FEUILLE DE CONNAISSANCES 7 R E C U E I L D E M E I L L E U R E S P R AT I Q U E S FEUILLE DE CONNAISSANCES 7 Recueil de meilleures pratiques : l’abandon progressif de l’extraction de sable en Afrique de l’Ouest S ur certaines plages insulaires et côtières d’Afrique de l’Ouest, la lumière du petit matin révèle l’approche de camions-bennes et de tombereaux attelés à des chevaux. Tous sont là dans le même but : charger autant de sable que leurs véhicules peuvent en contenir, emportant loin de la côte, jour après jour, l’équivalent d’une dune, décimant les lagunes et exacerbant l’érosion côtière. Le sable est créé, sur terre et en mer, par la réduction de roches, de coraux et de minéraux en petits grains. Son extraction est toutefois beaucoup plus rapide que sa formation. Selon l’Institut d’études géologiques des États-Unis (United States Geological Survey, USGS), en 2013, 15O pays ont extrait 3,7 milliards de tonnes de sable. Les scientifiques s’inquiètent du manque de prise de conscience des décideurs politiques et du grand public des cicatrices laissées par l’extraction. Et pourtant, les pays d’Afrique de l’Ouest prennent des mesures et s’élèvent d’une même voix contre l’érosion côtière et pour la protection des populations établies en bord de mer, souvent les plus pauvres et les plus vulnérables. Cette approche inclut le par- tage des meilleures pratiques, ainsi que les enseignements tirés de crises environnementales critiques, telles que l’extraction de sable. Le programme de la Banque mondiale pour la gestion des zones côtières de l’Afrique de l’Ouest (West Africa Coastal Area, WACA), qui est une plateforme destinée à permettre à des partenaires techniques et financiers de soutenir le développement durable dans les zones côtières, œuvre en partenariat avec ces efforts. Sao Tomé-et-Principe est l’un des plus petits États insulaires d’Afrique, Basalt Rock Crushing in Mauritius destination de prédilection des écotouristes, amateurs d’ornithologie et d’histoire, et des ramasseurs d’épaves. récente interdiction d’enlever du sable le long de côtes gravement érodées. Les pouvoirs publics ont bien conscience de la prochaine Les plages, ressource exceptionnelle, y sont pourtant en péril. étape difficile : créer d’autres moyens de subsistance pour ces extracteurs informels de sable, et trouver de nouveaux matériaux Le problème de l’extraction de sable est si endémique que la police pour alimenter l’essor de la construction. militaire est intervenue ces derniers mois pour faire appliquer la FEUILLE DE CONNAISSANCES 7 R E C U E I L D E M E I L L E U R E S P R AT I Q U E S Solutions À l’automne 2016, un représentant de Sao Tomé-et-Principe s’est En fait, de petites entreprises ont déjà commencé le concassage rendu à Maurice. Il était en quête d’une réponse à une question du basalte à Sao Tomé, mais à relativement petite échelle. bien précise : comment un petit État insulaire a-t-il su se passer de l’exploitation minière, activité qui, selon les estimations, repré- Le sable et le gravier sont exploités partout dans le monde et selon senterait environ 70 milliards USD à l’échelle mondiale, en grande le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) « partie souterraine ? Qu’utilise le secteur de la construction à la représentent le volume de matériaux le plus important extrait de place du sable ? la terre ». La disparition du sable a eu un impact considérable sur la manière dont les zones côtières sont à même de gérer les effets Comme Maurice, Sao Tomé-et-Principe est un archipel volcanique. du changement climatique et des catastrophes naturelles. Elle a Les responsables gouvernementaux étudient la manière d’amener perturbé l’équilibre du profil des plages, ce qui a eu des consé- les extracteurs de sable à renoncer à leur activité, et de déterminer quences quant à la protection naturelle apportée par les plages, les modalités du remplacement du sable coralien par la roche qui dissipent l’énergie des vagues et empêchent l’inondation. basaltique pour la construction de bâtiments et d’infrastructures. La recette mauricienne À la fin des années 80, le petit État insulaire de Maurice a éprouvé Il était clair que les gravières sur les plages allaient causer des dom- les effets brutaux de l’extraction de sable : les lagunes disparais- mages irréversibles à l’île. Cette pratique a donc été progressive- saient et l’impact (mort des coraux et des algues, accélération de ment éliminée de 1996 à 2001 avant d’être définitivement interdite. l’érosion et dépérissement des écosystèmes) était suffisamment L’interdiction de l’extraction de sable n’est cependant intervenue visible pour que les autorités décident de faire appel à des scien- qu’au terme de la transition du sable de plage au sable de roche. tifiques pour étudier le problème. Concassage du basalte La piste isolée et cahoteuse qui conduit à la carrière, au nord de à atteindre la consistance adéquate pour le béton. Mais lorsque Maurice, est longue et la poussière omniprésente laisse comme nous y sommes parvenus, plus de problème ! » un goût de craie dans la bouche. Les habitations sont interdites dans une zone d’un mille carré autour de l’installation de transfor- L’interdiction de l’extraction de sable est en place à Maurice depuis mation du basalte afin de protéger la population de la pollution 15 ans. L’État a indemnisé les extracteurs de sable et certains ont aérienne engendrée par l’extraction, à flanc de colline, de la roche acheté des bateaux pour répondre à la demande touristique. Après basaltique, qui est ensuite dévorée par les broyeurs et mélangeurs. l’interdiction, le ministère de l’Environnement et celui de la pêche ont surveillé les sites des anciennes gravières durant plusieurs Certains ouvriers mélangent du béton à Maurice depuis plus de années, et ont constaté que l’herbier marin repoussait et que de 30 ans. Ils étaient là lorsque le sable de plage a été abandonné nouvelles colonies coralliennes se développaient. au profit du sable basaltique. Un technicien qui préfère demeurer anonyme est assis dans son poste de commande, vêtu d’une che- Le sable (principalement des galets) basaltique soit désormais utilisé mise de travail beige et d’un gilet orange. « Le passage du sable pour consolider les plages fragilisées, comme à Grand Sable, avec à la roche n’a pas été aisé, se souvient-il. Il nous a fallu quatre le soutien de l’Agence japonaise de coopération internationale ans pour apprendre à mélanger le sable basaltique de manière (AJCI), dans un effort pour corriger les erreurs du passé. Le gravier restera plus longtemps et réduira ainsi le taux d’érosion, sans tou- tefois interdire les plages à la pêche et aux activités touristiques. Le Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA) est une plateforme de rencontre visant à assister les pays ouest-africains dans leurs efforts pour gérer leur littoral de manière durable et renforcer leur résilience socio-économique aux effets du changement climatique. Ce programme vise également à faciliter l’accès des pays concernés à l’expertise technique et au financement. www.worldbank.org/waca 2017