Synthèse Mieux Dépenser, Mieux Servir Revue des finances publiques en Haïti Synthèse MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Mieux Dépenser, Mieux Servir Revue des finances publiques en Haïti Photo cover Credit: Isabelle Schaefer / World Bank MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Les images de bâtiments détruits et de villages Les infrastructures dont s’est doté Haïti à la de tentes qui ont dominé l’actualité après le faveur de la récente accélération des investissements tremblement de terre qui a frappé Haïti le 12 janvier ressemblent à une maison neuve dépourvue de 2010 ont entraîné une intervention d’urgence meubles et d’eau courante  : son aspect extérieur de la part de la communauté internationale. peut paraître satisfaisant, mais elle n’est pas très Les gouvernements étrangers, les organisations utile à ses occupants. Des écoles, des cliniques et multilatérales (y compris la Banque mondiale) et des routes ont été construites dans le pays, mais un les organisations non gouvernementales (ONG) ont grand nombre d’entre elles ne sont pas équipés ni considérablement accru leurs financements en faveur entretenues d’une façon appropriée. Le personnel du pays sinistré. Ces fonds ont contribué à financer est insuffisant et semble comprendre beaucoup les secours d’urgence, mais aussi l’accroissement des d’administrateurs et peu de travailleurs directement dépenses d’équipement public nécessaire pour réparer en contact avec le public. Haïti pourrait percevoir les dégâts et poursuivre les projets de développement d’importants dividendes sur le plan de la croissance commencés avant le désastre. et de la réduction de la pauvreté en corrigeant ces lacunes. Six ans plus tard, les flux d’aide diminuent et Haïti est confronté à des défis cruciaux : comment D’autres facteurs potentiels de changement s’adapter à la baisse de l’aide, mobiliser davantage positif existent en Haïti. La main-d’œuvre haïtienne de ressources internes, accroître l’efficience des est jeune et la diaspora dynamique. Le pays est proche dépenses et préserver les fragiles acquis sociaux de grands marchés d’exportation. Dans un contexte obtenus, en ces temps extrêmement difficiles  ? Il de stabilité politique, ses plages bien préservées et est nécessaire d’accorder une attention particulière à sa culture florissante peuvent attirer de nombreux l’éducation, à la santé publique et aux dispositifs de touristes et un montant considérable de devises. protection sociale pour atténuer les pressions qui En dépit des perturbations des dernières années, s’exercent sur les populations pauvres d’Haïti et leur certains indicateurs macroéconomiques affichent une permettre d’acquérir les compétences dont elles ont tendance positive : le PIB a enregistré une croissance besoin pour gravir l’échelle des revenus. modeste et l’inflation est redescendue en dessous de 10  %. Pour continuer de progresser, toutefois, Haïti 3 Haïti, pays importateur d’énergie, à des pressions Aide internationale, 2008-25 budgétaires, car l’accès à plus importante source (en pourcentage du PIB) d’endettement étranger — les prêts concessionnels du Venezuela au titre du programme Petrocaribe — 20 s’amenuit quand le cours du pétrole diminue sur les 18 marchés mondiaux. 16 14 En Haïti, un des principaux objectifs consiste 12 à stimuler la croissance économique, mais les 10 niveaux que le pays peut objectivement atteindre 8 ne suffiront pas à améliorer sensiblement le 6 niveau de vie de la plupart des habitants. Selon 4 des exercices de simulation reposant sur l’hypothèse 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023 2024 2025 d’une distribution des revenus inchangée, il faudrait que le PIB par habitant augmente de plus de 7 % par Source : Fonds Monétaire International (FMI) an pour que le taux d’extrême pauvreté tombe à 3 % à l’horizon  2030 — objectif de la Banque mondiale à l’échelle planétaire. Une telle performance est aussi doit s’efforcer avant tout de faire un meilleur usage des ambitieuse qu’improbable  : elle correspondrait à un ressources dont il dispose sur son territoire. doublement ou triplement du taux de croissance de l’économie haïtienne par rapport à ses meilleures La vie quotidienne reste néanmoins un combat années (2005 – 2009). pour la majeure partie des 10,4 millions d’habitants . En 2012, près de 60  % d’entre eux souffraient de Outre la croissance, le pays a donc besoin de la pauvreté en vivant avec un maximum de deux politiques à même de promouvoir la cohésion dollars par jour et 24 % étaient réduits à l’extrême sociale. La combinaison de ces deux facteurs pauvreté avec un revenu quotidien d’environ un permettrait à Haïti de progresser sensiblement vers dollar par jour qui ne leur permettait même pas de l’objectif de 2030. Le niveau d’extrême pauvreté subvenir à leurs besoins alimentaires de base. Le descendrait à 3 % d’ici à 2030 si la croissance globale niveau d’inégalité des revenus en Haïti, par ailleurs, de l’économie haïtienne atteignait environ 4 % par an est le plus haut de la région et l’un des plus élevés et si les revenus des 40  % de ménages situés au bas au monde  : 0,6 selon le coefficient de Gini. À de de l’échelle de distribution des revenus progressaient à multiples reprises, l’instabilité politique, la violence et un rythme deux fois supérieur à ce taux. Mais, quelles les catastrophes naturelles ont mis en échec les efforts mesures seraient nécessaires pour obtenir ce résultat ? engagés pour tirer le pays vers le haut. L’analyse et l’expérience donnent à penser que Après le tremblement de terre, les concours deux facteurs jouent un rôle essentiel  : le capital financiers des bailleurs de fonds sont montés en humain et la stabilité politique. Des services de santé flèche. Les dons privés ont atteint 3,1 milliards de et d’éducation de qualité contribuent particulièrement dollars. À la conférence qui s’est tenue en mars 2010 à relever les revenus au bas de l’échelle de distribution. à New York, 58  bailleurs se sont engagés à fournir Les périodes de calme politique, durant lesquelles 5,5 milliards de dollars. Aujourd’hui, toutefois, l’aide les changements de gouvernement et les conflits s’amenuit. Après avoir culminé à environ 17 % du PIB au sein de l’exécutif sont peu nombreux, favorisent après le tremblement de terre, les contributions des aussi la progression de ce groupe. L’amélioration des bailleurs ont chuté à 7 % en 2014. Paradoxalement, la infrastructures et de la transparence des activités baisse des cours internationaux du pétrole a soumis des pouvoirs publics sont, par ailleurs, un important 4 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Simulations de l’extrême pauvreté Scenario dans le cas d’une croissance neutre Scenario dans le cas d’une croissance inclusive Simulations du taux de pauvreté, 2013-2030 Simulations du taux de pauvreté, 2013-2030 (en pourcentage de la population) (en pourcentage de la population) 23.8 23.8 24 24 20 18.0 20 16 13.8 16 13.8 12 12 13.0 8 8 3.0 3.0 4 4 0 0 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030 2012 2014 2016 2018 2020 2022 2024 2026 2028 2030 Croissance PIB 3,3 % (moyenne 2011-14) Croissance PIB 3,3% (moyenne 2011/14) Croissance PIB 2,5 % (meilleure période, 2005-09) Croissance PIB 3,6% (croiss. des 40% inférieurs = Croissance PIB 7,2 % (objectif 3 % extrême pauvreté) 2x la moyenne) Croissance PIB 2,5% (meillure 2005/09) Source : calculs des services de la Banque mondiale (croiss. des 40% inférieurs = 2x la moyenne) Source : calculs des services de la Banque mondiale facteur de croissance des revenus pour l’ensemble des a besoin de ressources adéquates. À mesure que les catégories de population. contributions financières étrangères s’aménuiront, il devra tirer davantage de ressources de l’économie Pour atteindre cet objectif, Haïti devra adopter nationale. À l’heure actuelle, les résultats d’Haïti en une nouvelle démarche privilégiant la cohésion matière de recouvrement des