76055 Banque mondiale Pleins feux sur les inégalités Développement de proximité, participation et inégalité : que disent les faits ? Ghazala Mansuri et Vijayendra Rao L es bailleurs de fonds et les organismes d’aide au développement ont investi massivement dans le développement participatif au cours des 20 dernières années. La Banque mondiale a, à elle seule, affecté près de 85 milliards de dollars à des projets participatifs et à des efforts de décentralisation. D’autres organismes de développement — bailleurs bilatéraux et banques régionales de développement — ont probablement dépensé des montants au moins aussi élevés. Cette injection massive de fonds a été motivée, fondamentalement, par la conviction que la participation des communautés à au moins certains aspects de la conception et de l’exécution des projets permet d’établir des liens plus étroits entre l’aide au développement et les personnes qui sont censées en bénéficier. De fait, la participation des populations locales est une méthode jugée pouvoir servir divers objectifs, tels que le renforcement du ciblage des interventions sur la pauvreté, l’amélioration de la prestation des services, l’accroissement des moyens de subsistance et la promotion de la demande de bonne gouvernance. © Simone D. McCourtie / Banque mondiale Les programmes suivant une approche participative ont pour objet Habitants d’Aurangabad (Inde) participant à une réunion d’associer davantage les groupes pauvres et marginalisés aux efforts des communautaire. Ce type de participation renforce-t-il la organes de prise de décisions au niveau des communautés de manière société civile ? à permettre aux citoyens de peser sur les décisions qui ont un impact sur leur vie. En pratique, on ne dispose que de peu d’informations sur la mesure dans laquelle ces approches participatives du développement Banque mondiale. Le présent article récapitule les observations recueillies favorisent l’équité. Ces programmes permettent-ils d’effectuer des choix sur ces questions, qui sont au cœur du débat sur l’action à mener. cadrant mieux avec les préférences des groupes pauvres et exclus de la société ? Débouchent-ils sur des institutions locales plus solides et Modalités de la participation des communautés locales inclusives ? Réduisent-ils l’emprise des élites et la corruption ? Les projets Les deux grandes méthodes de promotion de la participation à caractère participatif se heurtent-ils à des obstacles plus importants des populations locales sont le développement de proximité et dans certains types de communautés ? En particulier, les inégalités locales la décentralisation des ressources et des pouvoirs au niveau des en termes de patrimoine, de statut ou de pouvoir sont-elles un obstacle administrations locales. Le développement de proximité appuie les efforts majeur à l’inclusion ? Ces questions forment la trame du nouveau rapport déployés pour associer les habitants des villages, des quartiers urbains sur les politiques de développement que doit prochainement publier la ou d’autres groupes de ménages au processus de gestion des ressources de développement sans avoir recours aux administrations locales officielles. Les projets de développement de proximité — également appelés projets de développement communautaires, projets de subsistance Cet article est basé sur le rapport sur les politiques de communautaires et fonds sociaux — visent à accroître la participation des développement de Ghazala Mansuri et Vijayendra Rao intitulé membres de la communauté à la prestation des services. Les modèles de ce « Localizing Development: Does Participation Work » que la Banque type d’aide vont de plans de ciblage au niveau des communautés, auquel mondiale doit publier en novembre 2012. cas seule la sélection des bénéficiaires est décentralisée, à des projets dans Département Réduction de la pauvreté et équité : : www.worldbank.org/poverty : : Volume 1, Numéro 3 : : Octobre 2012 lesquels les communautés participent à divers degrés à la conception des poursuivis bien que peu d’efforts systématiques aient été déployés pour activités et à la gestion des ressources. comprendre les obstacles particuliers que peuvent rencontrer les actions La décentralisation s’entend des efforts déployés pour renforcer les menées pour promouvoir la participation et tirer les leçons des échecs des administrations villageoises et municipales du côté de la demande et programmes antérieurs. Le processus est donc, sans doute, toujours plus du côté de l’offre. Du côté de la demande, la décentralisation renforce la guidé par l’idéologie et l’optimisme que par une analyse systématique, participation des citoyens à la gestion des affaires locales, par exemple en théorique ou empirique. instituant des élections régulières, en améliorant l’accès à l’information et en encourageant l’adoption de mécanismes de prise de décisions Le développement participatif profite-t-il aux groupes par voie de délibérations. Du côté de l’offre, elle accroît l’aptitude des de population pauvres et marginalisés ? administrations locales à fournir des services en augmentant leurs Dans l’ensemble, une plus grande participation communautaire ressources financières, en renforçant les capacités des représentants semble accroître quelque peu la viabilité des ressources et la qualité locaux, en rationalisant et en simplifiant leurs fonctions administratives. des infrastructures. Les faits montrent toutefois que les membres de Cette note, et le rapport sur lequel elle est basée, mettent l’accent sur la population qui tirent profit de ces améliorations sont généralement les aspects du développement à caractère participatif qui ont trait à la plus instruits et moins isolés sur le plan géographique et entretiennent « demande ». D’importants aspects concernant « l’offre » de gouvernance d’étroites relations avec les groupes riches et puissants. Ce bilan (décentralisation budgétaire, politique fiscale, procédures des peut s’expliquer en partie par le fait que le coût d’opportunité de la administrations locales et inefficacités bureaucratiques) ont déjà fait l’objet participation est plus élevé pour les pauvres. Il semble toutefois aussi que de nombreux travaux et n’entrent pas dans le cadre de cette étude. ces derniers tirent souvent moins profit des processus participatifs que les personnes mieux nanties parce que l’allocation des ressources reflète Historique du développement participatif généralement les préférences des élites. La participation semble donc Le développement participatif et la décentralisation ont des origines avoir un impact sur la répartition des avantages qui permet de penser que intellectuelles communes. Le processus de prise de décision par délibé- « l’appropriation par les élites » n’est souvent ni bienveillante ni altruiste. ration est une caractéristique fondamentale de la plupart des religions et Les études réalisées dans différents pays montrent que les des cultures. Dans la démocratie athénienne, par exemple, les décisions communautés dans lesquelles les inégalités sont importantes affichent importantes étaient prises dans le cadre de délibérations publiques de plus mauvais résultats, en particulier lorsque le pouvoir politique, auxquelles tous les citoyens (catégorie excluant les femmes, les esclaves et économique et social est détenu par un petit nombre de personnes. Cette les enfants) étaient censés participer. Les concepts modernes de la parti- « mainmise » semble également être plus marquée dans les communautés cipation découlent à l’évidence des principes définis au XVIIIe et au XIXe qui sont éloignées des centres de pouvoir, qui ont un faible taux siècle, notamment dans les œuvres de Rousseau et de John Stuart Mill. d’alphabétisation, qui sont pauvres ou qui se caractérisent par de fortes Dans les années 50 et 60, c’est-à-dire à l’issue de la période coloniale, disparités entre les castes, les races ou les genres. l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) La conception des projets et les règles régissant leur exécution et d’autres bailleurs de fonds ont contribué à susciter un intérêt pour le contribuent dans une mesure cruciale à déterminer si les programmes développement participatif en finançant et en appuyant des institutions participatifs sont récupérés par les élites et, donc, si les opportunités qu’ils coopératives, le développement de proximité et la décentralisation. Dans offrent sont limitées pour les populations pauvres. les années 70, cet intérêt s’était toutefois estompé lorsqu’il est apparu On a longtemps pensé que le fait d’accepter de contribuer à des que les coopératives avaient, dans l’ensemble, échoué et que les réformes programmes et des projets était signe d’engagement et assurait la viabilité publiques étaient difficiles à mettre en œuvre ou à poursuivre de manière des programmes ou de l’infrastructure. Cette assertion n’a cependant durable. L’attention s’est donc reportée sur des investissements à grande guère de fondement. Si l’on considère les informations disponibles, les échelle dans l’expansion agricole et industrielle. Des activistes et des cofinancements — qui sont la condition sine qua non de tout projet universitaires ont néanmoins attaqué cette démarche vers le milieu des à caractère participatif — ont généralement pour effet d’exclure les années 80, en faisant valoir qu’elle était menée de haut en bas et qu’elle populations les plus pauvres, en particulier lorsque les individus ou les avait, fondamentalement, pour effet de marginaliser les pauvres et d’aller communautés s’autosélectionnent. On a également pu observer que à l’encontre de leurs intérêts. Des économistes, notamment les lauréats les obligations de cofinancement imposées aux administrations locales du prix Nobel Amartya Sen et Elinor Ostrom, ont énergiquement plaidé peuvent avoir pour effet d’accroître les inégalités horizontales dans le en faveur d’une approche plus ascendante et d’une conception plus cadre des programmes de transferts ciblés parce que les municipalités délibérative du développement permettant au « bon sens » et au « capital ou les comtés les plus pauvres ont intérêt à abaisser le seuil de pauvreté social » des communautés de prévaloir dans le processus de prise des déterminant l’éligibilité à bénéficier de transferts pour réduire la charge décisions influant sur leur vie. Leurs études ont fait renaître l’intérêt pour que constituent pour elles les montants qu’elles doivent verser en le développement de proximité, la décentralisation, et la participation des contrepartie. Des processus de demande concurrentiels, entraînés par bailleurs de fonds et des pouvoirs publics. Lorsqu’il est devenu apparent, la demande peuvent également faire peser une charge plus importante dans les années 90, que les programmes d’ajustement structurel avaient sur les communautés se trouvant dans les situations les plus précaires, pour effet d’accroître les inégalités et les coûts sociaux, les bailleurs ont qui peuvent alors décider de ne pas participer au programme et, par commencé à financer des approches participatives dans le but d’assurer conséquent, renforcer leur marginalisation. un minimum d’investissements dans des infrastructures et des services La structure des programmes peut aussi avoir des effets indésirables d’utilité publique ainsi que dans des programmes sociaux visant à sur l’équité. Une forte injection de ressources dans un projet de dévelop- protéger les plus vulnérables. pement à caractère participatif peut, par