TUNISIE Surmonter les Obstacles à l'Inclusion des Jeunes 1e CENTERfor c- c.jw=jj~ i rl I MEDITERRANEAN WORLD BANK GROUP INTEGRATION Olb-~,[, ~fi .. laoo d, L, J,ue. TUNISIE Surmonter les obstacles a l'inclusion des jeunes MEDITERRANEAN WORLD BANK GROUP ,P,p-r INTEGRATION G b-- iI .L o-Yung People Ente rprise Employment Copyright © 2014 Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement Groupe Banque mondiale 1818 H Street, NW Washington, DC 20433, USA Tous droits réservés. Rapport No. 89233-TN Tunisie ESW : Surmonter les barrières à l'Inclusion des Jeunes P12091 1-ESW Avertissement Les résultats, interprétations et conclusions exprimées ici ne reflètent pas nécessairement les vues de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement / Banque mondiale et de ses organisations affiliées, ou ceux des Administrateurs de la Banque mondiale ou des gouvernements qu'ils représentent. La Banque mondiale, Tunisie et gouvernements représentés ne garantit pas l'exactitude des données in- cluses dans ce travail. Les frontières, couleurs, dénominations et autres informations figurant sur les cartes du présent rapport n'impliquent aucun jugement de la part de la Banque mondiale concernant le statut juridique d'un territoire ou l'adoption ou l'approbation de ces frontières. Le présent rapport se fonde principalement sur l'analyse quantitative des Enquêtes-Ménages sur les Jeunes Tunisiens dans les zones urbaines (THSYUA 2012) et aussi les Enquêtes-Ménages sur les Jeunes Tunisiens dans les zones rurales (THSYRA 2012). L'Observatoire national de la jeunesse en Tunisie (ONM) n'est pas responsable des données et les chiffres présentés dans ce rapport. Autorisations et droits : Des copies électroniques en versions arabe et en anglais peuvent être téléchargées gratuitement sur de- mande à la Banque mondiale. L'autorisation de photocopier ou de réimprimer tout extrait de ce travail sur demande au Copyright Clearance Center, Inc., 222 Rosewood Drive, Danvers, MA 01923, USA, téléphone 978-750-8400, télécopieur 978-750-4470, www.copyright.com. Toutes les autres requêtes sur les droits et licences, y compris les droits subsidiaires, doivent être adres- sées au Bureau de l'Editeur, Banque mondiale, 1818 H Street NW, Washington, DC 20433, Etats-Unis, fax 202-522-2422, courriel : pubrights@worldbank org. Vice- Présidente : Inger Andersen Directeur Maghreb: Neil Simon M. Gray Directeur Sectoriel Junaid Kamal Ahmed Responsable sectoriel : Franck Bousquet Chef de Projet : Gloria La Cava Crédits photo : Banque mondiale. Couvercle crédit photo : Malika Drissi, Banque mondiale. Table des matières Acronyms and Abbreviations ..................................ix Avant-propos .............................................. x Rem erciem ents ............................................. xi Résum é analytique ......................................... xiii A perçu général......................................................xiii Principales constatations...............................................xiv Participation, voix et citoyenneté active.................................xiv Chômage des jeunes, inactivité et NEET ................................ xv Opportunités économiques ..........................................xvi Programmes sur les compétences pour l'emploi et l'entrepreneuriat ........... xviii Principales recommandations ........................................... xix Élaboration d'une politique multidimensionnelle d'inclusion de la jeunesse ...... xix Chapitre 1 : Introduction ..................................... 1 1.1 Contexte et objectif .................................................. 2 1.2 Comment définir l'inclusion des jeunes ? ................................... 4 1.3 Données et m éthodologie ............................................... 7 1.4 Structure du rapport ................................................. 8 Chapitre 2 : Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs.............................. 9 2.1 Confiance dans les institutions .......................................... 11 2.2 Accès à l'information ................................................ 13 2.3 Participation à la société civile .......................................... 15 2.4 Participation à la vie politique .......................................... 18 2.5 Promouvoir la participation inclusive des jeunes à la vie publique ............... 21 Instaurer des dispositifs incitatifs en direction des ONG dirigées par des jeunes et du bénévolat ............................................. 21 Étendre les initiatives de développement communautaire pilotées par des jeunes . . 22 Développer les institutions dirigées par des jeunes afin de les associer à la prise de décision et à la défense des droits de l'homme ......................... 22 iii iv | Table des matières Chapitre 3 : Inactivité et chômage des jeunes ..................... .25 3.1 Panorama de l'inactivité et du chômage des jeunes : les jeunes ni scolarisés, ni en emploi, ni en form ation ........................................... 26 3.2 Découragement de la jeunesse sans travail ................................. 29 3.3 Éducation et inactivité ............................................... 31 D éscolarisation précoce ............................................. 32 Qualité de l'enseignem ent ........................................... 33 L'importance des efforts d'orientation pour une meilleure insertion professionnelle ................................................. 35 3.4 Voies d'accès et obstacles à l'emploi ...................................... 36 Inscription au chôm age ............................................. 36 O bstacles à l'em ploi................................................ 36 Chapitre 4 : Opportunités économiques ......................... 41 4.1 O pportunités d'em ploi ................................................ 42 Exclusion régionale ............................................... 43 Exclusion des fem m es .............................................. 44 Précarité de l'em ploi................................................ 46 Niveau d'études et emplois peu qualifiés ................................ 48 Sous-em ploi des jeunes.............................................. 53 Emploi des jeunes par secteur......................................... 54 4.2 Travail indépendant .................................................55 Innovation et entrepreneuriat......................................... 55 Jeunes travailleurs indépendants en Tunisie .............................. 56 Niveaux de qualification des jeunes entrepreneurs ......................... 60 L'entrepreneuriat des jeunes : obstacles et opportunités d'investissement ........ 62 Chapitre 5 : Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65 5.1 Programmes du ministère de la Formation professionnelle et de l'Emploi .......... 66 Perceptions autour des programmes actifs du marché du travail .............. 71 Participation aux programmes actifs du marché du travail ................... 72 Avantages des programmes actifs du marché du travail ..................... 74 5.2 Programmes de promotion de l'entrepreneuriat ............................. 75 Perceptions autour des programmes de promotion de l'entrepreneuriat ......... 76 Participation aux programmes de promotion de l'entrepreneuriat ............. 77 Table des matières | v 5.3 Autres services pour les jeunes .......................................... 79 Programmes du ministère de la Jeunesse et des Sports ...................... 79 Services à la jeunesse fournis par des organisations confessionnelles d'aide sociale .................................................. 79 5.4 Conclusions et recommandations ........................................ 80 Principaux défis ................................................. 80 Domaines stratégiques appelant une intervention plus poussée ............... 81 Chapitre 6 : La voie à suivre : une politique de la jeunesse et des institutions inclusives .............................. 89 6.1 Bilan des acquis pour les jeunes depuis la révolution ......................... 90 6.2 Principes directeurs du renforcement de l'inclusion et de la participation des jeunes ......................................................... 91 6.3 Élaborer une politique multidimensionnelle d'inclusion des jeunes ............... 93 Participation, voix et citoyenneté ...................................... 93 Accès aux opportunités économiques ................................... 94 Services adaptés aux jeunes .......................................... 95 Bibliographie ............................................. 97 Annexes ................................................ 103 1 Source des données.................................................. 105 2 Participation, voix et citoyenneté active de la jeunesse ...................... 109 3 Inactivité et chômage des jeunes ........................................ 111 4 Opportunités économiques ............................................ 115 5 Compétences pour l'emploi et autres services pour jeunes .................... 125 Encadrés 2.1 Qu'est-ce qu'une citoyenneté active ? ..................................... 10 2.2 Les jeunes artistes et la liberté d'expression ................................ 12 2.3 Le projet Idmej : investir dans l'inclusion de la jeunesse dans les régions défavorisées ........................................................ 17 2.4 Houkoumetna : le mouvement « Notre gouvernement » ...................... 21 3.1 Jeunes ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation : un indicateur conjoint du chômage et de l'inactivité des jeunes ................................... 27 4.1 Form ation de la fam ille................................................ 46 4.2 L'enseignement en Tunisie.............................................. 50 5.1 Plateformes en ligne Najja7ni et Tounes Ta3mal ............................. 83 vi | Table des matières 5.2 jovenes : programmes de « training plus » pour les jeunes défavorisés en Amérique latine ................................................. 84 5.3 Programmes de promotion de l'entrepreneuriat des jeunes au Pérou.............. 85 6.1 Les onze principes d'une politique nationale de la jeunesse ..................... 92 Figures 0.1 Politique pluridimensionnelle pour l'inclusion des jeunes ...................... xix 1.1 Carte de la Tunisie .................................................. 3 1.2 Dim ensions de l'exclusion............................................... 5 1.3 Population de la Tunisie, par classe d'âge ................................... 6 1.4 Proportion de NEET dans la population d'âge actif, par catégorie de jeunes et par sexe ............................................................ 7 2.1 Confiance dans les institutions publiques et religieuses ........................ 12 2.2 Utilisation d'Internet pour l'accès à l'information............................ 13 2.3 Accès aux TIC : comparaison entre zones rurales et zones urbaines .............. 14 2.4 Répartition des jeunes bénévoles par région ................................ 16 2.5 Influences sur la vie, les études et les décisions professionnelles des jeunes ......... 16 2.6 Influence des jeunes sur le développement local ............................. 18 2.7 Connaissance de la politique chez les jeunes, répartition par sexe ................ 19 2.8 Connaissance de la politique chez les jeunes, répartition par région .............. 20 3.1 Emploi des jeunes et caractéristiques des NEET ............................. 26 3.2 Jeunes NEET : comparaison entre zones rurales et zones urbaines ............... 28 3.3 Jeunes NEET, par région............................................... 28 3.4 Découragement des NEET sur le marché du travail .......................... 29 3.5 Raisons de l'exclusion du marché du travail, par sexe (2010) ................... 30 3.6 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe (15-29 ans)............... 31 3.7 Taux de chômage par niveau d'études, zones urbaines de la Tunisie .............. 32 3.8 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe (25-29 ans)............... 32 3.9 NEET inscrits au chômage : comparaison entre zones rurales et zones urbaines..... 35 3.10 Principales raisons de l'accès aux opportunités d'emploi : comparaison entre zones rurales et zones urbaines .......................................... 37 3.11 Principales difficultés à accéder aux opportunités d'emploi : comparaison entre zones rurales et zones urbaines ..................................... 38 3.12 Sources d'information sur les opportunités d'emploi : comparaison entre zones rurales et zones urbaines............................................... 38 4.1 Emploi des jeunes Tunisiens ............................................ 42 4.2 Destinations des migrants ruraux par sexe ................................. 44 4.3 Discrimination perçue à l'encontre des femmes dans les secteurs privé et public, en zone rurale ..................................................... 45 Table des matières | vii 4.4 Type de contrat des jeunes en emploi (15-29 ans)............................ 47 4.5 Satisfaction vis-à-vis du système éducatif et du niveau d'études ................. 49 4.6 Emploi des jeunes dans les secteurs peu productifs ........................... 52 4.7 Niveau d'études des jeunes Tunisiens en emploi : comparaison entre zones rurales et zones urbaines............................................... 53 4.8 Sous-emploi des jeunes citadins ......................................... 54 4.9 Emploi des jeunes par secteur ........................................... 55 4.10 Indice de compétitivité mondiale (2011-12) ................................ 56 4.11 Jeunes travailleurs indépendants : comparaison entre zones rurales et zones urbaines ..................................................... 56 4.12 Entrepreneuriat des jeunes par région ..................................... 57 4.13 Obstacles à la création d'une petite entreprise par les jeunes (zones rurales) ........ 58 4.14 Jeunes travailleurs indépendants par niveau d'études ......................... 60 4.15 Entrepreneuriat des jeunes dans les secteurs à faible productivité ................ 61 4.16 Entrepreneuriat par secteur............................................. 61 5.1 Bénéficiaires des programmes financés par le Fonds national de l'emploi (2011) .... 70 5.2 Connaissance des Programmes actifs du marché du travail : comparaison entre zones urbaines et zones rurales .......................................... 71 5.3 Connaissance des Programmes actifs du marché du travail, par niveau d'instruction ...................................................... 72 5.4 Participation aux Programmes actifs du marché du travail : comparaison entre zones urbaines et zones rurales .......................................... 73 5.5 Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par niveau d'instruction ...................................................... 73 5.6 Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par type de NEET ...... 74 5.7 Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat : comparaison entre zones urbaines et zones rurales ..................................... 76 5.8 Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau d'instruction ...................................................... 77 5.9 Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat : comparaison entre zones urbaines et zones rurales ..................................... 77 5.10 Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau d'instruction ...................................................... 78 5.11 Matrice des interventions sur le marché du travail ........................... 86 6.1 Politique pluridimensionnelle pour l'inclusion des jeunes ...................... 94 A2.1 Confiance des NEET dans les institutions publiques et religieuses (zones urbaines) ................................................... 109 A2.2 Confiance des NEET dans les institutions publiques et religieuses (zones rurales) ... 109 A2.3 Importance des organisations communautaires pour le développement local, Tunisie rurale .................................................... 109 viii | Table des matières A2.4 Confiance dans les organisations communautaires : comparaison entre zones rurales et zones urbaines.............................................. 109 A2.5 Répartition du bénévolat par sexe (Tunisie rurale) .......................... 110 A2.6 Participation des jeunes aux élections .................................... 110 A2.7 Participation active à la vie politique .................................... 110 A3.1 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe (15-29 ans) .............. 111 A3.2 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe (15-29 ans), désagrégé ..... .111 A3.3 NEET par région .................................................. 111 A3.4 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe (15-29 ans), désagrégé ..... .111 A3.5 Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par région (15-29 ans) ............ 112 A3.6 NEET inscrits au chômage, par région ................................... 112 A4.1 Type de contrat des adultes en emploi (30-59 ans).......................... 122 A4.2 Emploi des adultes dans les secteurs peu productifs ......................... 122 A4.3 Emploi des adultes par secteur ......................................... 123 A4.4 Intention de travailler dans le secteur public ............................... 123 A4.5 Adultes travailleurs indépendants : comparaison entre zones rurales et zones urbaines .................................................. 124 A5.1 Connaissance des Programmes actifs du marché du travail, par région et par sexe ........................................................ 125 A5.2 Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par région ........... 125 A5.3 Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par région ......... 126 A5.4 Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par type de N EET et par sexe ................................................... 126 A5.5 Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par région ......... 127 A5.6 Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par type de NEET ... 127 A5.7 Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau de pauvreté ...................................................... 127 Tableaux A3.1 M odèle probit de déscolarisation précoce ................................. 113 A4.1 Déterminants de l'emploi (modèle probit) ................................. 115 A4.2 Déterminants du revenu salarial (modèle de sélection d>Heckman) .............. 116 A4.3 .Déterminants de l'emploi informel, à condition d'être en emploi (modèle probit) ... 117 A4.4 Déterminants du niveau d'études (probits ordonnés) ........................ 118 A4.5 Déterminants du revenu salarial par secteur (moindres carrés) ................. 119 A4.6 Déterminants du travail indépendant, à condition d'être en emploi (modèle probit) ................................................... 121 Acronymes et abréviations PAMT Programme Actif du Marché du MVTE Ministère de l'Emploi et de la Travail Formation professionnelle ANETI Agence Nationale de l'Emploi MYS Ministère de la Jeunesse et des BTS Banque Tunisienne de Solidarité Sports CAIP Plate-forme Système NEET Ni dans le système d'éducation ni d'Information sur l'Eau dans l'emploi, ni en formation. CES Contrat Emploi Solidarité OECD OCDE ONJ l'Observatoire National Tunisien CIDES Programme pour l'emploi endeleuse faveur des diplômés universitaires CNSS Caisse Nationale de Sécurité PAPPE Programme de Microfinance Sociale SCV Service Civil Volontaire CSO Organisation de la Société Civile SIPJ Services locaux intégrés en faveur DT Dinar Tunisien de la jeunesse FNS Fonds National de Solidarité SIVP Programme de stages professionnels FONAPRA Fonds National de Promotion de THSYRA Enquête-ménages Tunisie sur la l'Artisanat et des Petits Métiers jeunesse dans les zones rurales ILO OIT THSYUA Enquête-ménages Tunisie sur la GDP PIB jeunesse dans les zones urbaines INS Institut National de la Statistique USD Dollar US ix Avant-propos L'inclusion des jeunes est un aspect central du Ce rapport s'efforce de déterminer les causes Programme de développement mondial pour de l'inactivité généralisée des jeunes en s'appuyant l'après-2015. Les jeunes représentent un quart de sur les résultats d'enquêtes quantitatives ainsi que la population mondiale, et, surtout depuis le Prin- sur des études qualitatives détaillées et la consul- temps arabe, ils sont à l'origine d'innovations so- tation directe de jeunes, de prestataires de services ciales et économiques, remettent en question les et de représentants des pouvoirs publics. Cette normes et valeurs sociales, explorent de nouveaux analyse quantitative et qualitative est croisée à un territoires. Plus connectés que jamais, les jeunes panorama des programmes internationaux qui exercent une influence accrue sur leurs concitoyens améliorent l'emploi des jeunes. Les conclusions ti- et leur pays. Dans le même temps, cette génération rées de ces vastes recherches et analyses forment la rencontre nombre d'obstacles : discrimination, base de plusieurs propositions pour de nouvelles marginalisation, manque d'accès aux opportunités politiques et approches spécifiquement axées sur la et à la prise de décisions. Si, à l'échelle planétaire, jeunesse en Tunisie. plus d'un quart des jeunes ne sont ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation professionnelle, cette Des changements spectaculaires sont à l'œuvre proportion est vertigineuse au Moyen-Orient et en dans ce pays. Avec la mise en place d'un nouveau Afrique du Nord, où elle atteint 41 %. gouvernement et d'une nouvelle Constitution, le moment est opportun d'engager une discussion sur La crise de plus en plus grave que constitue l'ex- les meilleurs moyens d'aider les jeunes Tunisiennes clusion des jeunes appelle des mesures qui ne se li- et Tunisiens à déployer tout leur potentiel. « Sur- mitent pas à lutter contre le chômage. Le présent monter les obstacles à l'inclusion des jeunes », telle rapport propose une grille d'action complète pour est la visée de cette publication, qui constituera un l'inclusion des jeunes, qui montre comment agir guide essentiel pour tracer la voie à suivre. Bien simultanément sur les dimensions économique, so- documentée et issue d'une réflexion approfondie, ciale, politique et culturelle. Les solutions qui seront elle offre un excellent point de départ au dialogue ainsi élaborées permettront aux jeunes Tunisiens de entre le gouvernement tunisien et sa jeunesse pleine croire à nouveau en leur avenir en bénéficiant d'un d'espoir. enseignement de qualité, en trouvant du travail ou en créant une entreprise, en coopérant avec ceux qui peuvent se faire entendre et en participant ac- tivement à la société civile et à la vie politique aux Simon Gray niveaux local, régional et national. Directeur du département Maghreb Région Moyen-Orient et Afrique du Nord x Remerciements Ce rapport a été élaboré par la Banque mondiale, Franck Bousquet, directeur Développement urbain en partenariat avec l'Observatoire national de la et social à la Région MENA, Simon Gray, directeur jeunesse (ONJ) de la Tunisie. Il a été dirigé conjoin- des opérations pour le Maghreb, et Eileen Murray, tement par Gloria La Cava, coordinatrice du pro- responsable des opérations pour la Tunisie (Banque gramme Jeunesse au Moyen-Orient et en Afrique mondiale). du Nord (MENA) au sein du pôle Développement urbain, rural et social de la Banque mondiale, et par Ce rapport a largement bénéficié des commen- le professeur Mohamed Jouili, directeur de l'ONJ, taires formulés au début du projet par le professeur en étroite collaboration avec Tobias Lechtenfeld, Abelwahab Ben Hafaiedh, consultant, Kamel Bra- économiste au pôle Développement urbain, rural ham, spécialiste principal de l'éducation (Banque et social de la Banque mondiale, et à la suite de mondiale), Balakrishna Menon Parameswaran, consultations étendues auprès d'acteurs du monde spécialiste principal du développement social de la jeunesse et d'universitaires tunisiens. Les (Banque mondiale), Nina Bhatt, spécialiste princi- autres membres de l'équipe principale du rapport pale du développement social (Banque mondiale), sont le professeur Ahmed Khouja (Université de Diego Angel-Urdinola, économiste senior (Banque Tunis), le professeur Hayet Moussa (Université mondiale), Nina Arnhold, spécialiste senior de de Tunis), Houcine Abaab, spécialiste de la poli- l'éducation (Banque mondiale), le professeur tique publique, Imen Ben Daadouch (Faculté des Niall O'Higgins (Université de Salerne), le profes- sciences humaines et sociales, Université de Tunis), seur Emma Murphy (Université de Durham), et Raja Marzougui (Faculté des sciences humaines et Paul Dyer, Knowledge Program Manager (Silatech). sociales, Université de Tunis), Neji Letifi (Faculté Wendy Cunningham, responsable de programme des sciences humaines et sociales, Université de à la Région Amérique latine et Caraïbes (Banque Tunis), Mohamed Ali Naceur (Université de Tunis) mondiale), et Sarah Michael, spécialiste senior du et Sofia Trommlerova (Institut de hautes études développement social (Banque mondiale), ont réa- internationales et du développement). L'équipe lisé l'examen par les pairs. du rapport tient à remercier le cabinet Emrhod à Tunis, et tout particulièrement Nebil Belaam, pour L'équipe souhaite remercier pour leur contribu- sa contribution à la collecte des données sur les mé- tion technique les membres du comité de pilotage, nages ruraux. notamment les représentants du ministère de la Jeu- nesse et des Sports et du ministère de la Formation De plus, des contributions importantes ont été professionnelle et de l'Emploi de la Tunisie, ainsi apportées par Tara Vishwanath, économiste princi- que de l'Observatoire national de l'emploi ; pour pale (Banque mondiale), Wendy Cunningham, res- son aide méthodologique, l'Institut national de sta- ponsable de programme à la Région Amérique latine tistique, qui a fourni la base d'échantillonnage des et Caraïbes (Banque mondiale), Nandini Krishnan, enquêtes urbaines et rurales ; et pour son généreux économiste senior (Banque mondiale), le professeur financement et ses travaux de recherche, Silatech, Irene Jillson (Université de Georgetown), le profes- une entreprise sociale qatarie qui s'attache à créer seur Imed Melliti (Université de Tunis), Paul Fran- des emplois et à élargir les opportunités écono- cis, consultant, et Atsuko Muroga, consultante. miques pour les jeunes dans tout le monde arabe. L'équipe remercie pour leur soutien permanent xi  Résumé analytique Aperçu général • les jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni en em- ploi, ni en formation (les « NEET »), en ce Voilà plus de trois ans déjà que s'est produite la Ré- qu'ils constituent la catégorie la plus exclue volution tunisienne. Pourtant, les aspirations de la sur le plan économique, et la nécessité d'as- jeune génération qui a déclenché ces changements surer leur intégration socioéconomique grâce radicaux à travers la région du Moyen-Orient et de à des politiques et programmes adaptés. l'Afrique du Nord ne sont toujours pas comblés. Le chômage chez les jeunes âgés de 15 à 29 ans a Pour entretenir la dynamique positive avec la- augmenté après la révolution, le taux de chômage quelle le pays a renoué, il faudra impérativement officiel des jeunes ayant été établi à 33,2 % en cultiver chez les jeunes Tunisiens le civisme et la 2013, selon l'édition la plus récente de l'enquête participation citoyenne. Un dialogue constructif sur la transition de l'école vers la vie active réalisée entre les jeunes et les institutions publiques de Tuni- par l'Organisation internationale du travail (OIT sie, mené avec le concours d'une société civile plus 2014). Bien que les jeunes aient joué un rôle de pre- large, d'organisations politiques et du secteur privé, mier plan dans le changement de régime, ils n'ont sera essentiel pour surmonter la plupart des obsta- pas pu participer aux processus décisionnels et ont cles les plus pressants à l'inclusion des jeunes. La le sentiment de ne pas être consultés sur les ques- facilitation de cette inclusion permet de mobiliser tions qui les touchent directement. Néanmoins, on la nouvelle génération, considérée comme une res- observe des signes positifs dans la période post-ré- source économique et sociale qui peut contribuer volution. La nouvelle Constitution tunisienne, directement au maintien de la stabilité et à la crois- adoptée en janvier 2014, consacre la participation sance économique du pays. Une prise de décision de la jeunesse, considérée comme un pilier du dé- participative dans la conception et la mise en oeuvre veloppement social, économique et politique du des politiques et des programmes consacrés à la pays.' Toutefois, la traduction des principes consti- jeunesse ainsi que dans la gestion des organisations tutionnels dans les lois et dans les faits nécessitant de la société civile (OSC) est bénéfique à toutes les un certain temps, la participation des jeunes reste parties concernées et pourrait bien démultiplier les au stade embryonnaire. investissements publics. Cette étude analyse les aspirations et les besoins Ce rapport établit des catégories spécifiques de de la jeunesse tunisienne, au vu des facteurs d'ex- jeunes touchés d'exclusion en les classant en fonc- clusion fondamentaux, de nature non économique tion de plusieurs facteurs, parmi lesquels les dis- et économique, qui ont été à l'origine de la révolu- parités régionales, les inégalités entre les sexes et tion. Elle est en particulier axée sur : l'accès limité à l'éducation, à l'emploi et aux biens publics. Les constatations qui y sont faites aident • la montée en puissance du militantisme chez à déterminer les principaux obstacles à l'inclusion les jeunes en dehors des institutions politiques des jeunes femmes et hommes de différents milieux, formelles, et la nécessité de les accompagner et notamment des régions marginalisées, et à dé- pour qu'ils passent de la protestation à une crire l'exclusion, perçue et réelle, de la jeunesse sur citoyennete active ; le plan social, économique et politique qui a été le moteur de la Révolution tunisienne (Ayeb, 2011). xiii xiv I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Il en ressort que, bien que le chômage des diplô- face aux difficultés de la jeunesse ? Tout en se fon- més de l'université ait souvent été le thème domi- dant sur des mesures quantifiées, l'analyse s'efforce nant des discours et des politiques, d'autres groupes d'éviter l'écueil de prescriptions technocratiques socioéconomiques parmi les jeunes sont confrontés qui ne feraient pas écho au discours de la jeunesse à des problèmes d'insertion qui leur sont propres, en s'appuyant fortement sur les interprétations et qui appellent aussi l'attention et l'intervention des les solutions qui émanent des jeunes interrogés eux- décideurs. mêmes. Cette approche permet d'analyser les dif- férents aspects de l'exclusion économique, sociale Plus particulièrement, le rapport souligne que et politique, et d'examiner les mécanismes de leur les NEET représentent la catégorie la plus exclue. renforcement mutuel. Les NEET sont une illustration de l'inactivité et du découragement des jeunes, un état bien plus inquié- tant que le chômage des jeunes qui lui n'inclut pas Principales constatations la désillusion d'une jeunesse qui a jeté l'éponge et ne cherche plus d'emploi dans le secteur formel (ou tout autre emploi) (Nations Unies, 2013). En Tuni- Très peu de jeunes Tunisiens sont actifs dans la so- sie, les jeunes femmes ont plus de chances d'être des ciété civile, bien que les OSC aient le vent en poupe. NEET. Bien que concernés par l'exclusion, les jeunes Depuis la révolution, des groupes de la société civile très instruits constituent moins d'un cinquième de ont pu se faire enregistrer auprès de l'État, et un l'ensemble des NEET. Ceux qui ont abandonné les nombre croissant d'organisations portées sur l'en- études précocement représentent la majorité de ce gagement citoyen ont vu le jour. Cependant, une pe- sous-groupe, sans distinction de sexe. tite fraction seulement de jeunes Tunisiens est active au sein des OSC, et tout juste 3 % des jeunes des Ce rapport adopte une approche multidimen- zones rurales y participent (OIT, 2013). Malgré les sionnelle pour éliminer les obstacles sociaux, écono- faibles niveaux de participation à des associations, miques, politiques et culturels auxquels se heurtent neuf jeunes Tunisiens sur dix considèrent le béné- les jeunes Tunisiens. La marginalisation associée volat dans des OSC comme important pour leurs à l'exclusion sociale intervenant généralement sur communautés. Parmi les rares jeunes actifs au sein plusieurs fronts simultanément, les politiques qui d'OSC, les types de bénévolat les plus fréquemment ne prennent en compte qu'un seul de ses aspects, cités sont ceux exercés dans des OSC intervenant à l'instar de l'amélioration de l'accès à l'éducation, dans les domaines du développement régional, de la peuvent s'avérer trop limitées dans leur portée pour bienfaisance et de la lutte contre la pauvreté, des af- combattre l'exclusion dans son ensemble (Banque faires religieuses et de la science. Les clubs de sport mondiale, 2013f). Le rapport recourt à une com- et loisirs sont aussi fréquemment mentionnés dans binaison de méthodes de recherche quantitative les entretiens qualitatifs. et qualitative, ainsi qu'à une évaluation des pro- grammes et services actuels destinés à la jeunesse, Si la participation à la vie politique est un pi- afin de poser une série de questions : pourquoi les lier essentiel de l'engagement citoyen actif, très peu jeunes continuent-ils d'être actifs à l'extérieur des de jeunes Tunisiens participent d'une manière ou cadres institutionnels formels plutôt qu'en leur d'une autre à la vie politique, sauf lorsqu'il faut se sein ? Quels sont les canaux nécessaires pour ac- mobiliser pour des manifestations. Le faible taux croître la confiance des jeunes dans les institutions de participation des jeunes aux élections nationales et mieux faire entendre leur voix dans les processus tunisiennes d'octobre 2011 a été particulièrement décisionnels ? Pourquoi certains groupes de jeunes préoccupant. Seulement la moitié des jeunes de sont-ils surreprésentés parmi les inactifs et les chô- moins de 30 ans ont voté. En outre, très peu de meurs ou les travailleurs du secteur informel ? Quel jeunes Tunisiens sont actifs dans les partis poli- est le degré d'efficacité des politiques publiques tiques, ce qui trahit la grande fracture entre la jeune Résumé analytique | xv génération et l'establishment politique. La plupart aussi les jeunes Tunisiens qui, découragés, ont cessé des jeunes Tunisiens disent ne pas s'intéresser à la de chercher un emploi malgré leur jeune âge. La politique intérieure et en savoir peu sur la vie poli- notion de NEET a été proposée comme l'un des tique du pays, en particulier dans les zones rurales. principaux indicateurs du Programme de dévelop- Une disposition concernant la jeunesse dans la nou- pement de l'après-2015 afin de mesurer l'ampleur velle loi électorale, qui incite les partis politiques à du passage effectif des jeunes à la vie active.3 désigner au moins un jeune candidat âgé de moins de 35 ans parmi les quatre têtes de toute liste électo- Les pourcentages de NEET font ressortir d'im- rale, constitue un point de départ important pour la portantes disparités entre les sexes et entre les ré- participation des jeunes à la vie politique.2 gions. Et dans les zones rurales, plus de deux jeunes sur cinq sont des NEET, contre presque un sur Les jeunes Tunisiens n'ont que peu confiance trois en milieu urbain. En Tunisie rurale, la moi- dans les institutions publiques, et seulement 8,8 % tié des jeunes femmes sont des NEET (50,4 %), d'entre eux en milieu rural et 31,1 % en milieu ur- contre un jeune homme sur trois (33,4 %). Ces bain font confiance au système politique. La police chiffres sont à comparer à ceux des zones urbaines aussi bénéficie d'un faible capital de confiance de la de Tunisie, principale destination de nombreux part des jeunes, surtout dans les zones rurales. En jeunes chercheurs d'emploi, où environ un tiers revanche, l'armée, l'imam local et les organisations des jeunes femmes (32,4 %) et un cinquième des confessionnelles bénéficient du niveau de confiance jeunes hommes (20,3 %) sont des NEET. Les écarts le plus élevé, à hauteur de 80 %, soit un niveau entre les sexes sont importants chez les NEET qui, presque équivalent à celui accordé à la famille. en milieu rural, sont constitués d'une jeune femme Comme leurs pairs en Égypte et en Libye, les jeunes sur deux (50,4 %) et d'un jeune homme sur trois Tunisiens manifestent peu de confiance à l'égard de (33,4 %). Bien que ces pourcentages soient légère- la presse, qu'ils jugent mercantile et manipulatrice. ment inférieurs en Tunisie par rapport aux autres pays de la région, tels que le Maroc, ils mettent en Pour accéder à l'information, les jeunes Tunisiens évidence un important potentiel d'inclusion écono- utilisent Internet plus que tout autre média. Environ mique qui reste inexploité. la moitié des utilisateurs d'Internet (43,3 % dans les zones rurales et 53,2 % dans les zones urbaines) y ê Les taux élevés de décrochage scolaire semblent ont recours pour s'éduquer, et entre un quart et la être fortement liés au chômage et à l'inactivité. Des moitié des jeunes utilisent Internet pour chercher un obstacles systémiques qui se dressent à la fin de la emploi (45,9 % en milieu rural et 26,8 % dans les sixième année et de la neuvième année d'études empli (5,9% e miieurura et26, % ansles donnent lieu à des taux élevés d'abandon scolaire zones urbaines). En outre, plus de neuf jeunes Tuni- donn ent de taux éeés dban laire siens sur dix en milieu rural possèdent un téléphone et empêchent de nombreux jeunes de terminer leurs mobile. Toutefois, pour promouvoir durablement études secondaires. La majorité des jeunes Tuni- l'esprit civique, les jeunes doivent aller au-delà de siens quittent l'école bien avant l'obtention d'un di- l'« engagement citoyen virtuel » et participer de plôme d'études secondaires. Plus de 140 000 élèves manière formelle à la vie politique aux niveaux quitteraient l'école chaque année, dont 80 000 sans local et national, avoir terminé leur éducation de base (Romdhane 2010, 127).4 Comme avec d'autres indicateurs, les différences géographiques sont nombreuses : plus Chômage des jeunes, inactivité et NEET de quatre jeunes sur cinq en milieu rural et un sur deux en milieu urbain n'achèvent pas leurs études L'un des obstacles les plus pressants à l'inclusion secondaires. C'est dans ce groupe qu'on retrouve des jeunes est la forte proportion de NEET. Cette la majorité de NEET : 83 % dans les zones rurales catégorie comprend tous les jeunes de 15 à 29 ans et 57 % dans les zones urbaines. D'autre part, les officiellement reconnus comme chômeurs, mais filles restent en général à l'école plus longtemps que xvi| SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES les garçons et ont plus de chances de terminer leurs la fracture entre zones urbaines et zones rurales. études secondaires et universitaires. Les femmes re- L'exclusion des régions de l'intérieur et du Sud de présentent 62 % des étudiants, et 26 % d'entre elles la Tunisie est un moteur fondamental de l'exclu- achèvent leurs études, comparativement à 16,8 % sion sociale, économique, culturelle et politique des des jeunes hommes. jeunes. Les jeunes Tunisiens ont peu de chances de trouver un emploi, surtout à l'intérieur et dans le Les organisations de jeunes et les organisations sud du pays, selon un récent rapport sur les écarts d'élèves et étudiants devraient avoir la possibilité géographiques dans les résultats du marché du tra- d'exprimer leurs préoccupations et de proposer des vail (Banque mondiale, 2013b). En fait, parmi les solutions par rapport aux politiques et règlements causes sous-jacentes de la révolution de 2011 fi- régissant l'enseignement. L'expérience d'autres pays gure la marginalisation géographique, économique à revenu intermédiaire montre que, en dehors du et politique de la société dans certaines parties du fait qu'elle contribue à lutter contre la corruption pays au profit de la région côtière (Ayeb 2011).1 Les et les malversations dans le système scolaire, une jeunes des zones rurales continuent à migrer vers plus grande participation des élèves et étudiants les villes, cherchant à échapper à la campagne mal- dans le fonctionnement des établissements sco- gré le manque d'emplois de qualité dans les zones laires renforce le sens de la responsabilité chez les urbaines. Près de 90,2 % des ménages ruraux in- enseignants et les administrateurs d'écoles, tout en diquent que des membres de la famille proche6 ont offrant aux élèves et étudiants davantage de possi- migré vers les villes, la plupart étant de jeunes frères bilités d'influer sur la conception des programmes et sœurs. scolaires et académiques (La Cava et Michael, 2006, 58-60). Les initiatives prises au niveau de Les écarts entre les sexes restent d'importants l'enseignement secondaire et tertiaire pourraient obstacles à l'égalité d'accès aux opportunités éco- être soutenues par un programme de subventions nomiques. En dépit des politiques tunisiennes sur concurrentiel dont les organisations de jeunes et les l'égalité des sexes, force est de constater que peu de organisations d'élèves et étudiants pourraient solli- jeunes Tunisiennes travaillent. Moins d'une femme citer des financements. sur cinq en Tunisie rurale (18,5 %) et moins de deux femmes sur cinq en milieu urbain (39,8 %) ont un emploi. Les salaires des jeunes femmes sont Opportunités économiques inférieurs d'un quart à ceux des jeunes hommes. En Aptitude, opportunité et dignité sont les principales outre, l'exclusion en raison de leur sexe demeure exigences de l'inclusion des jeunes. L'aptitude et un défi de taille pour les jeunes Tunisiennes qui es- les compétences sont nécessaires pour réussir dans sayent de se faire une place sur le marché du travail. l'économie d'aujourd'hui et pour relever les défis et Près de deux tiers (61,4 %) des femmes interrogées maîtriser les risques d'un monde globalisé. L'éga- indiquent que les femmes sont victimes de discrimi- lité des chances est importante pour surmonter les nation dans la recherche d'un emploi dans le sec- obstacles sociaux et économiques à l'inclusion des teur privé. Pourtant, même dans le secteur public, jeunes et indispensable pour assurer une prospérité près de la moitié (44,4 %) des femmes interrogées partagée au profit de la prochaine génération. La font état de discrimination à l'encontre des femmes. dignité était l'une des principales revendications des Dans les zones rurales, 8,3 % seulement des jeunes manifestations du Printemps arabe à travers la ré- femmes du Sud et 15,4 % de celles des régions de gion, y compris en Tunisie. l'intérieur ont un travail, contre 23,6 % dans la ré- gion côtière. Les disparités régionales entre les gouvernorats des régions de la côte, de l'intérieur et du sud du Les écoles et les universités ne transmettent pas pays constituent le principal obstacle aux opportu- les compétences essentielles permettant de donner nités économiques. Sur de nombreux aspects éco- aux jeunes les outils nécessaires pour relever les nomiques, ces disparités sont plus importantes que défis du marché du travail et passer à l'âge adulte Résumé analytique | xvii et à l'engagement citoyen. Les jeunes critiquent tout dans des secteurs à faibles qualifications : 69 % particulièrement une orientation par trop théorique dans les zones rurales et 85,9 % dans les zones ur- de l'enseignement public, qui insiste peu sur les baines. Force est de relever que le secteur public compétences qui les prépareraient au marché du tra- offre relativement peu d'emplois aux jeunes Tuni- vail. Dans l'ensemble, le découragement des élèves siens - il représente 6,8 % seulement des jeunes et étudiants détermine la nature de leur interaction des zones rurales qui ont un travail et 12,4 % de avec les enseignants. L'orientation professionnelle ceux des zones urbaines. L'agriculture reste un sec- dans les écoles secondaires et les universités est très teur important pour l'emploi des jeunes en milieu limitée, élèves et étudiants reçoivent des conseils rural, même si nombreux sont ceux d'entre eux qui parcimonieux sur leurs cruciaux choix de carrière. veulent le quitter en raison des conditions de travail De nombreuses critiques ont été formulées à l'égard difficiles et de l'image peu reluisante qui lui est col- des réformes successives du système éducatif, que lée. Elle fournit plus d'un cinquième de l'ensemble les élèves et les étudiants ont jugé arbitraires et mal des emplois ruraux occupés par les jeunes Tunisiens pensées et que de nombreux enseignants n'étaient (21,9 %). Les secteurs de la fabrication et des in- pas bien préparés à mettre en œuvre. En effet, même dustries fournissent moins d'un tiers (32,2 %) des les jeunes femmes et hommes qui terminent leurs emplois jeunes dans les zones urbaines de Tunisie et études secondaires et vont à l'université en sortent moins d'un quart (23,8 %) dans les zones rurales. sans compétences pratiques et mal outillés pour af- La plupart des jeunes Tunisiens travaillent dans le fronter le marché du travail. secteur des services, à commencer par le tourisme, qui fournit également la plupart des emplois du sec- Le travail informel s'est généralisé.7 Peu de teur informel. jeunes ont accès à des emplois stables, la plu- part des emplois disponibles étant informels, sans La Tunisie est bien placée pour devenir un cham- contrat. Les quelques emplois formels disponibles pion régional de l'innovation et de l'entrepreneuriat sont proposés avec des contrats à durée détermi- si elle donne sa pleine mesure au potentiel de ses née. Résultat, moins d'un jeune travailleur sur trois jeunes femmes et hommes d'affaires en herbe. Le dispose d'un contrat de travail solide et a accès à la travail indépendant est relativement courant chez protection sociale. Comme on pouvait s'y attendre, les jeunes Tunisiens : un jeune sur dix est un micro le travail informel est plus répandu dans les zones entrepreneur indépendant. Il est à noter que le tra- rurales (71,9 %), où l'emploi agricole et les contrats vail indépendant chez les jeunes femmes est prati- de travail informels à la journée restent la forme la quement inexistant, évalué à 2,2 % seulement dans plus courante d'occupation. Cela dit, même dans les zones rurales et à 1,5 % dans les zones urbaines. les zones urbaines de Tunisie, plus de la moitié des Les technologies modernes pourraient toutefois jeunes qui travaillent sont employés dans l'informel être une voie plus facile pour les jeunes femmes (55,4 %). Les jeunes Tunisiens n'apprécient pas du de se lancer en affaires et de générer des revenus. tout les emplois informels. Le caractère informel Le travail indépendant pourrait également aider à de l'emploi et l'exploitation ont été cités comme la surmonter les disparités régionales. Il est actuelle- principale source de préoccupation par les jeunes ment plus répandu dans la région côtière (12,1 %) travailleurs dans le cadre de la recherche qualitative et dans le Sud (12,1 %) qu'à l'intérieur du pays menée aux fins du présent rapport. (8,1 % seulement). La grande majorité des jeunes Tunisiens salariés Environ 30 à 40 % des jeunes entrepreneurs travaillent à des postes peu qualifiés dans des sec- travaillent dans des secteurs à haut rendement en teurs à faible productivité : 82,5 % des jeunes des moyenne, ce qui témoigne du potentiel de l'en- zones rurales et 67 % des jeunes des zones urbaines trepreneuriat. Plus de la moitié de