recettes fiscales sont sociale et une conduite équitable et efficiente des parmi les décevants de la région. Certes, les recettes affaires publiques. Malheureusement, le constat fait ont augmenté récemment grâce à la hausse du revenu dans le Rapport sur la pauvreté publié par la Banque intérieur, à l’augmentation de la perception des en 1998 reste vrai aujourd’hui  : «  il n’y a jamais eu impôts sur les ventes à Port-au-Prince et de nouvelles en Haïti de tradition de gestion publique destinée à taxes sur les appels téléphoniques internationaux et fournir des services à la population ou à établir un les transferts d’argent, mais le gouvernement aurait environnement propice à une croissance durable ». avantage à utiliser de nouveaux cadres de financement Les six domaines suivants offrent des perspectives pour ses opérations. particulièrement intéressantes pour améliorer les Le régime fiscal en vigueur aujourd’hui en conditions de vie de la population haïtienne : Haïti reflète les limites des capacités de l’État en matière d’administration de l’impôt. Comme 1. Accroître la mobilisation des beaucoup d’autres pays, Haïti est fortement recettes et réduire les exonérations tributaire de l’imposition des échanges commerciaux fiscales internationaux pour assurer le fonctionnement de l’État : 60 % des recettes fiscales du pays sont perçues Pour relever les énormes défis auxquels la à la frontière au titre de droits de douane, de frais population est confrontée, le gouvernement haïtien d’inspection et de taxes sur les ventes ou droits 5 Recettes scales, 2009-13 (en pourcentage du PIB) 14 12 Divers (FNE inclus) 10 Droits de douane (frais d’inspection inclus) 8 Autres impôts Droits d’accise 6 Impôts intérieurs en province 4 Impôt sur le revenu (P-au-P seulement) 2 Taxe sur les ventes 0 2009 2010 2011 2012 2013 Sources : ministère des Finances, FMI, base de données BOOST et estimations des auteurs. 2009 2010 2011 2012 2013 Recettes fiscales 11.2 11.8 12.8 12.8 12.7 Impôts intérieurs 7.4 7.3 8.1 8.6 8.0 Impôt sur le revenu (P-au-P seulement) 2.3 2.2 2.5 3.0 2.6 Impôts intérieurs en province 0.5 0.4 0.4 0.5 0.5 Droits d’accise 0.7 0.5 0.3 0.3 0.3 Taxe sur les ventes 3.5 3.2 3.7 3.7 3.7 Autres impôts (P-au-P seulement, disparités incl.) 0.5 0.9 1.2 1.0 1.0 Droits de douane (frais d’inspection inclus) 3.3 4.3 4.5 4.2 3.9 Divers (FNE inclus) 0.4 0.2 0.3 0.1 0.8 Sources: ministère des Finances, FMI et base de données BOOST Ratio impôts directs/impôts indirects, 2009 ou 2011 (en pourcentage) Panama Pays à faible revenu Jamaïque Costa Rica Honduras Rép. dominicaine Nicaragua Haïti 0 20 40 60 80 Sources : FMI et Banque mondiale 6 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR d’accise sur les biens importés ; 36 % sont recouvrées des investisseurs au sujet notamment de la qualité de sous diverses formes à Port-au-Prince. La province, en l’infrastructure, du cadre réglementaire et du vivier revanche, ressemble fort à une zone franche d’impôt : local de fournisseurs. elle ne produit que 4 % des recettes nationales. Les exonérations de taxes d’importation sont Non seulement ce cadre a l’inconvénient de fréquentes elles aussi. En 2013, Haïti a perdu maintenir les recettes de l’État à un faible niveau, 14  % des recettes d’impôts sur les ventes perçues mais il tend à être régressif. Un impôt indirect tel à la frontière en raison d’exonérations, plus 19  % que les droits de douane sur les importations de riz des droits d’accise ad valorem. Pour ce qui est des coûte autant aux pauvres qu’aux riches. En 2011, le droits de douane, les pertes se montaient à 50 %. Les ratio impôts directs/impôts indirects était d’environ allégements fiscaux sur les importations de biens 30  % en Haïti, niveau inférieur à celui de la plupart d’équipement peuvent contribuer au développement, des pays de la région. Les impôts directs, en revanche, mais les procédures douanières standard exigent sont généralement progressifs puisque leur taux varie que les exonérations reposent sur une base juridique en fonction du niveau de revenu des contribuables. claire. Or, en Haïti, la plupart des importations Ces impôts sont souvent un outil important de la exonérées sont classées sans explication comme étant construction de l’État moderne, car ils ont tendance à « exonérées de toutes taxes » ou exonérées de certaines favoriser un rapport et un dialogue plus directs entre taxes. Les exonérations accordées aux ambassades, les citoyens et l’État. aux ONG et à l’État ne représentent qu’une petite fraction du total. Les exonérations fiscales sont une des raisons pour lesquelles un volume important de recettes Haïti, dont les tarifs douaniers sont très faibles, échappent à l’État haïtien. Le taux de l’impôt est une des économies les plus ouvertes du sur les bénéfices des sociétés est de 30  %, chiffre monde, mais le pays impose divers types de légèrement supérieur à la moyenne régionale, mais frais qui constituent des obstacles aux échanges. les exonérations sont accordées si généreusement Ainsi, les importations sont-elles soumises à des qu’elles équivalaient, en 2011, à 63  % de l’ensemble «  frais d’inspection  » de 5  %. L’adoption du régime des impôts perçus sur les bénéfices des sociétés. La commercial de la Communauté des Caraïbes plupart des exonérations découlent du code des (CARICOM) produirait des recettes supplémentaires, investissements de 2002 qui accorde une exemption mais renforcerait aussi le protectionnisme et fiscale temporaire de 15 ans aux entreprises exerçant alourdirait les coûts supportés par les entreprises et des activités dans les zones franches d’impôt, ainsi les consommateurs. Les frais d’inspection pourraient que des exonérations de 5 à 10 ans en faveur de être toutefois remplacés par une réforme combinant certains projets d’investissement considérés comme un relèvement des tarifs douaniers et l’élimination bénéfiques pour le développement. L’expérience d’exonérations sans qu’il en résulte des pertes de indique toutefois que les mesures d’incitation de ce recettes. type sont souvent une mauvaise affaire pour les pays Enfin, Haïti prélève un certain nombre d’impôts qui les appliquent. Il est nécessaire de mettre en place qui produisent peu de recettes, mais imposent des un cadre précis de gestion, d’évaluation et de suivi des coûts de mise en conformité élevés aux entreprises : exonérations fiscales et de leurs avantages supposés. les «  impôts vexatoires  », qui encouragent les Ces mesures sont souvent une aubaine pour les entreprises à sortir de l’économie formelle et fragilisent groupes étrangers, qui auraient de toute façon réalisé le climat des affaires. leur investissement. Des études indiquent que les pays désireux d’attirer des capitaux étrangers ont davantage intérêt à répondre aux principales préoccupations 7 Mesures à envisager : • Orienter le système de production de recettes publiques vers les impôts directs au détriment des impôts indirects pour accroître l’efficience du recouvrement de l’impôt et réduire les effets régressifs du régime. • Mettre un frein à l’octroi d’exonérations fiscales sur les marchandises importées. Une importante mesure consisterait à introduire un système de classification clairement défini dans l’appareil statistique douanier pour faciliter le suivi de l’octroi de ces dérogations. • Contrôler plus strictement les exonérations fiscales temporaires accordées aux investisseurs et attirer les capitaux étrangers de préférence à l’aide de mesures telles que l’amélioration des infrastructures, du capital humain et des institutions. • Éliminer ou modifier les impôts vexatoires. • Envisager de remplacer les frais d’inspection à l’importation par des tarifs douaniers plus élevés. Conjuguée à une réduction des exonérations fiscales, cette réforme n’entraînerait pas de baisse de recettes. 