Document de la Banque Mondiale Accès aux Ports du Lac Tanganyika Principaux Défis et Recommandations Aleix Serrat-Capdevila, Marie-Laure Lajaunie, Laura Bonzanigo, Pedro Figueira, Reynaldo Bench Water Global Practice Africa Region i Acronymes RDC République Démocratique du Congo ALT Autorité du Lac Tanganyika m.s.n.m mètres sur le niveau de la mer . ii TABLE DES MATIERES Acronymes .................................................................................................................................................... ii FIGURES........................................................................................................................................................ iv 1. INTRODUCTION ..................................................................................................................................... 1 2. PROBLEMATIQUE : ACCES DES BATEAUX AU PORT .............................................................................. 4 2.1. Description du problème et de la situation qui prévaut............................................................... 4 2.2 Causes du problème...................................................................................................................... 4 2.2.1 Variations du niveau du lac ................................................................................................... 5 2.2.2 La sédimentation dans les Ports ........................................................................................... 6 Le Port de Bujumbura (Burundi) .......................................................................................................... 7 Le Port de Kigoma (Tanzanie) ............................................................................................................... 9 Le port de Kalemie (RDC) .................................................................................................................... 10 Le port de Kalundu (RDC) .................................................................................................................... 11 3 EST-CE LE BARRAGE DE LA LUKUGA, LA SOLUTION ? ......................................................................... 15 4. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS.................................................................................................... 15 4.1. Gestion des sédiments ................................................................................................................ 16 4.2. Que faire si le niveau du lac baisse à l’avenir ?........................................................................... 19 4.3. Recommandations supplémentaires : fonctionnement du port, transport et navigation ......... 19 5. PRINCIPALES CONCLUSIONS ............................................................................................................... 22 REFERENCES ................................................................................................................................................ 23 iii FIGURES Figure 1: Réseaux de transport à l’Est et à l’Ouest du Lac Tanganyika, connectant la Tanzanie et l’intérieur du Congo, le Burundi et la Zambie. Figure 2.1: Niveau du Lac Tanganyika tel que rapporté par l’échelle du port de Bujumbura (24 octobre 2016). Figure 2.2: Niveaux du lac, le lit de la rivière Lukuga et autres hauteurs d’intérêt. Figure 2.3: Evolution d’une langue de sable à environ 22km au sud du Port de Bujumbura (croissance de 150 m en 10 ans). Figure 2.4: Evolution de la zone de la rivière Ntahangwa jouxtant le Port de Bujumbura Figure 2.5: Vue aérienne du caniveau de drainage urbain de la ville évacuant directement dans le bassin du port. Figure 2.6: Le port de Kigoma en 2010 (au-dessus) et 2016 (au-dessous). Figure 2.7: Le port de Kalemie et la rivière voisine de Kalemie au sud. Figure 2.8: Le Port de Kalemie et l’embouchure de la rivière Lukuga. Figure 2.9: Carte bathymétrique du port de Kalundu, près d’Uvira (RDC), montrant la topographie du fond de l’eau du port.et la profondeur de l’eau Une image satellitaire à l’angle supérieur droit est fournie à titre de comparaison, avec la mise en garde que la date de prise de la photo pourrait être plus anciennes que celles de la bathymétrie, d'où les différences dans la forme des sédiments vu au- dessus de l’eau. Figure 4.1 : Illustration d’épis (à gauche) et de brise-lames (à droite), structures de rétention des sédiments longs de la côte. Figure 4.2 : Illustration de la façon dont un domaine d’épis hypothétique dans les rives de Kalemie peut capturer des sédiments de la rivière de Kalemie et couler le long de la côte, afin d’éviter leur accumulation à l’entrée du port de Kalemie iv 1. INTRODUCTION En 2016, la République Démocratique du Congo (RDC) et la Tanzanie ont sollicité l’appui de la Banque Mondiale pour la mise en œuvre du projet Lukuga, un barrage sur le seul exutoire du Lac Tanganyika, dont l’objectif était de stabiliser le niveau de l’eau du lac afin de garantir l’accès des bateaux aux principaux ports. Il était en effet perçu que la baisse du niveau d’eau dans les ports et leurs chenaux d’accès pendant la saison de basses eaux et les années sèches entrave le transport et le commerce dans le couloir de l’Afrique Centrale et de l’Est, pour lequel le Lac Tanganyika est un élément essentiel. La présente étude est une réponse à cette demande. Son principal objectif est de déterminer la pertinence du projet Lukuga à travers une évaluation des difficultés d’accès des bateaux sur le Lac, une caractérisation de l’incidence de ces difficultés sur le transport et le commerce, une identification des principaux facteurs entravant l’accès aux ports et des propositions des mesures pour atténuer ses facteurs. L’étude s’adresse aux décideurs des pays riverains du Lac, particulièrement la RDC et la Tanzanie, qui en ont formulé la demande et à l’Autorité du Lac Tanganyika. L’étude a été réalisée par une équipe pluridisciplinaire d’experts dont Pedro Figueira et Reynaldo Bench. L’équipe de la Banque coordonnée par Aleix Serrat-Capdevila (Spécialiste Principal en Gestion des Ressources en Eau, GWASO/GWAGP), comprenait Marie-Laure Lajaunie (Lead