exemple, attirer l’attention des Ce regain d’intérêt stratégique porté aux initiatives à caractère groupes nantis, et accroître la probabilité d’un renforcement de la margi- participatif, et l’accroissement des financements à ce titre, se sont nalisation des autres groupes. Les projets participatifs ne parviennent 2 : : Octobre 2012 : : Pleins feux sur les inégalités souvent pas à édifier des organisations cohésives et solides. Durant leur sont constitués dans de tels environnements, ils peuvent promouvoir un déroulement, les paiements en espèces ou sous une autre forme incitent engagement citoyen relativement important. Il est en revanche difficile les individus à participer et à constituer des réseaux — mais ces efforts d’imaginer comment les citoyens peuvent collectivement sanctionner des cessent en même temps que les incitations. Ce n’est que lorsque les projets responsables ou des dirigeants locaux négligents ou corrompus s’ils n’ont établissent des liens explicites entre les organisations établies au niveau pas les moyens de se faire entendre. des communautés et les marchés, offrent des formations débouchant Pour remédier aux carences de la participation citoyenne, il est sur des qualifications qu’ils parviennent, dans l’ensemble, à améliorer la nécessaire de s’attaquer aux inégalités sociales. Un moyen de parvenir cohésion sociale et à assurer la poursuite d’une action collective au-delà de à cette fin consiste à rendre obligatoire la participation de groupes la durée de vie du projet. défavorisés. Les évaluations des projets de développement de proximité Les décisions de dépenses semblent mieux cadrer avec les besoins ne fournissent pratiquement pas d’indication permettant d’établir si ce locaux en cas de décentralisation des processus démocratiques, et les type d’obligation est productif. Toutefois, les exemples de plus en plus ressources sont réaffectées en faveur des personnes les moins favorisées. nombreux fournis par les mécanismes démocratiques mis en place dans Les résultats dépendent toutefois dans une large mesure de la nature des villages indiens montrent que leurs effets, bien que mitigés, sont des incitations électorales et de l’aptitude des échelons plus élevés des dans l’ensemble positifs. L’établissement de quotas aux conseils et aux administrations à exercer une supervision et à obliger les échelons présidences de villages pour les groupes défavorisés et les femmes ont inférieurs à rendre compte de leurs actions. généralement pour effet de modifier les incitations politiques au profit des Les capacités revêtent également de l’importance. Les avantages de la intérêts des groupes bénéficiant des quotas. décentralisation semblent être moins prononcés dans les localités plus Le processus d’inclusion obligatoire semble également servir éloignées, plus isolées et dont les populations sont moins instruites. Ces d’incubateur pour un nouveau leadership politique. Les observations localités ont, en général, moins accès aux grands médias et autres sources recueillies montrent que les femmes et les membres d’autres groupes d’information, et ne bénéficient pas non plus, selon toute vraisemblance, exclus sont plus susceptibles de se présenter à des élections pour obtenir d’une supervision efficace des autorités centrales. des sièges qui ne sont pas réservés à leurs groupes s’ils ont déjà occupé un siège réservé. Les quotas peuvent également contribuer à affaiblir les La participation renforce-t-elle la société civile ? stéréotypes selon lesquels les groupes habituellement marginalisés sont Il n’y a guère de raisons de penser que la participation induite engendre peu capables et affichent de piètres résultats. Toutefois, pour que ces une cohésion durable, même au niveau des communautés. La formation changements s’inscrivent dans la durée, il faut que les règles d’inclusion de groupes s’effectue généralement dans un esprit de clocher et de manière soient maintenues suffisamment longtemps pour permettre aux inégale. En l’absence de mesures correctives, les groupes qui se forment perceptions et aux normes sociales d’évoluer. dans le cadre d’interventions excluent le plus souvent systématiquement La décentralisation des processus démocratiques donne des résultats les groupes défavorisés, les minorités et les femmes. Par ailleurs, les positifs parce que les appareils démocratiques villageois et municipaux groupes étant généralement constitués de personnes présentant des et les politiciens locaux ont intérêt à bien traiter les personnes qu’ils caractéristiques similaires, les projets encouragent rarement la cohésion représentent. Les programmes décentralisés étant généralement assortis entre des groupes différents — et peuvent, en fait, renforcer les clivages d’un mandat constitutionnel ou étant sanctionnés de toute autre manière existants. par les pouvoirs centraux, ils sont relativement permanents et peuvent Il est important de se demander, dans ce contexte, quel est le rôle des donc entraîner une modification de la dynamique sociale et politique facilitateurs qui travaillent avec les communautés. L’on ne dispose que à long terme. En revanche, les projets de proximité sont généralement de peu d’observations en la matière, mais les quelques études qui ont des interventions ad hoc, qui ne peuvent pas générer de nouvelles tenté de mesurer leur impact ont abouti à la conclusion que ces derniers opportunités politiques débouchant sur de réels changements sociaux et influent fortement sur les préférences indiquées par les membres de la la promotion de l’inclusion. communauté ; en effet, les personnes interrogées disent souvent aux Les interventions participatives ont été lancées dans des environne- facilitateurs ce qu’ils pensent que ces derniers