2. Unifier, cibler et mieux contrôler l’extrême faiblesse de la gestion des investissements publics. les dépenses d’investissement public Comme beaucoup de pays tributaires de l’aide des bailleurs de fonds, Haïti ne dispose que de Une grande partie de l’assistance internationale capacités limitées pour évaluer les possibilités enregistrée depuis 2010 est allée directement d’investissement, et compte donc sur les aux ONG et aux entrepreneurs privés, mais un bailleurs pour concevoir de bons projets. Dans montant suffisant a transité par le budget de l’État l’administration publique, les plans d’investissement pour l’aider à stimuler les dépenses d’équipement. ne sont ni pleinement évalués ni hiérarchisés par ordre En théorie, ces dépenses auraient dû améliorer le de priorité. Les dépenses d’équipement financées par classement traditionnellement décevants pays au des ressources intérieures ne font pas l’objet d’un regard d’indicateurs tels que l’accès aux services suivi adéquat et ne donnent pas lieu à l’établissement d’électricité, au réseau routier et aux installations de rapports en bonne et due forme. Il en résulte un portuaires, et aussi stimuler la croissance économique, environnement propice à la corruption et à une mais ces effets ne se sont faits guère sentir dans le pays. mauvaise gestion de ressources limitées. Sur le papier, Malheureusement, ceci n’est pas nouveau en Haïti  : le pays dispose certes d’un solide cadre juridique durant la période  1965-2004, les investissements pour gérer ces investissements, mais ses normes sont publics ont rarement donné les résultats escomptés. rarement respectées. Lorsqu’elles le sont, c’est souvent Plusieurs explications ont été avancées, allant de la au prix de procédures bureaucratiques redondantes classification inappropriée de certaines dépenses dans ou excessivement élaborées. Au sein d’un ministère, la catégorie des investissements, le manque d’entretien par exemple, une demande de financement formulée chronique des équipements ou simplement le par un service technique doit parfois franchir une caractère improductif de l’investissement lui-même. douzaine d’étapes avant la remise du chèque. Cette situation décevante est due aussi en partie à 8 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Dépenses d’équipement, 2003-2013 Croissance du PIB, 2003-2013 (en pourcentage du PIB) (PIB réel 2002 = 100) 180 20 160 15 140 10 120 5 100 0 80 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Haïti LAC PFR 2013 Haïti LAC PFR Sources: FMI et Banque mondiale Source : Banque mondiale Selon un examen récent, les propositions Dans l’échantillon de 20 projets, seulement le quart d’investissement sont rarement soumises à un s’appuyait sur un plan stratégique sectoriel. filtrage préalable, ce qui pose la question de la Une fois approuvés, les projets sont conformité des projets avec les critères minimums fréquemment modifiés. Le ministère du Plan et de compatibilité vis-à-vis des objectifs stratégiques de la Coopération extérieure peut remplacer — et du gouvernement. Sur un échantillon de 20 projets remplace — arbitrairement les projets du PIP sans examinés, seulement six étaient assortis de la faire preuve de transparence ni justifier ses décisions. documentation théoriquement nécessaire — analyses Dans l’échantillon de 20 projets, quatre n’ont pas été justificatives et plan financier, par exemple — pour maintenus dans leur forme initiale approuvée dans le être intégrés au Programme d’investissement public cadre du PIP. (PIP) de l’État. Souvent, les projets financés par les bailleurs En mai 2012, le gouvernement haïtien a publié ne sont pas inclus dans le PIP. Cette pratique crée un plan de développement stratégique décrivant des risques de conflit et de doubles emplois entre les en détail des orientations visant à permettre projets financés par des ressources extérieures et ceux au pays de devenir une économie émergente à du gouvernement. Elle implique aussi que les coûts l’horizon  2030. Le plan est toutefois trop général que l’État devra supporter en aval au titre des projets pour servir de base à la sélection de projets. Certes, de bailleurs ne sont pas nécessairement prévus dans le il propose des stratégies pour certains secteurs, mais budget national haïtien. Il se peut, par exemple, que il ne contient pas suffisamment d’informations sur les coûts de fonctionnement d’un hôpital construit les échéances et les critères de sélection pour aider par un bailleur étranger ne soient pas pris en compte, les ministères à choisir les projets qu’ils devraient ce qui retardera l’ouverture de l’établissement une fois promouvoir. En conséquence, les liens sont faibles sa construction achevée. entre les projets d’investissement gouvernementaux, les politiques nationales et les stratégies sous-jacentes. 9 Le processus budgétaire global de l’État haïtien Méthodes de passation des marchés et contrats, est une autre source de vives préoccupations. Ce 2012-13 n’est que maintenant que le pays met en œuvre un (nombre de contrats examinés par la CNMP) compte unique du Trésor qui facilitera les activités 80 de suivi. La planification pluriannuelle laisse à 70 désirer, de même que la coordination stratégique 60 entre les ministères. Des projets entamés et financés 50 sont parfois abandonnés à mi-parcours. Il arrive 40 aussi que les compétences techniques nécessaires 30 à la publication de documents d’appel d’offres et à 20 l’évaluation des soumissionnaires fassent défaut. Les 10 passations de marchés subissent parfois des retards 0 de plusieurs mois, car chaque question est soumise 2011-2012 2012-2013 aux échelons supérieurs de l’administration pour Sélection par entente directe être résolue avant que l’autorisation redescende aux Concurrence limitée niveaux inférieurs. Des progrès ont été accomplis du Appels d’o res ouverts point de vue de la diminution du recours au gré à gré, Source : autorités haïtiennes mais environ la moitié des contrats ont encore été accordés selon cette procédure durant l’année écoulée, ce qui limite le degré de concurrence. Lorsque la mise en œuvre des projets est engagée, Les bailleurs de fonds ont parfois recours à des les ministères haïtiens effectuent, dans le meilleur « unités d’exécution » pour contourner le problème des cas, un suivi financier limité. Les agents de l’État de l’inefficacité des services publics, mais cette sont dépourvus de système de gestion informatique pratique présente des inconvénients à long terme. intégrée en matière de finances publiques et de système Ces entités entretiennent des liens moins étroits avec comptable indépendant en matière d’investissement la stratégie d’investissement globale du gouvernement. public. Il existe plus de 25 applications informatiques En outre, elles trient sur le volet les meilleurs employés autonomes répondant à certains besoins précis des des ministères et les recrutent en leur offrant des projets, mais aucune d’entre elles ne répond aux salaires plus élevés. Le principal inconvénient tient besoins de gestion budgétaire, financière et comptable. toutefois à ce que les entités réduisent les facteurs Enfin, le suivi matériel des projets fait défaut. incitant l’État à améliorer son fonctionnement. Le ministère du Plan et de la Coopération extérieure Des lacunes existent aussi dans le domaine semble n’avoir effectué aucune visite de contrôle sur des vérifications de conformité. Les justificatifs les chantiers de projets d’investissement durant les de dépenses sont souvent présentés sous forme de cinq dernières années. Faute de moyens financiers photocopies plutôt que d’originaux, une pratique suffisants, il se fie aux rapports d’avancement soumis susceptible de favoriser la fraude. La mise en place par les directions ministérielles. Même les projets de comptable public pourrait améliorer le suivi des achevés font rarement l’objet d’audits définitifs. Sur les comptes. Les services des comptes publics pourraient 20 projets examinés, seulement huit ont donné lieu à se charger de questions telles que l’élimination de la une inspection définitive par le ministère responsable. pratique du paiement préalable des services de sorte que les paiements soient effectués seulement après la prestation effective des services ou la livraison effective des marchandises. 