Spécialiste en Gestion des Ressources Eau, GWA07) et Laura Bonzanigo (Spécialiste en Gestion des Ressources en Eau GWA07). Elle était sous la direction d’Alexander Bakalian (Directeur de l’Unité Eau Afrique de l’Ouest, GWA07). Nous tenons à remercier nos collègues de la Banque mondiale pour leurs précieux commentaires. Il s’agit de : Sanjay Pahuja (Lead Spécialiste en Gestion des Ressources Eau, GWA03), Abedalrazq F. Khalil (Spécialiste Principal en Gestion des Ressources en Eau, GWA02), Nora Weisskopf (Analyste, Unité Transport, GTI02), Andre A Bald (Directeur de Programme, AFCE1), Kiyoung Park (Spécilaiste Principale Hydroélectricité, GWAGP), Alexander Bakalian (Directeurs Unité Eau Afrique de l’Ouest, GWA07), Laurent Debroux (Directeur de Programme, GWA07) et Ahmadou Moustapha Ndiaye (Directeur Pays, AFCC2). Nous voudrions également exprimer notre reconnaissance au Comité Technique de Suivi du Projet Lukuga (Tanzanie, RDC) pour son excellente coopération en particulier M. Anatole Massini (coordonnateur CTSM Lukuga), M. Max Matanji Gapay (Ministère de l’Energie et des Ressources Hydrauliques) de la RDC qui ont accompagné la mission en Tanzanie et au Burundi, M. Sylvester Matemu (Ministère de l’eau et de l’ Irrigation) en Tanzanie et l’Autorité du Lac Tanganyika, dont M. Gabriel Hakizimana (LTA) au Burundi. Une version préliminaire de l’étude a été examinée et discutée avec les autorités de la RDC et la Tanzanie en mai 2017, et le rapport final a été présenté aux gouvernements en juillet 2017. La version anglaise de l’étude s’intitule «Port access in the Lake Tanganyika : key challenges and recommandation». L’approche suivie pendant l’étude est une combinaison de différentes méthodes utilisant les données historiques, les estimations à base de télédétection, les images satellitaires, les mesures de terrain et les entretiens. L’équipe a utilisé des données historiques du niveau d’eau du Lac datant des années coloniales avec une variabilité au fil des ans quant à leur qualité. Ces données ont été combinées avec des données détaillées d’estimation du niveau d’eau du Lac à base de télédétection sur les 25 dernières années, des données récentes de bathymétrie locale lorsque celles-ci sont accessibles (par exemple, dans le port de Kalundu), ainsi que les lectures sur le terrain des jauges et les entretiens lors d’une mission. Cela a permis une perspective à long terme de l’ampleur de la variabilité du niveau d’eau du Lac. Pour une meilleure compréhension de la dynamique du vent et des courants des vagues, le transport des sédiments et les dépôts dans le lac et dans les ports, l’équipe a utilisé des séquences d’images de Google Earth au cours des seize dernières années. Enfin, l’équipe a interviewé des acteurs locaux dont des autorités des ports, des 1 représentants des gouvernements et des experts sur des problématiques liées aux ports, au transport, à la navigation et au dragage. Le rapport procède en premier à une brève présentation du Lac Tanganyika, dans le contexte du commerce régional et d’un couloir de transports. Le chapitre 2 évalue les difficultés d’accès des bateaux aux principaux ports du Lac et leurs conséquences sur le transport et le commerce. Il identifie également les facteurs qui entravent l’accès. Le chapitre 3 traite de la pertinence du projet de barrage sur la rivière Lukuga. Le chapitre 4 présente une série de mesures visant à assurer l’accès des bateaux aux ports. Le chapitre 5 fournit un résumé des principales conclusions. Le lac Tanganyika Avec une superficie de 32900 km2 et une profondeur maximale de 1,4 km, le Lac Tanganyika est le deuxième en Afrique en termes de superficie et le deuxième au monde en termes de volume et de profondeur. Son bassin hydrographique de 263 000 km2 est partagé par cinq pays (RDC, Tanzanie, Zambie, Burundi, Rwanda), dont tous hormis le Rwanda partagent également une côte de 1900 km2. Des millions de personnes dépendent du Lac pour le transport, la sécurité alimentaire et la subsistance. Le Lac Tanganyika est également une zone critique pour la diversité biologique. C’est un élément essentiel du couloir de transport et de commerce entre l’Afrique Centrale et Orientale. Des personnes et des marchandises sont transportées entre les quatre grands ports du Lac (Kalemie en RDC, Kigoma en Tanzanie, Bujumbura au Burundi et Mpulungu en Zambie) et des centaines de petits ports. 90% des exportations du Burundi et 70% de ses importations s’effectuent à travers le Lac. Les estimations suggèrent que le Lac Tanganyika abrite au moins 1500 espèces, dont environ 600 actuellement considérées comme endémiques au Lac. Le Lac a certaines des pêcheries en eau douce les plus importantes du continent africain, dont dépendent les communautés côtières pour leur subsistance et des millions de personnes dans la région pour leur sécurité alimentaire. Reconnaissant la valeur du lac Tanganyika pour la biodiversité, la sécurité alimentaire, le transport et le commerce, ses quatre Etats riverains ont signé en 2003 et ratifié en 2008 la convention internationale pour la gestion durable du Lac Tanganyika. Faisant preuve de cadre juridique pour la gestion durable du Lac et de ses ressources, la Convention traite spécifiquement de la navigation et la sédimentation, thématiques particulièrement pertinentes pour la présente étude. Figure 1: Réseau de transport à l’Est et à l’Ouest du Lac Tanganyika, reliant la Tanzanie et l’intérieur du Congo, le Burundi et la Zambie. 2 Le fonctionnement du lac Tanganyika et la rivière Lukuga Le lac Tanganyika était un bassin fermé avant 1878, jusqu'à ce que le niveau d’eau déborde et érode l’exutoire de la Lukuga à son seuil rocheux actuel à 772,7 mètres (au-dessus du niveau de la mer) à l’embouchure de la rivière, avec un élargissement de cette embouchure plus tard en 1941 par les humains en vue d’accroitre la capacité d’écoulement. Les écoulements de la Lukuga représentent entre 6 et 18% des pertes du lac, le reste étant dû à l’évaporation de la grande surface du Lac (voir la section 2.3.1 pour une description détaillée de l’équilibre de l’eau). Les écoulements de la Lukuga dépendent des niveaux d’eau du Lac: plus le niveau d’eau dans le Lac est élevé et plus importants sont les écoulements de la Lukuga. Lorsque le niveau d’eau dans le Lac avoisine le niveau de l’exutoire de la Lukuga, les écoulements deviennent très petits et s’arrêtent lorsque le niveau d’eau dans le lac est en dessous du seuil de la Lukuga. 