souhaitent entendre. ments sortant d’un conflit dans le but de leur apporter rapidement des La participation est généralement motivée par des incitations associées financements. Le peu d’indications de leur efficacité permet de penser au projet ; les personnes se réunissent pour bénéficier des avantages que ces projets n’ont guère contribué à renforcer la cohésion sociale ou à procurés par ses ressources. Il est très difficile de savoir si ces effets reconstruire l’État. Il semble toutefois, selon des observations recueillies perdurent au-delà de la durée de vie du projet, mais le peu de données en Afrique, que les populations sortant d’une période de troubles civils disponibles semble indiquer que ce n’est généralement pas le cas. éprouvent un besoin pressant de participer à la vie de leur communauté et Certaines indications positives permettent toutefois de penser que la que des projets bien conçus et bien exécutés peuvent en tirer parti. participation peut avoir une valeur en soi. Les communautés se déclarent En résumé, selon les données disponibles, pour autant que les généralement plus satisfaites des décisions qui ont été prises avec leur intervenants locaux disposent d’informations et soient présents sur le participation, même si cette dernière n’a pas changé les résultats ou si les terrain, ils n’utilisent ces avantages au profit des groupes défavorisés résultats ne correspondent pas aux préférences qu’elles ont indiquées. que si les institutions et les mécanismes mis en place pour les obliger Un scrutin, pour aussi imparfait qu’il puisse être, semble être à rendre compte de leurs actions sont robustes. Il est plus efficace un mécanisme plus clair pour s’opposer à des décisions politiques d’assurer une supervision au niveau local lorsque d’autres institutions peu populaires ou à la recherche de rentes excessives par des élites de responsabilisation opérant à un niveau plus élevé fonctionnent de traditionnelles ou politiques que des forums de délibération plus manière satisfaisante et que les communautés ont les moyens de suivre informels. Dans les contextes décentralisés, des élections crédibles et efficacement les actions des prestataires de services et autres agents ouvertes contribuent à l’alignement des décisions des politiques sur les responsables des ressources publiques. Il semble également que la demandes des citoyens. Lorsque des conseils participatifs et délibératifs participation des populations locales augmente, au lieu de diminuer, la Pleins feux sur les inégalités : : Octobre 2012 : : 3 nécessité d’établir des institutions fonctionnelles et solides à l’échelon influent tous sur les résultats. Les inégalités locales contribuent central. Cela signifie aussi que les organismes d’exécution des projets dans une mesure particulièrement importante à déterminer la financés par les bailleurs de fonds doivent avoir la capacité d’exercer une probabilité d’une mainmise sur le processus. Les différences entre supervision adéquate. Il n’y a toutefois guère de raisons de penser que ces les contextes sont parfois telles, et leurs effets tellement imprévi- derniers pourraient prendre la place d’un État non fonctionnel en tant sibles, que les projets qui donnent de bons résultats sont généra- qu’agents de responsabilisation à un échelon plus élevé. Les réformes lement ceux qui sont dotés de robustes systèmes d’apprentissage et qui ont pour objet de renforcer le contrôle de l’appareil judiciaire, de sont très réceptifs et adaptables aux différents contextes. permettre à des organismes d’audit indépendants de fonctionner, et 3. La mise en place d’une participation citoyenne efficace ne suit pas une de protéger et promouvoir le droit à l’information et des médias libres trajectoire prévisible. De fait, il est probable qu’un tel processus suit semblent être nécessaires à la poursuite d’une supervision locale efficace. un sentier « d’équilibre ponctué » qui se caractérise par de longues Conséquences stratégiques périodes de calme apparent suivies par des phases de changements profonds et souvent mouvementés. Les bailleurs qui mènent des Trois grandes leçons peuvent être tirées de l’examen de ces observations projets à caractère participatif partent souvent du principe que ces et des défis plus généraux que pose la promotion d’une participation plus derniers suivront une trajectoire bien moins accidentée. Régis par large favorable à l’équité. des impératifs bureaucratiques, ils déclarent fréquemment que 1. Les interventions encourageant la participation donnent de meilleurs des résultats clairs, mesurables, et habituellement excessivement résultats lorsqu’elles sont appuyées par un État réceptif. Il n’est pas optimistes, seront produits au cours d’une période de temps nécessaire que le pays soit doté d’un régime démocratique, donné. Ces projets risquent d’être voués à l’échec non pas en bien que cela facilite énormément la tâche. Mais il faut que, au raison des résultats qu’ils produisent sur le terrain mais en raison niveau auquel l’intervention est menée — la communauté ou le de leurs attentes peu réalistes. quartier— les autorités soient réceptives aux besoins exprimés par la population. Cette démarche par trop ambitieuse s’explique dans une mesure Le parachutage de fonds dans des communautés sans aucun importante par le fait que la structure de nombreux bailleurs de fonds suivi d’un État bien disposé peut permettre aux élites de s’appro- institutionnels continue de privilégier des activités de développement et de prier le pouvoir de décider qui contrôle l’infrastructure coopé- reconstruction à forte intensité de capital. La construction de barrages, de rative locale, ce qui engendre un risque élevé de corruption. En ponts et de routes, ou même d’écoles