10 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Mesures à envisager : • Renforcer le système de rapports budgétaires pour permettre un suivi rigoureux des dépenses publiques et assurer le respect de normes minimales en matière de transparence et d’obligation de rendre compte. Le pays ferait un pas important dans ce sens en achevant le déploiement du compte de trésorerie unique et en unifiant les classifications budgétaires parmi les diverses sources de financement. • Accroître la coordination des activités des bailleurs de fonds. L’élaboration d’un plan directeur axé sur les secteurs essentiels permettrait d’éviter toute redondance des investissements et une mauvaise utilisation des ressources. Ce plan serait assorti d’indicateurs et d’échéances, de plans opérationnels triennaux et de plans d’action annuels en vue d’assurer le suivi de la mise en œuvre. • Améliorer la gestion des investissements publics grâce au renforcement de l’évaluation, de la sélection de la programmation, de l’exécution et du contrôle des projets. En premier lieu, il faudrait mettre en place les éléments de base d’une gestion formelle des investissements de sorte que les projets soient réalisés uniquement s’ils s’inscrivent dans un plan stratégique plus général et qu’ils fassent l’objet d’un suivi (y compris matériel), utilisent leurs ressources de manière satisfaisante et soient contrôlés à la fin de leur exécution, selon les besoins. 3. Rendre le système de santé plus Haïtiens peuvent espérer vivre huit années de plus qu’en 1990. En matière de santé, les écarts de résultats efficient et plus équitable entre les ménages riches et les ménages pauvres se En matière de santé, Haïti est confronté à sont réduits. Les dépenses de santé par habitant sont d’immenses défis. Les taux de mortalité maternelle encore très inférieures à celles des autres pays de sont près de cinq fois supérieurs à ceux de la la région, mais Haïti est parvenu à les porter à une région Amérique latine et Caraïbes, tandis que le fois et demie les 50  dollars qui, selon l’Organisation taux de mortalité des enfants de moins de cinq mondiale de la santé, sont nécessaires pour que la ans est quatre fois plus élevé. Le pays est en retard population bénéficie de soins médicaux de base. en ce qui concerne les vaccinations et la présence D’une manière générale, toutefois, ce sont les d’un personnel qualifié lors des accouchements  ; Haïtiens les plus pauvres qui ont le moins accès aux l’incidence des diarrhées graves est plus élevée que la services de santé. La probabilité d’un accouchement moyenne. Durant toute leur existence, de nombreux dans un établissement de santé est huit fois plus élevée Haïtiens ont peu de contacts, voire aucun, avec des (76 %) pour le quintile le plus riche des Haïtiens que professionnels de la santé qualifiés : ils achètent leurs pour les plus démunis. Les disparités géographiques propres médicaments sur le marché et consultent des subsistent également  : la zone métropolitaine guérisseurs traditionnels. de Port-au-Prince présente le taux le plus élevé En dépit des traumatismes des dernières d’accouchements en milieu médicalisé et le taux le décennies, quelques indicateurs de santé se sont plus bas d’insuffisance pondérale chez les nouveau- améliorés. La mortalité des enfants de moins de cinq nés. ans est passée de 145 décès pour 1  000 naissances La capacité des pouvoirs publics à améliorer les vivantes en 1990 à 73 en 2013. Aujourd’hui, les services de santé est affaiblie par le fait que l’État 11 Mortalité maternelle, 2013 Mortalité des enfants de moins de cinq ans, 2013 (pour 100 000 naissances vivantes) (pour 1 000 naissances vivantes 600 100 500 90 80 400 70 60 300 50 40 200 30 100 20 10 0 0 États PFR Haïti Petits États LAC États PFR Haïti Petits États LAC fragiles des Caraïbes fragiles des Caraïbes Source : Indicateurs du développement dans le monde Source : Indicateurs du développement dans le monde Utilisation des services de santé (en pourcentage de la population) 67 Burkina Faso 66 (2010) 48 81 59 Ghana (2008) 57 53 79 84 Bénin (2012) 87 54 48 44 Kenya (2009) 43 72 68 83 Honduras 46 (2012) 60 85 93 Guyana 89 (2009) 59 56 37 Haïti (2012) 36 58 45 0 20 40 60 80 100 Personnel quali é à l’accouchement Accouchements en milieu médicalisé Traitement de la diarrhée Vaccinations Sources : Enquêtes démographiques et sanitaires, Organisation mondiale de la santé 12 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Dépenses de santé par habitant, 2012 Dépenses de santé par source, 2004-2013 (en dollars courants) (en % du total des dépenses de santé) 1000 100% 900 80% 800 700 60% 600 500 40% 400 20% 300 200 0% 100 2013 2011 2004 2006 2007 2008 2009 2010 2012 2005 0 LAC Petits États États Haïti PFR des Caraïbes fragiles Patients Ressources extérieures Financements publics nationaux Source : Indicateurs du développement dans le monde Source : Banque mondiale, Indicateurs du développement dans le monde Densité du personnel médical par type de zone, Indicateurs de la santé des enfants, 2012 hors secteur privé à but lucratif, 2013 (pour 1 000 naissances vivantes) (pour 10 000 habitants) Nord-Ouest Nippes 12 Grande-Anse 10 Sud Centre 8 Artibonite 6 Nord-Est 4 Nord Sud-Est 2 Ouest 0 Metropole Milieu urbain Milieu rural Moyenne nationale National average Médecin In rmier 0 20 40 60 80 100 120 In rmier-auxiliaire Sage-femme Taux de mortalité des moins de 5 ans Taux de mortalité infantile Source : Calculs des services de la Banque mondiale basées sur les ensembles de données d'évaluation de la prestation Source : ICF International, 2012. Base de données STAT de services (IHE et ICF International, 2013) compiler du Programme d'EDS – http://www.statcompiler.com consacre une part très faible de ses ressources à ce médicale en Haïti. En 2011, les ONG prenaient en secteur : à peine 5 % de l’ensemble de ses dépenses charge 90  % du coût des soins de santé du pays. La sont destinés à la santé. Ce chiffre est bien inférieur part des frais de santé à la charge des patients était aux 15  % recommandés dans la déclaration d’Abuja minime (seulement 5 %). publiée en septembre 2000 sous les auspices de Avec le départ des ONG, la part des frais de l’Organisation mondiale de la santé. Comparables à la santé à la charge des patients a bondi à 50  % — moyenne régionale avant le tremblement de terre, les taux alarmant pour un pays où la majorité des dépenses publiques de santé se sont effondrées après ménages vit sous le seuil de pauvreté et seulement le séisme en raison de l’arrivée massive d’organisations 5  % disposent d’une assurance maladie. En raison non gouvernementales internationales à vocation de la baisse de l’aide financière des bailleurs de fonds, 13 de nombreuses personnes — surtout celles qui se zone métropolitaine profitent davantage des dépenses trouvent aux plus bas niveaux de l’échelle des revenus de santé que le Haïtien moyen  : 50  % d’entre eux — renoncent complètement à recourir à des services consultent des prestataires publics, contre 43 % de la médicaux professionnels pour leurs problèmes de population en milieu rural où vit la majeure partie santé. Lorsqu’elles s’y résignent, il se peut que ce soit des pauvres que compte le pays. On relève aussi des uniquement dans le cas de blessures ou de maladies disparités entre les régions : par exemple, la plus forte majeures qui se transforment alors en «  catastrophe densité de médecins, d’infirmières et de sages-femmes financière » pour la famille, contrainte de réduire ses se trouve à l’Ouest et la plus faible dans le Sud. dépenses essentielles, à commencer par ses dépenses Les dépenses d’investissement dans le secteur de nourriture, d’habillement et d’éducation. médical ayant augmenté rapidement, les dépenses Durant cette période, Haïti