). Au cours de la p6riode 1985-2015, le nombre d'adultes augmentera de 160 % en Afrique subsaharienne, de 140 % au Moyen-Orient, de 80 % en Amerique latine et de 70 % en Asie. La consequence de ce vieillissement de la population (c'est-a-dire du fait que la population adulte augmente plus vite que le nombre des enfants ou les effectifs de la population prise dans son ensemble) est que les maladies touchant les adultes (notamment les maladies non transmissibles) et les deces affectant ce groupe d'age deviennent relativement plus courants. Tant qu'elle ne s'ac- compagne pas d'une baisse proportionnelle des taux de morbidite et de morta- lite, l'augmentation rapide du nombre d'adultes entraine un accroissement tout aussi rapide du nombre d'adultes qui tombent malades et qui meurent. L'ELEMENT FACTEUR DE RISQUE. L'exposition aux facteurs de risque et l'ordre de grandeur des risques ont evolue, ce qui a modifie les taux de morbidite et de mortalite par age. Dans la transition sanitaire, l'element facteur de risque influe sur l'element demographique en modifiant les taux de mortalite par age, mais il n'est pas influence par celui-ci. II est a la fois l'expression des changements intervenus dans l'exposition aux causes sous-jacentes de maladies precises pour des groupes d'age donnes, comme celles qui accompagnent le processus de d6veloppement (urbanisation, industrialisation et modification des modes de vie) et de certaines interventions destinees a eviter les risques, comme les vaccinations ou les mesures d'assainissement. Les effets du facteur de risque se manifestent a la fois en termes absolus et relatifs. En termes absolus, les taux des maladies transmissibles et des troubles de l'appareil reproductif chez les adultes sont dans 1'ensemble en baisse (bien qu'ils augmentent pour certaines maladies, notamment le SIDA et la tuberculose), du fait que la population adulte est moins exposee a certains facteurs de risque assez bien connus. Contrairement a ce que l'on pourrait peut-etre penser, les taux de mortalite des adultes a mettre au compte de plusieurs maladies non transmissibles sont egalement en baisse, sans qu'on sache tres bien pourquoi. Certains facteurs de risque putatifs pour les maladies non transmissibles affectant les adultes sont difficiles a mesurer (on pense par exemple a divers facteurs sociaux ou psychologiques) et d'autres restent encore a identifier (comme les etiologies virales pr6sum6es dans le cas de certains cancers). En termes relatifs, du fait que les taux de morbidite et de mortalite diminuent plus vite chez l'enfant que chez l'adulte et que ceux des maladies transmissibles et des troubles de la reproduction baissent plus rapide- ment que ceux des maladies non transmissibles, l'element facteur de risque contribue a accroltre l'importance relative des maladies non transmissibles et des problemes de sante des adultes. 14 La sante des adultes dans les pays en d6veloppement L'ELEMENT THERAPEUTIQUE. L'elment therapeutique conceme le risque plus ou moins grand qu'a un individu malade ou atteint d'une infection de devenir un cas chronique ou de deceder (taux de tetalitc) du fait de changements intervenus dans l'acces aux services de sante, l'utilisation de ces services ou leur efficacite. Comme dans les e6lments demographique et facteur de risque, 1'element therapeutique de la transition sanitaire entraine une evolution des taux, aussi bien absolus que relatifs, de morbidite chronique et de mortalite. En termes absolus, grace aux progrcs de la chimiotherapie moderne, les taux de mortalite et de morbidite chronique des adultes imputables a plusieurs causes telles que la tuberculose et l'onchocercose sont en baisse. En termes relatifs, les progres touchant la baisse des taux de letalite ont generalement cte plus marqu6s dans le cas des maladies transmissibles (en grande partie grace aux antibioti- ques) que dans celui des traumatismes, des maladies cardiovasculaires ou du cancer, si bien que ces causes de mortalite ont acquis relativement plus d'im- portance en l'absence d'autres changements. L'augmentation du nombre absolu de maladies et de deces chez les adultes est due a l'element d6mographique, les effets de l'element facteur de risque et de l'6l6ment th6rapeutique se faisant sentir en sens inverse. L'augmentation relative de la mortalite adulte par rapport a la mortalit6 infantile est due a l'e1ement demographique et a l'e61ment facteur de risque, mais surtout au premier. L'augmentation relative de certaines causes de problemes de sante chez l'adulte (notamment d'un grand nombre de maladies non transmissibles) par rapport a d'autres est a mettre au compte de l'e61ment facteur de risque et de l'element therapeutique. Une grande confusion a resulte de declarations peu precises sur l'importance croissante des maladies non transmissibles et des traumatismes, les auteurs de ces declarations ayant omis de pr6ciser s'ils se referaient au nombre de deces, aux pourcentages de deces ou a des taux de mortalite bruts, types ou par age. En fait, contrairement a ce que l'on croit generalement, les taux de mortalite par age pour beaucoup de maladies non transmissibles prises individuellement de meme que pour l'ensemble des maladies non transmissibles sont en baisse dans les pays en developpement, alors que le nombre de ces maladies, tant en termes absolus que par rapport aux maladies transmissibles, est en augmentation. L'importance accrue des maladies non transmissibles dans le cadre de la transition sanitaire est principalement due a l'evolution d6mographique, a laquelle vient s'ajouter la baisse des taux des maladies transmissibles rcsultant des changements intervenus au niveau des facteurs de risque et des services therapeutiques. Les politiques de developpement et de sante actuelles influent de plusieurs facons sur la transition sanitaire. Elles ont un impact sur l'clement d6mographi- que, en ce sens qu'elles hatent le vieillissement de la population en reduisant les taux de mortalite et de fecondite et en augmentant l'esp6rance de vie; elles Rjsum6 15 ont un effet complexe sur les facteurs de risque, car elles tendent a reduire l'exposition a beaucoup d'entre eux, mais aussi a rendre les individus plus exposes a d'autres; et elles abaissent les taux de letalite en ameliorant les services de sante. Les rapports entre developpement et transition sanitaire ne sont pas encore totalement elucides. Pour les responsables des politiques, le probleme cle, en ce qui concerne la sante des adultes, est l'augmentation du nombre absolu d'adultes qui sont atteints de maladies non transmissibles ou d'affections traumatiques et qui en meurent. Si des mesures preventives ne sont pas prises, les exigences de ce groupe politiquement influent deboucheront inevitablement sur une augmen- tation rapide des d6penses. La cause majeure de ce probleme est l'accroissement de la population adulte, qui sera pour une bonne part ineluctable au cours des d6cennies qui viennent. La solution majeure consiste a reduire l'exposition aux risques (pour reduire ainsi les taux de morbidite par age) et a abaisser les taux de letalite en augmentant le recours a des services curatifs efficaces. Ebauche d'un programme d'action pour la sante des adultes Dans les pages qui suivent, on resumera les constatations qui peuvent etre faites a partir des donn6es deja disponibles et qui confirment ou infirment, selon les cas, les hypotheses actuelles concernant la sant6 des adultes. On identifiera en outre les domaines necessitant des recherches supplementaires et l'on recom- mandera certaines actions. L'axe central de ces recommandations est que les pouvoirs publics s'attachent a reduire les depenses consacr6es aux soins de sante dispenses d'une facon inefficace ou inequitable aux adultes, pour lib6rer ainsi des ressources permettant de mettre en oeuvre des interventions d'un bon rapport cout-efficacite, dans bien des cas a titre preventif. Cela temoigne du souci que l'on a d'eviter que les ameliorations de la sant6 des adultes se fassent au detriment de celle des enfants. Constatations L'etude des questions de sant6 des adultes qui sous-tend le pr6sent ouvrage renforce certaines notions generalement admises tout en remettant en cause plusieurs autres, surtout en ce qui concerne la mortalite des adultes. On trouvera ci-dessous un resume des principales conclusions. Franchir le cap de l'enfance n'est pas le seul probleme sanitaire a surmonter dans les pays en dlveloppement Les statistiques sur la mortalite viennent nettement etayer les preoccupa- tions que suscite, lt'6chelle intemationale, la sante des enfants dans les 16 La sante des adultes dans les pays en developpement pays en developpement: en effet, 38 % des d6ces qui y surviennent frappent les enfants de moins de cinq ans, et 97 % d'entre eux pourraient etre 6vites. Mais le fait est que 27 % des d6ces survenant dans ces pays frappent aussi des adultes (15-59 ans), et que 72 % d'entre eux pourraient etre evites. Les morts d'adultes representent environ la moitie de toutes les annees de vie potentielles perdues (si l'on prend 8 % comme taux de ponderation et d'actualisation pour la productivite). * Dans certains pays en developpement (en Sierra Leone, par exemple), le risque qu'a un individu de mourir entre 15 et 60 ans est superieur a 50 %. Dans l'ensemble des pays en developpement, la moyenne se situe a 25 % pour les hommes et 22 % pour les femmes, soit des taux superieurs de beaucoup a ceux des pays industriels a economie de march6 oui ils sont de l'ordre de 12 % pour les hommes et de 5 % pour les femmes. * La charge repr6sentee par les problemes de sante des adultes va croissant. Dans les pays en developpement, les adultes constituent un groupe impor- tant (56 % de la population totale) et dont les effectifs augmentent plus vite que l'ensemble de la population. Si leurs taux de mortalite ne dimi- nuent pas rapidement, les d6ces d'adultes (et en particulier ceux resultant de maladies non transmissibles et de traumatismes) augmenteront a la fois en nombre absolu et en termes relatifs par rapport a l'ensemble des deces. * Les taux eleves de mortalite des adultes s'accompagnent de niveaux de morbidit6 non negligeables, bien que, pour des raisons de m6thodologie, cela ne puisse pas etre quantifi6 de fa,on coh6rente ou totalement parallee. Les problemes de sante des adultes ont de lourdes consequences pour l'individu, sa famille et la societe * Les problemes de sante des adultes absorbent une part importante des ressources affect6es aux soins de sante (plus des trois-quarts dans certains pays). Les families assument une part importante de ce fardeau, puis- qu'elles depensent, en moyenne, au moins autant que l'Etat pour les soins de sante. Les adultes representent la majorite de la population active, et les pro- blemes de sant6 ou les deces touchant cette categorie de population ont generalement des effets n6gatifs sur la productivite. Les pertes qui en r6sultent sont probablement substantielles, quoique difficiles a mesurer car elles sont souvent masquees, deviees ou differees par une r6affectation compensato ire de la main-d'oeuvre au detriment des activit6s g6n6ratrices de revenus, de l'education ou des soins aux enfants. Ces palliatifs att6- nuent l'impact des problemes de sant6 des adultes, mais ils entrainent eux-memes des couts. Resume 17 * Les adultes sont ceux qui ont des charges de famille. La mort ou la maladie d'un adulte peut nuire a la sante des autres membres du