et de centres de santé est une activité l’absence d’un État prêt à fournir son soutien, une action partici- beaucoup plus prévisible que la transformation des systèmes sociaux et pative peut certes avoir un impact mais les projets exécutés dans politiques. Pour pouvoir réparer les déchirures du tissu social et remédier ces conditions se heurtent à des obstacles beaucoup plus impor- aux défaillances politiques, il est nécessaire que l’équilibre social se déplace tants et courent un risque plus élevé d’accroître les inégalités. sous l’effet de l’évolution de la nature des interactions sociales et de la 2. Le contexte, local et national, est extrêmement important. Les réalisa- modification des normes et des cultures locales. Ces tâches sont beaucoup tions des interventions sont très différentes d’une communauté à plus difficiles et exigent une approche fondamentalement différente du une autre ; les inégalités locales, l’histoire, la géographie, la nature développement — une approche souple, inscrite dans la durée, autocri- des interactions sociales, les réseaux et les systèmes politiques tique ainsi que des agents résolument disposés à apprendre en faisant. Renforcement du rôle redistributif de la politique budgétaire dans les économies en développement Francesca Bastagli, David Coady et Sanjeev Gupta la plupart des pays avancés et en développement au cours des récentes L es articles précédemment publiés dans Pleins feux sur les décennies. Elles montrent aussi que la répartition des revenus est plus inégalités montrent comment l’inégalité des revenus s’est inégale dans les pays en développement que dans les économies avancées. accrue dans de nombreux pays du monde entier au cours L’évolution des inégalités sur la période 1990 à 2005 est particulièrement des récentes décennies. Les pays avancés s’attaquent instructive parce que des données sont disponibles sur un vaste manifestement avec plus de succès aux fortes inégalités que échantillon de pays développés et en développement. Nous avons basé les pays en développement, et ce essentiellement parce que l’impact notre analyse sur le calcul du coefficient de Gini, qui est un indicateur redistributif de leurs politiques budgétaires est plus important. d’inégalité couramment utilisé. Ce coefficient a une valeur comprise entre Nous avons examiné dans une récente étude les observations relatives zéro (qui indique que tous les agents économiques ont le même revenu) à l’impact redistributif de la politique budgétaire dans les pays développés et 1  (situation dans laquelle une seule personne détient la totalité des et dans les pays en développement (Bastagli, Coady, and Gupta, 2012). revenus). Dans la plupart des pays, il est compris entre 0,25 et 0,6. Les Nous avons constitué une base de données détaillée sur l’évolution de données présentées dans le tableau 1 confirment que l’inégalité des l’inégalité des revenus disponibles (c’est-à-dire après impôt et transferts) revenus a fortement augmenté dans toutes les régions : dans 150 pays avancés et en développement. Ces données confirment • Économies avancées : les inégalités se sont creusées dans 15 des que l’inégalité des revenus disponibles s’est effectivement accrue dans 22 pays avancés. Le coefficient de Gini a augmenté de plus de trois 4 : : Octobre 2012 : : Pleins feux sur les inégalités Tableau 1 Variation de l’inégalité des revenus disponibles dans les régions, 1990-2005 (Variation du coefficient de Gini en points de pourcentage) Augmentation Forte augmentation Faible augmentation Faible réduction Réduction moyenne Forte réduction Variation moyenne (variation > 5) (0 < variation < 3) (-3 < variation < 0) (-5 < variation < -3) (variation < -5) (3 < variation < 5) Argentine, Guatemala, Brésil, Chili, Amérique latine Colombie, Honduras, Bolivie, Costa Rica, El Salvador, 1990–2005 Jamaïque, Équateur, Nicaragua, Belize, Mexique et Caraïbes Paraguay, Venezuela Uruguay Panama République Pérou dominicaine Burkina Faso, Éthiopie, Guinée, Guinée-Bissau, Afrique du Sud, Burundi, Cameroun, Kenya, Lesotho, Afrique Mozambique, 1990–2005 Côte d’Ivoire, Madagascar, Nigéria, Gambie Malawi, Mali, Namibie, subsaharienne Tanzanie Ghana, Niger, Rwanda Zambie Ouganda République centrafricaine, Swaziland Chine, Indonésie, Bangladesh, Inde, Mongolie, Asie et Paci�que 1990–2005 Népal, Rép. de Corée, Cambodge, Philippines, Thaïlande Malaisie RDP lao, Sri Lanka Taïwan Viet Nam Moyen-Orient Ouzbékistan Égypte, Maroc, 1990–2005 Djibouti Pakistan Iran, Jordanie et Afrique du Nord République kirghize, Mauritanie, Tunisie Tadjikistan, Turkménistan Bélarus, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Kazakhstan, Lettonie, Azerbaïdjan, Albanie, Pays européens 1990–2005 Lituanie, Macédoine, Hongrie, Serbie, Arménie, Estonie Fédération de Russie émergents Moldova, Pologne, Slovénie, Turquie République tchèque, Ukraine Allemagne, États-Unis, Norvège, Autriche, Belgique, Australie, Espagne, Danemark, 1980–2005 Nouvelle-Zélande, Canada, Finlande, Italie, Japon, France, Grèce, Suisse Portugal, Royaume-Uni, Luxembourg, Pays-Bas Irlande Suède Pays avancés Autriche, Espagne, Australie, États-Unis, Allemagne, Japon, Luxembourg, Danemark, 1990–2005 Norvège, Belgique, Canada, Nouvelle-Zélande, France, Grèce, Suisse Portugal Finlande, Italie Royaume-Uni, Irlande, Suède Pays-Bas F. Bastagli et al., « Income Inequality and Fiscal Policy ». Staff Discussion Note, Fonds monétaire international, 2012 points dans huit pays. Cette évolution fait suite à une période de points dans sept pays. Elles diminuent toutefois dans presque tous 10 ans caractérisée par une amélioration de l’égalité dans la plupart les pays de la région depuis 2000. des pays. • Afrique subsaharienne : cette région est la seule où