a doublé les dépenses de fonctionnement n’ont pas suivi. Haïti ne compte qu’il consacre aux établissements de santé  : il a que 9,5  agents médicaux pour 10  000  habitants, un construit de nouvelles cliniques et de nouveaux ratio nettement inférieur aux moyennes régionales. hôpitaux et rénové des établissements anciens L’essentiel des frais de fonctionnement est affecté aux endommagés par le tremblement de terre. Souvent, salaires, ce qui comprime les budgets de fournitures toutefois, les investissements n’ont pas été réalisés cruciales comme les vaccins et les médicaments. Cela là où ils étaient le plus nécessaires. Seulement 22  % constitue un obstacle majeur à une bonne prestation de des financements sont allés à des dispensaires ou services. Il ressort d’une étude récente que seulement des centres de santé, établissements qui, en dépit de 6 des 45 établissements de santé interrogés assuraient leur petite taille, fournissent 87 % des prestations de une prestation de services efficace, ni leur frais de soins de santé en Haïti. En revanche, près de 33 % des fonctionnement ni leurs effectifs n’étant excessifs. investissements ont été affectés aux hôpitaux. Un thème courant dans cette faible productivité Les services de santé sont répartis de façon inégale chronique est le faible nombre de consultations. Le au plan géographique. En général, les habitants de la taux d’interactions quotidiennes avec les patients par Consultations par membre du personnel médical Comparaisons internationales – Proportion d’agents (chi res journaliers) administratifs sur l’ensemble des e ectifs des établissements de soins de santé primaires (pourcentage du total) 25 50 45 40 20 40 35 33 30 29 15 30 25 20 10 20 15 5 10 5 0 0 Haïti Libéria Cambodge Rwanda Maroc Haïti Afghanistan Rwanda Libéria Libéria (2013) (2009) (2008) (2011) (2014) (dispensaire) (CSL/CAL) Sources : Évaluation de la prestation de services (SPA), 2013 (Haïti), Source : Haïti : Cros, M. et Zeng, W., 2014 ; Afghanistan: USAID, 2009 (Libéria) ; Gouvernement royal du Cambodge, 2008 Transitional Islamic Government of Afghanistan, 2003 ; (Cambodge) ; MSH, 2011 (Rwanda) ; Royaume du Maroc, 2014 (Maroc). Rwanda : USAID, 2011 ; Libéria : USAID, 2009 14 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR agent de santé n’a représenté qu’environ les deux tiers des fonds à un établissement en fonction de du taux du Libéria et 35 % des taux du Cambodge et l’obtention de certains résultats déterminés au du Rwanda. Cela s’expliquerait en grande partie par le préalable, tels que la vaccination d’un pourcentage fait que les personnes payées pour un travail à temps précis d’enfants dans une certaine zone. Les fonds plein dans les cliniques n’y sont présentes qu’à temps destinés à la santé ont souvent été affectés aux intrants partiel. Une enquête a révélé que 49 % du personnel – salaires, bâtiments, formation et matériels. On médical dans le département Nord-Ouest d’Haïti supposait que l’amélioration de la santé s’en suivrait, disposaient de revenus générés par un autre travail, tel mais cela n’a pas toujours été le cas. Le financement qu’un cabinet médical privé, la vente de médicaments, fondé sur les résultats change complètement la ou des activités toutes autres comme la vente de cartes donne, en déterminant d’abord le résultat –  un plus de téléphonie mobile. grand nombre d’enfants vaccinés, par exemple  – et en laissant ensuite les agents et les gestionnaires de la Un personnel administratif pléthorique pourrait santé décider du moyen d’y parvenir. Trois pays (le aussi plomber la productivité. Le personnel Rwanda, le Burundi et la Sierra Leone) ont mis en administratif représente environ 40  % de l’ensemble œuvre des programmes fondés sur les résultats dont des effectifs dans les établissements de soins de l’issue est prometteuse. Le Rwanda, par exemple, a santé primaires  ; ces types d’établissement, de taille assujetti les primes directement au rendement. À titre réduite et manquant d’équipements sophistiqués, ont d’exemple, si un agent ou un établissement de santé généralement besoin de peu d’agents administratifs. peut démontrer que dix femmes supplémentaires ont L’État cherche à s’attaquer à ces problèmes en donné naissance dans l’établissement de santé plutôt mettant en œuvre un mécanisme de « financement qu’à domicile, avec les risques que cela comporte, il fondé sur les résultats  », qui permettrait d’allouer devrait recevoir une prime. Mesures à envisager : • Mieux cibler les dépenses publiques pour améliorer la prestation des services de santé. L’augmentation des effectifs profite souvent à des personnes qui n’interviennent pas directement dans la prestation de services, ce qui détourne les budgets destinés aux travailleurs de première ligne et aux frais d’exploitation et d’entretien. • S’employer à répartir les services de santé entre les régions du pays et entre les différents groupes de revenus d’une manière plus équitable. • Passer au mécanisme de financement fondé sur les résultats, qui permettrait de mettre en place des incitations monétaires et non monétaires pour les professionnels de la santé afin d’accroître leur productivité et les amener à renoncer à des emplois extérieurs. • Dans les établissements de santé sous-utilisés, privilégier désormais les services de santé primaires et le recours à des cliniques mobiles afin d’accroître le nombre de patients, en particulier les pauvres. 15 4. Relever les normes et renforcer rapidement que les garçons d’une classe à une autre —  à la sixième année, l’âge moyen des filles est de le devoir de responsabilité dans le 14,9 ans, alors qu’il est de 15,6 ans pour les garçons — système éducatif et a d’autres facteurs socio-économiques tels que Malgré les nombreux défis rencontrés, Haïti a grossesses et migrations. . amélioré ses indicateurs de l’éducation au cours Même les enfants qui restent scolarisés, en des dernières années. La grande majorité (90 %) des particulier les enfants pauvres, acquièrent peu enfants qui en ont l’âge sont aujourd’hui scolarisés de connaissances. La qualité des enseignants laisse dans le primaire. En 1994, moins de 30 % des jeunes généralement à désirer. Par exemple, dans des âgés de 15 à 19 ans avaient atteint le premier cycle du évaluations en langue française et en mathématiques secondaire. En 2012, ce chiffre avait dépassé les 50 % des instituteurs réalisées dans le Plateau Central, pour les filles et 40 % pour les garçons. Ces acquis se seulement 10  % (en français) et 22  % (en sont multipliés principalement à la faveur du nombre mathématiques) des instituteurs ont pu répondre croissant d’écoles non publiques peu coûteuses correctement à au moins la moitié des questions tirées et des programmes publics destinés à financer des examens de l’institut de formation des enseignants. l’enseignement primaire au moyen de la dispense de La faible qualité des enseignants contribue aux frais de scolarité et de l’appui aux cantines scolaires. niveaux élevés de redoublement et d’abandon de leurs Les chiffres de la scolarisation sont pourtant élèves, et, au bout du compte, aux faibles niveaux inférieurs aux moyennes régionales en dépit de ces d’instruction. Il ressort d’une évaluation réalisée progrès. Les taux de scolarisation chutent de manière dans des écoles de l’Artibonite et des Nippes que drastique au niveau de l’enseignement supérieur. Les l’élève moyen de troisième année du primaire ne peut disparités entre zones rurales et urbaines accentuent lire que 23  mots par minute, une vitesse nettement l’impact : les enfants issus de ménages pauvres des zones inférieure aux 35 à 60  mots par minute requis pour rurales éloignées de la capitale sont plus susceptibles comprendre un texte basique. de ne pas aller à l’école ou d’avoir dépassé l’âge normal Si la Constitution haïtienne consacre le droit de de leur classe. Les niveaux d’instruction des parents tous les enfants à l’éducation de base, l’État ne s’est comptent