l'ensemble des travaillent à des emplois qui ne requièrent pas un jeunes travailleurs indépendants exploite de petites diplôme d'études secondaires. Les jeunes femmes entreprises dans le secteur des services, y compris sont particulièrement susceptibles de travailler celui des technologies modernes : 45,4 % dans les xviii 1 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES zones rurales et 52,1 % dans les zones urbaines. emploi et sans diplôme secondaire ou universitaire Seulement un jeune entrepreneur urbain sur cinq représente environ 3,5 fois celui des diplômés uni- travaille dans les secteurs de la fabrication et des versitaires. En outre, un suivi-évaluation rigoureux, industries (20,9 %). Dans les zones rurales, 36,4 une coordination interinstitutionnelle et l'applica- % des jeunes entrepreneurs travaillent dans l'agri- tion de critères font défaut à la plupart de ces pro- culture et la transformation alimentaire ; dans les grammes, ce qui n'incite pas les jeunes à rechercher zones urbaines, ils sont 10,8 %. Cependant, en mi- un emploi. lieu rural, la quasi-totalité des jeunes entrepreneurs travaille dans l'informel, souvent dans des lieux L'entrepreneuriat des jeunes peut jouer un rôle défavorables. important dans la lutte contre leur exclusion tout en renforçant la génération de revenus et la réduc- Les jeunes entrepreneurs ont du mal à accéder tion du chômage des jeunes. Un certain nombre de aux financements, principale difficulté pour créer programmes sont conçus pour accompagner les une entreprise avec succès. Les programmes de entrepreneurs ou les entrepreneurs potentiels. Ce- micro financement existants semblent avoir une pendant, la sensibilisation aux programmes d'en- portée limitée et sont largement perçus comme inef- trepreneuriat existants reste faible, et seulement ficaces. Un tiers des jeunes entrepreneurs se démène un tiers des jeunes des zones rurales et environ la pour faire face au coût élevé de la bureaucratie, y moitié des jeunes des zones urbaines sont au cou- compris les difficultés d'obtention des licences re- rant des programmes existants. L'adhésion à ces quises et la lenteur des procédures administratives. programmes est très faible, en particulier dans les Le niveau d'instruction parmi les jeunes entre- zones urbaines, où un jeune sur cent environ a par- preneurs est relativement faible, et la plupart des ticipé à des programmes d'entrepreneuriat. Sur le jeunes travailleurs indépendants n'ayant pas achevé plan positif, une proportion importante de jeunes leurs études secondaires, il est plus difficile pour en milieu rural qui y ont participé a déclaré avoir eux de participer aux programmes disponibles et bénéficié de programmes de microcrédits. de négocier et gérer l'aide des établissements de microfinance. Une formation supplémentaire à l'en- La jeunesse tunisienne pourrait bénéficier d'une trepreneuriat et un meilleur accès à l'information approche novatrice qui lie l'éducation à l'emploi commerciale seraient utiles aux nombreux jeunes dans le cadre d'une collaboration tripartite entre entrepreneurs. le système scolaire, les établissements techniques et les partenaires locaux.8 En plus des compétences requises en milieu professionnel, dont le travail Programmes sur les compétences pour d'équipe et d'autres aptitudes sociales, la capacité à l'emploi et l'entrepreneuriat résoudre des problèmes, et les aptitudes à l'expres- sion orale et à l'écrit, devraient être intégrées dans La Tunisie a mis en place un vaste dispositif de les programmes d'enseignement. L'apprentissage en programmes actifs du marché du travail (PAMT), cours devrait être fondé sur des projets concrets afin lesquels sont au cœur de sa politique du marché du de permettre aux élèves et étudiants de travailler en travail, mais les avantages perçus restent insuffi- équipe, de résoudre des problèmes, de développer sants. Les PAMT sont pour la plupart inconnus des des aptitudes à la présentation d'exposés, et d'éla- jeunes Tunisiens. La majorité de ces programmes borer des plans d'affaires. Des visites organisées accentuent les disparités géographiques en privi- dans des entreprises en association avec le modèle légiant excessivement les zones urbaines situées le devraient faire partie du programme scolaire ou long de la côte. Seuls quelques programmes sont académique. En outre, un programme de mentorat disponibles pour les jeunes dans les régions de l'in- concernant chaque élève ou étudiant et assuré par térieur et du sud. La plupart des PAMT sont égale- l'entreprise partenaire de son établissement scolaire ment adaptés aux jeunes diplômés de l'université, permettrait d'apporter à l'élève ou à l'étudiant une bien que le nombre absolu de jeunes Tunisiens sans orientation professionnelle approfondie et de lui Résumé analytique | xix Figure 0.1. Politique pluridimensionnelle pour l'inclusion des jeunes 1. Participation et Citoyenneté active • Developpement de communautés de jeunes • Conseils de jeunes pour la participation et l'expression • Droits de l'homme 2. Accès aux Opportunités économiques • Orientation pour l'emploi dans le secondaire et le supérieur • Formations aux compétences 9 ... e Apprentissages/stages • Placement • Entrepreneuriat de jeunes 3. Services-jeunes locaux • Formation aux compétences de vie • TIC et compétences linguistiques • Hygiène de vie • Services juridiques • Mentorat par les pairs • Sports offrir des possibilités de visiter des lieux de travail aux besoins des jeunes avec plus d'efficacité. Les po- et d'apprendre grâce à des stages. litiques en question devraient être reformulées avec la participation des parties prenantes appartenant à la jeunesse - notamment les organes représentatifs Principales recommandations des jeunes - en tant que partenaires dans la prise de Élaboration d'une politique décision. En outre, la mise en œuvre des politiques devrait être soutenue par une gestion des institutions eun ie nse dfondée sur les résultats, renforcée par des méca- jeunesse nismes de coordination interinstitutionnelle étroite Une politique multidimensionnelle de la jeunesse qui réunissent les organismes publics et les jeunes est nécessaire pour réduire les obstacles à l'inclusion autour de la table, et étayée par une collecte systé- des jeunes et faciliter leur contribution à la société matique de données et des systèmes participatifs de tunisienne. La démarche retenue pour le développe- suivi et évaluation. Comme on l'a souligné dans la ment de la jeunesse est maintenant prête à évoluer, figure 0.1, une politique multidimensionnelle de la passant des initiatives fragmentaires à un ensemble jeunesse comprendra les trois grands axes suivants : intégré de politiques et d'investissements qui permet 1) participation et citoyenneté active ; 2) accès aux d'optimiser l'emploi des ressources financières. Pour opportunités économiques ; et 3) services adaptés assurer l'équité, cette exigence sera prise en compte aux jeunes au niveau local. au mieux grâce à des politiques nationales de jeu- nesse et à toutes réformes connexes qui transcendent Ces trois dimensions d'une politique d'inclusion les secteurs tout en ayant un point de mire commun, des jeunes, qui englobent la participation, les op- à savoir l'inclusion des jeunes. Ces politiques et ré- portunités économiques et les services adaptés aux formes devront également compléter des politiques jeunes, exigent un ensemble spécifique de mesures sectorielles, telles que celles de l'éducation, de l'em- à prendre à l'échelle nationale et surtout au niveau ploi et du développement régional, afin de répondre local, comme indiqué ci-dessous. xx I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Participation, voix et citoyenneté Accès aux opportunités économiques Niveau local Niveau local • Développement communautaire impulsé par • Services d'orientation professionnelle dans les jeunes les écoles secondaires en partenariat avec le secteur privé et des ONG • Programme de subventions concurrentiel pour soutenir la capacité des organisations * Développement communautaire impulsé par non gouvernementales (ONG) à intervenir des jeunes et prenant en compte la parité des ou à offrir des services aux jeunes victimes sexes, avec également des incitations telles d'exclusion que de petits transferts monétaires • Canaux institutionnels pour influer sur la po- * Placement de travailleurs litique locale (conseils locaux de la jeunesse, par exemple) • Entrepreneuriat individuel et collectif tenant compte de la parité des sexes, grâce à des sub- • Protection juridique pour les jeunes défavori- ventions à la constitution de fonds propres et sés en conflit avec la loi à l'accès aux financements • Établissement de la confiance entre les jeunes, * Apprentissages et stages adaptés aux jeunes les autorités locales et la police moins instruits et aux NEET suivant des for- mules tenant compte de la parité des sexes • Initiatives conjointes en faveur de la jeunesse entre organisations confessionnelles et non confessionnelles Niveau national * Services d'orientation professionnelle dans Niveau national les universités à travers des partenariats entre le secteur public, le secteur privé et des ONG • Appui aux capacités des ONG nationales dirigées par des jeunes et établissement de * Accès à l'information (par exemple, sui- coalitions vi-évaluation rigoureux, données et dialogue sur la politique de l'emploi pour les jeunes et • Programme de subventions concurrentiel programmes actifs sur le marché du travail pour venir en aide aux associations d'élèves, d'étudiants et de jeunes • Consultation et participation des jeunes (y compris par des voies virtuelles) au sujet de • Organes consultatifs d'élèves et étudiants la réforme du marché du travail au niveau de l'enseignement secondaire et tertiaire * Remontée de l'information depuis les bénéfi- ciaires et suivi-évaluation • Voix en ce qui concerne la politique natio- nale et les réformes (par exemple, à travers les conseils nationaux de la jeunesse) Résumé analytique | xxi Services adaptés aux jeunes la fois les systèmes politique, économique et social. Les jeunes doivent avoir leur place dans ce processus Niveau local de renouveau, à la fois pour y participer pleinement Services adaptés aux besoins des NEET et et pour en bénéficier. Les enjeux ne sauraient être autres jeunes défavorisés, en particulier les plus importants, qui voient s'affronter, d'un côté, la jeunes femmes inactives, avec la participation possibilité d'une économie productive et équitable des jeunes (aptitudes pour la vie courante, et d'une société politique et civile dynamique, et, de technologies de l'information et de la com- l'autre, le risque d'une polarisation, d'une frustra- munication et apprentissage en ligne, apti- tion et d'un cynisme croissants. La Tunisie a tout à tudes en entrepreneuriat et employabilité, gagner d'une évolution constructive qui saura mo- services d'aide juridique, mentorat par les biliser l'énergie, la conscience citoyenne, la bonne pairs, activités culturelles, bénévolat et sport) volonté et l'engagement des jeunes hommes et femmes auxquels ce rapport rend témoignage. Niveau national Notes • Renforcement des capacités des ONG four- 1. Article 8 de la nouvelle Constitution tunisienne, 27 janvier nissant des services à la jeunesse 2014. 2. L'Assemblée nationale tunisienne a adopté la nouvelle loi élec- • Normes de qualité du contenu torale le 1er mai 2014 (Jasmine Foundation 2014). 3. Cet indicateur est préférable aux mesures traditionnelles du • Certification des compétences chômage parce qu'il montre l'ampleur des problèmes potentiels sur le marché du travail des jeunes. 4. Par éducation de base, on entend les classes allant de la • Remontée de l'information depuis les bénéfi- première à la neuvième année d'études. ciaires et suivi et évaluation 5. L'appellation « révolution du jasmin » n'apparait guère ap- propriée, dans la mesure où elle fait référence à la plante que Si, grâce à la révolution, la jeunesse tunisienne a l'on trouve sur la côte septentrionale de la Tunisie, à savoir la région relativement prospère du pays. Ayeb fait valoir que le pu entrevoir les perspectives d'un nouvel avenir, ce- terme « révolution de l'alfa » serait plus approprié, l'alfa étant lui-ci reste à bâtir dans une large mesure. C'est une une plante qui pousse dans les régions intérieures de la Tunisie. tâche qui ne peut être accomplie par les seuls jeunes, 6. La notion de famille proche englobe les enfants, le conjoint et pas plus qu'elle ne peut l'être sans eux. Ce n'est pas les parents du chef de ménage. non plus une entreprise que l'État peut mener à bien 7. Ce rapport fait référence au caractère informel de l'emploi sur la base des réponses recueillies dans le cadre de l'enquête tout seul. De nouvelles formes de partenariat entre à la question de savoir si la personne interrogée disposait d'un l'État, le secteur privé, la société civile et les collec- contrat de travail écrit formel. tivités seront nécessaires pour concevoir et exécuter 8. Voir Litow 2013. la mission qui attend la Tunisie, à savoir réformer à  CAPIR Inte.utio 2 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Qu'est-ce qu'une révolution ? Pourquoi sommes-nous descendus dans la rue ? Pour « l'emploi, la liberté et la dignité nationale » ! Mais que signifie ce slogan ? Nous voulons une répartition égale de la richesse, un plan de développement équitable entre les régions: les régions de l'intérieur, entre la Tunisie prospère et l'autre Tunisie. Étudiant à l'université, Tunis' 1.1 Contexte et objectif On peut considérer le manque d'opportunités pour la jeunesse comme l'une des causes profondes La Tunisie d'avant la révolution était saluée par les de ce mécontentement. La Tunisie affichait un taux institutions internationales pour ses avancées consi- de chômage particulièrement élevé chez les jeunes, dérables sur le plan de la croissance économique et de 30,7 % (chez les 15-24 ans), contre une moyenne du recul de la pauvreté. Entre 1997 et 2007, son de 14 % pour l'ensemble de la population, avec un produit intérieur brut (PIB) a progressé au rythme ratio du chômage des jeunes par rapport à celui des annuel de 5 %, en moyenne, faisant de ce pays l'un adultes de 3,2 (Banque mondiale, 2010b). L'en- des plus performants de la région Moyen-Orient et quête de 2005-09 sur la population active a indiqué Afrique du Nord (moyenne régionale de 4,3 %). En que 85 % des chômeurs avaient entre 15 et 35 ans 2009, le revenu par habitant des Tunisiens s'est lé- (Angel-Urdinola, 2012). Elle a également révélé une gèrement dégradé. À 7 200 dollars, il s'est rappro- montée du chômage des jeunes sur cette période, et ché de son niveau de 2005. Cette baisse globale n'a une baisse dans les cohortes plus âgées. En particu- toutefois pas été spectaculaire, et le revenu par ha- lier, le taux de chômage des 15-24 ans est passé de bitant est resté plus élevé que dans les pays voisins 28 à 31 %, et celui des 25-34 ans de 17 à 19 %. Les (à l'exception de la Libye), surpassant celui de l'Al- sondages d'opinion ont mis en lumière l'importance gérie (6 600 dollars), du Maroc (3 800 dollars) et de cette situation sur le plan politique : dans l'un de l'Égypte (4 900 dollars). En Tunisie, l'espérance de ceux réalisés après janvier 2011, les répondants de vie et le taux d'alphabétisation étaient aussi bien estimaient majoritairement que cette révolution meilleurs que dans d'autres pays arabes. avait été déclenchée par la jeunesse (96 %), par les chômeurs (85,3 %) et par la population défavorisée En janvier 2011, la Tunisie a pourtant été le (87,3 %) (SIGMA Group, 2011). théâtre d'une révolution, motivée dans une large mesure par un sentiment d'exclusion sociale, éco- Mais le chômage était loin d'être le seul facteur. nomique et politique enraciné depuis longtemps. Selon des observateurs arabes, le soulèvement de Fait significatif, ce mouvement révolutionnaire a la jeunesse tunisienne a constitué une réaction au été déclenché par la colère et le désespoir d'un jeune sentiment de se heurter à des portes closes, car les de 26 ans, qui vendait des fruits et légumes à Sidi jeunes ne pouvaient pas faire entendre leur voix, Bouzid, dans l'un des gouvernorats les plus défavo- ni exercer une citoyenneté active (Bamyeh, 2011). risés du pays. Cet événement a trouvé un écho chez Menée auprès de 10 000 d'entre eux (15-29 ans), les nombreux Tunisiens confrontés à des difficultés l'enquête de 2005 de l'Observatoire national de la analogues dans leur vie quotidienne, et suscité des jeunesse (ONJ) a fait état d'une faible participation vagues de protestation (Saleh, 2010). Ces protes- des jeunes aux décisions les touchant directement, tations n'avaient toutefois rien de nouveau : dès de leur très modeste présence dans les associations 2008, de jeunes chômeurs avaient pris part à des et de la pénurie de structures leur permettant d'ex- manifestations à Gafsa, un bassin minier déshérité primer leur avis. Elle a en outre montré que les qui enregistre aujourd'hui encore l'un des plus forts jeunes envisageaient généralement l'avenir avec taux de chômage du pays (Filiu, 2011). moins d'optimisme qu'en 2000. De même, en 2007, Introduction | 3 Figure 1.1. Carte de la Tunisie BIRD 41150 6'E 8°E 1OE 12°E Mer Méditerranée TNORDc Golfe de Tunis Tabjarka ['Ariana r- «Bela PaNISri Ben Arous gAIA) Jendouba EST L O Nabeul NORD gZoghan- le Kf iin Golfe de Hammamet 36°N TUNISIElaa3° Sousse36'N Kairouan e Monastir Thala El Djemo Kasserine Sidi 0Bouzidl ies de Kerkennah ,GafsaMarè SkiaGolle de 34TN 34°N Tozeur Gbè Houmt Souk 0El Hmma ile de Djerba Chott el-Jérid 0Kebili ALGER!IE Medenine 25 50 75 100 Kilomåtres taouie o 25 50o 75 Miles or TUNISIE Borma LÉGENDE: 0E om RÉGION C6TItRE RÉGION INTÉRIEURE L I BYE RÉGION SUD \ - LIMITES ÉCONOMIQUES RÉGIONALE o VILLES 0 CAPITALES DES GOUVERNORATS ® CAPITALE DU PAYS GSDPM FLEUVES ET COURS D'EAU 11 1*OfMr aementif,mfpnhwhpdnt.te. 6nemnplrn.td FRONTÈRES DES GOUVERNORATS . ipfod"4sed.kIadajp m.i-Patmc - - FRONTItRES INTERNATIONALES '' ' SEPTEMBRE 2014 4 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES un rapport des Nations Unies a souligné le déficit 1.2 Comment définir l'inclusion de participation active des jeunes aux processus dé- des jeunes ? cisionnels locaux, municipaux, régionaux et natio- naux, leur manque de contribution à l'élaboration, Ce rapport adopte une approche multidimension- à la mise en œuvre et à l'évaluation des services et nette pour mettre au jour et éliminer les obstacles programmes qui leur étaient destinés, leurs maigres sociaux, économiques, politiques et culturels aux- opportunités d'action bénévole ou au service de la quels se heurtent les jeunes Tunisiens. Pour définir collectivité, et le manque de consultations (Nations et appréhender la jeunesse arabe, on a recours à Unies, 2007). Il convient donc d'appréhender les re- différents paradigmes qui envisagent cette catégo- vendications des jeunes et leur demande de dignité rie de la population sous l'angle, tour à tour, de dans un contexte plus large qui prend en compte, l'« explosion » et du « dividende » démographique, d'une part, l'absence de moyens d'expression ci- des structures de formation du capital humain (ce toyenne qui leur permettraient d'influer sur la tra- qui inclut les échecs de l'éducation nationale et de jectoire de leur pays, et, d'autre part, l'opacité de l'emploi), d'un état de transition vers l'âge adulte l'administration publique. (la jeunesse arabe constitue une « génération en attente ») ou encore d'un ensemble d'identités Menée en 2012/2013, la présente étude d'orien- et de sous-cultures jeunes.2 Individuellement, ces tation a ainsi un triple objectif: 1) repérer et analyser paradigmes comportent certaines limites analy- les principaux obstacles à l'inclusion des jeunes Tu- tiques, la marginalisation associée à l'exclusion nisiens et Tunisiennes (15-29 ans), en s>intéressant sociale intervenant en général sur plusieurs fronts spécifiquement à la participation, à la citoyenneté simultanément (figure 1.2). Selon une interpréta- active et aux opportunités économiques ; 2) évaluer tion convaincante des soulèvements de la jeunesse l>accessibilité, la qualité et l>impact de divers ser- arabe, les jeunes font tous « un récit générationnel vices et programmes pour les jeunes, dont les pro- de l'exclusion, qui traverse la vie publique et privée, grammes actifs du marché du travail, et 3) énoncer et résulte des échecs politiques, économiques et so- à l'intention des autorités des recommandations sur ciaux des régimes autoritaires » (Murphy, 2012). les moyens de lever ces obstacles. Par voie de conséquence, les politiques qui ne prennent en compte qu'un seul aspect de la margi- Cette étude analyse les aspirations et les besoins nalisation, comme l'amélioration de l'accès à l'édu- de la jeunesse tunisienne, au vu des facteurs d'ex- cation, peuvent avoir une portée trop limitée pour clusion fondamentaux, de nature non économique combattre l'exclusion dans son ensemble (Banque et économique, qui ont été à l'origine de la révolu- mondiale, 2013f) .3 tion. Elle est en particulier axée sur: La présente étude recourt à une combinaison • la montée en puissance du militantisme chez de méthodes de recherche quantitative et qualita- les jeunes en dehors des institutions politiques tive, ainsi qu'à une évaluation des programmes et formelles, et la nécessité de les accompagner services actuels destinés à la jeunesse, afin de poser pour qu'ils passent de la protestation à une une série de questions : pourquoi les jeunes conti- citoyenneté active ; nuent-ils d'être actifs principalement à l'extérieur des institutions formelles ? Quels sont les canaux • les jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni en em- nécessaires pour leur permettre de mieux faire en- ploi, ni en formation (les « NEET »), en ce tendre leur voix dans les processus décisionnels ? qu'ils constituent catégorie la plus exclue sur Pourquoi certaines catégories de jeunes sont-elles le plan économique, et la nécessité d'assurer surreprésentées parmi les inactifs et les chômeurs leur intégration socioéconomique grâce à des ou les travailleurs du secteur informel ? Quel est politiques et programmes adaptés. le degré d'efficacité des politiques publiques face aux difficultés de la jeunesse ? Tout en se fondant sur des mesures quantifiées, l'analyse s>efforce d'éviter l>écueil de prescriptions technocratiques Introduction | 5 Figure 1.2. Dimensions de l'exclusion Économiique quivnea ferenua coa icusd ajues nevnin etne u lsecu.Namis eux-mees. cdsonprssentan 'uteishre.Silonvu p Statut de l'emploi Inlactivité •Disparités spatiales Social Politique " Réseau social " Age et dérnog raphie " Gen re •Ethnicité •Handicap Source : Banque mondiale 2014. qui ne feraient pas écho aun ds e la jeunesse interventions destinées aux plus exclus. Néanmoins, en s>appuyant fortement sur les interprétations et l'amélioration d'une source d'exclusion ne conduira les solutions qui émanent des jeunes interrogés pas toujours à l'inclusion si des dynamiques d'ex- eux-mêmes. clusion persistent dans d'autres sphères. Si l'on veut promouvoir l'inclusion des jeunes,dilcfautdes onnées inter- Pour favoriser l'inclusion des jeunes, il faut re- ventions qui remédient en même temps à tout un pérer les multiples dimensions de leur exclusion. éventail de dynamiques d'exclusion, en permettant La figure 1.2 illustre les différentes dynamiques aux jeunes de mieux faire entendre leur voix et de d'exclusion de la jeunesse tunisienne. On ne re- participer davantage aux processus décisionnels qui trouve pas toutes ces dynamiques chez tous les les concernent directement. Les données présentées jeunes, mais certains souffrent d'une exclusion qui ici indiquent que ces interventions doivent rétablir concerne plusieurs voire la totalité des sphères poli- la confiance entre la jeunesse et les institutions pu- tique, économique, sociale et culturelle. Ainsi, ceux bliques, afin que les jeunes aient le sentiment de qui sont sans emploi et hors du système scolaire ou pouvoir agir et qu'ils se sentent responsables. Ce de formation peuvent simultanément être laissés- rapport souligne l'importance de les encourager à pour-compte sur le plan social, issus d'une famille faire entendre leur voix, à participer et à s'engager pauvre et absents des réseaux sociaux, ce qui les dans une citoyenneté active pour mettre fin à leur empêche d'accéder à des opportunités sur le marché exclusion socioéconomique. du travail. Ce sont probablement les jeunes les plus marginalisés et les moins autonomes. Il est essentiel Le présent rapport s'intéresse aux jeunes Tuni- de prendre conscience de l'hétérogénéité des situa- siens de 15 à 29 ans. L'analyse de cette classe d'âge tions pour cibler avec le maximum d'efficacité les rend mieux compte des problèmes d'exclusion et 6 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES de transition différée vers l'autonomie socioéco- les principaux obstacles à l'inclusion des jeunes nomique que l'analyse des 15-24 ans à laquelle se femmes et hommes de différents milieux, tout en consacrent d'autres études et enquêtes (par exemple permettant de mieux comprendre le mécontente- Banque mondiale, 2012c). D'après de récentes es- ment des jeunes et leur sentiment d'être exclus des timations, en Tunisie, les 15-29 ans représentent opportunités sociales, économiques et politiques, 29 % de la population totale et 43 % de la po- qui ont été le moteur de la révolution tunisienne. pulation d'âge actif (figure 1.3).4 Les jeunes d'au- C'est en effet l'immolation d'un jeune vendeur am- jourd'hui forment l'une des plus vastes cohortes bulant à Sidi Bouzid, à l'intérieur du pays, qui a du pays, aux prises avec des problèmes sociaux, déclenché la révolte de la jeune génération vivant économiques, culturels et d'action publique très dans les régions marginalisées (Ayeb, 2011). spécifiques, dont bon nombre n'ont pas encore été résolus. L'analyse introduit un indicateur plus complet de l'exclusion économique des jeunes. Cet indica- Les jeunes Tunisiens ne constituent pas un teur, qui figure parmi ceux pris en compte dans les groupe homogène. Bien que la situation des diplô- objectifs du Programme de développement mondial més de l'université qui sont au chômage soit souvent pour l'après-2015, est la proportion des jeunes qui le thème dominant des politiques et des discours ne sont « ni scolarisés, ni en emploi, ni en forma- nationaux, d'autres groupes socioéconomiques tion » (selon l>expression anglaise not in education, parmi les jeunes sont confrontés à des problèmes employment or training ou « NEET »). Il va au- d'insertion qui leur sont propres. Ce rapport éta- delà de la définition étroite du chômage des jeunes, blit des catégories spécifiques de jeunes exclus, en laquelle n'englobe pas la jeunesse découragée qui ne les classant en fonction de différents aspects : dis- cherche plus de travail. Cet indicateur permet une parités régionales, disparités entre les sexes, écarts évaluation plus précise de l'inactivité qui prend en en termes d'accès et d'opportunités, situation au compte la jeunesse découragée et sans illusions qui a regard de l'emploi et de l'éducation, et niveau d'ins- jeté l'éponge et ne cherche plus d'emploi dans le sec- truction. Cette grille d'analyse aide à déterminer teur formel (ou tout autre emploi) (Nations Unies, 2013). Actuellement, la Tunisie affiche l'un des taux de NEET les plus élevés de la région Moyen- Orient et Afrique du Nord : il est estimé à environ Figure 1.3. Population de la Tunisie, 33 % du nombre total des 15-29 ans d'après les par classe d'âge calculs de la Fondation européenne pour la forma- tion (ETF, 2014). Même si les jeunes très instruits 600 500 400 300 20 100 0 , , sont eux aussi victimes d'exclusion, ils sont moins 100+ susceptibles de tomber dans la sous-catégorie des 90-94 @Femme MHomme NEET que ceux ayant un faible niveau d'instruc- 80-8 tion. Les jeunes qui abandonnent tôt l'école sont en 70 revanche les plus représentés dans cette sous-caté- gorie, et une récente étude réalisée conjointement par l'Observatoire national de l'emploi et des qua- lifications (ONEQ) et par l'Organisation interna- tionale du travail (OIT) fait état de la rareté des instruments de politique publique actuellement destinés aux NEET (ONJ-Forum sur les sciences , , ,,sociales appliquées, 2013). La figure 1.4 présente 0 100 200 300 400 500 600 les taux de NEET parmi les Tunisiens en âge de tra- Source Division des Nations Unies pour la population. vailler, en comparant les jeunes (15-29 ans) et les 2010 World Population Prospects. plus de 30 ans.5 Dans tout le pays, les jeunes sont Note: Measureé en '000, anné 2010, variante moyenne. environ 2,5 fois plus susceptibles de faire partie Introduction | 7 Figure 1.4. Proportion de NEET dans la population d'âge actif, par catégorie de jeunes et par sexe 100- 90 88,6 81,5 80- 70- 69,0 60- 60,2 504- M Jeune homme 40 - Jeune femme %D- 40- 34,6 Homme: 30 ans et plus 30- M Femme: 30 ans et plus 20 - 13,1 10 Rural Urbain Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Jeunes 15-29. Comparaison avec le groupe des 30-59. des NEET que les hommes de plus de 29 ans.6 En y sont dépeints comme résultant de la marginalisa- outre, les jeunes femmes sont près de deux fois plus tion. Une partie des travaux existants, qui s'appuie souvent des NEET que les jeunes hommes. Cepen- principalement sur des entretiens approfondis, rend dant, parmi elles, le taux de NEET est légèrement également compte du vécu subjectif d'un jeune chô- plus faible que chez les femmes de plus de 29 ans, meur marginalisé et vulnérable (Melliti, 2011). La ce qui semble indiquer une évolution du rôle des reconnaissance, par opposition à l'invisibilité d'un femmes dans la société tunisienne. La proportion jeune au chômage ou inactif, est également une des NEET reste toutefois très élevée même chez les notion mentionnée dans ce contexte. La situation jeunes femmes (60,2 % dans les zones urbaines et critique des diplômés au chômage est aussi perçue 81,5 % dans les zones rurales). en termes de justice sociale comme la rupture d'un contrat social avec un État qui a encouragé l'éduca- Ce rapport contribue aux recherches et aux tion tertiaire en tant que moyen d'accès à la sécurité études de l'action publique portant sur la partici- de l'emploi (Dhillon et Yousef, 2009). pation, l'éducation, l'emploi et les politiques du marché du travail pour les jeunes en Tunisie. Les notions d'inclusion sociale et d'exclusion sociale 1.3 Données et méthodologie sont rarement utilisées dans la littérature spécialisée Cette étude s'appuie sur des données primaires ob- francophone, comme dans celle en langue arabe, tenues par des méthodes de recherche qualitative et consacrée à la Tunisie. La littérature en arabe tend quantitative, ainsi que sur des sources secondaires. à se concentrer sur les traditions locales, sur l'iden- L'annexe 1 récapitule les sources des données. Les tité et sur le patrimoine culturel. Dans le courant dominant de la recherche sociale francophone, la question de l'inclusion/exclusion sociale est, elle, Une enquête quantitative sur les jeunes cita- envisagée essentiellement par le prisme de l'intégra- tion ou de la marginalisation économique des jeunes en 2012-13 (THSYUA). (Mahfoudh-Draouti et Melliti, 2006). La déscolari- sation, le chômage, l'inactivité et le travail précaire 8 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES • Une enquête quantitative sur les jeunes vivant ordre décroissant. Le chapitre 3 expose la gravité de en milieu rural issus de 1 400 ménages ruraux la situation des jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni en de Tunisie, réalisée en 2012-13 (THSYRA). emploi, ni en formation. Le chapitre 4 décrit les op- portunités économiques qui s'offrent à la jeunesse • Une composante qualitative, visant à faire té- tunisienne, dresse un état des lieux de l'emploi et moigner les jeunes sur la façon dont ils vivent de l'entrepreneuriat, y compris du travail informel, leur inclusion ou leur exclusion sociale, vient ainsi que des écarts entre les sexes et entre les ré- compléter et expliquer les constats quantita- gions, en présentant les données socioéconomiques tifs. Elle a consisté en 21 groupes de discus- et éducatives pertinentes. Le chapitre 5 se penche sion et 35 entretiens individuels en 2012, qui sur les programmes et les services pour l'emploi, ont inclus au total 199 jeunes vivants dans tels que les programmes actifs du marché du travail, sept régions de la Tunisie. en particulier sur leur qualité et leur impact. Pour finir, le chapitre 6 tire des conclusions et énonce • Un examen documentaire des institutions et des recommandations qui soulignent la nécessité de des programmes destinés à la jeunesse tuni- prendre en compte l'imbrication des différentes di- sienne, effectué en 2012. mensions de l'exclusion en mettant à la fois l'accent sur le rôle de politiques et d'institutions inclusives Le présent rapport compare la situation des pour les jeunes et sur la nécessaire participation de jeunes dans les zones rurales et urbaines, ainsi que la jeunesse à la prise de décisions. dans diverses régions géographiques. La Tunisie compte 24 gouvernorats regroupés en sept régions administratives, comportant chacune plusieurs gou- Notes vernorats contigus. Pour les besoins de ce rapport, 1. Cité dans British Council, 2013, p. 34. les gouvernorats sont réunis en trois régions d'en- 2. Les travaux suivants illustrent les divers paradigmes servant quête distinctes (la côte, l'intérieur et le Sud) sur à analyser la dimension relative aux jeunes : Assad et Roudi-Fa- la base des différences structurelles que présente le himi, 2009 ; Dhillon et Yousef, 2009 ; Banque mondiale, 2007. pays sur le plan des disparités régionales et de l'in- 3. Ce rapport s'appuie aussi sur le cadre des problèmes so- cioéconomiques (problèmes de compétences propres à un em- clusion sociale et économique.7 L'analyse se fonde ploi, manque de demande de main-d'œuvre et problèmes sociaux aussi sur les deux enquêtes distinctes citées précé- du côté de l'offre) et sur les interventions repérées par Cunning- demment et menées dans les villes et les campagnes ham et al., 2010. du pays. 4. Données provenant de Nations Unies (2010), base de données World Population Prospects (Perspectives relatives à la popula- tion mondiale), estimations de 2010. Les 15-24 ans représentent près de 20 % de la population totale. 1.4 Structure du rapport 5. En Tunisie, l'âge officiel de départ à la retraite est de 60 ans pour les hommes comme pour les femmes. La structure du rapport reflète les différentes di- 6. Dans les zones rurales, 20,6 % des hommes d'un certain âge mensions de l'inclusion des jeunes. Le chapitre 2 sont des NEET, contre 46,9 % des jeunes hommes, soit un ratio analyse dans quelle mesure les jeunes Tunisiens des NEET de 2,3. Dans les zones urbaines, le ratio est de 2,6 peuvent faire entendre leur voix et participer ; il (respectivement 13,1 % et 34,6 %). met n éidece àla oisles robème qu'ls en- 7. Dans ce rapport, le Nord-Ouest, le centre-Ouest et le Sud- met en évidence à la fois les problèmes qu'ils ren- asdu pays sont désignés collectivement par l 'intérieurd- contrent et les possibilités dont ils disposent pour ou par « région de l'intérieur ». Pour les besoins d'une partie de contribuer à la vie citoyenne et politique. Le rap- l'analyse, le Nord-Est, qui inclut l'agglomération de Tunis, est port s'intéresse ensuite aux différentes catégories de considéré séparément du reste du Sud-Est. Le Centre-Est corre- pors cspond à la côte ou région côtière. jeunes concernés par l'exclusion économique, par CAPIA fn entende lerv*xe sen es ciyn acif 10|1SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Nous devons avancer main dans la main pour concrétiser les objectifs de la révolution. Nous devons être actifs dans la société, travailler dans des associations. Nous ne devons pas être divisés, car les enjeux sont considérables pour notre pays. Il faut réveiller la population, et c'est le rôle de la classe politique. La population doit comprendre que le pays traverse une phase critique, et doit s'investir dans ces efforts d'organisation, se montrer moins égoïste et faire triompher les idéaux de la révolution. Lycéenne, Mahdia (région côtière de la Tunisie) Depuis 2010, la jeune génération tunisienne a été communauté et à la vie publique. On entend par aux avant-postes du changement social, et n'a eu « inclusion » la capacité de la jeunesse à apporter de cesse d'exprimer sa volonté de prendre une part sa contribution à la société et à en retirer recon- active à la vie publique. Pourtant, comme le montre naissance et dignité. Cette inclusion suppose aussi ce chapitre, au début de l'année 2013, c'est-à-dire à d'avoir confiance dans les initiatives économiques la date à laquelle la collecte des données nécessaires et d'y prendre part. Elle revient en fait à une « ci- à cette étude a été achevée, les jeunes estimaient que toyenneté active », laquelle est définie plus précisé- les canaux institutionnels qui leur permettraient ment à l'encadré 2.1. Dans le contexte récent de la de participer effectivement à la vie de la Tunisie Tunisie, la citoyenneté active peut être considérée d'après la révolution faisaient toujours défaut, et comme l'engagement social visant à concrétiser les exprimaient leur défiance vis-à-vis des institutions idéaux de la révolution. politiques et publiques du pays (Parker, 2013). De nouvelles données empiriques recueillies à L'inclusion des jeunes a des conséquences écono- l'échelle mondiale viennent valider la corrélation miques, politiques, sociales et culturelles directes, positive entre l'exercice d'une citoyenneté active et et elle passe par l'existence de canaux institu- la situation économique des jeunes, et en particulier tionnels permettant une participation active à la ceux qui ne sont ni scolarisés, ni en emploi, ni en Encadré 2.1. Qu'est-ce qu'une citoyenneté active ? Le Forum européen de la jeunesse, qui est l'une des plateformes de défense des droits des jeunes les mieux établies et les plus influentes au monde, définit la citoyenneté active comme un statut juridique et comme un rôle. Pour que les individus puissent « s'engager, participer et exercer une influence », il faut que des comportements et des dispositions institutionnelles spécifiques soient en place. Cette dé- finition de la citoyenneté englobe également la relation d'un individu avec les autres et avec le marché du travail, ainsi que des questions d'identité culturelle, sachant que les individus appartiennent et par- ticipent à plusieurs communautés (sociale, économique et culturelle). La citoyenneté définie comme un statut au sein de la communauté politique, juridique et sociale repose sur un ensemble de règles de droit qui régissent l'appartenance à cette communauté. Parmi ces règles, on peut citer des droits juri- diques, par exemple la liberté d'expression, d'opinion et de religion, ainsi que la liberté de posséder des biens, mais aussi des droits politiques, par exemple le droit de participer et d'exercer le pouvoir. Source : Forum européen de la jeunesse, 2002b. Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 11 formation (les « NEET »). Selon une analyse éco- servent de refuge face à l'instabilité, et valorisent nométrique récente, les progrès des libertés civiles, le mérite, le travail, l'innovation, l'individualisme qui s'ajoutent aux libertés économiques résultant et la quête de l'autonomie. Si elles ne sont pas très de l'allègement de la fiscalité et de la stabilité des nombreuses, des opportunités de participation à la prix, conduisent à long terme à un repli significatif vie de la communauté et aux processus politiques de l'inactivité des jeunes (c'est-à-dire du nombre des existent néanmoins à l'échelle locale et nationale, et NEET). En droite ligne de ces constats, la Banque elles se multiplient. Les deux facteurs essentiels qui mondiale estime que si l'on porte le degré de li- influent directement sur la participation des jeunes berté dans différentes régions en développement à la vie de la société sont la confiance dans les insti- au niveau de celui observé dans les pays dévelop- tutions et le recours aux réseaux sociaux. pés, l'inactivité de la jeunesse devrait être divisée par plus de deux dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord ainsi qu'en Afrique subsaharienne, 2.1 Confiance dans les institutions ou reculer de 30 % en Amérique latine (Ivanic et La Cava, à paraître). Les données d'enquêtes quan- La citoyenneté active requiert de la confiance et la titatives disponibles pour la Tunisie ne permettent volonté de coopérer de manière constructive avec pas d'évaluer rigoureusement la relation de cause à les institutions. Si la jeunesse ne nourrit pas un mini- effet entre les libertés civiques (qui sont la condition mum de confiance dans les institutions, à savoir les d'une citoyenneté active pour les jeunes) et le recul personnalités politiques localesess tribunaux, la po- de l'inactivité de la jeunesse à l'échelle nationale. lice et les groupes politiques ou confessionnels, il lui Toutefois, les données mondiales incitent à conclure sera difficile de s'engager dans un travail constructif qu'à mesure que les libertés civiles s'enracineront auprès d'elles. La confiance est une condition indis- dans le pays, surtout sous l'effet des nouvelles dis- pensable à la citoyenneté active, sans laquelle les positions constitutionnelles, le nombre des NEET jeunes ne peuvent pas agir pour résoudre les pro- devrait amorcer une décrue substantielle. blèmes qui touchent leur communauté ou leur pays. Les institutions doivent gagner cette confiance. Les Si les perspectives de la Tunisie paraissent pro- inégalités de traitement, l'injustice ou les violences metteuses, ce chapitre montre que des obstacles non policières érodent la confiance dans les institutions négligeables empêchent toujours la jeunesse tuni- et, lorsque la confiance fait défaut, les sociétés ont sienne d'exercer pleinement une citoyenneté active. tendance à recourir à l'affrontement. Pendant les entretiens, les jeunes ont parlé de décep- tions et de rêves brisés, car ils ne cessent de se heur- A l>instar de leurs pairs dans la région Moyen- ter à l'injustice sociale, au manque d'opportunités Orient et Afrique du Nord, les jeunes Tunisiens pour l'action civique et politique, et au chômage, n>ont guère confiance dans les institutions pu- dont ils ont impression qu'il est exacerbé par le fa- bliques. Selon le sondage mondial Gallup 2013, voritisme et le régionalisme. La profonde fracture les scores obtenus dans la région Moyen-Orient que l'on perçoit entre l'ancienne génération, qui est et Afrique du Nord ainsi qu'en Afrique subsaha- aux commandes, et la jeune génération qui sent que rienne pour la perception des jeunes concernant le les opportunités lui sont refusées et n'a pas voix sur niveau de vie, l'appréciation de la vie, le bien-être les choix déterminants pour l'avenir, constitue égale- social, l'attachement à la communauté, le bénévo- ment un problème critique auquel il faut remédier si lat et la confiance dans le gouvernement national l'on veut stabiliser le pays sur la durée. sont inférieurs à ceux d'autres régions. De plus, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, une propor- Dans le même temps, les recherches qualitatives tion de jeunes supérieure à la moyenne du continent montrent qu'indépendamment du sexe ou de la ré- font état d'une dégradation de leur niveau de vie gion, les jeunes Tunisiens ont développé tout un en- en 2013, par comparaison à 2012, et d'un recul de semble de stratégies pour faire face à leur situation. la confiance dans le gouvernement national (Gallup Ces stratégies conjuguent famille et religion, qui World Poll, 2013). 12 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Les jeunes Tunisiens comptent sur leur famille Figure 2.1. Confiance dans les institutions et sur les institutions religieuses. Ce sont l'armée, publiques et religieuses l'imam local et les organisations confessionnelles qui recueillent le niveau de confiance le plus élevé Universités anque ONG de la part de la jeunesse (jusqu'à 80 %), soit un niveau presque équivalent au capital de confiance Écoles % Pays dont bénéficie la famille (figure 2.1). En revanche, la confiance dans les institutions politiques se situait Organisation à son niveau plancher au moment où les données religieuse Famille ont été collectées : seulement 8,8 % des jeunes des zones rurales et 31,1 % des jeunes citadins faisaient Press Imam confiance aux institutions politiques. Dans les zones urbaines tunisiennes, environ 80 % des jeunes es- Politics Justice - Rural timent que les écoles et les universités constituent " Urbain des espaces publics de dialogue dignes de confiance. Police Militaire On observe des différences importantes entre la jeu- Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. nesse rurale et la jeunesse urbaine. Dans l'ensemble, Note : La graphique inclut les jeunes 15-29 ans. la jeunesse des zones rurales exprime une confiance nettement moins marquée dans la police, dans le gouvernement, le système judiciaire, la presse et et A2.2). Les jeunes Tunisiens qui travaillent jugent leur pays.1 Toutes institutions confondues, en mi- les banques et la presse légèrement plus dignes de lieu rural, le niveau de confiance est en moyenne in- confiance, mais expriment par ailleurs les mêmes férieur de 20 points de pourcentage à celui mesuré niveaux de confiance que les jeunes NEET. dans les zones urbaines. Les niveaux de confiance exprimés par les jeunes ne sont pas corrélés à Les jeunes Tunisiens expriment leur méconten- leur situation professionnelle, que ce soit dans les tement général et leur défiance vis-à-vis des insti- zones urbaines ou rurales (annexe 2, figures A2.1 tutions publiques par des canaux culturels, dont le Encadré 2.2. Les jeunes artistes et la liberté d'expression Les jeunes utilisent l'art, et en particulier le rap, pour exprimer leur colère face au chômage, à la pauvreté et à la répression politique. Le rappeur El General est ainsi devenu une figure emblématique de la révolution. Son titre « Rais Lebled » (chef de l'État) est considéré comme l'« hymne » de la révolution. Depuis la révolution, les rappeurs continuent de faire entendre la voix de la jeunesse désenchantée. À l'instar des journalistes, de nombreux musiciens se sont mis en travers de la route du gouvernement élu en 2012. Ils ont continué de critiquer la brutalité policière, de faire part de leur déception vis-à- vis des effets de la révolution et de militer pour la liberté d'expression. Sept rappeurs ont été arrêtés pendant les six premiers mois de 2012. Le rappeur Weld El 15 a été condamné à 21 mois de prison par contumace pour avoir chanté des paroles injurieuses pour la police lors d'un concert à Hamma- met, dans l'Est du pays. Après s'être rendu aux autorités, il a été rejugé et condamné à une peine de quatre mois, dont il a fait appel. De son côté, le rappeur Klay BBJ a finalement été acquitté en appel, en septembre 2013, après avoir été accusé de critiquer la police et rejugé deux fois. Sources : AI Jazeera, 2013b ; Auffray, 2013. Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 13 rap ou d'autres styles musicaux. Depuis le début Figure 2.2. Utilisation d'Internet pour l'accès des protestations en décembre 2010, le rap est la à l'information bande-son qui rythme la révolution tunisienne, mais la pop, la folk ou le rock forment aussi cette Education toile de fond musicale (encadré 2.2). Comme les jeunes Égyptiens et les jeunes Li- Travail Email byens, les jeunes Tunisiens disent se méfier de la presse, qu'ils considèrent comme mercantile et ma- nipulatrice. S'il est admis que les réseaux sociaux ont informé la population et facilité la mobilisation sociale pendant la révolution, ils sont désormais perçus de manière plus ambivalente, comme l'ex- Actualité Loisirs plique un jeune enseignant2: - Rural Facebook a joué un rôle très important au début _Urhain Recherche -Ubi de la révolution. Depuis la révolution, les sym- l'emploi pathisants des différents partis ont leur propre page et publient leur programme. Il n'est pas rare Source : Banque mondiale 2012d 2012e. qu'ils s'y insultent les uns les autres et, au lieu de Note: La graphique inclue les jeunes de 15-29 ans. Les servir la révolution, ces querelles la tirent vers le réponses multiples étaient autorisées lors de l'enquête. bas. Facebook, qui est l'une des sources du succès de la révolution, sert aujourd'hui à attaquer les autres partis. Instituteur d'école primaire, Tunis rurales, 60,0 % en zones urbaines ; figure 2.3). En- viron un quart des jeunes interrogés sont inscrits 2.2 Accès à l'information sur un site de réseau social tel que Facebook, lequel est principalement utilisé pour les échanges avec les Plus que tout autre média, les jeunes Tunisiens amis et la lecture des nouvelles. La télévision reste recourent à Internet pour s'informer. Internet est la principale source d'information (68 %), et elle principalement utilisé pour les loisirs, les courriers est suivie d'Internet (13 %) et des discussions de électroniques et la lecture des nouvelles, mais les vive voix (12 %). Rares sont les jeunes qui écoutent jeunes femmes et hommes passent aussi du temps la radio (6 %) et encore plus rares ceux qui lisent en ligne pour étudier, travailler ou rechercher un les journaux (1 %). L'accès à Internet demeure li- emploi (figure 2.2). Environ 50 % des internautes mité dans de nombreuses zones rurales, ce qui n'est (43,3 % en zones rurales, 53,2 % en zones urbaines) pas sans conséquence pour l'accès à l'information surfent sur Internet pour s'instruire et beaucoup de sur le marché du travail. Cependant, le niveau re- jeunes s'en servent pour leur recherche d'emploi lativement élevé de connectivité facilite l'émergence (45,9 % en zones rurales, 26,8 % en zones ur- d'une « culture jeune », qui se caractérise par des baines). Près d'un jeune Tunisien sur six se connecte styles, des espaces, des voies de communication et aussi à Internet pour son travail (14,4 % en zones des loisirs distinctifs, qui diffèrent de « la culture rurales, 15,9 % en zones urbaines). officielle pour la jeunesse » de l'ancien régime. L'accès aux technologies de l'information et de la Les étudiants actuels et anciens ont souvent communication de base est répandu. Dans les zones évoqué Internet dans les groupes de discussions et rurales tunisiennes, plus de neuf jeunes sur dix pos- lors des entretiens individuels. Les jeunes ont une sèdent un téléphone mobile. Par comparaison, entre attitude très positive vis-à-vis des technologies de un et deux tiers des répondants avaient utilisé In- l'information et de la communication, qu'ils per- ternet au cours du mois précédent (34,3% en zones çoivent comme une source d'information et de 14 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 2.3. Accès aux TIC comparaison entre zones rurales et zones urbaines a Rural homme 100 -a Rural femme 0 92,4 92,8 * Urbain homme 90 M Urbain femme 80- 70- 64,3 8 60 - 50- 40- 36,5 30- 20- 10- Cellulaire Internet Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les jeunes. Utilisation du téléphone cellulaire le mois précédant l'enquête. communication avec les autres jeunes (réseaux vir- l'emploi. Comment quelqu'un ici peut-il avoir tuels), comme un outil de connexion aux médias accès à l'information ? Jeune homme sans emploi mondiaux et de loisirs et comme un moyen efficace venant de terminer le lycée, Médenine de trouver un emploi. Un étudiant en mastère de Sidi Bouzid (Centre-Ouest de la Tunisie) a déclaré Pour promouvoir durablement l'esprit civique, qu'Internet était « une deuxième famille » pour les les jeunes doivent aller au-delà de l'« engagement jeunes. Néanmoins, les répondants perçoivent éga- citoyen virtuel » et participer de manière formelle lement une dimension territoriale dans l'accès à à la vie politique aux niveaux local et national. Si Internet, c'est-à-dire le fossé numérique qui attise les jeunes se sont montrés enthousiastes vis-à-vis le sentiment d'exclusion que peuvent ressentir les de l'engagement politique et de la vie associative, jeunes qui vivent dans l'intérieur du pays. cet engouement doit encore donner lieu à une pra- tique véritablement active. Par contraste avec les Dans les régions de l'intérieur du pays, les gens aspirations idéalistes associées à la révolution, les n'ont rien d'autre que le football, la rue et le café. sentiments exprimés ci-après par les jeunes mettent Les élèves s'ennuient à l'école et ne peuvent pas en évidence le risque potentiel d'un engagement se développer leurs capacités par des activités créa- cantonnant exclusivement à l'espace public virtuel. tives ou de loisirs. Étudiant, Gafsa J'ai passé au peigne fin toutes les informations Pour trouver un emploi, vous devez aller sur In- sur Facebook pour découvrir les faiblesses de ternet. Ici, ce doit être la seule région du pays où l'administration. Sur Facebook, je fais preuve il n'existe pas d'agence pour l'emploi. Quant aux d'esprit critique, je suis libre et neutre, et quand cybercafés Publinet 3, il n'y en a que quelques- je n'aime quelque chose, j'attaque. La révolution uns au centre de Médenine, et c'est à une heure de du 14 janvier est avant tout une révolution psy- trajet, ce qui coûte 2 dinars tunisiens [2,76 dol- chique, le passage d'une situation à une autre. lars (PPA)]. Imaginez, ceux qui vivent dans les Nous ressentons la liberté qui suit la répression, villages aux alentours, ils doivent payer le trans- la liberté de communiquer nos idées... Depuis le port pour arriver jusqu'au centre-ville, attendre 14 janvier, Internet est complètement libéré de la une heure, puis payer 10 dinars [13,79 dollars censure. Jeune diplômé au chômage, Médenine (PPA)] juste pour se faire inscrire à l'agence pour (Sud-Est de la Tunisie) Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 15 Nous regardons la télévision. Nous surfons sur en particulier, se multiplient dans les quartiers des Internet. Nous allons au Publinet pour vérifier villes et dans les régions de l'intérieur du pays les notre page Facebook. Nous contactons nos amis plus touchées par la pauvreté et l'exclusion. à Tunis. Nous suivons l'actualité. Nous savons ce qui se passe. J'aimerais participer, exprimer mes Néanmoins, seule une petite proportion de jeunes opinions, mais je ne vois pas comment je pour- Tunisiens jouent un rôle actif au sein des organisa- rais faire... Jeune diplômée au chômage, Mahdia tions de la société civile (OSC). Selon une enquête (Centre-Est de la Tunisie) récente, c'est le cas de 3 % seulement des jeunes vivant dans les régions rurales (ONJ, 2013). Les Pour passer d'une citoyenneté virtuelle à une rares jeunes qui disent être engagés dans une OSC citoyenneté active, les jeunes devront se doter de déclarent le plus souvent appartenir à des organisa- nouvelles compétences associatives, qui sont tout tions oeuvrant dans le domaine du développement aussi importantes que les compétences entrepre- régional, de la bienfaisance et de la lutte contre la neuriales pour acquérir effectivement le pouvoir pauvreté, des affaires religieuses et de la science. Les d'agir. Les jeunes peuvent saisir les opportunités clubs de sport et loisirs sont également fréquemment qui se présentent pour apprendre à fonder et gérer mentionnés dans les entretiens qualitatifs. Malgré ce une association, y compris à maîtriser l'environne- faible niveau d'engagement associatif, neuf jeunes ment juridique, à gérer un budget, à respecter les Tunisiens sur dix considèrent que le bénévolat au obligations de redevabilité et de transparence finan- sein des OSC est important pour la communauté. cière, à mener des activités de lobbying efficaces, Dans les régions rurales de la Tunisie, environ 92 % à déployer des stratégies de communication et de des jeunes femmes et 85,2 % des jeunes hommes es- relations publiques, à établir des processus démo- timent que les organisations communautaires sont cratiques internes reposant sur des structures de importantes pour le développement local (annexe 2, gestion efficaces et à se lancer dans la formation de figure A2.3). Le niveau de confiance placée dans les réseaux stratégiques. organisations communautaires est plus faible en milieu rural, ce qui témoigne peut-être de la qua- lité variable et de la politisation des organisations 2.3 Participation à la société civile existantes. Seulement 40,7 % des jeunes femmes et 39,9 % des jeunes hommes vivant dans les régions Depuis la révolution, les groupes confessionnels et rurales disent faire confiance aux organisations d'autres organisations de la société civile peuvent se communautaires (annexe 2, figure A2.4). Le niveau faire enregistrer auprès de l'administration, et c'est de confiance est nettement supérieur dans les zones ce que font un nombre croissant d'acteurs œuvrant urbaines, où 63,6 % des jeunes femmes et 60,7 % dans le domaine de la participation citoyenne. Les des jeunes hommes déclarent avoir confiance dans syndicats de travailleurs et les syndicats étudiants les organisations communautaires. jouent un rôle particulièrement significatif dans la société civile (British Council, 2013). Par exemple, Cependant, très peu de jeunes font du bénévolat quatre organisations influentes de la société civile, en Tunisie, puisque moins de 1,5 % de la jeunesse dont le principal syndicat tunisien, assurent la mé- urbaine donne de son temps aux OSC, signe qu'il diation du dialogue national entre les différentes est nécessaire d'élaborer une politique publique factions politiques du pays. Le Centre d'informa- plus efficace pour promouvoir la participation des tion, de formation, d'études et de documentation jeunes à la société civile, et en particulier le bénévo- sur les associations (IFEDA) estime que le nombre lat. Dans les zones urbaines, les jeunes hommes pra- d'organisations non gouvernementales (ONG) en- tiquent près de deux fois plus le bénévolat (2,12 %) registrées a augmenté de près de 50 % depuis la que les jeunes femmes (0,89 %) (annexe 2, fi- révolution, passant de près de 10 000 à environ gure A2.5). Près des trois quarts de tous les jeunes 15 000 (British Council, 2013 ; Khouja et Moussa, citadins bénévoles vivent dans la région côtière (fi- 2012). Les organisations religieuses de bienfaisance, gure 2.4). Par comparaison, seulement 13,2 % des 16 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES jeunes bénévoles tunisiens vivent dans l'intérieur du Figure 2.4. Répartition des jeunes bénévoles pays et 14,2 % dans les régions du Sud. Compte par région tenu du faible niveau global du bénévolat et de ces disparités régionales, il existe une marge de pro- gression que l'on doit exploiter pour promouvoir la 0 Région côtière pratique du bénévolat chez les jeunes Tunisiens, en 0 Région intérieure particulier dans l'intérieur et dans le Sud du pays. Même si la participation des jeunes à la société civile reste limitée, surtout lorsqu'elle s'opère à l'initiative de la jeunesse, elle doit être considérée comme prometteuse pour l'entrée des jeunes dans la citoyenneté active, étant donné l'image positive dont bénéficie le bénévolat. Il serait possible d'ap- puyer la participation de la jeunesse à la société civile, et particulièrement aux activités bénévoles, comm unmoyn d faorier 'inluson ocile, Source : Banque mondiale 2012c. comme un moyen de favoriser l'inclusion sociale, Note : les chiffres se rapportent à la jeunesse en milieu urbain. surtout à l'échelon local et chez les jeunes défavo- Pas de données disponibles pour la jeunesse rurale. risés, qui sont actuellement les moins engagés. Le bénévolat devrait aussi faire appel aux jeunes peu instruits, aux NEET, y compris aux jeunes femmes, ainsi qu'aux jeunes vivant dans les régions reculées y compris sur les décisions concernant les études et et dans les zones périurbaines. L'encadré 2.3 décrit le travail. Il est possible que cette situation résulte un projet, soutenu par la Banque mondiale, qui in- de leur engagement insuffisant auprès de la société cite les jeunes défavorisés à faire du bénévolat dans civile ou dans la vie politique. Les jeunes femmes leur communauté, tout en leur offrant des opportu- sont moins nombreuses que les jeunes hommes à nités d'acquérir des compétences professionnelles. déclarer influer sur les décisions importantes pour leur vie. Cette différence est beaucoup plus mar- De manière générale, les jeunes déplorent le peu quée s'agissant du travail et du mariage que des de maîtrise qu'ils ont sur le cours de leur existence, études (figure 2.5). Figure 2.5. Influences sur la vie, les études et les décisions professionnelles des jeunes * Côte homme 90 - Côte femme 80- 79,6 78,9 a Intérieur homme 68,2 68,7 73,2 68,8 M Intérieur femme 70- 65,4 635 65,5 M Sud homme 60- 56,6 58,0 54,3 0 Sud femme u 50- '5, 48,5 43,2 40- 30- 20- 10- Education Travail Mariage Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Cette graphique inclut tous les jeunes. Question : "Est-ce que votre famille a un rôle important dans les décisions concernant (i) votre formation; (ii) votre lieu de travail; (iii) le choix de votre conjoint?" Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 17 Encadré 2.3. Le projet Idmej : investir dans l'inclusion de la jeunesse dans les régions défavorisées Conception du projet: À la suite de la révolution tunisienne, les autorités du pays ont lancé le projet Idmej destiné à renforcer l'inclusion des jeunes, qui bénéficie d'un financement du Fonds japonais pour le développement social de la Banque mondiale. Idmej signifie « inclusion et coopération » en arabe. Ce projet constitue une alternative évolutive aux programmes de travaux publics existants. Il a pour vocation de promouvoir le développement et la participation communautaire dirigés par des jeunes tout en versant aux participants une petite indemnité. Ce projet propose une aide financière d'urgence et un emploi de courte durée à 3 000 jeunes dont le niveau d'études ne dépasse pas le secondaire - essentiellement des jeunes qui sont sans emploi et hors du système scolaire ou de formation professionnelle - et qui vivent dans les gouvernorats défa- vorisés de Kasserine et de Siliana, dans le centre-Ouest du pays. Mis en œuvre par l'ONJ, il combine des formations, des opérations de bénévolat communautaire et des possibilités d'apprentissage et de travail indépendant. Il présente un assez bon rapport coût/efficacité, avec un coût par participant in- férieur à 1 000 dollars, qui pourrait encore être réduit lorsque l'échelle du projet sera étendue. Résultats : Dans le cadre de ce projet, des jeunes de 15 à 29 ans sont formés aux compétences essentielles, et notamment aux rudiments financiers. Les bénéficiaires s'engagent dans des projets communautaires pouvant durer jusqu'à cinq mois qui sont gérés par des organisations locales de la société civile. Les premiers résultats ont montré que plus de 85 % d'entre eux jugent ces formations utiles. Quelque 76 % et 80 % des jeunes interrogés, respectivement, disent avoir acquis des compé- tences techniques et sociales. Ces résultats positifs concordent avec une évaluation menée sur plus de 200 programmes internationaux de service civil, laquelle a mis en évidence une amélioration des compétences professionnelles, des possibilités d'avancement et d'études, de l'estime de soi et du sens de la responsabilité citoyenne (McBride, Sherraden et Benítez, 2003). Le programme Idmej s'est aussi traduit par une embellie des relations entre les organisations non gouvernementales locales œuvrant pour la jeunesse et les autorités locales. Les autorités locales des gouvernorats de Siliana et de Kas- serine ont d'ores et déjà levé des fonds supplémentaires pour reproduire et déployer à plus grande échelle cette composante, au vu de son succès sur le terrain. De manière générale, ce projet est béné- fique aux jeunes car il les aide à rompre le cycle de l'inactivité, épaule les jeunes femmes et favorise l'inclusion et la confiance. Gestion et suivi/évaluation : Ce projet s'appuie sur une approche de suivi/évaluation novatrice et d'un bon rapport coût/efficacité, qui repose sur une plateforme en ligne permettant aux multiples parties prenantes de saisir et d'analyser des données en temps réel. Il recueille auprès des bénéficiaires, via la téléphonie mobile, un retour d'information direct sur la qualité des services et leur impact sur l'employabilité. Sources : ONJ - Forum sur les sciences sociales appliquées, 2013 et Banque mondiale, 2014. 18 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Les jeunes Tunisiens n'ont pas le sentiment d'être Figure 2.6. Influence des jeunes sur le entendus à l'échelon local. Lorsqu'on demande aux développement local jeunes Tunisiens vivant en zone rurale si leur maire ou leur gouverneur est à l'écoute des préoccupa- 50- tions locales, seulement un sur huit répond par l'af- 3 40 38,0 38,9 firmative. Seulement 11,5 % des jeunes hommes et u 30- a Homme 12,4 % des jeunes femmes vivant en milieu rural g 20- a,5 12,4 MFemme estiment que les acteurs politiques sont à l'écoute 10- (figure 2.6). L'influence perçue des jeunes sur le 0 Rural Urbain développement local est trois fois supérieure dans les zones urbaines, où 38 % des jeunes hommes et Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les jeunes. 38,9 % des jeunes femmes disent que les préoccu- pations locales comptent pour le maire ou pour le gouverneur. Ces disparités régionales soulignent l'intensité de l'exclusion de la jeunesse, surtout dans jeunes, surtout étant donné le rôle central que ces les régions rurales de la Tunisie. derniers ont joué pendant la révolution. Les jeunes Tunisiens estiment qu'ils ne peuvent Le faible taux de participation de l'électorat pas influencer facilement le processus politique ou jeune lors du scrutin national d'octobre 2011 est la transition post-révolution. Faute de voies leur p i. . permettant d'apporter une contribution construc- patclee ntrocun.Lamiesueet n .e des moins de 30 ans est allée voter. La participation tive au processus politique, les jeunes Tunisiens ex- priment leur frustration, bien compréhensible, dans auétéalégèrementesupérieure(dansxles,zonesrurbaines que dans les zones rurales (annexe 2, figure A2.6). la rue, lors de manifestations qui sont fréquentes Le taux de participation des jeunes femmes et celui dans le Tunis d'après la révolution. Le café reste le principal endroit où l'on discute de politique. Selon des jeunes e s sont èp c s sule 17 % des jeunes de 18 à 25 ans sont inscrits sur les une enquête récente sur la jeunesse, 72 % des per- listes électorales, selon une enquête effectuée par le sonnes interrogées disent parler de politique princi- British Council et le Gerhart Center de l'Université palement au café, même si la politique demeure un américaine du Caire (Parker, 2013). sujet fréquemment abordé lors des conversations en famille (50 %) (ONJ- Forum sur les sciences so- Le faible niveau de participation des jeunes à la ciales appliquées, 2013). vie politique est le corollaire de la place restreinte que les jeunes estiment occuper au sein des partis 2.4 Participation à la vie politique établis. Dans les groupes de discussions, les jeunes n'ont cessé de répéter que la révolution a été lancée La participation à la vie politique constitue un pilier par les jeunes mais récupérée par la « vieille garde de la citoyenneté active. Elle suppose de voter, d'ad- politique ». La persistance du chômage, la détériora- hérer à un parti ou à un groupe de pression, de faire tion de la justice sociale et l'enracinement du clien- campagne ou de se présenter aux élections. Mais télisme et du régionalisme hérités de l'ordre ancien cette participation va au-delà des élections, car elle tempèrent l'optimisme suscité par la révolution. Les suppose aussi de contribuer au dialogue public avancées tangibles étant rares depuis la révolution, via des canaux organisés, des pétitions et d'autres pour beaucoup, la désillusion se mue en impression formes d'expression. Néanmoins, dans la Tunisie d'avoir été trahi. Le taux relativement faible de par- d'après la révolution, la participation aux élections ticipation aux élections témoigne clairement de la constitue un indicateur important de la confiance désillusion de la jeunesse et de sa défiance vis-à-vis que place la population dans les institutions poli- des partis politiques officiels, comme l'illustre la ci- tiques et de l'exercice de la citoyenneté active par les tation ci-dessous : Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 19 Une révolution de la jeunesse a débouché sur une Figure 2.7. Connaissance de la politique chez assemblée de personnes âgées. Jeune militant tu- les jeunes, répartition par sexe nisien (Parker, 2013) 40 30 - 30,0 M Homme Les jeunes Tunisiens sont extrêmement sous-re- ¯ 24,0 Femme présentés au sein de l'Assemblée constitutionnelle. 20- 2l,3 Seulement 4 % des 216 membres de l'Assemblée C 10k constitutionnelle sont âgés de 30 ans ou moins, 17 % ont entre 30 et 40 ans et les 79 % restants Rural Urbain ont plus de 40 ans. Tous les partis en lice lors des élections de 2011 ont dû inscrire des candidats Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. jeunes sur leurs listes. Le fait que si peu aient été Note : La graphique inclut tous les jeunes. élus a prouvé aux jeunes que le système privilégiait les gens d'un certain âge, en dépit de la législation. à toutes les listes dans les circonscriptions électo- La révolution a représenté une explosion de rejet, rales où le nombre de sièges est égal ou supérieur à surtout chez les jeunes, et une rupture vis-à-vis des quatre. Cependant, elle n'est pas formulée comme formes anciennes de militantisme. La contestation une exigence, mais plutôt comme une incitation fi- a été amplifiée par des modes directs de commu- nancière. En effet, toutes les listes ne répondant pas nication horizontale, qui forment un réseau lâche aux critères sont privées de la moitié de leur finan- et dépourvu de leadership clair, fonctionnant sans cement public. hiérarchie ou structure organisationnelle. Cepen- dant, nombre de jeunes n>ont pas tardé à être déçus La plupart des jeunes Tunisiens déclarent ne par le fonctionnement de la politique électorale, pas suivre la politique intérieure. Dans les régions Le manque d>ouverture des partis bien établis et rurales de la Tunisie, moins d'un quart de tous les la conclusion d>accords à huis clos allaient à l>en- hommes (24,0 %) et moins d'une jeune femme sur contre des principes d>équité et de transparence, sept affirment bien connaître la politique tunisienne excluant ainsi précisément la génération qui avait (figure 2.7). La connaissance de la vie politique est suscité le changement politique. Une jeune militante légèrement supérieure dans les zones urbaines, où observe: quelque 30 % des jeunes hommes et 20,3 % des jeunes femmes disent se tenir au courant des affaires Après la révolution, beaucoup de mes amis ont politiques. Cette proportion relativement faible des adhéré à un parti politique, mais une fois les élec- jeunes qui considèrent s'y connaître en politique, tions passées, ils ont rendu leur carte parce qu'ils même en ces temps très politisés, témoigne de la dif- étaient déçus des stratégies de ces partis : il n'y ficulté à suivre les péripéties quotidiennes de la vie avait aucune collaboration entre la jeunesse et les politique et d'accéder à une information politique aînés. Militante politique, Tunis (Parker, 2013) indépendante. Les recherches qualitatives suggèrent également que les jeunes qui ne comprennent pas Une disposition sur la jeunesse dans la nouvelle grand-chose à la politique risquent d'être manipulés. loi électorale, qui incite les partis politiques à dé- signer de jeunes candidats, constitue un point de Oui, j'ai voté, et j'ai remarqué deux choses après départ important pour la participation à la vie poli- les élections : les gens ont leurs croyances reli- tique.4 Précisément, l'article 25 de la Loi organique gieuses et ils ne comprennent pas grand-chose à relative aux élections et aux référendums dispose la politique. Ceux qui ont voté pour Ennahda ont que « chaque liste doit obligatoirement comporter, fait le lien entre le parti et leur religion. Ceux qui parmi les quatre (4) premiers, un candidat jeune, ne étaient des croyants sincères mais qui n'étaient dépassant pas les trente-cinq (35) ans ». Il est im- pas politisés ont cru bien faire en votant pour portant de noter que cet article concerne les scrutins le triomphe de l'islam. Étudiant, Mahdia (Cen- nationaux, régionaux et locaux, car il s'applique tre-Est de la Tunisie) 201 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Le niveau déclaré de connaissance de la poli- les 19 % des jeunes interrogés (ONJ - Forum sur les tique est inférieur d'environ un tiers dans les zones sciences sociales appliquées, 2013). rurales par rapport aux centres urbains. Les jeunes Tunisiens vivant dans les zones rurales des pro- Malgré ce fossé entre les grands courants poli- vinces côtières (17,2 %) et dans l'intérieur du pays tiques et la réalité à laquelle doivent faire face les (15,7 %) ont une connaissance relativement limitée jeunes Tunisiens, certains, dans la jeune génération, de la politique (figure 2.8). Les jeunes citadins se innovent pour exprimer des aspirations résolu- disent mieux informés (25,6 % dans les régions cô- ment démocratiques à la reconstruction de la so- tières et 24,2 % dans l'intérieur du pays). Les jeunes ciété tunisienne. Peu après l'élection de l'Assemblée Tunisiens du Sud rural semblent faire exception, car nationale constituante tunisienne (ANC), l'ONG ce sont eux qui déclarent le niveau le plus élevé de I Watch, créée par des jeunes après la révolution, connaissance de la politique, puisque plus d'un sur a organisé une « ANC modèle » lors de laquelle trois s'estime bien informé. 217 jeunes venus de tout le pays ont proposé des textes de loi pour préparer l'avenir de la Tunisie. Très rares sont les jeunes Tunisiens qui militent Ces suggestions ont ensuite été présentées sous la activement au sein d'un parti politique, signe de la forme de recommandations aux membres de l'ANC fracture béante qui sépare la jeune génération de élus. Les élus de l'ANC auraient choisi d'appliquer l'establishment politique. À peine 1,6 % des jeunes trois des six suggestions formulées par ces jeunes interrogés lors de l'enquête menée dans les zones ru- (Parker, 2013). En outre, un nouveau mouvement rales avaient une activité politique en qualité d'adhé- pour la jeunesse propose à un groupe de jeunes Tu- rents d'un parti (annexe 2, figure A2.7). Seulement nisiens de participer en qualité de bénévoles au nou- 11 % exprimaient l'intention d'adhérer à un parti, veau gouvernement (encadré 2.4). tandis que l'immense majorité (82 %) ne pouvait même pas dire quel était leur parti politique préféré En janvier 2014, lorsque la nouvelle Constitution (ONJ, 2013). Seulement environ la moitié des jeunes a été approuvée, le pays a renoué avec un certain op- Tunisiens ruraux (54 %) avaient l'intention de voter timisme. Après deux années de travail, l'Assemblée aux prochaines élections, ce qui concorde avec les constituante a achevé un projet de Constitution et taux de participation observés lors du dernier scru- l'a soumis au vote le 26 janvier 2014. Ce document tin (ONJ, 2013). Ces constats correspondent égale- a été adopté à une majorité de 200 voix, contre ment aux résultats d'un sondage d'opinion effectué 12 votes négatifs et 4 abstentions. Rédigée pendant conjointement avec l'Observatoire national de la une période de troubles et de violences sporadiques, jeunesse en avril 2013, qui a révélé la grande fai- la nouvelle Constitution tunisienne semble ménager blesse de la participation des jeunes à la vie poli- les différentes sensibilités politiques, notamment en tique : l'engagement des jeunes ne dépasse pas ce qui concerne le rôle de la religion dans le gou- 2,7 %, et la préférence pour un parti ne dépasse pas vernement, ce qui en fait un texte progressiste lar- gement accepté. Cette nouvelle Constitution dote la Tunisie d'un gouvernement ouvert et décentra- Figure 2.8. Connaissance de la politique chez lisé et reconnait l'islam comme la religion d'État, les jeunes, répartition par région tout en protégeant la liberté de croyance. Point tout aussi important, son article 8 inscrit l'inclusion des 40¯ 34,3 jeunes dans de multiples domaines parmi les grands 30- 25,6 24,2 23,4 MCôte principes de la construction de la nation M Intérieur 20- 17,2 Sud La jeunesse est une force vive dans la construction de la nation. L'État veille à assurer aux jeunes les Rural Urbain conditions nécessaires au développement de leurs capacités, de leur prise des responsabilités et à Note Ba gaphique inclut 2012 l j012e. élargir et généraliser leur participation à l'essor social, économique, culturel et politique.' Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 21 Encadré 2.4. Houkoumetna : le mouvement « Notre gouvernement » Le mouvement appelé « Jeunesse décide » exhorte la jeunesse à jouer pleinement son rôle dans la politique nationale. Le recours aux médias sociaux occupe une place centrale dans ces efforts. En décembre 2013, le militant des droits de l'homme Tarek Cheniti s'est auto désigné Premier ministre en postant son CV sur Facebook. D'autres jeunes Tunisiens lui ont emboité le pas, dont Bassem Bou- guerra, le président de Reform, organisation qui vise à faire réformer la police tunisienne. Bassem Bouguerra s'est auto désigné secrétaire d'État chargé de la Réforme sécuritaire. Très rapidement, de multiples sous-pages « Jeunesse décide » sont apparues sur Facebook, créées par des jeunes Tunisiens postant leur CV et se portant volontaires pour entrer au gouvernement. Ce mouvement exprime clairement la frustration de la jeunesse qui ne peut pas faire entendre son avis sur la nouvelle configuration politique du pays. Tous les Premiers ministres nommés depuis la révolution avaient plus de 50 ans, et l'un deux avait même 92 ans. Rached Ghannouchi, le dirigeant du parti Ennahda au pouvoir, a 72 ans, et Béji Caïd Essebsi, le chef du parti d'opposition Nidaa Tounes, a 87 ans. La jeunesse tunisienne considère les dissensions politiques actuelles comme une simple résurgence d'idéologies politiques d'un autre temps et comme des rivalités autour d'intérêts acquis hérités de l'ancien régime. Comme l'a expliqué Tarek Cheniti, « Des milliers de jeunes hommes et femmes tunisiens ont acquis suffisamment de compétences et d'expérience pour pouvoir diriger notre pays. Ces gens mé- ritent qu'on leur donne une chance de conduire la transition démocratique, parce qu'après tout, cette révolution est la leur ». Selon Bassem Bouguerra, « il est grand temps que les jeunes commencent à prendre les décisions qui les concernent, au lieu d'être instrumentalisés par les dirigeants politiques plus âgés à des fins politiciennes. » Sources : AI Jazeera, 2013a ; Poetic Politico, 2013 ; Samti, 2013. 2.5 Promouvoir la participation l'engagement de la jeunesse, de la base vers le som- inclusive des jeunes à la vie met, en commençant par l'échelon local. publique La nouvelle Constitution ouvre la perspective d'une Instaurer des dispositifs incitatifs en ère nouvelle dans l'histoire politique de la Tunisie, direction des ONG dirigées par des et offre la possibilité de renforcer la participation jeunes et du bénévolat des jeunes à la prise de décisions, un espace citoyen que les jeunes sont ravis d'occuper. Le moment est Plusieurs organisations internationales accordent venu d'envisager d'intervenir pour aider la jeunesse des dons aux ONG œuvrant pour la cause des jeunes, à concrétiser ses aspirations, pour favoriser sa par- mais elles ont des exigences si complexes qu'elles ticipation aux échelons local et national et pour res- finissent souvent par privilégier la jeunesse plus ins- taurer sa confiance dans les institutions publiques, truite des zones urbaines côtières. Il est possible de à l'heure où les jeunes peuvent enfin tenir le rôle compléter ces efforts en proposant des programmes qu'ils convoitaient depuis longtemps et s'engager de subventions concurrentiels visant à développer sur la voie qui leur est désormais ouverte. Les re- la capacité des ONG œuvrant pour la jeunesse au commandations ci-après ont donc pour vocation niveau local à aider la jeunesse des zones périur- de proposer des pistes concrètes afin d'appuyer baines et rurales et des régions défavorisées et à 22 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES l'inciter à s'engager. Il conviendrait de simplifier les consacrées aux programmes de travaux publics afin demandes de subvention afin d'ouvrir leur accès à de financer l'extension des initiatives de développe- un éventail plus large d'acteurs. De plus, il faudrait ment communautaire dirigées par des jeunes, qui se instaurer des incitations claires à la conclusion de révèlent plus efficaces et renforcent davantage l'au- partenariats avec les institutions publiques, les or- tonomie des jeunes. ganisations caritatives et les fondations locales afin que les activités des ONG dirigées par des jeunes et le bénévolat communautaire puissent se déployer à Développer les institutions dirigées plus grande échelle et se pérenniser. Le programme par des jeunes afin de les associer à la de subventions devrait également permettre de prise de décision et à la défense des renforcer les capacités de gestion des associations, droits de l'homme notamment concernant la publication des informa- tions financières et la mesure des résultats. Les représentants de la jeunesse tunisienne se sont efforcés d'instaurer ce type de canaux institution- nels dans le passé, mais ils doivent encore être Étendre les initiatives de développement officialisés et recevoir le soutien qui assurera leur communautaire pilotées par des jeunes pérennité. Par exemple, en septembre 2012, les représentants de la jeunesse ont rencontré les res- Il existe en Tunisie des expériences réussies d'ini- ponsables de l'ANC ainsi que l'ancien ministre des tiatives de développement communautaire pilotées Droits de l'homme et de la Justice transitionnelle par des jeunes. Leurs activités englobent de petites afin de leur remettre un rapport énonçant des re- améliorations matérielles de l'infrastructure locale, commandations sur la création d'un conseil consul- la gestion de l'environnement, des initiatives dans tatif des jeunes. Rédigé par 217 jeunes venus de l'écotourisme, des activités génératrices de revenu tous les gouvernorats du pays, ce rapport présentait adaptées aux jeunes femmes et hommes ainsi que également les résultats obtenus par cinq groupes de des activités destinées à améliorer la gouvernance travail : 1) lutte contre la corruption et réforme ad- locale. Le projet Idmej, mis en œuvre par l'ONJ ministrative ; 2) martyrs et blessés de la révolution; dans les gouvernorats de Kasserine et Siliana, en 3) finances, plan et développement ; 4) préambule constitue un bon exemple (encadré 2.3). Les activi- et principes essentiels de la Constitution et 5) struc- tés de ce projet, qui cible principalement les jeunes ture de la Constitution. Bien que ce rapport et cette sans emploi dont le niveau d'études ne dépasse pas initiative aient en général été bien accueillis par les le secondaire et leur verse une petite indemnité représentants des hautes autorités tunisiennes, les mensuelle, sont définies et mises en œuvre par les dirigeants des organisations de jeunes font observer organisations ou les groupes locaux œuvrant pour qu'ils n'ont donné lieu à aucune suite (Actualités la jeunesse, épaulés par les ONG et les adminis- Tunisie News, 2012). trations locales. Le projet Idmej a notamment eu pour effet positif de renforcer la confiance entre la Des canaux institutionnels appropriés devront jeunesse, les ONG locales et les administrations lo- être créés pour renforcer la participation des jeunes cales, malgré la montée des tensions dans le sillage à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques de la révolution de 2011. Des données internatio- nationales pour la jeunesse. Dans la plupart des pays nales portant sur des programmes similaires ont européens, par exemple, les jeunes et les organismes démontré que ces initiatives étaient plus efficaces qui les représentent sont des partenaires reconnus de pour renforcer l'engagement citoyen et l'employa- la mise en œuvre des politiques nationales portant bilité que les programmes de travaux publics à forte sur la jeunesse. Ce système de « cogestion » suppose intensité de main-d'œuvre (Cunningham, Puerta de collaborer avec tout un éventail d'organisations et Wuermli, 2010). Plus précisément, il pourrait d'étudiants et de jeunes, ainsi qu'avec les conseils être judicieux de revoir à la baisse les ressources national et locaux de la jeunesse qui peuvent relayer Des jeunes qui participent, font entendre leur voix et sont des citoyens actifs | 23 la voix des jeunes sur des questions critiques de po- Notes litique publique. En Tunisie, la mise en place de tels L'article « La justice s'acharne sur les jeunes révolutionnaires organismes de représentation de la jeunesse pourrait tunisiens », paru dans l'édition du Monde du 16 juin 2014, rap- faciliter l'efficacité et la coordination des services et porte que les jeunes qui ont participé à la révolution sont con- d'autres programmes destinés aux jeunes, ainsi que stamment accusés et poursuivis pour violences et incendies de postes de police. À la suite des grèves de la faim et des pressions leur articulation avec les autorités nationales et/ou exercées par les familles de ces contestataires, une loi d'amnistie communales ou provinciales. Ce processus pourrait a été votée le 2 juin 2014 et couvre la période comprise entre le également recevoir le soutien du Forum européen 17 décembre 2010 et le 28 février 2011. Cependant, les confron- de la jeunesse et/ou de conseils nationaux de la jeu- tations avec la police ont continué bien après février 2011. nesse bien établis via des échanges et des initiatives 2. Ces constats généraux sont confirmés par British Council, ness bin éabls vi de écangs etdesiniiatves 2013. d'apprentissage entre pairs. 3. Publinet est un service Internet subventionné instauré dans les zones rurales. 4. L'Assemblée nationale tunisienne a voté cette nouvelle loi élec- torale le 1er mai 2014 (Jasmine Foundation, 2014). 5. Constitution de la République tunisienne, édition définitive, 26 janvier 2014 (traduction non officielle)  CAPIA Inacivit et chêmag~e sjue 26 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Pour nous, le chômage, c'est une sorte de malédiction ; un chômeur n'est rien, il est rejeté par la société elle-même, il n'en fait pas partie. C'est le vrai sens de « chômeur » : une personne qui n'est pas active au cœur de la société. Dites-moi à quoi sert cette personne ? Diplômé au chômage, Sidi Bouzid 3.1 Panorama de l'inactivité et du plus l'école ou qui ne sont plus en formation chômage des jeunes : les jeunes mettent plus de trois ans, en moyenne, à obtenir ni scolarisés, ni en emploi, ni en un emploi. La jeunesse tunisienne n'est pas seule- formation ment aux prises avec des difficultés économiques, elle est aussi marginalisée et économiquement ex- L'inactivité des jeunes est un problème de grande clue. Pour nombre de jeunes femmes et hommes ampleur en Tunisie. Dans ce pays, les jeunes qui ne au chômage, les perspectives de trouver un jour un sont ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation (les emploi et d'entrer dans la vie active sont minces. « NEET ») constituent une forte proportion de la Les chômeurs de longue durée qui n'ont pas de ré- main-d'œuvre jeune potentielle (figure 3.1 et enca- seau de relations sont de plus en plus éloignés de dré 3.1). Les jeunes sans travail qui ne fréquentent l'emploi formel ; peu de jeunes Tunisiens sont à Figure 3.1. Emploi des jeunes et caractéristiques des NEET 1. Statut pop. 2Tye3. Statut poste a4. Statut emploi 5. Formalité active Salarié Employé temps Indépendant partiel Non rémunéré ou travail Inclus dans familial Employé population active Bénévolat Employé plein temps Sous-emploi involontaire Chercheur d'emploi Sans emploi Découragé NE Inactivité ou foyer Hors population Inactif active Education/formation Etudiant Etudiant Source: Adapté de l'OCDE. 2012. Economie Africaine- Promouvoir l'Emploi des Jeunes. Inactivité et chômage des jeunes | 27 Encadré 3.1. Jeunes ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation: un indicateur conjoint du chômage et de l'inactivité des jeunes L'acronyme « NEET » (de l'anglais not in education, employment, or training) désigne les jeunes qui ne fréquentent pas l'école, ne travaillent pas et ne suivent pas de formation professionnelle. Il s'agit de l'ensemble des jeunes qui sont soit au chômage soit inactifs. En allant au-delà du prisme étroit du chômage, le concept de NEET aide les pouvoirs publics à prendre en compte les besoins de tous les jeunes qui ont terminé leurs études et une formation et qui devraient être en emploi. Cet indicateur constitue un puissant outil pour analyser l'exclusion des jeunes en se concentrant sur tous ceux qui rencontrent des difficultés pour passer des études à la vie active. L'indicateur NEET est important parce qu'il définit de manière plus complète l'inactivité des jeunes, ce que les statistiques classiques du chômage ne font généralement pas. Les jeunes inactifs sont les hommes et les femmes déjà découragés de chercher du travail, malgré leur jeune âge. Au lieu de négliger cette population, l'indicateur NEET incite les autorités à considérer que les jeunes découragés ont besoin d'un soutien public au moins aussi grand que les chômeurs. Les jeunes découragés, que l'on désigne souvent par « les jeunes inactifs », sont particulièrement vulnérables. On peut ainsi éva- luer de façon décisive l'efficacité des politiques de la jeunesse qui visent à favoriser l'inclusion sociale. Le concept de NEET est bien établi. Nombre de pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de plus en plus de pays en développement recourent à l'in- dicateur des NEET en complément de leurs statistiques sur le chômage des jeunes. Cet indicateur est systématiquement mesuré par l'Organisation internationale du travail (OIT), qui le présente dans le rapport phare qu'elle publie chaque année, Tendances mondiales de l'emploi des jeunes (OIT, 2013). L'OCDE rend également compte de la proportion de NEET et cet indicateur figure en bonne place dans l'une de ses récentes études, Perspectives économiques en Afrique 2012, axée sur la promotion de l'emploi des jeunes en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne, notamment en Tunisie (BAD, 2012a). Le Forum économique mondial a fait de même dans son étude mondiale sur le chômage des jeunes (WEF, 2013). Le Groupe de haut niveau des Nations Unies a récemment proposé d'appliquer le concept de NEET aux objectifs de développement pour l'après-2015 (Nations Unies, 2013). Initiale- ment forgé par l'administration publique britannique, l'acronyme « NEET » est utilisé officiellement par les bureaux statistiques du Canada, de la Corée du Sud, de l'Espagne, de l'Irlande, du Japon et du Mexique. Même s'il reste beaucoup à faire pour mesurer cet indicateur à l'échelle mondiale, la plupart des enquêtes sur la main-d'œuvre incluent déjà les variables requises pour calculer des taux de NEET fiables. Source : Banque mondiale, 2014. même de trouver un emploi. Ce chapitre expose les des jeunes qui disposent d'un emploi dans le secteur principaux problèmes liés au chômage et à l'inacti- formel. vité et se penche sur la situation des jeunes qui sont inactifs ou au chômage. Selon un ordre décroissant En Tunisie, un jeune homme sur trois dans les d'exclusion, le chapitre suivant met en lumière le zones rurales (33,4 %) et un sur cinq dans les zones sous-emploi et l'emploi informel, et traite pour finir urbaines, fait partie des NEET. La proportion est 28 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 3.2. Jeunes NEET : comparaison entre active particulièrement très longue et improductive. zones rurales et zones urbaines Il ressort des groupes de discussion qu'elle a peu confiance dans ses propres compétences ou quali- 60- fications quand elle tente de se frayer un chemin o-04 M Homme dans un système qu'elle juge très corrompu. C'est 40- 32,4 aussi la région de l'intérieur qui, pendant la phase 3 ~ 30, 30 -,de transition politique, a été le théâtre de la plupart %à, 20- 'des manifestations réclamant des emplois et une 10- meilleure gouvernance. Rural Urbain C'est parmi les jeunes femmes du Sud du pays Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. que la proportion de NEET est la plus élevée, signe Note: La graphique inclut les jeunes de 15-29 ans. d'une quasi-absence d'opportunités d'emploi cor- respondant aux valeurs et aux attentes d'une so- ciété plus traditionnelle. Dans cette région, plus encore plus élevée parmi les jeunes femmes :une d'une jeune femme sur deux fait partie des NEET sur deux (50,4 %) à la campagne et environ une d'3,e %). Lampropor de NEt aue de la sur trois (32,4 %) en ville (figure 3.2) est dans cette pulto fmi eti tè élevé d l situation. L'absence d'activité productive entraîne téiura ys f 45i4ine et sur lvôe un jeune une ert écnomqueconsdérble Ceendnt, térieur du pays (45,4 %) et, sur la côte, une jeune l'exluson ociae d milios dejeues un. femme sur trois relève de cette catégorie (31,3 %) l'exluson sciae d milion dejeuns Tni- (figure 3.3). Ces périodes d'inactivité prolongées siens, dont les compétences, la créativité et le po- (iue33.Csproe 'nciiépooge pour des centaines de milliers de jeunes femmes tentiel sont gaspillés, est un phénomène tout aussi important. Nombreux sont les jeunes Tunisiens qui quittent Figure 3.3. Jeunes NEET, par région la campagne, souvent pour migrer vers des zones urbaines sinistrées. La proportion de NEET dans a. Rural les villes est certes moins grande que dans les zones 80- rurales, mais beaucoup de jeunes qui s'y rendent à 63,0 la recherche d'un emploi se retrouvent au bout du 50,3 compte parmi les NEET : plus d'un cinquième des 40 -335 32,3 •Homme jeunes hommes (20,3 %) et approximativement un M Femme tiers des jeunes femmes (32,4 %) (figure 3.2). 20- L'ampleur et l'incidence régionale de la catégo- Côte Intérieur Sud rie des NEET témoignent de la profondeur du dé- sespoir chez les jeunes, surtout dans l'intérieur et b. Urbain le Sud du pays, berceau de la révolution de 2011. 