l’inégalité • Pays européens émergents : les inégalités se sont accrues dans moyenne a diminué sur l’ensemble de la période. Le coefficient de presque tous les pays européens émergents (20 pays sur 22). Cette Gini a néanmoins augmenté dans 10 des 26 pays, et s’est accru de évolution s’est produite pour l’essentiel entre 1990 et 1995, durant plus de trois points dans sept pays. • Asie et Pacifique : les inégalités se sont creusées dans 13 des 15 pays la phase de transition à une économie de marché. Le coefficient de de la région. Le coefficient de Gini a augmenté de plus de cinq Gini a augmenté de plus de trois points dans 15 pays et de plus de points dans six pays (dont la Chine) et de plus de trois points dans cinq points dans 12 pays. neuf pays. • Amérique latine et Caraïbes : les inégalités sont nettement plus • Moyen-Orient et Afrique du Nord : les inégalités se sont accrues marquées dans cette région que dans la plupart des autres. Elles dans 9 des 12 pays de la région. Le coefficient de Gini a augmenté se sont accrues dans 11 des 20 pays considérés durant la période de plus de cinq points dans quatre pays et de plus de trois points examinée et le coefficient de Gini a augmenté de plus de trois dans cinq pays. Pleins feux sur les inégalités : : Octobre 2012 : : 5 Figure 1. Incidence des avantages procurés par les dépenses publiques au titre de l’éducation et de la santé (Pourcentage des dépenses publiques revenant aux 40 % des ménages les plus pauvres) Éducation Santé 80 80 70 70 60 60 50 50 40 40 30 30 20 20 10 10 0 0 Afrique du Sud 2000 Ouzbékistan 2000 Côte d’Ivoire 2008 Pérou 2009 Bosnie-Herzégovine Namibie 2003 Lesotho 2002 Argentine 2009 Brésil 2009 Albanie 2002 Kenya 2006 Costa Rica 2001 Cambodge 2002 Turquie 2001 Libéria 2008 Kosovo 2000 Bénin 2003 Mozambique Égypte 2005 Bangladesh 2000 Zambie 2009 Bolivie 2007 Népal 2004 Mexique 2008 Mexique 2008 Thaïlande 2008 Roumanie 1997 Azerbaïdjan 2001 Thaïlande 2008 Ouganda 2006 Égypte 2005 Turquie 2003 Inde 1996 Équateur 1998 Mozambique 1997 Afrique du Sud 2000 Argentine 2009 Brésil 2009 Bolivie 2007 Bélarus 2002 Mongolie 1995 Bangladesh 2000 Zambie 2009 Bulgarie 1995 Ghana 1998 Guatemala 2006 Honduras 2004 F. Bastagli et al., « Income Inequality and Fiscal Policy. » Staff Discussion Note, Fonds monétaire international, 2012 L’observation peut-être la plus frappante est, toutefois, l’écart de la fiscalité. Dans ce dernier cas, ce sont les impôts sur le revenu des considérable entre les inégalités observées dans les pays avancés et dans personnes physiques qui contribuent le plus à la redistribution. les pays en développement, qui est nettement supérieur aux variations L’effet redistributif de la politique budgétaire est encore plus marqué des inégalités moyennes régionales dans le temps. Entre 1990 et 2005, lorsque les transferts en nature, par exemple les dépenses publiques l’inégalité moyenne dans chaque région s’est modifiée de moins de au titre de l’éducation et de la santé, sont pris en compte. Le coefficient 4,5 points de pourcentage. En revanche, l’inégalité moyenne dans les deux de Gini pour le revenu disponible diminue de jusqu’à six points de régions où elle est la plus prononcée (Afrique subsaharienne et Amérique pourcentage lorsque ces dépenses sont inclues. La fiscalité indirecte est, latine) correspond à un coefficient de Gini supérieur à 0,45 chaque année, en revanche, généralement fortement régressive. Le taux d’imposition l’inégalité moyenne dans les deux régions où est la plus faible (pays indirect effectif, calculé en pourcentage du revenu total des ménages européens émergents et économies avancées) correspond à un coefficient absorbé par les impôts sur la consommation, est en moyenne trois fois de Gini inférieur à 0,34, ce qui représente une différence de 11 points de plus élevé pour les ménages ayant de faibles revenus que pour les ménages pourcentage. appartenant au décile supérieur de la distribution des revenus. Les différences entre les effets redistributifs des politiques budgétaires Effet redistributif limité de la politique budgétaire expliquent l’essentiel des écarts entre les inégalités par région. Le rôle dans les économies en développement différent que joue la politique budgétaire dans les pays avancés et dans les pays en développement permet d’établir des comparaisons à La politique budgétaire contribue dans une bien moindre mesure partir desquelles il est possible de déterminer quelles sont les réformes à réduire l’inégalité des revenus dans les pays en développement. Les budgétaires qui peuvent contribuer à réduire les inégalités dans ce dernier disparités plus fortes observées dans ces pays sont souvent imputées aux niveaux plus faibles des impôts et des dépenses publiques ainsi qu’à groupe de pays. un recours accru à des instruments de dépenses et à des taxes ayant un Effet redistributif de la politique budgétaire caractère moins progressif. dans les pays avancés Le coefficient de pression fiscale moyen est supérieur à 30 % du PIB dans les économies avancées. Il est généralement de l’ordre de 15 à 20 % La fiscalité et les transferts publics ont contribué dans une mesure du PIB dans les pays en développement. Les dépenses publiques sont, par importante à contrecarrer l’augmentation des inégalités dans les pays conséquent, également beaucoup plus limitées dans ces derniers. Cela avancés. Au cours des 20 dernières années, la politique budgétaire a est le cas en particulier dans la région Asie et Pacifique et en Afrique permis de réduire les inégalités d’environ un tiers dans les pays membres subsaharienne où la faiblesse des dépenses de transfert explique la de l’OCDE. majeure partie des écarts. Bien que l’impôt sur le revenu joue un rôle important dans de Les