aussi  : la probabilité que les enfants de pas souvent acquitté de cette obligation. Les services ménages dont le chef a achevé ses études primaires d’éducation sont aujourd’hui majoritairement assurés soient scolarisés est de 4 points de pourcentage plus par le secteur non public. Le pays compte environ sept élevée que la probabilité que les enfants de ménages fois plus d’écoles primaires non publiques que d’écoles dont le chef n’a reçu aucune éducation formelle soient publiques ; 78 % des élèves du primaire fréquentent scolarisés, et la probabilité que la première catégorie des écoles non publiques. Un peu moins de la d’enfants ait dépassé l’âge normal de leur classe est moitié de ces établissements non publics sont gérés moindre de 23 points de pourcentage. par des groupes confessionnels, principalement les Le système scolaire est très inefficace : les enfants Protestants. Environ 35  % des écoles non publiques commencent généralement l’école primaire avec sont des propriétés privées et le reste est géré par deux ans de retard — à l’âge de 7,8 ans en moyenne — des collectivités. Cela signifie qu’Haïti dispose de et moins de 60 % d’entre eux atteignent la dernière l’un des plus importants systèmes éducatifs non (sixième) année du primaire. Passé l’âge de 14 ans, publics au monde, avec les problèmes importants les filles abandonnent l’école un peu plus vite que les qui en découlent. Les écoles non publiques sont garçons. Cette tendance reste vraie, que le ménage faiblement réglementées, le système national d’octroi soit pauvre ou non pauvre, rural ou urbain. Elle peut d’agrément n’ayant jamais été pleinement appliqué. être due au fait qu’en général les filles progressent plus Les établissements scolaires participant à certains 16 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Scolarisation des jeunes par âge et par sexe, 2012 Écoles primaires, 1930-2011 (pourcentage du total) (en milliers d’écoles) 100 14 90 Non publiques (CS2011) 80 12 Publiques (CS2001) 70 Non publiques (CS2003) 10 60 Publiques (CS2003) 50 8 40 30 6 20 4 10 0 2 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 Filles Garçons 0 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 Sources : Estimations des services de la Banque mondiale fondées sur l'ECVMAS 2012. Sources : Estimations des services de la Banque mondiale utilisant les recensements scolaires de 2003 et 2011. programmes publics de financement, tels que le scolarisation au cours de l’année scolaire 2012-2013, Programme de scolarisation universelle gratuite et en soutien à 1,4 million d’élèves répartis dans plus de obligatoire, doivent en théorie satisfaire à des critères 10  700 écoles. Ces programmes essayent d’orienter bien précis pour bénéficier des financements. les subventions vers les collectivités pauvres et dont l’alimentation est inférieure aux normes, mais c’est En 2013, les financements extérieurs destinés sans compter avec la corruption. En 2013, les services à l’éducation s’élevaient à 2  milliards d’HTG. gouvernementaux de lutte contre la corruption ont Entre 80 et 90  % de ces fonds ont été affectés à indiqué qu’un audit d’un échantillon d’écoles a révélé l’enseignement primaire ces dernières années. Mais que près de 25  % d’élèves de plus qu’il n’en existait avec la contraction de l’aide, le maintien des progrès réellement étaient signalés comme inscrits dans ces accomplis récemment dans le domaine de l’éducation écoles. Ils ont constaté des cas d’écoles «  fantômes  » est compromis, et la marge de progression reste qui n’ont pas pu être localisées physiquement et grande. La scolarisation n’est pas encore universelle et semblaient avoir été créées au profit personnel les élèves les plus défavorisés, notamment les pauvres, d’individus bien précis. les handicapés ou les enfants vivant sans leurs parents, ne sont généralement pas scolarisés. Quand bien même on tient compte de ces programmes, les dépenses publiques totales Au cours des dernières années, l’État haïtien d’éducation sont faibles par rapport à ce que l’on n’a cessé d’accroître les dépenses d’éducation, peut observer dans le reste du monde. Et les fonds qui représentent maintenant 14  % des dépenses ne sont pas souvent employés à bon escient. Ainsi publiques, financées en partie par de nouvelles qu’il en est des établissements de santé, le personnel taxes sur les appels téléphoniques internationaux administratif semble être trop nombreux dans et les transferts d’argent. Cela dit, une grande partie les écoles publiques. Environ 58  % seulement des de ces dépenses n’est pas destinée à financer les écoles dépenses salariales sont destinés aux éducateurs « de publiques, mais plutôt les écoles non publiques, première ligne » que sont notamment les enseignants, à travers les programmes de dispense de frais de les directeurs et les inspecteurs. Qui plus est, un scolarité et de cantines scolaires. Environ 2 milliards programme de fourniture gratuite ou subventionnée d’HTG ont été dépensés au titre de la gratuité de la 17 contentant des écoles mal loties. Mais de nombreuses Financement du secteur de l’éducation par les familles ne peuvent tout simplement pas payer l’école bailleurs de fonds, 2010-2013 pour leurs enfants. Lorsque les enfants ne vont pas à (en milliards de gourdes) l’école, dans 83 % des cas les parents indiquent que le 9 coût en est la principale raison. Le bon côté des choses 8 7 est que ces dernières années, les dépenses des ménages 6 pauvres ont augmenté plus lentement que celles des 5 ménages à revenu élevé, en raison apparemment d’une 4 augmentation des dépenses publiques consacrées au 3 2 système scolaire public. 1 La qualité des écoles reste largement diverse 0 2010 2011 2012 2013 dans différentes parties du pays. Le département Source : Estimations des services de la Banque mondiale de l’Ouest compte plus d’écoles par habitant et les utilisant les données du MEF écoles y bénéficient de meilleures ressources que dans les autres départements, pour ce qui est des ratios élèves-enseignants et de la probabilité de disposer de bibliothèques et d’avoir de l’électricité. de manuels scolaires aux élèves n’a pas eu les résultats En août 2014, le ministère de l’Éducation a escomptés  : il ressort d’un audit réalisé en 2011 que annoncé des mesures visant à renforcer la reddition 2,5  millions de manuels scolaires ont été achetés au de comptes et à améliorer la qualité. Ces mesures titre de ce programme, mais 19 % seulement des écoles comprennent l’enregistrement obligatoire de tous publiques échantillonnées en avaient effectivement les enseignants et établissements scolaires auprès du reçus. ministère par le biais de l’octroi automatique à titre Bien que l’État dépense plus, la réalité de provisoire de cartes d’enregistrement, suivi par des l’éducation en Haïti est que ce sont les ménages qui contrôles de qualification. En outre, les élèves seront supportent l’essentiel des coûts. L’État dépensant évalués avant la sixième année, et les écoles affichant 10  milliards d’HTG par an, et les bailleurs de fonds des résultats particulièrement mauvais seront placées internationaux décaissant 2 à 3  milliards d’HTG, sous la supervision du ministère. De plus, le ministère la facture pour les ménages s’élève néanmoins à prévoit d’administrer des évaluations des aptitudes environ 20 milliards d’HTG par an. Sur l’ensemble des en lecture et en mathématiques (EGRA et EGMA) ménages ayant des enfants âgés de 6 à 14  ans, 93  % à des échantillons représentatifs à l’échelle nationale déclarent consacrer en moyenne 10 % de leur budget des élèves de la troisième année. Si ces initiatives aux dépenses d’éducation. Le coût pour les ménages sont les bienvenues, leurs plans de mise en œuvre et tend à créer des écoles séparées par groupe de revenus, de financement n’ont pas encore été établis, et il reste les familles plus aisées envoyant leurs enfants dans des difficile de savoir comment les nouvelles mesures écoles non publiques bien équipées dont la taille des s’intègreront aux initiatives en cours d’amélioration classes est réduite, et les familles à faible revenu se de la qualité. 