60- Alors que la proportion de NETT se situe à plus de 48,2 25 % globalement dans la région côtière (23,6 % en 40- 37,4 zone urbaine et 37,3 % en zone rurale), elle atteint 2 25,2 232 M Homme environ un tiers dans l'intérieur du pays (31,4 % et 20 Femme 42,4 % ; annexe 3, figure A3.3) et plus d'un tiers dans le Sud (35,9 % et 47,9 %). Cette « génération 0 chômage » (« Generation Jobless », The Economist, Côte Intérieur Sud 2013) est exclue du marché du travail depuis des années. Dans l'intérieur de la Tunisie, la jeunesse Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. connaît une période de transition de l'école à la vie Note : La graphique inclut les jeunes de 15-29 ans. Inactivité et chômage des jeunes | 29 relativement bien instruites risquent d'accentuer ou un jeune Tunisien au chômage peut justifier sa encore la division traditionnelle sexuée des rôles. décision d'accepter un emploi temporaire unique- Elles pourraient en outre retarder les avancées cru- ment pour entrer immédiatement sur le marché du ciales vers l'égalité des sexes et la participation des travail. Les jeunes hommes, en particulier, peuvent femmes au marché du travail dans les décennies à faire le calcul suivant : en ce qui concerne les pers- venir. Pour aider les jeunes femmes sans travail à pectives de mariage, un diplômé ou un non-di- accéder à un emploi ou à s'installer à leur compte, plômé qui a un emploi dispose toujours d'un atout il faudra que les pouvoirs publics repensent leurs par rapport à un chômeur. Cet emploi peut donc efforts, ainsi que leurs investissements, et élaborent offrir un minimum de reconnaissance sociale et de de nouvelles stratégies innovantes. valorisation personnelle qu'il ne serait pas possible d'obtenir autrement. Néanmoins, ces modestes avantages et changements de perspective n'en de- 3.2 Découragement de la jeunesse meurent pas moins insuffisants pour certains, ainsi sans travail qu'en témoigne un jeune homme: Étant donné le népotisme généralisé qui se conjugue Quand l'aurai un travail officiel, je serai aux disparités régionales sur le marché du tra- quelqu'un. je ne sais pas vraiment quand ça ar- vail, nombre de demandeurs d'emploi potentiels rivera, mais j'espère encore. Je ne veux pas d'un sont persuadés qu'il est vain de chercher du tra- . . . , emploi au rabais, je veux un travail en rapport vail si l'on ne peut pas recourir à des pots-de-vin, faire jouer ses relations familiales ou bénéficier de ae m tu sioma n'en p e Jeune diplômé au chômage, Médenine certaines affiliations régionales. De surcroît, un diplômé préférera parfois attendre des offres d'em- Environ la moitié des NEET semblent découra- ploi qui correspondent à son niveau d'instruction , ou à ses qualifications professionnelles ou qui lui ges deucer durava, poureplusieurseraion promettent une sécurité d'emploi et une stabilité es jeus découraés femes e h mes financière a long terme. Outre la stimulation intel- enoepubsindaeqelsjuescô ur fienciee e l'pnousemenOtre personnelatqu'inp- pour entrer sur le marché du travail et pour rompre lcule un 'postediement erasevecles tuds ple cercle vicieux de l'exclusion. Dans les zones ru- cure, un poste directement en phase avec les etudes raedelTuie,etuxedéoagmnes rales de la Tunisie, le taux de découragement est suivies et/ou avec l'expérience professionnelle d'un particulièrement élevé chez les jeunes femmes, à diplômé permet aux compétences et au savoir-faire spécialisé acquis de s'améliorer, au lieu de s'atro- es défiure 3 et u jen h e sure est découragé (58,3 %). Au sein de la catégorie phier comme ce serait le cas, par exemple, avec un des NEET, le découragement n'est que légèrement emploi « temporaire » dans le secteur des services. moins grand dans les zones urbaines du pays, où Mais, à l'inverse, pour un homme diplômé, un poste qui ne correspond pas à ses études ou à son expérience professionnelle mais qui lui confère une forme de sécurité et de stabilité financière à long Figure 3.4. Découragement des NEET terme s'accompagne de la respectabilité sociale, des sur le marché du travail ressources financières et des perspectives profes- 100- sionnelles indispensables pour trouver une épouse 80- 85,0 et fonder une famille. 58 M Homme 46,0 42,2 M Femme Même si les emplois temporaires peu qualifiés ne 2 leur apportent pas la même stabilité ou les mêmes _ _à_ _ _n e possibilités d'ascension, nombre de jeunes chô- Rural Urbain meurs tunisiens se sont mis à les considérer moins Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. comme une solution provisoire que comme l'une Note: La graphique inclut les NEET âgés de 15-29 qui se des rares options viables. Une jeune Tunisienne présentent eux-mêmes comme découragés. 301 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES il ressort à 46 % parmi les jeunes hommes et à Figure 3.5. Raisons de l'exclusion du marché 42,2 % parmi les jeunes femmes. du travail, par sexe (2010) 80- Bien des jeunes demandeurs d'emploi qui M Homme mettent plusieurs années à passer des études à la vie 0 Femme active finissent par être découragés de poursuivre 50- leur recherche d'emploi car ils se sentent exclus, hu- miliés et stigmatisés. Beaucoup de jeunes dénoncent 0 ce qu'ils perçoivent comme l'absence totale d'empa- 20 thie de la part des employeurs potentiels qui, pour 10 reprendre le témoignage d'un jeune, « vous traitent comme un mendiant ou vous disent 'Dieu pour- Étudiant Les raisons Ilness/invalidité Autre voira à vos besoins', sans même nous écouter ». Qui familiales plus est, les jeunes n'ont guère d'espoir de pouvoir Source: Banque mondiale, Enquête population active en utiliser les compétences ou les qualifications qu'ils Tunisie, 2010. ont acquises. Ils disent se heurter à un système semé d'obstacles complexes qui empêchent leur inclu- sion sociale. Certains expliquent qu'ils ont vu des trouver un époux. Ainsi, une jeune Tunisienne doit personnes qu'ils considèrent plus brillantes ou plus bien peser les avantages financiers et professionnels talentueuses qu'eux ne pas parvenir à obtenir un associés à la recherche d'un emploi par rapport aux emploi stable et sombrer ensuite dans une apathie conséquences sociales que cet emploi entraînera autodestructrice: à son niveau de même que pour sa famille. Avant la révolution tunisienne, la famille était la princi- On voit des gens brillants. Ce sont des génies, pale raison incitant une femme à ne pas travailler mais qui finissent quand même par se retrouver (figure 3.5). au chômage. Et moi qui suis vraiment moyen, je m'inquiète. J'ai peur de l'avenir. Homme ayant Si une fille voulait travailler comme secrétaire abandonné ses études secondaires, Sidi Bouzid dans un hôtel, c'était inacceptable du point de (région intérieure de la Tunisie) vue moral. Diplômée, Médenine (Sud de la Tunisie) Les normes et attentes sociétales, en particulier dans l'intérieur et le Sud du pays, où les traditions Les périodes prolongées de chômage chez les patriarcales sont profondément enracinées, dis- jeunes ont des répercussions matérielles, sociales suadent nombre de jeunes femmes de rechercher un et psychologiques délétères. Lorsque des centaines emploi. Si, en général, les hommes ont le choix du de milliers de jeunes Tunisiens et Tunisiennes ne secteur d'activité et du lieu de travail, les femmes peuvent pas trouver de travail, la production éco- se retrouvent souvent cantonnées aux métiers de nomique et la cohésion sociale en pâtissent rapide- l'éducation et de la santé. Une jeune femme a in- ment. Les jeunes qui dépendent longtemps de leur diqué que son souhait de travailler comme récep- famille sur le plan matériel ne peuvent pas devenir tionniste dans l'hôtellerie n'était pas « acceptable pleinement autonomes, se marier, avoir des enfants du point de vue de la moralité » par sa famille. Les et leur propre logement, ni exprimer avec confiance jeunes diplômées ont un usage réduit de l'espace leur vision du monde, ce qui accentue leur mécon- public et nombre d'entre elles n'ont guère d'op- tentement et leur sentiment d'exclusion. Les lon- portunités de rencontrer des gens et de nouer des gues périodes sans travail ou sans faire d'études contacts au-delà de leur foyer et de leurs sorties au influencent le regard que la jeunesse tunisienne marché. La décision d'une femme de travailler hors porte sur sa vie et sur ses décisions. La dépendance de son domicile peut être jugée subversive et, par économique vis-à-vis des parents va à l'encontre de conséquent, réduire nettement ses perspectives de l'attente culturelle selon laquelle les enfants adultes Inactivité et chômage des jeunes | 31 sont redevables de l'aide que leur famille leur a ap- Très peu de jeunes Tunisiens NEET ont ter- portée. Les jeunes jugent humiliant de demander à miné le cycle d'enseignement secondaire ou ter- leurs parents de l'argent pour leurs besoins person- tiaire. Dans les zones urbaines, seulement 25 % des nels (par exemple pour acheter une carte de télé- NEET âgés de 15 à 29 ans possèdent un diplôme phone, un ticket de bus ou des vêtements). universitaire (19,4 % chez les hommes et 28,4 % chez les femmes), comme l'illustre la figure 3.6. Ils Le poids du chômage est très lourd à porter. sont 10,0 % à n'avoir poursuivi que des études se- Trouver du travail, c'est maintenant notre seul condaires (baccalauréat) (10,4 % des hommes et but. À un âge où on est redevable à sa famille de 9,8 % des femmes), et 8,0 % à avoir une formation tout ce qu'elle a fait pour nous, on devient pour professionnelle (11,4 % chez les hommes et 6,0 % elle un fardeau. Diplômé au chômage, Mahdia chez les femmes). Ces jeunes femmes et hommes (région côtière) qui, ensemble, constituent 43,0 % des NEET en milieu urbain sont considérés comme qualifiés, mais ne peuvent toujours pas trouver de travail. À 3.3 Éducation et inactivité titre de comparaison, dans les zones rurales, seu- lement 17,1 % des NEET sont qualifiés (13,2 % C'est parmi les jeunes peu instruits que l'on trouve l la plus forte proportion d'inactifs, tant dans les ont fréquenté l'enseignement secondaire et 3,8 % détiennent un diplôme professionnel), cet écart zones rurales que dans les zones urbaines, avec s'telqnt enillme pr l fat quele toutefois une proportion nettement supérieure à la campagne. En milieu rural, plus de quatre NEET jeunes qualifiés migrent vers les villes.2 Tant dans sur cinq ne possèdent pas de diplôme de l'enseigne- les zones rurales que dans les zones urbaines, ce ment secondaire (81,5 % des hommes et 83,8 % des sont les régions de l'intérieur du pays qui comptent le plus faible niveau d'instruction chez les NEET femmes ; figure 3.6). Dans les zones urbaines, c'est (e 3 fige iveau Laicrétion d'opporT le cas pour plus de la moitié des NEET (58,8 % des (anx ,fgr,35.L raindoprui lemcas ou plus% des moiti es. NETviron (58 ci tes d'emploi pour ces centaines de milliers de jeunes hommes et 55,8 % des femmes). Environ un cin- quième des NEET vivant en zone rurale n'ont même peu instruits reste un défi considérable. pas achevé l'école primaire : 15 % des hommes et Cependant, plus les individus sont instruits, 24,7 % des femmes (annexe 3, figure A3.4), contre plus leur taux de chômage est substantiel. Si l'on 6,2 % et 8,4 % dans les villes.' ne prend en compte que le chômage urbain, on constate des taux particulièrement élevés chez ceux Figure 3.6. Niveau d'études le plus élevé chez ayant suivi un enseignement tertiaire (figure 3.7). les NEET, par sexe (15-29 ans) Dans les zones urbaines des régions de l'intérieur et du Sud de la Tunisie, surtout, le chômage des diplô- 100- 4 7 més de l'université avoisine les 40 %. 80- 13'8 12,8 19,4 28,4 Professionnel Le faible niveau d'instruction de nombreux 60 10,4 Univers aire jeunes Tunisiens sans travail montre la nécessité Sous secondaire d'un effort de formation professionnelle supplé- 40- 81,5 83,8 mentaire en direction des NEET. Faute de forma- 58,8 55,8 tion aidant les jeunes femmes et hommes à acquérir 20- les compétences requises dans une économie mo- R0 r derne, les NEET d'aujourd'hui risquent de devenir Rural Rural Urbain Urbain une génération perdue, qui peinera à trouver un homme femme homme femme emploi tout au long de sa vie productive. Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les NEET, âgés de 15-29. 32 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 3.7. Taux de chômage par niveau d'études, zones urbaines de la Tunisie 0,45- 0,40- M En deçà du primaire 0,35- a Primaire 0,30- a 1er cycle secondaire M Secondaire 0,25- * Supérieur 0,20- a Professionnel 0,15- 0,10- 0,05- 0 . li1 Northwest Northeast Tunis Midwest Mideast Southwest Southeast Source: Banque mondiale. 2013. Note : Réduire la fracture spatiale. Déscolarisation précoce n'ont pas achevé leur scolarité de base (Ben Romdhane, 2010). Les deux tiers n'obtiennent au- La grande majorité des NEET n'a pas de diplôme cune autre formation et, à des degrés divers, ils se de l'enseignement secondaire, ce qui a de graves retrouvent généralement dans des formes plus ou conséquences sur l'insertion de la génération sui- moins abusives de travail occasionnel. Il est fré- vante sur le marché du travail de demain. Parmi quent qu'ils expriment de l'amertume ou le regret tous les jeunes Tunisiens actuellement non scola- d'avoir quitté l'école pour des raisons familiales in- risés (salariés, travailleurs indépendants et NEET), dépendantes de leur volonté, telles que la pauvreté, quatre sur cinq n'ont pas achevé le cycle d'ensei- l'instabilité familiale ou la région où ils ont grandi. gnement secondaire dans les zones rurales : 80,7 % Ces jeunes déscolarisés risquent d'être recrutés des hommes et 85,3 % des femmes (figure 3.8). par des mouvements religieux extrémistes, ou de Par comparaison, dans les zones urbaines, un sur n'avoir guère d'autres solutions envisageables que deux arrête l'école sans aller au bout de ce niveau l'émigration clandestine. d'enseignement (50,6 % des hommes et 47,0 % des femmes).3 Cet abandon scolaire précoce est très pré- Figure 3.8. Niveau d'études le plus élevé chez occupant car la génération suivante ne sera guère en les NEET, par sexe (25-29 ans) mesure d'occuper les emplois dans les secteurs tech- niques ou des services qu'une économie mondialisée 100- 7,1 est susceptible de proposer. L'analyse de régression 15,8 112 portant sur la déscolarisation précoce confirme les 80- 27,1 Sous secondaire Secondaire problèmes supplémentaires dont souffre la jeunesse - 60 -,Universitaire dans les zones rurales (annexe 3, tableau A3.1).4 q ' 7 Professionnel Les études économétriques mettent également en O 40- 80,7 85,3 lumière le rôle déterminant du niveau d'instruction 50,6 47,0 des parents et de la richesse du ménage. 20- L'abandon scolaire concerne à la fois les jeunes homme femme homme femme hommes et les jeunes femmes. En Tunisie, plus de la moitié des élèves quittent l'école sans avoir Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. terminé le lycée. Chaque année, sur les quelque Note : La graphique rapporte le plus haut niveau de scolarité parmi tous les jeunes de 25-29 ans qui ont quitté le système 140 000 élèves qui abandonnent l'école, 80 000 éducatif, y compris ceux qui ont un emploi et les NEET. Inactivité et chômage des jeunes | 33 L'un de nous a arrêté l'école pour permettre à un bas, la précarité de l'emploi s'accentuera et les iné- autre de faire des études sans que notre famille galités de revenus se creuseront. ait besoin de s'endetter. C'est mieux qu'un de nous se sacrifie, et je le répète, c'est un sacrifice. Jeune homme ayant abandonné l'école, Mahdia Qualité de l'enseignement (Centre-Est de la Tunisie) Les taux d'inscription sont élevés, mais les résultats Aujourd'hui, on voit bien que l'État se moque scolaires médiocres dans toute la Tunisie. Il ressort des jeunes. C'est pour ça qu'il y a autant d'émi- de l'enquête TIMSS (sur les acquis en mathéma- gration clandestine. Jeune homme ayant aban- tiques et en sciences) de 2011 que, dans ce pays, donné l'école, Mahdia (Centre-Est de la Tunisie) 75 % des élèves de huitième année ont des résultats faibles, voire très faibles, en mathématiques, malgré Les filles restent plus longtemps à l'école que les de légers progrès depuis 2003. À l'instar de la plu- garçons et constituent 62 % des étudiants à l'uni- part des autres pays du Moyen-Orient et d'Afrique versité. On a assisté, à partir des années 60 et 70, du Nord, la Tunisie affiche des résultats bien plus à une augmentation sensible des effectifs féminins faibles que les pays à revenu intermédiaire compa- à l'école et à l'université, les résultats des filles sur- rables situés dans d'autres régions du monde (Mul- passant même ceux des garçons. Dans les zones ur- lis et al., 2012). Globalement, il ne semble pas que baines du pays, plus d'un tiers des jeunes femmes les établissements d'enseignement secondaire dotent achèvent un cursus universitaire (36,2 %), contre les élèves des compétences de base qui sont impéra- seulement 27,1 % des jeunes hommes (figure 3.8).1 tives pour la compétitivité dans une économie mon- Néanmoins, leur taux d'inscription dans l'enseigne- dialisée (Banque mondiale, 2012f et 2013c). ment tertiaire reflète l'absence d'opportunités d'em- ploi, du moins pour une partie d'entre elles. Les L'école échoue à transmettre les compétences analyses qualitatives révèlent en effet qu'elles sont fondamentales qui permettraient aux jeunes de de- nombreuses à décider de prolonger leurs études venir des adultes à part entière et des citoyens actifs. pourbretarer la péerectie dur ge. eurséLa formation pratique fait largement défaut dans pour retarder la perspective du chômage. les écoles, de même que l'enseignement et les ac- J'aimerais terminer mes études. Qu'est-ce que je tivités parascolaires contribuant au développement vfaire si je reste à la maison ? Regarder la des aptitudes sociales, interpersonnelles et de com- télé ? C'est juste une formation supplémentaire, munication grâce auxquelles les jeunes pourraient mais ça me permet de m'occuper. Étudiante à déployer tout leur potentiel, et véhiculant les va- l'université, Tunis leurs du travail et de la citoyenneté. Selon une étude publiée par le CNIPE en 2008, parmi les multiples Dès que les réformes économiques commen- facteurs liés à la perception d'une dégradation fi- ceront à créer de la croissance, les entreprises se gure la suppression du « concours », l'examen à la tourneront vers des secteurs plus productifs, qui de- fin de la sixième année de l'école primaire.6 Les ré- mandent davantage de qualifications. Il faudra non formes successives des programmes n'ont pas réussi plus des travailleurs sans qualifications mais de la à améliorer l'acquisition des compétences de base. créativité, une capacité d'innovation et des spéciali- Un étudiant commente la situation en ces termes sations techniques. En général, ces compétences né- cessitent un diplôme de l'enseignement secondaire Avant, ils n'étaient pas comme nous. Ils con- ou une formation professionnelle. Or, une grande naissaient la valeur des choses. Ils savaient ce partie de la jeunesse tunisienne ne pourra proba- qu'étaient les sciences humaines. Aujourd'hui, il blement pas bénéficier de cette future croissance y a beaucoup de livres, mais rien dans les têtes. économique tirée par la productivité, ce qui est très On étudie beaucoup de matières compliquées, inquiétant. En conséquence, les salaires resteront mais e servenàien (Nord-Est de la Tunisie) 34 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES On estime que la qualité des enseignants joue un à l'école primaire et, en partie, dans le secondaire rôle dans la qualité de l'éducation. D'après les re- et le tertiaire, y compris pour les sciences.7 La jeu- cherches qualitatives, les problèmes liés à la forma- nesse considère que la mise en oeuvre de la politique tion médiocre des enseignants se posent dès le plus d'arabisation, lancée dans les années 80, a été in- bas niveau du système éducatif, où, dans le primaire, fructueuse et hâtive. Une jeune femme raconte: le recrutement se fait souvent directement à l'issue des études, sans formation pédagogique spécialisée. Pendant trois ans, dans l'enseignement secon- Un jeune qui a répondu à l'enquête explique: daire, de la sixième à la neuvième année, j'ai eu des cours de mathématiques, de physique et de Ce n'est pas une question de formation ou de re- sciences en arabe. Mais on avait des professeurs crutement. Il y a des professeurs qui ne savent formés en français. Personnellement, comme je tout simplement pas tenir une classe, qui ne sont faisais partie des meilleurs élèves, je pense que pas faits pour enseigner. Diplômée au chômage, le professeur ne savait plus où il en était. Il ne Madhia (centre de la Tunisie) pouvait pas communiquer, et je ne pouvais pas comprendre, parce que c'était en arabe, et j'avais La plupart des enseignants n'expliquent pas à l'impression qu'il avait appris cette langue à con- leurs élèves comment procéder. Ils se contentent trecœur. Si le cours n'était pas dès le début en de donner l'équation et son résultat. Infirmier de arabe, et que le professeur n'avait pas déjà en- 28 ans, Tunis (région côtière) seigné en arabe, il ne pouvait pas transmettre ce qu'il savait [...]. Ce n'est bénéfique ni pour Il n'y a quasiment pas d'orientation profession- les élèves ni pour l'enseignant, et c'est épuisant. nelle dans l'enseignement secondaire et à l'univer- Étudiante universitaire, Sidi Bouzid (région in- sité, et les élèves ne sont pas suffisamment guidés térieure de la Tunisie) dans des décisions cruciales pour leur avenir. Beau- coup de jeunes déplorent l'absence d'accompagne- L'examen du baccalauréat est également contro- ment et de conseils sur le choix des filières et leurs versé. Étant donné que l'évaluation finale repose conséquences pour leur avenir professionnel. De pour environ 25 % sur le contrôle continu, il peut surcroît, le système d'admission centralisé et rigide arriver que la notation soit arbitraire. Ce système qui est en place à l'université restreint le choix of- est exposé à la manipulation, au favoritisme et à fert aux étudiants potentiels et leur accès à de nom- un gonflement artificiel des notes. En outre, nombre breux cursus très demandés. d'élèves critiquent le calendrier et le mode d'intro- duction des langues étrangères dans les programmes J'ai demandé à faire de la sociologie et l'anglais, scolaires. j'ai obtenu l'arabe. Je n'avais pas précisé un neu- vième et un dixième choix sur le formulaire, et le Alors que la plupart des pays industrialisés dé- garçon assis à côté de moi m'a suggéré d'indiquer ploient une stratégie d'acquisition de connaissances l'arabe. [...] Quand j'ai appris la nouvelle, j'ai tout au long de la vie, la Tunisie offre très peu d'op- laissé tomber ! Chef d'entreprise, Tunis portunités de formation supplémentaire à ceux qui ont quitté l'école. Les jeunes travailleurs bénéficient Les réformes successives des dernières décen- très rarement d'une formation en cours d'emploi nies sont vivement critiquées par les jeunes, qui en Tunisie, seulement 1 jeune salarié sur 10 a reçu estiment qu'elles nuisent au secteur de l'éducation une formation professionnelle sur l'année écoulée. et qu'elles sont irréfléchies et arbitraires. Ces ré- Selon l'enquête 2003 sur la transition de l'école à formes ont abouti à des politiques que les ensei- la vie active, réalisée par l'Observatoire national de gnants étaient mal préparés à appliquer en salle de l'emploi/Organisation internationale du travail, ces classe, notamment « l'arabisation », c'est-à-dire jeunes salariés n'étaient que 10,4 % à suivre une l'emploi de l'arabe comme langue d'enseignement formation professionnelle, principalement pour se Inactivité et chômage des jeunes | 35 spécialiser encore (OIT, 2014). Près de la moitié enseignants et l'administration des établissements, de ces activités de formation ont été financées par tout en offrant aux élèves davantage de possibili- des programmes publics (40,8 %) et le taux d'accès tés d'influer sur l'élaboration des programmes. En est analogue pour les jeunes hommes et les jeunes Tunisie, cela devrait permettre de se concentrer sur femmes.8 l'introduction des compétences valorisées par le marché du travail (La Cava et Michael, 2006). L'importance des efforts Les organisations universitaires pour la jeunesse d'orientation pour une meilleure peuvent jouer un rôle constructif dans l'améliora- insertion professionnelle tion du système éducatif. Par exemple, un réseau ré- gional d'organisations étudiantes de plusieurs pays Au vu du taux élevé d'abandon des études dans le d'Europe du Sud-Est, créé au lendemain du conflit secondaire, il est nécessaire de mettre en place des dans l'ex-Yougoslavie, a facilité le déploiement services d'orientation, surtout pour les élèves aux de diverses réformes cruciales. Ces organisations niveaux d'enseignement les plus touchés. Pour être sont parvenues à mettre en place des médiatrices efficaces, ces services devraient être gérés selon des et médiateurs dans un certain nombre d'universi- critères professionnels par des prestataires privés, tés, des évaluations de la qualité de l'enseignement en partenariat avec des organisations non gouver- et des changements dans le régime de gouvernance nementales de jeunes, ce qui permettrait une bonne qui ont eu des répercussions sur les ministères de communication avec les enseignants et les parents, l'Éducation, ainsi que sur les professeurs et les ad- mais, surtout, un mentorat par les pairs. Ces ser- ministrateurs universitaires (La Cava et Michael, vices pourraient être introduits progressivement 2006). Au Royaume-Uni, tous les départements dans les établissements d'enseignement secondaire universitaires sont dotés de conseils consultatifs de la Tunisie, afin de dispenser une orientation personnel/étudiants, qui examinent tous les as- professionnelle, des informations pertinentes, des pects, depuis les stratégies de recherche jusqu'aux compétences de base et un accompagnement psy- attentes des étudiants, en passant par l'assurance chopédagogique de nature à faciliter la transition qualité des programmes. Des étudiants siègent dans école-vie active, notamment le repérage des oppor- tous les comités d'évaluation interne, et leurs repré- tunités de formation en apprentissage. En déve- sentants sont membres des organes directeurs des loppant des espaces d'information et d'orientation universités. Il existe en outre un très large éventail inclusifs ainsi qu'en aidant la jeunesse tunisienne à viser des objectifs professionnels de long terme, tout particulièrement les jeunes défavorisés qui risquent Figure 3.9. NEET inscrits au chômage: d'abandonner l'école, les services d'orientation comparaison entre zones rurales contribueraient aussi à prévenir la déscolarisation et zones urbaines précoce. Ce projet de réforme vise à compléter les réformes structurelles à long terme qui s'imposent 70- 63,3 dans le secteur de l'éducation en Tunisie. 60- 50- 46, * Homme Il est indispensable que les organisations de V 40- aFemme es M Femme jeunes puissent exprimer leurs préoccupations et g 30- proposer des solutions aux problèmes de l'éduca- 20- 14,5 tion. L'expérience d'autres pays à revenu intermé- 10- diaire montre qu'outre sa contribution à la lutte O contre la corruption et les mauvaises pratiques dans le système scolaire, la participation accrue des élèves Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. et des parents à l'école responsabilise davantage les Note: La graphique inclut tous les NEET. 36 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES d'opportunités pour associer plus pleinement les investissements substantiels. Le manque de services syndicats étudiants aux réformes et au contrôle. destinés aux chômeurs dans les zones urbaines, et En Tunisie, des initiatives semblables, au niveau de principalement dans les zones rurales, accentue les l'enseignement secondaire, pourraient être soute- disparités entre villes et campagne. Cependant, une nues au moyen d'aides financières que les étudiants analyse plus détaillée révèle peu d'écarts régionaux, et les organisations pour la jeunesse pourraient sol- même si c'est dans l'intérieur du pays que le taux liciter et qui seraient octroyées selon une procédure d'inscription au chômage est le plus faible (an- de sélection. nexe 3, figure A3.6). Pour trouver du travail, il est nécessaire de con- 3.4 Voies d'accès et obstacles à sulter Internet, d'aller dans un bureau de l'em- l'emploi ploi, mais c'est une des rares régions où il n'y en a pas [...]. L'accès à Internet coûte 2 dinars Inscription au chômage l'heure [...] et il faut débourser 10 dinars rien que En Tunisie, malgré la forte proportion de NEET, pour s'inscrire au bureau de l'emploi. Diplômé peu de jeunes sont inscrits au chômage. Dans les au chômage, Sidi Maklouf (Médenine) zones rurales du pays, seulement 14,5 % des jeunes hommes et 8,1 % des jeunes femmes sans travail Les procédures de recrutement sont largement sont officiellement enregistrés comme chômeurs jugées inéquitables, tout particulièrement dans le (figure 3.9). Les taux d'inscription au chômage secteur public. Les groupes de discussion qui ont sont bien plus élevés en zone urbaine (46,0 % examiné les aspects qualitatifs estiment que les des hommes et 63,3 % des femmes), mais tous les concours, le mode de recrutement officiel, sont une chômeurs sont loin d'être inscrits. Les bureaux de simple façade. Les facteurs suivants, entre autres, l'emploi doivent impérativement améliorer et déve- sont considérés comme influençant fréquemment lopper leurs prestations pour que les jeunes NEET y le recrutement : 1) les relations ; 2) la corruption ; aient accès, proposer des services utiles et accompa- 3) le népotisme et 4) le régionalisme. Ces facteurs gner efficacement les jeunes à la recherche d'un em- se chevauchent, mais chacun d'eux possède ses ploi, tout particulièrement dans les zones rurales. propres caractéristiques. Le système actuel couvre à peine un jeune sans tra- vail sur dix à la campagne et un sur deux en ville. La corruption et le népotisme jouent un rôle crucial dans l'obtention d'un emploi. Interrogés sur les deux aspects qui priment dans leur recherche Obstacles à l'emploi d'emploi, les jeunes Tunisiens soulignent l'impor- tance des relations : 53,6 % de ceux qui vivent Les bureaux de l'emploi ne procurent qu'un sou- dans les zones rurales et 62,6 des jeunes citadins tien limité, et la plupart des NEET ne sont même (figure 3.10). Ils pensent que les qualifications, me- pas inscrits au chômage, surtout dans les zones ru- surées par le niveau d'instruction (respectivement rales. L'information sur les offres d'emploi est dif- 50,2 % et 56,9 %) et l'expérience professionnelle ficile à obtenir, et rarement disponible pour ceux (20,9 % et 14,7 %) sont tout aussi essentielles. qui n'ont pas de relations. Sur un marché du travail où le chômage généralisé touche la plupart des fa- On entend par « régionalisme » le phénomène milles, les quelques nouveaux emplois à pourvoir qui consiste à accorder la préférence aux jeunes de sont d'abord réservés aux proches et aux amis. Les la région côtière pour pourvoir une grande partie autres candidats ne sont pris en compte qu'ensuite. des emplois dans le secteur privé. Le régionalisme est très répandu et contribue aux inégalités. Ce fa- Le système national d'inscription au chô- voritisme peut s'expliquer par le fait que les jeunes mage nécessite une assistance technique et des vivant sur la côte sont perçus comme capables Inactivité et chômage des jeunes | 37 d'utiliser des réseaux de relations interrégionaux. Figure 3.10. Principales raisons de l'accès Dans nombre d'organisations du secteur privé, aux opportunités d'emploi: dont des banques et des usines, les élites régionales comparaison entre zones rurales influent largement sur les décisions d'embauche. Ce et zones urbaines n'est toutefois pas une spécificité de l'intérieur du pays. Ainsi, une étudiante à Zaghouan, parle d'une 80- usine qui s'est installée dans cette ville, à seulement 60 5 62,6 56,9 15 kilomètres de Tunis : 50 -02 * Rural S40 -M Urbain o 30- Ils n'emploient jamais des gens du coin. Ils re- 20- 20,9 7 crutent des personnes venant de Tunis ou de 10 Sousse, parce les patrons et les professeurs d'uni- 0 Relations et Niveau Expérience versité ne sont pas d'ici. Tout le monde embauche népotisme d'études ceux qu'ils connaissent. Étudiante, Zaghouan (région côtière) Source :Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les jeunes. Parce que les réponses multiples étaient autorisées, les pourcentages ne total- Outre le manque général d'opportunités, le isent pas 100%. manque de contacts personnels constitue un obs- tacle de taille dans la recherche d'emploi pour les jeunes Tunisiens. Interrogés sur les deux difficultés disparités régionales, les relations personnelles, les principales qu'ils rencontrent pour trouver du tra- valeurs traditionnelles et les préférences familiales vail, les jeunes, dans les zones urbaines comme dans devrait constituer un objectif central de la politique les zones rurales, citent en premier le manque d'op- publique, afin que le pays s'achemine plus résolu- portunités et de contacts (figure 3.11). L'insuffisance ment vers une stabilité et une croissance écono- des moyens financiers et le déficit de qualifications mique socialement durables. Les chapitres suivants sont deux autres aspects importants souvent men- mettront en avant les actions à envisager pour lutter tionnés. Ces facteurs sont interdépendants, ce qui contre l'exclusion des catégories de jeunes les plus crée des obstacles à de multiples niveaux. Les parti- touchées. cipants aux discussions thématiques de groupe ont mis en évidence le cercle vicieux du manque d'ex- Pour trouver du travail, la plupart des jeunes périence : sans expérience, il est difficile de pénétrer utilisent les réseaux sociaux informels plutôt que sur le marché de l'emploi, surtout dans le secteur de se renseigner au bureau de l'emploi sur les privé, et d'acquérir cette expérience qui fait défaut. postes à pourvoir. Seulement 31,0 % des jeunes qui vivent en zone rurale et 44,8 % des jeunes ci- Trois ans après le début de la révolution tuni- tadins s'adressent au bureau de l'emploi pour s'in- sienne, les autorités n'ont pas encore su résoudre un former des nouvelles offres. Ils sont plus des deux problème considérable: comment élargir l'accès des tiers à la campagne (67,2 %) et près de la moitié jeunes aux opportunités d'emploi de façon inclusive dans les villes (42,3 %) à être au courant des offres à la fois sur le plan de l'égalité des sexes et sur le plan d'emploi via les réseaux et leurs contacts person- territorial ? La jeunesse tunisienne considère que les nels (figure 3.12). Il en résulte une forte asymétrie réseaux informels et d'autres pratiques déloyales de l'information : nombre de jeunes qualifiés n'ont l'empêche d'accéder aux rares emplois disponibles. pas connaissance des postes vacants, ce qui allonge En particulier, ceux dont la famille est pauvre et les périodes de chômage et réduit le nombre de les jeunes défavorisés sans diplôme du secondaire placements. passent des années à chercher du travail. À l'avenir, l'intégration des jeunes marginalisés (NEET) sur un Parmi les jeunes Tunisiens, Internet est au- marché du travail qui est largement marqué par les jourd'hui la deuxième source d'information sur les 38 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 3.11. Principales difficultés à accéder aux opportunités d'emploi comparaison entre zones rurales et zones urbaines 80- 70- 67,5 67,8 a Rural 60- 52,8 a Urbain r 50- 4 40- 30- 23,5 20 - ~~ 16,4 17,7 16,2 10 - 0 Pas Pas de Pas de Recrutement Pas de travail Pas opportunités relations ressources qual. difficile dans la d'information fin. spécialité Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les jeunes. Parce que les réponses multiples étaient autorisées, les pourcentages ne totalisent pas 100%. postes à pourvoir. Dans les zones urbaines, 43,3 % la jeunesse tunisienne n'a pas accès à Internet, tout des jeunes recourent à Internet pour trouver des particulièrement les jeunes défavorisés, ainsi que emplois. La proportion est nettement plus faible ceux vivant dans les zones rurales. Les technologies (27,6 %) dans les zones rurales (figure 3.12). Inter- comme les SMS, proposées par des initiatives pu- net devance les médias traditionnels, tels que la télé- blic-privé, offrent la possibilité d'atteindre un bien vision ou la radio, chez 14,3 % des jeunes qui vivent plus grand nombre de jeunes, mais le taux actuel de en milieu rural et chez 2,5 % de ceux qui habitent souscription à ce service reste très faible parmi les en ville, et aussi les journaux, respectivement pour jeunes. Il n'est que de 0,9 % dans les zones rurales 23,9 % et 21,9 %. Cependant, une grande partie de et de 1,3 % dans les zones urbaines. Figure 3.12. Sources d'information sur les opportunités d'emploi comparaison entre zones rurales et zones urbaines 80- 70- 67,2 60- Rural I Urbain 0 44,843,3 S40- o . 3 1 , 2 7 , 6 2 , , ' 23,9 21,9 1 , 20- 14,3 10 02,5 0,9 1,3 Réseau de Agence pour Internet Presse Radio SMS relations l'emploi imprimée et TV Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : La graphique inclut tous les jeunes. Parce que les réponses multiples étaient autorisées, les pourcentages ne totalisent pas 100%. Introduction I 39 Notes que la richesse du ménage joue un rôle de cause à effet qui déter- mine fortement le niveau d'instruction. Certaines des raisons qui 1. Ces taux d'instruction sont plus élevés que pour les généra- expliquent cette tendance ont été suggérées plus haut. tions précédentes. La proportion de NEET de 30-39 ans qui 5. L'échantillon de zones rurales n'incluait pas assez de diplômés n'ont pas achevé le cycle d'enseignement secondaire est de 91,7 de l'université pour permettre une comparaison pertinente. % (hommes) et 98,3 % (femmes) dans les zones rurales de la 6. Une étude du CNIPE (2008) a montré qu'à la suite de la dé- Tunisie, contre respectivement 71,3 % et 80,9 % dans les zones cision, en 1996, de supprimer le redoublement, bon nombre des urbaines (annexe 3, figures A3.1 et A.3.2). élèves de septième et de huitième années ne savaient lire et écrire 2. L'enquête n'englobant pas suffisamment de jeunes diplômés ni l'arabe ni le français. de l'université qui habitent en zone rurale, elle ne permet pas de 7. Officiellement, l'arabe est la langue d'enseignement dans déterminer leur proportion avec certitude. l'éducation de base, et le français est enseigné comme langue 3. Ces résultats concernent respectivement les jeunes qui vivent étrangère. Le français devient la langue dans laquelle sont en- dans les zones rurales et ceux qui vivent dans les zones urbaines. seignées les matières techniques et scientifiques, ainsi que les Ils ne prennent pas en compte les migrations. mathématiques. Tous les autres cours sont en arabe. Cependant, 4. Le tableau présente les résultats d'un modèle probit de désco- les groupes de discussion indiquent que les mathématiques et larisation précoce et confirme en grande partie ceux également certains cours de science sont par endroits enseignés en arabe. obtenus pour le niveau d'instruction en général. Les coefficients 8. Voir l'annexe 1 pour des données plus détaillées sur les résul- très élevés et statistiquement significatifs permettent de penser tats de cette enquête.  CHAPIRE 4 epporunité éenemique 42 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Que vous soyez une fille ou un garçon, vous pensez : « Après toutes ces années d'études et de sacrifice, je me retrouve à la maison. Même si j'essaie de faire comme si cela ne me touchait pas, ça m'affecte psychologiquement... Cette vie ne me satisfait plus. Je préfererais vivre dans de meilleures conditions, dans un meilleur environnement » Jeune diplômée sans emploi, Tataouine (région du Sud) Ce chapitre traite des opportunités économiques 4.1 Opportunités d'emploi qui s'offrent aux jeunes Tunisiens et Tunisiennes, et dresse le bilan de l'emploi et de l'entrepreneuriat En dépit des politiques nationales en faveur de dans les secteurs formels et informels. Les résultats l'égalité des sexes, force est de constater que peu montrent qu'il existe des disparités importantes de jeunes Tunisiennes travaillent. Moins d'une entre les régions et entre les sexes concernant les femme sur cinq en Tunisie rurale (18,5 %) et moins perspectives d'emploi des jeunes, comme en té- de deux femmes sur cinq en milieu urbain (39,8 moigne également une récente étude de la Banque %) ont un emploi.2 Le taux d'emploi des jeunes mondiale sur le marché du travail en Tunisie est bien moins élevé pour les femmes que pour les (Banque mondiale, 2013b). La plupart des emplois hommes (figure 4.1). L'emploi des femmes est par ne s'accompagnent pas d'un contrat écrit et offrent ailleurs particulièrement faible dans les régions du une sécurité de l'emploi et une protection sociale li- Sud (8,3 % dans les zones rurales et 17,2 % dans mitées.1 Enfin, le chapitre se penche sur le potentiel les zones urbaines) et de l'intérieur (respectivement entrepreneurial considérable des jeunes Tunisiens, 16,1 % et 34,3 %), par comparaison avec les jeunes en soulignant les difficultés d'accès au financement femmes de la région côtière (27,5 % et 45,9 %). et les conséquences d'une réglementation excessive Le taux d'emploi des jeunes hommes est très faible pour les jeunes travaillant à leur compte. partout, même dans la région côtière (58,1 % et 68,0 %), ainsi que dans le Sud (53,6 % et 60,3 %) Figure 4.1. Emploi des jeunes Tunisiens a. Rural b. Urbain 80- 80- 68,0 60- 58,1 53660- 56,6 60,3 omme53M Homme é40 ô M Homme téS40uCtFémre o ~ ~~ Fe,mmFemee 20-1, 20- 17,2 8,3 Côte Intérieur Sud Côte Intérieur Sud Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note: Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des programmes éducationnels ou des formations. Opportunités économiques | 43 et dans l'intérieur du pays (48,9 % et 56,6 %). Dans socioéconomique » plutôt que d'après la proximité l'ensemble, entre un tiers et la moitié des jeunes géographique (Egel et Garbouj, 2013). hommes susceptibles de travailler sont sans emploi, ce qui laisse à penser que le volume de production La migration des jeunes accentue les disparités économique perdu est considérable. régionales et les clivages qui existent entre zones ur- baines et rurales. Elle prive les zones rurales de leur La probabilité pour les jeunes de trouver un rare main-d'œuvre jeune et qualifiée, et vient ali- emploi dépend en premier lieu de leur milieu fami- menter l'expansion des banlieues pauvres dans les lial. S'agissant de trouver un emploi, l'analyse de zones urbaines de la Tunisie. En effet, la migration régression montre que le niveau d'études du père cimente l'incapacité de l'arrière-pays rural à évo- est plus déterminant que celui du jeune en question. luer vers un modèle économique à forte producti- La richesse du ménage semble elle aussi jouer un vité. Dans ce cercle vicieux, les jeunes de l'intérieur rôle important (annexe 4, tableau A4.1).3 Il appa- du pays se considèrent comme laissés-pour-compte raît ainsi que le réseau de relations et la qualité de et victimes du favoritisme régional. Leur migra- l'instruction de la famille, qui ne peuvent pas être tion accentue encore la pression sociale dans des directement pris en compte dans la régression mais zones urbaines incapables d'absorber l'arrivée mas- qui sont deux facteurs corrélés au niveau de sco- sive de travailleurs jeunes non qualifiés. Les jeunes larité du père, conditionnent fortement la capacité Tunisiens migrent non seulement pour chercher des jeunes à trouver un emploi. du travail, mais également pour se soustraire aux pressions sociales qu'ils subissent dans les zones rurales, retardant nombre de décisions concernant Exclusion régionale leur vie, d'où des frustrations supplémentaires chez [Le président] Bourguiba a développé la région les jeunes hommes et femmes. La migration est de Monastir, [le président] Ben Ali a développé considérée par beaucoup comme traumatisante, car Sousse, mais personne ne s'intéresse aux régions elle implique de laisser derrière soi sa famille et sa de l'intérieur. L'État devrait traiter les régions de communauté. Pour de nombreux jeunes, quitter la manière équitable. Le taux de chômage à Sidi maison, et perdre le soutien psychologique et maté- Bouzid est deux fois plus élevé qu'à Sousse ; ils riel apporté par son environnement (famille, amis, devraient donc arrêter d'investir à Sousse en at- voisins, relations de café) pour partir s'installer en tendant que les autres régions aient rattrapé leur zone urbaine « où personne ne [les] voit », repré- retard, alors tout le monde sera content. Avec de sente plus un sacrifice qu'une aventure. telles mesures, on parviendrait à l'égalité entre les régions. Jeune diplômé sans emploi, Sidi Bouzid Les jeunes des zones rurales continuent de migrer vers les villes même si les zones urbaines n'offrent D'après un récent rapport sur la fracture terri- guère d'emplois de qualité. Près de 90,2 % des mé- toriale qui caractérise le marché du travail tunisien, nages ruraux indiquent que des membres de leur les jeunes ont particulièrement du mal à trouver un famille proche' ont migré vers des zones urbaines. Il emploi à l'intérieur et dans le Sud du pays (Banque s'agit principalement des frères et sœurs des jeunes mondiale, 2013b). En effet, la marginalisation géo- interrogés. Cet exode rural reste très répandu chez graphique, économique et politique de la société les jeunes, en particulier parmi les hommes. Près dans certaines parties du pays, qui favorise la ré- d'un quart des migrants de sexe masculin issus de gion côtière, figurait parmi les causes sous-jacentes ménages ruraux se sont installés dans l'aggloméra- de la révolution de 2011 (Ayeb, 2011).4 Selon une tion de Tunis (24,6 %), dans d'autres villes tuni- analyse plus récente, les soulèvements populaires siennes (31,7 %) ou à l'étranger (15,3 %), tandis se sont multipliés au sein des populations margi- qu'à peine un peu plus d'un quart (28,4 %) ont nalisées, dans tout le pays, selon une « proximité opté pour une autre localité rurale (figure 4.2). En 44 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 4.2. Destinations des migrants ruraux par sexe a. Homme b. Femme * Grand Tunis a Grand Tunis * Autre urbain a Autre urbain a Rural l Rural a Etranger a Etranger Source : Banque mondiale 2012d. Note: Ce graphique reflète tous les migrants existants qui sont apparentés aux jeunes des milieux ruraux. revanche, les jeunes femmes sont relativement peu Exclusion des femmes nombreuses à partir s'installer dans l'agglomération de Tunis (16,7 %), dans d'autres villes tunisiennes L'exclusion dont souffrent les femmes reste un im- (32,2 %) ou à l'étranger (2,4 %). Près de la moi- portant obstacle à l'égalité d'accès aux opportuni- tié des sœurs qui ont quitté leur région d'origine se tés économiques. La Tunisie a accompli des progrès sont établies dans une autre zone rurale (48,8 %). considérables pour réduire les écarts entre les sexes dans les secteurs de l'éducation et de la santé, mais Les jeunes chômeurs s'arrachent les rares em- les investissements dans le développement humain plois disponibles. D'aucuns considèrent que les mi- ne se sont pas encore traduits par des taux plus éle- grants ruraux font encore baisser les salaires déjà vés de participation féminine à la vie économique.' faibles des travailleurs non qualifiés dans les zones Plusieurs méthodes permettent de mieux appré- urbaines de la Tunisie. hender la discrimination à l'égard des femmes, no- tamment les déclarations des femmes elles-mêmes Les personnes qui viennent de zones rurales sur leur expérience et les perceptions individuelles, sont prêtes à travailler pour un salaire inférieur. ainsi que les analyses de régression sur les salaires Tunis est envahie de migrants, alors que d'autres (annexe 4, tableau A4.2). La figure 4.3 montre com- parties du pays se dépeuplent, et les habitants ment les jeunes hommes et femmes issus des zones de Tunis n'arrivent pas à trouver d'emplois. Je rurales perçoivent la discrimination sur le marché pense qu'il faudrait instaurer un visa pour vivre du travail.7 Pour près des deux tiers (61,4 %) des en ville, de façon que les jeunes ne viennent pas femmes interrogées, les femmes sont victimes de la surpeupler. À Tunis, il n'y a plus de place nulle discrimination lorsqu'elles cherchent un emploi part. Travailleur du secteur informel, Tunis (ré- dans le secteur privé. Une proportion moindre, gion côtière) mais néanmoins considérable (44,4 %), ressent une discrimination dans le secteur public. Une grande proportion de jeunes hommes admettent que les Opportunités économiques | 45 Figure 4.3. Discrimination perçue à l'encontre Les craintes de la famille à propos de la sécu- des femmes dans les secteurs privé rité des femmes et de la bienséance sociale conti- et public, en zone rurale nuent de faire obstacle à la participation des jeunes Tunisiennes au marché du travail. Les femmes 70- 61,4 ont peu d'opportunités de travailler en dehors de 60- la maison, en