trois quarts de l’écart entre l’inégalité des revenus disponibles en nombreux pays, l’essentiel de la redistribution, dans les pays de l’OCDE, Amérique latine, qui est la région affichant la répartition des revenus s’effectue par le biais des dépenses budgétaires, en particulier des la plus inégale au monde, et cette même inégalité dans les pays avancés transferts non subordonnés à un contrôle de ressources (notamment peut être imputée à la politique budgétaire. Six pays d’Amérique latine les retraites publiques et les allocations familiales universelles). La (Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique et Pérou) poursuivent redistribution de revenus réalisée par le biais de transferts publics est des politiques budgétaires qui ne réduisent l’inégalité des revenus que deux fois plus importante que la redistribution effectuée par le biais d’environ deux points de pourcentage, pour ramener le coefficient de Gini 6 : : Octobre 2012 : : Pleins feux sur les inégalités de 0,52 à 0,50. En revanche, dans 15 pays européens, la politique budgétaire l’enseignement primaire est moindre que la régressivité des dépenses au contribue à réduire l’inégalité d’environ 20 points de pourcentage, pour titre de l’enseignement secondaire et supérieur. Il est toutefois probable ramener le coefficient de 0,46 à 0,27. que les futures augmentations des dépenses consacrées à l’expansion des La faiblesse des niveaux d’imposition et des dépenses publiques est services d’éducation et de santé de base dans les pays en développement aggravée par un recours important à des instruments fiscaux régressifs et seront réparties de manière beaucoup plus progressive. par l’étroitesse de la couverture et la faiblesse du niveau des versements Les programmes de « transferts monétaires conditionnels », qui effectués dans le cadre des programmes de transfert. ont récemment pris de l’ampleur, sont un moyen prometteur de • Fiscalité indirecte : la place importante accordée aux impôts renforcer l’effet redistributif des dépenses publiques dans les pays en indirects et l’étroitesse de la base d’imposition de la consommation développement. Ces programmes ciblent les transferts de revenus sur ont pour effet de réduire l’effet redistributif de la fiscalité dans les ménages pauvres, qui ne continuent de bénéficier de ces derniers que les pays en développement. Ces taxes n’ont qu’un effet progressif tant qu’ils investissent dans l’éducation et dans la santé des membres limité sur l’inégalité des revenus dans ces pays. Les taxes à de leur famille. Ces programmes ont été adoptés par de nombreux pays l’importation, qui continuent d’être importantes dans les pays à en développement, et notamment par certains pays africains à faible faible revenu, semblent souvent être parmi les régressives, tandis revenu, bien que sur une échelle plus réduite. Environ 17 pays d’Amérique latine ont actuellement des programmes de transferts monétaires que les droits de consommation — comme ceux qui frappent les conditionnels. En règle générale, les dépenses effectuées dans leur cadre combustibles, l’alcool et le tabac — sont en principe progressifs. représentent moins de 1 % du PIB. Les programmes les plus importants Si l’impact redistributif des taxes sur la valeur ajoutée est variable, (Brésil et Mexique) ont permis de réduire le coefficient de Gini des il existe de bonnes raisons de penser que l’exonération des petites revenus disponibles de 2,7 points. À eux seuls, ces programmes sont à entreprises (notamment dans le secteur agricole et dans le secteur l’origine d’environ un cinquième de la réduction des inégalités récemment informel) peut avoir une incidence plus progressive. observée. Ils sont toutefois plus efficaces au plan des coûts lorsqu’ils sont • Fiscalité directe : l’impôt sur le revenu des personnes physiques ciblés sur les ménages les plus pauvres, qui sont aussi généralement les plus et l’impôt sur la propriété sont généralement progressifs dans défavorisés en termes de capital humain. Il importe donc de concevoir les pays en développement. Toutefois, par suite du manque de leur expansion avec soin pour qu’ils continuent d’accroître le capital social civisme fiscal et de l’étroitesse de l’assiette de l’impôt sur le revenu, tout en évitant d’avoir un effet dissuasif sur l’offre de main-d’œuvre. les coefficients de pression fiscale et progressivité de l’impôt sur le revenu peuvent être faibles. Cette situation est souvent due à Comment renforcer le rôle redistributif de la politique l’octroi d’exemptions généralisées et au traitement préférentiel budgétaire dans les économies en développement ? accordé au capital et à d’autres catégories de revenus. L’imposition Le défi que doivent relever les pays en développement consiste à des ressources peut être à la fois progressive et efficace, mais elle renforcer le rôle redistributif de leur politique budgétaire, tout en concerne essentiellement les revenus étrangers. encourageant la croissance et en maintenant la stabilité de leurs finances • Dépenses : la faiblesse des dépenses et les carences de leur ciblage publiques. Il leur faut, à cette fin, accroître la capacité de mobilisation limitent la capacité redistributive des programmes de transfert. de ressources de l’État. Mais il leur faut également mettre en place des L’existence d’un important secteur informel contribue par ailleurs systèmes sociaux plus complets, et notamment améliorer le ciblage des à accroître la complexité de l’établissement de tels programmes. programmes de filet de protection sociale. Dans la plupart des économies en développement, la participation La politique fiscale devrait privilégier l’élargissement de l’assiette fiscale à des systèmes d’assurance sociale est limitée aux