menage, voire entrainer leur propre mort-chez les nourrissons dont la mere d6c6de, les taux de mortalit6 peuvent atteindre 90 %. * Un adulte pauvre connait plus souvent de graves probtemes de sante, est plus susceptible de devoir faire regulierement un travail manuel, a moins de ressources pour survivre et est donc plus lourdement penalise par la maladie. Pour les m6nages les plus d6favorises, un probleme de sante peut etre catastrophique: il peut amener la familte a vendre ses biens et la placer dans un etat de pauvrete irreversible. * Les societes tentent probablement de pallier aux problmes de sante r6pets et imprevisibles affectant les adultes en maintenant un exce- dent de main-d'oeuvre et en limitant au maximum ta sp6cialisation sur le marche de travail. Les pertes d'efficacite rcsultant de telles mesures palliatives sont peut-etre d'une enorme importance si l'on cherche a comprendre pourquoi certains pays se developpent lente- ment. La nature, la repartition et les tendances de la mortalite des adultes remettent en question certaines idees recues Les maladies non transmissibles (notamment les maladies cardio- vasculaires et le cancer) et les affections traumatiques sont les principales causes de d6ces des adultes dans la plupart des pays en developpement oa il existe des donnees ad6quates sur la mortalite. De plus, ces maladies, qui sont generalement considerees comme des maladies touchant les riches, entrainent au total des taux de mortalit6 plus eleves dans les pays pauvres que dans les autres et, au sein d'un meme pays, des taux de mortalite plus cleves au sein des populations defavorisees. Confrontes aux problmes majeurs ainsi poses par les maladies non transmissibles et les traumatismes, beaucoup de pays en d6veloppement continuent aussi de faire face a des taux 6lev6s dans le cas de certaines maladies transmissibles touchant les adultes, telles que la tuberculose. * Parmi les adultes, les taux de mortalite par age d6coulant de ta plupart des maladies, dont beaucoup de maladies non transmissibles, sont en regres- sion. Dans certains pays, la baisse des taux de mortalite des adultes intervenue recemment est due pour moiti6 a un recul des maladies non transmissibles. Il n'empeche que les deces d'adultes resultant de maladies non transmissibles augmentent a la fois en nombre absolu (du fait du nombre croissant d'adultes) et en valeur relative (parce que les taux de mortalit6 lies aux maladies transmissibles et infantiles diminuent encore plus vite). 18 La sante des adultes dans les pays en developpement * Dans presque tous les pays en developpement, les taux de mortalite des hommes ages entre 15 et 59 ans sont superieurs a ceux des femmes du meme groupe d'age, et la difference est tres marquce dans certains pays. Meme a l'age de procreation (15-39 ans), la mortalit6 est plus 6leve pour l'homme que pour la femme dans la quasi-totalite des pays. Si, par consequent, la mortalite feminine est infrieure a la mortalite masculine, on s'apercoit, en faisant la comparaison avec la situation dans les pays industrialises, que la proportion de deces evitables est plus elevee chez les femmes. * Dans les pays pour lesquels on dispose de donnees acceptables sur la mortalit6 par cause, les traumatismes sont responsables d'environ 25 % de la mortalit6 chez les adultes de sexe masculin et de 37 % des pertes d'annees potentielles de vie adulte. Les taux sont generalement plus bas chez les femmes. II n'y a pas de tendance r6guliere au fil du temps ou par rapport au risque de mortalite global. En ce qui concerne les traumatismes, les taux semblent etre fonction de series de facteurs sociaux, culturels et economiques distinctes et propres a l'endroit consid6r6. Bien que l'on ne sache pas tout sur les facteurs determinants de la sante des adultes, on en sait assez pour pouvoir ameliorer celle-ci au moyen d'activites de prevention * Les facteurs determinants de ta sante des adultes sont nombreux et varies, ce qui offre de multiples occasions de promouvoir la sante et d'emp&cher les maladies. * Beaucoup de causes de problemes de sant6 chez l'adulte dans les pays en d6veloppement sont liees au comportement et ont trait par exemple a la consommation de tabac ou d'alcool et aux habitudes alimentaires. La pr6valence de certains grands facteurs de risque (notamment le tabac) va croissant. L'augmentation actuelle et passee de ces facteurs de risque et le fait qu'il y a un d6calage entre l'exposition au risque et l'apparition de la maladie signifient que les taux de mortalite correspondant a certaines maladies (notamment le cancer du poumon) sont destines a croitre au cours des decennies a venir. * 11 n'existe pas de lien net entre les niveaux d'ensemble de la mortalit6 adulte et ta structure des causes de deces, ce qui porte a croire que ta transition sanitaire et ses facteurs determinants ne se manifestent pas partout de ta meme facon. It n'y a pas de rapport ctroit entre la mortalite infantile et la mortalite adulte (surtout en ce qui conceme les hommes), et les correlats socio-6conomique de ta mortaliti adulte sont nettement differents de ceux de la mortalite infantile. Ces observations laissent penser que les pays en developpement ne pourront pas tenter de resoudre les problemes de sante des adultes en elargissant l'application des mesures Resume 9 sanitaires qui ont donne de bons resultats pour les enfants. Elles laissent aussi penser que la transition sanitaire n'est pas un processus ineluctable auquel les pays sont condamnes, mais que ceux-ci peuvent prendre des mesures pour eviter certains de ses aspects ind6sirables, par exemple en r6duisant la consommation de tabac chez les femmes avant qu'il ne soit trop tard. Le manque de donn&es sur les probl2mes de sante des adultes dans les pays en d&eveloppement est un serieux obstacle. On ne peut que dresser un bilan approximatif de l'etat de sante des adultes, mais c'est en ce qui concerne la mortalite dans les pays pauvres, la morbidite a l'echelon de tous les pays et les cons6quences des problemes de sante des adultes que cette question est la plus difficile a cerner. Ameliorer l'information servant a la prise des decisions Les responsables doivent connaitre les taux et la repartition des maladies pour pouvoir mettre au point de nouveaux programmes et en evaluer l'efficacit6. Deux approches compl6mentaires permettront d'obtenir les donn6es neces- saires: la premiere consiste a collecter et a analyser systematiquement les statistiques sanitaires, et la seconde consiste en un programme de recherche destine a etudier certaines questions pratiques concemant les maladies, ainsi que d'autres problemes de sant6 et le systeme de prestations des soins dans tel ou tel pays. STATISTIQUES DE SANTE. La collecte des donnees sanitaires de base est souvent envisagee sous l'angle de deux categories distinctes: d'une part, la surveillance (y compris les maladies et/ou facteurs de risque, tels que les cas de tuberculose ou de cancer du col de l'uterus, le nombre de fumeurs ou de consommateurs d'alcool); d'autre part, les statistiques de l'Vtat civil (registres des naissances et des d6ces). Peu de pays en d6veloppement accordent la priorite a l'une ou l'autre. Meme lorsqu'ils procedent a la collecte de donnees, la qualite de ces dernieres risque d'atre sujette a caution et il se peut qu'elles ne soient pas analysees ou utilisees pour guider la politique sanitaire. RECHERCHE. Quand des pays ont du mal a dispenser des services de sante meme de base, la recherche peut aisement passer pour un luxe qu'ils peuvent diffici- lement s'offrir. Mais la Commission sur la recherche sanitaire pour le develop- pement, en 1990, a fait valoir d'une fa,on convaincante l'argument inverse, a savoir que ta recherche est une necessite pour ces pays justement parce qu'ils ont besoin de donner les moyens d'agir a ceux qui doivent accomplir davantage 20 La santa des adultes dans les pays en d6veloppement avec moins de ressources. 11 peut y avoir beaucoup a faire dans le domaine de la recherche pour preciser la nature, les causes et les consequences des pro- blemes de sante des adultes, mais le manque de connaissances a lui seul ne saurait justifier un programme de recherche. Heureusement, les questions qui justifient que l'on investisse dans la recherche (c'est-A-dire celles pour lesquelles les avantages l'emportent sur les couts) constituent une petite partie seulement de ce vaste ensemble de connaissances qui font defaut a l'heure actuelle. Dans les pages qui suivent, on identifiera les domaines generaux dans lesquels le manque de connaissances fait s6rieusement obstacle a la prise de decisions approprices et la recherche a de bonnes chances d'apporter les informations voulues a un cout raisonnable. Certains de ces sujets de recherche se pretent a une participation des organisations intemationales et des bailleurs de fonds, mais, dans la majorite des cas, c'est aux pays en developpement eux-memes qu'il appartiendra d'agir, le cas echeant avec un appui extcrieur, en vue d'etablir leurs propres politiques de sante. Si les propositions formulees en 1990 par la Commission sur la recherche sanitaire pour le d6veloppement afin d'encourager la recherche sur les problemes de sante des pays en d6veloppement sont prises en compte, il y a de bonnes chances pour que les themes enumeres ci-apres ne soient pas qu'une simple liste de voeux pieux. Ils necessiteront la mise en place de structures institutionnelles et de mecanismes financiers appropries pour le renforcement des capacites de recherche. Recherche sur l'ampleur et les causes des problemes de sante des adultes Les conclusions figurant dans le present ouvrage prennent resolument le contre-pied de l'argument selon lequel il est inutile d'eudier l'ampleur et les causes des problemes de sante des adultes, car les principaux d'entre eux sont deja assez connus. Si les donn6es disponibles n'avaient pas et analys6es, combien de responsables auraient prevu, par exemple, que les trois principales causes de d6c&s d'adultes de sexe feminin au Salvador et a Maurice sont les memes qu'aux Etats Unis, a savoir les maladies cardiovasculaires, le cancer et les traumatismes? Ces elements d'information fondes sur la collecte courante de donnees concernant la mortalite sont un important point de depart, mais des lacunes majeures subsistent encore en matiere d'information. L'insuffisance des normes sanitaires allant de pair avec la mauvaise qualite des donnees, c'est sur les pays ou la situation sanitaire des adultes est la pire que l'on sait le moins. Pour donner un exemple, on ne peut effectuer une analyse de la mortalite que pour les pays qui ont des donnees de mortalite par cause assez bonnes, et cela exclut l'Afrique subsaharienne, la region la plus defavoris6e du monde. L'importance relative des causes de problemes de sante chez les adultes risque d'etre differente dans les pays les plus pauvres, comme semblent l'indiquer les donnees concernant l'Inde. On n'a peut-etre pas int6r&t a faire Resume 21 des g6n6ralisations a 1'6chelle mondiale en se fondant sur les pays pour lesquels il existe des donnces satisfaisantes. II faut avoir davantage d'informations sur la mortalitc des adultes dans les pays les plus pauvres, notamment en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud. Si l'on ne dispose pas de donnees acceptables pour beaucoup de pays pauvres, it y a de bonnes raisons a cela, car la collecte de donnces coute cher, et d'autant plus cher a mesure qu'on