particulier dans le Sud du pays, en 50- 44, 44,4 raison du manque de diversification économique +- M Homme Ï 40- 32 Femme et du nombre limité d'emplois considérés comme 4 30- convenables pour une jeune femme aux yeux de 0 20- sa famille. Les données qualitatives montrent que 10- les normes sociales continuent de freiner la mobi- 0 lité professionnelle des jeunes femmes (encadré 4.1 Secteur privé Secteur public sur la formation de la famille). Certaines familles Source: Banque mondiale, 2012d toléreraient qu'une jeune femme vive loin d'elles à Note : Ce graphique se réfère aux jeunes ruraux Tunisiens. condition que son travail soit, à leurs yeux, socia- lement acceptable et qu'il augmente ses chances de se marier. Cet emploi devrait correspondre à la for- mation de la jeune femme et se situer de préférence femmes sont victimes de discrimination à l'em- dans le secteur public. Certaines des jeunes femmes bauche : 44,1 % dans le secteur privé et 32,4 % interrogées ont indiqué que le fait de rester dans dans le secteur public. leur région d'origine relevait davantage d'une obli- gation que d'un souhait. Contrairement aux jeunes La discrimination à l'égard des femmes est pré- hommes, elles ne peuvent pas accepter d'emplois à judiciable à leur participation au marché du travail court terme, comme des remplacements, qui pour- mais aussi au potentiel de développement de la Tu- raient leur permettre d'acquérir des compétences nisie. Comme le souligne le Rapport mondial sur utiles. Compte tenu de la rareté des emplois consi- le développement dans le monde 2012, « l'égalité dérés comme convenables, les diplômées peuvent des genres est un atout pour l'économie » et un rester au chômage pendant de longues années avant enjeu important pour le développement (Banque de devenir des épouses et des mères. mondiale, 2011). Si les femmes et les hommes bé- néficiaient d'une égalité d'accès à l'instruction, aux Nos parents nous ont encouragées à étudier et à opportunités économiques et aux actifs, la produc- travailler. Mais c'est toujours dans des limites qui tivité s'en trouverait stimulée. Les recherches qua- ont été définies pour nous, et au-delà desquelles litatives montrent que nombre de jeunes hommes nous ne pouvons pas aller. C'est une question de pensent qu'il est moins important qu'une femme mentalité. Les gens ici pensent que les filles ne travaille qu'un homme, étant donné que l'homme peuvent être qu'enseignantes ou infirmières, car est traditionnellement considéré comme celui qui ce sont des professions respectables et décentes. apporte le revenu. Cependant, de plus en plus, deux Je ne suis autorisée qu'à être une enseignante et revenus sont nécessaires pour subvenir aux besoins rien d'autre. Je ne pourrais pas travailler comme d'un ménage, et leur employabilité peut constituer guide touristique, ou à l'usine, ou quoi que ce un atout chez les jeunes femmes, comme l'explique soit d'autre. Et, pire encore, le travail doit se une jeune diplômée trouver dans le Sud de la Tunisie. Je ne pourrais même pas imaginer travailler loin de la maison. Les hommes aujourd'hui ne veulent pas d'une Diplômée, Médenine (région du Sud) femme au foyer, ils préfèrent que leur épouse tra- vaille et gagne de l'argent. Et ils ont raison. Jeune diplômée sans emploi, Tunis 46 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Encadré 4.1. Formation de la famille Dans certains segments de la société tunisienne, la possession d'un diplôme d'études supérieures est perçue comme un fardeau à plusieurs égards, en particulier chez les jeunes femmes. Celles-ci se re- trouvent effectivement pénalisées de leur propre fait par leur réussite scolaire car, dans une culture à prédominance patriarcale, les hommes peuvent craindre qu'elles disposent d'une plus grande autono- mie que celle dont elles sont censées jouir et ne les considèrent par conséquent pas comme des épouses potentielles. De plus, si le diplôme ne lui permet pas de trouver un emploi, une jeune femme doit retourner chez ses parents et mener une vie en grande partie recluse, en particulier dans les régions de l'intérieur et du Sud. En outre, le secteur dans lequel une femme travaille détermine en grande partie si un homme peut envisager de l'épouser. Les normes sociales dominantes autorisent une jeune femme à travailler comme infirmière ou comme enseignante, mais lui interdisent l'essentiel des autres métiers. Néanmoins, les jeunes femmes tunisiennes pensent que le niveau d'études et les qualifications pro- fessionnelles constituent des atouts significatifs en vue d'un éventuel mariage, car en raison de la si- tuation économique, il est de plus en plus difficile de faire vivre un ménage avec un seul salaire. L'idée que les deux époux peuvent travailler est tout aussi répandue chez les femmes non diplômées, qui affirment l'importance de contribuer aux revenus du ménage. Selon les propos d'une jeune femme « La vie est encore plus difficile de nos jours. Il faut que les deux membres du couple travaillent ». La situation vis-à-vis de l'emploi et les diplômes influent également sur les perspectives de mariage des jeunes Tunisiens, mais de manière différente. Au niveau sociétal, de nombreuses familles préfère- raient que leurs filles épousent un homme qui travaille, qu'il soit diplômé ou non. Ainsi, les diplômés sans emploi n'ont guère d'avantage comparatif par rapport aux non-diplômés sans emploi. L'absence de statut social pour les diplômés sans emploi peut dissuader des couples potentiels de chercher à se fiancer de peur du refus de la future belle-famille, ou pire de crainte de voir leurs fiançailles brisées prématurément à cause d'un chômage de longue durée et des fortes pressions qui s'exercent sur l'homme pour qu'il subvienne aux besoins de sa fiancée. Source: Banque mondiale et ONJ, 2012. Cependant, poussées par les besoins financiers Après mon diplôme, j'ai travaillé dans une usine de leur famille, un nombre important de jeunes pendant un an. J'ai remarqué que la majorité des femmes issues des régions de l'intérieur et du Sud diplômées font de même parce qu'elles n'arrivent travaillent. Ces jeunes femmes travaillent générale- pas à trouver un emploi adéquat dans leur do- ment dans des usines situées sur la côte, dans des maine de compétence. Jeune diplômée, Sfax villes comme Sfax, où elles partagent un logement avec d'autres femmes. Dans ce cas, il y a un com- promis entre, d'une part, les normes qui régissent Précarité de l'emploi le type de travail considéré comme approprié pour une diplômée de l'université et, d'autre part, le be- Le travail informel est fréquent chez les jeunes Tu- soin de revenus de la famille et le désir de la jeune nisiens : moins d'un jeune travailleur sur trois pos- femme d'échapper à l'ennui de la sphère domes- sède un contrat de travail formel qui lui donne une tique, comme l'explique une jeune diplômée : protection sociale. En vertu de la réglementation Opportunités économiques | 47 Figure 4.4. Type de contrat des jeunes en emploi (15-29 ans) a. Rural b. Urbain M CDI M CDI * CDD M CDD * Temporaire n Temporaire * Saisonnier a Saisonnier * Journalier a Journalier Source : Banque mondiale 2012d; 2012e. Note : Le graphique concerne les jeunes qui sont employés, à l'exclusion de ceux qui travaillent pour leur propre compte. relative au marché du travail tunisien, seuls les La précarité de l'emploi affecte les jeunes Tu- contrats de travail à durée indéterminée donnent un nisiens de tous les milieux sociaux. L'analyse de accès complet à la sécurité sociale et à une sécu- régression montre que la précarité de l'emploi est rité de l'emploi à long terme. Cependant, seulement indépendante de la richesse du ménage, ce qui si- 15,3 % des jeunes en milieu rural et 38,8 % des gnifie que les jeunes, qu'ils soient pauvres ou aisés, jeunes en milieu urbain bénéficient de tels contrats. sont tout aussi touchés. Les jeunes des régions de La figure 4.4 illustre les types de contrats détenus l'intérieur sont plus susceptibles d'avoir un emploi par les jeunes qui travaillent dans les zones rurales informel, contrairement à ceux ayant un niveau et urbaines. Le marché de l'emploi pour les jeunes d'études supérieur ainsi qu'aux jeunes femmes, Tunisiens est dominé par des contrats temporaires pour qui les emplois informels sont moins accep- et saisonniers, ainsi que par des emplois journa- tables pour des raisons sociales et culturelles (an- liers. Plus d'un cinquième des jeunes des zones ru- nexe 4, tableau A4.3). rales (20,1 %) et des zones urbaines (20,9 %) ont un contrat de travail à durée déterminée, d'où une Les jeunes Tunisiens déplorent pour la plu- faible sécurité de l'emploi.8 Il n'est pas étonnant de part l'emploi informel et le risque d'exploitation constater que le travail informel est plus fréquent dont il s'accompagne. De fait, les jeunes interro- chez les jeunes des zones rurales, dont plus de la gés mentionnent fréquemment la courte durée des moitié (51,7 %) travaillent comme journaliers. contrats comme un aspect majeur de l'insécurité Malgré l'insécurité de l'emploi qui prévaut, les de l'emploi. Ils estiment que cette courte durée des jeunes Tunisiens bénéficient toutefois d'une stabi- contrats va de pair avec l'exploitation de la part lité contractuelle beaucoup plus grande que les gé- des employeurs. En revanche, un emploi stable, nérations précédentes, parmi lesquelles la part des avec un contrat de moyenne ou de longue durée et contrats à durée indéterminée est beaucoup plus l'accès aux prestations de la sécurité sociale, figure faible.9 parmi les principales aspirations professionnelles 48 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES citées. L'inscription à la Caisse nationale de sécu- En outre, la faiblesse du niveau d'études est l'un rité sociale (CNSS) est souvent mentionnée comme des facteurs essentiels de la précarité sur le marché l'avantage le plus important pour n'importe quel du travail. L'analyse de régression montre que l'em- emploi, même chez des travailleurs qui n'ont pas ploi informel en milieu rural est fortement lié au de contrat formel. Pour nombre de jeunes travail- manque de qualifications (annexe 4, tableau A4.3). leurs, l'inscription à la sécurité sociale est un moyen Après neutralisation des facteurs individuels, la de conserver sa dignité en cas de perte d'emploi. précarité de l'emploi apparaît particulièrement Les emplois qui ne répondent pas à ces critères sont marquée dans les gouvernorats du Sud du pays.12 considérés comme du « faux travail », dont l'unique Les estimations montrent également que les jeunes finalité est de permettre de survivre. femmes sont moins susceptibles d'obtenir un emploi informel. Étant donné les normes sociales relatives Je n'ai pas d'objectifs en ce qui concerne le choix aux formes d'emploi jugées appropriées, l'absence de l'emploi. Je n'ai pas d'ambition. Je prends ce d'emploi formel semble exclure les jeunes femmes que je trouve. Le plus important pour moi, c'est du marché du travail. d'être inscrit à la CNSS. Travailleur du secteur informel, 21 ans, Gafsa (région du Sud) Niveau d'études et emplois peu qualifiés La prédominance de l'emploi informel chez les La pédoinace e lempoi nfomelche l. Ce que j'ai étudié à l'université n'a aucun rap- jeunes pourrait en partie s'expliquer par des dis- e que j à iveriténa an ran torsions du marché du travail qui appellent des port avec ce que e fais maintenant dans mon travail, même si, sur le papier, c'est dans le même réformes. Selon une étude récente sur la réglemen- domaine. Nous avons eu beaucoup de cours tation du marché du travail en Tunisie, plusieurs théoriques, mais le côté pratique était presque facteurs semblent expliquer l'informalité de l'em- iqes, maisye ct paque était pres plo (anuemodiae,203c. remèrmet,le inexistant. Employée de banque, 28 ans, Tunis ploi (Banque mondiale, 2013c). Premierement, le manque de flexibilité de la réglementation du tra- .La Tunisie a récemment accompli des progrès re- vail, pour les contrats à durée indéterminée, fait marquables dans l'accès de tous ses habitants à un qu'il est très difficile pour une entreprise de mettre fin à un contrat de travail, ce qui l'incite à recourir ensi n de base Enant,de taux d'al- à de cotrat decoute drée(Baque ondale bétisation quasi universels. En 2008, le taux d'al- à ec onrt dexièemoutet, e oids qd e a ofisc al s phabétisation officiel était de 96,1 % chez les jeunes 2013c).l l Deuxièmement, le 9 ie lsctravail femmes et de 98,2 % chez les jeunes hommes, bien les salaires (avoisinant les 29 %) incite les travail- que les taux dans les zones rurales aient tendance à leurs et les employeurs a eviter les contrats formels. êtepuba(UIE,21).3D mm,leax Troisièmement, les cotisations de sécurité sociale êr lsbs(NCF 02.3D êe etu Toisont emperçu les coeaunoimpôt scuément r d'inscription dans l'enseignement tertiaire, qui ac- lsot veres me on ips lésupetaio ns cueille aujourd'hui près d'un demi-million de jeunes (Banque mondiale, 2c)Une rpasléfoaurmesuie Tunisiens, est passé de 6 % seulement en 1987 à danréglmntiation du13c). marchéfdumtra ilre 35 % en 2007 (Haouas et al., 2012).14 L'essentiel de l'augmentation s'est produite ces dernières années cessaire pour conférer une plus grande flexibilite aux entreprises, tout en augmentant la protection aec, pa exmpe aultiplcto pa luside sociale des jeunes travailleurs. En particulier, les eu du nob ann de l'unive droits et les règles de licenciement associés aux en cinq uas p t de 200 0à 0 contrats à durée déterminée et aux contrats à durée indéterminée devraient être alignés sur les normes Malgré des taux d'alphabétisation et d'inscrip- internationales. tion à l'université très élevés, le secteur tunisien de l'éducation ne répond pas aux besoins et aux attentes de la jeune génération. À l'instar de leurs Opportunités économiques | 49 Figure 4.5. Satisfaction vis-à-vis du système milieu favorisé peut être essentiel pour qu'un indi- éducatif et du niveau d'études vidu puisse tirer pleinement parti de l'enseignement supérieur. 80- 73,9 70- Malgré les progrès de l'alphabétisation et de la 60- scolarisation, la qualité et la performance du sys- -c Rural tème éducatif figurent parmi les aspects les plus 40- 33,1 35,8 a problématiques de la politique publique en Tunisie. 8 30- C'est sur la faible qualité de l'enseignement, mesu- 20- rée par des critères objectifs, et sur la capacité li- 10- mitée de l'État à proposer un enseignement et des S S sformations adaptés à l'emploi qu'il est le plus ur- propre niv.t des Su système de gent d'agir. Aux yeux des jeunes Tunisiens, la qua- l'enseignement lité de l'enseignement et de la formation, ainsi que leur valeur sur le marché du travail, n'a pas cessé de Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des se dégrader. programmes éducatifs ou de formation. Lorsqu'elle a passé le concours de la 6e année, ma mère savait bien parler français. Aujourd'hui, congénères des autres pays du Moyen-Orient et les élèves de ce niveau ne savent même pas lire. d'Afrique du Nord (Banque mondiale, 2008), les J'ai donné des cours particuliers à des élèves de jeunes Tunisiens sont de plus en plus déçus par les primaire qui ne savaient même pas écrire leur connaissances trop théoriques qui leur sont ensei- nom. Diplômée sans emploi, Mahdia (région gnées, et qui ne les préparent pas à la vie active. côtière) Cette section présente le point de vue des jeunes sur le système éducatif : salles de classe mal équipées, Les deux tiers des jeunes Tunisiens ne sont pas enseignants peu formés, programmes obsolètes et satisfaits du système éducatif de leur pays. Les taux en décalage avec le marché du travail actuel, ab- de satisfaction sont faibles chez les jeunes des zones sence de conseils pratiques pour trouver un emploi rurales (33,1 %) et urbaines (35,8 %) (figure 4.5). et incapacité à promouvoir l'esprit d'entreprise et le Les jeunes des régions rurales interrogés étaient par- potentiel du secteur privé (encadré 4.2 pour une vue ticulièrement mécontents de leur niveau d'études : d'ensemble du système éducatif). ils n'étaient que 43,9 % à en être contents, ce qui té- moigne de la médiocrité des établissements d'ensei- Le niveau d'études dépend fortement du milieu gnement à la campagne. Dans les villes, si les taux familial. Comme l'on peut s'y attendre, le niveau de satisfaction sont plus élevés, plus d'un jeune sur d'instruction du père joue un rôle important dans quatre n'est pas satisfait de son niveau d'études. le niveau d'études de ses enfants, mais c'est aussi le cas de la richesse du ménage, qui apparaît comme Les étudiants et les anciens étudiants, diplômés un facteur également déterminant (annexe 4, ta- compris, critiquent tout particulièrement l'orien- bleau A4.4).'l Ce phénomène peut s'expliquer par tation par trop théorique de la plupart des cours la relation entre la richesse de la famille et la qualité dispensés par les écoles et les universités, qui, selon de l'enseignement, ainsi que par le coût d'oppor- eux, ne leur donnent pas les compétences néces- tunité élevé que représente, pour les familles à bas saires pour affronter le marché du travail. L'école revenus, le fait de permettre à leurs enfants de pour- donne peu d'informations sur le marché du travail suivre des études supérieures. Mais c'est peut-être et peu de compétences pour y entrer. Le système également dû à l'importance du réseau de relations, éducatif ne permet pas d'acquérir la pensée critique comme nous l'avons noté plus haut. Être issu d'un et les capacités de réflexion qui sont essentielles 50I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Encadré 4.2. L'enseignement en Tunisie Enseignement de base. L'enseignement de base, qui compte neuf années de scolarité, est obligatoire et comporte six années de primaire et trois années d'enseignement préparatoire (collège). Au terme de la sixième année, pour entrer au collège, les élèves doivent obtenir des notes supérieures à la moyenne à leurs examens. Les élèves sont nombreux à redoubler cette sixième année de primaire, ce qui ex- plique l'augmentation du taux d'abandon scolaire après six années d'école seulement. Au début des années 1990, environ un cinquième des jeunes Tunisiens redoublaient leur sixième année, et si le taux de redoublement recule progressivement depuis 20 ans, il reste relativement élevé (à 8 % en 2012) (Ministère de l'Éducation, 2012). Le taux d'abandon officiel au niveau primaire ressortait à 12 % en 2000 et à 6 % en 2009 (Banque mondiale, 2009a). Les élèves qui n'accèdent pas à l'enseignement préparatoire général peuvent entrer dans une école préparatoire technique, qui peut les conduire soit à l'enseignement secondaire soit à une formation professionnelle. Au terme de la 9e année, les élèves qui n'obtiennent pas le diplôme de fin d'études de l'enseignement de base quittent l'école. Enseignement secondaire. L'obtention de l'examen de 9e année est nécessaire pour s'inscrire pour les quatre années d'enseignement secondaire qui vont de la 10e à la 13e année (de la 10e à la 12e auparavant). À la fin de la 1le année, les élèves du secondaire doivent choisir parmi neuf filières axées sur les études universitaires et spécialisées. Si ces dernières sont censées aider les élèves à se préparer à entrer à l'université ou sur le marché du travail, les cours visent en fait essentiellement à les préparer à l'examen national du baccalauréat. La réussite à cet examen est obligatoire pour poursuivre des études à l'université publique, car elle sanctionne à la fois la fin des études secondaires et ouvre les portes de l'université. Jusqu'en 2000, 60 à 70 % des élèves du secondaire échouaient au baccalauréat chaque année. Ce résultat s'explique par divers facteurs qui sont notamment liés au système éducatif et à la motivation des jeunes. L'amélioration du taux de réussite au baccalauréat observée depuis 2000 (de 32 % en 2000 à 64 % en 2011) est essentiellement due à une révision des règles d'examen. Le taux d'échec vient souligne que les jeunes n'ont pas acquis des connaissances suffisantes pour se préparer à la vie active. Formation professionnelle. Les étudiants ont le choix entre trois types de formation profession- nelle. Le cursus du Certificat d'aptitude professionnelle est une alternative à l'enseignement secon- daire et dure deux ans. Le Brevet de technicien professionnel s'obtient au terme de deux années d'enseignement secondaire, suivies de deux années de formation pratique. Le Brevet de technicien supérieur s'obtient après deux années d'études supplémentaires, soit deux années de secondaire plus quatre années de formation professionnelle. En 2007, environ 10 % des étudiants tunisiens étaient inscrits dans un programme de formation professionnelle (Banque mondiale, 2007b). Enseignement supérieur. Au cours de la dernière décennie, la Tunisie a rapidement élargi l'accès à l'enseignement supérieur, qui accueille désormais plus de 35 % des jeunes Tunisiens. Le budget des universités publiques représente plus de 2 % du produit intérieur brut du pays. L'enseignement supé- rieur était autrefois scindé en trois phases de deux années chacune, mais il a récemment été harmonisé sur le système européen et britannique, et comporte la licence (3 ans), le mastère (2 ans) et le doctorat (3 à 5 ans). Source : Banque mondiale, 2008. Opportunités économiques | 51 aux ingénieurs et aux scientifiques (TIMSS, 2007). comprendre, parce que c'était en arabe, et j'avais Comme l'explique un diplômé: l'impression qu'il avait appris cette langue à con- trecœur. Si la matière n'avait pas été enseignée en J'ai étudié au lycée technique de Mahdia. Je pense arabe depuis le début, et que le professeur n'avait que les douze années d'études jusqu'au bacca- pas enseigné en arabe auparavant, il ne pouvait lauréat étaient trop théoriques. Le côté pratique pas transmettre ce qu'il savait. Pendant ces trois était quasi inexistant. Même le voyage d'études années, j'avais l'impression de faire de l'inter- n'était que de la poudre aux yeux. Les profes- prétation... Dans l'éducation de base, l'arabi- seurs ne connaissaient rien. Je m'en suis rendu sation dans les sciences n'est bénéfique ni pour compte plus tard, une fois entré dans le monde les élèves ni pour l'enseignant, et c'est épuisant. du travail. J'avais tellement de lacunes. Nous Étudiante universitaire, 26 ans, Sidi Bouzid n'avions jamais essayé d'appliquer ce que nous avions appris. Étudiant, Mahdia (région côtière) Tout comme leurs employeurs potentiels, les jeunes exigent un enseignement de meilleure qua- La mauvaise qualité de l'éducation est déplorée lité. De nombreux fabricants réclament des com- depuis des années, mais il s'agit désormais d'un pro- pétences techniques et des capacités d'analyse, blème critique en Tunisie. Aux yeux de la jeunesse et le secteur des services a besoin de jeunes ayant tunisienne, les écoles sont devenues des « usines des compétences non techniques (IFC, 2011). Les à chômeurs ». Elles produisent chaque année un jeunes Tunisiens expriment de sérieux doutes sur nombre croissant de diplômés, mais elles ont dé- la qualité et la pertinence des programmes. Beau- veloppé une culture qui accorde plus d'importance coup sont prêts à payer pour bénéficier d'un ensei- aux diplômes qu'aux compétences (Haouas, Sayre gnement qui leur servira davantage et améliorera et Yagoubi, 2012). Les diplômes perdent leur va- leurs opportunités d'emploi, et certains le font. leur en raison de leur trop grand nombre, de la Selon les employeurs du secteur privé, au moment dégradation de leur qualité et de la perte de toute de leur embauche, moins de la moitié des nouveaux crédibilité. Les disparités régionales dans la qualité diplômés sont préparés pour affronter le monde du de l'éducation sont omniprésentes. Contrairement travail (IFC, 2011). Par conséquent, de nombreux aux zones rurales, à celles de l'intérieur et aux zones employeurs sont contraints de dispenser une for- montagneuses, les zones urbaines et côtières bénéfi- mation approfondie à leurs nouvelles recrues afin cient de l'héritage colonial de l'enseignement fran- d'être certains qu'elles seront capables d'effectuer le co-arabe. De ce fait, un système d'éducation à deux travail demandé. voire trois vitesses s'est instauré. De plus en plus fracturé par la montée en puissance de l'enseigne- L'amélioration de la qualité de l'enseignement ment privé, aux frais de scolarité considérables, et ne peut être du seul ressort du gouvernement tuni- par les disparités régionales, le système éducatif re- sien. Pour que l'enseignement s'améliore à tous les flète et amplifie les divisions générationnelles, géo- niveaux, il est impératif d'associer davantage toutes graphiques et sociales de la Tunisie. Une étudiante les parties prenantes : prestataires publics et privés parle de la qualité de l'enseignement, et en particu- dans l'éducation, représentants de la société civile, lier de l'arabisation de l'éducation : décideurs et administrateurs du secteur public, employeurs du secteur privé et, surtout, les jeunes Pendant trois ans, dans l'enseignement secon- Tunisiens. daire, de la sixième à la neuvième année, j'ai eu des cours de mathématiques, de physique et de Or les partenariats sont rares entre les em- sciences en arabe. Mais on avait des professeurs ployeurs et les établissements d'enseignement. Le formés en français. Personnellement, comme je modèle dual complet qui caractérise les systèmes faisais partie des meilleurs élèves, je pense que d'apprentissage en alternance de l'Allemagne, le professeur ne savait plus où il en était. Il ne de l'Autriche et de la Suisse s'est révélé difficile à pouvait pas communiquer, et je ne pouvais pas mettre en oeuvre de manière efficace dans d'autres 52 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES pays. Dans de nombreux pays industrialisés, le urbaines) travaillent dans des secteurs peu produc- système éducatif moderne propose généralement tifs.16 La figure 4.6 illustre la part des emplois oc- une expérience professionnelle et des stages pour cupés par des jeunes Tunisiens de 15 à 29 ans dans les étudiants (OCDE, 2012). Ces partenariats sont les secteurs à productivité globalement faible. Ce toutefois dépourvus des facilitateurs essentiels qui sont les jeunes femmes qui ont la plus forte proba- permettraient de promouvoir un enseignement bilité de travailler dans ces secteurs : 69 % dans les de qualité et adapté aux besoins. À cet égard, on zones urbaines et 85,9 % dans les zones rurales. La observe trois types de carences en Tunisie : 1) des situation des jeunes hommes est toutefois à peine normes et une assurance qualité indépendante ; 2) plus favorable : ils sont 65,9 % à travailler dans des mécanismes de financement, tels que les bourses ces secteurs dans les zones urbaines et 81,4 % dans de formation adaptées aux besoins des jeunes des les zones rurales. Dans les villes, les jeunes femmes zones rurales et urbaines aux parcours éducatifs (69 %) ont une plus forte probabilité de travail- différents et 3) des outils permettant la transpa- ler dans ces secteurs que les femmes plus âgées rence de l'information et la mise en contact des (58 %), alors que, pour les hommes, les pourcen- employeurs et des étudiants en formation (OCDE, tages sont similaires quelle que soit la tranche d'âge 2012). Compte tenu de la règlementation générale considérée.17 et des besoins de coordination entre les nombreuses entités gouvernementales, les organisations de la L'économie tunisienne, qui repose sur un modèle société civile et le secteur privé peuvent avoir un économique privilégiant les emplois peu qualifiés, rôle important à jouer dans l'organisation, le suivi ne propose pas assez d'emplois qualifiés aux jeunes ou la prestation de services essentiels d'enseigne- diplômés (Banque mondiale, 2014). Alors que de ment et de placement. nombreux jeunes diplômés sont en recherche d'em- ploi, les entreprises continuent de faire appel à Pour offrir un emploi adéquat aux diplômés et des jeunes non qualifiés. Dans les zones urbaines, aux autres jeunes qualifiés, l'économie tunisienne 59,6 % des jeunes qui travaillent n'ont pas de doit disposer de beaucoup plus d'emplois tant dans qualifications." La proportion est encore plus éle- les secteurs exigeant un niveau de qualification vée dans les zones rurales (83,7 %). La prépondé- élevé que dans les autres. La plupart des Tunisiens rance des emplois peu qualifiés dans l'économie très qualifiés, ayant fait des études secondaires, pro- tunisienne explique que la plupart des jeunes qui fessionnelles ou universitaires occupent actuelle- travaillent n'ont fréquenté ni l'enseignement secon- ment un emploi peu qualifié, généralement dans des daire ni l'université. Cette pénurie d'emplois qua- secteurs dont la productivité est faible et les salaires lifiés explique également pourquoi les diplômés de relativement bas. Les entreprises peu productives l'université rencontrent autant de difficultés à trou- qui offrent la majorité des emplois peu qualifiés se ver un poste qualifié. trouvent généralement dans l'agriculture, les indus- tries de base, les activités manufacturières à faible valeur ajoutée, le bâtiment, les mines, l'énergie, Figure 4.6. Emploi des jeunes dans les secteurs et une grande partie de l'industrie textile (Banque peu productifs mondiale, 2014). L'essentiel des emplois dans ces secteurs requièrent peu de formation spécialisée et 100- 814 85,9 sont généralement mal rémunérés. Le tableau 4.5 80- 659 69,0 de l'annexe 4 présente des données nouvelles sur les M 60. M Homme facteurs qui déterminent les niveaux de salaire, et la i 40 - part de l'emploi des jeunes dans les secteurs caracté- 20 - risés par la présence d'entreprises peu productives. Rural Urbain La grande majorité des jeunes Tunisiens en em- Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. ploi (82,5 % en milieu rural et 67,0 % en zones Note : Ce graphique concerne seulement les jeunes employés, à l'exclusion de ceux qui travaillent pour leur propre compte. Opportunités économiques | 53 La plupart des jeunes Tunisiens qui travaillent Figure 4.7. Niveau d'études des jeunes n'ont pas achevé leurs études secondaires, et il sera Tunisiens en emploi: comparaison difficile de soutenir leur participation à une éco- entre zones rurales et zones nomie moderne et mondialisée. Dans les zones ru- urbaines rales, près de trois jeunes qui travaillent sur quatre (71,5 %) ont abandonné l'école avant d'avoir 100- achevé le lycée. Quelque 13,5 % des jeunes ruraux d 1 qui travaillent n'ont pas terminé le cursus primaire, 80 a Professionnel et nombre d'entre eux ne sont jamais allés à l'école 29,0 31,1 U 1 Université r 60- Secondaire (figure 4.7). De même, dans les zones urbaines, plus 8 27,4 Collège de la moitié des jeunes qui travaillent n'ont pas de i 25,8 Primaire diplôme du secondaire (57,6 %), et 6,1 % ne sont 42,5 40,1 Een deça du niv. elémentaire jamais allés à l'école. Or, une économie moderne 20- 33,2 6,4 reposant sur le savoir crée des emplois qualifiés qui 13,1 15,2 70 requièrent une main-d'œuvre capable de dévelop- Rural Rural Urban Urban per des produits techniques complexes faisant appel homme femme homme femme au savoir et à l'innovation. Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. L'économie tunisienne est sous-équipée pour la Note : Ce graphique concerne les jeunes employés, y compris les jeunes travailleurs indépendants et exclut ceux qui sont en croissance à venir." Faute d'opportunités d'emploi formation ou qui poursuivent leurs études. dans des secteurs à forte productivité en Tunisie, la demande de travailleurs qualifiés reste modeste. Par conséquent, nombre de jeunes Tunisiens aban- qui ont été faites à une génération de jeunes. Même donnent l'école parce qu'il ne leur serait pas très si ce rapport n>a pas vocation à décrire en détail profitable d'investir dans l'éducation. À court la réforme de l>éducation, les jeunes Tunisiens de- terme, les jeunes Tunisiens peuvent trouver une vraient jouer un rôle actif dans l>identification des bonne raison d'abandonner l'école avant même obstacles, l'élaboration de solutions et le suivi de la d'avoir achevé l'enseignement secondaire. Cepen- mise en ouvre des réformes, et les entités du sec- dant, à moyen terme, cette multitude de jeunes non teur privé pourraient faire partie de l>ensemble de qualifiés témoigne d'un grave sous-investissement solutions. dans le capital humain au niveau national, qui est préjudiciable aux individus et au potentiel à long terme du pays. Les jeunes femmes et hommes non . qualifiés auront du mal à cueillir les fruits de la croissance économique future induite par des gains Le sous-emploi constitue un problème non négli- de productivité. Nous reviendrons plus en détail geable dans les zones urbaines de Tunisie: il touche plus loin sur le défi que pose la pénurie de main- deux jeunes citadins qui travaillent sur trois. Le d'œuvre qualifiée. sous-emploi se définit comme un travail à temps partiel pour lequel la journée de travail est infé- Cette analyse montre surtout que tout projet rieure ou égale à six heures. C'est la norme pour de réforme du système éducatif doit reposer sur un la plupart des jeunes qui travaillent dans les zones partenariat solide avec le secteur privé et les jeunes urbaines. Selon cette définition, dans les zones ur- eux-mêmes. La difficulté pour tous ces acteurs baines, 65,7 % des jeunes hommes et 70,6 % des consiste à travailler ensemble afin de contrer la pra- jeunes femmes sont en sous-emploi (figure 4.8).20 tique qui consiste à imposer des réformes du som- Le niveau de sous-emploi est à peine plus élevé met vers la base et à dresser des obstacles artificiels chez les femmes, ce qui laisse à penser que le tra- à l'éducation. Ils devront introduire des idées et des vail à temps partiel chez les jeunes femmes résulte solutions novatrices et, surtout, tenir les promesses davantage de la situation sur le marché du travail 54 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 4.8. Sous-emploi des jeunes citadins sur 10 (enseignants, médecins et infirmiers notam- ment), le secteur public n'arrive plus en tête des 100- 84,0 84,8 priorités des jeunes sans emploi. 80-4, 80 , 74,67,, Dans les zones rurales, l'agriculture fournit 60- un cinquième des emplois occupés par les jeunes 4 M Homme (21,9 %) et reste donc un employeur majeur pour o 40 - Femme la jeunesse tunisienne. Cette proportion concorde 20- avec les données de 2009, lorsque l'agriculture gé- nérait 12 % du produit intérieur brut, employait Côte Intérieur Sud 22 % de la main-d'œuvre totale et contribuait à environ 5,4 % de la croissance économique géné- Source Banque mondiale 2012c. rale (Oxford Business Group, 2009).21 Cependant, Note : Ce graphique se réfère aux jeunes travaillant en zone urbaine et exclut les jeunes travailleurs indépendants. Le même si l'agriculture est un employeur de premier sous-emploi est défini comme des journées de travail de six plan, nombre de jeunes Tunisiens vivant dans les heures ou moins. campagnes ne sont pas intéressés par la vie et l'em- ploi en milieu rural (figure 4.9).24 Les recherches ont montré que quatre jeunes travailleurs urbains que d'un choix délibéré de leur part. C'est dans les tunisiens sur cinq sont employés dans les services zones urbaines du Sud du pays que l'on rencontre lnes taux es u-empli le pls éevs peore (37,9 %). En milieu rural, la plupart des emplois, y lescomris dans le secteur informel, se trouvent dans jeunes femmes (84,8 %). Les zones urbaines de l'in- comprids le setein ent ans les services, qui totalisent 29,7 % des jeunes en térieur affichent, elles, la proportion la plus impor- emploi. tante de jeunes hommes en sous-emploi (74,6 %). En revanche, le sous-emploi est quasi absent dans Le secteur tunisien des services dispose d'un les zones rurales, où 7,6 % des jeunes hommes et solide avantage comparatif et d'un potentiel d'ex- 7,4 % des jeunes femmes seulement travaillent six portation significatif, en particulier dans les tech- heures ou moins par jour. nologies de l'information et de la communication, les services aux entreprises, les transports et la lo- Emploi des jeunes par secteur gistique, le tourisme et la santé (ITCEQ, 2010). Le commerce des services, en particulier avec l'Union Le secteur public offre relativement peu d'emplois européenne, est l'un des secteurs les plus promet- aux jeunes Tunisiens : il emploie 6,8 % seulement teurs en tant que source de croissance économique des jeunes des zones rurales qui ont un travail et et de création d'emplois, surtout pour les jeunes 12,4 % de ceux des zones urbaines. La faiblesse de qualifiés (Banque mondiale, 2013a). Aujourd'hui, ces pourcentages remet en question l'idée selon la- plus de la moitié des jeunes ruraux (52,8 %) et quelle les jeunes Tunisiens choisissent de rester inac- près des deux tiers des jeunes urbains (64,9 %) en- tifs en attendant de trouver un poste dans le secteur visagent de travailler dans les services (annexe 4, public. En réalité, la proportion des jeunes désireux figure A4.4). Le secteur du tourisme est durement de travailler dans le secteur public a considérable- touché par la transition politique actuelle, et les hô- ment diminué ces dernières années, passant d'en- tels et restaurants n'offrent que peu d'emplois aux viron 46 %21 en 2009 à moins de 5 %22 en 2012. jeunes (6,9 % dans les zones urbaines et 5,4 % dans Cette situation semble refléter une évolution de la les zones rurales).25 Cependant, le tourisme devrait perception chez les jeunes Tunisiens, qui estiment redémarrer. De nouveaux services, comme l'écotou- qu'en dépit de la sécurité de l'emploi, le secteur pu- risme, pourraient ouvrir d'importantes opportuni- blic n'est plus aussi attractif qu'avant. Employant tés pour les jeunes dans des lieux de villégiature non désormais à peine un jeune Tunisien qui travaille traditionnels. Opportunités économiques | 55 Figure 4.9. Emploi des jeunes par secteur a. Rural b. Urbain " Agriculture a Agriculture " Construction à Construction M Industrie et n Industrie et manufacture manufacture * Services 0 Services * Sector public a Secteur public Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique se réfère aux jeunes travailleurs et exclut les travailleurs indépendants. Le secteur agricole comprend des em- plois dans l'industrie agro-alimentaire. La jeune génération tunisienne travaille dans des payés, de même que les femmes et les jeunes des secteurs plus productifs que la génération précé- régions de l'intérieur du pays. dente, tant en zone rurale qu'en milieu urbain. La figure A4.3 de l'annexe 4 présente la répartition des emplois des Tunisiens de 30 à 59 ans par secteur. 4.2 Travail indépendant En milieu rural, 32,2 % des Tunisiens travaillent Les pauvres aussi ont le droit d'acheter et de ven- dans l'agriculture, 22,4 % dans les services, 22,0 % dre. Salem Bouazizi, frère de Mohamed Bouazizi, dans le bâtiment, 12,9 % dans l'industrie manu- Sidi Bouzid (région de l'intérieur), cité dans De facturière et 10,5 % dans le secteur public. Dans Soto, 2011. les zones urbaines, la génération des plus de 29 ans travaille principalement dans les services (35,1 %), Innovation et entrepreneuriat le secteur public (29,0 %), l'industrie et les activités manufacturières (17,3 %), le bâtiment (12 %) et La Tunisie est relativement bien placée pour deve- l'agriculture (6,6 %). Au-delà de l'importance du nir un champion régional de l'innovation et de l'en- secteur public en zone urbaine, ces pourcentages trepreneuriat, à condition qu'elle donne sa pleine montrent qu'en moyenne, les Tunisiens de la jeune mesure au potentiel des jeunes femmes et hommes génération ont de meilleurs emplois que leurs pa- qui souhaitent se lancer dans le travail indépen- rents. D'après l'analyse de régression, outre le sec- dant (De Soto, 2011 ; Banque mondiale, 2010). Par teur public, les secteurs qui procurent les salaires les comparaison avec d'autres pays du Moyen-Orient plus élevés sont l'industrie et les services (annexe 4, et d'Afrique du Nord, la Tunisie affiche des perfor- tableau A4.5). Les emplois dans les secteurs tradi- mances supérieures à la moyenne pour l'innovation tionnels à forte intensité de main-d'œuvre, comme (figure 4.10). L'indice de compétitivité mondiale, l'agriculture et le bâtiment, sont relativement mal qui classe la compétitivité de 142 pays en fonction rémunérés. Les jeunes qui possèdent des qualifica- de plusieurs dimensions sur une échelle à sept ni- tions gagnent généralement davantage, tandis que veaux, range la Tunisie à la 40e place, nettement de- ceux qui ont des contrats informels sont moins bien vant le Maroc (73e), l'Algérie (87e), l'Égypte (94e), 56 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 4.10. Indice de compétitivité mondiale économique. La Tunisie compte déjà quelques en- (2011-12) trepreneurs sociaux, comme Cogite, et d'autres, comme Digital Mania Studio, figurent parmi les Institutions nombreuses start-up de la région Moyen-Orient et Innovation Infrastructure Afrique du Nord qui remportent des parts de mar- Sophistication Environnement ché depuis le Printemps arabe (Korenblum, 2013). des affaires macroéconomique La taille Santé et Jenes tvailleurs indépendants en du marché éducation primaire Tunise Tunisie Préparation Formation en santé Le travail indépendant est relativement courant chez les jeunes hommes puisqu'il concerne un jeune Développement L'efficacité du - Egypte Tunisien sur dix. Dans les zones urbaines, envi- du marché L'efficacité marché des financier du marché marchandises - Jordanie ron 13,1 % des jeunes hommes travaillent à leur du travail - Maroc compte, soit près du double des jeunes ruraux, à - Tunisie 7,9 % (figure 4.11). La part relativement élevée Source: WER 2011. The Global Competitiveness Report de l'entrepreneuriat chez les hommes témoigne 2011-2012. de l'existence d'un esprit d'entreprise développé, conjugué à un manque d'opportunités d'emploi. Le travail indépendant est beaucoup plus fréquent la Jordanie (71e) et le Liban (89e) (WEF, 2011). La parmi les générations plus âgées, en particulier chez Tunisie devance également la Turquie (59e), qui est les hommes. Il s'échelonne de 18 % dans les zones souvent considérée comme un champion de la com- rurales à 22,7 % dans les zones urbaines pour les pétitivité. La législation sur la microfinance récem- 30-59 ans (annexe 4, figure A4.5). ment adoptée par la Tunisie autorise les institutions internationales de microfinancement à desservir des En revanche, le travail indépendant est pra- zones et des populations jusqu'ici mal desservies. tiquement inexistant chez les jeunes femmes, et Ces établissements devraient proposer des produits ne concerne que 2,2 % et 1,5 % d'entre elles nouveaux et innovants. dans les zones rurales et dans les zones urbaines, Pour la plupart des pays, il est difficile de stimu- ler l'innovation économique en trouvant le bon do- Figure 4.11. Jeunes travailleurs indépendants sage entre la réglementation ciblée et les incitations comparaison entre zones rurales économiques. Les innovations peuvent être définies et zones urbaines de façon générale comme toute méthode nouvelle, idée nouvelle ou produit nouveau, et l'innovation 14 13,1 permanente est globalement considérée comme un 12 ingrédient essentiel à la croissance économique dans 10_ les économies modernes. Différentes approches per- 8- 7,9 M Homme M Femme mettent d'encourager l'innovation et l'entrepreneu- F riat dans les secteurs très performants : fabrication å 4 de produits complexes dans des pôles d'innova- 2 1,5 tion, appui à l'intégration verticale et horizontale du secteur des technologies de l'information et de Rural Urbain la communication dans des secteurs économiques Source: Banque mondiale 2012d 2012e. existants et nouveaux ou aide aux services, comme Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des le secteur bancaire, qui sont essentiels à la réussite programmes éducatifs ou de formation. Opportunités économiques | 57 respectivement. Ces résultats sont confirmés par au chômage et avec ma famille qui me poussait une analyse de régression qui contrôle l'effet à travailler, j'ai un métier et j'aime mon travail. d'autres facteurs (annexe 4, tableau A4.6)26 Les Jeune travailleuse indépendante dans le secteur recherches qualitatives montrent que les investisse- informel, Tunis ments publics et privés dans l'entrepreneuriat fémi- nin pourraient dégager un rendement élevé et créer Dans l'ensemble, le travail indépendant est plus des entreprises viables, en particulier en raison de la fréquent dans la région côtière et dans le Sud du faiblesse des opportunités d'emploi dans le secteur pays. L'intérieur du pays affiche le taux le plus formel. La conjugaison d'un vaste éventail de niches bas de jeunes travailleurs indépendants, et seule- de marché, de niveaux d'études relativement élevés ment 8,1 % des jeunes hommes y travaillent à leur et de solides compétences dans les TIC pourrait compte (figure 4.12), contre 12,1 % dans la région permettre aux jeunes femmes de travailler depuis côtière et dans les gouvernorats du Sud. Comme leur domicile ou dans des bureaux ou des com- nous l'avons souligné plus haut, le travail indépen- merces, et de créer des entreprises à valeur ajoutée. dant est rare chez les jeunes femmes, y compris dans Les femmes des zones rurales et urbaines se disent la région côtière, qui, à 2,1 % seulement, enregistre toutes très désireuses de lancer leur propre activité le pourcentage le plus élevé de femmes travaillant à génératrice de revenu. Comme l'explique une jeune leur compte. femme qui a reçu un micro-prêt via l'établissement de microfinancement Enda Les jeunes entrepreneurs ne sont, pour l'essentiel d'entre eux, pas officiellement enregistrés, ce qui les C'est bien de travailler, en particulier quand on prive d'accès au financement et les expose souvent à travaille pour soi. Personnellement, je déteste l'exploitation et au racket de la police et des autres avoir un patron. J'ai travaillé dans un pressing, agents de la fonction publique. Si quasiment tous pour un centre d'appel de taxi et comme vende- les jeunes entrepreneurs travaillent dans le secteur use dans un magasin. Il y a toujours beaucoup informel, c'est dû à la complexité des procédures de pression, et jamais la moindre considération administratives et des règles d'enregistrement d'une pour l'employé. Pas de pitié. Cela m'a vraiment petite entreprise. Les recherches qualitatives font choquée. Aujourd'hui, après deux années passées également apparaître un scepticisme très répandu Figure 4.12. Entrepreneuriat des jeunes par région 18- 17,0 16- a Homme urbain 14- 12,5 12,5 a Homme rural n Femme urbain w Femme rural 8 10- 8- 6- 5,1 5,1 4- 22.2 2,0 1,3 0,9 o0 Côte Intérieur Sud Source : Banque mondiale 2012d; 2012e. Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des programmes éducatifs ou de formation. 