3 2. PROBLEMATIQUE : ACCES DES BATEAUX AU PORT 2.1. Description du problème et de la situation qui prévaut Il a été reporté par le biais de récits oraux que le niveau d’eau du Lac a diminué d’environ 1 ou 1,5 mètres au cours des dernières décennies, et qu’il est arrivé que les bateaux ne puissent pas accéder aux ports en raison de l’état des eaux superficielles et de la faible profondeur de l’eau. Dans ces conditions, les bateaux sont obligés d’accoster à une distance à l’extérieur du port et de charger et de décharger les cargaisons par l’intermédiaire de petits bateaux sur le rivage. Ces événements se seraient produits pendant les saisons de basses eaux, en fin de saison sèche. Ces épisodes n’ont pas été documentées et le nombre de bateaux et cargaisons qui ont enduré de telles difficultés ni les coûts supplémentaires de chargement et de déchargement n’ont pu être quantifiés. Il n’y a eu ni preuve ni récit de transport fluvial ou de volume de cargaison annulé. Par contre il y a eu rapportage de chargement et déchargement de bateaux accostés hors du port et utilisant de plus petits bateaux. Lors de la visite la dernière semaine d’octobre 2016, le niveau du Lac était de 774,25m au-dessus du niveau de la mer, vérifié à l’échelle du port de Bujumbura (Figure 2.1). À ce niveau et après un dragage récent, les ports de Bujumbura et Kigoma offrent une profondeur signalée de 4 mètres, avec bon fonctionnement et aucun problème d’accostage. Des profondeurs de ce même ordre ont été signalées pour les ports d’Uvira et de Kalemie, seulement que des conditions d’accostage difficiles ont été rapportées pour les grands bateaux. Ceci est dû à l’étroitesse des chenaux d’accès, aux affleurements rocheux (cause des naufrages de bateaux) et au manque d’aides à la navigation Figure 2.1 : Niveau du Lac Tanganyika tel que rapporté par l’échelle du port de Bujumbura (24 octobre 2016). Des informations détaillées sur les cargaisons, la navigation sur le Lac, l’état actuel de ses principaux ports, les flottes actuelles, les volumes des cargaisons et passagers se trouvent dans l’annexe – informations sur les Ports. 2.2 Causes du problème Deux facteurs principaux ont été identifiés comme étant à l’origine des contraintes de profondeur empêchant l’accostage des bateaux aux ports du lac (1) variations saisonnières et annuelles du niveau du lac et (2) sédimentation dans les ports dû aux apports des rivières contributrices voisines. Ce chapitre explore en détail, la dynamique de ces deux facteurs, pour des solutions potentielles au problème. 4 2.2.1 Variations du niveau du lac Les variations de niveau d’eau dans le lac sont à la fois saisonnières et interannuelles. Les variations saisonnières du niveau d’eau dans le lac Tanganyika sont dues à la saisonnalité marquée des pluies et vont en moyenne de 70 à 80 cm selon l’année, avec les niveaux les plus élevés en fin de saison des pluies (octobre- mai) et les niveaux d’eau les plus bas en fin de saison sèche dans les mois de septembre et octobre. La variation interannuelle du niveau du Lac est due à la variabilité des précipitations annuelles, selon que les années sont plus humides ou plus sèches. Les changements du volume d’eau dans le Lac et par conséquent le niveau du lac, peuvent être exprimés suivant l’équation ci-dessous .En année humide, les apports sont supérieurs aux sorties, le changement de volume est positif et le niveau du lac s’accroit. En année sèche, le niveau du lac baisse. Comme il est courant dans les processus naturels, une succession occasionnelle d’années humides pourrait provoquer une tendance à court terme de hausse du niveau d’eau, et une succession occasionnelle d’années sèches une tendance à court terme à la baisse du niveau d’eau (Figure 2.2). Changements de volume du lac = Apports (pluie + écoulements internes) – sorties (évaporation + sorties Lukuga) Les variations de niveaux sont fonction des entrées et des sorties du Lac, avec l’évaporation annuelle représentant en moyenne plus de 82% à 94% des sorties du Lac et le débit à l’entrée du Lukuga faisant environ les 6% à 18% restant. Plusieurs estimations du bilan hydrique du Lac existent, mais les observations des données sur les différentes composantes sont limitées. Les entrées au Lac sont les précipitations directes estimées à environ 900 à 1000 mm/an et le ruissellement à partir de son bassin hydrologique, estimé à 430- 950mm/an, conduisant à un apport total de 1330 à 2000 mm/y. L’évaporation à la surface du lac est un d’environ 1500 à 1700 mm/an. La Lukuga est la seule rivière s’écoulant à partir du Lac et l’amplitude de son écoulement dépend du niveau du Lac. Si le niveau du Lac baisse en deçà du niveau du lit de la rivière Lukuga, actuellement à 772,7m1au-dessus du niveau de la mer, le débit est nul. Si le niveau est supérieur à ce seuil (comme cela a été au cours des 100 dernières années), les sorties annuelles moyennes ont été estimé entre 83 et 365 mm/an de hauteur du Lac, équivalent à un débit annuel moyen de 86 à 380m3/s (avec un débit maximum de 1377m3/s en mai 1970 en raison d’un niveau supérieurs à 776,5m). La courbe de tarage actuelle de la Lukuga au voisinage du Lac est inconnue et donc il n’y a aucune estimation actuelle de son débit. Historiquement, les niveaux du Lac ont oscillé entre 773 et 776 m au-dessus du niveau de la mer et il n’y a aucune preuve de la tendance à long terme à une baisse. La figure 2.2 montre les oscillations du niveau du Lac sur les 25 dernières années, tiré des observations satellitaires et référé à l’échelle de Bujumbura observé pendant la mission du 24 octobre 2016 et d’autres hauteurs d’intérêt : le lit de la rivière Lukuga, les surfaces du port et le niveau minimal du fond dans les ports pour un fonctionnement sans difficulté en années sèches. 1 Devroey (1938, 1949) fait référence à une couche de rock à l’exutoire du lit de la rivière à 772.7m en 1878. Des mesures récentes plus fiables font défaut. 