en accroit ta portee et ta pr6cision. La mod6lisation constitue une solution de rechange possible, mais les risques que prcsente l'utilisation de cette technique pour produire des donnees sur la mortalite adulte sont particulicrement s6rieux dans le cas des pays les moins avanc6s, qui sont ceux pour lesquels les donnees de base laissent le plus a desirer. Meme pour les pays dot6s de donnees assez fiables sur la mortalite, des questions subsistent quant a l'importance r&elle de certaines causes de d6c&s. Dans le cadre des m6thodes actuellement utilisees pour determiner les causes de d6c&s, on peut serieusement sous-estimer le r6le de certaines affections chroniques telles que le diabete ou la bronchite chroni- que. 11 convient donc de mettre au point des m6thodes bon marche et d'utilisation facile pour la collecte et l'analyse des donnees concernant la mortalite adulte, en amcliorant les systemes de statistiques de l'etat civil ou en adoptant des approches novatrices. En ce qui concerne la morbidite adulte, les donnees fiables et comparables sont encore plus rares que dans le cas de la mortalitc. On pourrait ctre tentc d'en conclure que toute recherche dans ce domaine a l'chelon des pays en d6veloppement sera utile, mais ce serait une erreur. Ainsi, beaucoup d'6tudes ant6rieures ont portc sur une seule maladie, ce qui peut entrainer des suresti- mations, et ont employ6, pour d6finir ou mesurer la morbidite, des notions qui manquaient de coherence. Un travail m6thodologique de base s'impose, afin de preciser les types de donn6es qui sont utiles et de determiner comment elles doivent etre interpretces. Une fois ctabli un certain consensus sur les methodes a adopter, des pays choisis devront collecter des donnees sur la nature et le niveau de la morbidite et des invalidit6s au sein de leur propre communaute. En determinant le lien qui existe entre la morbidite et la mortalitc des adultes dans ces pays, on verra mieux pourquoi les statistiques de mortalt6 ne per- mettent pas d'identifier les problemes de sant6 prioritaires, ce qui aidera a ctablir des m6thodes plus simples d'estimation de la morbidit6. La collecte et l'utilisation de donnees ad6quates concernant l'utilisation des services de sant6 doivent faire l'objet d'une attention beaucoup plus grande, car ce sont pr6cis6ment ces donnces qui indiquent aux d6cideurs les types de maladies qui poussent les individus a se faire soigner et les demandes auxquelles sont soumis les systemes de soins prives et publics de sante-autant de donnees indispensables a la planification et a l'affectation des ressources en maticre de soins de santc. 22 La sante des adultes dans les pays en ddveloppement Etude des consequences des problemes de sante des adultes Les statistiques sur la morbidite et la mortalite permettent de mesurer d'une facon sommaire des evenements douloureux et parfois desastreux, mais elles ne peuvent pas rendre compte, dans toute son ampleur, de l'impact que ces evenements ont, surtout dans le cas des familles d6favorisees. C'est pro- bablement parce que l'on s'en remet a ces indicateurs que l'on a une connais- sance si rudimentaire des ramifications des problemes de sante et de la mortalit6 des adultes. II y a au moins deux raisons importantes pour lesquelles il convient d'etudier de plus pres les consequences de la morbidite et de la mortalite. Premierement, ce genre d'6tude prospective offre de nouvelles occasions d'att6nuer l'impact des probt&mes de sante des adultes, en s'attaquant par exemple aux racines du mal et en reduisant la frequence des episodes morbides. Elle peut etre egalement l'occasion d'ameliorer les strategies permettant de parer a ces 6venements et d'aider les families a les surmonter. Deuxiemement, les problemes de santc ne sont pas quelque chose d'homogene; its peuvent avoir des consequences tres differentes selon les individus, en fonction non seulement de la nature du probleme mais aussi du contexte social et economique. Une justification rationnelle des priorit6s sur le plan des interventions doit tenir compte de ces differences. Qu'est-ce qui distingue les consequences de differents types de problemes de sant6, selon qu'ils sont vecus a des ages differents, dans des contextes cconomiques diff6rents, par un homme ou par une femme? Il convient d'examiner tout particulierement l'impact des maladies ou traumatismes catas- trophiques et des d6ces au niveau des menages les plus d6favoris6s. On devra egalement accorder une attention particuliere aux processus que les societ6s ont progressivement mis en place pour minimiser les consequences des problkmes de sante, a la fois pour comprendre de quelle facon ils pourraient etre renforces et pour saisir l'int6gralit6 des coits afferents a ta morbidite et a ta mortalitc des adultes. Les systemes d'assurance structurcs et traditionnels sont deux mecanismes destines a faire face aux problemes de santc qu'il conviendrait d'etudier dans le contexte de cultures diffcrentes. On n'a pas assez de donnees sur les pertes d'efficacitc subies dans les pays en d6veloppement qui ont mis en place des regimes nationaux d'assurance-maladie. Une cvaluation des coots et avantages de ces programmes foumirait les renseignements de nature a am6lio- rer les d6cisions concernant l'6ventuelle extension de ces regimes d'assurance a d'autres pays en developpement. Identification des facteurs determinants des problemes de sante des adultes On ne connait pas suffisamment bien la pathogencse et la physiopathologie 6ementaires de plusieurs grandes maladies de l'adulte dans les pays en develop- Resume 23 pement (c'est par exemple le cas de la plupart des cancers), et cela fait obstacle a l'6laboration de techniques preventives ou curatives. Mais la plupart de ces problemes se posent aussi dans les pays industrialis6s, qui ont a la fois la motivation et les ressources voulues pour entreprendre les recherches biomedi- cales de base, et it est probable que les resultats de ces recherches pourront s'appliquer partout. C'est pour une raison analogue que les pays en developpement n'ont pas intr&t a investir massivement dans la recherche fondamentale sur la nature des liens existant entre les maladies des adultes et leurs facteurs de risque, car ce travail est d6ja entrepris pour une bonne part dans les pays industrialises et peut trouver une application dans les pays moins d6velopp6s. 11 est fort probable, par exemple, que le lien entre la consommation de cigarettes (quantitc, type et nombre d'annces) et le risque de cancer du poumon est similaire en Grande- Bretagne et au Burkina Faso. 11 s'agit d'exploiter les donnees et les recherches existantes sur les facteurs de risque. Neanmoins, le financement de certaines etudes nouvelles concernant des facteurs de risque donnes dans les pays en developpement se justifie dans une certaine mesure. Dans certains contextes, en effet, ce genre de recherche peut avoir un effet sensibilisateur important, sans compter qu'il peut exister des facteurs environnementaux ou g6n6tiques sur lesquels on ne s'est pas beaucoup penchc parce qu'ils se rencontrent peu frequemment dans les pays industrialiscs. C'est le cas, par exemple, des causes infectieuses de maladies non transmissibles. Peut-etre est-il possible d'expliquer au moyen d'etiologies jusqu'ici inconnues ou sous-estimees certaines enigmes telles que les tendances apparemment opposees dont font l'objet les taux de certaines maladies non transmissibles et ceux de leurs facteurs de risque prcsumes. En outre, certains facteurs de risque n'ont pas e6t suffisamment bien evalues dans les pays industrialis6s (on pense, par exemple, a certains facteurs lies au mode de vie et a ta situation socio-eco- nomique, a differentes combinaisons de facteurs de risque ou a l'exposition a des facteurs de risque durant 1'enfance). Parmi les recherches qui s'imposent en ce qui concerne les facteurs de risque dans certains pays en d6veloppement figurent 1'etude du regime alimentaire et de la pollution de l'air int6rieur et des liens qu'ils ont avec toute une scrie d'affections des systrmes respiratoire et circulatoire. Si les donnees concemant les effets des facteurs de risque sont facilement transposables d'une culture a une autre, le niveau d'exposition a ces facteurs varie fortement selon le lieu. Les taux elev6s de tabagisme en Papouasie-Nou- velle-Guin6e ne nous apprennent rien sur la consommation du tabac au Paraguay. Les donnees sur l'exposition a un grand nombre de facteurs de risque essentiels laissent a desirer et doivent etre amelior6es; on pense en particulier a celles concernant la consommationd'alcool et de tabac, le r6gime alimentaire, la culture physique, les comportements sexuels, les risques lies a l'environne- 24 La sante des adultes dans les pays en developpement ment et au lieu de travail, et les facteurs de risque concernant les trausmatismes. Faute de renseignements sur la nature, I'ampleur ou les tendances historiques des principaux facteurs de risque, ou de l'exposition a plusieurs d'entre eux a la fois, il est difficile de concevoir des strategies de prevention appropriees. It importe egalement de savoir quels sont les individus a risque et comment ils pourront reagir si l'Etat prend des initiatives. Ce genre de renseignement aidera les responsables a mieux cibler et concevoir ces interventions. On pourra utiliser des strat6gies differentes pour les hommes et les femmes, les adultes jeunes et ceux plus ag6s, les habitants des villes et ceux des campagnes, les travailleurs de l'industrie et les fonctionnaires. Aux Etats-Unis, par exemple, une hausse du prix des cigarettes a plus d'impact sur les jeunes que sur le reste de la population. Pour la meme raison, il est essentiel de comprendre ce qui conditionne les facteurs determinants eux-memes-pourquoi, par exemple, les gens fument-ils ou non? Pour concevoir et assurer les interventions, on a besoin d'informations sur la nature et l'importance relative des facteurs culturels, 6conomiques et educatifs dans les comportements a risque, et ces informations pourront dans une large mesure s'appliquer uniquement a un pays ou une categorie de population donnes. Programme d'action Grace a l'apport des recherches proposees ci-dessus, les pays en devetoppement devraient disposer des donnees voulues sur les grands problemes de sante de leurs adultes ainsi que sur les consequences et les facteurs determinants de ces problemes. Cette information est une condition n6cessaire a l['6aboration d'une bonne politique de sante, mais elle ne suffira pas. It faut aussi connaitre les options dont on dispose pour s'attaquer a ces problemes et savoir quels en sont les couts et avantages. Le fait que des problemes de sante des adultes se posent, ou qu'ils aient des effets dont on peut d6montrer la gravite, ne suffit pas a lui seul a justifier que l'Etat intervienne dans la prevention ou le traitement la technologie peut ne pas etre disponible ou etre extremement couteuse et en grande partie inefficace, ou il est possible que le secteur priv6 dispense ces services de fa,on efficace et equitable. Le present ouvrage ne pretend pas analyser les options possibles. 