18 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Mesures à envisager : • Rendre toutes les écoles haïtiennes – publiques et non publiques – plus redevables de la qualité des enseignements qu’elles dispensent. Identifier les écoles et les élèves bénéficiant des différents programmes offerts par le ministère de l’Éducation, dont le Programme de dispense des frais de scolarité (TWP) financé par des bailleurs de fonds et le Programme de scolarisation universelle gratuite et obligatoire (PSUGO), et assujettir cette aide à la réussite scolaire. • Instaurer l’obtention obligatoire d’une autorisation d’enseigner fondée sur des compétences avérées et la carte d’identité scolaire obligatoire, débouchant sur une certification. • Offrir aux enseignants des programmes de formation continue pour améliorer leurs aptitudes pédagogiques. • S’employer à gommer les disparités dans la qualité de l’éducation dispensée aux élèves dans les différentes zones du pays et entre les groupes de revenus. 5. Mettre en place des dispositifs travailleurs et les groupes vulnérables. Par ailleurs, certains bailleurs de fonds partenaires ont commencé de protection sociale pour les plus à s’intéresser à la sécurité alimentaire et nutritionnelle, démunis ce qui les a amenés à envisager un programme de L’État haïtien a toujours joué un rôle limité et protection sociale pouvant prendre en compte aussi laxiste dans le domaine de la protection sociale. bien la nécessité de faire face à court terme aux chocs Les régimes dictatoriaux des Duvalier entre 1957 et constants et l’objectif à long terme de lutter contre la 1986 ne se souciaient pas de fournir une telle aide pauvreté chronique. aux pauvres. Le Fonds d’assistance économique et Le séisme de 2010, qui a fait plus de 200 000 morts, sociale (FAES) a été créé en 1990 en vue d’apporter a naturellement détourné l’attention vers la un soutien social, mais les années suivantes de réponse humanitaire à brève échéance. Comme troubles politiques et de catastrophes naturelles ont aucun dispositif de protection sociale ne pouvait entravé l’essor de cette approche. Il a fallu attendre être rapidement déployé, il a fallu concevoir des la seconde moitié des années 2000 pour voir l’élite interventions en partant de zéro. Entre 2012 et 2014, politique d’Haïti commencer à adhérer à l’idée de une certaine attention encourageante a été de nouveau la protection sociale comme politique publique portée sur la protection sociale comme cadre plus pouvant contribuer à la réduction de la pauvreté et large pour s’attaquer à la vulnérabilité et à la pauvreté à la gestion des risques sociaux. Le Document de à court et à long terme. En 2014, l’État a procédé au stratégie nationale pour la croissance et la réduction lancement d’une initiative triennale baptisée « Penser de la pauvreté établi en 2007 et couvrant la période et lutter pour une Haïti sans pauvreté : plan d’action 2008-2010 faisait de la réduction de la pauvreté et de pour accélérer la réduction de l’extrême pauvreté ». La l’amélioration des conditions de vie des populations stratégie d’assistance sociale baptisée EDE PEP a été des objectifs nationaux. Les syndicats ont approuvé un élément clé, visant à protéger les personnes vivant une feuille de route qui comprenait des aspects de dans l’extrême pauvreté et à investir durablement dans la protection sociale comme l’égalité des sexes et des le capital humain. Il s’agit d’une initiative à plusieurs mécanismes contributifs et non contributifs pour les 19 volets couvrant des questions aussi diverses que la chocs par des décisions qui soulagent à court terme, planification familiale, l’éradication du choléra, les mais ont des effets néfastes à la longue, comme la transferts monétaires conditionnels, les restaurants déscolarisation d’un enfant lorsque le pourvoyeur de communautaires, l’alphabétisation, et les travaux la famille perd son emploi. publics visant à améliorer l’environnement. Les différents risques auxquels sont exposés les L’un des points faibles potentiels de ce programme différents segments de la population appellent des tient au fait qu’il soit financé principalement par réponses différentes sur le plan des politiques de des prêts concessionnels consentis par le Venezuela protection sociale. Malheureusement, le système de à un moment où l’accès à ces prêts se resserre en protection sociale d’Haïti est trop fragmenté pour raison de la chute des cours mondiaux du pétrole. s’attaquer efficacement à ces risques divers. Les régimes Mais divers donateurs internationaux s’intéressent de prévoyance sociale, par exemple, sont mis en à la protection sociale. Le Programme des Nations œuvre par un dédale d’institutions, ce qui complique Unies pour le développement, par exemple, a soutenu la coordination. Les filets de protection sociale la démarche axée sur le capital humain du programme concernent plus de 20 programmes dont les instances de transferts monétaires conditionnels portant le nom de mise en œuvre sont dispersées à travers au moins de Ti manman chéri. quatre départements ministériels. Neuf ministères assurent la surveillance des programmes EDE PEP, Les pauvres chroniques ont particulièrement et 11  organismes ou ministères sont responsables besoin de l’aide de ces programmes. Il s’agit de de leur exécution. Par ailleurs, les contributions des personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté donateurs sont très fragmentées, d’où les difficultés monétaire et auxquelles diverses dimensions du à estimer et à coordonner les dépenses. Beaucoup bien-être font défaut, telles que l’accès à l’électricité de dépenses sont financées par une organisation et et à l’assainissement de base. Selon cette définition, exécutées par une autre. environ 70 % des habitants des zones rurales d’Haïti sont des pauvres chroniques, contre 20  % des Le ciblage des prestations d’aide sociale est personnes vivant dans les zones urbaines. Mais les également défaillant, la moitié de ces prestations pauvres transitoires ont aussi besoin d’aide. Il s’agit de étant versée à des non-pauvres. Le niveau des activités personnes pauvres sur le plan monétaire, mais qui ont informelles étant élevé en Haïti, 11 % seulement des accès aux services de base et sont plus susceptibles de travailleurs salariés ont accès à des prestations de pouvoir se hisser au-dessus du seuil de pauvreté. En retraite à travers le système de sécurité sociale, mais général, les ménages haïtiens ont besoin d’aide pour ils appartiennent généralement aux groupes à revenus faire face aux chocs qui sont si courants dans leur vie, supérieurs. On observe des caractéristiques similaires qu’il s’agisse d’un tremblement de terre qui dévaste dans le régime d’assurance maladie administré par la collectivité ou d’une maladie qui met à l’écart le l’Office d’assurance accidents du travail, maladie et principal pourvoyeur du ménage. maternité (OFATMA) —  la plupart des ménages couverts par ce régime appartiennent au quintile L’augmentation des revenus est une tâche supérieur et vivent dans la région métropolitaine. profondément ambitieuse, parce que les ménages Cependant, les enfants de moins de six ans ne pauvres se heurtent à tellement d’obstacles au bénéficient de pratiquement aucune aide sociale, renforcement du capital humain par des éléments laquelle ne couvre que 7,4  % d’entre eux. Et bien comme l’éducation et les compétences, qui au que le travail des enfants et la pratique connue sous bout du compte constituent leur plus grand espoir le nom de restavèk, qui consiste à recueillir des de sortir de la pauvreté. Ces obstacles incluent la enfants dans d’autres ménages pour les faire travailler malnutrition chronique chez les enfants, les entraves comme domestiques, soient très répandus en Haïti, aux soins de santé, et une tendance