5 Figure 2.2: Niveaux du lac, le lit de la rivière Lukuga et autres hauteurs d’intérêt. 2.2.2 La sédimentation dans les Ports La sédimentation dans les zones d’accès et les bassins portuaires est l’un des problèmes que les ports du Lac Tanganyika doivent résoudre. La plupart des sédiments qui arrivent à ces zones sont transportés le long du littoral par les courants causés par le vent et les vagues subséquentes. Les vagues transportent les particules en suspension dans les zones où elles s’arrêtent et crée un courant qui transportent les sédiments le long de la côte. Quand ces sédiments arrivent aux zones où les vitesses des courants diminuent considérablement ou deviennent nulles, ils tombent dans le fond, créant des zones d’accumulation des sédiments. C’est le cas des entrées des ports où les sédiments peuvent s’accumuler, ou des changements brusques de direction à la côte où les langues de sable peuvent se former. Les vents soufflant le long de la surface de l’eau génèrent des courants et des vagues dans la direction du vent. Ces courants sont, en général, faibles, mais ils ont la capacité de transporter les sédiments fins qui sont en suspension dans l’eau. La persistance du phénomène pourrait induire des changements morphologiques dans le fond et sur les berges du Lac. L’effet conjoint des courants de vent et des vagues pourrait créer les conditions pour renforcer le phénomène de transport et de dépôts des sédiments. Bien que ces phénomènes soient de faible intensité dans le lac, leur persistance génère des effets visibles. 6 La figure 2.3 montre l’évolution en 10ans d’une langue de sable sur la côte du Burundi. Bien que l’évolution ne soit pas rapide, elle révèle que la persistance de l’action des vagues est suffisante pour causer l’évolution des caractéristiques locales sur les rives du lac Tanganyika. Juillet 2006 Octobre 2013 Mars 2016 Figure 2.3 – Evolution d’une langue de sable à environ 22km au sud du Port de Bujumbura (accroissement de 150 m en 10 ans Une analyse a été effectuée pour les ports de Bujumbura, Kalemie, Uvira et Kigoma, en vue de donner une vue d’ensemble de la dynamique des sédiments dans leur voisinage. Cette analyse a été effectuée en utilisant des images de Google Earth à différentes dates et en intégrant les informations aux discussions avec les agents du port. Le Port de Bujumbura (Burundi) Le Port de Bujumbura est très affecté par la sédimentation comme le confirment les images satellitaires et les observations lors de la visite de terrain. La zone adjacente au nord du port, le delta de la rivière Ntahangwa, montre une forte évolution entre 2002 et 2016, avec une augmentation de plus de 30 hectares, en raison des contributions de sédiments du bassin de la rivière (Figure 2.4). 7 Juin 2002 Juin 2005 Juin 2008 Juin 2010 Juin 2011 Juin 2016 Figure2.4-Evolution de la zone de la rivière Ntahangwa adjacente le Port de Bujumbura Les sédiments en suspension dans l’eau du Lac près du port étaient clairement visibles, principalement apportés par les rivières Ntahangwa et Russizi à travers les courants de vent et de l’action des vagues le long des rives. Dans ce cas, le vent soufflant de l’Ouest, génère des courants de surface qui poussent l’eau et les sédiments vers le port de Bujumbura. En outre, il y a un caniveau qui débouche sur l’intérieur du bassin du port, apportant des sédiments directement dans le port (Figure2.5). Drainage Bassin du Port Figure2.5:Vue aérienne du caniveau évacuant de la ville directement au bassin du port 8 Les autorités portuaires de Bujumbura et le capitaine de la MV Liemba a signalé une forte influence de la sédimentation dans l’exploitation du port. Le Port de Kigoma (Tanzanie) Des rapports locaux ont indiqué que la principale source de sédiments déversés dans le bassin du port, est une zone d’environ 100 hectares, susceptible d’érosion pendant la pluie et le ruissellement. Une analyse plus détaillée des images de Google Earth montre que le bassin versant de la baie de Kigoma est de l’ordre de 1000 hectares. Les sédiments érodés de l’ensemble de ce bassin hydrographique sont les causes probables des hausses significatives du niveau du fond des ports dans certaines régions. Des mesures locales en 2010 ont estimé un remplissage de sédiments d’environ 4m depuis les mesures de profondeurs de port précédentes ou initiales (Rutagemwa 2010). Vu le manque de mesures quantitatives périodiques et de compétence pour les études, le besoin d’équipement bathymétrique et d’analyse granulométrique des sédiments est mis en exergue. Les connaissances locales et les dernières statistiques de dragage peuvent servir en attendant, pour l’estimation les taux de sédimentation et les besoins de dragage. Figure 2.6-Port de Kigoma en 2010 (plus haut) et 2016 (plus bas) 9 Le port de Kalemie (RDC) Les entretiens lors de la visite de terrain avec entre autres les marins congolais de Kalemie ont révélé que les abords du port de Kalemie et l’entrée du port lui-même souffrent d’une forte sédimentation, qui affecte de façon significative le fonctionnement du port. De nombreux fonctionnaires du port rapportent que les profondeurs des eaux au voisinage des brise-lames du port sont très faibles. La rivière de Kalemie rejoint le Lac juste au sud du port de Kalemie, jouxtant ses installations et la gare du chemin de fer. Elle draine un bassin versant qui a perdu durant les dernières décennies tout son couvert végétal, en transformation complète d’un milieu rural à un milieu urbain, ce qui est une importante source de sédiments. La prévalence des vents en provenance du sud crée des vagues qui lorsqu’ elles chutent près des rives mettent les sédiments en suspension dans l’eau. L’apport significatif de sédiments depuis le bassin versant du Kalemi, et les vents et vagues du sud-est, provoquent un mouvement des sédiments sur une courte distance le long de la cote et des brises – lames, et avec une tendance à la sédimentation a son entrée. Ces processus sont clairement visibles dans la figure 2.7 où, en 2006, on observe un petit delta à l’embouchure de la rivière de Kalemie qui n’était pas là en 2002. Toutefois, en 2009, le delta a été érodé par l’action des vagues et les sédiments transportés vers le nord le long de la côte, dont la plupart se sont probablement déposés au bout du brise-lame et à l’entrée du port, comme cela s’observe dans l’image de l’angle droite inférieur de la figure. Il s’agit d’un modèle typique de sédimentation dans les ports maritime avec des structures similaires, comme observé également dans le port de Kalundu à Uvira. 