11 a une ambition plus modeste, qui consiste a presenter ce que l'on sait des pro- blemes de sante affectant les adultes dans les pays en developpement. Cela dit, les principales conclusions qui se degagent des donnees disponibles portent en elles des possibilites d'action, ce serait faire preuve d'irresponsa- bilite que de laisser echapper cette occasion de preciser quelles sont ces possibilites et de mettre en garde contre d'cventuelles erreurs d'interpreta- tion des donnees. Resume 25 Principes et mises en garde Cet ensemble de propositions appelle un certain nombre d'observations et de mises en garde. Premierement, toute analyse doit s'articuler autour d'un prin- cipe d'organisation en fonction duquel on peut repertorier les problemes et les solutions selon certaines cat6gories. Inevitablement, ces categories imposent certaines limites. Les maladies et leurs facteurs determinants ont en grande partie structure les analyses faisant l'objet de l'ouvrage resume ici, et influence la nature des recommandations qui s'en degagent. Une nouvelle analyse, etablie d'un point de vue different et prenant peut-etre comme principe d'organisation les institutions, les facteurs ou les niveaux de revenu, pourrait deboucher sur un ensemble de propositions compl6mentaire. Deuxiemement, les donnees dont on dispose sur l'efficacit6 des interventions et les ressources a y consacrer ne sont pas tres solides. L'information concernant les couits et avantages des differentes strat6gies s'en tient generalement aux depenses publiques et aux resultats qu'elles ont directement pour la sante sans considerer le facteur d'6quite, alors que celui-ci est un critere important dans la plupart des societes. Et meme dans le cadre de ce champ d'investigation limit6, on sait tres peu de choses sur les resultats et les couts d'autres options disponibles pour ameliorer la sant6 des adultes. On ne peut que recommander un effort de recherche plus pousse dans ce domaine. Troisiemement, il peut &re dangereux de g6neraliser. Les diff6rences entre pays concement non seulement les maladies auxquelles ils sont confrontes, mais aussi les conditions techniques, economiques et politiques dans lesquelles ils doivent mettre en oeuvre la politique de sante. Toutes les propositions n'auront pas partout la meme resonnance. En mettant l'accent sur les maladies courantes, importantes et, d'une facon generale, mal traitees, on est parvenu a une liste d'interventions suggerees qui a des chances de pouvoir s'appliquer dans la majorite des cas, mais it appartient aux gouvemements des pays en developpe- ment d'examiner soigneusement ces interventions a la lumiere de leur propre situation. Un facteur qui risque d'influencer au plus haut point l'interet d'un investis- sement dans une intervention quelconque, dans tel ou tel pays, est la nature des investissements auxquels il faudra par ailleurs renoncer. Pour decider comme il convient d'un investissement public dans la sante des adultes, il faut savoir a quelle autre utilisation les ressources correspondantes pourraient servir. Si l'Etat consacre davantage de ressources a des moyens de soulager les souf- frances des cancereux, cela se fera-t-il au detriment du nombre d'interventions chirurgicales pour des patients a un stade de cancer avance, d'initiatives visant a empecher les accidents de la route, de campagnes de vaccination pour les enfants ou de programmes d'amelioration du parc de logements? C'est de ces arbitrages que dependra la justification d'un investissement dans des moyens 26 La sante des adultes dans les pays en d6veloppement visant a soulager les canc6reux. Les structures politiques, institutionnelles et financieres limitent les choix de depenses publiques selon des modalit6s qui ont rarement 6tc etudiees et sur lesquelles on peut difficilement gen6raliser. En l'absence de donnees sur la nature de ces arbitrages, on peut faire quelques observations gen6rales sur un certain nombre de grandes options qui pourront etre envisag6es par les pays en developpement: * Reaffecter les ressources de facon a investir directement dans la sant6 des adultes et non plus la sante infantile risque fort d'ctre inefficace et inequitable, surtout si l'on se contente d'investir ces ressources selon les sch6mas en vigueur. Beaucoup d'interventions en matiere de sant6 infan- tile sont d'un excellent rapport coCit-efficacit6, ce qui tient a la fois a la nature de ces interventions, qui sont assez bon marche et efficaces, et au fait qu'elles peuvent etre mises en oeuvre aux premiers stades de la vie humaine en procurant des avantages relativement immediats. De plus, les differences de situation sanitaire liees au revenu sont plus marqu6es chez les enfants que chez les adultes, et les pauvres ont tendance a etre plus jeunes, en raison de taux de fecondite plus eleves, ce qui laisse penser que les investissements dans la sante infantile ont des chances de rem6dier d'une facon plus efficace aux inegalit6s. * Il est gen6ralement plus rentable de traiter les maladies transmissibles des adultes que les maladies non transmissibles. Beaucoup de maladies trans- missibles peuvent etre soign6es a l'aide de medicaments (c'est par exemple le cas de la dysenterie, des pneumopathies bacteriennes et de l'ascari- diase). Par contre, les maladies non transmissibles sont souvent difficiles a traiter. Pour certaines, comme le cancer du poumon, il n'y a pour ainsi dire aucun traitement, ou les traitements coutent tres cher et offrent des avantages tres limites en termes d'annees suppl6mentaires de vie valide. Certes, les ressources investies dans les maladies non transmissibles b6n& ficieront aux pauvres, et probablement plus a eux qu'aux riches, 6tant donn6 que les taux de beaucoup de maladies non transmissibles sont plus eleves chez les pauvres, mais les investisseinents consacr6s a la lutte contre les maladies transmissibles s'av6reront probablement plus b6n6fiques en- core pour les pauvres. 11 ne semble donc pas appropri6 de r6orienter massivement les services de sant6 publique vers le traitement des maladies non transmissibles au lieu des maladies transmissibles, en particulier a un moment ou des maladies comme la tuberculose restent de gros problemes. (Certaines exceptions notables seront examinees plus loin.) * Les cas de maladies non transmissibles et de traumatismes affectant les adultes sont en augmentation, que ce soit en nombre absolu ou en importance relative, et sont un sujet de pr6occupation appropri6 pour les pays en d6veloppement. Des ressources appr6ciables sont deja consacr6es Resume 27 au traitement de ces affections, et les resultats sont souvent sujets a caution. Une reaffectation d'une partie de ces ressources dans le sens de la prevention se justifie. Non seulement il est etabli que certaines strate- gies de pr6vention sont plus rentables que les options therapeutiques qui pourraient s'y substituer, mais les differences qui existent entre traitement et prevention, d'un point de vue economique, incitent a penser que les prestataires de sante prives risquent de sous-investir (si l'on se place d'un point de vue social) dans les strategies de pr6vention. * II est difficile de juger des merites respectifs des compromis qui pourraient etre faits, en dehors du secteur de la sant6 proprement dit, entre d6velop- pement economique et sante. On pourrait probablement, toutefois, plai- der en faveur d'une certaine redistribution, dans le sens des domaines concernant la sante et la securite, des ressources substantielles que bon nombre de gouvernements consacrent a l'agriculture, a l'industrie et aux subventions aux prix en faveur des classes moyennes. * Enfin, s'il y a un transfert qui peut s'averer efficace et cquitable au plus haut point, c'est celui qui verrait les pays industrialises r6affecter des ressources afin d'am6liorer la sante des adultes dans les pays en develop- pement. Une redistribution des ressources au profit de la recherche en matiere de sante presente tout autant d'int&et. Mesures specifiques Dix domaines d'action sont identifies ci-apres. Le premier consiste a supprimer des ressources actuellement affectees a certains programmes de sante des adultes. Les neuf autres correspondent a des interventions specifiques qui meritent un examen plus approfondi. Toutes ces mesures sont rentables (moins de 500 dollars par annee actualisee de vie valide gagnee) et s'attaquent a des problemes importants pour tous les pays en d6veloppement (cancer, trauma- tismes dus aux accidents de la circulation, problemes de sante matemelle, maladies sexuellement transmissibles, tuberculose et diabete). D'importantes maladies tropicales importantes en sont exclues. Pour certaines, comme le paludisme, les mesures de lutte actuelles laissent a desirer et, pour d'autres, comme l'onchocercose, elles sont adequates; dans tous les cas, ces maladies font deja l'objet d'une attention considerable dans le cadre des programmes de sante mis en oeuvre a l'6chelon international ou national. Supprimer les ressources affectres a des services inefficaces et inequitables de sante' publique destine's aux adultes Certaines constatations empiriques tendent a appuyer la notion selon laquelle une bonne partie des investissements consacres a la sante des adultes dans les 28 La sante des adultes dans les pays en d&veloppement pays en developpement est inefficace et inequitable. Le traitement du cancer en est un exemple. Dans les pays en developpement, selon les estimations, deux tiers des cancers sont incurables une fois diagnostiques. La technologie actuelle n'offre guere d'espoir aux personnes atteintes d'un cancer de l'estomac, de l'oesophage, du foie ou du poumon. Meme aux Etats-Unis, le taux de survie au-dela de cinq ans pour ces types de cancer est inferieur a 15 %, et il n'est que de 2 a 3 % pour les cancers de l'oesophage et du foie. Dans l'ensemble, le traitement du cancer n'offre que des progres limites sur le plan de l'esperance de vie, et ces progres s'accompagnent, dans bien des cas, de souffrances et de difficultes considerables. De plus, ce type de traitement est coateux: selon les estimations de coCit-efficacite, it en coate en moyenne plus de 50.000 dollars par annee actualis6e de vie valide gagnee. Trop souvent, le recours a une therapie de choc pour tenter de prolonger legerement ta vie d'un malade, alors que celui-ci est en train de mourir dans des conditions inconfortables, l'emporte sur le souci de lui procurer une mort paisible dans un environnement familier. L'Etat devrait cesser de financer les traitements non palliatifs de ta plupart des cancers. D'autres methodes plus appropri6es (soulagement de la souffrance des malades atteints d'un cancer, depistage et traitement du cancer du col de l'uterus, lutte contre le tabagisme et vaccination contre l'h6patite B) sont examinees ci-apres. On a identifie d'autres interventions medicales d'un cout tres eleve par rapport aux avantages qu'elles offrent pour la sante des adultes en termes d'ann6es actualisees de vie valide gagnees. Le traitement medical de l'hyper- tension (2.000 dollars) ou de l'hypercholesterolemie (4.000 dollars), les traite- ments therapeutiques antiviraux du syndrome immunodeficitaire acquis, ou SIDA (5.000 dollars) et les pontages coronariens (5.000 dollars) sont tous des facons extremement peu interessantes d'investir les deniers publics, sans comp- ter qu'il est possible de reduire les quatre maladies correspondantes de maniere efficace et economique en utilisant des moyens de prevention primaire fondes sur les modes de comportement et les habitudes alimentaires. II s'agit la d'une liste limitee d'exemples, parmi les plus frappants, de techno- logies pour lesquelles l'Etat devrait etre dissuad6 de depenser des ressources. II y en a d'autres, mais on ne s'est pas beaucoup preoccupe de determiner dans