58 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES chez les jeunes à propos du rôle du secteur public et 94,5 % dans le Sud du pays. Ces résultats ap- et des banques s'agissant de l'appui qu'ils apportent portent la preuve que les jeunes entrepreneurs ren- aux petites entreprises. contrent des obstacles plus élevés que la moyenne des entreprises. Comme l'indique la récente évalua- L'État devrait trouver une solution, mais au lieu tion du climat des investissements en Tunisie, l'accès de nous encourager [à démarrer une entreprise], au financement est également considéré comme un il nous met des bâtons dans les roues. Étudiant obstacle majeur par 39 % des petites et moyennes en agriculture, 22 ans, Zaghouan (région côtière) entreprises tunisiennes (Banque mondiale, 2013j). Les diplômés de 1992 ou de 1996 n'ont toujours Les programmes de microfinancement existants pas trouvé d'emploi. Que leur reste-t-il ? S'in- semblent avoir une portée limitée et sont largement staller à leur compte. Je pourrais vous parler de perçus comme inefficaces. Même si la loi de 2014 l'exploitation, du favoritisme, des pots-de-vin... sur le microfinancement est conçue pour faciliter Les gens sont au bout du rouleau. Il n'y a rien la multiplication des établissements proposant des d'autre à faire [que de travailler à son compte]. services nouveaux (épargne, virements et assu- Travailleur indépendant, Tunis rance), les produits bancaires spécialisés adaptés aux jeunes font largement défaut.27 Ce manque Les jeunes entrepreneurs ont du mal à accéder de financement pour les jeunes entrepreneurs a été au financement, ce qui demeure la principale diffi- évoqué par plusieurs groupes de discussions. culté pour créer une entreprise. L'enquête dans les zones rurales a demandé à de jeunes entrepreneurs Lorsque toutes les autres portes sont fermées, quelles étaient les principales difficultés qu'ils ren- il vaut mieux avoir son propre projet, être son contraient pour créer leur entreprise. Comme le propre patron et concrétiser ses propres rêves. montre la figure 4.13, dans toutes les régions, les Mais il existe un problème de financement, de jeunes entrepreneurs considéraient l'accès au finan- marchés. Femme entrepreneur et diplômée en cement comme l'obstacle prépondérant : 93,7 % biotechnologie. Tunis (région côtière) dans la région côtière, 95,4 % à l'intérieur du pays Figure 4.13. Obstacles à la création d'une petite entreprise par les jeunes (zones rurales) 100- 93,7 95,4 94,5 90- 80- 70- a Côte 60- M Intérieur a Sud 50- 43,9 40- 34,6 36,7 30- 26,429,06, 20 10 6,7 10,1 4,8 6,4 0-i- 1 1ý 23 4, 5,0ý ý Accés au Bureaucratie Lieu Information Formation Corruption financement Source: Banque mondiale 2012d. Note : Ce graphique réfère aux jeunes travaillant pour leur propre compte. Opportunités économiques | 59 Lorsqu'on présente une bonne idée à un étab- de la bureaucratie, c'est-à-dire aux coûts, aux diffi- lissement de crédit, il trouvera toutes les raisons cultés et à la lenteur des procédures administratives pour refuser de la financer. Et il vendra l'idée à requises pour obtenir les autorisations nécessaires. quelqu'un d'autre. C'est ainsi que vous verrez D'après l'enquête auprès des jeunes ruraux, les l'idée d'un projet à Zaghouan refaire surface à lourdeurs administratives constituent un problème Sousse. Diplômé sans emploi, Zaghouan (région conséquent pour plus d'un tiers des jeunes travail- côtière) leurs indépendants dans la région côtière (34,6 %), pour plus d'un tiers dans le Sud (36,7 %) et pour La nouvelle législation sur la microfinance de- plus d'un quart dans l'intérieur du pays (26,9 %), vrait ouvrir le marché à de nouveaux intermédiaires comme le montre la figure 4.13. Elles sont parti- financiers et pourrait permettre l'apparition de pro- culièrement problématiques pour les petites en- duits innovants adaptés aux petites entreprises di- treprises qui n'ont pas les moyens d'employer des rigées par des jeunes. En juillet 2014, l'Assemblée personnes qualifiées pour s'occuper des tâches ad- nationale a amendé la loi de 2011 sur la microfinance ministratives. Cette lourdeur des procédures admi- dans le but de renforcer la supervision et la régu- nistratives incite donc les petites entreprises à rester lation des institutions bancaires qui proposent des dans le secteur informel. Autrement dit, le fardeau services de microfinance, tout en ouvrant le secteur administratif impose une taxe de fait sur la com- à la concurrence internationale. Ainsi, jusqu'à une pétitivité des entreprises et les contraint à recourir demi-douzaine de nouvelles institutions pourraient au crédit informel et à opérer sans les autorisa- commencer à proposer des produits dans les mois tions requises (De Soto, 2012). Ces constats sont qui viennent, avant que d'autres ne leur emboîtent corroborés par la récente évaluation du climat des le pas. L'intensification de la concurrence obligera investissements en Tunisie, qui indique que les en- les fournisseurs de microcrédit à gagner en inventi- treprises consacrent environ 13 % de leur chiffre vité et en flexibilité dans la conception de leurs pro- d'affaires annuel à la mise en conformité avec la duits financiers (collatéral, taux d'intérêt, plans de réglementation (Banque mondiale, 2013j). Ces dé- remboursement différé ou autres aspects essentiels penses reflètent le coût cumulé des interactions avec pour les entreprises dirigées par des jeunes). Afin de l'administration et englobent les délais de mise en mieux gérer le risque et les portefeuilles, les presta- conformité. taires de produits financiers sont également suscep- tibles de cibler des catégories de niche, comme les Poussés par l'informalité, de nombreux jeunes femmes des zones rurales, ou certains secteurs, tels entrepreneurs s'implantent dans un endroit présen- que les petites entreprises de TIC. Les solutions de tant fort peu d'atouts afin d'éviter d'avoir à payer financement non conventionnelles, telles que le fi- des amendes et à verser des pots-de-vin, à l'instar nancement participatif (crowdfunding), pourraient du jeune travailleur indépendant de l'intérieur de la compléter le marché du crédit pour les travailleurs Tunisie qui est à l'origine du Printemps arabe. La indépendants de Tunisie. Toutefois, si cette nouvelle localisation de l'entreprise constitue la principale loi aura un effet rapide à court terme sur l'accès préoccupation de la moitié des jeunes entrepreneurs au financement, dans les zones rurales, où opèrent dans les gouvernorats du Sud (43,9 %), qui sont la plupart des associations de microfinance, elle suivis de jeunes vivants dans les régions de l'inté- pourrait produire des répercussions délétères sur le rieur (29,0 %) et dans les régions côtières (26,4 %), marché et sur la stabilité. En effet, de jeunes diplô- comme le montre la figure 4.13. Les recherches més pourraient ne pas avoir accès au microcrédit à qualitatives révèlent que les jeunes cherchent à moyen terme si leur profil de risque est supérieur au éviter les problèmes résultant des contrôles, qui plafond réglementaire. peuvent, selon eux, entraîner des amendes ou des demandes de pots-de-vin. De nombreux jeunes tra- Cependant, un tiers des jeunes travailleurs in- vailleurs indépendants, en particulier les vendeurs dépendants se débat pour faire face aux lourdeurs ambulants et d'autres micro-entrepreneurs de ce 601 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES type, choisissent par conséquent de s'implanter à Figure 4.14. Jeunes travailleurs indépendants distance de leur base de clientèle principale. Ce pro- par niveau d'études blème crucial résulte d'une réglementation et d'une législation datant de l'ancien régime et destinées 100- don aux grandes entreprises. Il convient de remédier 8_14,2 8,7 2 M Professionnel sans plus attendre à la vulnérabilité qui en découle 31,1 39,3 2 Université chez les jeunes entrepreneurs, et pas uniquement 60 27,3 Secondaire neuriat et un meilleur accès à l'information comn- 0- 6, 6,6, parce ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ Hom qu'ell estm àF'rgiedePitmpmrbe(eColg merciale seraient utiles aux nombreux jeunes Homa e ua Fem ai euHm beFen travailleurs indépendants. D'après l'enquête, les jeunes entrepreneurs pâtissent actuellement d'un Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. ,Note : Ce graphique réfère aux jeunes travaillant pour leur accès restreint à l'information et ont besoin d'une propre compte et exclut ceux inscrits dans des programmes formation supplémentaire (figure 4.13). La forma- éducatifs ou de formation. tion à l'entrepreneieuracèstieauns c m- où il importe d'investir car elle peut être dynamisée par des partenariats public-privé et dispose du potentiel Les jeunes entrepreneurs travaillent pour la plu- pour renforcer l'économie locale et créer des em- part dans des secteurs à faible productivité dont plois pour les jeunes. les retombées économiques sont restreintes, mais 30-40 % d'entre eux opèrent dans des secteurs à forte productivité, démontrant le potentiel de l'en- Niveaux de qualication des jeunes trepreneuriat. Les secteurs à faible productivité entrepreneurs se caracterisent par un retour sur vestissement modeste, qui restreint la capacité des jeunes entre- Lunepartes entrepreneurs ont un niveau d'études preneurs à obtenir les ressources nécessaires pour très faible et n'ont, pour la plupart, pas achevé le développer leur activité et la faire fructifier. Dans cycle de l'enseignement secondaire. C'est dans les ces secteurs, nombre d'entreprises ont du mal à dé- zones rurales que le niveau d'études est le plus bas, passer le stade de la PME. Même si certaines en- la plupart des jeunes travailleurs indépendants treprises peu productives parviennent à survivre à ayant quitté l'école avant l'entrée dans l'enseigne- relativement à long terme, elles se heurtent à de nom- ment secondaire (83,0 %). En milieu rural, environ breux obstacles et affichent une maigre rentabilité. un jeune entrepreneur sur dix n'est jamais allé à En milieu rural, 67,5 % des jeunes entrepreneurs l'école (figure 4.14). Dans les zones urbaines, le ni- travaillent dans des secteurs à faible productivité, veau d'études moyen des jeunes entrecndi eurs n'est contre 57,3 % dans les zones urbaines (figure 4.15). que légèrement meilleur, même si l'on trouve des Néanmoins, lesd de e l'enquête montrent que diplômés de l'université à la tête de petites entre- même si près de 90 % des jeunes entrepreneurs ne prises, en particulier des jeun est amais allé à En mle qualifiés, quelque 30-40 % de leurs en- Dans l'ensemble, c'est le fait d'être exclu des oppor- treprises opèrent dans des secteurs productifs. L'en- tunités d'emploi qui semble essentiellement motiver quête ne s'intéresse pas au détail de l'activité, mais le travail indépendant, notamment chez les jeunes elle indique qu'environ un tiers des entreprises diri- n'ayant pas fait beaucoup d'études. Ces constats gées par de jeunes Tunisiens opèrent dans des sec- sont également corroborés par une analyse de ré- teurs présentant un potentiel de croissance. gression du travail indépendant, qui montre que l'absence d'études secondaire et tertiaire joue un La moitié des jeunes entrepreneurs gèrent une rôle clé dans la probabilité qu'un individu travaille petite entreprise de services, notamment dans le à son compte (annexe 4, tableau A4.6). secteur des technologies de l'information et de la Opportunités économiques | 61 Figure 4.15. Entrepreneuriat des jeunes dans de créer des emplois. La polyvalence de nombreux les secteurs à faible productivité produits des TIC est favorable à l'exportation. Les 80- exemples les plus courants sont les applications 70- 68,8 pour smartphones, qui peuvent être vendues dans 60 -,'2 58,9 le monde entier. Des entreprises de technologie ont 50- commencé à apparaître dans toute la région du 4 _M Homme Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (Schroeder, Ei 0 Femme ~. 30 Eemme 2013). S30 - 20- 10- Les technologies modernes permettent aux jeunes femmes de démarrer plus facilement une entreprise Rural Urbain et de générer un revenu. Les entreprises technolo- Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. giques dirigées par des femmes, qui opèrent essen- Note : Ce graphique réfère aux jeunes travaillant pour leur tiellement en arabe, aident les familles à concilier propre compte. vie professionnelle et vie privée, offrent des espaces de collaboration à partager et vendent des produits communication (TIC). C'est le cas de 45,4 % des aux femmes. Néanmoins, des obstacles demeurent: jeunes entrepreneurs dans les zones rurales et de les jeunes femmes ont plus de difficultés à obtenir 52,1 % dans les zones urbaines (figure 4.16). Pour des crédits et sont soumises à des normes sociales. la croissance à venir, il importe d'accorder la prio- Internet ouvre de nouvelles possibilités pour les rité aux services car ils forment le pilier des éco- jeunes, et les entreprises dirigées par des jeunes en nomies modernes et sont vitaux pour la croissance Tunisie joueront un rôle important à cet égard. endogène. De plus en plus de jeunes entrepreneurs tunisiens essentiellement urbains ciblent les inter- Dans les zones rurales, 36,4 % des jeunes entre- nautes et utilisateurs de smartphones. Cette jeune preneurs travaillent dans l'agriculture et l'agroali- génération d'entrepreneurs possède un potentiel mentaire, contre 10,8 % dans les zones urbaines. énorme du fait de l'environnement de forte produc- Le secteur agricole présente un potentiel significatif tivité dans lequel leurs entreprises évoluent, permet- pour les jeunes entrepreneurs. Mais les recherches tant à ces dernières de se développer rapidement et qualitatives soulignent que les espoirs des jeunes Figure 4.16. Entrepreneuriat par secteur a. Rural b. Urbain * Agriculture a Agriculture * Construction a Construction * Industrie et M Industrie et manufacture manufacture * Services a Services * Secteur public a Secteur public Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique réfère aux jeunes travaillant pour leur propre compte. 62 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES entrepreneurs qui aspirent à développer une ex- concurrentielles, commencent à produire des suc- ploitation familiale sont souvent déçus faute de cess stories qui inspirent les jeunes entrepreneurs financement. (Yaros, 2012). Les réseaux en ligne aident les indi- vidus à nouer des contacts et proposent des services Ce serait bien de donner du travail aux gens d'ici de formation et de tutorat supplémentaires aux et de participer au développement du village, jeunes entrepreneurs, en particulier dans les zones mais la situation est difficile. Pour obtenir un rurales où l'organisation de réunions et de forma- crédit, il faut apporter un bien immobilier en ga- tions en face à face coûte cher (Banque mondiale, rantie, ou ses fonds personnels, mais nous som- 2013e). mes pauvres. Homme ayant abandonné l'école, Mahdia (région côtière) La formation en ligne peut aider les jeunes tra- vailleurs indépendants à acquérir des compétences Un jeune entrepreneur urbain sur cinq tra- qui ne sont pas enseignées à l'école et à l'université vaille dans le secteur manufacturier et industriel (La Cava et al., 2011). En enseignant les compé- (20,9 %), contre 7,9 % seulement pour les entre- tences utiles aux entreprises, les rudiments de la fi- preneurs ruraux. Cette différence reflète la disparité nance, le marketing et les langues comme l'anglais des investissements entre zones rurales et urbaines et le français, les plateformes en ligne proposent des en Tunisie, qui explique les niveaux de chômage et solutions qui vont de la base au sommet. Les plate- d'inactivité plus élevés enregistrés dans les zones ru- formes comme MobiWorks, MobiSouk et Ta3mal rales (Banque mondiale, 2013b). servent à combler les lacunes structurelles du système éducatif tunisien, qui produit trop peu de diplômés en sciences, en mathématiques et en informatique L'entrepreneuriat des jeunes : obstacles et pour une économie moderne.29 L'apprentissage en opportunités d'investissement ligne peut permettre à davantage de personnes, y compris des adultes et surtout aux jeunes femmes, C'est bien de travailler, en particulier quand on ccéde à uesenement q ué Cee , travill pou so. Prsonellmen, jedétste d'accéder à un enseignement de qualité. Cependant, travaille pour soi. Personnellement, je déteste la fracture numérique (manque d'accès à Internet avoir un patron. J'ai travaillé dans un pressing, dans les zones rurales) peut constituer un frein à la pour un centre d'appel de taxi et comme vende- fomtnenlg. use dans un magasin. Il y a toujours beaucoup de pression, et jamais la moindre considération pour l'employé. Pas de pitié. Cela m'a vraiment Notes choquée. Aujourd'hui, après deux années passées au chômage et avec ma famille qui me poussait 1. L'emploi se définit comme un travail rémunéré. Les résultats à chmav e j'aveu matmieret jai men sait. quantitatifs sont issus des questions de l'enquête portant sur à travailler, j'ai un métier et j'aime mon travail, l'emploi récent. Jeune travailleuse indépendante dans le secteur 2. Ces statistiques de l'emploi n'incluent pas les jeunes inscrits informel, Tunis dans des programmes d'enseignement ou de formation. 3. L'analyse de régression contrôle simultanément les différences Les jeunes entrepreneurs tunisiens pourraient d'âge, de niveau d'études et de milieu parental ainsi que les dis- parités régionales. L'endogénéité potentielle de la variable in- tirer parti des plateformes d'innovation locales, dique qu'il ne faut pas accorder trop de poids aux valeurs du qui créent un environnement propice à la pra- coefficient relatif à la richesse du ménage. tique des affaires et aident les entrepreneurs infor- 4. L'appellation « révolution du jasmin » n'apparait guère ap- mels à rejoindre le secteur formel. De nouveaux propriée, dans la mesure où elle fait référence à la plante que l'on trouve sur la côte septentrionale de la Tunisie, à savoir la pôles d'innovation et cyberparcs, comme les pé- région relativement prospère du pays. Ayeb fait valoir que le pinières d'entreprises qui concluent des partena- terme « révolution de l'alfa » serait plus approprié, l'alfa étant riats avec des investisseurs pour créer des start-up une plante qui pousse dans les régions intérieures de la Tunisie. Opportunités économiques I 63 5. La notion de famille proche englobe les enfants, le conjoint et essentiellement des entreprises à faible productivité sont les ac- les parents du chef de ménage. tivités économiques primaires, comme l'agriculture et la pêche, 6. Ces constats corroborent la conclusion du récent rapport sur l'agroalimentaire, les matériaux de construction, la céramique et le développement de la région MENA sur l'égalité entre hom- le verre, les industries mécaniques, chimiques et électriques, le mes et femmes (Banque mondiale, 2013h). Ils sont étayés par textile et la chaussure, d'autres industries, le bâtiment, les mines les résultats des analyses de régression sur les différentes formes et l'énergie, les transports, la réparation et la fabrication. d'emploi présentés à l'annexe 4. 17. La figure A4.2 de l'annexe 4 traite de l'emploi des adultes 7. L'enquête demandait : « Pensez-vous que les femmes en re- dans les secteurs à faible productivité. cherche d'emploi dans le secteur privé/public sont victimes de 18. Les emplois qualifiés sont définis comme ceux qui requièrent discrimination ? » au moins un diplôme du secondaire ou une formation 8. L'avantage des contrats à durée déterminée tient à leur plus professionnelle. grande flexibilité, qui permet aux employeurs d'embaucher da- 19. Pour une analyse plus détaillée, veuillez-vous reporter à Ban- vantage de jeunes. Cependant, les jeunes les perçoivent souvent que mondiale, 2014. comme une forme d'exploitation car ils ne donnent pas accès à 20. Pour nombre de jeunes, en particulier ceux qui sont toujours la protection sociale. scolarisés ou qui souhaitent rechercher un emploi, le travail à 9. La figure A4.1 de l'annexe 4 traite du type de contrat des temps partiel peut constituer un choix optimal et devrait être en- adultes en emploi (30 à 59 ans). couragé. Toutefois, les recherches qualitatives montrent que les 10. À l'origine destinée à protéger les travailleurs, la réglementa- jeunes n'optent généralement pas pour le travail à temps partiel. tion du travail encourage l'informalité. Pour flexibiliser l'adap- 21. D'après les données Gallup rapportées dans BAD, 2012a. tation du personnel aux conditions économiques, les contrats à 22. Seuls 4,3 % des jeunes Tunisiens en zone rurale et 2,2 % en durée déterminée ont été introduits au début des années 2000. zone urbaine envisagent de travailler dans le secteur public. Des travailleurs peuvent ainsi être embauchés avec un contrat de 23 L'agriculture pourrait devenir une importante source de courte durée flexible et renouvelable jusqu'à quatre ans. Pour les croissance et d'emploi des jeunes, en particulier dans les régions travailleurs, ce type de contrat ne procure qu'une légère amélio- du Nord fertiles. Si les nombreux petits exploitants des régions ration par rapport à l'emploi informel car il se caractérise par de l'intérieur bénéficiaient d'un soutien pour leur production à une forte insécurité de l'emploi. De plus, en raison de la flexi- bilié asocée ax cntrts àdure dtermnée le enteprses forte intensité de main-d'oeuvre, les disparités régionales seraient également réduites. De surcroît, la Tunisie pourrait tirer parti ont tendance à ne plus recourir du tout aux contrats à duree des opportunités existantes d'exportations agricoles vers l'Union indéterminee. européenne, qui ne subventionne pas sa production de fruits et 11. Pour une discussion détaillée sur les réformes du marché du légumes. travail recommandées, voir Banque mondiale, 2013c. 24. La figure A4.3 de l'annexe 4 présente la répartition de l'em- 12. L'estimation probit contrôle les différences d'âge, de niveau ploi des adultes par secteur (30 à 59 ans). d'instruction et de milieu parental ainsi que les disparités 25. Le tourisme est inclus dans le secteur des services. régionales. 13.ionaDes. 26. Outre le sexe, le modèle probit du travail indépendant tient 13. De 15 a 24 ans. compte de l'âge, du milieu familial et de la région. 14. Le nombre total d'étudiants devrait culminer à 449 000 en 27. Le chapitre 5 présente une description plus détaillée des pro- grammes de microfinancement existants. 15. Comme noté précédemment, ce modèle contrôle les variables 28. Les secteurs à faible productivité sont l'agriculture et la suivantes : sexe, âge, contexte parental et région. Une fois en- ,matériaux de construction, la pêche, l'agroalimentaire, lesmaéiu decntcio,l core, l'endogénéité potentielle de la richesse peut jouer un rôle. ceramique et le verre, les industries mécaniques, chimiques et Toutefois, l'ampleur et la force de la relation, ainsi que l'impor- électriques, le textile et la chaussure, d'autres industries, le bâ- tance moindre de la richesse dans la détermination de l'emploi. iniquoidrequ e la richesse amiliasl ientnermla rondée.i timent, les mines et l'énergie, les transports, la réparation et la fabrication. Les secteurs à forte productivité sont le commerce, 16. Pour les besoins du présent rapport, la productivité est les communications, les hôtels et restaurants, les banques et les classée par secteur. Les secteurs qui comptent essentiellement compagnies d'assurance, les services sociaux et culturels, ainsi des entreprises à forte productivité sont le commerce, les com- que les services immobiliers. munications, le tourisme (hôtels et restaurants), les banques et 29 Pour de pîus amples détails, voir, par exemple, www.ta3mal. les compagnies d'assurance, les services sociaux et culturels, ainsi que les services immobiliers. Les secteurs qui comptent org.  団 66 1 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Ces programmes [d'emploi] sont les instruments d'une politique dont l'objectif est de calmer un peuple révolté qui demande du travail. Ils ne constituent pas une solution durable. Homme sans emploi, jendouba (Nord-Ouest de la Tunisie) Ce chapitre propose un panorama de l'accès aux op- besoins et aux possibilités du marché du travail. En portunités économiques qu'offrent les programmes 2011, les diplômés de l'enseignement supérieur re- actifs du marché du travail (PAMT) mis en place présentaient 66 % du nombre total de bénéficiaires, par le ministère de la Formation professionnelle alors que les jeunes à faible niveau d'instruction, et de l'Emploi (MFPE) ainsi que d'autres services qui constituent le plus grand groupe de jeunes sans destinés aux jeunes. Il rend également compte de emploi, représentaient environ 34 %. En termes ab- la perception que les jeunes ont des avantages et de solus, le nombre de jeunes Tunisiens sans emploi et la qualité de ces programmes, dont l'efficacité est sans diplôme d'études secondaires ou universitaires ici évaluée à la fois du point de vue de leur impact est environ 3,5 fois plus élevé que le nombre des sur l'employabilité et de l'inclusion sociale. Cet état diplômés du supérieur. des lieux s'accompagne d'une série de recomman- dations visant à rendre plus efficaces et inclusifs les programmes et services en place pour les jeunes. 5.1 Programmes du ministère de la Formation professionnelle La Tunisie a investi une part importante de son et de l'Emploi produit intérieur brut (PIB) dans les PAMT, mais En réponse au chômage et à l'inactivité des jeunes, les bénéficiaires jugent insuffisants les avantages qui le MFPE a mis en place un certain nombre de en sont tirés. Les PAMT représentaient près de 1 % PAMT visant à faciliter leur insertion profession- du PIB en 2011, soit le pourcentage le plus élevé nelle. L'Agence nationale pour l'emploi et le travail dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord à indépendant (ANETI) est responsable de la mise en l'époque de la révolution, ce taux se stabilisant ces Suvre des plus importants programmes et services derniers temps autour de 0,5 % (Banque mondiale, d'emploi dans le pays. Plus précisément, l'ANETI 2013c). Ces programmes ne sont pas bien connus est chargée des missions suivantes de la plupart des jeunes Tunisiens. La participation des jeunes à ces dispositifs est assez faible et, fait e fournir des orientations d'ordre général aux plus important encore, ces programmes se focalisent demandeurs d'emploi; principalement sur les zones urbaines situées le long de la côte. Peu de programmes sont disponibles 0 mettre à la disposition des demandeurs d'em- pour les jeunes dans les régions de l'intérieur et du ploi les informations concernant les offres Sud, ce qui accentue les disparités géographiques. d'emploi ; La majorité des PAMT sont conçus pour les 0 mettre en correspondance les demandeurs jeunes diplômés. Cet avantage dont bénéficient les d'emploi et les postes vacants diplômés devrait être repensé afin de s'assurer que les jeunes Tunisiens sans diplôme universitaire, en 0 mettre en Suvre les PAMT particulier ceux qui ne sont ni scolarisés, ni en em- ploi, ni en formation (les « NEET »), puissent avoir 0 promouvoir les petites entreprises et le travail un accès équitable à des programmes adaptés à leurs indépendant. Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 67 Placée sous la tutelle du MFPE, l'ANETI dis- des services d'emploi pour une durée maxi- pose de 91 bureaux répartis dans les 24 gouverno- male de 12 mois. Lancé par le gouvernement rats du pays. En 2012, elle disposait d'un budget intérimaire en réponse à la révolution de de 420 millions de dinars (579 millions de dollars 2011, AMAL est rapidement devenu le pro- US [PPA]). Au total, ces programmes appuient gramme le plus important de l'ANETI ; il a actuellement environ 270 000 demandeurs d'em- été abandonné depuis lors parce qu'il n'était ploi chaque année (Banque mondiale 2013c). Le pas viable. Ce programme était censé offrir nombre de bénéficiaires a plus que doublé en cinq aux bénéficiaires un accompagnement pro- ans, et l'ANETI envisage actuellement d'étendre fessionnel, une formation à des compétences davantage ses activités (Banque mondiale, 2013c). spécialisées et générales, une formation L'Agence compte près de 900 conseillers à l'emploi, sur le tas, une aide à la recherche d'emploi plus de 70 % d'entre eux apportant leur aide aux et une indemnité mensuelle de 200 dinars diplômés du supérieur (Abaab, 2012). En moyenne, (275,70 dollars US [PPA]). Bien qu>il ait un conseiller de l'emploi en Tunisie s'occupe de été conçu à l'origine comme un programme 1 200 jeunes chômeurs, ce qui est largement supé- « actif », le programme AMAL a, dans la rieur au ratio d'environ 100 demandeurs d'emploi pratique, essentiellement servi à apporter par conseiller recommandé par l'Organisation in- une aide financière à des diplômés chômeurs. ternationale du travail (OIT) (Abaab, 2012). Parce que mal conçu et difficile à appliquer de par ses conditions, ce programme a en fait Les programmes de l'ANETI visent à préparer réduit les incitations à chercher du travail et à les demandeurs d'emploi au marché du travail et accepter des offres d'emploi (Robalino et al. à les insérer dans le monde professionnel grâce à 2013). Il devait offrir aux participants une in- un ensemble de dispositifs comprenant la forma- demnité de 200 dinars (275,70 de dollars US tion sur le tas, des incitations pour les employeurs, [PPAI) - soit l'équivalent de 80 % du salaire une couverture de sécurité sociale subventionnée et minimum - et une gamme de services com- des indemnités mensuelles. La plupart de ces pro- prenant notamment des formations aux com- grammes ciblent les diplômés sans emploi.1 Bon pétences techniques et pour la vie courante, nombre des programmes de l'ANETI se recoupent une orientation professionnelle, une aide à la ou présentent des approches similaires. Par ailleurs, recherche d'emploi et des subventions sala- ces programmes manquent généralement de cohé- riales. Dans la pratique, 20 000 participants rence ou ne font pas l'objet de suivi et d'évalua- seulement ont reçu l'indemnité et bénéficié tion.2 Le système de suivi de l'ANETI n'est pas basé de divers services, tandis que 120 000 autres sur les résultats et ne permet que d'obtenir des don- n'ont reçu que l'indemnité. La conception nées sur les taux de participation des bénéficiaires. du programme n'a pas pris en compte l'in- Il y a eu quelques tentatives d'évaluation des pro- suffisance des capacités de l'ANETI qui a grammes d'emploi de l'ANETI, mais les résultats entravé la mise en œuvre de l'encadrement sont dépassés, ponctuels ou commandés par des professionnel et des stages dans le secteur bailleurs de fonds et manquent de rigueur scienti- privé. L'absence de direction technique aux fique (Banque mondiale, 2013c). niveaux central et local et le manque de réelle coordination entre l'organisme d'exécution, Quatre-vingt-dix pour cent des bénéficiaires de l'ANETI, et le MFPE n'a fait qu'aggraver l'ANETI se sont inscrits à l'un de ses trois princi- la situation (Abaab, 2012). Abandonné en paux programmes (Banque mondiale 2013b). 2013, le programme AMAL fournit des en- seignements utiles pour repenser les PAMT • Le programme AMAL (qui signifie « espoir » en Tunisie, en particulier pour éviter la mise en arabe) a été conçu pour fournir aux chô- en place de subventions coûteuses ayant meurs titulaires de diplômes universitaires un impact limité sur l'employabilité. Il est 68 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES néanmoins intéressant de noter qu>il s>agis- a été conçu pour aider les jeunes Tunisiens à sait d>un programme de transition, qui a été acquérir des qualifications professionnelles et ajusté par la suite pour prendre en compte à améliorer ainsi leurs perspectives d'emploi les jeunes défavorisés. Il n'existe pas de don- en adaptant les formations proposées à des nées concrètes pour mesurer les résultats de emplois spécifiques. En réalité, ces forma- ce programme (Abaab, 2012, 23). tions sont rarement organisées (Banque mon- diale, 2013c). Bien que le taux d'insertion des Le Stage d'initiation à la vie professionnelle bénéficiaires du CAIP soit de loin le plus élevé (SIVP) subventionne les coûts liés au recru- parmi les PAMT, le taux de résiliation des tement des diplômés du supérieur par les en- contrats reste également très élevé. La princi- treprises et cible ceux qui n'ont pas trouvé pale raison invoquée par les entreprises et les un emploi six mois après l'obtention de dirigeants syndicaux est le manque de com- leur diplôme. Ce programme vise à insérer pétences adéquates et la faible mise en cor- dans la vie professionnelle des diplômés à respondance entre les candidats et les besoins la recherche de leur premier emploi en leur des entreprises, une mission qui incombe offrant des stages et une indemnité, généra- à l'ANETI. Une formation supplémentaire lement sur une année. Le SIVP est l'un des pourrait être utile pour remédier au décalage plus importants PAMT de Tunisie, avec près entre les compétences des jeunes chômeurs de 47 000 bénéficiaires en 2011, dont envi- et les emplois disponibles (Angel-Urdinola et ron 60 % de jeunes femmes. Le programme al., 2012). verse aux bénéficiaires une indemnité de 300 dinars par mois (414 dollars US [PPA]) L'ANETI gère également un certain nombre de et couvre les cotisations de sécurité sociale petits programmes dont les objectifs et les catégo- ainsi qu'un maximum de 200 heures de coûts ries de jeunes bénéficiaires se recoupent. de formation (Banque mondiale, 2012b). Les bénéficiaires du SIVP sont fortement concen- • Le Service civil volontaire (SCV) subven- trés dans les régions côtières/industrielles. tionne les coûts liés au recrutement de di- La plupart des contrats de SIVP sont signés plômés du supérieur dans des organisations à Tunis (25 %), suivis par l'Ariana et Sfax de la société civile. Dans le cadre de ce pro- (10 % chacun). Une évaluation de la perfor- gramme, le bénéficiaire peut obtenir un stage mance du SIVP a révélé un faible taux d'in- d'une durée maximale de 12 mois et une in- sertion professionnelle des bénéficiaires une demnité mensuelle de 200 dinars (276 dollars fois sortis du programme (23,7 % en 2010) US [PPA]). En 2011, le programme comptait (Banque mondiale, 2012b). environ 8 000 participants (Angel-Urdinola et al., 2012). Les associations ne sont pas • Le Contrat d'adaptation et d'insertion à la tenues à des critères de qualité pour parti- vie professionnelle (CAIP) a été lancé en 2009 ciper au programme. De fait, la plupart des pour les diplômés et les non-diplômés. Il est associations participantes sont de très petite le troisième plus important PAMT de Tuni- taille, souvent avec des ressources limitées, ce sie avec environ 40 000 bénéficiaires par an, qui réduit l'attractivité du programme (An- dont environ 90 % de non-diplômés. Dans le gel-Urdinola et al., 2012). cadre du CAIP, les bénéficiaires perçoivent de petites indemnités mensuelles de 100 dinars • Le Contrat d'insertion des diplômés de l'en- (138 dollars US [PPA]) en plus de la couver- seignement supérieur (CIDES) vise les di- ture de la sécurité sociale. Dans le principe, plômés du supérieur qui sont au chômage le CAIP accorde des subventions aux entre- depuis plus de deux ans. Ce programme prises afin qu'elles recrutent des travailleurs subventionne les salaires et verse une indem- non qualifiés et des ouvriers. Ce programme nité mensuelle de 150 dinars (207 dollars US Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 69 [PPA]) pour des stages et des emplois (Banque deux interventions.3 En principe, ce décret permet mondiale, 2012b). En plus des indemnités, le à l'ANETI de sous-traiter à des organisations non programme paie une part de la contribution gouvernementales (ONG) et à des prestataires pri- de l'employeur à la sécurité sociale pour un vés la fourniture de services d'emploi, notamment maximum de sept ans, cette part étant dé- l'intermédiation professionnelle et la formation gressive au fil du temps. Le programme a tou- à des compétences non techniques, et il introduit ché environ 3 000 bénéficiaires en 2011. En un mandat de promotion d'un meilleur suivi-éva- théorie, les employeurs sont tenus de recruter luation des PAMT. Ce nouveau cadre réglemen- les bénéficiaires à la fin du programme, mais, taire pour l'ANETI dénote une évolution positive dans la pratique, le taux de placement est très et la simplification des PAMT en Tunisie. La lente faible (21 % en 2010). mise en oeuvre de cette réforme soulève cependant des questions quant à la détermination des autori- • Le Contrat de réinsertion dans la vie active tés et d'autres parties directement concernées à la permet aux bénéficiaires d'obtenir une indem- poursuivre. nité mensuelle de 200 dinars (276 dollars US [PPA]) et une couverture de sécurité sociale En dehors de l'ANETI, plusieurs programmes supplémentaire. Ce programme prend égale- parallèles existent, tels que le Contrat Emploi-So- ment en charge le coût de la formation dans lidarité (CES), qui comprend des travaux publics une limite maximale de 200 heures, ainsi que à forte intensité de main-d'œuvre. Au même titre les frais de déplacement. C'est un programme qu'un certain nombre de programmes régionaux, le d'une taille relativement faible qui, en 2011, CES est financé par le Fonds 21-21 du MFPE. Le ne comptait qu'environ 1 000 stagiaires, et CES fournit des emplois à court terme à de jeunes qui intervient principalement dans les villes Tunisiens ayant abandonné l'école. Il ne cible pas de Monastir et Tunis. La plupart des partici- un groupe spécifique de personnes sans emploi. pants (environ 90 %) ne sont pas diplômés. Au contraire, il vise à insérer les chômeurs dans le cadre d'initiatives régionales et locales de promo- • Le Programme de prise en charge de 50 % tion de l'emploi. La plus importante activité du CES des salaires vise à encourager les entreprises consiste à fournir des emplois de courte durée et privées à recruter des primo-demandeurs à forte intensité de main-d'œuvre dans des projets d'emploi titulaires d'un diplôme universitaire de travaux publics, lesquels ont absorbé environ en payant la moitié de leur salaire jusqu'à 14 000 jeunes en 2010 (Banque mondiale, 2012b). une limite maximale de 250 dinars par mois Le CES comprend également un certain nombre (344,63 dollars US [PPA]) pour une période de petites initiatives ciblant les jeunes non quali- ne pouvant excéder 12 mois. Ce programme fiés. Cependant, de nombreuses activités du CES est limité aux zones de développement régio- manquent de cohérence avec d'autres programmes. nal (tel que défini dans le Code des investis- Certains instruments du CES se confondent à plu- sements) et ne s'applique qu'aux nouvelles sieurs égards aux programmes actuels de l'ANETI entreprises actives dans certaines branches (les programmes de stage pour jeunes diplômés par d'activité à forte valeur ajoutée et à forte exemple) tandis que d'autres reproduisent des pro- composante cognitive. Il s'agit d'un pro- grammes similaires mis en œuvre par le ministère gramme de taille relativement faible qui ne du Développement régional et d'autres bailleurs couvrait qu'environ 500 diplômés en 2011. de fonds, à l'instar du programme relatif aux Tra- vaux publics à forte intensité de main-d'œuvre. Il En 2012, un décret a été pris à l'effet de modi- est parfois arrivé que des projets de travaux pu- fier fondamentalement tous les PAMT relevant de blics ne s'achèvent jamais ou que des salaires soient l'ANETI et d'introduire le programme « chèque versés à des employés qui ne se sont pas présen- emploi » et le programme « chèque employabilité », tés sur le lieu de travail. Par ailleurs, des éléments fusionnant ainsi tous les programmes existants en concrets indiquent que les programmes du CES 701 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES n'obéissent pas à des procédures ou à des cadres gouvernorats de la Tunisie, y compris des centres clairs de gouvernance ni à une allocation transpa- spécialisés pour la formation dans des secteurs rente des fonds (Banque mondiale, 2013c). Ces pro- particuliers - par exemple, bâtiment et travaux grammes manquent largement de suivi et les listes publics, électronique, mécanique, tourisme et in- de leurs bénéficiaires ne sont généralement pas croi- dustrie textile (48 centres) - ainsi que des centres sées avec les dossiers de l'ANETI, ce qui permet à d'apprentissage (61), des centres dédiés aux jeunes certains individus de bénéficier simultanément de femmes rurales (15) et des centres d'artisanat (13). plusieurs programmes. L'impact à long terme des Ces centres forment environ 60 000 personnes programmes de travaux publics sur le marché du par an et emploient environ 7 300 collaborateurs. travail peut être négligeable, et des études montrent L'ATFP propose une gamme de produits de forma- que les emplois dans les travaux publics font l'objet tion, notamment 1) des cours résidentiels dans les de stigmatisation, ce qui peut entamer l'employa- centres de formation ; 2) des contrats d'apprentis- bilité des participants sur le long terme (Robalino sage signés avec des sociétés, dans le cadre desquels et al. 2013). D'autres solutions reposant sur une l'apprenti peut consacrer jusqu'à la moitié de son conception de projets modulables destinés à l'in- temps à la formation ; et 3) des cours adaptés aux sertion professionnelle des jeunes chômeurs n'ayant activités économiques d'une région particulière. pas suivi des études secondaires (essentiellement des NEET) sont présentées dans le chapitre suivant. La figure 5.1 présente la répartition en 2011 des jeunes bénéficiaires des PAMT. La majorité était des En dehors de l'ANETI, le Gouvernement tuni- diplômés de l'enseignement supérieur (66 %, contre sien met également en oeuvre un certain nombre de 33 % de jeunes moins instruits). Le nombre de bé- programmes de formation par le biais de l'Agence néficiaires était plus élevé que la moyenne en 2011 tunisienne de la formation professionnelle (ATFP). en raison de la large couverture du programme Créée en 1993 sous la tutelle du MFPE, elle dispose AMAL, qui a été arrêté. Néanmoins, ces chiffres d'un budget de 200 millions de dinars (276 millions constituent une bonne base de comparaison des dollars US [PPA]), provenant de fonds publics. Elle jeunes bénéficiaires par catégorie. gère 137 centres de formation répartis dans tous les Figure 5.1. Bénéficiaires des programmes financés par le Fonds national de l'emploi (2011) 450.000- 405.500 400.000- 350.000- 300.000 - Principalement destinée aux jeunes hautement qualifiés 250.000- 200.000 -Principalement destinés aux personnes peu qualifiées 155.000,. _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ , 150.000- 113.500 100.000. 90.000 50.000- 30.000 a a17.000 Programme ANETI Micro-crédits Programmes ANETI Total AMAL (Encourager les régionaux de (coaching pour programmes d'insertion l'emploi l'esprit d'entreprise) dans l'emploi salarié) Source: Fonds National de l'Emploi, Données Administratives, 2011. Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 71 Perceptions autour des programmes 20,5 % des jeunes ruraux. De la même manière, actifs du marché du travail le SIVP, autre programme qui verse des indemni- tés aux diplômés sans emploi, n'était connu que de Globalement, la connaissance limitée des pro- 33,2 % des jeunes interrogés en zone urbaine et de grammes de l'ANETI conduit à des taux de par- 19,5 % de ceux vivant en milieu rural. Le CAIP, ticipation très faibles chez les jeunes remplissant qicible les personnes non diplômées, reste très les conditions voulues. Selon les résultats d'une qui connu le ennes en miieu enquête récente présentés plus bas, un tiers des peu connu seulement 10,7 % des jeunes en milieu jeunes pensent qu'ils ne remplissent pas les condi- parler. Les deux programmes les plus connus dans tions pour participer à ces programmes, et plus les zones rurales sont le Programme de travaux pu- d'un quart ne savent pas comment s'y inscrire.4 Le blics à forte intensité de main-d'euvre (35,2 %) et manque d'information concernant la procédure d'autres activités de PAMT menées dans le cadre d'inscription semble encore plus problématique du CES, le programme de développement régional dans le cas des programmes qui ne sont pas gérés à (35,2 %).5 La sensibilisation des jeunes Tunisiens à l'échelle nationale. ces programmes ne varie pas beaucoup en fonction de la région ou du sexe, bien que les jeunes dans le La sensibilisation aux programmes existants Sud rural connaissent davantage le Programme de est très faible, surtout dans les zones rurales. Plus travaux publics à forte intensité de main-d'ouvre d'un quart des jeunes interrogés connaissent peu (annexe 5, figure A5.1). les programmes conçus pour aider les jeunes chô- meurs dans leur recherche d'emploi (figure 5.2). Les jeunes non diplômés vivant en ville Même le programme le plus important, AMAL, qui connaissent très peu les programmes d'emploi offrait des indemnités aux diplômés du supérieur existants, y compris parmi le petit nombre de ceux sans emploi, n'était connu que de 42,5 % des ré- qui leur sont destinés. Seulement un cinquième des pondants vivant en zone urbaine et de seulement jeunes Tunisiens sans diplôme universitaire des zones urbaines connaît le Programme de travaux publics à forte intensité de main-d'œuvre (20,4 %), Figure 5.2. Connaissance des Programmes et seulement un dixième connaît l'existence du actifs du marché du travail: CAIP (10,1 %), comme le montre la figure 5.3. comparaison entre zones urbaines D'autres programmes, notamment AMAL, le SIVP et zones rurales et le SCV, sont beaucoup mieux connus des jeunes diplômés. Les programmes qui sont destinés aux AMAL jeunes Tunisiens sans diplôme universitaire, tels que s0° le Programme de travaux publics à forte intensité de Progr. régional 400 SCV main-d'œuvre ou le CAIP, sont très peu connus de ESe 30 leur groupe cible, à la fois en zone rurale et urbaine. o Dans l'ensemble, les jeunes qui connaissent les Travaux PAMT n'en ont pas une haute idée, comme en té- publics SIVP moigne l'analyse qualitative. Ces programmes, AMAL y compris, sont considérés comme une - Rural sorte de sinécure mise en place pour des raisons Autres progr. CAIP - Urbain politiciennes. Les jeunes croient très peu en ces empl. programmes, qu'ils jugent inefficaces et qu'ils consi- dèrent même comme « une imposture » et une pa- Noutre gapique ndialt e é eà tous les jeunes. nacée destinée à réduire artificiellement le nombre de chômeurs (Abaab, 2012). 72 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 5.3. Connaissance des Programmes entreprises d'embaucher de façon permanente des actifs du marché du travail, par jeunes chômeurs. Elles peuvent notamment entraî- niveau d'instruction ner la généralisation des pratiques d'exploitation, comme le souligne un jeune interrogé: AMAL Programme 0 Que fait l'entreprise ? Elle profite du système régional CES pour recruter du personnel dans le cadre du SIVP, lui verse un salaire de misère, s'en sépare à la fin du contrat et rapatrie l'argent ainsi gagné paau SIVP à l'étranger. Diplômé sans emploi, Zaghouan (Nord-Est de la Tunisie) - Non-diplômé rural Autres progr. CAIP - Non-diplômé urbain emploi Diplômé Participation aux programmes actifs du marché du travail Source a THSYUA, THSYRA. Le niveau de participation à ces programmes est très Note :Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des pro- grammes éducationnels ou des formations. L'échantillon rural faible. À peine un jeune interrogé sur dix a déjà par- ne comprend pas suffisamment de diplômés pour permettre une ticipé à un programme majeur comme AMAL ou comparaison. le SIVP. La participation globale à ces programmes est faible en zones urbaines, et même davantage en zones rurales (figure 5.4). Les programmes ayant Je ne les ai pas encore essayés [les programmes]. enregistré la plus grande participation sont AMAL Je n'ai plus confiance dans l'État. Même lor- (11 % en zones urbaines et 9,8 % en zones ru- squ'une belle offre d'emploi se présente, ceux rales), le SIVP (12,1 % en zones urbaines et 8 % en qui travaillent dans le bureau de l'emploi la ven- zones rurales), et le SCV (3,9 % en zones urbaines dent cher. Diplômé sans emploi, Mahdia (côte et 11,5 % en zones rurales). Tous ces programmes tunisienne) ciblaient des diplômés du supérieur, ce qui explique pourquoi la participation globale de la popula- Je connais de nombreuses personnes qui ont ob- tion, composée de personnes moins instruites, est si tenu des emplois grâce à l'influence de leurs con- faible. La répartition par région montre que, parmi tacts ou des parents qui travaillent au bureau de tant d'autres programmes, y compris le programme l'emploi. Jeune femme, chef de service dans une régional, le CES a enregistré sa plus forte participa- banque, 28 ans, Tunis tion dans la région côtière rurale et pratiquement aucune dans les zones rurales de l'intérieur et du Les travaux publics et les SIVP ne sont pas des Sud, ce qui accentue davantage les disparités régio- solutions à large portée. Il existe une grande dif- nales (annexe 5, figure A5.2). férence entre les travaux publics, la formation ou le programme AMAL et, par exemple, l'installa- Lors des entretiens, les jeunes qui ont participé tion d'une usine qui pourrait employer 700 per- à des programmes de formation se sont plaints des sonnes. Étudiant, Gafsa (Sud de la Tunisie) classes pléthoriques, de la caducité et de l'obsoles- cence du matériel, de la mauvaise gestion et de Les jeunes considèrent les employeurs, en par- l'absence de perspectives au terme de la formation. ticulier ceux du secteur privé, comme les princi- Un jeune ayant abandonné l'école et qui travaille paux bénéficiaires des programmes actifs d'emploi. actuellement dans l'exploitation familiale décrit ses Les subventions salariales sont considérées par la tentatives pour obtenir une formation complémen- majorité comme des mesures qui dissuadent les taire en ses termes : Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 73 Figure 5.4. Participation aux Programmes actifs du marché du travail comparaison entre zones urbaines et zones rurales 14- 12- Rural 10- M Urbain 8- S6- 2- AMAL SCV SIVP CAIP Autre progr. Travaux Programme emploi publics régional CES Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence à tous les jeunes. L'atelier de soudage disposait de huit stations Après la révolution, les diplômés de l'enseigne- de soudage pour 35 personnes. Le formateur ne ment supérieur vivant en milieu urbain se sont ins- transmettait aucune information. Aucun matériel crits en grand nombre dans les programmes les plus de travail n'était disponible. Ce n'est pas inhabi- importants (Amal et SIVP). Plus d'un jeune diplômé tuel, beaucoup de problèmes de ce type affectent urbain sur trois (37,2 %) déclarent avoir participé les apprentis. [...] La moitié d'entre nous a aban- au programme AMAL, plus d'un quart (26,5 %) donné le stage avant la fin. Jeune homme ayant au SIVP (figure 5.5), et environ 6,2 % ont parti- abandonné l'école, 23 ans, Sidi Bouzid (région cipé aux deux programmes. D'autres programmes intérieure de la Tunisie) destinés aux diplômés ont enregistré moins de Figure 5.5. Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par niveau d'instruction 40- 35- 30- a Non-diplômé rural 25 - M Non-diplômé urbain M Diplômé urbain 20- C 15- 10- 5 - 0 AMAL SCV SIVP CAIP Autre progr. Travaux Programme emploi publics régional CES Source : Banque mondiale 2012d; 2012e. Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des programmes éducationnels ou des formations. L'échantillon rural ne comprend pas suffisamment de diplômés pour permettre une comparaison. 74 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 5.6. Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par type de NEET 30- M Non-NEET rural a Non-NEET urbain 25- M NEET rural 20- a NEET urbain 15- 10_ 5- AMAL SCV SIVP CAIP Autre progr. Travaux Programme emploi publics régional CES Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence à tous les jeunes. participants, notamment le SCV (6,6 %). Étonnam- Ce programme semble au contraire avoir réduit les ment, un grand nombre de jeunes non diplômés ont chances d'obtention d'un emploi des jeunes qui y déclaré avoir participé à des programmes de grande étaient inscrits. envergure conçus pour les diplômés, comme AMAL (4,5 % en milieu urbain et 8,2 % en milieu rural) et le SIVP (11,3 % en milieu urbain et 7 % en milieu Avantages des programmes actifs du rural), soulevant ainsi des questions sur le méca- marché du travail nisme de ciblage et la gestion financière des pro- Il est difficile d'évaluer l'impact des PAM, à la grammes destinés uniquement aux jeunes diplômés. fois en raison d'un manque de données de suivi Les limites de la conception de ces programmes se fostemaison du manue dtdonn de suv sont également révélées lors de la recherche qua- systematique et des difficultés d'attribution de cet litative, au cours de laquelle on a constaté que la impact. En effet, un diplômé peut avoir obtenu un plupart des programmes sont perçus uniquement emploi sans être passé par un programme. Les taux comme des instruments politiques profitant essen- d'insertion professionnelle déclarés varient selon les tiellement au secteur privé. sources et ne sont pas fondés sur une analyse cau- sale, mais plutôt sur des résultats d'enquêtes repo- La participation aux PAMT en Tunisie est rela- sant sur les déclarations des personnes interrogées. tivement élevée, mais l'impact de ces derniers sur Les taux d'insertion varient de 10 à 20 % pour les l'employabilité et l'insertion professionnelle reste trois principaux programmes - CAIP, CIDES et peu connu. Par exemple, 8,2 % seulement des an- SIVP (Abaab 2012). ciens participants au programme AMAL en zones urbaines travaillaient au moment de l'enquête de Le coût par bénéficiaire placé en entreprise est 2012, une proportion beaucoup plus faible que élevé pour la plupart des programmes, voire exorbi- le taux d'emploi moyen (figure 5.6). En revanche, tant pour certains d'entre eux. Par exemple, le SIVP 24,2 % des anciens participants urbains du SIVP dépense 9 000 dinars (12 407 dollars US [PPA]) par disposaient d'un emploi au moment de l'enquête. placement réussi (Abaab, 2012). Les PAMT doivent Bien que les données ne permettent pas une analyse être mis en œuvre plus efficacement afin de remédier causale, les corrélations donnent à penser que le pro- au décalage entre le chômage et les compétences. gramme d'apprentissage SIVP a été beaucoup plus En effet, de plus en plus de travailleurs potentiels efficace dans l'amélioration de l'employabilité que se découragent et restent en marge du marché du les transferts monétaires très peu ciblés d'AMAL.6 travail, ce qui accentue le risque de dégradation et Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 75 d'obsolescence des compétences. Toutefois, l'inci- suivi des études secondaires et qui, dans l'ensemble, dence budgétaire de ces vastes programmes a des constituent la plus grande proportion de NEET en conséquences macroéconomiques graves pour une zones rurales et urbaines, n'ont pas accès à la plu- petite économie comme la Tunisie. Même dans les part de ces programmes. Beaucoup de ces jeunes pays de l'Organisation de coopération et de déve- ont déjà acquis de l'expérience entrepreneuriale loppement économiques (OCDE), qui ont générale- dans le secteur informel, et une formation supplé- ment des institutions et des pratiques relativement mentaire peut leur permettre de créer des entre- avancées à cet égard, moins de 0,6 % du PIB en prises prospères. moyenne a été consacré à des mesures liées à des PAMT en 2011 (OIT 2013). Un certain nombre de programmes sont conçus pour soutenir les entrepreneurs ou les entrepreneurs Les données disponibles montrent que la plupart potentiels. UANETI administre le Programme des PAMT (AMAL et SIVP notamment) sont essen- d'accompagnement des promoteurs des petites en- tiellement régressifs et qu'ils soutiennent principa- treprises (PAPPE), qui cible les travailleurs indépen- lement des jeunes mieux lotis ayant suivi des études dants et est ouvert aux diplômés et non-diplômés. supérieures. La grande majorité des programmes Ce programme accorde des prêts allant jusqu'à exclut systématiquement les NEET et les jeunes Tu- 100 000 dinars (137 850 dollars US [PPA]) par pro- nisiens moins instruits, dont beaucoup sont issus de jet, bien que le montant moyen de prêts accordé en milieux défavorisés, bien qu'ils constituent plus des 2011 s'établissait à 247 dinars (340,50 dollars US trois quarts de la population de jeunes chômeurs. [PPA]). En outre, le programme PAPPE fournit un En l'absence de toute tentative rigoureuse d'évalua- encadrement et un soutien dans la conception de tion de l'impact des principaux PAMT en Tunisie, projets et l'élaboration de plans d'affaires, ainsi que il ressort de l'analyse élémentaire des corrélations la possibilité d'un stage pratique en entreprise pour qu'AMAL - le programme le plus important du une durée maximale d'un an. Une indemnité men- pays - a rendu encore plus difficile l'employabilité suelle de 100 dinars (137,85 dollars US [PPA]) est de ses participants.7 Le taux d'emploi d'anciens bé- prévue pour les non-diplômés sur une durée maxi- néficiaires du programme AMAL est sensiblement male de 12 mois. L'indemnité pour les diplômés du inférieur au taux d'emploi moyen des jeunes Tuni- supérieur représente le double de ce montant. Le siens. Les taux de placement du SIVP semblent un programme aurait enregistré 17 000 bénéficiaires peu plus élevés, même s'il reste difficile de savoir en 2011 (Banque mondiale, 2013c). si le programme procure des avantages nets aux participants. La Banque tunisienne de solidarité (BTS) gère également des programmes de microcrédit et de promotion de l'entrepreneuriat. Ces programmes 5.2 Programmes de promotion de accordent des prêts concessionnels aux entrepre- l'entrepreneuriat neurs potentiels, notamment des jeunes, que ce L'entrepreneuriat peut jouer un rôle important dans soit directement ou par le biais d'associations. Le la lutte contre l'exclusion des jeunes, tout en ren- programme de prêts directs met à disposition des forçant la génération de revenus et la réduction du crédits d'une valeur maximale de 100 000 dinars chômage dans cette catégorie de la population. Des (137 850 dollars US [PPA]) remboursables entre six projets pilotes ont été lancés récemment dans toute mois et sept ans, avec une période de grâce de six la région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord, mois à trois ans, et un taux d'intérêt de 5 % (Abaab, y compris en Tunisie (voir, par exemple, Premand 2012). Les objectifs opérationnels de la BTS sont les et al., 2012). Alors que nombre de ces projets ont suivants : 1) faciliter l'accès aux financements pour des effets importants, ils ciblent principalement les petits entrepreneurs aux ressources limitées et des diplômés d'université et d'autres jeunes quali- sans garanties bancaires ; et 2) financer des projets fiés. En revanche, les jeunes défavorisés n'ayant pas générateurs de revenus et la création d'emplois dans 76 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES différents secteurs - par exemple, les petits métiers, courant de l'existence de microcrédits autres que les l'artisanat, l'agriculture et les services à travers le prêts de la BTS (20,5 %), et un sur neuf seulement pays (en zone rurale et urbaine) (Abaab 2012). connaît le PAPPE (11,3 %). Les niveaux de connais- sance des programmes par les jeunes Tunisiens ne diffèrent pas beaucoup selon les régions, à l'excep- Perceptions autour des programmes de tion des jeunes du Sud rural qui semblent mieux promotion de l'entrepreneuriat connaître le PAPPE que leurs pairs. Mais en même temps, ils ont une connaissance limitée des micro- La sensibilisation aux programmes d'entrepreneu- crédits autres que les prêts de la BTS (annexe 5, riat existants dépasse celle des PAMT, mais reste figure A s.3). faible. Comme le montre la figure 5.7, environ un tiers des jeunes ruraux connaît l'existence des Les programmes sont très peu connus des jeunes programmes de promotion de l'entrepreneuriat citadins sans diplômes universitaires. La plupart tels que le PAPPE (34 %), le Fonds national de des programmes de promotion de l'entrepreneuriat promotion de l'artisanat et des petits métiers (FO- sont beaucoup mieux connus par les jeunes diplô- NAPRA) (33,9 %), le Fonds national de solidarite més que par les jeunes sans diplôme universitaire, (FNS) (34,1 %), les microcrédits offerts par la BTS comme le montre la figure 5.8. Ces disparités sont (36,5 %) et d'autres microcrédits (36,2 %). En mi- les plus élevées pour les prêts de la BTS (23,4 points lieu urbain, d'autre part, seuls le FNS (56,9 %) et les de pourcentage) et les plus faibles pour les autres microcrédits de la BTS (42,4 %) sont bien connus. programmes de microcrédit (10,3 points de pour- Pour ce qui est des autres programmes, moins d'un centage). La connaissance de ces programmes par quart des jeunes en milieu urbain connaît le FO- les non-diplômés des zones rurales est uniformé- NAPRA (23,5 %), un cinquième seulement est au ment élevée (autour de 30 %), tandis que chez les non-diplômés urbains, le FNS en particulier est connu par plus de la moitié de l'ensemble des jeunes Figure 5.7. Connaissance des programmes interrogés (53 %). de soutien à l'entrepreneuriat : comparaison entre zones urbaines Bien que les programmes ciblent les jeunes et zones rurales chômeurs, les jeunes Tunisiens sans emploi ont une moins bonne connaissance des programmes Programme Petites existants que les jeunes actifs. Les jeunes NEET (PAPPE) connaissent beaucoup moins les programmes exis- 60°/ tants que leurs pairs qui ne relèvent pas de cette catégorie. Ce manque d'information est crucial, en Micro-crédit, particulier en ce qui concerne les microcrédits et les autre 00/ FONAPRA petits programmes d'appui au travail indépendant, et il a pour conséquence l'exclusion économique 0 o accrue des jeunes Tunisiens issus de milieux défa- vorisés. Sur le plan sexospécifique, très peu de diffé- Uraln rences existent. Néanmoins, il semble qu'en milieu urbain, les jeunes femmes connaissent davantage le Micro-crédit, FNS FONAPRA et les microcrédits que les prêts qu'ac- BTS corde la BTS. En zones rurales, il n'existe pas de Source : Banque mondiale 2012d ;2012e. différence nette (annexe 5, figure A5.4). Note : Ce graphique fait référence à tous les jeunes. Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 77 Figure 5.8. Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau d'instruction 80- 70 lu Non-diplômé rural M Non-diplômé urbain 60- M Diplômé urbain 50- 40 - so _ A 30- 20- 10 Programmes FONAPRA FNS Micro-crédit, Micro-crédit, Petites BTS autre Enterprises (PAPPE) Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des programmes éducationnels ou des formations. L'échantillon rural ne comprend pas suffisamment de diplômés pour permettre une comparaison. Participation aux programmes de Figure 5.9. Participation aux programmes promotion de l'entrepreneuriat de soutien à l'entrepreneuriat : La participation aux programmes d'entrepreneuriat comparaison entre zones urbaines est très faible, surtout dans les zones urbaines où et zones rurales environ un jeune sur 100 seulement a pris part à ces Programme Petite programmes. L'adhésion globale à ces programmes Enterprises (PAPPE) est faible dans les zones rurales, et encore plus dans 5o les zones urbaines (figure 5.9). Les programmes 40 ayant enregistré la plus grande participation étaient 30 le FNS (4,7 % en milieu rural et 1,6 % en milieu Micro-crédit, 2° autreFOAR urbain), le Programme pour les petites entreprises (3,8 % en milieu rural et 0,8 % en milieu urbain), et d'autres programmes de microcrédit (4,6 % en milieu rural et 3,4 % en milieu urbain). Une ventila- - Ural tion par région montre que les programmes PAPPE, FONAPRA et FNS sont ceux qui affichent la plus Micro-crédit, FNS forte adhésion dans les régions rurales de la côte et BTS à l'intérieur du pays. Les jeunes Tunisiens du Sud rural, quant à eux, sont plus intéressés par les pro- Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence à tous les jeunes. grammes de microcrédit que leurs pairs de la région côtière (annexe 5, figure A5.5). Dans l'ensemble, les programmes de promotion de l'entrepreneuriat de- vraient être plus largement utilisés dans les régions connaissant un retard de développement. 78 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 5.10. Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau d'instruction 7- m Non-diplômé rural 6 -* Non-diplômé urbain 5- M Diplômé urbain 4 - ii 2- 0- Programmes FONAPRA FNS Micro-crédit, Micro-crédit, Petites BTS autre Enterprises (PAPPE) Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique exclut tous les jeunes inscrits dans des programmes éducationnels ou des formations. L'échantillon rural ne comprend pas suffisamment de diplômés pour permettre une comparaison. Les programmes d'entrepreneuriat n'ont guère similaires en zones rurales, la probabilité est consi- attiré les diplômés du supérieur vivant en milieu dérablement moins élevée de voir les NEET des urbain, groupe pourtant prioritaire pour les déci- zones urbaines participer à des programmes d'en- deurs. La plus forte adhésion aux programmes de trepreneuriat qu'elle ne l'est pour les jeunes urbains microcrédit est enregistrée chez les jeunes urbains actifs. Par exemple, 6,7 % des jeunes Tunisiens sans diplôme universitaire. Seulement un diplômé qui travaillent dans les zones urbaines ont parti- du supérieur sur 100 s'inscrit dans l'un des pro- cipé à des programmes de microcrédit autres que grammes d'entrepreneuriat mis en place par l'État. ceux de la BTS (3,8 % dans le cas des microcrédits L'adhésion est nettement plus élevée chez les jeunes de la BTS) contre seulement 2,2 % des NEET en sans diplôme universitaire, en particulier pour les milieu urbain (0,6 % dans le cas des microcrédits programmes de microcrédit, à savoir le PAPPE de la BTS) (annexe 5, figure A5.6). En outre, on (1,9 % en milieu urbain et 3,8 % en milieu rural), observe différentes formes d'adhésion selon le ni- le FNS (1,7 % en milieu urbain et 4,7 % en milieu veau de pauvreté et la zone de résidence (annexe 5, rural) et la BTS (3 % en milieu urbain et de 3 % figure A5.7). Alors que dans les zones urbaines, en milieu rural), comme le montre la figure 5.10. la participation est nettement plus élevée chez les Ces chiffres indiquent que si les diplômés du su- jeunes issus de familles pauvres, on constate une périeur sont plus enclins à rechercher un emploi grande hétérogénéité dans les zones rurales. Plus salarié, les jeunes moins instruits sont en revanche particulièrement, les jeunes Tunisiens issus de mé- plus susceptibles de chercher à exercer une activité nages ruraux pauvres participent principalement indépendante, bien que les programmes d'entrepre- au FNS (6,1 %), au PAPPE (4,1 %), et à d'autres neuriat disponibles excluent actuellement les jeunes programmes de microcrédit (3 %). Les jeunes des travailleurs indépendants exerçant dans le secteur ménages ruraux les plus riches ont tendance, quant informel. à eux, à participer à tous les programmes d'en- trepreneuriat : autres programmes de microcrédit La participation des jeunes sans emploi est sensi- (5,4 %), FNS (3,9 %), PAPPE (3,7 %), microcrédits blement plus élevée dans les zones rurales. Si parmi de la BTS (3,5 %), et FONAPRA. les NEET et les jeunes actifs elle atteint des niveaux Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 79 5.3 Autres services pour les jeunes important encore, il faudrait que les maisons des jeunes offrent un ensemble plus complet de services Programmes du ministère de la Jeunesse conviviaux avec un contenu pertinent et une par- et des Sports ticipation directe des principaux intéressés dans la Le ministère de la Jeunesse et des Sports dispose prestation des services afin d'attirer un nombre op- d'une gamme de programmes pour les jeunes, les timal d'usagers. plus anciens et les plus connus étant les Maisons des jeunes. Ces centres sont destinés à promouvoir des modes de vie sains et à prévenir des compor- Services à la jeunesse fournis par tements à risque. Le premier centre a été créé en des organisations confessionnelles 1963. Ils offrent une gamme d'activités de loisirs d'aide sociale et de formation professionnelle dans la technologie, Depuis 2011, les organisations confessionnelles les langues et les arts, et visent à promouvoir l'en- d'aide sociale ont développé une autre approche de gagement citoyen et l'intégration des jeunes dans la la prestation de services pour les jeunes exclus issus société. Il existe 316 centres permanents avec des de communautés marginalisées, comblant ainsi cer- terrains de sport et d'autres installations répartis taines des insuffisances des services et programmes dans les villes du pays, 224 maisons des jeunes ru- publics. En chiffres absolus, les organisations rales, 14 complexes plus vastes, et 44 clubs mobiles confessionnelles d'aide sociale se sont multipliées et qui proposent des activités dans des zones rurales développées après la révolution (Khouja et Moussa, qui autrement sont peu desservies. 2013). Dans les quelques mois qui ont suivi la ré- volution, ces organisations sont intervenues pour L'image des maisons des jeunes a été ternie par combler le vide créé par la détérioration des ser- l'utilisation qui en a été faite pour des activités de vices publics dans les zones marginalisées, devenant propagande sous l'ancien régime. Peu de temps ainsi les principaux acteurs économiques dans cer- après la révolution, le décret No 2011-119 a allégé taines régions (International Crisis Group, 2013). le contrôle des maisons des jeunes par l'administra- Certaines de ces organisations auraient commencé tion centrale, consacrant ainsi la mise en place d'un à contribuer à la scolarisation des enfants, à ser- système de gestion plus démocratique et une plus vir de médiateurs dans des conflits locaux, à aider grande autonomie financière qui leur permettent les populations locales à remplir les formalités de répondre plus efficacement aux besoins et aux administratives et à servir de conseiller pour les préférences locales. Du personnel supplémentaire, problèmes conjugaux (International Crisis Group, notamment de jeunes diplômés, a également été re- 2013). Dans plusieurs villages pauvres ainsi que cruté. Les statistiques officielles indiquent que les dans les zones urbaines, des organisations confes- maisons des jeunes ont attiré près de 90 000 usa- sionnelles d'aide sociale sont également impliquées gers en 2011, les centres ruraux et mobiles en ont dans l'économie informelle et, dans certains cas, attiré 390 000. Mais étant donné l'absence d'un elles ont commencé à accorder des prêts sans intérêt système de suivi rigoureux, il est peu probable que à de jeunes travailleurs indépendants (International ces chiffres reflètent le nombre réel d'usagers. Selon Crisis Group, 2013). le ministère de la Jeunesse et des Sports, les activi- tés les plus populaires sont le sport et celles liées La plupart des nouvelles associations opèrent à Internet. La fréquentation de ces centres aurait dans les zones périurbaines pauvres à proximité chuté de 36 % depuis 2010, reflétant une tendance des grandes villes situées le long de la région cô- à la baisse depuis un certain nombre d'années. Le tière, où l'exclusion économique et sociale est en- financement reste l'un des principaux problèmes démique. Une recherche qualitative approfondie auxquels sont confrontées les maisons des jeunes, a été menée pour étayer la présente étude. Les ré- ainsi que le manque d'infrastructures et d'équipe- sultats d'une enquête menée à Ettadham-Douar, ment appropriés, notamment les ordinateurs. Plus une grande banlieue de Tunis d'une population 80I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES d'environ 600 000 habitants, mettent en évidence Les principaux défis au bon fonctionnement des cette situation (Khouja et Moussa 2013). Depuis PAMT sont les suivants: la révolution, plusieurs organisations confession- nelles d'aide sociale ont vu le jour dans les zones • Plusieurs PAMT coûteux se sont « super- périurbaines. L'omniprésence de banderoles et de posés » au fil du temps, entraînant des dou- panneaux d'information l'atteste. Beaucoup de ces blons, un manque de capacités pour les gérer organisations comblent un vide laissé par l'effon- et une absence de résultats mesurables sur le drement de l'ancien régime, qui avait l'habitude terrain (Melliti, 2011). Les pouvoirs publics de dominer la société civile grâce aux activités de ont déjà pris un décret qui regroupe tous les son parti politique. Quand on les compare avec programmes existants sous quatre ensembles d'autres organisations de la société civile établies de d'interventions : 1) la formation et l'aide à longue date, les nouvelles organisations confession- la recherche d'emploi ; 2) les indemnités ; nelles d'aide sociale semblent être mieux financées 3) l'aide à l'entrepreneuriat ; et 4) les pro- (Khouja et Moussa 2013). Selon des témoignages, grammes régionaux d'aide à l'emploi, no- certaines organisations d'aide sociale ont com- tamment les programmes de travaux publics mencé à offrir des bourses d'études pour financer ou d'allocation conditionnelle. Si cette fusion des cours particuliers aux élèves du secondaire et des programmes venait à se matérialiser, elle des services médicaux et, dans certains cas, elles entraînerait des économies substantielles. offrent un peu d'argent à des jeunes qui souhaitent Cependant, les PAMT continuent d'offrir le se marier (Khouja et Moussa, 2013). Pour l'ave- même nombre d'activités, souvent de ma- nir, de nouvelles mesures incitatives devraient être nière inefficace. mises en place pour promouvoir des partenariats entre les collectivités locales, les ONG œuvrant à • Les PAMT sont régressifs et s'adressent prin- l'inclusion des jeunes et les associations d'aide so- cipalement aux diplômés du supérieur. Envi- ciale afin de tirer parti de leur capacité à atteindre ron 80 % des dépenses des programmes de efficacement les jeunes défavorisés au niveau com- soutien à l'emploi sont consacrées aux titu- munautaire, de vulgariser leurs approches et de les laires d'un diplôme de l'enseignement supé- rapprocher d'autres institutions opérant au niveau rieur (Abaab, 2012), bien qu'ils ne constituent local (Khouja et Moussa, 2013). qu'environ un quart des NEET.9 Les PAMT actuels ont tendance à exclure les jeunes issus de milieux moins instruits, à faible revenu et 5.4 Conclusions et recommandations vivant dans les zones périurbaines, rurales et Principaux défis à la traîne. Les programmes qui visent à promouvoir les op- • Le monopole statutaire de l'État sur les ser- portunités pour les jeunes en Tunisie sont actuelle- vices d'intermédiation professionnelle res- ment confrontés à un certain nombre de défis, qui treint le choix et freine l'entrée d'un plus ne peuvent pas être relevés par les seuls ministères large éventail de prestataires et de services sur et organismes centraux. Comme le montrent les le marché, particulièrement ceux du secteur bonnes pratiques en Tunisie et à l'étranger, ces défis privé (Abaab, 2012). peuvent être relevés plus efficacement en associant directement le secteur privé, le secteur émergent des • Les PAMT sont généralement trop centrali- ONG qui se consacrent à l'emploi des jeunes, les sés. La marge de manœuvre est faible pour collectivités locales et les jeunes en tant que parte- une appropriation et une participation des naires. Près de 100 000 jeunes Tunisiens arrivant sur collectivités locales, des ONG concernées et le marché du travail chaque année,' la réforme des des organisations caritatives ayant une forte PAMT devient une nécessité urgente (OIT, 2013). présence locale dans les zones défavorisées et Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 81 parmi les jeunes. La centralisation de la mise couverture des PAMT et des services à la jeunesse, en oeuvre des programmes entrave l'innova- en s'appuyant sur le dialogue permanent sur les tion et l'adaptation aux diverses spécificités politiques instauré depuis 2011 entre le Gouverne- de la Tunisie. ment tunisien et divers organismes, dont la Banque mondiale. • Les activités de suivi et d'évaluation actuelles continuent d'être sporadiques, manquent de rigueur et ne sont pas suffisamment dévelop- Moderniser les services d'emploi de l'ANETI pées pour évaluer les impacts respectifs des différents programmes. L'assistance aux an- Pour assurer la couverture de tous les sous-groupes ciens bénéficiaires et le suivi après la fin de de jeunes concernés, il faudra prendre les mesures leurs activités font souvent défaut. ci-après, qui s'appuient sur les recommandations de plusieurs rapports techniques. D'autres rapports La prochaine génération de programmes en ont souligné des mesures visant à améliorer la ca- faveur de l'accès des jeunes à l'emploi devra s'ap- pacité de l'ANETI à offrir à ses bénéficiaires des puyer sur une masse accrue de connaissances. Un services d'emploi de grande qualité, notamment le programme bien conçu doit mettre l'accent sur trois conseil, la formation en compétences spécialisées et tâches fondamentales, à savoir : 1) une meilleure générales et l'intermédiation professionnelle. Ils ont compréhension des causes et des conséquences de la également recommandé de simplifier l'administra- faible insertion des jeunes sur le marché du travail ; tion et la mise en œuvre des PAMT (Robalino et al., 2) l'élaboration d'outils pour guider la concep- 2013). Les actions suivantes sont essentielles pour tion et la mise en œuvre des programmes d'emploi l'avenir : des jeunes ; et 3) l'introduction de nouvelles tech- niques d'évaluation d'impact qui mettent l'accent • Lever les contraintes réglementaires pour sur l'évaluation de la manière dont les différentes permettre au secteur privé de participer à la caractéristiques d'un programme donné, y compris prestation de services d'intermédiation pro- les interactions avec d'autres programmes, influent fessionnelle. L'importance d'inclure le secteur sur la situation des jeunes sur le marché du travail privé dans la prestation des services d'emploi, (Robalino et al., 2013). notamment l'intermédiation, est confirmée par l'adoption en 1997 de la Convention sur les agences d'emploi privées par l'Organisa- Domaines stratégiques appelant une tion internationale du travail, que la Tunisie intervention plus poussée devrait ratifier (Convention no 181 soutenue par la Recommandation no 188). En outre, le La grande stabilité politique de la Tunisie offre une Code du travail devrait être modifié pour per- occasion unique de réformer le large éventail de mettre l'entrée en activité d'agences privées programmes et de services que le pays met à la dis- d'intermédiation. position des jeunes, tout en les rendant plus inclu- sifs, rentables et responsables. Comme le montre la • Développer des partenariats entre les sec- présente analyse, la jeunesse tunisienne n'est pas un teurs public et privé et les ONG par le biais groupe homogène. Il existe plusieurs sous-groupes, de contrats de performance en vue de fournir chacun avec ses difficultés propres d'accès aux op- aux jeunes des services d'emploi qui corres- portunités économiques et sociales ; et les PAMT pondent aux exigences du marché du travail, et autres services aux jeunes devraient tenir compte tout en touchant les jeunes défavorisés dans des besoins des différents sous-groupes dans la les zones périurbaines et rurales et dans les ré- mise en œuvre de leurs activités. Les recommanda- gions de l'intérieur du pays. Ces partenariats tions suivantes visent à améliorer l'efficacité et la permettraient à l'ANETI de proposer des 82 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES formations à des compétences plus adaptées (en indiquant par exemple les activités de au marché du travail, de la formation en en- formation et les stages en entreprise ont bel trepreneuriat, des stages, des formations sur et bien lieu, quel type de jeunes en profitent le tas à des diplômés chômeurs et à d'autres et en quel nombre). Par ailleurs, les bénéfi- jeunes, à l'instar des jeunes hommes et femmes ciaires pourraient facilement réagir via des moins instruits et inactifs qui peuvent ne pas téléphones mobiles pour donner des infor- être inscrits au chômage. Dans tous les cas, mations sur la qualité et la pertinence de la l'ANETI ne devrait plus fonctionner comme formation et du stage, sur le respect du ca- un monopole pour la prestation de services lendrier des transferts monétaires aux jeunes d'emploi et d'intermédiation en Tunisie, car bénéficiaires, et sur l'impact à terme de ces cela limite sa capacité à répondre efficace- interventions sur l'employabilité des bénéfi- ment aux besoins des jeunes. ciaires. Il s'agit là de solutions à faible coût qui permettant d'accéder à l'information sur • Améliorer les services de placement et en les avancées des programmes et qui peuvent élargir la couverture par l'utilisation sys- justifier des réaffectations et/ou des coupes tématique des nouvelles technologies. Les dans les budgets des PAMT décidées sur la programmes de l'ANETI pourraient être base de données concrètes. connectés aux récentes plateformes en ligne ou mobiles d'intermédiation professionnelle et de formation tels que Ta3mel et Najja7ni Créer des services locaux intégrés adaptés aux (encadré 5.1). Pour le moment, le personnel jeunes avec leur participation de l'ANETI est limité en nombre et en capa- cités pour répondre aux divers besoins des Des services locaux intégrés de jeunes constituant jeunes à la recherche d'emploi ou pour les un guichet unique pour les jeunes Tunisiens peuvent mettre en contact avec les employeurs privés. être établis au niveau local afin de desservir en par- Les nouvelles technologies peuvent constituer ticulier les moins instruits et les NEET. Ces services un complément abordable, responsable et peuvent être fournis en s'appuyant sur les services facile d'utilisation permettant d'accroître la de l'ANETI et en les développant, et en recourant sensibilisation et le nombre de bénéficiaires aux sites existants du ministère de la Jeunesse et desservis. Par ailleurs, la Tunisie dispose de des Sports. Ils peuvent fournir aux jeunes des com- groupes très dynamiques de jeunes entrepre- pétences pour la vie courante ; des informations neurs spécialisés dans les TIC que l'ANETI pertinentes et des conseils sur les opportunités éco- pourrait recruter pour développer des solu- nomiques locales ; l'intermédiation professionnelle ; tions dans ce domaine. la formation aux technologies de l'information et de la communication ; l'accès à des activités sociales, • Développer des systèmes de suivi de pointe culturelles et sportives ; l'accès à des services de pro- grâce à des solutions en ligne et mobiles. tection juridique ; des informations sur des modes Des plateformes en ligne comme celle utili- de vie sains ; des possibilités de faire du bénévolat ; sée par le projet Idmej'l pour assurer le suivi et d'autres possibilités de mettre à profit leur temps en temps réel des résultats pourraient être libre. Ces services devraient être fournis en complé- facilement adaptées par l'ANETI et d'autres mentarité avec ceux d'autres institutions intéressées, prestataires de services pour les jeunes en vue telles que les ONG locales dirigées par des jeunes, de saisir et d'analyser les données relatives les associations caritatives, les collectivités locales à plusieurs PAMT répartis à travers le pays. et les services d'emploi afin de sensibiliser le plus La plateforme en ligne pourrait fournir des possible les jeunes, surtout les jeunes défavorisés des informations précieuses permettant de déter- zones périurbaines, rurales et à la traîne. Les expé- miner si les fonds sont dépensés correctement riences internationales les plus réussies englobent Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 83 Encadré 5.1. Plateformes en ligne Najja7ni et Tounes Ta3mal La plateforme en ligne « Tounes Ta3mal » dispose d'un centre virtuel de conseils professionnels et d'entrepreneuriat pour la jeunesse tunisienne. Cofinancée par Silatech et Microsoft, cette initiative vise à offrir aux jeunes Arabes des ressources diverses, notamment l'orientation professionnelle en ligne, l'employabilité et la formation à l'entrepreneuriat, l'expérience professionnelle et les oppor- tunités d'emploi. Lancé en octobre 2013, le site Tounes Ta3mal (« Tunis travaille ») offre un accès gratuit et sans publicité à plus de 600 cours en ligne disponibles en arabe, en anglais et en français. L'intégration avec le service mobile Najja7ni est en cours pour en élargir la portée et l'accès. Les jeunes usagers peuvent s'inscrire et travailler seuls sur la plateforme. Silatech s'attache à dé- ployer la plateforme dans le cadre de partenariats locaux avec des institutions universitaires, des ONG et d'autres organisations au service des jeunes, y compris Tounes Ta3mal, afin qu'elle consti- tue une partie intégrante de leurs programmes destinés aux jeunes. Les ressources disponibles sur la plateforme complètent et élargissent les services offerts par ces organismes afin de mieux répondre aux besoins des jeunes. Par exemple, les centres d'emploi peuvent recourir au service de placement en ligne pour aider les élèves et les étudiants à trouver des stages ou des emplois correspondants dans leur domaine. D'autres organisations se sont servies des contenus de formations en ligne (e-learning) du site Tounes Ta3mal pour créer des cours mixtes qui reposent sur le contenu de la plateforme, mais qui, en fait, sont dispensés dans une salle de classe. Najja7ni mEmploi est le premier centre d'emploi mobile de la région. Il offre un service de sou- tien à l'employabilité qui relie les jeunes n'ayant pas d'accès à l'internet à des ressources relatives à l'employabilité, à l'inclusion financière et aux possibilités d'emploi par le biais de téléphones mobiles classiques. Parmi les services gratuits offerts figurent notamment l'orientation professionnelle, les for- mations et les opportunités d'emploi, l'apprentissage de l'anglais, la formation financière, la rédaction de CV, l'estime de soi et la création d'entreprise. Des tests de connaissances, des alertes SMS et des tests de personnalité permettent à l'usager de rester au courant et informé des opportunités dans les domaines professionnels. Les jeunes peuvent également prendre contact avec des employeurs poten- tiels en affichant un mini CV sur Najja7ni emploi. Najja7ni mEmploi s'accompagne des programmes mEducation et mEnglish. Avec ces trois initia- tives, Najja7ni touche près d'un million d'usagers inscrits, bien qu'il puisse y avoir des doublons du fait d'usagers qui s'inscrivent à plus d'un service. Le service mEmploi a été relancé en janvier 2014 avec une fonctionnalité de placement ; il en est à son premier trimestre de fonctionnement et déjà près de 300 000 usagers enregistrés, dont plus de 200 000 ont recouru au module d'employabilité mLearning et 96 000 ont créé des mini-CV pour recevoir des alertes en cas d'opportunités d'emploi pour environ 2 500 postes. L'initiative est un partenariat entre Silatech, Tunisiana, Prolnvest et EduPartage, et elle bénéfi- cie d'une étroite collaboration avec des initiatives axées sur la jeunesse de la Banque mondiale, de l'ANETI et de Microsoft. L'initiative a remporté de nombreux prix internationaux, dont le Prix Stevie et le Global Telecom Business Innovation Award. a. Tunisiana est un opérateur de téléphonie mobile tunisien faisant partie du groupe Ooredoo. Source : Silatech, mai 2014. 84 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES une composante importante de la participation des la demande et fondée sur des accords avec des par- jeunes à la gestion de services locaux intégrés qui tenaires du secteur privé en vue d'offrir des stages à leur sont destinés et des partenariats structurés avec leurs clients. Les programmes de « Training Plus » se les autorités locales pour assurer leur viabilité. En sont avérés plus efficaces que les formations profes- plus des résultats positifs pour l'employabilité des sionnelles traditionnelles dispensées dans les salles jeunes, des éléments probants montrent que les ser- de classe (Cunningham et al., 2010). L'ensemble des vices locaux intégrés adaptés aux jeunes contribuent heures passées en salle de formation a un impact à une plus grande cohésion sociale et au rétablisse- plus faible sur le taux de rendement du programme ment de la confiance dans les autorités locales en que le temps passé en formation en entreprise (Lee favorisant la participation active des jeunes et la et al., 2012). Ces programmes ont réussi à augmen- collaboration transversale avec diverses institutions ter l'employabilité et les revenus des jeunes pauvres locales (Banque mondiale, 2007c). dans plusieurs pays d'Amérique latine (encadré 5.2). Il faudrait en faire un axe prioritaire en Tunisie tout en éliminant progressivement les programmes coû- Donner la priorité à des programmes de teux et moins efficaces comme les PAMT, la for- « Training Plus » inclusifs et intégrés mation professionnelle dispensée dans les salles de classe et les transferts monétaires tels que ceux du Ces programmes complets combinent avec succès programme AMAL. En intégrant et en réduisant le développement des compétences techniques et ac- nombre de PAMIT, les économies réalisées peuvent quisition d'aptitudes comportementales, stages, ser- être réaffectées à des programmes de « Training vices d'emploi et accréditation de projets. Ils mettent Plus » visant les jeunes moins instruits des zones pé- l'accent sur la formation technique correspondant à riurbaines, rurales et accusant du retard. Encadré 5.2. Jovenes : programmes de « training plus » pour les jeunes défavorisés en Amérique latine Les programmes Jovenes offrent une formation complète aux jeunes chômeurs économiquement dé- favorisés âgés de 16 à 29 ans afin d'améliorer leur capital humain et social et leur employabilité. Ce modèle axé sur la demande a été mis en oeuvre dans huit pays d'Amérique latine, adapté au contexte local et au marché du travaila. La formation technique et les stages en entreprise sont associés à une formation en compétences de base pour la vie courante et à d'autres services de soutien afin de veil- ler à l'insertion sociale et à la préparation à l'emploi des bénéficiaires. Les institutions publiques et privées retenues après des appels d'offres publics dispensent des formations et organisent des stages. Le programme cible les pauvres, plus de 60 % des participants étant issus de familles à faible revenu, dont ceux qui ont récemment abandonné l'école. Les évaluations d'impact montrent que les programmes ont augmenté la probabilité pour les béné- ficiaires de trouver un emploi après l'obtention du diplôme, particulièrement pour les jeunes femmes. En Argentine, le programme a accru la probabilité d'emploi des jeunes femmes adultes (21 ans et plus) d'environ 10 points de pourcentage par rapport au groupe témoin. Au Chili, il a augmenté la probabilité d'emploi de 21 points de pourcentage, avec des résultats très importants pour les jeunes âgés de 21 ans et moins. En Argentine, le programme a permis d'augmenter le salaire mensuel d'envi- ron 10 % par rapport à un groupe témoin, les résultats étant plus favorables pour les jeunes hommes et les femmes adultes. a. Argentine, Chili, Colombie, Panama, Paraguay, Pérou, République dominicaine et Venezuela. Source: Aedo et Nîiez 2001. Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 85 Mettre en place des programmes intégrés de du secondaire, les diplômés des cours de formation promotion de l'entrepreneuriat technique, les travailleurs informels urbains et les jeunes ruraux ayant de brillantes idées d'affaires, Les programmes intégrés de promotion de l'entre- notamment les jeunes femmes. Ces interventions preneuriat associent la formation à des compétences viendraient compléter l'axe central actuel du pro- entrepreneuriale, l'accès au capital et l'encadrement gramme de microfinance PAPPE qui profite essen- professionnel des jeunes entreprises avec des entre- tiellement aux diplômés du supérieur. preneurs établis. L'entrepreneuriat des jeunes est un autre domaine potentiel d'investissement im- Un certain nombre d'approches différentes portant en Tunisie, en particulier pour les diplômés ont permis de réussir à accroître l'efficacité des Encadré 5.3. Programmes de promotion de l'entrepreneuriat des jeunes au Pérou Le Programa de Calificación de Jôvenes Creadores de Microempresas offre une assistance et une formation aux jeunes dans l'élaboration de plans d'affaires et la création d'entreprises rentables. Ce programme est mis en œuvre par l'ONG péruvienne Colectivo Integral de Desarrollo et a été lancé en 1999 comme une initiative visant à lutter contre les importantes carences en compétences entre- preneuriales chez les jeunes peu qualifiés. Il a pour objectif d'améliorer les revenus et la qualité de vie de ses bénéficiaires. Les cibles sont les jeunes économiquement défavorisés âgés de 15 à 25 ans, qui possèdent une petite société et/ou une entreprise informelle en activité depuis moins d'un an ou qui présentent des compétences entrepreneuriales et résident dans les localités ciblées. Le programme propose différents types de services. Pendant la phase de préparation, les jeunes intéressés bénéficient d'un encadrement et d'une formation pour préparer des plans d'affaires qui seront soumis à une sélection. Après la sélection, les jeunes ou les bénéficiaires du programme retenus se voient offrir des services d'accompagnement professionnel, des formations et des stages. Les béné- ficiaires du programme peuvent également accéder à un microcrédit. Le programme affiche un coût abordable, moins de 1 000 dollars par bénéficiaire. Selon les estimations d'impact, la probabilité que les bénéficiaires créent des entreprises opéra- tionnelles a augmenté de 7,8 points de pourcentage et leurs revenus moyens ont progressé de 8 %. Ces estimations montrent également une augmentation de près de 40 points de pourcentage de la probabilité qu'une entreprise fonctionne pendant plus d'un an et une augmentation des revenus de 40 points de pourcentage. Un effet secondaire important est la création d'emplois. Les bénéficiaires emploient 17,3 % travailleurs plus de que le groupe témoin, composé de pairs intéressés mais pas inscrits au programme. Une évaluation plus approfondie et un suivi sont nécessaires pour évaluer le succès du programme sur une période plus longue, par exemple, un suivi des entreprises en activité depuis au moins deux ans. En ce qui concerne sa transposition dans d'autres localités, l'augmentation de la portée du programme pourrait en fait entraver son efficacité, étant donné que l'organisme d'exé- cution pourrait ne pas disposer de capacités suffisantes pour offrir les types de services personnalisés rendus aux jeunes et au rythme actuel. Les capacités institutionnelles de l'organisme d'exécution et/ ou des institutions concernées - qui se mesurent au personnel, aux connaissances et à la nature et la fréquence des services - est essentielle. Des services de mauvaise qualité offerts moins fréquemment réduiraient de manière considérable la probabilité de succès du programme. Source : Puerto 2007. 