2002 2002 (zoom) 2006 2006 (zoom) 10 2009 2009 (zoom) Figure 2.7–Le port de Kalemie et la rivière voisine de Kalemie au Sud. Il faut remarquer le delta de fleuve de Kalemie en 2006, sa disparition en 2009 et l’accumulation de sédiments le long du brise-lame et à l’entrée du port. Le Port de Kalemie est également situé à trois kilomètres au Sud de l’embouchure de la rivière Lukuga. Le débit vers la rivière pourrait également produire des courants dans cette région du Lac qui convergent vers son embouchure. Ceci peut être vu à travers le parcours de sédiments fins en suspension transportés vers le fleuve (Figure2.8). Figure 2.8 –le Port de Kalemie et l’embouchure de la rivière Lukuga. Le port de Kalundu (RDC) Le port de Kalundu, étant aussi situé sur la rive ouest du lac et sujet à l’action des vagues en provenance du sud-est, a une dynamique de transport des sédiments très similaire à celle du port de Kalemie. Les sédiments mis en suspension par l’action des vagues sur la rive-nord, sont transportés par le courant et déposées à l’entrée du port, au bout du brise-lames. Un sondage 11 bathymétrique récent (22/23 avril 2016) a caractérisé la topographie du fond du port, montrant les zones d’accumulation de sédiments le long du brise-lames et à l’entrée du port. En outre, une contribution significative de sédiments érodés du sol a aussi été signalée. Un chenal étroit et difficile d’accès s’observe sur la Figure2.9, montrant la carte bathymétrique produite apres le sondage. 12 Figure2.9–Carte bathymétrique du port de Kalundu, près d’Uvira (RDC), montrant la topographie du fond du port et la profondeur de l’eau. Une image satellitaire à l’angle supérieur droit est fournie à titre de comparaison, avec la mise en garde que la date de prise de la photo pourrait être plus anciennes que celles de la bathymétrie, d'où les différences dans la forme des sédiments vu au-dessus de l’eau. 13 Résumé sur la sédimentation : La sédimentation dans les ports est un processus naturel et continu qui affecte tous les ports du Lac. Les rivières à proximité des ports sont la principale source de sédiments et le processus est accentué par la dégradation du bassin versant conduisant à un accroissement de l’érosion et le transport des sédiments dans le Lac. La sédimentation est un processus constant et cumulatif dans le temps, donc très prévisible et sans incertitude, qui peut être géré. Il ne peut pas être stoppé. Les ports doivent constamment vider les sédiments et maintenir le niveau d’eau. L’absence de maintenance de dragage, et de gestion de sédiments est la cause principale des difficultés d’accès au port en raison des faibles profondeurs d’eau. 14 3 EST-CE LE BARRAGE DE LA LUKUGA, LA SOLUTION ? Les variations historiques de niveau d’eau dans le lac Tanganyika n’ont pas été en soi la cause du problème d’accès des bateaux au port. Durant les cent dernières années, les niveaux d’eau ont oscillé entre 773m et 776m au-dessus du niveau de la mer, avec des niveaux en dessous de 773m un certain nombre de fois pendant la saison sèche, y compris récemment en 2005 et 2006. Étant donné que pour la flotte existante il faut une profondeur d’eau de 4,5m pour le fonctionnement et l’accostage et que dans les niveaux initiaux du fond des ports à leur conception étaient inférieurs à 768,5m au-dessus du niveau de la mer, il peut être conclu que le niveau du lac en saison sèche n’est devenu un problème qu’en raison de la sédimentation. Alors que rien n’indique une tendance à la baisse du niveau du Lac, le niveau du fond dans les ports s’est accru à cause de la sédimentation et du manque de dragage régulier. En outre, même si la variation du niveau d’eau était la principale cause du problème, le barrage ne résoudrait pas le problème, étant donné que l’évaporation est la principale perte du system et ne peut être contrôlée. L’évaporation annuelle sur le Lac fait en moyenne plus de 1,7m. Elle est relativement constante au fil des ans et représente 82 % des pertes du Lac. Les écoulements de la Lukuga représentent 18 % des sorties du Lac, donc un barrage de la Lukuga réglementerait seulement 18 % des changements de niveau du Lac. Les 82 % des changements amputables a l’évaporation seraient incontrôlables. Parce que les précipitations sont variables, les différences entre les précipitations et l’évaporation fait monter ou descendre le niveau du lac. Si les niveaux d’eau du lac sont bas (années sèches), l’écoulement dans la Lukuga est faible et le barrage réglementera seulement un très faible pourcentage des pertes. Même si ces pertes ont été évitées, niveau du lac des resterait bas en raison de l’ampleur de l’évaporation. Dans ce cas le barrage perd sa pertinence. Si une série d’années anormalement sèches devait survenir, le niveau du lac pourrait finalement baisser en dessous du niveau du lit de la rivière Lukuga, même avec un barrage, en raison de pertes par évaporation. Si le niveau d’eau dans le Lac est élevé (années humides), le barrage accroitra les risques d’inondations. Puisque la Lukuga représente un petit exutoire pour un aussi grand Lac, sa capacité à drainer et réglementer le lac en cas de niveau élevé est limité, et comme observé dans les épisodes historiques, les inondations dues aux hauts niveaux du lac peuvent persister pendant un certain temps même sans barrage. Étant donné le faible gradient de la rivière Lukuga, un barrage réduirait certainement le débit de la Lukuga pendant les périodes de forts débits, permettant d’augmenter la fréquence et la durée des inondations sur les rives de lacs, ce qui est actuellement déjà un problème. Ceci se produirait sans résolution de la dynamique de la sédimentation dans les ports, qui, comme mentionné plus haut, sont un processus côtier continu qui affectent tous les ports ou que ce soit dans le monde. 