quelle mesure elles sont employees dans les pays en developpement. Les ministeres de ta sante devraient examiner de prcs les services qu'ils dispensent aux adultes. Une evaluation objective de la facon dont les services de sante actuels repondent aux besoins des adultes risque de montrer qu'il serait possible d'am6liorer nettement la situation dans divers domaines (administration, for- mation, financement et technologie). Pour ramener a des proportions accep- tables ce qui serait autrement un travail enorme, on devrait initialement se concentrer sur les aspects techniques et, en particulier, sur les quelques maladies de l'adulte pour le traitement desquelles des ressources appreciables sont inves- Resume 29 ties-affections traumatiques, cancer, maladies cardiovasculaires et tubercu- lose. Comment les services actuels prennent-ils en charge les maladies et les traumatismes chez l'adulte? Quels sont les couts, les effets et les facteurs qui entrent en ligne de compte? Quelles sont les solutions de rechange, leurs coats et leur efficacite probables, et quels effets auront-elles sur les pauvres? Quelles sont, plus largement, les implications des r6ponses a ces questions en ce qui concerne les problkmes de financement, d'administration et de formation en matiere de services de santc? En limitant l'aide de l'Etat en faveur de traitements dont la valeur est extremement sujette a caution, on risque de se heurter aux interets en place, et c'est pourquoi les gouvemements doivent peser soigneusement leurs politiques qui ont une incidence sur les effectifs des services de sant6. Si les programmes d'enseignement, les bourses, la formation specialisee et les baremes des salaires ne ref.ctent pas les priorit6s qui ont et6 identifiees en matiere de soins de sant6, les groupes de pression qui ont beaucoup d'influence dans le domaine medical pourront chercher a appliquer les progrcs therapeutiques dans tous les do- maines, sans consid6ration de rentabilit6. 11 convient d'6laborer avec beaucoup de soin et de d6termination les politiques touchant l'evaluation et I'adoption des technologies nouvelles. C'est la un domaine dans lequel les gouvernements des pays industrialises commencent tout juste a progresser. Certains, comme les Etats-Unis, ont deja constate qu'il leur est pour ainsi dire impossible de mettre un frein a l'emploi de technologies inefficaces ou excessivement couteuses. Lutter contre le tabagisme La consommation de tabac, et en particulier de cigarettes, contribue pour beaucoup a compromettre la sante des adultes dans le monde en developpe- ment. Elle entraine une charge de morbidit6 et de mortalitc tres lourde, dont les effets ne se sont pas encore manifestes pleinement. Selon des estimations rccentes, le tabagisme fait 3 millions de victimes par an a l'cchelle mondiale (dont un quart en Inde), et ce chiffre devrait depasser les 10 millions d'ici I'an 2020. Cette augmentation se produira pour l'essentiel dans les pays en develop- pement. En Chine, 50 millions de personnes qui vivent a l'heure actuelle sont destinees a mourir a cause du tabac. L'experience des pays industrialises montre bien qu'il est possible de modifier les habitudes a cet egard. Un domaine prometteur est l'action sur l'opinion publique au moyen de mesures legislatives accompagnees d'un effort d'educa- tion. Plusieurs pays industrialis6s ont adopte des lois obligeant les paquets de cigarettes et autres emballages a contenir des avertissements sur les dangers du tabac et interdit la publicitc de ce type de produit de mcme que l'usage du tabac dans les lieux publics, et ces mesures semblent donner des resultats. 30 La sante des adultes dans les pays en developpement L'education, que ce soit sous la forme de conseils individuels (de la part des medecins, par exempte) ou au moyen de campagnes de bonne qualite dans les medias, a fait la preuve de son efficacite dans certains pays, quoiqu'elle ait davantage permis d'encourager ceux qui ne fument pas a ne pas commencer que d'aider les fumeurs a s'arreter. Les campagnes sp6cialement destin6es aux enfants sont particulierement prometteuses et doivent etre renforc6es dans la plupart des pays. Les taxes sur les cigarettes sont un des moyens de sante publique les plus efficaces dont disposent les pouvoirs publics pour reduire l'usage du tabac. Elles dissuadent ceux qui ne fument pas d'acquerir cette habitude et diminuent l'usage du tabac chez les pauvres et les jeunes. D'apres certaines estimations concernant les Etats-Unis et les pays d'Europe de l'Ouest, une hausse de 10 % du prix des cigarettes fait baisser la consommation de 4 %. Et selon les premiers 6l6ments d'information en provenance d'un pays en developpement, en l'oc- currence la Papouasie-Nouvelle-Guinee, une augmentation de 10 % de la taxe sur le tabac (et non de son prix) a fait baisser de 7 % la demande de cigarettes. Mais il faut augmenter en meme temps les prix de tous les produits du tabac, afin de dissuader les consommateurs de se reporter sur les produits meilleur marche (qui seront peut-etre encore plus nocifs). Des analyses ont et faites au niveau des rares donnees disponibles au sujet des couits et de l'efficacite des strategies de reduction de la consommation de cigarettes, et elles ont conclu que les initiatives en matiere d'education 6taient trcs rentables. Elles font etat de coats de l'ordre de 25 dollars par ann6e actualisee de vie valide gagnee, dans les pays dont le produit national brut (PNB) par habitant est de 1.500 dollars, voire de 15 dollars seulement si l'on augmente les taxes sur les cigarettes. Ces chiffres ne rendent pas compte de certains autres coats, tels que la gene que ressentent ceux qui arretent de fumer ou les problemes temporaires de ch6mage et de r6duction du revenu national que connaissent les pays qui ont un secteur important de production de tabac ou de fabrication de cigarettes. Mais il y a aussi d'autres avantages, tels que la diminution des incendies dus a la cigarette ou les economies de bois servant au sechage du tabac. Montrer que la reduction de la consommation de tabac a des avantages sociaux sup6rieurs aux coats ne veut pas dire pour autant que les reformes seront faciles a mettre en oeuvre. Les groupes qui ont depuis toujours interct a ce que la consommation de cigarettes augmente (fabricants, distributeurs, publici- taires) ont une influence considerable. Dans les pays en developpement, les consommateurs ont un pouvoir de pression assez limite, sont generalement mat informes et ne sont pas actuellement confrontes a un probleme majeur en ce qui conceme les maladies li6es au tabagisme. 11 faut donc moins s'attendre a ce qu'ils jouent le meme r6le que leurs homologues des pays industrialis6s pour accroitre les activites de lutte contre le tabagisme. Quant aux gouvernements des pays en developpement, qui beneficient presque sans exception des taxes Resume 31 percues sur les cigarettes, il se peut qu'ils hesitent a adopter des mesures qui risqueraient, selon eux, de compromettre cette source appreciable de revenus. En fait, 1'effet dissuasif qu'une legere augmentation des taxes sur le tabac peut avoir sur la demande est inferieur a la hausse du prix, si bien qu'en derniere analyse, on estime qu'une hausse de 10 % des taxes se traduit par un surcrolt de recettes de l'ordre de 5 a 8 %. Certains gouvernements ont compris cela et pris des mesures energiques en d6pit de la vive opposition des producteurs de tabac. Le defi est enorme. Tous les pays en developpement devraient se doter d'un organisme charge de planifier et de coordonner la lutte anti-tabac. L'inaction dans ce domaine ne peut se justifier. La lutte contre le tabagisme est en effet un des problemes de sante publique les plus importants, sinon le plus important, qui se pose au monde. Ameliorer la securite routiere Les traumatismes dus aux accidents de la route sont une des principales causes de deces chez les adultes dans les pays en developpement, et leur importance n'a cesse d'augmenter au cours des 20 demieres annees: durant les ann6es 70, une multiplication par deux ou trois des taux de mortalite correspondants n'a pas ete rare. Les taux bruts de mortalit6 dus aux accidents de voitures sont plus clev6s dans les pays en d6veloppement que dans les pays industrialis6s, et l'ecart est encore plus frappant si l'on tient compte du nombre de v6hicules: le nombre de morts pour 1.000 vehicules est 10 a 20 fois plus eleve dans les pays en developpement. A cela s'ajoutent des niveaux non n6gligeables de morbidit6 et d'invalidit6 graves, ainsi que la perte de biens. Dans certains pays en d6veloppement, on estime que les pertes economiques dues aux accidents automobiles repr6sentent 1 a 2 % du PNB. La situation des pays en developpement presente deux caracteristiques importantes: le pourcentage eleve de pietons blesses dans des accidents de la route et ta diversite des vehicules qui empruntent les voies de circulation (oui des bicyclettes, des attelages tires par des animaux et des camions roulant a toute allure se disputent le peu d'espace qu'il y a sur la chaussee). Le premier obstacle i surmonter si l'on veut reduire les pertes de vies humaines et les blessures est le fatalisme. Un accident de voiture n'est pas le fruit de la fatalit6; il resulte de facteurs qui peuvent en grande partie etre maitris6s: des routes dangereuses (ma1 eclairees ou depourvues de moyens de s6paration des voies de circulation), une conduite peu sare (exces de vitesse, conducteurs jeunes ou inexperimentes, cas de conduite en etat d'ivresse) et des vehicules dangereux (ne protegeant pas suffisamment les conducteurs et passagers, mal entretenus, ou surcharges). La tegislation, les politiques des prix, les investissements directs et l'education peuvent tous avoir un effet positif. 32 La sante des adultes dans les pays en d6veloppement L'alcool joue un r6le important, quoique insuffisamment etudie, dans les accidents de la route au niveau des pays en developpement. Plusieurs strategies, et notamment les hausses de prix, ont permis de r6duire la consommation d'alcool d'une fa,on generale et de reduire ta mortalite due aux accidents de la route, surtout parmi les jeunes conducteurs. Une legislation pr6voyant notam- ment des peines severes pour la conduite en etat d'ebriete et limitant les heures et conditions de vente d'alcool est une autre approche possible, bien qu'elle donne generalement de moins bons resultats. Malheureusement, on n'a guere de preuves de la rentabilite de l'une ou l'autre de ces strategies dans les pays en developpement, et des etudes supplementaires s'imposent d'urgence. L'importance relative des differentes causes d'accidents varie d'un pays a l'autre et la diversit6 des strategies de prevention specifiques que cela implique laisse penser que la collecte de donnees localisees devrait etre un outil essentiel des pouvoirs publics dans le cadre des efforts qu'ils deploient pour rendre la circulation routiere plus sure. Dans l'intervalle, ceux-ci auraient tout interet a faire de la s6curit6 routiere une de leurs priorites et a s'attacher principalement a am6liorer les routes et a modifier le comportement des automobilistes. Its pourraient, dans ce but, adopter et appliquer des lois regissant les limites de vitesse, l'utilisation des ceintures de securite, le port du casque et l'usage des feux de croisement pour les motos, et ameliorer le r6seau routier. II conviendrait d'accorder une attention particuliere a la reduction de la consom- mation d'alcool (dont les effets sur la sante ne se limitent d'ailleurs pas aux accidents de la route), a t'am6lioration de ta securite des pietons et a des mesures pour faire en sorte que des vehicules differents et roulant a des vitesses diffe- rentes puissent se partager les voies de circulation. Vacciner contre lhepatite B A l'echelon mondial, plus de 300 millions de personnes dans le monde sont porteuses du virus de l'hepatite B et celui-ci sera ta cause du deces de 25 a 30 % d'entre elles, des suites d'une cirrhose ou d'un cancer du foie. Celui-ci est l'une des formes de cancer les plus courantes en Asie du Sud-Est et dans les pays du Pacifique, et est egalement repandu dans certaines zones d'Afrique subsaha- rienne. 