à réagir aux 20 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR avec acuité. En fait, la couverture de certains Comparaison internationale – Dépenses sociales, programmes EDE PEP est faible dans les régions 2013 ou année la plus récente (en pourcentage du PIB) affichant les taux de pauvreté les plus élevés. Même 25 dans les zones où elle existe, la couverture peut n’être que de courte durée. Le programme de transferts 20 monétaires conditionnels baptisé Ti manman chéri 15 verse des sommes d’argent aux mères pour les inciter à maintenir leurs enfants à l’école, mais en raison de 10 restrictions budgétaires et de certaines décisions de 5 l’État haïtien, les paiements ne s’étalent que sur un an. 0 On observe ici et là des signes que la situation prend une tournure prometteuse. Environ 13  % Costa Rica (2011) Honduras (2012) Panama (2011) El Salvador (2012) Nicaragua (2011) Guatemala (2011) Haïti (2013) des personnes appartenant au quintile le plus pauvre reçoivent des prestations d’aide sociale, contre 5  % des personnes appartenant aux deux quintiles les plus riches. Et la couverture est légèrement plus large dans Sources : Banque mondiale et MEF les zones rurales, qui concentrent plus de pauvreté, que dans les villes. Cela dit, dans l’ensemble, le système de protection sociale d’Haïti reste profondément sous-développé. L’impact net des programmes est ce risque n’est pas pris en compte par la stratégie des très faible : sans les transferts au titre de la protection programmes EDE PEP. sociale, pensions y comprises, le taux de pauvreté Sur le plan géographique, les initiatives de serait tout juste d’un point de pourcentage supérieur à protection sociale pourraient être mieux ciblées ce qu’il est actuellement. dans les zones où la pauvreté sévit particulièrement Mesures à envisager : • Continuer à développer le système de protection sociale. Dans un pays dont les niveaux de pauvreté sont si élevés, les programmes sociaux font souvent la différence en apportant une certaine dignité à la vie. • Réduire la fragmentation du système de protection sociale en assurant un contrôle plus centralisé des programmes. Améliorer la planification et la coordination des initiatives financées sur ressources nationales et extérieures. • Mieux orienter les programmes de prestations de manière à atteindre les populations qui ont le plus besoin d’aide. Accorder une attention particulière à la pauvreté chronique. • Poursuivre les efforts visant à créer un registre social des bénéficiaires potentiellement admissibles afin de mieux cibler les nécessiteux et de leur fournir des services d’une manière efficace. 21 6. Protéger le budget d’un retour des hausse. Conjuguée à une baisse des prix internationaux du pétrole, cette mesure a permis à Haïti d’éliminer les subventions aux carburants subventions. Comme dans de nombreux pays importateurs Jusque-là, les subventions pétrolières avaient d’énergie dans le monde, la stabilité politique en considérablement augmenté pendant quatre ans Haïti est en danger lorsque les prix internationaux et pesaient lourdement sur les finances publiques, du pétrole grimpent. La hausse des prix de vente au engloutissant environ 15  % des recettes totales en détail peut pousser des foules à descendre dans les 2013. Les subventions représentaient près de 2  % rues pour exiger un répit. L’État haïtien a pendant du PIB, dépassant les dépenses publiques de santé longtemps répercuté prudemment les augmentations et d’éducation. L’important écart qui en a découlé sur la facture des consommateurs, mais en 2010, par rapport aux prix des carburants en République il a cessé cette pratique au profit d’un système de dominicaine, qui partage l’île d’Hispaniola avec Haïti, remise d’impôts et de subventions qui protège les avait favorisé la contrebande — le carburant passé par consommateurs des variations des prix de vente au la frontière pouvait être revendu à environ 30  % de détail de l’essence, du gasoil et du kérosène. Cette plus que le prix d’achat au départ. Ces ventes illégales politique a changé en octobre 2014 lorsque l’État a alourdissaient le fardeau budgétaire de l’État haïtien. augmenté les prix de détail des carburants partir à la Répartition des subventions pétrolières par type de carburant, 2009-2013 (en milliards de gourdes) Exercice Carburant 2010 2011 2012 2013 Essence 95 0.105 0.604 1.004 2.066 Essence 91 0.269 1.565 2.301 2.529 Gasoil 0.541 1.93 1.217 1.898 Kérosène 0.162 0.341 0.187 0.399 Total 1.078 4.44 4.709 6.892 Source. MEF (2014) En outre, le programme était très régressif. L’augmentation des prix des carburants, résultat Les ménages pauvres consomment très peu de d’une réduction des subventions, a donc peu carburant — ils n’y consacrent que 0,01 % de leur d’impact direct sur les ménages pauvres parce budget. Pourtant, dans les ménages du décile le plus que ces derniers dépensent déjà si peu pour le riche, qui sont susceptibles de posséder des véhicules carburant. L’impact est ressenti principalement par et des motos, les dépenses de carburant représentent les ménages à revenu élevé qui sont plus en mesure près de 6  % de la consommation totale. Quand on de l’absorber. L’impact indirect — l’effet des prix des fait le compte, plus de 93  % des subventions aux carburants sur les prix des produits alimentaires, carburants directement destinées aux ménages suite à l’augmentation des coûts de transport vers haïtiens bénéficiaient aux 20  % les plus riches de la les marchés, par exemple — peut être contenu à des population. Les ménages pauvres ne profitaient que niveaux tenables. de 1,6 % des subventions, et les ménages extrêmement pauvres n’avaient presque rien, soit 0,3 %. 22 MIEUX DÉPENSER, MIEUX SERVIR Les coûts de transport en commun sont un prix de ce combustible est donc le plus ressentie par cas particulier. Les propriétaires de minibus et de les segments les plus vulnérables de la population. pickups aux couleurs vives appelés « tap-taps », moyen La suppression des subventions aux carburants de transport de millions d’Haïtiens, répercutent n’est qu’une des dimensions des réformes relatives généralement l’augmentation des prix du carburant aux énergies renouvelables et aux transports. Le sur les passagers. Ces prix peuvent devenir trop pays a besoin de véhicules plus sûrs et de conducteurs élevés pour les pauvres et les éloigner des possibilités plus qualifiés. La dépendance d’Haïti à l’égard des d’emploi et d’éducation à travers la ville. carburants à base de pétrole pourrait être réduite par Une autre exception concernant l’impact sur la mise en valeur de sources d’énergie renouvelable les pauvres a trait au kérosène. Dans un pays où la telles que le solaire et l’éolien. En outre, en l’absence plupart des habitations manquent d’électricité, les d’un mécanisme de répercussion véritablement lampes à pétrole représentent le moyen d’éclairage automatique, le budget reste à la merci d’un rebond standard. Cela est particulièrement vrai dans les zones des prix internationaux du pétrole et d’un retour des rurales, où 80  % des ménages utilisent le kérosène subventions aux carburants. comme combustible principal. Une modification du Mesures à envisager : • Revenir à un système de répercussion automatique de la hausse des prix du pétrole afin d’éviter que les subventions aux carburants ne grèvent les ressources publiques dont d’autres programmes plus productifs ont besoin d’urgence. • Confier le mécanisme de tarification à un organisme indépendant afin de limiter l’influence politique sur la fixation des prix des carburants. • Envisager de mettre en place des subventions ciblées qui auraient pour effet d’alléger les hausses de prix qui affectent particulièrement les Haïtiens à faible revenu, comme l’augmentation des coûts de transport. • Promouvoir à long terme des programmes visant une transition du pays de l’utilisation du pétrole vers le recours à des formes d’énergie renouvelable comme le solaire et l’éolien. 23 24