4. PRINCIPALES RECOMMANDATIONS La situation actuelle nécessite une bonne gestion de la sédimentation, et une série de mesures sont proposées ci-après pour régler ce problème. Les variations de niveaux actuelles sont dans la gamme de valeurs des cent dernières années, et il n’y a aucune preuve d’une tendance décroissante ou croissante dans le niveau du Lac. Si à l’avenir, le niveau d’eau baissait en deca des valeurs historiques, il faudrait des mesures supplémentaires pour déplacer des opérations portuaires dans des zones plus profondes. En outre, et sur la base des visites de terrain, les recommandations sur l’opération de navigation et le port sont également fournies. Malgré l’absence de données concernant les interruptions de transport en raison de contraintes de profondeur et d’autres variables, la nature des problèmes dans les ports est bien caractérisée et leurs causes sont bien établies, sur la base de la disponibilité des données de niveau du lac, des récits oraux et des images satellitaires. Dans ce contexte, les recommandations ci-après sont valables. 15 4.1. Gestion des sédiments Les mesures pour la gestion des sédiments vont du dragage à l’intérieur des ports à l’interception des sédiments avant qu’ils n’arrivent aux ports ou au Lac, y compris les structures côtières, les pièges à sédiments dans les brise-lames et les techniques de conservation des sols dans le bassin hydrographique. Les recommandations suivantes sont répertoriées par ordre de priorité: Le dragage dans les ports est obligatoire et un système doit être établi pour permettre un dragage périodique dans les ports du lac. Les ports doivent élaborer une stratégie de dragage basée sur la fréquence à laquelle le dragage pourrait être nécessaire, la quantité de sédiments à enlever à chaque événement de dragage et un lieu approprié pour décharger les sédiments dragués. Une stratégie initiale peut être développée sur la base des connaissances historiques des ports, la perte de profondeur depuis la construction du port, les évènements de dragage passés et les sondages bathymétriques récents. Les équipements de dragage et le financement doivent être sécurisés. Les ports doivent avoir accès aux machines de dragage, soit appartenant individuellement à un port ou un pays, soit partagés entre les ports du Lac (peut-être à travers l’Autorité du Lac Tanganyika ou organe similaire). De même, les ports doivent mobiliser suffisamment de fonds pour un dragage régulier en améliorant leur situation financières/recettes, ou à travers une meilleure répartition des charges. Le solde devra provenir du budget du gouvernement. Les compétences pour les levés bathymétriques sont nécessaires pour tous les ports du Lac, parallèlement à un bon système de dragage et dans le cadre d’un système de gestion des sédiments des ports. Ces compétences concernent autant les aspects matériel et humain que ceux techniques et cartographiques. Le matériel de sondage actuel permet des levés de haute résolution avec des coûts acceptables, tels que les échosondeurs multifaisceaux qui fournissent des mesures tridimensionnelles des modèles de sédimentation et peuvent guider les activités de dragage. Il est important que ces sondages soient ensuite utilisés pour produire des cartes nautiques pour la navigation et pour les études de sédiments et de dragage en vue d’informer les futurs travaux de dragage et d’évaluer les avantages des autres mesures de gestion des sédiments. Les programmes de dragage et les mesures de gestion des sédiments font partie intégrante de la gestion des ports et tous les ports n’importe doivent procéder à une maintenance périodique en terme de dragage. Ainsi, la budgétisation des programmes de dragage dans la planification des opérations de port est essentielle. Les coûts de dragage réalisés par le passé dans le Lac Tanganyika ont été très variables, mais souvent plus élevé que dans la plupart des ports, principalement dû à l’absence de systèmes établis et d’équipements. Des coûts de dragage compris entre 3 $ et 7 $ par mètre cube sont des valeurs de référence au niveau international dans les ports maritimes. Les campagnes de dragage dans certains des ports du Lac ont dépassé les valeurs ci-dessus, à en juger par le coût total et le volume total de sédiments dragués. Si un système de dragage était détenu localement et exploité et maintenu professionnellement, les coûts par mètre cube seraient probablement dans cette fourchette. Par ailleurs, il existe des expériences de contrats basés sur la performance de dragage dans de nombreux endroits où, l’opérateur est payé en fonction du volume de sédiments dragués. Également comme priorité, deux mesures concrètes doivent être prises. Premièrement, le cours du caniveau de drainage urbain menant directement aux bassins du port de Bujumbura (et y transportant des sédiments) doit être modifier pour atteindre le Lac à un autre emplacement à l’extérieur du port. Alternativement, le cours actuel du caniveau pourrait être maintenu, mais des travaux seraient nécessaires pour empêcher le transport des sédiments dans le bassin portuaire (pièges à sédiments ou des filtres), mais cette option entraînerait des contraintes de maintenance. Deuxièmement, le quartier au voisinage du port de Kalundu (Uvira, RDC) a été signalé comme étant une source de sédiments directement drainées dans le port. Des 16 travaux doit être entrepris pour protéger le port du bassin et le chenal d’accès des sources de sédiments provenant de son voisinage immédiat. Les structures côtières peuvent être utiles dans certains cas, pour réduire considérablement la quantité de sédiments entrant dans les ports et sont moins coûteux à entretenir. L’extraction périodique et la vidange des sédiments provenant des structures côtières est beaucoup plus facile car il est possible de le faire à partir de la terre ferme. Les structures telles que les épis et brise- lames peuvent accumuler des sédiments pendant que ceux-ci sont en mouvement le long de la côte, selon le vent dominant et la direction des vagues (Figure4.1). Un domaine d’épis hypothétique au sud du port de Kalémie est représenté dans la Figure4.2 entre l’embouchure de la rivière de Kalemie et le Port de Kalemie, montrant comment les sédiments