11 est pratiquement incurable. Jusqu'a 80 % des cancers du foie sont imputables au virus de lPh6patite B et les porteurs ont 200 fois plus de risques de contracter ce cancer que les non-porteurs. Le prix du vaccin contre l'hepatite B a diminu6 derni&rement sous l'effet des progres techniques et du jeu de la concurrence (de plus de 100 dollars, il est tombe a moins de 3 dollars pour une prophylaxie qui parvient dans 75 a 95 % des cas a 6viter qu'une personne ne devienne porteuse du virus de l'hepatite B). Destine aux nouveau-nes et aux jeunes enfants, ce vaccin peut etre administre dans le cadre de l'infrastructure qui existe deja pour les autres vaccinations Resume 33 infantiles; sa faisabilitc s'en trouve ainsi accrue et ses couts d'administration r6duits. Plusieurs pays en developpement, dont la Gambie et Taiwan (Chine), ont deja lance des programmes nationaux de vaccination contre l'hepatite B, et l'Italie envisage de rendre obligatoire ce vaccin pour tous Les jeunes enfants. Comme pour beaucoup de strategies de prevention, I'attrait financier de la vaccination contre l'hepatite B est modifie du fait du laps de temps qui s'6coule entre l'investissement consenti pour cette intervention et la concretisation de ses benefices (a savoir le nombre de cancers 6vit6s). Neanmoins, le cout par annee actualisee de vie valide gagnee est probablement de l'ordre de 25 a 50 dollars. Cette estimation prend en compte 1'ensemble des d6c6s li6s a l'hepatite B, c'est-a-dire ceux imputables principalement au cancer du foie, de meme qu'aux cirrhoses et a l'hepatite elle-meme. Pour la plupart des pays en developpement, la vaccination contre l'h6patite B s'averera etre un investisse- ment extremement valable. Favoriser une maternite sans risques Les problemes de sante maternelle sont tres repandus et doivent constituer des domaines d'action prioritaires. Le taux de mortalite maternelle (le nombre de deces maternets pour 100.000 naissances vivantes) est de l'ordre de 100 a 2.000 dans les pays en developpement, alors qu'il est inferieur a 30 dans la plupart des pays industrialis6s. Le risque de d6ces pour des raisons lices a la maternite (indicateur qui prend en compte a la fois les taux de mortalite matemelle et les taux de fecondite) est de 1 pour 20 dans la plupart des pays africains, contre 1 pour 10.000 en Europe du Nord. Les trois quarts des deces matemels sont dus a des hemorragies, septic6mies ou 6clampsies, et une part consid6rable des hemorragies ou septicemies sont elles-memes dues a des avortements ou a des accouchements difficiles. Dans la majorite des cas, ces deces pourraient etre evites. Les mesures de pr6vention appropriees varient d'un pays a un autre, mais celles qui suivent devraient etre envisagees dans les pays en developpement a) effectuer un d6pistage pour identifier les femmes a haut risque (notamment les tres jeunes femmes et celles souffrant de maladies sexuellement transmissibles et d'infec- tions de l'appareil reproducteur); b) en cas de complications, orienter les femmes enceintes vers les services de soins de niveau superieur et les encourager a accoucher dans un etablissement sanitaire; et c) assurer la vaccination contre le tetanos, la fourniture de supplements alimentaires (fer, folate) et, le cas echeant, une prophylaxie anti-paludique. Parmi tes autres mesures qui meritent d'etre s6rieusement envisagees, on peut citer la surveillance du poids et de la tension arterielle durant la grossesse, un effort d'6ducation pour apprendre aux femmes enceintes a reconna3tre les signes d'un accouchement premature et des mesures visant a faire en sorte que toutes les femmes enceintes subissent un 34 La sante des adultes dans les pays en d&veloppement examen du bassin. Pour ce qui est des soins dispenses lors des accouchements, les domaines les plus prioritaires sont l'utilisation de fournitures hygieniques, la formation du personnel qui assiste les accouchements (aussi bien les accou- cheuses traditionnelles que les agents des services de sante) et l'existence de systemes d'orientation pour les urgences ou les complications. Les programmes destines a am6liorer d'une facon gen6rale le niveau d'6ducation et d'alphab6ti- sation sont 6galement benefiques pour la sante maternelle, et les actions visant a aider les femmes a 6viter les grossesses non desirees sont d'un tres bon rapport cout-efficacite. On manque de donnees quant au co6t et a l'efficacite de ces mesures. Cela dit, toute action permettant d'eviter des deces matemels, que ce soit les soins prenatals, ceux permettant aux femmes d'accoucher sans risques ou les mesures d'orientation en cas d'urgence (autrement dit, 1'ensemble des mesures decrites ci-dessus), figure parmi les interventions les plus rentables en faveur de la sante des adultes. Comme les facteurs de risque concemant la morbidite et la mortalit6 mater- nelles sont presque les memes que ceux concernant la morbidite et la mortalite neonatales, ces mesures auront egalement une incidence positive pour les nouveau-nes en augmentant leur poids a la naissance et leur taux de survie. Si l'on tient compte de leurs effets sur la mortalite perinatale, ces mesures presen- tent donc un taux de rentabilite encore plus positif. Promouvoir une sexualite sans risque et traiter les MST Les maladies sexuellement transmissibles (MST), surtout le SIDA et la syphilis, contribuent d'une facon considerable a la morbidit6 et a la mortalite dans de nombreuses parties du monde en developpement. Le SIDA, maladie incurable et fatale causee par le virus d'immunodeficience humaine (VIH), est un probleme croissant et constitue deja la cause majeure des pertes de joum6es de vie productive dans certaines regions d'Afrique. On peut utiliser diverses strategies pour empecher la propagation du VIH, qui est transmis au cours des rapports sexuels, lors de l'utilisation de drogues par voie intraveineuse, a l'occasion des transfusions sanguines ou encore par voie intra-ut6rine. Les mesures legislatives sont sujettes a controverse, mais les politiques au niveau des prix (par exemple, la r6duction du prix des preservatifs, des aiguilles et des seringues, ou la suppression des paiements aux donneurs de sang), la notification volontaire du partenaire et les investissements destines a ameliorer l'analyse du sang des donneurs peuvent etre efficaces et meritent d'etre etudies de plus pres. Les campagnes d'education ayant pour but d'amener les individus a avoir moins de partenaires sexuels et a utiliser des pr6servatifs pour empecher la propagation du VIH ont eu des resultats mitiges et n'ont pas toujours ete evaluees comme il fallait. Les efforts d'education presentent le meilleur rapport coit-efficacit6 lorsqu'ils visent les groupes a haut risque. Dans les pays en developpement, les gouvernements doivent encourager l'emploi des Resume 35 preservatifs, surtout parmi ceux qui ont de multiples partenaires, et analyser le sang des donneurs pour y d6tecter les anticorps anti-VIH. Toutes ces mesures permettront de rcduire la propagation du ViH d'une fa on rentable. Selon le taux de prevalence de l'infection par le VIH, la rentabilite par annee actualisee de vie valide gagnee est de 7 a 50 dollars en ce qui concerne les campagnes pour l'emploi de preservatifs et de 1 a 250 dollars pour les analyses du sang des donneurs. Si l'on tient compte du fait que l'utilisation de prcservatifs contribue a prevenir d'autres maladies sexuellement transmissibles, le taux de rentabilite de cette intervention est encore plus cleve. Le SIDA a d6clench6 une reaction a l'echelle mondiale, et des ressources financieres substantielles ont et engag6es a l'appui des activites de recherche et de prevention. Tous les pays doivent saisir cette occasion pour se doter de capacit6s institutionnelles et de moyens efficaces permettant, grace a l'duca- tion en matiere de sante, de promouvoir une sexualite sans risque. La lutte contre les autres maladies sexuellement transmissibles et leur traitement sont egalement d'un trcs bon rapport co6t-efficacit6, et elles peuvent aussi reduire la propagation du VIH, que ce soit grace a l'impact direct de ces interventions (telles que les campagnes de promotion de la sexualite sans risque), ou parce que certaines de ces maladies sont des facteurs de risque majeurs dans la transmission du VIH. Ameliorer la prise en charge des cas de tuberculose La tuberculose est tres repandue dans les pays en developpement et y represente une des causes majeures de mortalite des adultes. Selon les estimations, 2 millions d'adultes meurent chaque annee de tuberculose dans ces pays, ce qui reprcsente prcs de 20 % de tous les d6ces d'adultes et probablement plus de 25 % de tous les deces d'adultes qui pourraient etre evites. En Afrique, la tuberculose est l'une des infections opportunistes les plus courantes chez les sujets seropo- sitifs pour le VIH, et la prevalence de cette maladie est en hausse dans les regions touchees par les epidemies de SIDA et d'infection par le VIH. 11 existe des essais diagnostiques et des agents chimiotherapiques efficaces, mais il n'y a pas 6t6 autant fait appel ces dernieres ann6es par une bonne partie des professionnels de sante au niveau international. Le BCG est un autre moyen de lutte rentable dans certains pays. Le traitement de la tuberculose a donne d'excellents resultats sur le terrain dans le contexte des pays en developpement, meme dans le cadre d'interven- tions nationales sur une grande echelle (comme en Tanzanie), dans lesquelles le plus gros probleme consiste a obtenir des patients qu'ils se conforment au traitement pendant les six a dix-huit mois necessaires a sa reussite. It s'agit d'un traitement trcs efficace (le taux de guerison avoisine 90 %, et cela s'accompagne egalement d'une reduction des taux de transmission) et peu couteux. La methode qui semble offrir le meilleur rapport cout-efficacite est ta d6tection passive des 36 La sante des adultes dans les pays en d&veloppement cas (par examen microscopique des expectorations) suivie d'un traitement chimioth6rapique rapide pour les cas d'expectoration positive, son coOt etant estim6 a moins de 10 dollars par annee actualisee de vie valide gagnee. Les ministeres de la sant6 des pays en developpement devraient s'employer tout sp6cialement a reevaluer leurs methodes actuelles de lutte contre la tuberculose, afin d'6laboer et de mettre en oeuvre de nouveaux programmes fondes sur le traitement chimiotherapique rapide. Entreprendre un depistage du cancer du col de l'uterus Le cancer du col de l'ut6rus est ta forme de cancer la plus courante dans les pays en d6veloppement, et il aboutit a des taux de morbidite et de mortalite importants une fois parvenu 6 un stade symptomatique avanc6. Par contre, it est gu6rissable a 100 % ou