travailleurs plutôt que le relèvement des taux d’imposition. Il est possible de générer ayant des salaires élevés dans le secteur formel et aux employés davantage de recettes pour financer des transferts progressifs en élargissant du secteur public. Au début des années 2000, la proportion de l’assiette de l’impôt sur le revenu des sociétés et des personnes physiques la population ayant dépassé l’âge légal de la retraite et recevant par le biais d’une réduction des exemptions fiscales, de l’élimination des une pension était de 40 %, en moyenne, dans les pays en échappatoires fiscales et de l’amélioration du respect des obligations développement, contre 90 % dans les pays européens. Les dépenses fiscales. L’élargissement de l’assiette des taxes sur la consommation (par au titre des programmes d’assistance sociale sont par ailleurs exemple par l’adoption plus généralisée de la taxe sur la valeur ajoutée) peut généralement faibles et mal ciblées et l’espace budgétaire qui accroître les recettes fiscales. Ces taxes peuvent être conçues de manière à pourrait être consacré à une augmentation des transferts sociaux atténuer leurs effets négatifs sur la distribution des revenus (par exemple ayant un caractère plus redistributif est réduit du fait de l’ampleur en appliquant un traitement adapté aux petites entreprises et en frappant des dépenses au titre de subventions des prix universelles les produits de luxe de droits de consommation). Dans de nombreux pays, régressives, en particulier les subventions des prix de l’énergie. l’élimination des subventions universelles des prix, qui constituent une On a pu constater que les dépenses publiques en nature sont régressives lourde charge budgétaire et qui sont généralement à la fois inefficaces et dans un grand nombre de pays en développement, même si certaines inéquitables, peut avoir pour effet de générer d’importantes ressources de leurs composantes sont progressives. Cette regressivité tient au à brève échéance. À cet égard, les subventions de l’énergie, y compris manque d’accès des ménages ayant un faible revenu à des services les subventions fiscales (c’est-à-dire les recettes fiscales auxquelles l’État publics cruciaux, notamment dans le domaine de l’éducation et de la renonce), qui peuvent atteindre des pourcentages très élevés du PIB lorsque santé. Les dépenses globales au titre de l’éducation et de la santé sont les cours mondiaux de l’énergie augmentent rapidement, revêtent une régressives dans beaucoup de pays en développement, en particulier les importance particulière. pays à faible revenu, comme le montre la figure 1. La progressivité des Toutefois, étant donné la persistance de recettes limitées et l’ampleur des dépenses de santé primaire est moindre que la régressivité des dépenses besoins de financement d’objectifs de développement de plus vaste portée, de santé secondaires et tertiaires, et la progressivité des dépenses au titre il faudra davantage mettre l’accent sur l’amélioration de la progressivité Pleins feux sur les inégalités : : Octobre 2012 : : 7 des dépenses publiques. Il est possible d’y parvenir en privilégiant des et élevés, promouvoir la croissance et par conséquent, renforcer l’appui dépenses sociales mieux ciblées qui visent à mettre les ménages à l’abri politique. Les récents succès remportés par les programmes de transferts de la pauvreté et à améliorer le niveau d’instruction et l’état de santé des monétaires conditionnels dans de nombreux pays permettent de penser ménages défavorisés. Il est toutefois aussi important de procéder au suivi que ce type de programme pourrait jouer un rôle plus important dans de ces programmes sociaux et de les exécuter avec soin pour s’assurer que les stratégies de protection sociale des pays en développement. Élargir la les ressources atteignent bien les bénéficiaires prévus. portée des systèmes de retraite publique contribuerait également pour La conception de programmes de protection sociale efficaces peut beaucoup à réduire les inégalités. Pour autant que leur expansion soit contribuer à promouvoir des réformes fiscales et, de manière plus générale, limitée, à court terme, par l’insuffisance des capacités administratives et des des réformes structurelles. Or, même lorsqu’elles sont bien conçues, ces ressources budgétaires, il pourrait être justifié de recourir dans une plus réformes peuvent avoir des effets négatifs sur la pauvreté et la répartition large mesure à des programmes ciblés de pension sociale. des revenus, ce qui dissuade de nombreux pays à se lancer dans cette voie. Accroître la progressivité des dépenses publiques peut susciter un appui Bibliographie politique aux réformes. L’élargissement des programmes de protection Bastagli, F., D. Coady, et S. Gupta. 2012. « Income Inequality sociale ciblés peut aider à réduire la pauvreté, tandis que l’élargissement des and Fiscal Policy » Staff Discussion Note, SDN/12/08 (révisée), Fonds programmes axés sur l’éducation, la santé et les infrastructures physiques monétaire international. http://www.imf.org/external/pubs/cat/longres. peuvent aussi profiter aux ménages ayant des niveaux de revenus moyens aspx?sk=40024 La série Pleins feux sur les inégalités a pour but d’enrichir le débat public sur l’équité, l’inégalité des chances et la mobilité socioéconomique. On y trouve des articles rédigés par des membres du personnel de la Banque mondiale ainsi que par des chercheurs et décideurs de la communauté du développement en général. Les points de vue et interprétations exprimés dans les articles n’engagent que leurs auteurs et ne coïncident pas nécessairement avec ceux de la Banque mondiale, de ses Administrateurs ou des pays qu’ils représentent. 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