pourraient être capturées et périodiquement retirés avant qu’ils ne se déplacent vers le port pour s’installer à son entrée. L’extraction périodique des sédiments des structures côtières se ferait mieux pendant les périodes de basses eaux en fin de saison sèche. Figure 4.1: Illustration d’épis (à gauche) et de brise-lames (à droite), structures pour retenir les sédiments le long de la côte. 17 Figure 4.2 : Illustration de la façon dont un domaine Accumulation d’épis hypothétique dans les rives de Kalemie peut capturer des sédiments de la rivière de Kalemie en mouvement le long de la côte, afin d’éviter leur Groin �eld accumulation à l’entrée du port de Kalemie. Sediment source Sediment source Des pièges à sédiments dans des endroits stratégiques le long des rivières et de brise-lames constituent une mesure complémentaire pour réduire les charges de sédiments transportés dans le Lac et à proximité des ports. Un entretien périodique est nécessaire pour vider les sédiments des pièges, avec l’avantage que le retrait des sédiments d’un piège à sédiments sur terre est beaucoup plus facile et moins coûteux que le dragage sous l’eau. En outre, les sédiments peuvent facilement servir à des fins commerciales, telles que la construction ou les travaux publics. Ces mesures devraient être conçues dans un cadre plus global de restauration du bassin versant et d’efforts de conservation du sol, ce qui, combiné avec les structures côtières, pourrait diminuer considérablement la fréquence des travaux de dragage. La conservation des sols du bassin versant et les efforts de restauration impliquant la reforestation et le maîtrise de l’érosion produira à long terme une panoplie d’avantages en plus de réduire le transport des sédiments dans le Lac. Une étude devra tout d’abord identifier et hiérarchiser les zones sources de sédiments, les mesures nécessaires et les plans optimaux et lieux d’intervention. La dégradation des terres a eu une tendance croissante dans le bassin du lac Tanganyika dans les dernières décennies. Les communautés humaines ont progressivement défriché les terres pour l’agriculture, les pâturages, et le bois de chauffage, entraînant une augmentation significative de l’érosion et du transport des sédiments aux rives du Lac. Ces activités s’inscrivent dans un spectre de mauvaises pratiques d’utilisation des terres dont la pollution et dégradation de l’environnement. Une approche holistique de conservation de l’environnement 18 et du bassin versant est fortement recommandée, car d’eux dépendent la durabilité d’un grand nombre d’activités économiques et de subsistance autour du Lac. Aménagement de bassin versant et transport des sédiments : il existe assez d’exemples des bénéfices de la conservation de bassin, de la reforestation et des techniques de contrôle des sédiments / érosion. Dans le cas du Fleuve Jaune en Chine, la restauration du bassin versant et les efforts de conservation du sol, combinés avec les piégeages de sédiments, a entraîné une réduction de 80 % des sédiments. De même, les programmes de conservation des sols dans le bassin du Fleuve Mississippi a réduit l’apport de sédiments de f açon significative. Ceux-ci, combinés avec les travaux de stabilisations de la rivière dans les années 1970, ont fait décroître les besoins de dragage de près de 95% (Khalil, 2015). En prenant et en intégrant une approche à partir du bassin versant et en passant par la rivière jusqu’aux rives du lac, une approche de « travailler avec la nature » peut être adoptée en s’investissant à bien comprendre les dynamiques et processus naturel pour développer des solutions bien adaptées qui réduirait le besoin d’intervention et de maintenance humaine. 4.2. Que faire si le niveau du lac baisse à l’avenir ? Actuellement, rien n’indique une tendance à long terme à la baisse du niveau du Lac, étant donné que celui- ci a été dans les limites des variations historiques. Tandis que les scientifiques s’accordent sur le fait que les températures s’accroissent et continueront de s’accroitre dans le futur, ils sont incapables de prévoir des tendances sur les précipitations. De ce fait, il est impossible de prédire les potentielles variations dans le futur. La variabilité climatique est sujette à une variabilité saisonnière et annuelle, mais aussi de variabilité naturelle interannuelle et multi-décennale, ce qui signifie que le climat dans une région donnée peut passer d’un modèle plus humide a un modèle plus sec durant un grand nombre d’années, ou un modèle d’alternance années humides et sèches, causant potentiellement des périodes de hautes et basses eaux. Alors que cette variabilité naturelle est en quelque sorte comprise mais très difficile à prédire, les effets du réchauffement artificiel primera sur la variabilité naturelle et sera encore plus imprévisible. Si le niveau du lac adopte une tendance à la baisse à l’avenir, le barrage ne serait pas en mesure de les réguler, car il pourrait cause un ralentissement de la tendance seulement de 6 à 18 %. L’évaporation (82-94% des pertes) réduirait progressivement le niveau d’eau jusqu'à ce qu’il atteigne la hauteur du lit de la rivière. Lukuga (772,7 m au-dessus du niveau de la mer), rendant la construction du barrage inappropriée. Au cas où le niveau du Lac diminue à l’avenir, ou s’il oscille au-delà de la fourchette historique avec de fréquentes périodes de basses eaux, les ports devront adapter leurs structures d’accostage pour rendre possible les opérations dans des zones plus profondes avec des niveaux d’eau inférieurs. 