presque s'il est d6tect6 assez tot. Le mode de d6tection precoce (test de Papanicolaou par etude des frottis vaginaux) est technique- ment peu complique, precis et relativement peu coateux. Grace a des pro- grammes de depistage bien organis6s (au Canada et en Islande, par exemple), on est parvenu a reduire de 50 6 60 % le taux de mortalite due 6 ce type de cancer, et les calculs de rentabilite montrent que le d6pistage et le traitement pr6coces sont des investissements valables. Selon les estimations, les tests de depistage effectues tous les cinq ans chez les femmes ag6es entre 35 et 60 ans coutent 75 6 400 dollars par annee actualis6e de vie valide gagnee (le cout exact etant notamment fonction du taux de pr6valence du cancer du col de l'uterus et de la possibilite qu'on a de le d6tecter et de le traiter des le d6part) dans les pays dont le PNB moyen par habitant est de 1.500 dollars. Dans les pays en d6veloppement, moins de 5 % des femmes ont subi un test de d6pistage au cours des cinq dernieres annees, et les rares examens entrepris ont eu tendance 6 concerner surtout, et a tort, les jeunes femmes, alors que celles-ci courent un moins grand risque. Ces pays devront envisager d'investir davantage dans le d6pistage et le traitement, notamment chez les femmes ag6es de 35 6 60 ans. Ceux (comme le Bresil ou la Chine) qui ont des systemes de soins de sant6 pousses (pouvant notamment effectuer des 6tudes pathologiques completes, pratiquer des interventions chirurgicales et eviter les infections postoperatoires) sont plus susceptibles d'etre en mesure de detecter et de traiter les cancers du col de l'ut6rus dans des conditions rentables que ceux dotes de syst6mes de soins rudimentaires. Soulager les souffrances associees au cancer Le cancer est l'une des trois principales causes de mortalite adulte dans les pays en d6veloppement, et il continuera d'y occuper une place importante meme si les mesures de pr6vention et de d6pistage pr6conisees ici sont adopt6es. Selon Resume 37 les estimations, entre 30 et 40 % des individus atteints d'un cancer a un stade peu avance et 45 a 100 % de ceux dont la maladie est plus avancee, eprouvent des douleurs moyennes a fortes. Or, il existe des moyens de soulager ces souffrances. L'Organisation mondiale de la sante a mis au point une methode qui permet de soulager 80 a 90 % de ta douleur en administrant les medicaments selon un emploi du temps precis et non pas sur demande, et en passant progressivement des medicaments non opiaces a des medicaments peu puis tres opiaces, jusqu'a ce que la douleur ait disparu. Selon les estimations, le cofit moyen (qui comprend le coat des medicaments et des services de consultation externe) est de 75 a 250 dollars par annee actualisee de vie valide gagnee. Bien qu'il existe des moyens efficaces et peu coulteux pour soulager les souffrances associees au cancer, aucun palliatif de ce genre n'est offert, dans la plupart des cas, aux canc6reux dans les pays en developpement. Par exemple, en Inde, ouL l'on denombre environ 20 % des cas de cancer de l'ensemble des pays en developpement, 5 % seulement des canccreux b6n6ficient de traite- ments contre la douleur dans des centres specialises, les autres ctant pour l'essentiel ignor6s. Dans beaucoup de pays, les lois sur les medicaments limitent, a tort, I'acces aux analg6siques et t'approvisionnement est encore restreint par l'existence de systemes d'achat et de distribution des medicaments dont la gestion laisse a desirer. Chez les professionnels de la sant6, la meconnaissance des strategies medicamenteuses appropriees et la crainte, non fondee, de pro- voquer une accoutumance limitent encore le recours a ces m6dicaments. Les pays en developpement doivent 6tudier serieusement les diffcrentes options qui permettraient d'elargir l'acces aux moyens destincs a soulager les souffrances des cancereux, que ce soit au niveau de la 1egislation, de ta logistique ou de la formation. La mise en place de nouvelles lois, de nouveaux protocoles de formation et de programmes de recyclage destines aux medecins n'ira pas sans entrainer certains couts, mais il est probable qu'il s'agira d'investissements de depart d'un montant assez limitc. 11 est 6vident qu'il convient d'exercer un contr6le sur l'utilisation de medicaments qui creent une accoutumance. Le probleme est de mettre au point des systemes qui puissent y parvenir sans penaliser tous ceux qui, s'ils n'ont pas acces a ces medicaments, mourront en subissant des souffrances qui auraient pu etre evitees. Traiter le diabete Le diabete est, pour les adultes vivant dans les pays en developpement, un probldme plus grave qu'on ne l'admet gen6ralement. Dans certains pays, il represente plus de 5 % du risque de mortalite chez les femmes; a la Trinite-et- Tobago et a Nauru, il atteint meme 15 %. Les diabetiques sont exposes a toute une serie de graves complications-cecite, affections r6nales, cardiopathies, l6sions du nerf peripherique-et ont une esp6rance de vie inferieure a la 38 La sant des adultes dans les pays en dcveloppement moyenne. Dans certains pays, te traitement de ces complications represente une lourde charge pour les services de sante. Le traitement du diabete sucr6 au moyen de m6dicaments hypoglycemiants oraux peut constituer une solution economique, son coCut tant 6value a 330 dollars environ par annee actualisee de vie valide gagnee. En outre, une bonne partie des modifications du r6gime alimentaire et du comportement qui sont recommandees pour lutter contre les maladies cardiovasculaires devraient aussi contribuer a la prevention du diabete. Le traitement du diabete insipide pourrait etre encore plus valable. Dans bien des cas, cette forme de diabee, qui force le malade a recevoir durant son existence des injections quotidiennes d'insuline sans lesquelles il mourra, ne fait l'objet d'aucun traitement dans les pays en developpement. Selon les estimations, le cout de base de l'insuline et des seringues est d'environ 150 dol- lars par ann6e actualisee de vie valide gagnee. Bien que ce chiffre ne rende pas compte de l'ensemble des couts, il laisse penser que le traitement a l'insuline est d'un assez bon rapport couit-efficacite, meme si l'on multiplie les couits par deux pour tenir compte du suivi des patients et des charges administratives. Dans certains pays industrialises (aux Etats-Unis, par exemple), les pro- grammes d'education destines aux diabetiques et a ceux qui assurent leurs soins sont tres rentables. En inculquant au malade des regles appropriees pour le soin des pieds (comment se laver et se s6cher les pieds, comment se couper les ongles, quels types de chaussures utiliser), on r6duit le taux d'infections des pieds et des jambes, ce qui elimine le risque d'amputation. II est aussi possible de prevenir ou de retarder ta cecite en proc6dant a des examens ophtalmologiques (qui n'exigent pas une formation pouss6e du personnel) et en effectuant ensuite des interven- tions au laser pour rem6dier aux alterations pathologiques de Ia retine. Cela met en jeu des techniques assez perfectionnees et d'un cout eleve, mais le cout social et economique de la cecite est lui aussi eleve. Un programme experimental de depistage de la retinopathie chez les diabetiques devrait etre entrepris, afin de determiner si cette intervention se justifie dans les pays en developpement. Les mesures de lutte contre le diabete dans les pays en developpement doivent etre reexaminees, et il convient d'envisager l'octroi de subventions supplementaires pour le traitement du diabete sucre et insipide, et pour des programmes d'6ducation des malades et des prestataires de soins. Autres aspects importants du programme d'action Les interventions dont il a ete question ci-dessus sont a Ia fois relativement rentables et susceptibles d'avoir un effet substantiel sur les niveaux de morbidite et de mortalite dans la plupart des pays en developpement. Elles ne constituent pas pour autant une liste complete d'options 6conomiques. II y a d'autres formes d'interventions qui meritent d'etre examinees de pres mais qui ne se pretent Rgsum6 39 pas, en l'tat actuel des choses, a des recommandations de portee gen6rale. Plusieurs d'entre elles sont mentionnees ici. INTERVENTIONS TOUCHANT LE REGIME ALIMENTAIRE. Le regime alimentaire joue un r6le majeur dans un certain nombre de maladies affectant les adultes, mais les problemes specifiques auxquels il donne lieu varient enormement d'un pays a l'autre. De plus, on ne dispose pas d'elements d'information valables sur te cout et l'impact des interventions dans ce domaine. Il convient de poursuivre a cet egard l'effort de recherche et les projets experimentaux dans certains pays en developpement. LUTTE CONTRE LA POLLUTION. On connait bien desormais les dangers poses par les formes graves de pollution et par certains agents toxiques, les techniques de lutte anti-pollution et les mesures gouvernementales qui sont efficaces a cet egard. De plus, la lutte contre la pollution est un domaine dans lequel les defaillances du march6 rendent n6cessaire une certaine intervention de l'Etat. Dans certaines villes des pays en developpement, il serait insense que les autorites ne prennent pas des mesures en ce sens, au moyen de r6glementations et de politiques des prix appropriees. Les strategies proprement dites seront fonction de la nature et de l'ampleur des problmes de pollution dans ces villes. INTERVENTIONS AU NIVEAU DES MALADIES ET ACCIDENTS PROFESSIONNELS. Les risques professionnels sont une cause importante de morbidite et de mortalit6 des adultes, et beaucoup d'entre eux pourraient etre eimines sans entrainer un cout excessif. Bien qu'ils soient importants et qu'ils justifient une poursuite de l'effort de recherche et un investissement en matiere d'intervention de la part des pays en developpement, ces probtemes sont trop varies et trop localises pour donner lieu a des recommandations de portee generale. Questions concernant la recherche Les interventions dont il a ete ici question servent a la fois de propositions en vue de programmes d'action et d'incitations a l'effort de recherche. Elles figurent parmi les pistes les plus prometteuses qu'il est possible de tracer en l'6tat actuel des connaissances, mais les elements d'information sur lesquels elles reposent sont loin d'etre bien 6tablis. Dans beaucoup de pays, la facon dont le travail de prevention est gen6rale- ment con,u laisse a desirer. Cela tient parfois au fait que les facteurs determi- nants n'ont pas et repertori6s ou ne semblent pas se preter facilement a des modifications, ou tout simplement, dans bien des cas, a ce que la prevention figure a un niveau de priorite inexplicablement bas. II faut entreprendre un travail de recherche pour evaluer l'utilite des diff6rentes strategies de preven- 40 La sante des adultes dans les pays en dVveloppement tion et en dcfinir les modalit6s optimales d'execution. Une approche possible consiste a effectuer des essais sur le terrain pour certaines interventions promet- teuses. Les resultats obtenus (parmi lesquels devra figurer une analyse des coats et des consequences pour la sante) serviront a s6lectionner les strategies qui meritent d'ctre adoptces sur un plan gen6ral, et l'experience acquise dans le cadre de ces essais donnera l'occasion d'ameliorer les capacit6s qui serviront a mettre en oeuvre ces strategies. Plusieurs questions restent encore a clucider. Quelles retomb&es les investissements destines a ameliorer la sante des adultes