86 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 5.11. Matrice des interventions sur le marché du travail Barrières Politique d'Intervention Compétences de base insufficientes Orientation professionnelle aux niveaux secondaire et tertiaire, programmes de seconde chance Contraintes de Inadéquation des compétences Programmes « Formation Plus » compétences techniques relatives au Inadéquation des compétences travail de comportement Formation en compétence de comportement Compétences entrepreneuriales Formation en entrepreneuriat insuffisantes Lente économie de croissance Programmes de service public/initiatives de l'emploi communautaires dirigées par les jeunes Manque de Action positive demande de main-d'œuvre Subventions aux employeurs qui embauchent parmi Discrimination de l'employeur lsgopscbe les groupes cibles Suivi des employés Services d'emplois Contraintes Emploi adéquat Partage des informations via Internet et téléphone relatives à la mobile recherche de travail Certification des compétences Signalisation des compétences Centres de Formation accrédités Contraintes Manque d'accès au capital financier ou Programmes d'Entreprenariat Complets de démarrage social d'entreprise Microfinance Sensibilisation du genre au niveau des groupes exclus Formation non traditionnelle des compétences Contraintes sociale sur base Contraintes d'exclusion, y compris le Opportunités de formation d'emploi, de revenus pour sur l'offre genre et le lieu de naissance, etc. les femmes Ajustement de la conception du programme au besoins du groupe Source: Adapté à partir de Cunningham et al. "Active Labor Market Program for Youth : A Framework to Guide Youth Employ- ment Interventions," 2010. Compétences pour l'emploi et autres services pour les jeunes | 87 programmes d'entrepreneuriat des jeunes. Il s'agit Notes notamment :1) d'offrir de nombreux services de nota men : 1 d'ffrr denomreu serice de 1. En 2009, le MFPE a entrepris de réformer l'offre de PAMT, mentorat et de création d'entreprises aux jeunes bé- goptcMPaere s rfrmrlfredPAT mentratet d cratio d'ntrpriss ax jenesbé- en regroupant ces dispositifs sous six programmes afin d'en fa- néficiaires tout au long du cycle d'activité du projet, ciliter la gestion et le contrôle financier. Tous les programmes si possible avec la participation directe d'entrepre- d'insertion professionnelle se caractérisent essentiellement par des formations sur le tas, une petite indemnité mensuelle et le neurs établis (recrutés par le biais de chambres de subventionnement des cotisations de sécurité sociale des partic- commerce par exemple) pour encadrer les futurs ipants. Le nombre de bénéficiaires des programmes d'insertion entrepreneurs ; 2) de guider et aider les jeunes entre- professionnelle a sensiblement augmenté ces dernières années, accumuler progressivement les connais- passant de 85 889 en 2008 à 95 415 en 2009 et à 138 674 en preneurs pr ogressivemntiles co i 2010. sances pratiques et empiriques nécessaires pour 2. En 2011, l'ANETI a pu recenser 100 356 postes vacants démarrer et faire grandir une nouvelle entreprise, (stages et postes permanents), mais n'a réussi à en pourvoir que ainsi qu'à trouver des débouchés concrets vers les 46 %. Les postes vacants sont renseignés dans une base de don- filières existantes ; 3) de renforcer chez les bénéfi- nées accessible aux chercheurs d'emplois, et la plupart de ces postes sont pourvus par les candidats eux-mêmes qui postulent ciaires leur estime de soi et leur confiance en tant directement en contactant l'entreprise et en informent ensuite qu'entrepreneurs ; et iv) d'accompagner les jeunes l'ANETI. Cette dernière ne met pas systématiquement en con- entrepreneurs dans la recherche de financements tact les jeunes chômeurs inscrits avec les entreprises proposant de ostes vacants. pour soutenir leurs entreprises (Cunningham et al. des p v 3. Le décret no 2012-2369 a été promulgué le 16 octobre 2012. 4. Estimations à partir de données d'enquêtes récentes (Banque téristiques et les résultats positifs du programme mondiale 2012d ; 2012e). de qualification des jeunes micro-entrepreneurs au 5. Le Programme des travaux publics à forte intensité de Pérou, considéré comme l'une des meilleures pra- main-d'œuvre fait partie des activités du CES. tiques mondiales en matière d'entrepreneuriat des 6. Ses résultats sont communiqués à titre indicatif et ne tiennent jeunes. Bien que ces programmes aient donné des pas compte du niveau d'éducation, de la situation familiale, de l'accès aux réseaux et d'autres facteurs importants parmi les par- résultats largement positifs, il serait judicieux de les ticipants au programme. introduire de manière progressive en Tunisie pour 7. Calculs de la Banque mondiale éprouver et évaluer la meilleure formule avant leur 8. Selon l'édition 2013 de l'Enquête sur la transition de l'école mise en œuvre à une plus grande échelle. vers la vie active de l'OIT, 94 000 Tunisiens âgés de 15 à 19 ans projettent d'entrer sur le marché du travail en 2014 (OIT, 2014). À la suite de l>analyse de l>exclusion des jeunes 9. Calculs de la Banque mondiale à partir d'estimations de don- nées d'enquêtes récentes (Banque mondiale, 2012d ; 2012e). exposée précédemment, nous venons avec ce cha- 10. Idmej signifie « inclusion et coopération » en arabe. pitre de fournir un tour d>horizon des programmes 11. Basé sur Cunningham et al., 2010. et services d>emploi actuellement destinés aux jeunes Tunisiens, ainsi qu>un aperçu des bonnes pratiques internationales. Nous avons ainsi mis en évidence l'incapacité des programmes actuels à éliminer les obstacles qui concourent à l'exclusion écono- mique et au manque d'accès aux opportunités. La figure 5.11 conclut le chapitre en synthétisant les principaux types d'obstacles évoqués jusqu'ici et en proposant des types d'interventions éprouvées pour y remédier."  CAPIA La vSi à suvr une oliiquede a jenese e Ad, esisiuinsicuie I 901 SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Les jeunes en Tunisie devraient prendre leurs responsabilités et prendre la place qui leur revient à la table des discussions et ne pas attendre d'y être invités. Mohueb Garoui, cofondateur de I-Watch, « Débat autour de la jeunesse arabe et du développement », 1er avril 2014, Tunis 6.1 Bilan des acquis pour les jeunes • Participation. Malgré leur activisme dyna- depuis la révolution mique sur la Toile, la participation commu- nautaire et civique des jeunes dans le cadre Malgré d'impressionnantes avancées sociales et des institutions officielles continue d'être politiques en Tunisie, l'inclusion des jeunes Tuni- faible. siens reste une œuvre largement inachevée. La Tu- nisie devra absolument prendre en compte toutes • Exclusion sociale. Les jeunes ont le sentiment les aspirations légitimes de sa jeunesse pour entre- de ne pas être appréciés à leur juste valeur sur tenir la dynamique positive qui a été enclenchée. le plan social, et leur contribution potentielle Ce rapport présente les centres d'intérêt, les aspira- est contrariée par des structures politiques tions et les identités de la jeunesse tunisienne, et la et sociales qui n'ont pas vocation à résoudre façon dont elle vit ses frustrations économiques et leurs problèmes. Les compétences, l'informa- sociales. Le Printemps arabe a montré que si l'ex- tion et la confiance leur font souvent défaut clusion économique est un problème fondamental, pour s'opposer aux pratiques d'exclusion. elle est loin d'être la seule forme d'exclusion subie par les jeunes hommes et femmes. Les jeunes sont • Exclusion économique. Le chômage chez les l'objet d'un large éventail d'autres formes d'exclu- jeunes âgés de 15 à 29 ans a augmenté après sion politique, sociale et culturelle, qui peuvent en la révolution, le taux de chômage officiel des retour exacerber leur exclusion économique. jeunes ayant été établi à 33,2 % en 2013, selon l'édition la plus récente de l'enquête • Exclusion politique. Bien que les jeunes aient sur la transition de l'école vers la vie active joué un rôle de premier plan dans le chan- réalisée par l'OIT (ONJ, 2014). Le pour- gement de régime, ils n'ont pas pu obtenir centage de jeunes ni scolarisés, ni en emploi une place dans le gouvernement qui a été ni en formation (les « NEET » selon l'acro- formé par la suite, et ils estiment ne pas être nyme correspondant en anglais) est toutefois consultés sur les questions qui les touchent beaucoup plus élevé. Il est en effet l'un des directement. plus élevés dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord. Dans les zones rurales, • Assurance et confiance. Comme leurs pairs à 20,6 % des hommes âgés sont des NEET, travers le monde arabe, les jeunes Tunisiens contre 46,9 % des jeunes hommes, soit un ont très peu confiance enversle gouvernement ratio de 2,3. En milieu urbain, ce ratio est et d'autres institutions publiques. A la fin de de 2,6 (13,1 % des hommes âgés sont des 2012, seulement 8,8 % des jeunes interrogés NEET contre 34,6 % des jeunes hommes). en milieu rural et 31,1 % des jeunes interro- On compte pratiquement deux fois plus de gés dans les zones urbaines indiquaient avoir NEET chez les jeunes femmes que chez les confiance dans les institutions politiques, jeunes hommes, soit 60,2 % dans les zones selon les résultats de cette étude. La voie à suivre : une politique de la jeunesse et des institutions inclusives | 91 urbaines et 81,5 % dans les zones rurales. En à la vie communautaire, la mise à leur disposition outre, une grande proportion de jeunes tire d'espaces et de programmes qui leur sont adaptés, ses moyens de subsistance du secteur infor- et la promotion d'interventions sur le marché du mel, qui n'est pas source de revenus stables et travail portant sur la formation en milieu profes- ne donne pas accès à la protection sociale. sionnel et l'entrepreneuriat des jeunes (Internatio- nal Crisis Group, 2013a). De plus, l'exclusion continue d'être évidente non seulement dans la sphère politique et économique, mais aussi sur le plan social et psychologique. L'ex- 6.2 Principes directeurs du clusion influe inexorablement sur l'identité des renforcement de l'inclusion et jeunes et l'image qu'ils se font d'eux-mêmes, ce qui de la participation des jeunes en retour a un impact sur leur capacité à remplir des Une prise de décision participative dans la concep- rôles approuvés par la société. Ce rapport a dressé la tion et la mise en ouvre des politiques et des pro- cartographie persistante de l'exclusion, qui montre , grammes consacrés à la jeunesse ainsi que dans la que les jeunes des régions défavorisées de l'inte- rieur et du Sud du pays, ainsi que ceux des zones gsindsognstosd rxmt s éé madnèes fique à toutes les parties concernées et pourrait bien périurbaines, pâtissent de l'exclusion de mdémultiplier les investissements publics (Banque disproportionnée. Les jeunes femmes sont particu- lièemet vlnéabls àcerainsfrme d'xl- mondiale, 2004). L'un des principaux messages qui lièrement vulnérables a certaines formes d'exclu- sedgendecraptetqupornrtni se dégagent de ce rapport est que pour entretenir sion en raison de normes sociales qui constituent la dynamique positive qu'a retrouvée le pays, il une entrave à l'inclusion économique, sociale et po- faudra impérativement cultiver chez les jeunes Tu- litique. Ensemble, ces multiples formes d'exclusion nisiens le civisme et la participation citoyenne. Un affectent les individus et les empêchent d'apporter dialogue constructif entre les jeunes et les institu- leur contribution active à la société tunisienne. tions publiques de Tunisie, avec le concours d'une a msociété civile plus large, d'organisations politiques La mjorté ds NET t de jenes ousem- et du secteur privé, sera essentiel pour surmonter la ployés, en particulier ceux ayant un faible niveau p ,urtesrobstacle ess psnsuàml'incl d'instruction, a été laissée « sur la touche » par des jeunes. La facilitation de cette inclusion per- les principaux programmes et services destinés a met de mobiliser la nouvelle génération, considé- la jeunesse. Ces jeunes font partie de cette « autre rée comme une ressource économique et sociale qui Tunisie » évoquée au début de ce rapport par un jeuniie militant, uce qu sou ne l ce s t r u n peut contribuer directement au maintien de la stabi- jeune militant, ce qui sont séenteté lité et à la croissance économique du pays. La nou- dnciaires gand'atres sstè s d'aie suvent le b velle Constitution fournit un excellent cadre pour par des organisations confessionnelles d'aide adopter des mécanismes innovants de participation cares Por l'qi.t il esipératif daobe le et d'inclusion des jeunes, à condition que l'esprit de fossé. qutet l'écrté, lete i éate uniser. Ue son article 8 guide véritablement l'élaboration des fossé qui tient à l'écart cette « autre Tumisie ». Une pltqe tdsporme u otpirtie stratégie appropriée pour prendre en compte cette pltqe tdsporme u otpirtie . . pour les jeunes Tunisiens. Cette participation figure population particulièrement vulnérable en Tunisie consiste à encourager des partenariats entre les or- litique nationale de la jeunesse » mis en évidence . . g par le Conseil de l'Europe (encadré 6.1). Ces prin- ganisations d'aide sociale, ainsi que les collectivites cipes directeurs vont de la nécessité d'offrir une locales, avec pour but de soutenir les interventions formation aux aptitudes de la vie courante et aux de proximité qui visent à apporter des réponses aux i- compétences techniques qui complètent le système besoins multiples des jeunes. Ces interventions in- éducatif formel à la création d'organes consultatifs cluraient des services tels que des cours de rattra- représentatifs des jeunes qui contribuent aux déci- page gratuit, l'appui à la participation des jeunes sions gouvernementales. 92 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES La Tunisie étant clairement attachée à la dé- politiques et programmes pertinents. Ces politiques mocratie, elle gagnerait à mettre ses institutions et programmes englobent la refonte des politiques en phase avec les bonnes pratiques internationales relatives à l'éducation et à l'emploi, le développe- qui peuvent renforcer la participation des jeunes à ment économique local et les mécanismes inno- la conception, la mise en œuvre et l'évaluation des vants de fourniture de services aux jeunes avec leur Encadré 6.1. Les onze indicateurs d'une politique nationale de la jeunesse 1. Apprentissage non formel : Encourager l'apprentissage actif en dehors du système éducatif for- mel - par exemple, les aptitudes à la vie courante, la formation en langues étrangères et les compétences techniques - à travers des organisations non gouvernementales (ONG) ouvertes et inclusives dédiées à la jeunesse. 2. Politique de formation des jeunes : Promouvoir le développement de formateurs compétents dans le secteur de la jeunesse, un préalable à la formation d'ONG efficaces dédiées aux jeunes. 3. Législation favorable aux jeunes : Rédiger des lois qui associent les ONG de jeunesse à la formu- lation de politiques et qui assurent l'efficacité des institutions gouvernementales travaillant sur les questions de jeunesse. 4. Budget de la jeunesse : Allouer un budget de fonctionnement et des subventions à l'appui de pro- jets aux organisations de jeunesse. 5. Politique d'information des jeunes : Informer les jeunes des possibilités qui existent pour eux et assurer la communication entre toutes les parties prenantes intervenant dans la politique de jeu- nesse et la transparence dans la conduite de ladite politique. 6. Politique à plusieurs niveaux : Formuler des politiques de la jeunesse à mettre en œuvre aux niveaux national et local. 7. Recherche sur la jeunesse : Recenser régulièrement les questions clés concernant le bien-être des jeunes, les meilleures pratiques pour s'attaquer à ces questions, et le rôle potentiel des ONG de jeunesse. 8. Participation : Soutenir la participation active des organisations de jeunesse à la conception et à la mise en œuvre des politiques de jeunesse. 9. Coopération interministérielle : Mettre en œuvre les politiques de jeunesse dans une démarche intersectorielle, assurer la responsabilité conjointe des départements ministériels, éventuellement par le biais d'un organe désigné de coordination de la jeunesse. 10. Innovation : Stimuler des solutions créatives et novatrices aux problèmes des jeunes. 11. Organes consultatifs de la jeunesse : Établir des structures, à l'instar des comités consultatifs avec pour mandat d'influencer les pouvoirs publics sur les questions de jeunesse. Source : Forum européen de la jeunesse. La voie à suivre : une politique de la jeunesse et des institutions inclusives | 93 participation. Pour promouvoir une plus grande participatifs de suivi et évaluation. Comme on l'a confiance dans l'interaction avec les institutions pu- souligné dans la figure 6.1, une politique multidi- bliques, il sera essentiel de veiller à ce que les jeunes mensionnelle de la jeunesse comprendra les trois leaders soient sélectionnés à travers des processus grands axes suivants et les mesures qui vont avec transparents et démocratiques et qu'ils soient sou- respectivement : 1) participation et citoyenneté ac- mis à des limites quant au nombre de mandats et à tive; 2) accès aux opportunités économiques ; et l'âge. Un processus de sélection des interlocuteurs 3) services adaptés aux jeunes au niveau local. des jeunes piloté depuis le sommet serait à juste titre perçu comme purement symbolique et finirait par Ces trois dimensions d'une politique d'inclusion décourager une véritable participation. des jeunes, qui englobent la participation, les op- portunités économiques et les services adaptés aux jeunes, exigent un ensemble spécifique de mesures 6.3 Élaborer une politique à prendre à l'échelle nationale et surtout au niveau multidimensionnelle d'inclusion local, comme indiqué ci-dessous. des jeunes Une politique multidimensionnelle de la jeunesse Pa est nécessaire pour réduire les obstacles à l'inclu- sion des jeunes et faciliter leur contribution à la Niveau local société tunisienne. La démarche retenue pour le dé- veloppement de la jeunesse est maintenant prête à Développement communautaire impulsé par évoluer, passant des initiatives fragmentaires à un les jeunes ensemble intégré de politiques et de stratégies d'in- vestissement qui permet d'utiliser efficacement les • Programme de subventions concurrentiel ressources financières. La Tunisie se remettant d'une pour soutenir la capacité des organisations longue récession, les budgets publics continueront non gouvernementales (ONG) à intervenir d'être limités, ce qui exigera d'allouer judicieuse- ou à offrir des services aux jeunes victimes ment les ressources et de faire preuve de sélectivité. d'exclusion Pour assurer l'équité, cette exigence sera prise en compte au mieux grâce à des politiques nationales • Canaux institutionnels pour influer sur la po- de jeunesse et à toutes réformes connexes qui trans- litique locale (conseils locaux de la jeunesse, cendent les secteurs tout en ayant un point de mire par exemple) commun, à savoir l'inclusion des jeunes. Ces poli- tiques et réformes devront également compléter des • Protection juridique pour les jeunes défavori- politiques sectorielles, telles que celles de l'éduca- sés en conflit avec la loi tion, de l'emploi et du développement régional, afin de répondre aux besoins des jeunes avec plus d'ef- • Établissement de la confiance entre les jeunes, ficacité. Ces politiques devraient être reformulées les autorités locales et la police avec la participation des parties prenantes appar- tenant à la jeunesse, notamment les organes repré- • Initiatives conjointes en faveur de la jeunesse sentatifs des jeunes, en tant que partenaires dans la entre organisations confessionnelles et non prise de décision. En outre, la mise en œuvre des confessionnelles politiques devrait être soutenue par une gestion des institutions fondée sur les résultats, renforcée par Niveau national des mécanismes de coordination interinstitution- • Appui aux capacités des ONG nationales nelle étroite qui réunissent les organismes publics dirigées par des jeunes et établissement de et les jeunes autour de la table, et étayée par une coalitions collecte systématique de données et des systèmes 94 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure 6.1. Politique pluridimensionnelle pour l'inclusion des jeunes 1. Participation et Citoyenneté active • Developpement de communautés de jeunes • Conseils de jeunes pour la participation et l'expression • Droits de l'homme 2. Accès aux Opportunités économiques • Orientation pour l'emploi dans le secondaire et le supérieur • Formations aux compétences • Apprentissages/stages • Placement • Entrepreneuriat de jeunes 3. Services-jeunesse ocaux • Formation aux compétences de vie • TIC et compétences linguistiques • Hygiène de vie • Services juridiques • Mentorat par les pairs • Sports Source Banque mondiale. • Programme de subventions concurrentiel * Placement de travailleurs pour venir en aide aux associations d'étu- diants et de jeunes • Entrepreneuriat individuel et collectif tenant compte de la parité des sexes, grâce à des sub- • Organes consultatifs d'élèves et étudiants ventions à la constitution de fonds propres et au niveau de l'enseignement secondaire et à l'accès aux financements tertiaire • Apprentissages et stages adaptés aux jeunes • Voix en ce qui concerne la politique natio- moins instruits et aux NEET suivant des for- nale et les réformes (par exemple, à travers mules tenant compte de la parité des sexes les conseils nationaux de la jeunesse) Niveau national Accès aux opportunités économiques e Services d'orientation professionnelle dans Niveau local les universités à travers des partenariats entre • Services d'orientation professionnelle dans le secteur public, le secteur privé et des ONG les écoles secondaires en partenariat avec le secter prvé e desONG• Accès à l'information (par exemple, sui- vi-évaluation rigoureux, données et dialogue sur la politique de l'emploi pour les jeunes • Développement communautaire piloté par des jeunes et prenant en compte la parité des et les programmes actifs sur le marché du sexes, avec également des incitations telles travail) que de petits transferts monétaires La voie à suivre : une politique de la jeunesse et des institutions inclusives | 95 • Consultation et participation des jeunes (y * Certification des compétences compris par des voies virtuelles) au sujet de la réforme du marché du travail * Remontée de l'information depuis les bénéfi- ciaires et suivi-évaluation • Remontée de l'information depuis les bénéfi- ciaires et suivi-évaluation Si, grâce à la révolution, la jeunesse tunisienne a pu entrevoir les perspectives d'un nouvel avenir, ce- lui-ci reste à bâtir dans une large mesure. C'est une Services adaptés aux jeunes tâche qui ne peut être accomplie par les seuls jeunes, Niveau local pas plus qu'elle ne peut l'être sans eux. Ce n'est pas non plus une entreprise que l'État peut mener à bien • Services adaptés besoins des NEET et autres tout seul. De nouvelles formes de partenariat entre jeunes défavorisés, en particulier les jeunes l'État, le secteur privé, la société civile et les collec- femmes inactives, avec la participation des tivités seront nécessaires pour concevoir et exécuter jeunes (aptitudes pour la vie courante, tech- la mission qui attend la Tunisie, à savoir réformer à nologies de l'information et de la commu- la fois les systèmes politique, économique et social. nication et apprentissage en ligne, aptitudes Les jeunes doivent avoir leur place dans ce processus en entrepreneuriat et employabilité, services de renouveau, à la fois pour y participer pleinement d'aide juridique, mentorat par les pairs, acti- et pour en bénéficier. Les enjeux ne sauraient être vités culturelles, bénévolat et sport) plus importants, qui voient s'affronter, d'un côté, la possibilité d'une économie productive et équitable Niveau national et d'une société politique et civile dynamique, et, de l'autre, le risque d'une polarisation, d'une frustra- • Renforcement des capacités des ONG four- tion et d'un cynisme croissants. La Tunisie a tout à nissant des services à la jeunesse gagner d'une évolution constructive qui saura mo- biliser l'énergie, la conscience citoyenne, la bonne • Normes de qualité du contenu volonté et l'engagement des jeunes hommes et femmes auxquels ce rapport rend témoignage.  Bibliographie Abaab, Houcine. 2012. "Cartographie des institutions Assad, R., and F Roudi-Fahimi 2009 Youth in the Mid et principaux programmes de soutien i l'emploi des die East and North Africa: Demographic Opportunity jeunes, en Tunisie." Background Paper, Tunisia Youth or Challenge? 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November 28. www.tunisia-live.net/2012/11/28! hothousing-entrepreneurial-talent-picks-up-in-tunisia.  Annexes 103  Annexe 1. Source des données Cette étude s'appuie sur des enquêtes distinctes me- sélection de 12 ménages, après établissement la liste nées auprès des ménages dans les zones rurales et complète, dans chaque secteur de dénombrement urbaines de Tunisie et sur d'autres travaux de re- échantillonné. Les données ont été recueillies prin- cherche qualitative exhaustive. cipalement en mai et juin 2012, des visites répétées supplémentaires ayant été organisées plus tard dans la même année. Le travail de terrain a été soigneu- Enquête en milieu urbain sement contrôlé afin de maximiser les taux de ré- Dans le cadre de cette étude, l'Enquête auprès des ponse, qui ont été d'au moins 85 % dans chaque ménages sur la jeunesse des zones urbaines de Tuni- région. sie (THSYUA) a été menée en 2012. Cette enquête a été conçue par un groupe d'enseignants et d'étu- Cette enquête applique une combinaison par- diants tunisiens, appelé Projet Citoyen, provenant ticuere de données primitives sur les caractéris- de diverses universités de Tunisie, et notamment tiques objectiveses s ménages et des individus et l'École supérieure des sciences économiques et com- de données sur les perceptions et les aspirations, en merciales de Tunis (ESSECT). Motivée par les diffé- particulier chez les jeunes. Se fondant sur un ques- rences observées entre les diverses parties du pays, tionnaire plus large et plus détaillé que celui utilisé y compris les quartiers de la région du Grand Tunis, pour une enquête sur la population active, l'en- l'enquête avait pour but de trouver une explication quête en milieu urbain (THSYUA) permet de mieux scientifique aux inégalités urbaines, en mettant un comprendre les corrélations entre les résultats en accent particulier sur les perspectives économiques matière de travail et cherche à mieux cerner les as- pour les jeunes. Ce travail a débouché sur la col- pirations et les perceptions associées à l'emploi et laboration entre l'Institut national de la statistique les difficultés rencontrées par les jeunes Tunisiens (INS) de Tunisie, le Commissariat général au déve- pour accéder aux opportunités économiques et aux loppement régional et à l'aménagement du terri- services de base. Une particularité de cette enquête toire, et la Banque mondiale. L'INS a fourni la base tient au fait que des modules spécifiques ont été en- d'échantillonnage, le Commissariat, en tant que voyés à toutes les personnes âgées de 15 ans et plus principal interlocuteur gouvernemental, a donné dans chaque ménage échantillonné. Contrairement des orientations quant à la portée et la cible urbaine à une enquête type sur la population active qui ne de l'enquête, et la Banque mondiale a apporté un recueille que des informations vraiment essentielles appui technique et financier. sur l'emploi, cette enquête a permis de recueillir des aspects détaillés de la recherche d'emploi, du chô- Cette enquête a été conçue de sorte à représen- mage, des conditions de travail et de la satisfaction ter les sept régions de la Tunisie, le Grand Tunis professionnelle. En outre, un module a été admi- comptant comme une région distincte du nord- nistré aux membres du ménage âgés de 15 à 29 ans est. L'enquête a porté sur 4 214 ménages urbains. afin de recueillir des informations sur leur attitude L'échantillonnage s'est fait en deux étapes. La pre- à l'égard de l'État et de l'économie ainsi que sur mière concernait la sélection des 352 secteurs de leur participation à des programmes de formation dénombrement, avec le recensement général de la professionnelle et à d'autres programmes visant à population et de l'habitat réalisé en 2004 comme multiplier les perspectives d'emploi (Banque mon- base d'échantillonnage. La deuxième concernait la diale 2013b). 105 106 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Enquête en milieu rural Chaque secteur de dénombrement comprend envi- ron 100 à 120 ménages. Au total, 70 secteurs de Partant des données recueillies dans les zones ur- dénombrement ont été retenus de façon aléatoire baines, une deuxième enquête a été menée en 2012 - 29 dans les régions d'enquête situées le long de dans les zones rurales. L'Enquête auprès des mé- la côte, 10 dans celles du sud, et 31 dans celles de nages sur la jeunesse des zones rurales de Tunisie l'hinterland. La répartition relative entre les régions (THSYRA) portait sur un échantillon de 1 400 mé- d'enquête correspond à leurs proportions respec- nages retenus sur l'ensemble de la Tunisie rurale telle tives de la population des jeunes. Dans chacun de que la définit l'INS. Aux fins de l'échantillonnage, ces 70 secteurs de dénombrement, 20 ménages ont les gouvernorats ont été regroupés en trois régions été sélectionnés de façon aléatoire, ce qui a donné d'enquête. Les données sont représentatives du ni- un échantillon de 1 400 ménages au total. veau de ces régions d'enquête, qui correspondent en grande partie à des zones rurales distinctes d'un L'échantillonnage aléatoire de l'unité primaire point de vue socioéconomique et géographique. La d'échantillonnage (UPE) a été réalisé par des ex- première région d'enquête couvrait la côte et in- perts de l'INS, qui étaient également responsables cluait les gouvernorats côtiers du nord et de l'est de la base d'échantillonnage de l'enquête en milieu du pays. La deuxième région d'enquête couvrait le urbain (THSYUA). La sélection de 20 ménages sud et incluait les gouvernorats du sud. La troisième dans chaque UPE obéit à une procédure systéma- région d'enquête couvrait l'hinterland rural et in- tique et clairement définie. Une méthode de marche cluait les zones reculées du centre et de l'ouest de la aléatoire a été appliquée pour chacune des UPE de Tunisie, y compris la frontière avec l'Algérie. L'en- l'échantillon, comprenant deux points de départ quête a été menée en décembre 2012 et a coïncidé distincts situés à des extrémités opposées de l'axe avec une partie du processus de collecte de données est-ouest de chaque IPE, avec déplacement vers le de l'enquête en milieu urbain. Les différences de sai- centre de population de l'UPE pour pouvoir balayer sons peuvent être à l'origine de différences systéma- entièrement aussi bien les ménages situés au centre tiques sur l'emploi, qui tend à être plus faible dans que ceux qui en sont éloignés. les zones rurales pendant l'hiver, mais elles n'ont probablement pas influé sur d'autres résultats. Les données de l'enquête en milieu rural et celles de Comparaison d'enquêtes l'enquête en milieu urbain n'ont pas été mises en- semble pour une analyse quelconque. Les enquêtes sur la transition des jeunes vers la vie active de l'Organisation internationale du travail L'échantillon pour l'enquête en milieu rural (OIT) et les enquêtes sur la jeunesse de la Banque provenait du tout dernier recensement général de mondiale (THSYUA et THSYRA) se fondent sur la la population et de l'habitat réalisé en 2004, qui a même base d'échantillonnage officielle fournie par été mis à disposition par l'INS. C'est également de l'Institut national de la statistique. En principe, les ce recensement que provient la base d'échantillon- résultats de ces enquêtes devraient être très simi- nage pour l'enquête correspondante sur la jeunesse laires. Les principales différences entre ces enquêtes des zones urbaines et périurbaines. La proportion- sont la taille de l'échantillon (celui des enquêtes de nalité des emplacements possibles pour déterminer l'OIT est plus grand) et la période de réalisation de le nombre de ménages ruraux a été utilisée afin de l'enquête (l'enquête de l'OIT a eu lieu en 2013 alors garantir la représentativité. Parce que la recherche que les enquêtes sur la jeunesse de la Banque mon- portait globalement sur la jeunesse, le plan d'échan- diale ont été réalisées vers fin 2012). Globalement, tillonnage assure la représentativité de la population les estimations du taux chômage des jeunes et du des jeunes, qui s'entend de la tranche d'âge de 15 à nombre de NEET basées sur les données de l'OIT 29 ans. La proportionnalité par rapport à la taille sont supérieures à celles de la Banque mondiale de la population des jeunes se fonde sur la subdivi- d'environ 5 à 8 points de pourcentage. Lorsque sion de la Tunisie en secteurs de dénombrement1. l'on tient compte des périodes de réalisation des Annexe 1. Source des données | 107 enquêtes, qui sont différentes, et des échantillons, composer les groupes suivants : ceux qui ont aban- les écarts se situent dans une fourchette de variation donné les études scolaires, ceux qui ont un niveau raisonnable. d'instruction du secondaire, ceux qui vont à l'école, les jeunes ayant suivi une formation professionnelle, Dans une publication distincte de l'Observatoire les diplômés au chômage, les jeunes travaillant dans national de l'emploi et des qualifications, qui s'ap- le secteur informel, les micro-entrepreneurs, les puie sur l'édition 2013 de l'enquête sur la transition jeunes salariés et les jeunes entrepreneurs. Les pa- de l'école vers la vie active réalisée par l'OIT, des ramètres des entretiens couvraient l'éducation, la estimations sont présentées pour les « jeunes chô- réforme et la qualité de l'enseignement, l'expérience meurs, non scolarisés ou sans formation » (OIT du chômage et de l'emploi, et la situation du pays 2014). Cette définition s'apparente quelque peu à depuis la révolution. la notion de NEET utilisée dans la présente étude, mais elle diffère sur un aspect important. La notion L'utilisation des relations personnelles, des insti- de NEET englobe tous les jeunes au chômage et tous tutions sociales et des réseaux professionnels pour les jeunes qui sont découragés et ne recherchent pas identifier et recruter des répondants a donné lieu à activement du travail. La définition de NEET est un biais qui a été favorable aux hommes et à une plus large et prend en compte tous les jeunes. Parce plus grande proportion de répondants de la tranche qu'une grande partie de la jeunesse tunisienne est d'âge supérieure, dont plusieurs âgés de plus de 29 découragée et ne recherche pas activement un em- ans. Les chercheurs craignaient que le fait d'exclure ploi, ces jeunes ne sont pas officiellement reconnus les diplômés chômeurs âgés de plus de 29 ans les comme des « chômeurs ». Le terme NEET a un sens éloigne de leurs pairs plus jeunes et, ce faisant, per- plus large et prend en compte tous les jeunes chô- turberait la cohésion entre des jeunes tunisiens vi- meurs et tous les jeunes découragés, à l'exception vant dans les mêmes villes ou les mêmes quartiers. de ceux qui vont à l'école ou suivent une forma- tion. En fait, la notion de NEET est utilisée plutôt Faisaient office de facilitateur et de rapporteur que celle de chômage principalement pour mettre respectivement, un consultant universitaire et un en évidence des segments importants de la popula- groupe de discussion conduit par des étudiants ont tion jeune qui sont tenus en marge des possibilités mené les débats en français suivant des guides et économiques. En raison de la définition étroite de des procédures qui avaient été élaborés et éprou- la notion de chômage, les estimations des NEET vés par la Banque mondiale en collaboration avec parmi la jeunesse tunisienne présentées ici corres- des consultants et l'Observatoire national de la jeu- pondent pratiquement au double des chiffres pré- nesse. Les chercheurs ont obtenu l'autorisation de sentés pour les « jeunes chômeurs, sans éducation chacun des participants des groupes de discussion ou sans formation » (OIT 2014). pour enregistrer les sessions sur bande audio. Pen- dant les discussions de groupe, les participants ont Recherche qualitative été invités à participer à des entretiens individuels. Ceux qui en ont exprimé le souhait ont communi- Les chercheurs ont organisé 21 groupes de dis- qué leur nom et leurs coordonnées au facilitateur. cussion composés de 8 à 12 participants chacun, et mené 35 entretiens individuels. Au total, la re- Sur la base des critères de sélection - principa- cherche qualitative a porté sur 199 jeunes provenant lement l'évaluation par le consultant de la participa- des sept régions du pays : Tunis (NE), Zaghouan tion active et du comportement du participant dans (NE), Mahdia (CE), Jendouba (NO), Sidi Bouzid son groupe de discussion - le facilitateur choisissait (CO), Gasfa (SO) et Médenine (SE). Pour obtenir un participant parmi ceux qui s'étaient initialement un échantillon représentatif, les chercheurs ont pris portés volontaires pour participer aux entretiens en compte le sexe, la résidence (rurale ou urbaine) individuels. Le facilitateur a ensuite cherché à obte- et d'autres caractéristiques des participants afin de nir des informations détaillées supplémentaires du 108 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES participant en utilisant un guide pour les entretiens - plus précisément le style d'édition de l'analyse, semi-directifs élaboré par la Banque mondiale en en utilisant la transcription intégrale des discus- collaboration avec des consultants et l'Observatoire sions de groupe et des entretiens individuels (Glaser national de la jeunesse. Les consultants ont égale- et Strauss 1967). Dans ce processus, en utilisant un ment mené des entretiens avec des prestataires de formulaire structuré, le chercheur lisait attentive- services individuels travaillant pour des institutions ment les réponses pour en identifier les mots clés, publiques ou des ONG et d'autres prestataires four- les utilisait pour établir des catégories de réponses nissant des services aux jeunes dans les 14 commu- à chaque question, et utilisait ensuite ces catégories nautés incluses dans l'échantillon. Comme pour la pour échafauder des thèmes d'un élément d'interro- sélection des participants des groupes de discussion, gation à l'autre. Ce processus se veut hiérarchique, pour les entretiens individuels, les facilitateurs ont les mots clés étant la base et les thèmes le niveau le utilisé des critères qui ont été établis par l'Observa- plus élevé de regroupement des réponses. L'analyse toire national de la jeunesse en collaboration avec a également été effectuée de manière indépendante la Banque mondiale. Tous les entretiens ont été en- par des conseillers de la Banque mondiale pour as- registrés sur bande audio avec la permission de la surer le contrôle de la qualité, une pratique courante personne interrogée. dans la recherche qualitative. Les consultants ont eu recours au logiciel NUDIST TMpour l'analyse. Qu'il s'agisse des discussions de groupe ou des entretiens individuels, les enregistrements audio ont été transcrits et les consultants locaux, avec l'ap- Note pui des étudiants, ont analysé les données en ap- 1. Enumeration areas are also referred to as District de Recense- pliquant la théorisation ancrée de Glaser et Strauss ment by INS. Annexe 2. Participation, voix et citoyenneté active de la jeunesse Figure A2.1. Confiance des NEET dans Figure A2.2. Confiance des NEET dans les institutions publiques et les institutions publiques et religieuses (zones urbaines) religieuses (zones rurales) Ba ne Banque Universités 10 o ONG Universités 1 o ONG Écoles o Pays Écoles Pays 4 o Organisation o Famille Organisation 0 Famille religieuse religieuse Press Imam Press Imam Polit Justice Politics Justice Police Militaire - Travaux urbain Police Militaire - Travaux rural - NEET rural - NEET urbain Source : Banque mondiale 2012e. Source : Banque mondiale 2012d. Note : Ce graphique comprend tous les jeunes entre 15-29 qui Note : 'encadré comprend tous les jeunes entre 15-29 qui ne ne sont ni scolarisés ni en formation. sont ni scolarisés ni en formation. Figure A2.3. Importance des organisations Figure A2.4. Confiance dans les organisations communautaires pour le communautaires : comparaison développement local, Tunisie entre zones rurales et zones rurale urbaines 94- 70- 92 92,0 60,7 63,6 92- 60- 90- 50- M Homme 4 39,9 40,7 a Homme 0 8 Femme u 4 Femme 86- 852 30- o o 84- 20- 82- 10- 80O Rural Rural Urbain Source: Banque mondiale 2012d. Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique comprend tous les jeunes entre 15-29 ans. Note : Ce graphique fait référence à tous les jeunes. Les données ne sont disponibles que pour les zones rurales. 109 110 I SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure A2.5. Répartition du bénévolat Figure A2.6. Participation des jeunes aux par sexe (Tunisie rurale) élections 54- 2.5- 53 52.9 2.12 M Maie 2.0- M Female 52- 51.5 1.5 150 Overall 51 1.0 - .89 mO50- Male 49 -48.4 Female 0.5 - 4 S48 - 0 47- Volunteering 46- 45- Source : Banque mondiale 2012e. 45 Note Ce graphique fait référence à tous les jeunes. Rural Urban Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique inclut tous les jeunes entre 15-29 ans. Figure A2.7. Participation active à la vie politique 90- 82.0 80- 70- 60- E 50- 0 40- 30- 20- 11.0 10- 1.6 0 Political party Intention to No preferred member join political party political party Source : L'enquête Agora de 2013, ONJ Tunisie. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes ruraux âgés entre 15-29 ans. Annexe 3. Inactivité et chômage des jeunes Figure A3.1. Niveau d'études le plus Figure A3.2. Niveau d'études le plus élevé élevé chez les NEET, chez les NEET, par sexe par sexe (15-29 ans) (15-29 ans), désagrégé 100 -0 100- M 80-14,8 14,8 l 80 80- 16. M Professionnel a Professionnel 21,9 Universitaire 60- l Universitaire 60- 24,9 a Secondaire u M Secondaire MCollège 40- l Sous secondaire 0 40- M Primaire a Sous Primaire 20- 20- Rural Rural Urban Urban Rural Rural Urban Urban homme femme homme femme homme femme homme femme Source: Banque mondiale 2012d; 2012e. Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence à tous les NEETs âgé entre Note : Ce graphique fait référence à tous les NEET ges de 30-59 ans. 30-59 ans. Figure A3.3. NEET par région Figure A3.4. Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par sexe 60- (15-29 ans), désagrégé 50 - 47¯ 40 - 37,3 42,4 35,9100- 30- 80- 19,4 a Professionnel 6 *Rural n7,g 23,7 Uiversitaire 20- Urbain § 60- q Secondaire 1 -Collège O 40 - M Primaire a En deça du primaire Côte Intérieur Sud 20- Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. 0,, Note : Ce graphique fait référence à tous les NEET. Rural Rural Urbain Urbain homme femme homme femme Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence à tous les NEET âgés de 15-29 ans. 111 112 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure A3.5. Niveau d'études le plus élevé chez les NEET, par région (15-29 ans) a. Rural b. Urbain 1 0 0 - 1 0 0 - 2 80- a Professionnel 80- 23, 28, a Professionnel 27 23 9 * Universitaire w Universitaire 60- a Secondaire É 60 - Secondaire *Collège 21,7 Collège ci40 - Primaire o 40- 271 Primaire a En deça du primaire a En deça du primaire 20- 20- 0 ,o Côte intérieur Sud Côte Intérieur Sud Source Banque mondiale 2012d 2012e. Note: Figure refers to all NEETs. Figure A3.6. NEET inscrits au chômage, par région a. Rural b. Urbain 80- 80- 70- 70- 63,1 60,1 66,2 60- 60- 52,1 50- M Homme > 50 - 40,0 M Homme 40- M Femme 40- 0 Femme 30- 30- 20- 14,1 14,9 14,1 20- 10 1 72 10,6 10- 10- Côte Intérieur Sud Côte Intérieur Sud Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note: Ce graphique se réfère à tous les NEETs. Annexe 3. Inactivité et chômage des jeunes | 113 Tableau A3.1. Modèle probit de déscolarisation précoce Female -0,3551*** -0,3685* -0,4262*** -0,2608*** -0,2459*** -0,2617*** (0,0669) (0,0695) (0,0725) (0,0511) (0,0516) (0,0524) Primary Completed* -0,5171** -0,2838** -0,2079*** -0,0531 (0,1249) (0,1251) (0,0585) (0,0608) Secondary Completed* -1,2092*** -0,8645*** -0,4319*** -0,1559 (0,1519) (0,1569) (0,1060) (0,1090) Tertiary Completed* -1,3352*** -0,8738*** -0,9332*** -0,7071*** (0,1456) (0,1508) (0,0999) (0,1038) Vocational Training Completed* -0,7510*** -0,4287** -0,5310*** -0,3689* (0,1931) (0,1938) (0,1977) (0,1994) 2nd Wealth Quintile -0,1460 -0,1339 (0,1301) (0,0871) 3rd Wealth Quintile -0,4249*** -0,4382*** (0,1251) (0,0877) 4th Wealth Quintile -0,6567*** -0,5604*** (0,1289) (0,0909) 5th Wealth Quintile (Richest) -1,3011*** -0,8949*** (0,1298) (0,0934) Interior 0,0208 -0,0902 -0,2921*** -0,1651** -0,1490** -0,3616*** (0,0799) (0,0843) (0,0930) (0,0561) (0,0570) (0,0618) South 0,0842 -0,0215 -0,0650 -0,0656 -0,0292 -0,1356* (0,0770) (0,0828) (0,0851) (0,0748) (0,0757) (0,0778) Observations 1.934 1.934 1.934 2.758 2.758 2.758 Pseudo R-squared 0,0217 0,0958 0,1720 0,0142 0,0431 0,0774 Les erreurs de type Robutes sont entre parenthèses. pHeckman) Femelle -0,3074*** -0,2862** -0,2638*** 0,1893*** 0,1819*** 0,1558** (0,0745) (0,0801) (0,0816) (0,0680) (0,0666) (0,0627) Ecole Primaire Achevée 0,2002 0,1473 0,0272 0,0163 (0,1466) (0,1454) (0,0703) (0,0683) Ecole Secondaire Achevée 0,3918* 0,3056 0,3776:* 0,3106*** (0,1862) (0,1887) (0,0946) (0,0922) Troisième Cycle Achevé 0,6684*** 0,5094*** 0,1991 0,0409 (0,1592) (0,1603) (0,2590) (0,2411) Formation Professionnelle Achevée 0,4629*** 0,3396* 0,1156 0,0383 (0,1604) (0,1624) (0,1267) (0,1234) 2nd Quintile de Richesse -0,0646 -0,0688 (0,0902) (0,0740) 3rd Quintile de Richesse 0,0369 0,0135 (0,0853) (0,0723) 4th Quintile de Richesse 0,1821** 0,0529 (0,0898) (0,0771) 5th Quintile de Richesse (le plus riche) 0,2645-* 0,3193*** (0,0974) (0,0895) Intérieur -0,4678*** -0,4295** -0,3651*** 0,0912 0,0766 0,1365** (0,0904) (0,0852) (0,0871) (0,0576) (0,0575) (0,0590) Sud -0,4780**' -0,3992*** -0,3826*** 0,0264 0,0299 0,0423 (0,0895) (0,0920) (0,0930) (0,0861) (0,0863) (0,0814) Observations 1.570 1.570 1.570 2.420 2.420 2.420 Les erreurs de type Robutes sont entre parenthèses. * p°-- Programme 0% Poram 400 régional CES C réona CES SCV TravauxTravaux publcs SIVP publics SIVP - Côte urbain - Rural homme - Intérieur urbain - Urbain homme Autres CAIP Sud urbain Autres CAIP - Rural femme programme - Côte rural programme - Urbain femme emploi - Intérieur rural emploi - Sud rural Source: Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. Figure A5.2. Participation aux Programmes actifs du marché du travail, par région 18- 16- a Côte urbain 14 - a Intérieur urbain a Sud urbain 12- a Côte rural a Intérieur rural u10- M Sud rural 8- 6- 4- 2- AMAL SCV SIVP CAIP Autres Travaux Programme programme publics régional emploi CES Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. 125 126 | SURMONTER LES OBSTACLES À L'INCLUSION DES JEUNES Figure A5.3. Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par région Programme petites enterprises (PAPPE) 70% Micro-crédit, 3 autre FONAPRA Coast urban Interior urban South urban - Coast rural - Interior rural Micro-crédit, FNS - South rural BTS Source Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. Figure A5.4. Connaissance des programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par type de NEET et par sexe a. NEET b. Genre Programme petites Programme petites enterprises enterprises (PAPPE) (PAPPE) 80°À 60°/A 60°/ Micro-crédit, 40/ 4icro-crédit, autre FONAPRA autre FONAPRA 0/0 Non-NEET rural - Non-NEET urbain - Rural homme NEET rural - Urbain homme - NEET urbain - Rural femme Micro-crédit, FNS Micro-crédit, FNS - Urbain femme BTS BTS Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. Annexe 5. Compétences pour l'emploi et autres services pour jeunes | 127 Figure A5.5. Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par région 9 - Côte urbain a Côte rural 8 M Intérieur urbain M Intérieur rural 7 m Sud urbain a Sud rural 6- 2- Programme FONAPRA FNS Micro-crédit, Micro-crédit, petites BTS autre enterprises (PAPPE) Source : Banque mondiale 2012d; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. Figure A5.6. Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par type de NEET 8- 7- a Non-NEET rural M NEET rural a Non-NEET urbain a NEET urbain 6- S5 - 3- 2- Programme FONAPRA FNS Micro-crédit, Micro-crédit, petites BTS autre enterprises (PAPPE) Source: Banque mondiale 2012d; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes. Figure A5.7. Participation aux programmes de soutien à l'entrepreneuriat, par niveau de pauvreté 7- 6 Non-pauvres rural a Pauvres rural 6 - nNon-pauvres urbain a Pauvres urbain 5 - S4 - 2- 0- L L I . LL 1 . 1 Programme FONAPRA FNS Micro-crédit, Micro-crédit, petites BTS autre enterprises (PAPPE) Source : Banque mondiale 2012d ; 2012e. Note : Ce graphique fait référence aux jeunes    rn CENTER for u.iUU nitD cJI xI MEDITERRANEAN WORLD BANKGROUP INTEGRATION S Ob,! N,tio..Id.L, Je- L