4.3. Recommandations supplémentaires : fonctionnement du port, transport et navigation D’autres facteurs observés au cours des visites de terrains font également objet de préoccupation, en plus de la profondeur de l’eau dans les ports. Il s’agit de l’absence d’aides à la navigation (cartes, radios), les conditions des navires, les pratiques observées, l’entretien des équipements et le fonctionnement du port. Ces préoccupations entravent et continueront d’entraver l’efficacité du transport et du commerce sur le Lac et les recommandations suivantes sont émises à cet égard. Le suivi et collecte de données doivent être systématiques. Il a été constaté que les activités de commerce et de transport ne sont actuellement pas systématiquement enregistrées et de nombreuses données et informations ne sont pas disponibles pour analyse. Ceci est important pour évaluer le fonctionnement du 19 port, améliorer les efficiences, informer la planification et des investissements futurs, mobiliser et assurer les financements. La sécurité de la navigation peut être améliorée de plusieurs façons pour réduire le nombre d’accidents et naufrages et augmenter la longévité opérationnelle des navires et du matériel de port. Se fondant sur les constatations préliminaires, une évaluation minutieuse et dédiée des besoins de la navigation est recommandée de même que le développement d’un programme pour améliorer la sécurité et l’efficience de la navigation dans le Lac et ses ports. Les principales préoccupations sont les suivantes: 1. Installation des aides à la navigation à proximité des ports, des abords et des zones côtières. 2. Les cartes nautiques pour la navigation constituent le support pour la sécurité de la navigation. Les bathymétries à haute résolution utilisées avant et après le dragage peuvent être utilisées pour soutenir l’élaboration de cartes nautiques précises. 3. La communication radio entre les bateaux et stations littorales. 4. La sécurité des équipements et le niveau de préparation des bateaux ainsi que la formation des équipages et institutions côtières impliquées dans les opérations de recherche et de sauvetage; augmentation des capacités de recherche et de sauvetage, bateaux patrouilleurs bien préparer et équipées; un bureau pour les opérations de coordination de sécurité. Les réseaux de transport et les opérations portuaires pourraient voir leur efficacité améliorée en renforçant les capacités dans presque tous les domaines liés à la gestion et aux opérations de transport du Lac et des ports. Ce renforcement de capacités concerne les équipages de bateaux et du personnel des ports. Les préoccupations sanitaires et d’assainissement couvrent une panoplie de domaines où les interventions sont nécessaires. En ce qui concerne le transport fluvial, et les ports du Lac, la mise en œuvre de bonnes pratiques de gestion des ordures et déchets à bord des navires et dans les ports est un devoir. Une installation de décharge des déchets conforme pour le port de Kigoma coûterait environ 2 millions USD. En ce qui concerne le bassin, un manque d’infrastructures d’assainissement conduit à la contamination fécale de l’eau et du Lac. La défécation est très répandue et plusieurs zones urbaines ne disposent pas aussi de système formel d’égouts et une infrastructure de décharge des déchets solides/liquides établie (Rutagemwa 2010 ; West 2001). La contamination fécale dans le Lac et le manque d’assainissement entraînent périodiquement les maladies, y compris l’amibias, la bilharziose, le choléra et la typhoïde. Des règlements sur environnement pour éviter la pollution et protéger l’eau du lac seront très importants pour minimiser les impacts du transport et d’autres secteurs sur d’autres activités dans le lac, telles que la pêche, de tourisme, l’approvisionnement en eau potable et l’environnement. Le manque de règlements concernant l’élimination des déchets, les fuites des engins et les pratiques globales relatives à la contamination est déjà une réalité visible. Bien que le bassin soit relativement peu industrialisé comparé aux autres zones de l’Afrique, les effluents industriels non traitées s’écoulent jusqu’au lac depuis de nombreuses industries à Bujumbura, la pêche industrialisée à Mpulungu et des usines de transformation de coton et de canne à sucre en RDC (West, 2001). Des concentrations importantes de pesticides et d’engrais (phosphore, azote) issues des activités agricoles et des huiles d’entreprises commerciales contribuent également à réduire la qualité de l’eau (Rutagemwa 2010), comme le fait le mercure et autres produits chimiques utilisés dans les petites mines d’or et de diamants (West, 2001). La réduction de la qualité de l’eau a eu un impact négatif sur l’approvisionnement en eau potable dans la région et une augmentation des coûts de traitement de l’eau (Rutagemwa 2010). 20 21 5. PRINCIPALES CONCLUSIONS La sédimentation dans les ports est le principal problème conduisant à des profondeurs d’eau réduite. Un dragage régulier et périodique est recommandé afin d’assurer des profondeurs d’exploitation suffisantes dans les ports. Des mesures complémentaires afin de réduire le transport des sédiments dans les ports, telles que les structures côtières, les pièges à sédiments et les mesures de conservation des sols sont également recommandées. Pour le dragage régulier, les ports doivent déterminer la fréquence et l’ampleur des travaux de dragage dans les ports et chenaux d’accès et sécuriser les équipements appropriés et des mécanismes de financement spécifiques à chaque port ou collectifs. Ce rapport, ses conclusions et les données recueillies, informera directement des études en cours sur le Lac Tanganyika, le programme de transport dans le cadre plus global de la stratégie de développement du couloir intégré et des programmes futurs sur le transport, l’environnement et la gestion des ressources naturelles. Dans ce contexte, nous recommandons des analyses plus approfondies sur (a) la justification économique du dragage régulier en considérant les cargos et les transports de passagers actuel et futurs dans le Lac, ainsi que (b) les dispositions financières et institutionnelles afin d’assurer des revenus suffisants et la budgétisation pour un programme de dragage régulier et à fonctionnement satisfaisant dans les ports. Les projets en cours pour renforcer le rôle du transport du lac dans la région doivent être complétés par une analyse environnementale appropriée et des règlements afin d’assurer une exploitation équilibrée du Lac. Transformer le lac en une route maritime avec une mauvaise réglementation entraînera des effets néfastes dans d’autres secteurs : eau potable, pêche, biodiversité et environnement. 22 REFERENCES 1. Banque Mondiale (2016) Rapport sur le Projet de barrage sur la Lukuga, Lac Tanganyika (March 2016). 2. 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