auront-ils pour les enfants et les personnes ag6es? * Pour les enfants, les avantages potentiels sont notamment de trois ordres: a) ils seront moins expos6s a certains risques comme le tabagisme passif; b) ces investissements permettront d'emp&cher que leurs parents ne meurent ou ne deviennent invalides; et c) des ameliorations seront apportees aux programmes de traitement, tels que la lutte contre la tuberculose. Le degrc d'impact que chacun aura reste a etablir d'une facon precise et plus generale. * En ce qui conceme les adultes, on peut se demander quel interet il y a a leur sauver la vie s'ils sont simplement destines a devenir des vieillards invalides et malheureux pour le restant de leurs jours. Mais une strategie qui consisterait a attendre que les adultes tombent malades pour les soigner risque d'accroitre la proportion de personnes agees qui ne vont pas bien. La prevention des problemes de sante chez les adultes est sans doute un bon moyen de faire en sorte que ceux-ci aient encore de bonnes annees devant eux. On a besoin d'elements d'information supplementaires pour pouvoir dire avec certitude comment les mesures de prevention de la mortalite des adultes influent sur le nombre d'annees que ceux-ci passe- ront ensuite dans un etat de sante precaire. Quel est le meilleur moyen de repondre aux besoins de sante des adultes tout en respectant le souci d'equite? * Les consid6rations d'6quite sont pour une bonne part ce qui justifie la fourniture directe des soins et autres interventions de l'Etat dans le secteur de la sante. On ne sait cependant pas de fa,on pr6cise comment se repartissent les effets des differentes interventions touchant la sante des adultes. * Les donn6es concernant les differences socio-economiques et les taux de mortalite dans les pays en developpement montrent que les taux de maladies non transmissibles sont plus eleves chez les pauvres que chez les Rgsum6 41 riches. Cependant, on ne sait pas precisement l'effet que peuvent avoir, sur le plan de l'equite, des investissements publics supplementaires desti- nes a pr6venir les maladies non transmissibles chez les adultes. II s'agit de distinguer deux aspects de l'equite: I'quite au niveau des resultats des interventions sanitaires et l'equite au niveau des couits des soins de sante. La question de savoir si des mesures de prevention des maladies non transmissibles chez les adultes amelioreront l'equite au niveau des resultats sanitaires depend des autres possibilit6s d'amelioration de la sante aux- quelles on aura pour cela renonce. II se peut que l'equite soit moins bien servie si l'on affecte les ressources a ta sante des adultes et non plus a ta sante infantile, ou a la lutte contre les maladies non transmissibles de pr6ference aux maladies transmissibles. Mais investir dans ta prevention plutot que dans le traitement ira plus probablement dans le sens de l'equite, car il est bien connu que les services therapeutiques sont regres- sifs, en ce sens que les riches y font davantage appel que les pauvres. Le degre d'equite des strategies de prevention au niveau des resultats sani- taires depend aussi du choix du vecteur, du style, de la zone geographique ou du produit vise. La diffusion de messages educatifs televis6s dans des zones oui peu de gens ont la television et la distribution de plaquettes educatives dans des regions ou peu de gens savent lire sont des strategies qui risquent de profiter aux riches. II peut arriver qu'une amelioration de l'equite au niveau des resultats des interventions de sante s'accompagne d'un partage moins 6quitable des couits. Si l'on considere par exemple les taxes sur les cigarettes et l'alcool, elles entramneront une baisse plus marquee de la demande chez les pauvres, et ceux-ci en tireront donc, sur le plan de la sante, des avantages plus grands que les riches. Mais il est possible que le cout financier que les pauvres auront a payer pour cela soit proportionellement plus eleve que pour les riches, dans le budget desquels les achats de cigarettes repr6sen- tent une depense assez minime. Quelles sont les sources definancement appropriees pour les interventions proposees en faveur de la sante des adultes? En plus des ressources qui seront degagees une fois que l'Etat cessera de financer des formes inefficaces et inequitables de soins de sante destines aux adultes, il existe un certain nombre de sources possibles de finance- ment pour les strategies proposees ci-dessus. On peut faire appel aux secteurs autres que la sante (par exemple, pour am6liorer le reseau routier) ou prelever des droits pour certains services. Plusieurs des mesures recom- mandees ont en fait la possibilite de procurer des ressources au secteur de la sante: I'application de taxes sur les cigarettes, I'alcool, I'essence et les 42 La sante des adultes dans les pays en developpement voitures particulieres pourrait accroitre les recettes de l'Etat tout en reduisant les risques pour la sante, selon le niveau de taxation et la facon dont la demande reagira a la hausse des prix. Si des recettes supplemen- taires en decoulent, les ministeres de la sante devront faire face a la concurrence des autres services publics pour obtenir ces ressources. 11 leur faudra donc soumettre des projets de taxation soigneusement mis au point et montrant bien comment l'effet conjugue d'une augmentation des prix et d'investissements suppl6mentaires dans le secteur de la sante serviront explicitement l'objectif consistant a ameliorer la sante. Outre la fourniture de services de sante, quel r6le doit jouer l'Etat pour ameliorer la sante des adultes? * Une bonne partie des soins de sant6 destines aux adultes sont dispenses en dehors des etablissements publics. Dans les pays en d6veloppement, la place occupee par l'Etat dans le secteur de la sante est generalement inferieure a 50 %. L'Etat peut malgre tout influencer ce qui se fait ailleurs dans le secteur de la sante, par exemple en fixant les regles applicables a la formation medicale et aux diplomes, et en reglementant l'utilisation de la technologie m6dicale et des medicaments. Etant donne le r6le impor- tant jou6 par les services de sante non publics, il convient d'accorder une certaine attention a ces moyens qu'a l'Etat de conserver une certaine influence. * Dans bien des cas, les options qui offrent le plus d'int6ret en vue d'ame- liorer la sante des adultes sont des mesures preventives, qui ne font pas du tout appel aux services de sante. Elles peuvent prendre la forme d'inves- tissements directs (pour ameliorer la securite sur les routes ou sur les lieux de travail, par exemple), ou donner un r6le au pouvoir legislatif ou a la politique des prix. Ces moyens n'ont pas ete etudies comme il convient, et il s'agit de mieux d6finir la facon dont ils doivent etre appliquer, en analysant soigneusement leurs coits et leurs effets. Pour une politique de sant6 des adultes La population adulte des pays en developpement augmente rapidement : de 2,1 milliards en 1988, elle passera, selon les estimations, a 3,8 milliards d'ici l'an 2015, et c'est dans les pays les plus pauvres que cet accroissement est le plus rapide. Les adultes sont un groupe influent sur le plan politique et il faut s'attendre a ce qu'ils fassent pression en vue d'une augmentation des depenses consacrees aux services de sante curatifs de pointe. Face a cet accroissement du nombre des adultes, les pays en developpement ne peuvent se permettre de retarder l'elaboration d'une politique et d'un plan d'action pour la sante de cette Resume 43 categorie de population. Ils doivent identifier les principaux domaines dans lesquels l'information fait defaut et combler ces lacunes en mettant en place des systemes ameliores de surveillance des maladies et de statistiques de l'tat civil, et en entreprenant un effort de recherche axe sur des mesures concretes. Ils doivent redoubler d'efforts pour reduire la prevalence des facteurs de risque grace a la pr6vention, et am6liorer le rapport couit-efficacite des actions thera- peutiques. Leurs gouvernements doivent se concentrer sur des facteurs deter- minants de la sante des adultes susceptibles d'tre modifies-tabagisme, dangers du r6seau routier, hepatite B-et prendre des mesures systematiques afin de reduire l'exposition a ces facteurs de risque. II convient d'examiner de pres la rentabilit6 des ressources considerables deja consacr6es aux soins des adultes souffrant de maladies ou d'affections traumatiques. Les depenses publiques doivent porter sur des services curatifs qui presentent un bon rapport qualite- prix et non sur des moyens coateux qui n'ont pour effet que de prolonger un tant soit peu la vie. L'elaboration d'une politique de sant6 des adultes doit commencer des aujourd'hui. Plus ce processus se prolongera, plus les ressources de sante seront a ta merci des pressions exercees par les adultes pour la mise en oeuvre de techniques cofiteuses et d'une efficacite marginale, et plus les problemes de sante des adultes s'aggraveront a l'avenir. 19"h Banque mondiale Dans les pays en developpement, la moitie au moins des ressources de sante est absorb6e par le groupe d'age qui assure le soutien economique de la socite, a savoir les adultes ages entre 15 et 60 ans. Une large part de ces ressources pourrait etre mieux r6partie. Pour ameliorer cette repartition, il faut mieux appr6hender la sante des adultes. Le present ouvrage entend y contribuer pour une bonne part. Certaines de ses conclusions sont inattendues. Dans presque tous les pays en d6veloppement, la mortalite des adultes est plus forte chez les hommes que chez les femmes. Dans tous les pays pour lesquels on dispose de donnees adequates, les maladies non transmissibles con- stituent la principale cause de mortalite des adultes. Les taux de mor- talite associes aux maladies non transmissibles diminuent a mesure qu'un pays se developpe. La meconnaissance de ces tendances ne peut qu'entrainer une mauvaise allocation des ressources. La sant6 des adultes reste un domaine peu explore, et les auteurs du present ouvrage ont identifie des domaines importants qui necessi- tent des recherches plus approfondies. On ne peut certes pas prescrire des mesures globales pour la sante des adultes, mais les auteurs font, en conclusion, des recommandations que tout pays en d6veloppe- ment devrait serieusement envisager et qui portent notamment sur des programmes concernant le tabagisme, la tuberculose, la seurit6 routiere, la vaccination contre l'hepatite B, lYhygiene sexuelle, la maternite sans risques, certaines formes de cancer et le diabete. RICHARD G. A. FEACHEM est doyen de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. Au moment out cette 6tude a ete r6alisee, il etait sp6cialiste principal de la sante publique a la Division popula- tion, sante et nutrition de la Banque mondiale. TORD KJELLSTROM est epidemiologiste et medecin a la Division de l'hygiene du milieu de l'Organisation mondiale de la sante. CHRISTOPHER J. L MURRAY est pro- fesseur assistant d'economie de la sante internationale au Department of Population and International Health de la Harvard School of Public Health. MEAD OVER est 6conomiste a la Division population, sante et nutrition de la Banque mondiale. MARGARET A. PHILLIPS est econo- miste de la sante, basee au Mexique. A l'epoque de cette etude, elle etait consultante aupres de la Banque mondiale et stagiaire de recherche au Department of Public Health de la London School of Hygiene and Tropical Medicine. ISBN 0-8213-2695-3